(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 1)
(page 554) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à onze heures et demie. (P. V.)
Un des secrétaires donne lecture du procès-verbal ; il est adopté, avec une rectification demandée par M. François. (C., 22 déc.)
M. Thonus demande un congé de dix jours, dont il a besoin pour aller régler des affaires de famille. (U.B., 22 déc.)
M. le président – Le congé est-il accordé ? (Oui ! oui ! Non ! Non !) (U.B., 22 déc.)
- Le congé est accordé. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, présente l'analyse des pièces suivantes :
Le sieur J. B. Ambroise envoie onze exemplaires d'un prospectus ayant pour objet l'érection d'un nouveau monument à Waterloo. Il voudrait « qu'une souscription à 25 centimes fût ouverte chez tous les peuples de l'Europe, pour qu'une statue colossale de la Liberté enfourchât le pesant animal, qui, dit-il, n'est pas le lion belgique, mais le lion despotique, emblème de la force brutale. » (U. B., et C., 22 déc.)
Le sieur J. B. Van der Elsken sollicite une place de membre de la cour des comptes.
Le baron Ferdinand de Vischer fait la même demande.
Le sieur J. F. Graham, de Bruges, adresse au congrès le prospectus d'un ouvrage intitulé Oogslag, etc.
Il annonce l'intention de publier un second ouvrage qui pourra servir à la postérité de manuel de tout ce qui s'est passé de mémorable pendant le temps de notre glorieuse révolution ; son intention étant de mettre cet ouvrage, qui pourra faire quelques (page 555) volumes, sous la protection du congrès, il le prie d'en agréer la dédicace.
Il adresse au congrès quelques réflexions sur la singulière position de Guillaume Ier, ex-roi des Pays-Bas, etc., etc., et transmet à l'assemblée un projet d'adresse au peuple batave.
Le sieur van Eccht, d'Oostvleteren, se plaint de ce que le commissaire du district d'Ypres emploie dans ses bureaux un Hollandais qui, de plus, a été nommé secrétaire de deux communes.
Le sieur Charles Stanier et son épouse se plaignent de ce que le juge d'instruction près le tribunal de Bruxelles aurait à tort décerné un mandat de comparution contre leur fils Stanislas, du chef de la conduite, louable selon eux, que ce dernier a tenue le 26 août dernier.
Les époux Frison, de Tournay, se plaignent de ce que, dans un procès qu'ils ont eu à soutenir, ils ont été dupés par leur avoué ; ils prient le congrès de faire réviser l'affaire, ou, si cela doit occasionner du scandale, de leur faire obtenir une indemnité, ou enfin de leur faire savoir s'il est impossible de forcer leur avoué à leur rendre compte.
Les experts, pour la contribution personnelle de 1830, dans le contrôle de Loochristy, se plaignent de n'avoir reçu encore qu'une faible partie de leur salaire ou indemnité ; ils prient le congrès de vouloir faire ordonner le payement de ce qui leur revient.
Le chevalier Lelièvre de Staumont adresse au congrès quelques réflexions sur l'institution du sénat.
Le sieur Vilain, de Tournay, propose un moyen pour arrêter la hausse du prix des grains. Il dmande que, dans chaque village, situé près d'une ville, une commission soit chargée de visiter les greniers des fermiers, et d'obliger ces derniers à fournir aux marchés une quantité de grains proportionnée à leur magasin. (P. V.)
- Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. le président – M. de Robaulx a déposé une proposition ainsi conçue :
« AU NOM DU PEUPLE BELGE.
« Le congrès national de la Belgique,
« Considérant combien il est indispensable, dans les circonstances actuelles, de venir au secours de la classe indigente, surtout pendant la saison rigoureuse ;
« Que si, en pareille occurrence, tous les citoyens doivent faire des sacrifices en proportion de leurs moyens, il est juste que les fonctionnaires salariés par l'État en donnent les premiers l'exemple ;
« DÉCRÈTE :
« Art. 1er. Il sera fait une retenue sur tous traitements des fonctionnaires et employés salariés par le trésor public de la manière suivante, savoir :
« 1° 5 pour cent sur tout traitement de 600 florins inclus 1,200 ;
« 2° 10 pour cent sur ceux de 1,200 inclus 2000 fl. ;
« 3° 15 pour cent sur ceux supérieurs à 2000 fl. »
« Art. 2. Le produit de ces retenues sera immédiatement appliqué au soulagement des pauvres pendant les trois prochains mois d'hiver. »
« Art. 3. Le montant de cette retenue sera de suite avancé par le gouvernement, sauf à le recouvrer au fur et à mesure du payement des traitments pendant l'année. »
« Art. 4. Sont exemptés de cette retenue les traitements militaires étrangers à l'administration. »
« Art. 5. Le pouvoir exécutif est chargé de l'exécution du présent décret, et il en rendra compte à l'assemblée législative. »
« Mandons, etc.
« L'auteur de la proposition demande qu'elle soit déclarée urgente.
« A. DE ROBAULX. » (E., 22 déc.)
M. le président – La proposition de M. de Robaulx est-elle appuyée ? (Oui ! oui !) M. de Robaulx a la parole pour développer sa proposition. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – Messieurs, la proposition que j'ai l'honneur de soumettre au congrès ne donnera pas lieu à de grands développements ; les motifs en sont patents ; le congrès connaît la position malheureuse dans laquelle se trouve la classe indigente, dans la saison rigoureuse où nous sommes, alors, surtout, que la stagnation du commerce la laisse sans travail. J'ai cru que, pour venir à son secours promptement, il n’y avait pas de meilleur moyen que celui que je propose. Les employés n'ont rien perdu à la révolution ; au contraire, la plupart ont obtenu de l'augmentation en obtenant soit des emplois supérieurs, soit des fonctions nouvelles, et, si tout le monde doit contribuer à cet acte de bienfaisance, il est juste (page 555) qu'ils soient les premiers ; il est on ne peut pas plus naturel que ceux qui vivent du trésor public fassent les premiers sacrifices. J'ai cru que les traitements de 1 à 600 florins ne devaient pas être sujets à la retenue, car ce serait ôter aux pauvres pour donner aux pauvres ; mais la proportion indiquée pour les traitements supérieurs m'a semblé ne devoir imposer qu'un léger sacrifice à ceux qui seront sujets à la retenue. Le besoin est flagrant, messieurs, il faut y parer avec promptitude ; le gouvernement peut calculer, dès aujourd'hui, le montant de la somme que devra produire la retenue ; il en fera l'avance, et nous serons venus au secours de cette classe intéressante de la société dont la position doit exciter la sollicitude de tous.
Je demande que le congrès déclare qu'il y a urgence ; qu'une commission soit nommée pour faire l'examen de ma proposition, et qu'elle soit tenue de nous faire son rapport dans les cinq jours. (U. B.. 22 déc.)
M. le président – La proposition est-elle appuyée ? (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – Il faut d'abord savoir si elle est urgente ; on ne peut pas l'envoyer aux sections sans cela. (U. B., 22 déc.)
M. le président – II m'est égal de proposer l'urgence. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – Ma proposition a été appuyée. Maintenant il y a deux manières de procéder : ou de nommer une commission, ou de l'envoyer à l'examen des sections. (U. B., 22 déc.)
M. le président consulte l'assemblée pour savoir s'il y a urgence. (U. B., 22 déc.)
- L'urgence n'est pas reconnue. (Un colloque très animé s'établit entre dix ou douze membres, qui parlent tous à la fois des divers points de la salle.) (U. B., 22 déc.)
M. Charles Le Hon – Je crois qu'on n'a pas bien compris la proposition sur laquelle M. le président a consulté l'assemblée. Quand on a dmandé l'urgence, j'ai cru qu'il s'agissait de fixer un jour très prochain pour faire un rapport ; et si l'urgence n'a pas d'autre but que de nommer une commission pour cela, je crois qu'il est impossible que le congrès ne la déclare pas. S'il s'agissait d'adopter la proposition, dès lors et déjà je concevrais l'hésitation du congrès. Avec des intentions également bienfaisantes, on peut avoir des opinions différentes sur la proposition de notre honorable collègue. Je sais qu'il y a de fortes raisons pour, et de fortes raisons contre ; mais c'est de la discussion que ces raisons doivent surgir : c'est la discussion qui nous éclairera sur la bonté des moyens indiqués dans la proposition ; mais, en attendant, je crois que nous pouvons déclarer qu'elle est urgente. (U. B., 22 déc.)
M. de Rouillé – Je demande le renvoi aux sections. (U. B., 22 déc.)
M. Van Snick – Je demande que la question soit posée de nouveau. Nous sommes tous égalment d'avis de nous occuper le plus tôt possible de l'objet de la proposition : si on en renvoyait la discussion après le vote de la constitution, ce serait trop tard. (U. B., 22 déc.)
M. Le Grelle – Je fais partie de l'administration des pauvres depuis quinze ans : je connais leurs besoins et j'applaudis aux intentions louables de l'auteur de la proposition ; mais je ne suis pas d'avis de l'adopter. Je crois qu'il faut encourager la bienfaisance et non la forcer. Obliger les fonctionnaires publics à faire le sacrifice d'une partie de leurs traitements, c'est établir un impôt en faveur des pauvres, et il ne serait pas difficile de prouver que tout impôt de ce genre ferait beaucoup plus de mal que de bien. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – Il s'agit de savoir si ma proposition est urgente, non si elle établirait un impôt plus nuisible qu'utile. J'ai demandé que le congrès votât l'urgence, parce que vous avez décidé que vous ne vous occuperiez d'aucune question étrangère à la constitution, à moins que l'urgence n'en eût été déclarée. Si aujourd'hui vous ne déclariez pas ma proposition urgente, vous en renverriez la discussion aux calendes grecques, et dans ce cas, je le déclare, je la retirerais. (U. B., 22 déc.)
M. le baron Osy – Messieurs, le budget doit vous être présenté sous peu de jours. Vous y verrez le chiffre des traitements accordés aux fonctionnaires publics ; ils ont subi des réductions notables. Je propose que la proposition de M. de Robaulx soit ajournée jusque après le budget ; vous verrez alors s'il sera convenable de s'en occuper. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Si j'ose me permettre d'interpréter l'intention du congrès, il n'a pas prétendu renvoyer l'examen de la proposition après la constitution. (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – M. Osy vient de faire une proposition ; je demande qu'elle soit mise aux voix. (U. B., 22 déc.)
M. le baron Osy – Le budget vous sera présenté incessamment, puisque dans dix jours, nous serons à la fin de l'année, et qu'il faut voter l'impôt. On peut, sans inconvénient, attendre jusque-là. La proposition de M. de Robaulx serait examinée dans les premiers jours de l'année. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – (page 557)Ma proposition est-elle urgente, oui on non ? Je demande qu'on décide l'urgence. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 22 déc.)
M. Pirson – D'après l'observation faite par M. Osy, il paraît que le traitement des fonctionnaires ayant été diminué, on ne peut pas compter sur le moyen indiqué par M. de Robaulx pour venir au secours de la classe indigente. Généralisant la question, je demande qu'une commission soit nommée pour qu'il nous soit fait un rapport sur les meilleurs moyens à prendre pour venir au secours des pauvres par le travail. (U. B., 22 déc.)
M. Raikem – Il est probable que M. de Robaulx tient plus à avoir des fonds que le décret, car ce n'est pas un morceau de papier que l'on donnera pour secours aux pauvres. Mais les employés ne sont payés qu'à la fin du trimestre : on peut donc attendre jusqu'après l'examen du budget. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx vivement – Vous voulez faire rejeter ma proposition. Je la retirerai si elle n'est pas déclarée urgente. (Brouhaha.) (U. B., 22 déc.)
M. le baron Beyts – J'ai été pour l'urgence dans ce sens que nonobstant le travail de la constitution on peut s'occuper de la proposition. On ne peut pas ajourner le besoin des pauvres. (U. B., 22 déc.)
M. Nagelmackers – Le moyen que propose M. de Robaulx n'est pas le meilleur ; sa proposition tend à faire supporter l'entretien des pauvres à une seule classe ; si le budget était connu, je proposerais de nommer une commission qui serait chargée de nous soumettre, pour le soulagement des pauvres, des mesures justes ; par exemple, un prélèvement sur les fonds provenant de la réduction. (C., 22 déc.)
M. Forgeur – Je demande l'ajournement jusqu'après le budget. (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 22 déc.)
- L'ajournement est mis aux voix et prononcé. (P. V.)
M. de Robaulx – Mais il s'agit de l'urgence. (C., 22 déc.)
Plusieurs voix – L'ajournement est prononcé ; il ne s'agit plus de l'urgence. (C., 22 déc.)
M. de Robaulx – Ma proposition est donc rejetée. (C., 22 déc.)
- Plusieurs voix – Non, mais ajournée : vous attendrez, ou bien un autre reprendra la motion. (C., 22 déc.)
M. Le baron Joseph d’Hooghvorst rappelle que M. Charles Rogier a présenté un projet de décret sur la garde civique ; il en demande l'impression, comme destiné à rendre plus facile la discussion de cette loi. (U. B., 22 déc.)
M. de Rouillé appuie cette demande. (C.., 22 déc.)
M. le président – Voici ce projet de loi, mais je ferai observer que ce projet, selon M. Rogier lui-même, ne devra être développé par lui que tout autant que le projet de la section centrale en serait fort différent. (U. B.. 22 déc.)
M. Le baron Joseph d’Hooghvorst – Il sera trop tard. (U. B., 22 déc.)
M. Nothomb – Ce projet de loi est de M. Jolly. Comme on a contesté l'initiative de la présentation des lois au gouvernement, M. Charles Rogier l'a présenté en son nom. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – M. Rogier a dit qu'il se réservait d'user de ce projet pour présenter des amendements ; comme nous ne le connaissons pas, nous ne pouvons pas l'accepter à tout hasard et en ordonner l'impression. (U. B., 22. déc.)
M. Forgeur – Je demande que l'impression soit mise aux voix. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 22 'déc.)
- L'impression et la distribution de ce projet sont ordonnées. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, lit une proposition ainsi conçue :
« Le soussigné a l'honneur de proposer au congrès national qu'une commission de dix membres soit nommée dans son sein, chargée de la rédaction d'un projet de loi électorale. Ce projet sera discuté en assemblée publique, avant que le congrès vote sur l'ensemble de la constitution, pour que les principes bien définis de cette loi électorale y soient consacrés.
« Si sa proposition est appuyée, il aura l'honneur de présenter quelques observations pour la motiver.
» De Tiecken de Terhove » (E., 22 déc.)
. Cette proposition est appuyée. (E., 22 déc.)
M. de Tiecken de Terhove la développant – (page 558) Nous allons, je l'espère, avoir une constitution où tous les droits seront consacrés, où tous les pouvoirs seront limités, circonscrits dans de justes bornes ; où les droits et les devoirs de chacun seront distinctement écrits ; mais si nous voulons consolider nos institutions, si nous voulons donner à notre édifice social des bases aussi fortes que durables, nous devons avoir une bonne loi électorale ; sans cette loi, tout ce que nous allons élever manquera d'appui et par conséquent ne pourra avoir de durée ; je l'envisage comme le complément nécessaire, indispensable de tous nos travaux. C'est dans une bonne représentation nationale que nous devons trouver la sauvegarde de toutes nos institutions ; c'est elle qui au besoin élèvera des barricades contre tous les empiétements du pouvoir. Il nous faut donc une loi qui nous garantisse une représentation réelle de l'opinion publique ; elle doit consacrer le mode d'élection le plus direct possible ; sans elle on parviendrait encore à démolir insensiblement, et pièce par pièce, l'édifice que nous allons élever. Mais, messieurs, il faut encore placer cette loi hors de toute atteinte ; il faut qu'on n'y puisse porter une main sacrilège, qu'on ne puisse la modifier, la dénaturer, et par suite compromettre l'existence de nos libertés, et nos institutions les plus chères. A cet effet, messieurs, je viens vous proposer que les principes bien définis de cette loi électorale fassent partie intégrante de la constitution. Si sous l'ancien gouvernement, nous avions eu cette garantie, nous aurions pu, malgré les vices dont la constitution d'alors était entachée, avoir encore une existence supportable ; la nation bien représentée aurait pu s'opposer à tous les envahissements, à toutes les usurpations du pouvoir ; mais faute d'une bonne loi, nous n'avons jamais eu de véritable représentation nationale ; de là les actes les plus arbitraires, les plus intolérables ; des vexations de tous genres, enfin tous les maux sous lesquels le peuple a gémi tant d'années. Lassé, fatigué enfin, il s'est vu forcé de se soustraire violemment à ce joug insupportable. Prévenons, messieurs, pour l'avenir, des catastrophes pareilles ; tâchons, par des lois sages et suffisamment garanties, d'élever une barrière d'airain contre tous les empiétements possibles et fermer ainsi à jamais, pour le bonheur des peuples, l'abîme des révolutions, toujours creusé par les écarts du pouvoir.
Si ma proposition est adoptée, elle n'entravera en rien la marche sur la discussion des articles de la constitution. La commission s'occupera de la rédaction du projet de loi électorale, qu'elle pourra nous présenter probablement avant que tous les articles de la constitution ne soient adoptés ; ce projet pourra immédiatement être discuté et adopté en assemblée publique, et l'on pourra pour lors, avant de voter sur l'ensemble de la constitution, y consacrer les principes de la loi d'élection.
Ainsi marcheront de front et sans perte de temps deux objets de la plus haute importance qui sont attendus avec tant d'impatience. (E., 22 déc.)
M. le président – L'assemblée veut-elle nommer une commission ? (Oui ! oui !) (U. B., 22 déc.)
M. Charles de Brouckere – Je demande la parole. Messieurs, la question est complexe, j'en demande la division. Je ne m'oppose pas à ce qu'une commission soit chargée de nous présenter un projet de loi électorale, mais je m'oppose à ce qu'on l'examine avant le vote sur la constitution. Nous avons décidé que nous ne nous occuperions que de la constitution jusqu'à sa rédaction définitive ; décider le contraire, ce serait nous lier aujourd'hui pour nous délier demain. (U. B., 22 déc.)
M. Raikem – Je demande la mise aux voix de la première partie de la proposition. (U. B., 22 déc.)
- On met aux voix la première partie ; elle est adoptée. (P. V.)
M. le président – Les sections nommront chacune un de leurs membres pour s'occuper d'un projet de loi électorale. M. de Terhove persiste-t-il dans la deuxième partie, ou la retire-t-il ? (U. B., 22 déc.)
M. de Tiecken de Terhove, après hésitation – Je la retire. (U. B., 22 déc.)
L'ordre du jour appelle la discussion sur le titre Il du projet de constitution, intitulé : Des Belges et de leurs droits (U. B., 22 déc.)
M. le président – Voici comment est conçu l'article premier du projet de la section centrale :
« La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd, d'après les règles déterminées par la loi civile.
« La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent, en outre, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. » (U. B., 22 déc., et A. C.)
M. Le Grelle – (page 559) L'assemblée est-elle d'accord sur la classification des titres de la constitution ? Il serait peut-être utile de le savoir. (C'est inutile ! C'est inutile ! la classification se fera plus tard) (U. B., 22 déc.)
M. le président – Voici un amendement proposé par M. Destouvelles. (U. B., 22 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'amendement :
« Art. 1er. Sont Belges : 1° ceux qui sont nés et domiciliés en Belgique ; 2° ceux qui, nés à l'étranger de parents belges, sont domiciliés en Belgique.
« Art. 2... » (U B., 22 déc., et A.)
- Plusieurs voix – Mais nous n'en sommes qu'à l'article 1er. (U. B.,22 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – L'amendement de M. Destouvelles est composé de trois articles qui tous ensemble remplaceront l'article premier du projet :
« Art. 2. Sont réputés citoyens belges : 1° les étrangers établis en Belgique avant le 1er janvier 1814, et qui ont continué d'y être domiciliés ; 2° ceux qui ont été ou seront naturalisés.
« Art. 3. La qualité de citoyen belge se perd d'après les règles déterminées par le Code civil relativement à la privation de la jouissance des droits civils. » (U. B., 22 déc. et A.)
M. le président – L'amendement est-il appuyé ? (Oui ! oui !) (U. B., 22 déc.)
M. Destouvelles – Messieurs, l'article premier de la section centrale est ainsi conçu :
« La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile. »
Cet article me parait renfermer une erreur grave que je viens signaler au congrès. Messieurs, vous savez qu'il y a deux espèces de droits, les droits civils et les droits politiques ; ces droits sont fort différents entre eux : les droits politiques sont ceux qui confèrent les droits d'élection, celui d'être nommé à des fonctions publiques ; il n'y a que les citoyens qui en puissent jouir : les droits civils sont ceux qui règlent la propriété entre les individus, indépendamment de leur qualité de citoyens. Le caractère des uns et des autres étant bien connu, voyons si l'on peut savoir quelles sont les conditions requises pour acquérir, conserver ou perdre ces droits politiques : l'article premier du projet de la section centrale me renvoie pour cela à la loi civile ; j'ouvre le Code civil, et voici ce que je lis, article 7 : « L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle. » Il n'y a rien là qui me dise ce que je désirais savoir : le Code ne parle que des droits civils ; cependant, lorsqu'il s'agit de fixer les droits politiques, le projet renvoie à la loi civile, et celle-ci renvoie à son tour à la constitution ; c'est donc à la constitution à fixer ces droits ; si elle ne les fixait pas, il s'ensuivrait que le congrès, quoique congrès constituant, laissrait aux législatures qui nous suivront le soin de le faire, et ce ne serait que par des lois variables que des conditions aussi essentielles seraient établies.
Lorsque, au mois de mars 1803, le Code civil fut promulgué, la constitution de l'an VIII était en vigueur. Les droits politiques étaient écrits dans cette constitution, de là résultait naturellment pour la loi civile le besoin de renvoyer à la constitution. Mais aujourd'hui que la constitution de l'an VIII n'existe plus pour nous, et que la loi dite fondamentale de 1815 n'est plus de ce monde, il faut que la constitution les supplée sur ce point. Le congrès constituant doit faire ce qu'a fait le législateur de l'an VIII. Cette constitution est encore en vigueur en France, quant à cette partie, car ni la charte de 1814 ni la nouvelle charte n'en disent rien.
Je crois, messieurs, avoir justifié mon amendement ; ce n'est qu'après un violent combat avec moi-même que je me suis décidé à vous le présenter, parce que j'ai su que l'article premier du projet avait été l'objet de longs débats dans la section centrale ; mais, je l'avouerai, je n'ai pas cru devoir rculer devant cette considération, parce que ce n'est que par de mûres réflexions que je me suis convaincu qu'il y avait une lacune qu'il était indispensable de remplir.
Comme l'article premier embrassait non seulement les moyens d'acquérir, mais encore les moyens de perdre la qualité de Belge, j'ai cru que la perte de cette qualité pouvait être réglée par la loi civile. J'ai dit que la qualité de Belge se perd d'après les dispositions du Code civil, puisque, pour exercer les droits politiques, il faut nécessairement exercer les droits civils ; on peut s'en rapporter au Code civil pour la perte des droits politiques.
-L'honorable orateur termine en donnant lecture de son amendement. (U. B, 22 déc.)
M. Raikem – Messieurs, je suis chargé de défendre le projet de la section centrale : l'article premier y a été longuement discuté. On a rappelé la maxime que toute définition n'est pas sans danger, et qu'il n'en est pas sans exception ; cependant il faut partir de là pour s'entendre. Définissons donc ce que, dans le sens d'une constitution, on entend par le terme citoyen. Qu'est-ce qu'un citoyen ? C'est une personne jouissant de ses droits politiques. Vous savez qu'il y a deux espèces de droits : 1° les droits civils, 2° les droits politiques. Voyez maintenant (page 560) si l'on peut accorder les droits politiques à qui n'a pas la jouissance des droits civils. Évidemment non ; mais il faut avoir la jouissance de ces derniers pour pouvoir acquérir les droits politiques. Les droits civils sont le moins, les droits politiques le plus. Or, que porte le Code civil ? « Tout Belge jouira des droits civils. » Ainsi, pour la qualité de Belge, « elle s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile. » Pouvez-vous trouver un Belge qui n'ait pas la jouissance de ses droits civils ? Non. Il est possible qu'un Belge ayant la jouissance de ses droits civils n'ait pas la jouissance de ses droits politiques ; le contraire est impossible. La prmière partie de l'article est donc juste.
Que dit la deuxième partie ? « La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent, en outre, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. » Vous trouverez en effet dans la constitution des articles relatifs aux droits politiques, vous en trouverez aussi dans la loi électorale, et ils suffiront pour qu'il ne puisse y avoir de difficulté à cet égard.
On a dit que nous allions laisser aux législatures postérieures le soin de régler la jouissance des droits politiques. Il n'y a pas grand inconvénient à cela. De quelque manière qu'on règle la jouissance des droits civils, il faudra nécessairment la posséder, pour avoir celle de ses droits politiques, qui toujours resteront définis et bien connus. D'ailleurs, ce ne sera pas tout à fait à la disposition des législatures suivantes : il y aura des indications qu'elles ne pourront se dispenser de suivre.
En France, dit-on, on s'en est rapporté à la constitution de l'an VIII : mais nous, nous aurons dans la constitution et dans la loi électorale des dispositions qui suppléeront à la constitution de l'an VIII.
Enfin, on fait une dernière objection relativment aux étrangers habitant en Belgique avant 1814. Leur sort, dit-on, devrait être fixé par la constitution, et non par une loi transitoire : votre section centrale a pensé le contraire ; elle a été d'avis de les admettre à la jouissance de tous les droits attribués aux Belges, mais sous certaines conditions ; car souvent un individu pourrait adopter une nouvelle patrie sans renoncer à l'ancienne, et comme il ne faut pas qu'un homme ait deux patries, nous exigeons de lui une déclaration portant qu'il renonce à sa patrie, et qu'il veut continuer de résider en Belgique. Cette disposition sera nécessairement transitoire, puisque après un certain temps elle ne sera plus applicable à personne ; mais elle ne sera pas transitoire comme l'entend notre collègue, elle fera partie de la constitution. (U. B., 22 déc.)
M. Destouvelles expose de nouveau ses arguments qu'il appuie de quelques articles du Code civil. Tout Français, y est-il dit, jouit des droits civils, mais il n'y est pas dit qu'ils jouissent des droits politiques. L'orateur désirerait que la loi électorale fît partie de la constitution, et pense que cette loi devant être révisée tous les six ans, ce n'est pas un terme fort éloigné de celui auquel on pourrait réviser la constitution. (P., 22 déc.)
M. de Robaulx – Messieurs, il me paraît que l'amendement de M. Destouvelles donne lieu d'examiner une question préalable : c'est de savoir si la constitution doit s'occuper de régler les droits politiques. Le titre, même admis provisoirement, nous indique assez qu'il s'agissait des Belges et de leurs droits, car il porte ces mots : Des Belges et de leurs droits. Il fallait donc dans ce titre s'occuper d'abord de la qualité de Belge. Il paraît que la section centrale n'a pas voulu s'occuper des Belges ; elle n'a voulu s'occuper que de leurs droits, et en cela elle a été inconséquente avec son titre. Toutefois, elle ne l'a pas été avec ell-même, car je lis dans l'article 2 : « La naturalisation assimile l'étranger au Belge pour l'exercice des droits politiques. » Par ces mots, la constitution nous dit qui est citoyen belge. C'est l'étranger naturalisé. Eh bien ! si la section centrale nous indique une classe de personnes jouissant du droit de cité, elle aurait dû nous indiquer toutes les personnes qui partagent cette jouissance. N'est-il pas parlé des étrangers jouissant des droits politiques ?... (U. B., 22 déc.)
M. Devaux – Vous vous trompez. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – Vous indiquez une fois qui sera citoyen belge, vous deviez l'indiquer pour toutes les classes ; vous garantissez les droits de cité à un étranger, et vous les refusez à un Belge. Je crois que la constitution doit déterminer les conditions qu'il faut pour être citoyen belge. (U. B., 22 déc.)
M. Charles de Brouckere, rapporteur – L'erreur des deux orateurs qui viennent de parler tient à une confusion d'idées : nous n'avons pas défini le citoyen belge dans l'article premier, mais le Belge, laissant à la loi civile le soin de déterminer les règles par lesquelles s'acquiert, se conserve et se perd (page 561) cette qualité. L'amendement de M. Destouvelles porte : « Sont Belges ceux qui sont nés en Belgique. »
En sorte qu'un enfant né en Belgique de parents français serait Belge, selon M. Destouvelles ; mais, d'après l'article 10 du Code civil, il est Français. Voici en effet ce que porte cet article : « Tout enfant né d'un Français, en pays étranger, est Français. » Voilà où nous conduirait l'amendement. La section centrale a voulu qu'on fût citoyen belge avant d'avoir la jouissance des droits politiques, et nous avons ajouté : « La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent, en outre, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. »
Vous trouverez, en effet, dans la constitution, plusieurs articles qui vous fixeront à cet égard. Mais, dit-on, vous avez qualifié les étrangers de citoyens belges. C'est une erreur ; nous avons assimilé les étrangers naturalisés aux citoyens belges. Il me semble que ce peu de mots suffisent pour justifier les dispositions de l'article premier. (Aux voix ! aux voix ! ) (U. B., 22 déc.)
M. Charles Le Hon – Je demande la parole. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Vous l'aurez après les orateurs inscrits. (U. B., 22 déc.)
M. Van Meenen, après avoir reproduit les arguments de M. Charles de Brouckere, répond à l'objection de M. de Robaulx en ces termes – Quant à l'objection de M. de Robaulx, elle tombe d'elle-même ; car l'article 2 qu'il a invoqué ne dit pas : L'étranger naturalisé est Belge, mais assimilé au Belge. Quant à ce qu'il a dit du titre, je lui ferai observer que le titre n'est pas plus décrété que le reste de la constitution ; on peut amender le titre qui, selon moi, devrait être changé en celui-ci : Droit public des Belges. Par là, le titre répondrait à son but. (La clôture ! la clôture !)
- Comme M. le président se dispose à accorder la parole à un autre orateur, un député assis dans le couloir du côté droit se lève et dit d'une voix forte – Nous sommes dix pour la clôture. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – Je demande la parole contre la clôture. (U. B., 22 déc.)
- Quelques voix – Ah ! ah ! oh ! oh ! (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – Ah ! ah ! Messieurs, je trouve fort étonnant que l'on soit aussi mal accueilli lorsqu'on demande à éclairer une question, la plus importante peut-être qui puisse nous être soumise, et lorsque d'honorables orateurs ont demandé la parole pour nous porter le tribut de leurs lumières. Je demande que la discussion continue.
- On crie de toutes parts et plus fort que jamais : Aux voix ! la clôture ! la clôture ! ) (U. B., 22 déc.)
M. le président – Mais... (Aux voix ! aux voix ! ) (U. B., 22 déc.)
- M. Raikem veut faire une observation ; les cris ; la clôture ! étouffent sa voix. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Il s'agit de clôture. (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – Il y a une question préalable, c'est de savoir si l'amendement de M. Destouvelles... (Aux voix ! aux voix !) (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – Il s'agit de l'amendement de M. Destouvelles ; je demande la clôture de la discussion sur cet amendement. (U. B., 22 déc.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée. (U. B., 22 déc.)
- Quelques voix – Il y a doute, (U. B., 22 déc.)
M. de Robaulx – La contre-épreuve ! (U. B., 22 déc.)
- La contre-épreuve a lieu, mais la minorité est évidente pour la soutenir. (U. B., 22 déc.)
L'amendement de M. Destouvelles est mis aux voix.
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, - Voici un amendement de M. Van Meenen :
« La qualité de Bekge s’acquiert, se conserve et se perd d'après loi civile.
« La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent les conditions ultérieurement requises pour l'exercice de ces droits. »
- Hésitation dans l'assemblée. On paraît ne pas comprendre l'amendement. (U. B., 22 déc., et A.)
M. Van Snick demande une seconde lecture de cet amendement. (U. B., 22 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, le relit et fait remarquer que l'amendement consiste à changer les mots en outre en celui de ultérieurement. (U. B., 22 déc.)
M. le président – L'amendement est-il appuyé ? (Non ! non !) (U. B., 22 déc.)
- Personne ne se lève pour soutenir M. Van Meenen ; il se tourne vers le banc situé derrière lui, et fait signe à quelques membres de se lever : ils se lèvent, l'amendement est appuyé. (U. B., 22 déc.)
M. Van Meenen (page 562) explique son amendement au milieu des conversations particulières. (U. B., 22 déc.)
M. le président engage à écouler l'orateur. (Le bruit continue.) (U. B., 22 déc.)
M. Van Meenen termine ses explications. (U. B., 22 déc.)
M. le président – A-t-on bien compris les développements ? (On rit.) (U. B., 22 déc.)
- L'amendement est mis aux voix et rejeté. (U. B., 22 déc.)
M. Charles Le Hon – J'ai demandé la parole pour un simple éclaircissement propre à jeter plus de clarté sur le paragraphe premier de l'article du projet, que je ne trouve pas en rapport suffisant avec le paragraphe 2 ; je lis : « La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile. » Voilà la proposition générale ; je lis ensuite : « La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent, en outre, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. »
Je me suis demandé, en lisant ce paragraphe 2 : Outre quoi ? On peut répondre : Outre le Code ; mais cette réponse est en dehors de l'article, car je ne vois pas qu'il faille jouir des droits civils pour avoir la jouissance des droits politiques. Je prie ceux qui y ont réfléchi plus que moi de me dire si j'ai tort dans mon observation. Selon moi, voici comment il faudrait rédiger l'article ; je laisse subsister le paragraphe premier tel qu'il est ; j'ajoute : « La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. » (U. B., 22 déc.)
M. Van Meenen – C'est mon amendement. (P., 22 déc.)
M. Charles de Brouckere – Pas du tout. Nous sommes ici dix membres de la section centrale qui nous réunissons pour appuyer l'amendement de M. Le Hon, mais non pas celui de M. Van Meenen. (P., 22 déc.)
M. Du Bus pense que la constitution ne doit pas s'en rapporter à la loi civile, et combat l'article premier. (C., 22 déc.)
M. Charles Le Hon donne de nouveaux éclaircissements. (C., 22 déc.)
M. Du Bus – Tous les Belges ne jouissent pas des droits politiques. La constitution doit dire quels sont les Belges qui en jouissent. (P., 22 déc.)
M. Devaux – La constitution doit seule établir les droits politiques, et le Code civil doit établir les droits civils. Je demande la clôture. (P., 22 déc.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée. (C., 22 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, relit l'article amendé par M. Charles Le Hon :
« La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile.
« La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. » (U. B.,22 déc.)
M. le baron Beyts – Je propose un sous-amendement. (Ah ! ah !) (U. B., 22 déc.) .
M. le baron Beyts – Ah ! ah !.... (U. B.. 22 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit le sous-amendement ; il est ainsi conçu :
« La présente constitution et la loi organique relative aux droits politiques déterminent, en outre de cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits. » (U. B., 22 déc., et A.)
- Ce sous-amendement n'est pas appuyé. (U. B., 22 déc.)
L'article premier, amendé par M. Charles Le Hon, est mis aux voix et adopté. (P. V.)
- La discussion s'ouvre sur l'article 2. (U. B., 22 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire :
« Art. 2. La naturalisation assimile l'étranger au Belge pour l'exercice des droits politiques.
« Elle ne peut être accordée que par le pouvoir législatif. »
Il y a un amendement de M. Devaux, le voici : « La naturalisation est accordée par le pouvoir législatif.
« La grande naturalisation seule assimile l'étranger au Belge pour l'exercice des droits politiques. » (U. B., 22 déc.,. A. C., et P. V.)
- L'amendement est appuyé. M. Devaux est admis à le développer. (U. B., 22 déc.)
M. Devaux – Je serai très court, messieurs ; et, si j'avais prévu que mon amendement dût entraîner une aussi longue discussion que l'article premier je ne l'aurais pas proposé ; il est urgent de hâter le travail de la constitution, et nous avons mis plus de deux heures à adopter un article. Quand aurons-nous fini les 164 articles de la constitution, si nous procédons aussi lentement ?
Je veux deux naturalisations, la petite et la grande ; l'une et l'autre seront accordées par le pouvoir législatif. Si vous admettez le système de la section centrale, il s'ensuivra que tous les naturalisés auront les mêmes droits, et comme il est probable que la naturalisation s'accordera facilement, on verra des étrangers devenir ministres, sénateurs, etc. Je ne veux pas que semblable chose arrive, et il faut, pour l'empêcher, que le législateur (page 563) sache bien ce qu'il accorde en donnant la naturalisation ; cette seule distinction entre la grande et la petite suffira pour fixer son attention sur les individus qui demanderont la première, et il sera d'autant plus difficile que cette loi donnera des droits plus étendus. (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – Je vote contre l'amendement comme complètement inutile. Il faut, dit-on, que le législateur sache ce qu'il accorde ; mais, avec le système de la section centrale, ne le saurait-il pas aussi bien que lorsqu'on aura divisé la naturalisation en grande et en petite ? A quoi servirait d'ailleurs la petite naturalisation ? à rien ; car un étranger peut venir en Belgique y apporter son industrie, et il y jouira, sans être naturalisé, de la protection des lois et de tous les droits civils des citoyens. Pourquoi donc fractionner les individus en deux classes, dire à l'une : Vous irez jusque-là ; à l'autre : Vous resterez en deçà ? Il me semble que la seule naturalisation suffit : nous pouvons d'ailleurs nous en rapporter au bon sens des électeurs, qui n'enverront pas légèrement des étrangers à la législature. (U. B., 22 déc.)
M. Van Snick – Qu'auront ceux qui n'auront que la demi-naturalisation ? (U. B., 22 déc.)
M. Masbourg – Peut-être que mon amendement concilierait tout. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Il faut des lumières pour le lire. (U. B., 22 déc.)
- La nuit est arrivée, on apporte des lumières.
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'amendement de M. Masbourg :
« Néanmoins l'étranger naturalisé ne sera admis aux fonctions publiques qu'après dix ans de séjour en Belgique. » (U. B.,. 22 déc.)
M. Forgeur – Je demande le rappel au règlement. L'amendement de M. Masbourg est une disposition additionnelle ; il faut d'abord mettre aux voix l'amendement de M. Devaux. (U. B., 22 déc.)
M. le baron de Stassart – M. Forgeur a dit qu'il fallait s'en rapporter au bon sens des électeurs, relativement à l'élection des étrangers naturalisés. Mais je lui ferai observer que des étrangers peuvent devenir ministres ; cela ne dépend pas des électeurs : je demande qu'il y ait deux espèces de naturalisation. (U. B., 22 déc.)
M. Forgeur – Mais pour devenir ministres, ils auront déjà obtenu la naturalisation. (U. B., 22 déc.)
M. le baron de Stassart – Si vous n'avez qu'une seule espèce de naturalisation, vous vous trouverez entre deux écueils : vous vous montrerez trop faciles ou trop sévères. Il convient sans doute d'accueillir favorablement celui qui se présente avec des capitaux ou des connaissances industrielles ; mais il ne faut pas que cet homme, tout utile qu'il est à notre prospérité commerciale, à nos intérêts matériels, puisse compromettre nos libertés ou notre indépendance politique, si le chef de l'État le choisit pour ministre, quoique étranger à nos mœurs, à nos habitudes, à nos institutions. On ne doit négliger, à cet égard, aucune précaution, et l'amendement de M. Devaux me paraît fort sage. (Appuyé ! Appuyé !) (U. B., 22 déc.)
- L'amendement de M. Devaux est adopté. (P. V.)
L'adoption de cet amendement rend inutile celui de M. Masbourg. (U. B., 22 déc.)
M. Van Snick propose comme paragraphe la disposition suivante :
« Les individus qui étaient établis en Belgique en janvier 1814, et qui, depuis cette époque, out continué d'y résider, seront considérés à l'avenir comme Belges et jouiront de tous les droits politiques, pourvu que, dans les six mois qui suivront la publication de la loi fondamentale, ils déclarent à la municipalité du lieu de leur résidence que leur intention est d'adopter la Belgique pour leur patrie. » (C., 22 déc.)
M. Raikem dit que cette proposition n'est pas à sa place ; ce sera l'objet d'un article additionnel à la constitution. (C., 22 déc.)
M. Van Snick ajourne sa proposition. (C., 22 déc.)
M. le président consulte l'assemblée sur la question de savoir s'il y aura une séance du soir. (C., 22 déc.)
- L'assemblée décide qu'il n'yen aura pas. (C.. 22 déc.)
M. le baron Osy demande que la commission chargée de faire un rapport sur la loi relative à la chambre des comptes fasse son rapport demain. (U. B., 22 déc.)
M. le président – Si le budget ou la loi sur la chambre des comptes me parvenait pendant la séance, je demanderais à l'instant si on veut interrompre la discussion. (U. B., 22 déc.)
- Il est quatre heures et demie ; la séance est levée. (P. V.)