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Congrès national de Belgique
Séance du mardi 25 janvier 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)

(page 257) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)

Avant l'ouverture de la séance, des groupes nombreux se forment dans l'enceinte ; les conversations particulières y sont fort animées. - Les tribunes sont encombrées de spectateurs. (E., 27 janv.)

Lecture du procès-verbal

La séance est ouverte à midi et demi. (P. V.)

M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; il est adopté après une observation de M. Destouvelles, qui signale une omission relative à un amendement qu'il avait proposé. (U. B., 27 janv.)

Pièces adressées au Congrès

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes :

Quatorze habitants d'Anvers demandent l'élection du duc de Leuchtenberg.


Un grand nombre d'habitants de Bruxelles, dont les signatures sont apposées sur cinq pétitions différentes, demandent l'élection du duc de Leuchtenberg.


Un grand nombre d'habitants de Gand prient le congrès de proclamer roi le duc de Leuchtenberg.


Cent vingt et un habitants de Nivelles demandent l'élection du duc de Leuchtenberg.


M. Malerme demande d'être exempté de faire partie du premier ban de la garde civique.


Trois huissiers d'Audenarde demandent qu'on leur assigne le moyen de se faire payer une somme qui leur est due.


Plusieurs gardes civiques d'Ath demandent que les ouvriers de la ville, obligés de faire un servie actif très pénible, soient indemnisés de la perte de leur journée.


MM. Charles et Léonard Midavaine réellement la restitution de sommes qu'on leur a indûment fait payer sur le canal d'Antoing.


M. Corsemt expose que, malgré l'abrogation légale des leges, le droit est encore perçu dans tous les bureaux d'entrée et de sortie de la Belgique.


M. Bonnefoi, sous-lieutenant à Avignon, demande à combattre comme volontaire et à ses frais pour la cause belge. (J. F., 27 janv. et P. V.)

M. le président – Libre à lui de venir. (On rit.) (U. B., 27 janv.)


M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, continuant :

Vingt-six habitants de Tournay et un très grand nombre d'habitants de Namur demandent l'élection du duc de Leuchtenberg.


Trois cents habitants de Tournay, par quatre pétitions différentes, demandent que la couronne belge soit placée sur la tête d'Auguste Beauharnais.


Sept cent soixante quatorze habitants de Bruges prient le congrès de choisir pour roi le duc de Leuchtenberg. (J. F., 27 janv. et P. V.)


- Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)


M. de Mat fait hommage au congrès de l'Autorité judiciaire, par le président Henrion de Pansey.

- Dépôt à la bibliothèque. (P. V.)


M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de M. Camille de Smet, annonçant qu'une indisposition l'empêche de se rendre aux séances du congrès. (U. B., 27 janv.)

- Pris pour notification. (P. V.)


Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Gand

Le même secrétaire donne ensuite lecture d'une lettre de M. le baron Dellafaille d'Huysse, qui fait connaître l'impossibilité où il se trouve d'accepter les fonctions de député auxquelles il était appelé par la démission de M. de Ryckere. (U. B., 27 janv. et P. V.)

- Pris pour notification. (P. V.)


M. Henri de Brouckere, au nom de la (page 258) commission chargée de la vérification des pouvoirs, des députés et suppléants élus par la province de la Flandre orientale, propose l'admission de M. Hippolyte Rooman, second suppléant de l'arrondissement de Gand, en remplacement de M. le baron Dellafaille d'Huysse, démissionnaire. (U. B., 27 janv. et P. V.)

- Ces conclusions sont adoptées. (P. V.)

Motion d'ordre

M. François Lehon demande qu'un jour soit fixé avant le 28, pour entendre le rapport d'un grand nombre de pétitions relatives au choix du souverain. (U. B., 27 janv.)

- Le congrès décide qu'il entendra ce rapport jeudi, 27 janvier. (P. V.)

Proposition ayant pour objet d’appeler au trône de la Belgique le duc de Nemours

M. Henri de Brouckere, secrétaire – Voici une proposition qui a été déposée sur le bureau :

« Les soussignés ont l'honneur de proposer au congrès national d'élire le duc de Nemours roi des Belges. .

« Fait à Bruxelles le 24 janvier 1831. »

Cette proposition est signée par MM. :

Le baron SURLET DE CHOKIER, le baron DE LEUZE, DE GERLACHE, BARTHÉLEMY, FLEUSSU, LARDINOIS, JULES FRISON, JEAN-BAPTISTE GENDEBIEN, HENRY, BLARGNIES, THONUS , le baron DE WOELMONT, DE SELYS LONGCHAMPS, CHARLES DE BROUCKERE, DELW ARDE, ALEXANDRE GENDEBIEN, SERON, WATLET, DAVID, DAMS, DAVIGNON, DE LABEVILLE, BREDART, DE THIER, GOFFINT, MEEUS, le baron DE TERBECQ, PIRMEZ, GEUDENS, DE ROBAULX, le baron DE SÉCUS (père), FRANÇOIS LEHON, le comte DE QUARRÉ, D'MARTIGNY, MARLET, le baron D'HUART, HUYSMAN D'ANNECROIX, le baron DE COPPIN, DE NEF, le comte FÉLIX DE MÉRODE, le baron DE PÉLICHY VAN HUERNE, SURMONT DE VOLSBERGHE, CLAUS, GENDEBIEN (père), LE BON, COLLET, le comte WERNER DE MÉRODE, VAN INNIS, ROESER, PIRSON, l'abbé CORTEN, PEETERS. (U. B., 27 janv. et A. C,)

M. le président – La proposition est-elle appuyée ? (Hilarité. Oui, oui.)

Développements

La parole est à M. Barthélemy pour la développer. (C., et U. B., 27 janv.)

M. Barthélemy – Messieurs, la proposition que nous avons l'honneur de vous soumettre, d'appeler le duc de Nemours au trône de la Belgique, est provoquée par des vœux légitimes et par la nécessité des circonstances dans lesquelles nous sommes placés.

En effet, messieurs, on insiste pour le choix du duc de Leuchtenberg, malgré la répugnance que la France aurait à le reconnaître ; on nous place ainsi vis-à-vis de notre seul allié, dans un état d'hostilité et d'ingratitude ; on amène sur notre terrain le futur champ de bataille ; on renonce à tous les avantages que la France peut nous procurer, et l'on sacrifie nos intérêts moraux et matériels à la vaine idée d'avoir un chef de notre choix, un chef sans appui, obligé, s'il veut en trouver un quelque part, de se jeter dans les bras des ennemis de nos institutions.

Dans cette position, messieurs, nous avons pensé qu'il valait mieux nous exposer au reproche de solliciter la bonté paternelle du monarque français, qu'à celui d'avoir oublié toutes les convenances, persuadés comme nous le sommes, que les sentiments de l'honneur et des intérêts nationaux, réveillés par notre démarche, y rattacheront tous les vœux.

Nous ne nous dissimulons pas, messieurs, l'objection qui pourra nous être faite du refus possible d'une acceptation ; nous l'abordons franchement ; ce refus, déjà annoncé il y a un mois, est-il de sa nature absolu, perpétuel ? Non, messieurs ; il est purement relatif ; nous osons même dire qu'il n'a pas une base réelle.

En effet, les motifs d'un refus probable, quels sont-ils ? La crainte d'une accusation de vues ambitieuses, la crainte de provoquer une guerre générale comme une suite de la manifestation de ces vues.

Eh ! messieurs, comment accuserait-on la France d'ambition après tout ce qu'elle a fait pour écarter notre proposition ? si nous la fatiguons par la répétition de nos vœux, c'est dans notre intérêt sans doute, et nullement pour servir d'instrument à son ambition.

Si elle cède, c'est pour nous donner la paix, et faire cesser l'une des causes qui pourraient servir de prétexte à troubler celle de l'Europe.

Nous disons prétexte, car la vocation d'un prince cadet de la maison de France au trône de la Belgique, ne pourra jamais être regardée par aucun publiciste, comme étant de nature à occasionner la moindre perturbation dans l'équilibre des puissances.

C'est l'état actuel qui est une cause de perturbation, parce qu'il y a eu abus de la victoire en 1814, et là où il y a eu action trop violente, il y a cause perpétuelle de réaction.

(page 259) La possession de la Belgique par un prince de la maison de France, est-elle quelque chose de si extraordinaire, qu'elle soit de nature à alarmer ? La maison de Bourgogne, branche cadette de la maison de France, n'a-t-elle pas possédé longtemps la Belgique, sans amener d'autres troubles, d'autres divisions que dans la France elle-même ?

S'il s'agissait, comme au siècle de Louis XIV, de réunir dans une même famille, les deux plus puissantes monarchies du temps, on concevrait les alarmes de l'Europe ; mais encore qu'est-il arrivé à la suite de la guerre qui eut lieu pour la succession au trône d'Espagne ? que la maison de Bourbon est restée en possession des deux monarchies, malgré les désastres essuyés par Louis XIV. Et qu'arrive-t-il aujourd'hui ? les deux maisons de France et d'Espagne sont dans un état voisin d'hostilité. Ensuite, les grandes puissances de l'Europe peuvent-elles décemment refuser à la France ce qu'elles ont établi pour elles-mêmes ? la Russie n'a-t-elle pas la Prusse dans sa clientèle, l'Autriche n' a-t-elle pas dans son alliance une foule de princes en Italie, jusqu'aux frontières de France ?

La crainte de voir renaître un Bonaparte est-elle une cause juste et légitime pour opprimer éternellement la France, et la déclarer en hostilité avec l'Europe chaque fois qu'elle contractera une alliance avec un État voisin, une alliance purement fondée sur la communauté de leurs intérêts matériels et moraux ?

Non, messieurs, la possession de la Belgique par un prince allié à la France, n'est pas une cause réelle d'alarmes ni de troubles en Europe ; cela pourrait être un prétexte pour dissimuler une autre cause de guerre, qu'on n'oserait pas avouer, mais que la France et la Belgique ne pourraient pas se dissimuler, et qui devrait par cela même les porter à s'unir étroitement, pour vaincre ou périr ensemble avec honneur.

Vous voyez donc, messieurs, que le refus annoncé n'est provoqué que par la circonstance du désir louable de conserver la paix à la France et à la Belgique ; mais si la France ne peut conserver la paix qu'à la condition de n'avoir aucune alliance avec ses voisins, son roi et la nation française tout entière se trouvent obligés de se révolter contre un joug aussi humiliant.

Votre détermination et celle de la France ne feront que hâter un peu plus tôt le développement de ce qu'on a pu méditer contre les deux nations.

Il me reste maintenant à parler de l'intérêt particulier de l'Angleterre, que nous n'avons point l'intention d'offenser ; sans doute l'Angleterre a craint longtemps que la possession du port d'Anvers, entre les mains de ses ennemis, ne devînt fatale à son repos, par la facilité d'y construire des flottes militaires ; eh ! pourquoi la Belgique ne déclarerait-elle pas solennellement que ce port ne sera jamais destiné à cet usage ? ce ne sera pas un sacrifice ; et sans doute il n'y aurait pas à hésiter à cet égard, si c'en était un. L'Angleterre, la France et la Belgique doivent, dans les circonstances où elles sont menacées par l'agrandissement de la Russie, se lier étroitement pour la conservation de leurs institutions et de leurs intérêts matériels.

Les intérêts matériels de l'Angleterre ne seront pas froissés, quelle que soit la maison à laquelle appartiendra le prince de la Belgique, lorsque le port d'Anvers lui sera ouvert comme à toutes les nations, lorsqu'il lui sera utile, sans pouvoir jamais lui nuire.

Nous nous réservons, sur la fin de la discussion, de vous présenter un projet de décret dans la forme voulue de la proposition que nous avons l'honneur de vous soumettre. (U. B., 27 janv.)

Prise en considération

- Quelques voix – L'impression ! (U. B., 27 janv.)

M. de Robaulx – Je demande l'impression. (U. B., 27 janv.)

M. de Gerlache – Messieurs, une proposition ayant été faite à l'effet de nommer, dès à présent, roi des Belges, M. le duc de Leuchtenberg, je n'ai pas hésité à signer une contre-proposition en faveur du duc de Nemours, parce que la manière de procéder qu'on voulait vous faire adopter m'a paru imprudente et prématurée.

Elle est prématurée, parce que vous avez fixé le 28 janvier pour procéder à l'élection du chef de l'État, et que vous ne pouvez devancer cette époque sans annuler votre première décision.

Je la crois imprudente, parce qu'elle tranche un problème sur lequel nous avons trop peu de données certaines, problème où se compliquent les questions de guerre extérieure et intérieure, d'intérêts moraux et d'indépendance nationale, d'intérêts matériels et commerciaux.

Espérons, messieurs, qu'un délai de quelques jours pourra jeter quelque lumière inattendue sur des difficultés jusqu'aujourd'hui insolubles. Je ne reculerai jamais devant un danger personnel quand mon devoir me le commandera, mais je ferai tout ce qui dépendra de moi pour ne pas précipiter mon pays lui-même dans le danger. Toutefois, je l'avoue, la crise est imminente, et dans trois jours, (page 260) sans plus, il faudra bien tâcher de fixer nos destins. Alors, après avoir invoqué tous les secours humains, je prendrai mon parti sans hésiter, et je m'en remettrai pour le reste à cette Puissance supérieure qui détermine, précipite ou arrête les résolutions, quand il lui plaît.

J'avais besoin, messieurs, de vous donner ces explications parce que, quant à présent, je vous le déclare franchement, je n'ai point de candidat de prédilection : je ne veux point me lier ; je voterai pour toute proposition en faveur d'un nouvel aspirant plus convenable à la Belgique que ceux qui réunissent actuellement le plus de chances probables. Je n'entends pas décider entre le duc de Leuchtenberg et le duc de Nemours, et je me réserve le droit de voter même en faveur du premier.

C'est dans ce sens que je me suis prononcé devant un grand nombre de collègues qui ont entièrement partagé ma manière de voir. J'aurais donc voulu que la proposition concernant le duc de Nemours fût précédée de quelques considérants analogues à ceux que je viens de développer. Mais comme on n'a pas trouvé bon d'adopter mes explications à cet égard, et que la forme positive et absolue dans laquelle est conçue la proposition ne me convient point, j'ai cru devoir répéter ici ce que j'ai dit hier au soir dans une réunion préparatoire et purement privée, lorsque j'ai donné mon adhésion conditionnelle à la contre-proposition qui vient d'être développée devant vous par M. Barthélemy. (U. B., 27 janv.)

M. Lebeau – Je demande la parole pour un fait personnel. (U. B., 27 janv.)

- Un membre s'avançant au pied de la tribune – Je déclare partager l'opinion de M. de Gerlache, et n'avoir pas entendu me lier en signant la proposition. (U. B., 27 janv.)

M. van Innis – J'ai dit aussi en signant que je ne voulais pas me lier. (Bruit.) (U. B., 27 janv.)

M. Lebeau – Messieurs, je n'aurais pas demandé la parole pour un fait personnel, si l'auteur de la proposition en faveur du duc de Nemours s'était borné à jeter de la défaveur sur le candidat que j'avais moi-même proposé. Mais j'ai cru devoir la demander quand j'ai entendu le dernier orateur m'accuser d'imprudence, et prétendre que ma proposition est prématurée. Ma proposition n'est pas imprudente, car elle tend à faire un choix dans lequel j'espère que la Belgique trouvera son bonheur ; et elle n'a pour but que de faire un appel à la conscience de mes collègues, pour qu'ils réfléchissent mûrement sur le choix du duc de Leuchtenberg. Ma proposition n'est pas prématurée, car elle ne tend pas à faire ouvrir la discussion avant le temps déterminé par le congrès. Et je déclare même à l'avance, loin de désirer voir procéder au choix du souverain avant le 28, que si quelqu'un avait voulu que ce fût plus tôt, je m'y serais opposé tout le premier dans l'intérêt même de ma proposition, dans celui des convenances, et dans l'intérêt de l'engagement que nous avons contracté envers nos collègues absents, qui ont compté que cette importante opération n'aura lieu que vendredi et qui ne seront de retour que ce jour-là. Ces explications suffisent, je pense, pour me laver du reproche d'imprudence, que je ne mérite pas plus que ma proposition ne mérite d'être qualifiée de prématurée. (U. B., 27 janv.)

M. de Gerlache – Je n'ai pas eu l'intention d'offenser M. Lebeau ; je ne me suis élevé que contre la proposition en elle-même qui, en appelant l'attention du congrès sur un seul candidat, m'a semblé imprudente. Quant à la priorité, M. Lebeau a certainement eu en vue de l'assurer à son candidat. (U. B., 27 janv.)

M. Lebeau – Point du tout. (C., 27 janv.)

M. de Gerlache – A quoi bon, dans la supposition contraire, présenter le duc de Leuchtenberg avant le jour fixé pour l'élection ? (U. B., 27 janv.)

M. de Robaulx – Après les explications générales qui ont été données, il me sera permis d'en donner une particulière : il n'est entré dans le dessein de personne de se lier en signant la proposition ; nous avons présenté notre candidat, comme il est permis à d'autres de présenter le leur, nous réservant de peser les mérites des uns et des autres et de nous décider en faveur du plus digne. (U. B., 27 janv.)

M. Van Innis et M. Geudens protestent également contre toute induction contraire à la liberté de leur vote que l'on prétendrait tirer de l'apposition de leur signature au bas de l'acte de présentation du duc de Nemours. (Hilarité dans l'assemblée.) (C., 27 janv.)

M. Devaux – Je demande une deuxième lecture de la proposition ; il m'a semblé que tous les signataires demandaient le duc de Nemours, il me paraît maintenant qu'ils ne le demandent pas. (Bruit ; interruption.) (D. n., 27 janv.)

M. Jottrand appuie la demande de M. Devaux, et fait remarquer que, s'il y a proposition, sans doute les députés qui viennent de s'expliquer (page 261) sur la nature conditionnelle de leur opinion retireront une proposition qui paraît être formelle. (C., 27 janv.) .

M. Alexandre Gendebien – Permettez-moi d'être étonné d'une pareille prétention ; que se passe-t-il ? Voilà une proposition qui est faite maintenant ; je ne puis concevoir pourquoi on voudrait que les auteurs fussent liés irrévocablement. (U. B., 27 janv.)

M. Jottrand – Pourquoi l'avez-vous faite ? (U. B., 27 janv.)

M. Alexandre Gendebien – M. Jottrand, quand vous aurez la parole, je me ferai un plaisir de vous écouter ; mais c'est moi qui l'ai en ce moment, et je vous prie de ne pas m'interrompre. Je disais qu'il était insoutenable de prétendre que les auteurs de la proposition sont liés irrévocablement. Mais tous les jours on fait des propositions, et le lendemain on vote contre. Cela vient de ce qu'on s'éclaire dans la discussion, et qu'on abandonne son opinion quand il est démontré qu'on était dans l'erreur. C'est ainsi que nous, qui proposons le duc de Nemours, espérons pouvoir ramener à notre opinion ceux-là mêmes qui ont proposé le duc de Leuchtenberg. (U. B., 27 janv.)

M. Devaux – Je sais qu'on est toujours à temps à renoncer à une proposition ou à voter contre celle que l'on a faite soi-même. Seulement mon observation avait pour but de faire remarquer qu'il était étonnant qu"au moment où on vient de faire une proposition, chacun de ses auteurs s'empresse de dire qu'il y renonce. (U. B., 27 janv.)

- Quelques voix – Personne n'a dit cela. (Tumulte.) (U. B., 27 janv.)

M. Van Snick prend la parole. (E.. 27 janv.)

M. Alexandre Gendebien – Je crois avoir répondu d'avance à l'observation du préopinant. (U. B., 27 janv.)

M. Fleussu – Je suis un des signataires de la proposition, et je peux dire quelle a été la pensée de tous ceux qui l'ont signée. Nous savons que le duc de Leuchtenberg ne fut pas le seul candidat sur lequel le congrès eût à se prononcer. Quant à ce qu'on a dit que nous étions liés par cette présentation, c'est là une véritable argutie. Non, quand il s'agit des plus hauts intérêts du pays, on n'est jamais lié. Nous voulons le duc de Nemours, si ce choix doit assurer le bonheur et la prospérité du pays. Si, après un mûr examen, nous sommes convaincus que ce choix est impossible , nous y renoncerons ; car nous mettons l'intérêt du pays avant tout, et nous ne sommes pas comme ceux qui veulent le duc de Leuchtenberg à tout prix.

- Quelques voix. - Bravo ! bravo !

- Voix plus nombreuses. - A l'ordre ! à l'ordre !

- Ces cris sont répétés longtemps et avec force. Le tumulte est bientôt arrivé au plus haut point.)(U. B., 27 janv.)

M. le président, après avoir longtemps agité la sonnette – Ce n'est pas par des cris que vous avancerez nos affaires ; c'est par la gravité, par un zèle véritable pour le bien du pays. Il ne s'agit pas de crier pour le duc de Leuchtenberg, ou pour le duc de Nemours, mais de descendre dans sa conscience, et de se décider selon ses inspirations pour celui qui nous paraîtra le plus digne. (U. B., 27 janv.)

M. Lebeau – Mais on n'en veut pas à tout prix. (U. B., 27 janv.)

M. le président – D'accord. (Nouveau bruit.) (U. B., 27 janv.)

M. de Robaulx – Pourquoi M. Lebeau prend-il cela pour lui ? (U. B., 27 janv.)

M. Devaux – On ne veut que retarder l'élection du souverain. (U. B., 27 janv.)

M. Fleussu – Non ! non ! (U. B., 27 janv.)

M. Lebeau – Je demande si, par réciprocité d'injure, nous ne pourrions pas dire que ceux qui proposent le duc de Nemours le veulent à tout prix, même au prix d'une guerre générale, inévitable par ce choix. (U. B., 27 janv.)

M. Fleussu – C'est une question. Du reste, je le déclare, je n'ai pas eu l'intention d'offenser M. Lebeau. (U. B., 27 janv.)

M. le baron de Stassart – Les paroles dont s'est servi M. Fleussu sont répréhensibles sans contredit ; mais l'orateur vient d'expliquer sa pensée d'une manière satisfaisante pour tous ; cela doit suffire. (U. B., 27 janv.)

M. le président – Persiste-t-on dans le rappel à l'ordre ? (U. B., 27 janv.)

- Voix nombreuses – Non, non ! (C., 27 janv.)

M. Lebeau – Je me déclare satisfait des explications de M. Fleussu. (U. B., 27 janv.)

M. le président – La proposition que M. Barthélemy vient de développer sera imprimée, distribuée et renvoyée aux sections. (U. B., 27 janv. et P. V.)

M. le baron de Stassart – Je dois faire une motion d'ordre : il me paraît indispensable que les sections s'occupent sans retard de la proposition relative à M. le duc de Nemours, afin que plus rien ne s'oppose, le 28 de ce mois, à l'élection du chef de l'État. C'est un point arrêté par le congrès national. (U. B., 27 janv.)

M. le président – Vous avez raison ; mais on s'est montré peu empressé de se rendre en (page 262) sections pour la proposition de M. Lebeau, et je pense que la proposition de M. Barthélemy subira le même sort. Toutefois, j'invite les sections à s'en occuper sans retard. (U. B., 27 janv.)

Projet de décret autorisant le recouvrement anticipé de la contribution foncière

Rapport de la section centrale

M. de Gerlache fait le rapport de la section centrale sur le projet de décret tendant à faire payer par anticipation la contribution foncière pour 1831.

M. le président – Messieurs, l'argent est le nerf de la guerre et de toute l'administration ; et, comme il s'agit d'en fournir au trésor promptement, je propose de renvoyer la discussion du projet à ce soir à sept heures, parce qu'il est probable que les séances de demain et d'après-demain seront consacrées à des discussions préalables sur le grand œuvre que nous devons consommer vendredi. (U. B., 27 janv.)

M. Destouvelles – Je ferai observer qu'il ne peut y avoir de discussion sur cet objet ni demain ni après-demain. Nous avons décidé que la délibération ne commencerait que vendredi. Plusieurs de nos collègues se sont absentés, dans la confiance que cette résolution serait immuable ; nous ne pouvons pas commettre à leur égard cette espèce de manque de foi. (U. B., 27 janv.)

M. Van Snick parle dans le même sens. (E., 27 janv.)

M. le président – Vous ne pouvez pas empêcher qu'il ne soit fait de proposition sur cet objet ; il pourra arriver que nos séances soient consacrées à leur examen. Au reste, je propose de voter ce soir sur le décret dont le rapport vient de vous être fait ; l'assemblée décidera si elle accueille ma proposition. (U. B., 27 janv.)

- L'assemblée décide que le décret sera discuté ce soir à sept heures ; elle ordonne en outre l'impression du rapport. (P. V.)

Proposition ayant pour objet d'appeler le duc Auguste de Leuchtenberg au trône de Belgique

M. Devaux – Avant d'ouvrir la discussion à l'ordre du jour, je demande que nous entendions le rapport de la section centrale sur la proposition de M. Lebeau. (E. 27 janv.)

Rapport de la section centrale

M. Raikem fait le rapport de la section centrale sur la proposition de M. Lebeau tendant à ce que le duc de Leuchtenberg soit proclamé roi des Belges.

Il conclut à ce que le congrès se réunisse demain, en comité général, à l'effet de procéder à une discussion préparatoire sur les questions relatives au choix du chef de l'État.

M. de Robaulx – Messieurs, vous avez décidé que la discussion ne s'ouvrirait que vendredi, et vous avez fixé ce délai parce que jusqu'à ce moment nous sommes à même de recevoir des renseignements précieux, et c'est seulement ce jour-là que nous aurons recueilli, ou que nous serons censés avoir recueilli tous ceux dont nous pouvons avoir besoin, pour décider en connaissance de cause. Je m'oppose donc non seulement à la discussion en comité général (car le public est trop intéressé à la solution de cette question importante pour que nous ne le mettions pas dans la confidence), mais encore à ce que la discussion s'ouvre avant le 28. Pourquoi discuterait-on ? pour examiner les mérites d'un candidat ? mais est-ce un privilège que l'on demande en faveur du duc de Leuchtenberg ? Je ne pense pas que le congrès en veuille accorder à personne : d'ici à vendredi on peut présenter de nouveaux candidats ; ce jour-là on débattra leurs mérites, les avantages qu'ils pourront apporter au pays, et nous ferons notre choix en faveur de celui qui le méritera le mieux. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 27 janv.)

M. le président – Je me permettrai de faire observer à M. de Robaulx qu'il n'est pas question de discuter demain les mérites de tel ou tel candidat ; mais la section centrale a pensé qu'il serait essentiel de délibérer : 1° sur le mode d'élection ; 2° sur les termes du décret qui consacrera l'élection du prince, en laissant en blanc le nom, qui n'y sera placé qu'après que l'élection aura été consommée. (U. B., 27 janv.)

M. de Robaulx – Je ne vois pas qu'il faille de comité secret pour cela. (U. B., 27 janv.)

M. Raikem, rapporteur, répète l'observation de M. le président, et ajoute – Quant au mode de procéder en comité général, le public y est peu intéressé ; l'essentiel pour lui sera de connaître le résultat, et il le connaîtra. (U. B., 27 janv.)

M. Van Snick – Je ne partage pas en son entier l'avis de M. Raikem. Je suis, tout autant que l'honorable M. de Robaulx, ami de la publicité, (page 263) mais je ne suis pas convaincu de l'inutilité d'une discussion partielle ; je crois ne devoir pas admettre ce qu'il vous a dit contre les comités généraux, et je m'étonne même que cet honorable membre s'oppose à une réunion générale, quand lui et plusieurs de nos collègues prennent part à des réunions particulières ; c'est ainsi que la proposition que nous venons d'entendre a été convenue hier et d'un autre côté on arrêtait une mesure contraire. (E., 27 janv.)

M. Fleussu – Je ne reconnais pas la nécessité d'un comité général, si ce n'est pour nous éclairer mutuellement sur le meilleur choix à faire ; mais pour cela il faudrait que tout le monde fût réuni, et cependant beaucoup de nos collègues sont absents. Pour ma part, j'en connais de la province de Liége qui sont partis et qui ont promis d'être de retour le 28 ; nous ne pouvons pas délibérer sans eux : il y a encore trois jours d'ici au 28, consacrons-les au vote de la constitution ; elle peut être terminée d'ici là, et elle sera prête à être présentée au prince que nous aurons élu. (U. B., 27 janv.)

M. Destouvelles – Je me range à l'avis de MM. Fleussu et de Robaulx ; nous avons, je le répète, arrêté que les discussions seraient ouvertes le 28 ; les raisons qu'ils ont fait valoir me font persister à ce que, soit sur la forme, soit sur le fond, on ne s'occupe pas de cet objet avant le 28 ; revenant à ce que vous a dit l'honorable M. de Robaulx, d'ici à cette époque nous pourrons avoir des renseignements, soit de la part des puissances, soit des particuliers. (E" 27 janv.)

M. le comte de Quarré parle dans le même sens. (E., 27 janv.)

M. Devaux – Ces observations seraient valables s'il s'agissait de prendre une décision définitive, mais il ne s'agit que de discussions préparatoires ; je fais remarquer d'ailleurs que le congrès n'a pas dit que la discussion ne s'ouvrirait que vendredi ; la décision fut prise en ces termes : « Le congrès procédera vendredi au plus tard à l'élection du souverain, » ce qui implique qu'on peut procéder plus tôt. Toutefois, les discussions préparatoires iront certainement jusqu'à vendredi, et nos collègues absents auront le temps de revenir et de prendre part à nos opérations définitives. Quant à ce qui est du comité général, il faudra bien qu'il y en ait un ; s'il n'avait pas lieu, il aurait toujours des réunions particulières auxquelles certainement le public ne serait pas admis. Il me semble donc qu'il serait plus convenable et plus utile de nous réunir en comité général, il le faudra de toute nécessité ; si ce n'est ici, ce sera ailleurs ; je crois cependant qu'il vaudrait mieux qu'il eût lieu dans cette enceinte. (U. B., 27 janv.)

M. Destouvelles – Dans des réunions particulières il s'est agi de tel ou tel candidat ; il s'en agira encore, et le public ne saura pas ce qui s'y est passé, ou du moins il ne sera pas témoin de nos débats. Si j'étais d'avis du comité général, ce ne serait jamais pour qu'il eût lieu demain, parce que je ne crois pas, vu l'absence de nos collègues, que nous devions discuter avant vendredi. (U. B., 27 janv.)

M. de Robaulx – Je trouve tout à fait imparlementaire que l'on vienne ici vous entretenir de ce qui se passe dans des réunions particulières, pour en faire une règle. Nous sommes tous libres hors du congrès ; nous pouvons nous réunir en plus ou moins grand nombre, arrêter, discuter ; nous agissons comme simples citoyens ; mais une fois ici, nous formons le congrès, et tout ce qui s'y dit et fait appartient à la nation, et je ne vois nulle raison de la priver d'assister à nos discussions. Je terminerai en disant que je n'ai pris part à semblable réunion qu'une seule fois ; c'est pour que M. Van Snick le sache. (E.. 27 janv.)

M. le comte d’Arschot – Messieurs, il faut nécessairement prendre des moyens de conciliation, et il est impossible de vouloir brusquer les discussions préparatoires tandis que plusieurs membres sont absents, et que beaucoup de membres présents demandent que la discussion ne s'ouvre que vendredi. Si on n'est pas d'accord sur ce point si accessoire et si peu important, comment espérer un accord quand il s'agira de l'élection définitive ? Il faut savoir faire le sacrifice de son opinion à propos ; j'engage ceux qui voudraient, que la discussion s'ouvrît demain, à ne plus s'opposer à ce qu'elle ne soit ouverte que vendredi. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 27 janv.)

M. Van Snick – Je demande la parole. (Aux voix ! aux voix !) On a dit qu'il était imparlementaire de parler des réunions qui ont lieu chaque soir... (Bruits ; aux voix) (E., 27 janv.)

M. le président agitant la sonnette – Messieurs, vous n'écoutez pas l'orateur. Il est vrai qu'il ne dit pas quelque chose de fort essentiel. (Éclats de rire.) (U. B., 27 janv.)

M. Van Snick se rassied. (U. B., 27 janv.)

M. le président – Je demanderai maintenant à l’assemblée si elle veut adopter les conclusions de la section centrale. (U. B., 27 janv.)

M. Alexandre Gendebien – Je demande la division. Il faut décider d'abord s'il y aura comité général ; une fois ce point décidé, on décidera (page 264) s'il devra avoir lieu demain ou un autre jour. (U. B., 27 janv.)

- La division est ordonnée. (U. B., 27 janv.)

M. le président – Je vais mettre aux voix la question suivante : Y aura-t-il comité général ? (C., 27 janv.)

L'épreuve et la contre-épreuve sont douteuses. (U. B., 27 janv.)

- Plusieurs voix – L'appel nominal ! (U. B., 27 janv.)

- On procède à l'appel nominal.

165 membres prennent part au vote.

88 se prononcent contre le comité général.

77 se prononcent pour.

En conséquence le congrès décide que le comité général n'aura pas lieu. (P. V.)

(Note de bas de page : Suivant les journaux, 161 membres seulement auraient voté ; 84 se seraient déclarés contre le comité général, et 77 pour. Le Journal des Flandres, auquel nous empruntons l'appel nominal, rapporte que trois députés : MM. Frison, Jean-Baptiste Gendebien et le comte Duval de Beaulieu,qui avaient signé la liste de présence, ont manqué à l'appel. Ces honorables membres, ainsi que M. Wyvekens., qui assistait également à la séance, mais dont le nom ne se trouve point parmi les votants, auront sans doute été comptés comme opposants, car ils complètent le nombre de 88 et par suite celui de 165 consigné dans le procès-verbal de la séance).

Ont voté contre : MM. Thonus, Van der Looy, Watlet, Delwarde, .Blargnies, de Robaulx, Hennequin, Speelman-Rooman, Ooms, Destouvelles, l'abbé Dehaerne, d'Martigny, Pirson, de Labeville, le baron de Leuze, François Lehon, Le Grelle, d'Hanis Van Cannart, de Thier, de Tiecken de Terhove, d'Omalius, Roeser, Surmont de Volsberghe, Bosmans, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, de Selys-Longchamps, Barthélemy, Dams, David, Charles Coppens, Fleussu, le baron Beyts, Mulle, le baron de Pélichy van Huerne, Lardinois, le baron de Stockhem, Defacqz, Pirmez, Marlet, Nopener, Buyse-Verscheure, Bredart, Seron, Geudens, Coppieters, Claus, Maclagan, de Langhe, Charles Le Hon, Du Bois, le baron de Woelmont, Cauvin, Masbourg, Henry, le comte de Bergeyck, Davignon, Claes(d'Anvers), Collet, le vicomte de Bousies de Rouveroy, Blomme, Jacques, Pettens, le comte de Baillet, le baron de Sécus (père), Leclercq, le comte d' Arschot, de Rouillé, de Waha, de Sebille, de Man, Meeûs, le baron de Viron, le baron van Volden de Lombeke, le baron Joseph d'Hooghvorst, Gustave de Jonghe, Peemans, Lecocq, le comte Cornet de Grez, le baron de Coppin, l'abbé Boucqueau de Villeraie, le comte de Quarré, Charles de Brouckere, Alexandre Gendebien, le baron Surlet de Chokier.

Ont voté pour : MM. Verwilghen, Morel-Danheel, Beaucarne, de Coninck, Jottrand, Fendius, de Decker, Gendebien (père), Baugniet, Zoude (de Saint-Hubert), Van Innis, Allard, l'abbé Verduyn, Vergauwen-Goethals, Eugène de Smet, l'abbé Verbeke, Joos, Du Bus, Buylaert, Berger, l'abbé Andries , Alexandre Rodenbach, Le Bègue, Fransman, Constantin Rodenbach, Annez de Zillebeecke, Lebeau, Jean Goethals, Vandorpe ; Le Bon, l'abbé Van Crombrugghe, Van Hoobrouck de Mooreghem, le baron de Terbecq, l'abbé Pollin, l'abbé Van der Linden, le comte Werner de Mérode, l'abbé Wallaert, Henri de Brouckere, Huysman d'Annecroix, le baron de Stassart, d'Hanens-Peers, Olislagers de Sipernau, de Behr, Béthune, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, de Nef, le baron de Meer de Moorsel, Raikem, Lesaffre, Serruys, le marquis de Rodes, François, Goethals-Bisschoff, le vicomte Charles Vilain XIIII, Van Snick, Van der Belen, Peeters, Dumont, Gelders, l'abbé Corten, l'abbé Joseph de Smet, Van Meenen, le chevalier de Theux de Meylandt, Cogels, Lefebvre, Vandenhove, Teuwens, Devaux, Trentesaux, l'abbé de Foere, Helias d'Huddeghem, le comte Félix de Mérode, Charles Rogier, Goffint, le baron Osy, de Gerlache, Nothomb. (J. F.. 27 janv.)

M. le président – Cette décision emporte le rejet des conclusions de la section centrale. (U. B., 27 janv.)

Projet de Constitution

Titre III. Des pouvoirs

Chapitre III. Du pouvoir judiciaire

M. le président – L'ordre du jour appelle la discussion des articles 81 et suivants du titre III du projet de constitution, relatifs au pouvoir judiciaire.(U. B., 27 janv.)

Article 81 (article 105)

« Art. 81. Des lois particulières régleront l'organisation des tribunaux militaires, leurs attributions, les droits et obligations des membres de ces tribunaux, et la durée de leurs fonctions.

« Une loi réglera également l'organisation des tribunaux de commerce, le mode de nomination de leurs membres et la durée de leurs fonctions. » (A. C.)

M. de Robaulx propose de poser comme principe constitutionnel l'existence des tribunaux de commerce. Il présente l'amendement suivant :

« Les tribunaux de commerce sont conservés ; la loi réglera, etc. » (U. B., 27 janv.)

M. Raikem, rapporteur pense que le sens de l'article est assez clair et qu'il ne laisse aucun (page 265) doute sur l'existence des tribunaux de commerce. (C., 27 janv.)

M. Lebeau pense qu'il ne faut pas poser l'existence des tribunaux de commerce, comme principe constitutionnel. La question est très importante ; l'honorable membre est d'avis d'en laisser la décision à la loi. Il propose de rédiger en conséquence le paragraphe 2 de l'article 81 en ces termes :

« La loi pourra instituer des tribunaux de commerce ; elle en réglera l'organisation, le mode de nomination de leurs membres, et la durée de leurs fonctions. » (U. B., 27 janv.)

M. Raikem, rapporteur, défend la rédaction de la section centrale. (C., 27 janv.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de l'amendement de M. Lebeau. (C., 27 janv.)

M. Fleussu combat cet amendement. (C., 27 janv.)

M. Lebeau réfute en quelques mots les objections de M. Fleussu. (C., 27 janv.)

M. le baron Osy appuie la proposition de M. de Robaulx. (U. B., 27 janv.)

M. Gendebien propose l'amendement suivant : Il y aura des tribunaux de commerce... (Le reste semblable au paragraphe 2 de l'art. 81) (C., 27 janv.)

M. Charles Le Hon – L'article 81 maintient l'institution des tribunaux de commerce. J'aimerais mieux qu'on retranchât entièrement le second paragraphe de cet article, afin de ne pas lier la législature à venir. (C., 27 janv.)

M. Raikem, rapporteur demande qu'on conserve dans la constitution l'existence des tribunaux de commerce ; reproduisant l'amendement de M. Gendebien qu'il adopte, il propose de rédiger le paragraphe 2 de la manière suivante :

« Il y aura des tribunaux de commerce dans les lieux déterminés par la loi. Elle réglera leur organisation, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres et la durée des fonctions de ces derniers. » (C., 27 janv. et A.)

M. Gendebien déclare se réunir à l'amendement de M. Raikem. (C., 27 janv.)

M. de Robaulx s'y réunit aussi. (U. B., 27 janv.)

- Après une assez vive discussion à laquelle prennent part MM. Le Grelle, M. TrentesauxM. Trentesaux, M. Destouvelles et M. Gendebien, M. Nothomb, secrétaire, donne lecture de l'amendement de M. Lebeau. (U. B., et C., 27 janv.)

- Cet amendement est mis aux voix et rejeté. (U. B., 27 janv.)

Celui de M. Raikem est mis aux voix et adopté. (P. V.)

L'article 81, ainsi amendé, est ensuite mis aux voix et adopté. (P. V.)

Article 82 (article 106)

« Art. 82. La cour de cassation prononce sur les conflits d'attributions, d'après le mode réglé par la loi. » (A. C.)

Cet article est adopté sans discussion. (P. V.)

Chapitre IV. Des institutions provinciales et communales

On passe à la discussion du chapitre IV, titre III du projet de constitution, intitulé : Des institutions provinciales et communales. (U. B., 27 janv.)

Article 83 (article 108 de la Constitution)

« Art. 83. Les institutions provinciales et communales sont réglées par les lois.

« Ces lois consacreront l'application des principes suivants :

« 1° L'élection directe, sauf les limites à établir par la loi quant aux autorités communales ;

« 2° L'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi déterminera ;

« 3° La publicité des séances des conseils provinciaux, dans les limites établies par la loi ;

« 4° La publicité des budgets et des comptes ;

« 5° L'intervention du chef de l'État ou du pouvoir législatif, pour empêcher que les conseils provinciaux et communaux ne sortent de leurs attributions et ne blessent l'intérêt général. » (A. C.)

M. Jottrand propose au n° 1° l'amendement suivant :

« L'élection directe, sauf le choix des gouverneurs et bourgmestres, qui est laissé au chef de l'État. » (A.)

(page 266) - Cet amendement est appuyé. (C., 27 janv.)

M. Jottrand le développe ; il en donne pour motifs que les gouverneurs et les bourgmestres ont deux devoirs distincts à remplir ; l'un concernant les intérêts spéciaux de la province ou de la commune, l'autre comme agents du pouvoir exécutif, pour l'application des lois et autres mesures d'intérêt général. (V. P., 27 janv.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt propose un amendement ainsi conçu :

« 1° L'élection directe, sauf les exceptions qui pourront être établies par la loi quant aux bourgmestres et échevins ou autres fonctionnaires qui les remplaceront. » (A.)

M. Van Snick présente l'amendement suivant :

« L'élection directe, sauf ce qui pourra être réglé par la loi sur le mode de nomination du bourgmestre. » (A.)

- Cet amendement est appuyé. (C., 27 janv.)

M. Van Snick le développe. (C., 27 janv.)

M. Le Grelle demande l'élection directe réglée par la loi. (J. F., 27 janv.)

- Cette proposition n'est pas appuyée. (J. F., 27 janv.)

M. Jottrand soutient sa proposition et parle en faveur de la nomination des bourgmestres par le pouvoir exécutif, principalement parce qu'ils doivent marcher dans un sens donné pour l'ensemble de l'administration. (V. P., 27 janv.)

M. le marquis de Rodes demande à la section centrale ce qu'elle entend par ces mots : sauf les limites. (J. F., 27 janv.)

M. Raikem, rapporteur, répond que le mot limites équivaut au mot exceptions, et propose de substituer le second au premier (appuyé) ; il réfute ensuite quelques assertions de M. Jottrand. (C., 27 janv.)

M. Jottrand observe que l'article tel qu'il est conçu laisse à régler par une loi les bases des administrations communales en leur entier ; il insiste sur la nécessité de consacrer en principe qu'il ne peut être dérogé à l'élection directe que pour les chefs. (V. P., 27 janv.)

M. Van Snick soutient son amendement. (C., 27 janv.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt développe le sien. (J. F., 27 janv.)

M. le baron de Stassart – Je partage l'opinion émise par M. de Theux, je pense comme lui que le choix des bourgmestres et assesseurs doit appartenir au pouvoir exécutif ; mais je voudrais le circonscrire entre les membres des conseils communaux. Ce serait concilier le principe de l'élection populaire avec la nécessité d'obtenir l'assentiment du pouvoir.

L'honorable membre fait valoir à cet égard diverses considérations, il craint qu'en cas de guerre, un bourgmestre entêté ne se refuse, par exemple, à fournir les voitures exigées pour le transport des vivres ou des blessés ; on le destituera ; mais considéré comme une victime de son dévouement à sa commune, le bourgmestre sera perpétuellement réélu, et l'on tournera toujours dans un cercle vicieux. M. le baron de Stassart remet son amendement par écrit. (J. F., 27 janv.)

- Cet amendement est ainsi conçu :

« Les bourgmestres et les échevins ou assesseurs seront nommés par le pouvoir exécutif, mais il sera tenu de les choisir dans les conseils communaux. » (A.)

M. de Langhe observe que l'élection directe n'a pas toujours répondu à l'attente qu'on s'en était formée, et observe que l'influence aristocratique pourrait facilement y dominer. (V. P. 27 janv.)

M. Charles Le Hon appuie l'amendement de M. Jottrand. (C., 27 janv.)

M. Du Bus demande qu'on consacre le mode d'élection des conseils communaux dans la loi fondamentale ; cet objet est trop important pour l'abandonner aux variations de la législature. (C., 27 janv.)

M. Lebeau – L'amendement de M. de Stassart me paraît d'une exécution difficile. Que fera-t-on si tous les conseillers de régence refusent d'être bourgmestres. Ce peut être une règle, mais pas sans exception. (J. B., 27 janv.)

M. Devaux – Nous n'avons pas jusqu'à présent assez d'expérience sur cette matière ; ce serait une question à abandonner à la législature. (J. B., 27 janv.)

M. le baron de Stassart croit que l'honorable M. Lebeau s'exagère les difficultés ; il voit dans la règle qui prescrirait de choisir dans les conseils communaux les bourgmestres et les assesseurs, un moyen d'améliorer la composition de ces conseils. Les sachant destinés à fournir des fonctionnaires d'une plus haute importance, les électeurs se montreraient plus circonspects, et se garderaient bien de donner leurs voix à des hommes incapables. (J. B., 27 janv.)

M. Lebeau propose un amendement conçu en ces termes :

« 1° L'élection directe, sauf les exceptions que la loi pourra établir à l'égard des chefs des administrations communales et des commissaires du gouvernement près des conseils provinciaux. » (A.)

M. Jacques propose de dire :

« L'élection directe des conseillers provinciaux et communaux. »

L'honorable membre voudrait qu'on laissât dans le domaine de la loi la question de la nomination des bourgmestres. (C., 27 janv. et A.)

M. Devaux – Cet amendement n'est pas clair ; car les bourgmestres sont aussi membres des conseils de commune. L'honorable membre propose qu'on adopte l'amendement de M. Lebeau, qui lui paraît beaucoup plus juste et qui ne préjuge rien. (C., 27 janv.)

M. de Rouillé parle contre la proposition de M. de Stassart. (J. F., 27 janv.)

M. Le Bègue – Je réponds à l'objection faite par le préopinant contre la proposition de M. de Stassart. Il se plaint de ce que deux communes ne pourraient plus être administrées par le même (page 267) bourgmestre ; et c'est cet abus même que la proposition tend à prévenir ; c'est, ce me semble, une raison suffisante pour l'adopter. (J. F., 27 janv.)

M. d’Omalius voudrait que la nomination se fît par le pouvoir exécutif, sur une présentation de candidats à élire directement ; en conséquence il votera contre tous les amendements et principalement contre celui de M. de Theux qui s'étend aux échevins ou assesseurs. (V. P. 27 janv.)

M. Charles Rogier parle en faveur de l'amendement de M. Lebeau, parce qu'il ne préjuge rien et permet d'attendre le résultat de l'expérience ; personnellement il penche pour l'élection directe même des bourgmestres. (V. P. 27 janv.)

M. Alexandre Rodenbach – Messieurs, je demande la priorité pour l'amendement de M. de Stassart. Lorsque le pouvoir nomme directement les bourgmestres, très souvent ces bourgmestres sont l'instrument des gouverneurs et des commissaires de district, qui les font jouer un rôle dans les élections : c'est ce que nous avons vu sous le gouvernement précédent. (J. F., 27 janv.)

M. Destouvelles observe que l'amendement de M. Lebeau préjuge l'existence des commissaires du gouvernement près des administrations provinciales. (V. P., 27 janv.)

M. Raikem, rapporteur, répond que l'existence de ces commissaires ne peut être mise en question et qu'il y en a toujours eu. (V. P., 27 janv.)

M. Van Snick retire son amendement. (V. P., 27 janv.)

M. Jottrand et M. le chevalier de Theux de Meylandt se rallient à l'amendement de M. Lebeau. (C., 27 janv.)

- On met successivement aux voix les amendements de MM. le baron de Stassart et Jacques ; ils sont rejetés. (C., 27 janv.)

L'amendement de M. Lebeau est adopté, et par suite les deux premières dispositions de l'article sont également adoptées. (P. V.)

La séance est suspendue à cinq heures ; elle est reprise à sept heures et demie. (P. V.)

Projet de décret autorisant le recouvrement anticipé de la contribution foncière

Rapport de la section centrale

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret tendant à faire payer par anticipation la contribution foncière pour 1831.

M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du rapport de la section centrale sur ce projet. (J. F., 27 janv.)

Discussion générale

M. Seron – Les crédits ouverts au gouvernement (20 millions de florins) sont au-dessus des moyens jusqu'ici alloués. On vous demande donc l'avance de la totalité de la contribution foncière de 1831. Je voudrais savoir au juste quels sont les besoins de l'État avant de voter. Mais si l'on me prouve que les besoins existent, je voterai pour le projet présenté par M. de Brouckere, avec cette modification que je désirerais voir le second terme de payement reculé jusqu'au 15 mai au lieu du 5 mars. (C., 27 janv.)

M. Charles de Brouckere, administrateur général des finances – Messieurs, un seul membre ayant présenté quelques objections, je vais essayer de lui donner les apaisements qu'il a réclamés et répondre aux observations des sections ; mais, pour justifier les besoins du trésor, je dois remonter à une époque antérieure à mon entrée au ministère.

Le 14 décembre, on vous déclara à cette tribune que les recettes en écus avaient produit, à la date du 1er de ce mois, 4,380,710 florins, y compris 165,651. florins, dons patriotiques, et 254,000, florins provenant de l'emprunt ; que les dépenses ne s'étaient élevées qu'à 1.,779,472 florins.

Tableau séduisant, surtout si vous voulez vous rappeler que, sur une interpellation que je m'étais permise, il a été répondu que cette somme avait suffi pour couvrir toutes les dépenses extraordinaires auxquelles notre État naissant a dû faire face, y compris celles de l'armée.

En décembre, messieurs, les rentrées en écus se sont élevées à 2,477,104 florins, de manière qu'on pouvait croire que plus de 5 millions étaient disponibles pour les besoins de ce mois. Cependant il ne restait en caisse à la fin de l'année que 2,655,819 florins, et il restait dû environ 2,665,000 florins sur l'exercice de 1830 ; tellement qu'il y avait déficit quand je suis arrivé aux affaires. Il est vrai que l'intégralité des contributions directes n'était pas rentrée au trésor, et que des reliquats, sur les autres impositions, étaient également dus ; mais ces rentrées successives étaient nécessaires pour couvrir les dépenses des premiers mois de l'exercice actuel : vous en jugerez dans l'instant.

On n'avait en effet pas tenu compte des traitements courants des fonctionnaires de tous les ordres, des dépenses du service des postes, qui eût (page 268) été interrompu si le payement s'était fait attendre plus longtemps ; des pensions, de la dette, de la remonte de la cavalerie.

Les allocations nécessaires pour ces objets, et les crédits déjà ouverts pour le matériel de l'artillerie et du génie, pour des avances faites à l'industrie, ont absorbé tous les fonds disponibles.

Cette situation, je ne pouvais l'apprécier d'avance, mais je devais m'y attendre. Je l'avais prévue dès le mois de novembre, car alors je me rendis à Bruxelles pour engager le gouvernement à proposer, par anticipation, le recouvrement d'une partie de la contribution foncière de 1831 L'enthousiasme de la nation me faisait croire que le moment était opportun pour lui demander un sacrifice en faveur de la patrie.

Messieurs, je cède à la nécessité en vous dévoilant toutes les difficultés de ma position ; l'honneur me force à prouver enfin que je ne marche pas sur des roses, dont d'autres ont arraché les épines, comme on me l'a dit trop souvent. Il n'y a qu'impopularité à recueillir de mes travaux. D'autres collègues plus heureux ont obtenu des brevets pour nos jeunes patriotes, des pensions pour de vieux serviteurs, des diminutions de péage pour le commerce, des avances pour l'industrie, des indemnités pour les victimes ; tandis que moi, accablé de milliers de solliciteurs, je dois refuser aux uns des places qu'ils rempliraient dignement, alors que les cadres de l'administration financière sont surchargés ; aux autres des temporisations, des remises d'amendes, des modérations de droits, alors que mes besoins sont impérieux. Ainsi, je suis à la fois dur et fiscal par circonstance ; non, messieurs, que le découragement se soit emparé de moi : il y a quelque chose de plus précieux que la réputation, la conscience du bien. Ce sentiment suffit pour me faire surmonter toutes les difficultés, toutes les répugnances.

Comme j'ai eu l'honneur de le déclarer, messieurs, il y avait au trésor 2,655,819 florins 86, le 31 décembre ; depuis et jusqu'au 15 janvier, il est entré 1,300,728 florins 58 1/2. J'ai déjà dû disposer de 2,344,633 florins 17 sur les crédits de 1830, et de 1,500,000 florins pour la guerre sur ceux de 1831 , de manière que le solde sur les rentrées au 15 ne s'élève qu'à 111,915 florins 26 1/2.

On me demande immédiatement 600,000, florins pour la guerre, et 320,600 florins sur 1830 demeurent en souffrance !

D'après cet exposé vous devez concevoir, messieurs, qu'au 1er février le trésor sera sans ressource, et pourra au plus pourvoir à la solde de l'armée pendant les 15 premiers jours.

La section centrale a modifié le projet que j'ai eu l'honneur de présenter : au lieu de rendre exigible le second semestre de la contribution foncière au 15 mars, elle propose la perception du montant du premier semestre des contributions personnelles et des patentes à la même époque, et le troisième trimestre de l'impôt foncier au 15 avril. Ce projet, en apparence favorable au trésor, ne le frustre pas moins d'un quart de la contribution foncière, ou de deux millions environ ; car les deux autres impôts directs doivent nécessairement être recouvrés avant la fin de juin. De plus, il est inexécutable et fondé sur des bases erronées. Déjà j'ai eu l'honneur de le faire observer : l'impôt sur les patentes sera moins productif en raison de la stagnation du commerce ; le personnel, par suite de la dépréciation des valeurs locatives dans plusieurs villes ; et cependant la section centrale a basé ses calculs sur les produits de 1830. D'autre part, le recouvrement de ces impôts est impossible au mois de mars, parce que les rôles ne pourront être mis en recouvrement qu'au mois d'avril. Enfin, messieurs, et c'est ce qu'a reconnu le seul orateur qui ait voulu s'expliquer, le recouvrement de l'impôt personnel présente mille difficultés sur une que puisse offrir la contribution foncière.

Le même orateur a fait dépendre son vote de la certitude que l'anticipation demandée n'exigerait le prélèvement d'aucun impôt extraordinaire dans le second semestre. A cet égard, messieurs, je ne puis rien dire de positif. Les dépenses de la guerre sont estimées à 18,000,000 de florins, dont les deux tiers doivent être dépensés dans le premier semestre ; si donc aucun événement extraordinaire ne survient, si nous pouvons consolider notre indépendance sans secousses, sans guerre, il est probable que les voies et moyens votés en décembre suffiront à nos besoins.

Messieurs, on a parlé d'un emprunt dans plusieurs sections : vous concevrez facilement que le moment est peu opportun. Ce n'est pas à la veille de l'élection d'un souverain, d'un acte dont dépend tout notre avenir, que vous pouvez espérer que des prêteurs vous offriront leurs capitaux. Déjà des démarches ont été faites pour cet objet ; mais, en supposant qu'elles fussent couronnées de succès, vous ne pouvez croire que les fonds soient faits avant l'élection du roi, et, pendant l'intervalle, le gouvernement éprouvera des besoins urgents.

On a également proposé une exception pour les petites cotes, et voulu affranchir de l'anticipation les contribuables taxés à 20, 15 ou 10 florins. Cette proposition serait d'une exécution difficile : (page 269) serait-ce les propriétaires ou les locataires que vous exempteriez ? Comment vérifierait-on les cotes de chaque contribuable, alors qu'il y a un rôle par commune ? Comment voulez-vous que je puisse apprécier le montant de cette exception depuis ce matin ? car je n'ai eu connaissance des procès-verbaux qu'à 2 heures.

Enfin dans quelques sections on a résolu d'allouer les six premiers mois de l'impôt foncier, et de refuser de déclarer les six autres exigibles. Alors, messieurs, le trésor pourrait subvenir aux besoins du mois de février ; mais dans quelle position se trouverait le gouvernement, si au mois de mars le congrès était dissous ! Tous les services seraient en souffrance ; l'armée se disloquerait. Vous le savez, les moyens alloués sont inférieurs aux crédits accordés.

Vous ne pouvez vous le dissimuler, nous touchons à un moment de crise dont il ne m'est pas permis de prévoir les résultats. L'élection du souverain peut amener la guerre, ou nous forcer à tenir sous les armes des forces capables de faire respecter notre indépendance, et de nous défendre, au moins, contre la Hollande. Je ne l'ignore pas plus que vous, messieurs, l'anticipation que je propose est une charge pesante pour les cultivateurs, mais les besoins de l'État sont imminents. Il n'est peut-être pas hors de propos de vous rappeler que la Hollande, dont nous nous sommes violemment séparés, a fourni à son gouvernement deux fois l'impôt foncier de 1830, et un emprunt de onze millions ; tandis que nous, pour soutenir notre révolution, défendre notre indépendance, nous n'avons encore fait que des suppressions ou des réductions d'impôts. Il est urgent aujourd'hui de couvrir le déficit qui existe entre les voies et moyens et les dépenses décrétées pour le premier semestre, pour achever ce que notre patriotisme a si glorieusement commencé ; il est essentiel que les bons citoyens fassent acte de patriotisme, pour consolider notre régénération politique. (U. B., 28 janv.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt – Plusieurs sections ont exprimé le vœu que les cotes de 10, 15 ou 20 florins ne soient pas soumises à l'anticipation. Je regarde cette mesure comme de la plus grande justice, et je ne pense pas que nous puissions passer outre à ces réclamations.

Quant au deuxième semestre anticipatif, je désire qu'il ne soit accordé que sous la condition de n'être pas exigé, si d'ici au 1er mars on parvient à conclure un emprunt. (U. B., 27 janv.)

M. Claes (d’Anvers) pense qu'il ne faut pas faire peser cette charge sur une seule classe de contribuables, et qu'il conviendrait de faire également payer les patentes par anticipation. (U. B., 27 janv.)

M. Charles de Brouckere, administrateur général des finances – Les rôles des patentes ne sont recouvrables qu'après de longues formalités qui ne sont jamais achevées avant la fin de mars : donc impossibilité de recouvrer par anticipation.

Quant au projet de M. de Theux, il est impraticable, attendu que de très riches propriétaires ont, dans plusieurs provinces, des parcelles de terres dans diverses communes qui peuvent, sur chaque rôle communal, tomber dans l'exception que propose M. de Theux, et le but serait manqué. (C., 27 janv.)

M. le comte d’Arschot propose un amendement dont le but est que, si d'ici au 1er mars, il est possible de conclure un emprunt, l'anticipation du second semestre ne sera pas exigée. Il développe son amendement, et termine en disant que plus les besoins de la guerre sont impérieux, plus il serait agréable de pouvoir en dégrever les contribuables. (U. B., 27 janv.)

M. Destouvelles – Messieurs, quelque impérieux que soient les besoins du trésor public, je regarde comme impossible de recouvrer l'emprunt tel qu'on le demande dans l'espace d'un mois, même en admettant l'avis émis par la section centrale, de partager le fardeau entre la contribution personnelle et la contribution foncière. Je pense qu'il faudrait vendre les domaines nationaux ; on accorderait un terme aux acheteurs qui souscriraient des cédules payables au porteur.

Un emprunt a été entamé : je désirerais qu'on pût renouer cette négociation, qui est le moyen le moins onéreux et le plus certain d'en sortir ; car il sera, je le répète, impossible de contraindre les contribuables à ce payement, je ne dis pas des deux termes, mais même du premier.

Je me résume, en demandant qu'au préalable d'autres mesures à prendre, les conclusions de la section centrale soient admises. (U. B., 27 janv.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt appuie les conclusions de la section centrale et l'amendement de M. le comte d'Arschot. (U. B., 27 janv.)

M. Surmont de Volsberghe insiste pour que la mesure d'anticipation soit appliquée à la contribution personnelle. (U. B., 27 janv.)

M. le baron Osy votera pour la proposition de M. l'administrateur général des finances et contre celle de la section centrale, parce qu'il pense (page 270) que c'est la contribution foncière qui a le moins souffert de la révolution, et qu'elle pourra facilement être payée en février et mars. (U. B., 27 janv.)

M. Meeûs propose qu'on paye seulement quatre mois de la contribution foncière au 15 février. On émettrait ensuite des bons du trésor à 3/4 p. c .d'intérêt par mois, et pouvant servir au payement de toutes les contributions ; ils seraient remboursables, au mois d'octobre, à l'aide d'un emprunt qui serait fait d'ici à cette époque, s'il était nécessaire.

Mon amendement, dit-il, en n'exigeant que le payement de quatre mois, donne plus de facilité aux fermiers qui ont souffert autant que les autres citoyens et qui ont eu en outre deux ans de mauvaise moisson. Beaucoup de propriétaires prendront ces bons par spéculation. (C., 27 janv., et J. B., 28 janv.)

M. le baron Osy s'oppose à la proposition de Meeûs et la repousse par l'exemple du mauvais succès qu'a obtenu l'emprunt patriotique. L’orateur dit que si l'on a le patriotisme de prendre des bons du trésor, on aura bien celui de payer ses contributions foncières. (C., 27 janv.)

M. Meeûs – Ma proposition ne ressemble pas à l'emprunt patriotique. Il est plus avantageux, et ce n'est, à vrai dire, qu'un escompte de toutes les contributions rendu nécessaire par les circonstances. (C., 27 janv.)

M. Surmont de Volsberghe croit qu'il est juste de faire concourir toutes les espèces de contribuables aux besoins actuels. (C., 27 janv.)

M. Charles de Brouckere, administrateur général des finances – La proposition de M. Meeûs n'offre au trésor que des ressources éventuelles. Si les bons du trésor prennent faveur, c'est bien ; mais s'ils ne sont pas reçus, il résultera que le trésor se trouvera dans l'embarras et sans ressources légales, car à cette époque le congrès sera dissous probablement, et les chambres ne seront pas encore assemblées. (U. B., 27 janv.)

M. Meeûs soutient que les capitalistes raisonneront dans leur véritable intérêt, et que si on leur offre des conditions avantageuses ils les accepteront. (C., 27 janv.)

M. Jacques propose que nul ne puisse recevoir du trésor plus de 50 florins par mois en numéraire, soit pour appointements, pensions, intérêts, etc. ; le reste serait payé en bons du trésor aux échéances des 15 août et 15 novembre 1831.

L'honorable membre développe sa proposition. (U. B., et J. F., 27 janv.)

M. le baron Osy fait remarquer que la proposition de M. Meeûs et celle de M. Jacques auraient pour résultat de remplir de papier le trésor public après le premier mois d'émission. Cela embarrasserait beaucoup l'administration. (C., 27 janv.)

M. d’Hanis van Cannart s'oppose à la proposition de M. Jacques, mais se rallie à celle de M. Meeûs. (C., 27 janv.)

M. Marlet ne trouve pas juste de faire peser les charges sur les propriétaires seuls ; tous les contribuables devraient y participer égaIement. Il voudrait du reste reculer le payement du deuxième trimestre et plus encore du deuxième semestre. (J. F., 27 janv.)

M. le baron Osy fait valoir encore quelques considérations contre les bons proposés par M. Meeûs. (C. 27 janv.)

M. Meeûs répond, et rétablit sa proposition sur des nouveaux moyens. (C., 27 janv.)

M. d’Omalius appuie la proposition de M. Meeûs, principalement à cause de l'impossibilité qu'il y aura de faire payer la contribution foncière d'après le projet de M. de Brouckere. Il voudrait que, pour établir l'égalité entre tous les contribuables, on remît 3/4 pour cent, même aux contribuables qui payeraient argent comptant. (C., 27 janv.)

M. Jottrand partage l'opinion de M. Meeûs. (J. F., 27 janv.)

M. Charles de Brouckere et M. Meeûs prennent de nouveau la parole. (J. F., 27 janv.)

M. François voudrait qu'on n'émît des bons que jusqu'à concurrence de six millions. (J. F., 27 janv.)

M. Du Bus propose de faire payer les contributions par les propriétaires, quelles que fussent les stipulations des baux à charge des locataires. (Murmures.) (J. F., 27 janv.)

M. Alexandre Gendebien demande s'il est certain que les bons seront voulus. (J. F., 27 janv.)

M. Meeûs répond que le bénéfice de 9 p. c. en assure l'acceptation. (J. F., 27 janv.)

M. le baron Osy propose un amendement qui a pour but de faire payer au 15 février, six mois du foncier ; au 15 mars six mois du personnel ; au 15 mars encore, six mois des patentes, et d'autoriser le trésor à émettre des bons de 25 à 100 florins pour 4,000,000 avec 6 p. c. d'intérêt, et qui serviraient à payer les six derniers mois des contributions de l'année. (C., 27 janv.)

- Plusieurs orateurs parlent encore et reviennent à l'amendement de M. le comte d'Arschot. (J. F., 27 janv.)

M. Alexandre Rodenbach demande si nos domaines ne pourraient pas être affectés d'un emprunt de quatre millions. (J. F., 27 Janv.)

M. le baron Osy répond qu'ils sont déjà affectés d'un emprunt hollandais. (J. F., 27 janv.)

- La clôture des débats est demandée, mise aux voix et prononcée. (J. F., 27 janv.)

La proposition de M. Meeûs est mise aux voix et rejetée. (P. V.)

Celle de M. le baron Osy allait également être mise aux voix, lorsque M. Meeûs demanda que la décision fût remise au lendemain à midi, pour laisser à l'administrateur général des finances le temps d'examiner les différents systèmes. (J. F., 27 janv.)

L'assemblée remet à demain son vote sur cette proposition. (J. F., 27 janv.)

La séance est levée à dix heures. (P. V.)