(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 1)
(page 336) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à une heure (P. V.)
M. Nothomb, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée. (P. V.)
M. le président – Il va être donné lecture de plusieurs demandes de congé. (U. B., 4 déc.)
- Un des secrétaires – M. J. B. Gendebien demande un congé de huit jours.
M. Liedts, commissaire du gouvernement à Gand, demande un congé de plus de cinq jours.
M. de Schiervel, bourgmestre, en demande un de huit jours. (P. V.)
- Ces congés sont accordés. (P. V.)
M. Gelders, bourgmestre de deux communes, a besoin, pour affaires relatives à son administration, de s'absenter pendant cinq ou six jours ; il demande un congé de huit jours. (U. B., 4 déc.)
M. de Robaulx – Je demande que le congé soit refusé. S'il était permis de quitter le congrès pour vaquer à des affaires administratives, il y a ici beaucoup de bourgmestres, et l'assemblée serait bientôt réduite à un petit nombre de membres. (U. B., 4 déc.)
M. Henri de Brouckere : Messieurs, M. Gelders est bourgmestre de deux communes ; il a besoin de rendre compte de l'administration de l'une d'elles ; il a à faire une remise de papiers et d'archives importantes ; sa présence est absolument nécessaire chez lui ; je pense que nous dvons accéder à sa demande. (U. B., 4 déc.)
M. le président – Les raisons données par M. de Brouckere satisfont-elles le congrès ? (Oui ! oui !) (U. B., 4 déc.)
- Le congé est accordé. (P. V.)
M. Roeser demande un congé de quinze jours pour des affaires de famille. (Réclamations générales et murmures.) (U. B., 4 déc.)
M. Charles de Brouckere : Je vais donner (page 337) quelques explications qui, peut-être... (U. B, 4 déc.)
M. le président – M. Roeser se trouve dans une situation particulière, et qui mérite toute la bienveillance du congrès. Sa mère est extrêmement malade à Luxembourg, et l'entrée lui en est interdite ; il veut essayer d'y pénétrer malgré la surveillance des Prussiens, pour y recueillir les derniers soupirs de sa mère, s'il a le malheur de la perdre : dans ces circonstances, il doit s'en tenir rapproché autant que possible. Si, comme je n'en doute pas, le congrès trouve ces motifs suffisants pour accorder le congé... (Oui ! Oui !) (U. B., 4 déc.)
- Le congé est accordé. (P. V.)
M. de La Marche adresse au congrès un projet de constitution, et offre de donner des éclaircissements sur les différents articles qu'il contient.
MM. Vanlinthout et Vandenzande font hommage au congrès de deux cents exemplaires d'un petit opuscule intitulé : Considérations sur la liberté religieuse. (P. V.)
M. le président – Ces exemplaires ont été distribués à tous les députés ; il n'y a rien à ordonner. (U. B., 4 déc.)
M. Auguste propose au congrès national de choisir pour souverain de la Belgique S. A. R. l'infant duc de Lucques.
- Renvoi à la commission des pétitions. (P. V.)
M. Lessere, père de famille, né Parisien, électeur et éligible, demeurant place Dauphine à Paris, n° 12, adresse au congrès un projet de déclaration des droits naturels, civils et politiques, pour mettre en tête de la constitution. (P. V.)
M. le président – Où renverra-t-on ? (On rit. ) (U. B., 4 déc.)
- Quelques voix – Au comité.
– Renvoi au bureau des renseignements. (U. B., 4 déc.)
M. Robs, de Namur, présente au congrès un projet de finances qu'il fait précéder d'aperçus et de considérations sur notre état politique. (P. V.)
- Renvoi à la commission des pétitions. (U. B., 4 déc.)
M. J. H. G. Krombach, pharmacien à Diekirch, demande avec instance que le congrès juge les contestations relatives aux élections des membres au congrès, élus par le district de Diekirch.
M. Seyler, bourgmestre de Diekirch, adresse une lettre sur le même objet. (P. V.)
M. le président – Votre décision a prévenu les désirs des pétitionnaires ; en conséquence je propose l'ordre du jour. (U. B., 4 déc.)
MM. Léopold de Wolf et G. Martelli, d'Ypres, demandent qu'il soit joint au texte français des décrets du congrès et des arrêtés du gouvernement une traduction flamande ou allemande pour les communes où ces langues sont en usage. (P. V.)
M. le président – Vu la loi qui a déjà été rendue à ce sujet, j'ai l'honneur de proposer l'ordre du jour. (U. B., 4 déc.)
M. Franclier, de Senlis, électeur depuis 1789, vieilli en l'amour de la patrie? adresse au congrès quelques exemplaires de sa réponse à M. Guizot.
- Dépôt à la bibliothèque. (P. V.)
Vingt et un chevaliers de la Légion d'honneur, généraux, officiers, caporaux et soldats, réclament le payement de l'arriéré de leur traitement comme légionnaires. (P. V.)
- Renvoi à la commission des pétitions. (U. B., 4 déc.)
Le baron de Fraiture, de Liége, demande une première chambre héréditaire et le jury.
M. le comte de Visart de Bocarmé propose au congrès, pour souverain de la Belgique, l'archiduc Ferdinand d'Autriche, petit-fils de l'impératrice Marie-Thérèse. Ceux qui voudront être bien fixés sur la généalogie de cet archiduc pourront lire la lettre de M. le comte. (P. V.)
- Plusieurs voix – Renvoi de M. l'archiduc à la commission des pétitions. (U. B., 4 déc.)
M. Guichard, de Hollain, près de Tournay, propose au congrès le duc de Reichstadt pour roi de la Belgique, à la condition d'épouser une des filles du roi Louis-Philippe. (P. V.)
- Renvoi à la commission des pétitions. (U. B., 4 déc.)
M. Molinari se plaint de ce qu'on lui a assigné la ville de Liége pour prison. (P. V.)
- Renvoi à la commission des pétitions. (U. B., 4 déc.)
M. Jean-Henri Joris, détenu pour dettes en la prison civile de Louvain, se plaint d'être détenu au-delà du terme de cinq ans, en contravention de la loi de germinal an VI. (P. V.)
- Renvoi à la commission des pétitions. (U. B., 4 déc.)
Treize négociants des plus recommandables de la ville d'Anvers se plaignent de la continuation du blocus, quoique les conditions de l'armistice accepté par le roi de Hollande exigent la levée du blocus. (P. V.)
M. le président – Cette pétition est d'un un haut intérêt que je proposerai au congrès d'en entendre incontinent la lecture. (Oui ! oui ! oui !) (U. B., 4 déc.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, (page 338) donne lecture de cette pétition ; elle est ainsi conçue :
« A MM. les membres du congrès national.
« Messieurs,
« La communication que vous aviez reçue le 27 de ce mois, que le roi de Hollande avait accepté l'armistice et ordonné le 25 la levée du blocus, avait rendu l'espoir au commerce ; certain de la réalité de ce fait, et confiant dans les paroles du gouvernement provisoire, il avait agi en conséquence, pour placer des marchandises et ordonner des achats à l'étranger.
« Cependant la levée du blocus ne semble pas se confirmer. Car le commandant de la station hollandaise devant cette ville, loin d'avoir reçu les ordres pour permettre la libre entrée et sortie des navires, a restreint même aux petits navires de pêche la liberté de navigation.
« Le retard porté à l'exécution de la convention porte le dernier coup à notre commerce, et le place dans une position pire que celle où il se trouvait déjà. La classe ouvrière se voit frustrée de l'espoir qu'elle avait d'être occupée cet hiver, et le commerce reste plongé dans un état d'incertitude et de malaise plus nuisible que le mal même.
« Représentants du commerce de cette place, nous nous permettons de déposer nos doléances dans votre sein, certains que vous prêterez tous vos soins à y porter remède, en faisant hâter l'exécution de l'armistice conclu.
« (Suivent les signatures.) » (U. B. et C., 4 déc.)
M. Pirson – Je demande le renvoi de la pétition au comité diplomatique. (U. B., 4 déc.)
M. Werbrouck-Pieters – Je demande la parole. (U. B., 4 déc.)
M. le président – La proposition qu'a faite M. le baron Osy a quelques rapports avec la pétition dont vous venez d'entendre la lecture. On va vous donner lecture de cette proposition ; on ouvrira la discussion après, s'il y a lieu. (U. B., 4 déc.)
La proposition de M. Osy est ainsi conçue :
« J'ai l'honneur de soumettre au congrès national la proposition suivante :
« 1° Que le gouvernement provisoire sera prié de donner communication du protocole de Londres du 17 novembre. »
« 2° Qu'il sera donné connaissance de la note de MM. Cartwright et Bresson concernant la suspension d'armes pour en connaître les détails.
« 3° Prier le gouvernement de communiquer les mesures prises pour faire reconnaître par les puissances étrangères, surtout par la Hollande, le pavillon belge.
« 4° Demander si le gouvernement a prévu que, pendant la suspension d'armes, la libre navigation de l'Escaut sera rétablie et que les navires destinés pour Anvers n'auront plus de droit de transit à payer à Flessingue.
« 5° Prier le gouvernement provisoire de donner connaissance au congrès de la situation des finances de la Belgique.
« Bruxelles, 2 décembre 1830. »
« BARON OSY. » (P. V.)
M. le président – La parole est M. Werbrouck-Pieters. (C., 4 déc.)
M. Werbrouck-Pieters – Messieurs, la lettre du comité de la réunion commerciale d'Anvers dont il vient de nous être donné lecture, appelle l'attention la plus sérieuse du congrès.
Son objet intéresse à la fois toutes nos provinces et même la France et l'Angleterre, en ce que, parmi les cargaisons qui sont arrêtées à Flessingue, il se trouve des consignations faites par des négociants de ces deux pays. Toutefois, messieurs, ce n'est pas sous ces deux rapports seulement que nous devons envisager la chose, mais encore, et à plus forte raison, sous celui des conséquences qui pourraient en résulter pour la nation, s'il était permis aux Hollandais d'enfreindre impunément, sous de vains prétextes ou par des interprétations forcées, les traités ou conventions que notre gouvernement a faits ou pourrait faire par la suite avec eux ou avec leur roi. N'oublions pas, messieurs, et que la Belgique aujourd'hui indépendante, et faisant désormais elle-même ses propres affaires, ne perde jamais de vue que la Hollande fut et sera éternellement la plus cruelle ennemie de son commerce.
Parcourons l'histoire de notre pays depuis l'époque où le fondateur de la république batave prit les armes contre Philippe II jusqu'a ce jour, et nous y verrons constamment cette même marche, ces mêmes interprétations forcées des traités, ces mêmes voies obliques par lesquelles la Hollande parvint, après de longues guerres (page 339) accompagnées de dévastations, de pillage et de spoliations sans nombre, à obtenir ce fameux traité de Munster du 30 janvier 1648.
Rappelons-nous, messieurs, sans cesse qu'il ne fallut que huit mots pour ruiner complètement et anéantir notre commerce :
« L'Escaut sera tenu fermé du côté des États »
Ces huit mots, messieurs, nous privèrent pendant cent cinquante ans de l'usage et des avantages d'une navigation que doit nous assurer un des plus beaux fleuves dont la nature ait fait présent au monde. Rappelons-nous encore, messieurs, et que tous les Belges s'en pénètrent bien, que l'insatiable avarice de la Hollande ne s'en tint pas là.
A peine Ostende, le seul petit port de mer et de commerce que possédait encore la Belgique, eut-il pris quelque essor par la formation d'une compagnie destinée à établir quelque commerce direct avec les Indes, qu'aussitôt, interprétant les traités à sa manière, elle suscita de nouvelles qurelles, de nouvelles guerres pour détruire ce qui portait ombrage à sa jalousie, et attendu (comme le dit fort bien l'historien Dumez) que les motifs dictés par la raison ne détruisent pas les prétentions suggérées par l'intérêt, appuyées de quelques millions, force fut que la compagnie fût dissoute, les actionnaires ruinés, et Ostende rentra dans sa nullité absolue.
Ce n'est pas tout encore ; que ne fit-elle pas pour arriver à cet odieux traité de la Barrière qui fut conclu le 15 novembre 1715, dans cette même malheureuse ville d'Anvers, contre laquelle de nos jours elle a déployé la seule énergie, si on peut appeler ainsi une lâche rage, qu'elle ait montrée dans nos sanglants conflits ! N'y voit-on pas, messieurs, la même main qui frappe ? et le même dessein ne saute-t-il pas aux yeux du monde entier, celui de détruire cette ville qui elle regarde comme sa rivale, et dans la destruction de laquelle elle voit le seul moyen de lui garantir son monopole commercial ?
Encore une fois, messieurs, n'oublions jamais, et ne perdons pas un instant de vue, que toutes les guerres que la Hollande a provoquées et sont tenues depuis environ deux siècles, n'eurent jamais d'autre motif ni un autre but.
Telle fut aussi la dernière guerre que l'on appelle la guerre de la Marmite (Note de bas de page : Dénomination burlesque qu’on a donnée aux hostilités insignifiantes qui ont précédé le traité de Fontainebleau du 8 novembre 1785 ; d’après les ordres de Joseph II, qui voulait considérer la fermeture de l’Escaut comme non avenue, un brigantin impérial descend le fleuve d'Anvers à la mer ; l'empereur avait espéré que l'escadre hollandaise, qui s'était postée à l'embouchure de l'Escaut n'oserait tirer sur le navire et l'arrêter ; à la hauteur de Saeftingen , un brigantin hollandais tira ; personne ne fut blessé à bord du navire autrichien ; on prétend qu'une marmite fut seulement renversée. Le prince de Kaunitz n'avait pas partagé l'espoir de Joseph II ; pour annoncer à l'empereur l'acte d'hostilité ou plutôt de résistance des Hollandais, il se borna à dire : Sire, ils ont tiré), que Joseph Il, humilié de voir ses États frustrés de tout commerce et pour ainsi dire de toute industrie, commença et finit bientôt au moyen des difficultés que la Hollande lui suscita sur d'autres points et de quelques millions qu'elle lui paya, tache ineffaçable et dont un peuple libre ne se souillera jamais.
Cette analyse succincte et rapide suffit pour faire connaître quel a été constamment l'esprit des États de la Hollande, à l'égard de notre commerce et des seuls ports qui peuvent nous en assurer les avantages. Ne vous y trompez pas, messieurs, le même esprit anime et domine aujourd'hui encore le cabinet hollandais, à la tête duquel se trouve le fameux Van Maanen, dont le seul nom excite, à juste titre, l'indignation de tous les Belges.
C'est contre cet esprit que la nation a et aura à lutter constamment. Nous ne sommes plus ces Belges soumis à un sceptre étranger, il est vrai ; nous ne souffrirons pas que le joug hollandais nous soit imposé de nouveau ; mais tandis que nous avons tout à faire et à former, les Hollandais ont des alliances anciennes qu'ils renforcent chaque jour. Faisons donc connaître nos sentiments au gouvernement provisoire ; qu'il les partage et qu'il avise aux moyens de nous délivrer pour toujours de cet odieux joug hollandais.
Appuyons à l'unanimité le renvoi au gouvernment de la lettre dont il s'agit, et demandons qu'il nous fasse connaître d'une manière positive les motifs que les Hollandais allèguent et prétextent pour ne pas exécuter franchement les conditions de la suspension d'armes, alors que nous, de notre côté, nous les remplissons à la lettre.
Trouveraient-ils, les Hollandais, ce motif dans le paragraphe de l'annonce de la suspension d'armes, ainsi conçu :
« La faculté sera accordée de part et d'autre de (page 340) communiquer librement par terre et par mer avec les territoires, places et points que les troupes respectives occupent hors des limites qui séparaient la Belgique des Provinces-Unies des Pays-Bas, avant le traité de Paris du 30 mai 1814. »
Je conçois, messieurs, que ces mots hors des limites peuvent être interprétés et invoqués par eux ; mais alors, que veut dire le paragraphe qui s'exprime ainsi :
« Le tout sous réciprocité parfaite de la Hollande, tant par terre que par mer, y compris la levée du blocus des ports et fleuves. »
Qu'on s'explique franchement et on s'entendra ; mais s'il est vrai que les prétentions hollandaises peuvent être fondées jusqu'à un certain point sur ce dernier paragraphe, qu'on me dise donc à quoi bon une suspension d'armes qui me paraît dès lors entièrement en faveur de nos ennemis. En effet, loin de faire la moindre concession, ils occupent encore une partie de notre territoire ; ils font mine d'y tenir plus que jamais ; ils continuent à y augmenter leurs moyens de défense et même d'attaque. Ils arrondissent leurs finances et ils semblent attendre des renforts étrangers qui leur arrivent chaque jour d'une manière qui exclut toute idée d'intervention, pour nous tomber dessus dans un temps donné. C'est sur ce point que mon devoir est d'appeler l'attention de la nation et du gouvernement provisoire, en vous exposant le véritable état des choses et en provoquant de ce dernier des mesures vigoureuses et propres à nous rassurer contre les malheurs et les dévastations que nos ennemis, n'en doutez pas, nous préparent, s'ils en obtiennent jamais l'occasion.
Je demande donc le renvoi de la lettre au gouvernement provisoire et qu'il soit invité à nous faire connaître où nous en sommes avec la suspension d'armés conclue le 21 novembre dernier. (J. A., 4 déc.)
M. le président – Le renvoi est-il appuyé ! (Oui ! oui !) (U. B.,. 4 déc.)
M. Van de Weyer – Je demande la parole. (U. B., 4 déc.)
M. le président – M. Osy l'a déjà demandée. (U. B., 4 déc.)
M. le baron Osy – Il y a huit jours que j'eus l'honneur de vous faire une proposition pour connaître le protocole du 17 novembre et pour avoir des assurances que, pendant la suspension d'armes qu'on nous a annoncée depuis le 21 novembre, la libre navigation de l'Escaut serait rétablie, sans devoir payer à Flessingue, comme cela a eu lieu jusqu'à présent, un droit de transit pour les navires qui allaient en mer.
Le 24 de ce mois, M. Van de Weyer nous a demandé de pouvoir retarder la communication du protocole, jusqu'à ce que le gouvernement eût reçu de La Haye une réponse à la proposition de la suspension d'armes. Comme elle a été consentie en date du 25, par le roi de Hollande, je pense que vous ne trouverez plus aucun inconvénient à ce que nous ayons connaissance du protocole et des conditions de la suspension d'armes.
Je dois avouer que le silence du gouvernement a lieu de m'étonner et me fait craindre qu'on ne tombe pas d'accord sur les conditions de l'armistice. Car, d'après l'annonce de la suspension d'armes, je vois qu'il est toujours question du traité du 30 mai 1814, dont le protocole du 4 novembre faisait également mention ; et si je suis bien informé, le roi de Hollande prétend que, d'après le susdit traité, il peut conserver une grande partie du Limbourg, et entre autres Maestricht et Venloo, ainsi que la rive gauche de l'Escaut ; il n'abandonne pas non plus ses prétentions sur le Luxembourg. En attendant que ces points soient décidés, il n'évacuera pas la citadelle d'Anvers.
N'ayant pu me procurer le traité du 30 mai 1814, je crois qu'il serait très convenable qu'on nous en donnât connaissance pour voir si ces prétentions sont fondées, et si, dans ce cas, il conviendrait de traiter sur ce pied.
Je ne doute pas, messieurs, que vous ne soyez tous de l'opinion que, pour voir établir d'une manière stable notre indépendance, pour avoir de la force, et ne pas voir anéantir entièrement le commerce expirant d'Anvers qui doit faire la base de notre prospérité, nous ne pourrons pas nous passer du Limbourg et de la rive gauche de l'Escaut.
On nous a annoncé que les communications par mer et par terre avec la Hollande seraient rétablies pendant la suspension d'armes, et que le blocus de nos côtes et de l'Escaut serait levé.
Je crois que le blocus de nos côtes est levé ; mais hier, 1er décembre, le général Chassé n'avait encore aucune instruction pour faire monter notre flotte marchande qui est à Flessingue, et d'après les nouvelles de Flessingue, du 29, ainsi quatre jours après que le roi Guillaume avait signé la levée du blocus, l'amiral Gobius n'avait pas reçu d'ordres ni d'instructions.
(page 341) Vous devez sentir, messieurs, que les inquiétudes augmentent journellement. Anvers cherche à s'expliquer la non-arrivée des navires. Je vous en dirai mon opinion ; le gouvernement provisoire pourra dire si je me trompe.
Je pense que si nous avions connaissance de la note de MM. Cartwright et Bresson de samedi passé, nous jugerions mieux si mes craintes sont fondées.
On nous annonce la libre communication par eau et par terre avec la Hollande. Pour ce qui est de communication par terre, je puis vous assurer qu'elle n'existe pas. Deux malles parties d'Anvers pour Breda sont revenues mercredi 24 (quand on devait connaître partout la suspension d'armes signée par le roi Guillaume le 23). On a expédié une troisième malle que le général Van Geen a arrêtée en priant de ne plus revenir sans permission, et en annonçant qu'en attendant il expédiait les malles sous scellé à la Haye. Après ce jour aucune malle n'a pu partir pour la Hollande, et il ne nous en arrive aucune.
Le roi Guillaume, n'ayant donc pas consenti à la communication par terre, ne consentira sans doute pas davantage à celle par eau ; et comme il est maître des deux rives de l'Escaut depuis Anvers jusqu'à la mer, rien ne peut passer sans sa permission.
En levant le blocus de nos côtes, il a exécuté en partie le traité, mais vraisemblablement il n'aura pas été question de la libre navigation de l'Escaut.
Il serait à désirer que le congrès sût à quoi s'en tenir.
Le roi Guillaume paraît permettre aux navires d'Anvers d'aller en mer, mais cette permission est encore éludée ; car on prend à Flessingue aux navires belges leurs papiers de mer. Et le commerce ignorant si on a pensé à faire reconnaître le pavillon belge par les puissances, et surtout par la Hollande, les navires ne peuvent s'exposer à aller en mer. Ainsi Anvers n'a plus aucune navigation, et cependant nous sommes à la porte de l'hiver, et Anvers attendait beaucoup d'arrivages, et désirerait expédier ses navires.
Je ne veux pas vous déguiser le triste tableau d'Anvers pour ce qui regarde le commerce.
Les négociants anversois seront obligés, si cela dure, d'envoyer soit en Hollande, soit à Hambourg, leurs navires et leurs cargaisons. Les étrangers, ne pouvant plus avoir de confiance dans notre port depuis le terrible événement du mois d'octobre, ne viendront plus nous consigner leurs marchandises, et déjà plusieurs négociants ont quitté et se préparent à quitter Anvers, en emportant leurs capitaux et leur industrie.
Des négociants belges devront même suivre leur exemple. Alors, dans peu de mois, Anvers n'aura plus de commerce, et personne ne pensera plus à procurer des débouchés à votre industrie.
Déjà les nombreux ouvriers du port sont depuis un mois sans occupation. Ils viennent même à la Bourse pour demander de l'ouvrage ou du pain, et les négociants, au lieu de s'occuper d'affaires, doivent se concerter entre eux pour aider cette classe malheureuse.
Vous avez tous, messieurs, entendu souvent parler de la charité des Anversois ; je les connais trop pour ne pas être persuadé qu'ils feront tout ce qu'ils pourront pour soulager cet hiver la classe ouvrière ; mais tout le monde a fait des pertes énormes, tant par l'incendie de l'entrepôt, évalué au moins à 10 ou 12 millions de francs, que par la stagnation complète du commerce. Les négociants se hâtent de vendre ou d'expédier vers l'intérieur du pays ce qui leur reste encore, pour ne pas perdre le restant de leur fortune.
Je ne veux pas m'étendre davantage sur ce point, mais je serais charmé que MM. les députés des Flandres vous fissent le tableau de la stagnation de leurs fabriques, qu'il faut aussi attribuer à notre situation actuelle, et surtout à la fermeture de l'Escaut. Car de longtemps il ne faudra pas penser que les Anversois se trouveront dans le cas de faire des demandes d'objets de manufactures, d'autant plus que les étrangers s'éloigneront et que nos armateurs dirigeront leurs navires chez nos voisins.
Cependant, il faudra penser à donner de l'ouvrage aux cent mille bras oisifs tant à Anvers qu'en Flandre et dans le Hainaut, dont je désirerais qu'on vous fît également le tableau. Je pense que Verviers ne se trouve pas dans une plus brillante position, et qu'il se ressent également de la triste situation d'Anvers ; et ne vous dissimulez pas, messieurs, que tout notre pays s'en ressent.
Je vous prie encore de délibérer sur la dernière partie de ma demande.
Elle a rapport à nos finances.
Il y a quinze jours qu'on nous a annoncé des rapports détaillés de toutes nos administrations ; et comme la nouvelle année approche, il faut penser à un budget pour l'année 1831. Il serait essentiel de connaître avant tout la situation des caisses, les recettes et dépenses faites depuis notre révolution, et ce qu'il y a encore à recevoir sur les contributions de 1830. Il faudrait (page 542) connaître également ce que l'emprunt projeté par le gouvernement fait espérer.
Je dois rendre cette justice au gouvernement provisoire qu'il a déjà beaucoup fait dans ces moments difficiles ; mais comme il faut marcher vers un but, il est essentiel d'être informé sans retard de notre situation politique, financière et commerciale, et je laisserai à d'autres collègues plus entendus que moi à faire des questions pour ce qui regarde la partie de la guerre et de l'administration intérieure. Je ne doute pas que l'on ne veuille appuyer mes demandes dont M. le président a fait donner lecture. (Appuyé ! appuyé !) (C., 4 déc.)
M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Messieurs, si je ne pensais pas qu'il y a urgence à vous donner quelques explications sur le grave sujet qui nous occupe, j'aurais attendu, pour le faire, que le comité diplomatique eût adressé son rapport sur les négociations diplomatiques entamées avec les envoyés des puissances. Mais comme les observations que vous venez d'entendre pourraient alarmer la nation, je crois devoir anticiper sur la discussion qui s'établira un jour à cet égard, pour rassurer, autant qu'il est en moi, nos concitoyens, l'industrie et le commerce alarmés.
Messieurs, le comité diplomatique n'a point hésité à consentir à l'armistice proposé par MM. Cartwright et Bresson, et il a pensé qu'il serait fidèlement exécuté. Son étonnement a été aussi grand que le vôtre lorsque, le 30 novembre, il a été convaincu que la navigation n'était pas encore libre ; il n'a fallu rien moins que des faits dont on vous a parlé pour ébranler sa conviction à cet égard, car elle était fondée sur des pièces qui ne permettaient pas de douter que les traités ne fussent exécutés avec bonne foi. Voici ces pièces, messieurs ; je vous demanderai la permission de vous en donner lecture.
L'orateur lit une lettre en date du 25 novembre, dans laquelle M. Polydore de La Rochefoucault, chargé d'affaires de France près la cour de la Haye, annonce à M. Bresson que, le 25 novembre, le roi avait donné des ordres pour l'exécution du traité. Il donne pareillement lecture d'une lettre par laquelle l'ambassadeur d'Angleterre à La Haye, sir Charles Bagot, écrit à M. Cartwight que le roi Guillaume a donné des ordres pour faire cesser les hostilités sur terre et sur mer, et pour faire lever le blocus de l'Escaut.
Lorsque, malgré ces lettres, nous avons acquis la certitude que le blocus continuait toujours, nous nous en sommes plaints à MM. Cartwright et Bresson, et, je dois leur rendre cette justice, ils ont tout mis en usage pour faire cesser nos craintes, et ils se sont regardés comme personnellement obligés à ce que les traités ne fussent pas enfreints. A l'instant où je parle, M. Cartwright est sur la route de La Haye ; il est parti de Bruxelles à cinq heures et demie du matin, pour veiller, par lui-même, à l'exécution des conventions de l'armistice, et, si nous devons en croire d'autres communications faites au comité diplomatique, tout nous porte à penser que si le blocus n'a pas encore été levé, il n'en faut accuser que la lenteur habituelle de l'administration hollandaise.
L'orateur lit encore une lettre reçue d'Ostende par M. Coghen, administrateur général des finances, annonçant le départ de cette ville d'un navire anglais, ce qui avait encouragé quatre autres navires à quitter ce port.
De sorte, ajoute M. Van de Weyer, que le comité diplomatique ne s'est pas contenté, comme vous le voyez, de s'en rapporter aux traités négociés par lui et aux promesses des signataires, mais qu'il s'est encore entouré de toutes les lumières qu'il a pu recueillir. Au reste, messieurs, pour vous prouver que le comité diplomatique est aussi pénétré que qui que ce soit de la dignité nationale, je dois vous dire que, dans une dernière conférence tenue hier, nous avons arrêté qu'il ne serait donné aucune suite aux négociations commencées sur l'armistice définitif, jusqu'à l'exécution des premiers traités, et jusqu'à ce que satisfaction pleine et entière ait été donnée à cet égard au gouvernement. (Bien ! très bien !)
On vous a dit, messieurs, que les retards apportés par le roi de Hollande dans l'exécution de l'armistice n'étaient qu'une ruse de sa part, et qu'à l'aide de ces délais il voulait se mettre en position de recommencer les hostilités et de nous attaquer avec succès. On vous a parlé des capitulations faites avec les cantons suisses, pour renforcer son armée. Ne craignons rien de tout cela, messieurs ; avec de l'argent on a des Suisses, mais avec des Suisses on n'a pas cet esprit national qui double le courage et qui rend capable des plus grands succès. Je ne redoute donc pas une armée, quelle qu'elle soit. La Belgique n'a-t-elle pas la sienne aujourd'hui ? Elle est composée de 30,000 hommes, parmi lesquels 1,000 cavaliers montés ; si nous avons eu assez d'énergie, lorsque nous avons été surpris à l'improviste et désarmés, (page 343) pour repousser et pour vaincre 27,000 hommes de troupes réglées, que ne ferons-nous pas avec une armée de 30,000 hommes courageux et disciplinés ! Ne nous alarmons donc pas, messieurs ; l'énergie n'a pas manqué à nos volontaires pour assurer nos premiers succès, ils la montreront encore mieux, aujourd'hui qu'ils sont à même d'apprécier les bienfaits d'un gouvernement libre et paternel.
On a parlé des souffrances de l'industrie. Le gouvernement provisoire ne pouvait rien faire pour elle. Il ne lui appartient pas de l'aider par des avances de fonds, il ne pourrait le faire qu'en détournant les finances de l'État de leur destination ; ce qui serait un acte coupable, fait peut-être en pure perte, car il est douteux que l'intervention du gouvernement dans ce sens fût utile à l'industrie. Mais pour tranquilliser les esprits autant qu'il était en lui, le gouvernement a nommé une commission de l'industrie chargée d'examiner les causes du malaise et d'en indiquer les remèdes.
Quant aux finances, nous avons devancé les vœux de l'honorable préopinant. Deux commissions ont été nommées tout récemment : l'une, dont je pense que M. Osy lui-même fait partie, pour la formation du budget ; l'autre pour examiner l'emploi des fonds et les dépenses faites depuis notre glorieuse révolution. Ainsi la nomination de ces deux commissions doit vous rassurer, en vous prouvant que les finances excitent toute la sollicitude du gouvernement.
Je répondrai maintenant à quelques observations faites par l'honorable M. Werbrouck-Pieters. Il a demandé quelles mesures on avait prises pour faire respecter le pavillon belge, et s'il était rconnu par les puissances étrangères : dans les négociations commencées, le pavillon a fait l'objet d'une discussion, et je veux assurer le préopinant que la dignité de la nation n'aura pas à souffrir sous ce rapport ; bientôt nous serons en mesure de le prouver.
L'honorable préopinant a beaucoup insisté sur la communication du protocole du 17 novembre dernier : quelque désir que nous ayons, messieurs, de faire de la diplomatie au grand jour, ce serait violer tous les usages, toutes les règles établies, toutes les lois de la prudence, si nous allions jeter au milieu du congrès les articles non encore convenus d'un protocole à peine ébauché. Laissez faire votre comité, et soyez sans impatience : en temps opportun toutes les communications que vous pourrez désirer vous seront faites. Au surplus, de deux choses l'une : ou vous avez un comité diplomatique auquel vous devez vous en rapporter, où le congrès veut se former lui-même en comité ; s'il prend ce dernier parti, il peut dès ce moment exiger les communications qu'il croira nécessaires ; mais s'il veut laisser agir le comité, qu'il attende que les articles des traités soient convenus : ils lui seront communiqués aussitôt après. Plusieurs de ces articles d'ailleurs ne seront adoptés que tout autant que le plus grand secret présidera à leur discussion. Je le répète, on peut avoir confiance au comité. Il n'oubliera pas la gravité des intérêts qu'il défend, et il saura se tenir à la hauteur de son mandat. N'insistez donc plus pour obtenir une communication qu'on ne saurait vous faire qu'en violant tous les usages et en contrariant tous les principes. Au reste, dès que les notes auront été échangées, elles seront examinées avec maturité : songez que les négociations sont à peine ouvertes depuis huit jours, et qu'on ne peut revoir en vingt-quatre heures tous les traités existants depuis 1814.
M. Osy s'est plaint de ce que les communications n'étaient pas encore rétablies. Messieurs, le départ de M. Cartwright pour La Haye doit nous rassurer sur ce point, et nous avons tout lieu d'espérer que le blocus sera levé. Quant aux communications par terre, je crois qu' on s'est plaint à tort ; elles n'ont pas été interceptées, et la circulation a été permise dès le jour du traité entre les lieux occupés par les ennemis : à la vérité, les routes ne sont pas ouvertes aux malles et aux diligences comme en temps de paix ; cela ne sera pas autrement tant que nous serons en état d'hostilité, et nous y sommes malgré l'armistice, qui n'est qu'une trêve de quelques jours. Pour ce qui concerne Maestricht et Venloo, si ces villes sont encore en litige, le comité diplomatique a pensé que ce n'était pas une raison pour refuser de convenir d'une suspension d'armes ; mais il n'a fait aucune concession sur ce point ; du reste le protocole porte que ses dispositions seront exécutées, sans rien préjuger sur les dispositions du protocole du 17 novembre 1830, qui pourraient être sujettes à discussion.
Je crois avoir suffisamment répondu aux questions soulevées par les préopinants ; je demande pardon au congrès d'avoir anticipé par ces explications sur une discussion qui ne lui était pas encore soumise ; je l'ai fait dans la vue de rassurer les esprits, et d'affaiblir l'effet du tableau beaucoup trop sombre qu'on avait fait de notre situation politique. (U. B., 4 déc.)
M. le baron Osy – Le protocole du 4 novembre nous a été communiqué, pourquoi celui (page 344) du 17 ne le serait-il pas également ? On s'en réfère au traité du 30 mai 1814, ce traité devrait bien nous être communiqué. M. Van de Weyer confond le blocus avec la navigation. Le blocus est levé, mais la navigation n'est pas déclarée libre dans l'Escaut, ou dans la partie de l'Escaut qui aboutit à la mer. (C., 4 déc.)
M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – La lettre de Sir Bagot parle de la levée du blocus naval à l'embouchure de l'Escaut et sur les côtes de Flandre. Le protocole dit « la levée du blocus des ports et des fleuves. » Nous n'avons pas parlé de la libre navigation, parce que ce n'est pas une question, et qu'il y a du danger à mettre en doute ce qui n'est contesté par personne. (C.. 4 déc.)
M. Jottrand – Je demande la parole. (U. B., 4 déc.)
M. le président – M. de Robaulx l'a demandée avant vous. (U. B., 4 déc.)
M. de Robaulx – Messieurs, je n'ai pu saisir, dans la discussion qui vient d'avoir lieu, la distinction subtile établie entre la levée du blocus et la libre navigation de l'Escaut ; je ne conçois pas davantage que les communications soient rétablies et que cependant, pour sortir du port d'Ostende, les navires soient obligés de ruser pour éviter la flotte hollandaise : or c’est ce qui résulte de la lettre communiquée par M. Van de Weyer. Je dmanderai donc de plus fort, au comité diplomatique, quelle est cette singulière manière d'exécuter les traités ? D'une part, on nous dit que le blocus est levé, et cependant il faut sortir de nuit du port d'Ostende, et user de stratagème pour ne pas tomber entre les mains des Hollandais ; de l'autre, on nous dit que les communications sont rétablies par terre, et les malles ni les diligences ne partent pas. S'il en est ainsi, j'avoue que je ne conçois pas la différence entre l'état d'hostilité et l'état de paix : ceci passe la plaisanterie (on rit ) ; oui, messieurs, c'en est une (on rit plus fort), et très pénible pour nous. Nous avons demandé la communication des traités ; on nous répond qu'il serait dangereux de communiquer le protocole ; on ajoute : Ou vous avez un comité diplomatique, ou le congrès veut se former lui-même en comité. Ces raisons ne me satisfont pas. Nous avons un comité, il est vrai, mais cela n'empêche pas que la chambre puisse prendre communication du travail de ce comité, et s'assurer s'il répond à la confiance de la nation ; nous avons, en un mot, bsoin de savoir aujourd'hui d'où vient cette inexécution des traités au bénéfice de la Hollande ? Nous avons aussi besoin de connaître l'état de situation de l'armée, de l'intérieur et des finances. Je crois que les comités de l'intérieur et de la guerre ont fait leur travail ; qu'on nous le communique. Nous voulons un état général de la situation du royaume ; que ce rapport soit fait au grand jour et sans restriction : c'est ainsi que j'entends la diplomatie. Je ne veux pas de cette diplomatie tant vantée qui ne sait que s'envelopper de mystères, et qui nous dit : Fiez-vous-en au comité. On peut se fier au comite diplomatique : ce n'est pas une raison pour qu'on refuse de nous faire connaître la base des traités ! Qu'on nous donne des éclaircissements touchant les villes de Maestricht et de Venloo. Nous avons intérêt de connaître le protocole du 17 novembre ; la nation en attend les effets avec impatience. Ne nous endormons pas sur notre situation : notre ennemi veille. La Hollande achète des Suisses pour tomber sur nous à l'improviste : soyons prêts à nous défendre. J'appuie les propositions de M. le baron Osy. (U. B., 4 déc.)
M. Jottrand – Il me semble résulter des explications mêmes données par l'honorable M. Van de Weyer que l'interdiction de la libre navigation de l'Escaut tient aux termes dans lesquels on a conçu les conditions de la suspension d'armes. Les communications sont seulement rétablies entre les points occupés militairement sur les deux frontières. M. Van de Weyer dit lui-même que les communications ne sont pas rétablies entre l'intérieur de la Hollande et la Belgique. Or, entre notre frontière sur les deux rives de l'Escaut et l'embouchure de ce fleuve, il y a du territoire hollandais. Le roi Guillaume prétend sans doute qu'aux termes de la suspension d'armes, ce territoire ne nous est pas ouvert, ni par conséquent la partie de l'Escaut qui le traverse. C'est là, j'en conviens, une insigne mauvaise foi, mais je crois qu'on aurait bien fait de la prévenir par une autre rédaction de la convention, ou en stipulant formellement et explicitement la libre navigation de l'Escaut.
Si le comité diplomatique avait quelque raison de croire que le roi Guillaume interprète aussi jésuitiquement la convention, et ne veut pas reconnaître qu'il en résulte une liberté entière pour la navigation de l'Escaut, je pense qu'il serait bon que nous en fussions avertis afin d'agir en conséquence contre la Hollande. C'est pour cette raison que j'appuie la demande de communications faite par l'honorable M. Osy. (C., 4 déc.)
M. Serruys – Je donnerai connaissance au congrès d'un fait qui lui prouvera que les Hollandais ne sont pas dans l'intention d'observer les traités. Nous avons su que, le 23 novembre, le roi (page 345) de Hollande avait ratifié la suspension d'armes et consenti à la levée du blocus. Sur la foi de cette nouvelle, deux bateaux pilotes, qui n'étaient pas sortis du port d'Ostende depuis le blocus, en sortirent le 25. L'un d'eux, pris par la flotte hollandaise, fut conduit à Flessingue, et son équipage, fait prisonnier de guerre ; l'autre fut assez heureux pour regagner le port. (U. B., 4 déc.)
M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Le fait que vient de rapporter l'honorable préopinant ne prouve pas l'intention de la part des Hollandais d'enfreindre les traités. Il n'est pas étonnant que le 25 (plusieurs voix : le 27 ! 1 le 27 !-M. Serruys : le 25 !) le 25 ou le 27. cela importe peu ; il n'est pas étonnant, dis-je, que même le 27, la flotte hollandaise se soit emparée d'un bateau sortant d'Ostende, puisque l'ordre de suspendre le blocus, n'ayant été envoyé que le 26 au soir, n'a pu être connu que le 29 ou le 28 au plus tôt. Du reste, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, c'est l'inexécution du traité qui a fait que le comité diplomatique n'a pas voulu parler d'arrangements définitifs avec les envoyés des cinq puissances, avant que la Hollande n'ait satisfait aux obligations du premier traité. Vous remarquerez, d'un autre côté, que nous ne stipulons pas directement avec le roi de Hollande, mais avec les commissaires des cinq grandes puissances qui jouent entre Guillaume et nous le rôle de médiateurs, et que, s'il y avait violation de la parole donnée de la part du roi de Hollande, ce ne sont pas les Belges qui seraient insultés par ce manque de foi, mais les cinq puissances représentées par MM. Cartwright et Bresson : et c'est là le motif qui a engagé le premier à se transporter à la Haye pour tenir la main à l'exécution de l'armistice convenu. Tout cela doit nous rassurer, messieurs, car je ne pense pas que le roi Guillaume soit dans un état assez prospère pour vouloir blesser les puissances médiatrices.
Je reviens sur la communication demandée et sur laquelle on insiste si fortement. Cette communication ne ferait qu'entraîner une grande perte de temps sans amener d'autres explications que celles que je viens de donner. Vous connaissez le traité d'armistice. Vous savez que toutes conférences ont été interrompues jusqu'à son observation. Quant à la communication du protocole du 17 novembre, je le répète, et sans vouloir faire ni mauvaise ni bonne plaisanterie (je ne m'en permettrai jamais en matière aussi sérieuse), si cette pensée était jetée dans le congrès d'exiger cette communication, ce serait vouloir un comité diplomatique composé de deux cents membres. Messieurs, nous vous l'avons déjà dit : votre comité agira avec maturité, avec prudence, et avec le sentiment de sa dignité et de celle de la nation qu'il représente. Lorsque les traités seront conclus, ils vous seront communiqués ; si, après cette communication, le congrès croit devoir nous désapprouver, le comité représentant le ministère des affaires étrangères sera responsable de ses actes, et aucun de ses membres ne déclinera la responsabilité ; mais il faut que votre comité agisse aussi secrètement que possible, jusqu'au jour où ses actes pourront être rendus publics. Si on devait procéder autrement, aucune puissance n'oserait traiter avec nous ; on n'aurait plus de confiance en nous, dans la crainte qu'elle ne fût trahie par le grand jour de la publicité, et tout traité deviendrait par cela même impossible. Devons-nous faire assister le public à de pareils débats ? (Plusieurs voix : Non ! non !) Veuillez donc vous en rapporter à nous ; nous mettrons de la dignité, de la mesure et de la prudence dans tout ce que nous ferons, heureux de répondre ainsi à la confiance de nos concitoyens et à ce que la nation est en droit d'attendre de nous ! D'ailleurs, ainsi que je l'ai déjà dit, le comité diplomatique, qui tient lieu du ministre des affaires étrangères, sera responsable de ses actes devant la nation. (U. B., 4 déc.)
M. Serruys demande la parole. (U. B., 5 déc.)
M. le président - Est-ce pour un fait personnel ? (U. B., 5 déc.)
M. Serruys - C'est pour expliquer le fait relatif à la prise du bateau pilote ; le public a regardé comme conclu ce qui n'était que projeté. (U. B., 5 déc., et C., 4 déc.)
M. Van de Weyer, président du comité diplomatique – Je puiserai précisément dans ce fait la preuve du danger de la publicité des affaires qui se traitent diplomatiquement. Si le traité de l'armistice n'avait pas été connu avant sa ratification, les pilotes d'Ostende ne se seraient pas exposés à sortir du port, et l'un d'eux n'aurait pas été capturé. (U. B., 5 déc.)
M. le baron Osy – Satisfait des explications qui viennent d'être données, je retire la première partie de ma proposition. (U. B., 5 déc.)
M. Jottrand – Je demande la parole. (U. B., 5 déc.)
M. le président – Est-ce pour un fait personnel ? (U. B., 5 déc.)
M. Jottrand – Oui, monsieur, c'est-à-dire.... (U. B., 5 déc.)
M. le président – Si c'est-à-dire (on rit), je donne la parole à M. François qui l'a demandée avant vous. (U. B., 5. déc.)
M. Jottrand – (page 346) Je parlerai à mon tour. (U. B., 5 déc.)
M. François – Si j'ai bien compris M. Van de Weyer, deux commissions ont été nommées pour s'occuper de nos finances : l'une doit régler le budget de 1831, l'autre examiner les comptes des dépenses faites depuis la révolution. Je voudrais savoir de qui ces commissions tiennent leur mandat, en vertu de quoi elles y procéderont, quels sont les éléments dont leur travail devra se composer ? (Murmures d’impatience.) (U. B., 5 déc.)
M. Van de Weyer – Il m'est impossible de donner des explications à cet égard. Je ne le pourrais qu'en qualité de membre du gouvernement provisoire, et je ne suis ici que comme membre du congrès. Cependant je dirai que ces commissions, nommées par le gouvernement provisoire, lui feront des rapports que l'on s'empressera de communiquer au congrès. (Bien ! bien !) (U. B., 5 déc.)
M. le président – On va passer à un autre objet de discussion. (U. B., 5 déc.)
M. Alexandre Rodenbach – La lettre de M. Osy contenait plusieurs propositions ; il n'a retiré que la première partie ; je demande que la discussion soit ouverte sur la seconde partie. (U. B., 5 déc.)
M. Jottrand – La proposition de M. Osy avait pour but de demander des explications au gouvernement ; celles qui viennent de nous être données ont, je crois, très bien satisfait le congrès. J'ajouterai cependant un mot relatif aux communications interrompues : on a dit qu'il y aurait danger à nous faire connaître les traités, je veux bien le croire ; mais il faudrait aussi prendre des mesures pour que le public ne fût pas trompé. Par exemple, il y a peu de jours, des affiches ont été placardées partout par les maîtres de poste ou les entrepreneurs de diligences, annonçant l'ouverture des communications avec la Hollande. Je demanderai si ces affiches ont été publiées avec le consentement du gouvernement. (U. B., 5 déc.)
M. Van de Weyer – Non. (U. B., 5 déc.)
M. Jottrand – Dans ce cas, je demanderai que le gouvernement prenne des mesures pour empêcher de pareilles annonces. Elles sont très dangereuses, lorsque, sur la foi de celles qui ont existé, des marchandises ont été expédiées, et, loin d'arriver à leur destination, elles sont tombées entre les mains de nos ennemis. (U. B., 5 déc.)
M. le comte de Celles, vice-président du comité diplomatique – Messieurs, je n'ajouterai rien aux explications de M. Van de Weyer ; je le voudrais que je ne le pourrais pas, car il vous a dit tout ce que nous savions, et le comité diplomatique ne peut pas dire ce qu'il ne sait pas. Dès que le protocole nous a été apporté par les envoyés des cinq puissances, nous l'avons examiné avec soin, et une fois accepté, il a été envoyé à La Haye. Il n'a pas encore été exécuté par la Hollande, et l'on vous a dit que c'était là le motif du départ de M. Cartwright. Il faut que nous attendions maintenant le résultat de son voyage ; il sera connu dans un ou deux jours, et il vous prouvera que les communications demandées sont au moins inutiles. D'ailleurs, messieurs, quand elles vous seraient faites, vous ne pourriez pas en discuter les bases avec les envoyés des cinq puissances ; ils ne font pas partie du congrès, et vous seriez réduits à discuter tout seuls. (On rit.) (U. B., 5 déc.)
M. le président – Je crois que l'assemblée est satisfaite ? (Oui ! Oui !) La discussion est fermée. (U. B., 5 déc.)
M. le baron Osy – On n'a pas discuté la seconde partie qui consiste à demander des communications au ministère des finances. (U. B., 5 déc., et C., 4 déc.)
M. Nothomb, secrétaire, donne lecture de cette proposition. (U. B., 5 déc.)
M. Fleussu – Messieurs, d'après la proposition de M. Le Bègue, nous avons pris l'engagement de ne nous occuper que de la constitution, à moins qu'il ne soit reconnu urgent de discuter autre chose. Je demande qu'avant d'entrer dans l'examen d'aucune proposition le congrès décide s'il y a urgence. (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx – Deux jours après l'ouverture du congrès, on promit de nous faire connaître l'état de la situation générale du pays. Le gouvernement n'a pas tenu sa promesse. Nous avons absolument besoin d'être fixés sur notre état financier ; les finances sont le nerf de la guerre, et lorsqu'elle est imminente, il faut au moins savoir si les ressources de l'État seront suffisantes pour la soutenir. Qu'on nous fasse donc un rapport sur l'état des finances. (U. B., 5 déc.)
M. le président – Dorénavant, lorsqu'une proposition aura été déposée sur le bureau, je consulterai l'assemblée pour qu'elle décide s'il y a urgence.
On va donner lecture d'une autre proposition. (U. B., 5 déc.)
- Une voix – Consultez l'assemblée sur l'urgence de la deuxième partie de la proposition de M. Osy. (U. B., 5 déc.)
M. le président consulte l'assemblée.
Elle décide qu'il n'y a pas urgence. (U. B., 5 déc.)
- Un des secrétaires donne lecture de la proposition suivante de M. Charles de Brouckere :
« Je propose que le congrès national, faisant usage de l'article 12 du règlement,
« Requière la présence du commissaire général des finances dans le plus bref délai possible, afin d'obtenir de ce chef d'administration générale, des explications sur les changements apportés à la loi du 26 août 1822 relative aux distilleries indigènes, et sur l'établissement de notre ligne de douanes du côté de la Hollande.
« Bruxelles, le 29 novembre 1830.
« CH. DE BROUCKERE, membre du congrès. » (U. B., 5 déc., et C., 4 déc.)
M. le président – L'assemblée pense-t-elle qu'il y ait urgence ? (U. B., 5 déc.)
M. Charles de Brouckere – Je vais la démontrer. (U. B., 5 déc.)
M. le président – Démontrez-la. (U. B., 5 déc.)
M. Charles de Brouckere dit qu'il ne s'est déterminé à faire sa proposition qu'après avoir épuisé les moyens de conciliation ; un de ses collègues, M. Teuwens, s'est rendu à différentes reprises chez l'administrateur des contributions et n'a pu obtenir que des réponses évasives, subversives même de toute idée d'ordre et de justice. Il est urgent de modifier l'arrêté du gouvernement du 18 octobre, et d'annuler la circulaire du 26 suivant, pour prévenir la ruine des distilleries essentiellement agricoles. D'après la loi, le taux moyen de production est de 7 litres 28 centièmes par l hectolitre de matière macérée ; l'arrêté du gouvernement réduit ce taux à 5, et comme aucun transport d'eau-de-vie ne peut se faire sans passavant ou billet de transfert, que ceux-ci ne sont délivrés que pour les quantités soumises à l'impôt, il s'ensuit que les distillateurs ne peuvent légalement débiter que 5 litres, alors qu'il est constant que les moins habiles en produisent 7 : force est donc à tous de frauder les 2/7 de leurs productions. Ce conseil immoral leur est même donné par l'autorité. Mais la fraude ou le transport clandestin, facile dans les grandes villes où la consommation est forte, est impossible dans les campagnes et là surtout où il y a plusieurs distilleries réunies sur un même point. Ainsi les distillateurs des villes pourront vendre leurs eaux-de-vie à 1/3 ou 1/4 de moins que les autres, et inévitablement les établissements ruraux, ceux qui sont les plus utiles à l'agriculture, couleront.
L'orateur cite un passage d'une note de l'administrateur des contributions, pour corroborer ce qu'il a avancé, et croit qu'il suffit d'avoir émis des considérations sur un seul point pour prouver l'urgence de sa proposition. (U. B., 5 déc.)
- Une voix – II n'y a pas urgence. (U. B., 5 déc.)
M. le président – La proposition est-elle urgente ? Dans ce cas, je demanderai quel jour... (U. B., 5 déc.)
- Plusieurs voix – On n'a pas voté sur l'urgence. (U. B., 5 déc.)
M. le président consulte l'assemblée.
- La première épreuve est douteuse. La contr-épreuve fait cesser les doutes ; il en résulte qu'il y a urgence. (U. B. 5 déc.)
M. le président – Y a-t-il quelqu'un qui veuille prendre la parole ? (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx – On ne peut pas être prêt sur une proposition communiquée à l'instant. (U. B., 5 déc.)
M. le président – Il ne s'agit que de fixer le jour où M. l'administrateur général des finances sera tenu de se rendre à l'assemblée. Je propose que ce soit lundi.
- L'assemblée y consent. (U. B, 5 déc.)
M. le président – Voici une autre proposition. (U. B., 5 déc.)
Un des secrétaires en donne lecture :
« Je propose de déclarer qu'il y a urgence à statuer sur les propositions relatives aux volontaires et à la garde civique, et de décider que le comité central sera tenu de faire son rapport demain sur ces deux objets.
« DE ROBAULX. » (U. B, 5 déc.)
M. le président – Je dois dire au congrès que j'ai reçu du comité central une lettre annonçant pour demain l'envoi de documents et arrêtés concernant la garde civique. Ne pourra-t-on pas, avec ces documents, se passer du rapport demandé ? (U. B., 5 déc.)
M. Destouvelles – Il faut d'abord en prendre connaissance. (U. B., 5 déc.)
M. le président – (page 348) C'est évident. (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx – D'après ce que vient de nous annoncer M. le président, il paraît qu'on se propose de nous communiquer des arrêtés relatifs à la garde civique. Messieurs, la garde civique doit être organisée par une loi, non par des arrêtés. Si les arrêtés. qu'on nous annonce doivent être convertis en loi, nous en prendrons connaissance. S'il en était autrement... (U. B., 5 déc.)
M. le président – Ces arrêtés peuvent être considérés comme un canevas de loi. (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx – Je demande le renvoi de la discussion à la semaine prochaine, mais pas plus tard ; car il est de la dernière importance de s'occuper de la garde civique, alors surtout que le gouvernement ne paraît pas vouloir la conserver. (Marques d'étonnement.) Oui, messieurs, le gouvernement se propose de la licencier. Déjà à Ostende la garde bourgeoise a été désarmée, on lui a fait rendre les postes aux troupes de la ligne. Je tiens une lettre où on l'a remerciée, fort honnêtement à la vérité ; mais en attendant elle n'existe plus. (U. B., 5 déc.)
M. Serruys – La garde bourgeoise existe toujours, mais c'est la garnison qui fait le service. (U. B., 5 déc.)
M. Charles Rogier – Je voudrais savoir ce que c'est que cette lettre. Je suis parti d'Ostende il y a trois jours, et je ne sache pas que rien de semblable se soit passé. Je sais seulement qu'un bataillon arrivé à Ostende a pris le service pour remplacer la garde bourgeoise fatiguée, mais il n'a pas été question de la désarmer. (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx – Voici la lettre : le congrès veut-il en connaître les termes ? (U. B., 5 déc.)
De toutes parts – Non ! non ! (U. B., 5 déc.)
M. le président – On doit entendre la lecture de cette lettre. M. de Robaulx dit qu'on a désarmé et remercié la garde bourgeoise ; le fait est assez grave pour mériter d'être éclairci. (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx lit une lettre de laquelle il résulte, en effet, qu'à la réquisition de l'autorité militaire on informe les bourgeois qu'ils doivent rapporter à l'hôtel de ville leurs armes et leurs munitions. (Mouvement dans l'assemblée, réclamations générales.)(U. B., 5 déc.)
- De toutes parts – C'était pour armer la garnison. (C., 4 déc.)
M. le comte d’Arschot – Il est urgent de faire une loi sur la garde civique. J'invite le congrès à décider s'il n'est pas convenable de s'en occuper en même temps que de la constitution. (De toutes parts : Oui ! oui !) (U. B., 5 déc.)
M. Alexandre Gendebien - Le major de la garde civique de Furnes est venu me dire que le gouvernement se proposait de désarmer la garde urbaine. Je lui en ai témoigné mon étonnment, et je l'ai autorisé à dire que je m'y opposrais de toutes mes forces, et que les régences n'avaient pas le droit de désarmer les gardes civiques. Je désire que le congrès demande des explications au gouvernement à cet égard. (U. B., 5 déc.)
M. Trentesaux – Messieurs, nous discutons ici sans trop savoir pourquoi, et à quel but nous mènera la discussion. Je propose de nommer une commission pour examiner toutes les questions relatives à la garde civique. (U. B., 5 déc.)
M. de Rouillé – J'appuie la proposition de M. Trentesaux. (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx – Le gouvernement a pensé qu'il avait les documents nécessaires pour... (U. B., 5 déc.)
M. le comte d’Arschot, pour un rappel au règlement – M. de Robaulx a déjà parlé plus de deux fois sur la question, l'assemblée lui permet-elle de parler de nouveau ? (Non, non ! rires.) (C., 4 déc.)
- M. de Robaulx s'assied. (U. B., 5 déc.)
M. Van Snick – De la manière dont nous procédons, on dirait en vérité que la discussion de la constitution est ce qui nous occupe le moins. (Murmures.) Cependant, messieurs, c'est ce qui devait principalement appeler notre sollicitude. C'est là ce que la nation attend de nous avant tout. Vous ne pouvez pas sortir de cette enceinte, faire un pas dans la société, sans vous entendre dire : A quand la constitution ? Occupons-nous-en donc sans relâche et exclusivement ; que notre attention ne soit pas détournée sur d'autres objets sous le prétexte d'urgence. Messieurs, tout est d'urgence aujourd'hui dans le pays, puisque nous avons tout renversé et que nous avons tout à recréer. (U. B., 5 déc.)
M. Devaux – De quoi s'agit-il dans la discussion ? De documents que nous promet le gouvernement provisoire : attendons de les connaître pour les discuter. (U. B., 5 déc.)
- La chambre décide qu'elle attendra la communication annoncée par un message du gouvernment, avant de s'occuper de la première proposition de M. de Robaux relative à la garde civique. (P. V.)
M. le président – (page 349) La deuxième proposition de M. de Robaulx est relative aux volontaires. Y a-t-il urgence ? (Oui ! oui !) Alors, je prierai les rapporteurs des sections chargées de ce rapport de se rendre demain à midi à la section centrale. (U. B., 5 déc.)
M. Henri de Brouckere – Il faudrait attendre à demain pour décider si la réunion de la section centrale doit avoir lieu. (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx – On peut le décider aujourd'hui, le temps presse. (U. B., 5 déc.)
M. le président – Messieurs, je dois faire une observation à tous ceux qui voudront faire des propositions de loi ; c'est qu'il serait convenable, pour travailler utilement, de joindre à chaque proposition un projet de loi ; cela faciliterait l'examen dans les sections, et leur éviterait la peine de réunir les éléments dont la loi doit se composer. M. de Robaulx a-t-il joint un projet de loi à sa proposition ? (U. B., 5 déc.)
M. de Robaulx – Non, M. le président, et je ne devais pas le faire, puisque ma proposition n'a pour but que de prier le gouvernement provisoire, qui doit avoir en main tous les documents nécessaires pour cela, de nous présenter une loi dans le plus bref délai. (U. B., 5 déc.)
M. le comte d’Arschot – Je demande le renvoi de la proposition au gouvernement provisoire. (U. B., 5 déc.)
M. Henri de Brouckere – Attendons à demain.
- L'assemblée y consent. (U. B., 5 déc.)
M. le président – Voici encore une autre proposition. (Murmures.) Je dois donner connaissance au congrès de ce qui est à l'ordre du jour :
« Le congrès national, vu les circonstances graves dans lesquelles se trouvent la Belgique et les États voisins, décrète :
« Une levée de cent mille hommes, dont feront partie les volontaires actuellement sous les armes, se fera dans le courant des deux mois prochains.
« Le ministère des finances est chargé de présenter dans les trois jours les moyens à prendre pour faire face aux dépenses qu'exigera cette levée.
« DELWARDE. » (U. B., 5 déc., et C., 4 déc.)
- Cette proposition n'est pas appuyée. (C., 4 déc.)
Il est donné lecture d'une proposition ainsi conçue :
« J'ai l'honneur de faire au congrès la motion d'ordre suivante, .approuvée par la section centrale :
« Le congrès s'assemblera après-demain samedi en sections réunies, pour procéder à une discussion préparatoire sur les questions relatives au sénat. Cette discussion préparatoire sera ultérieurement suivie de la discussion publique et définitive sur la même matière.
« Je motiverai ma proposition si l'assemblée le désire.
« PAUL DEVAUX. » (C., 4 déc.)
- Cette proposition est déclarée urgente. (P. V.)
M. le président – Je dois rappeler au congrès qu'un service funèbre doit avoir lieu le 4 (samedi), en l'honneur des victimes de la révolution. Le congrès a décidé qu'il y assisterait en corps, ainsi qu'à la pose de la première pierre du monument à élever aux martyrs de la liberté. (U. B., 5 déc.)
Plusieurs voix – Nous entendrons le rapport de la section centrale samedi, après le service. (U. B., 5 déc.)
M. le président – L'on décide donc qu'il y aura séance après le service ? (Oui ! oui !) Dans ce cas nous nous réunirons ici samedi, à dix heures et demie précises.
Le congrès veut-il maintenant entendre le rapport de quelques pétitions ? (Oui ! oui !)(U. B., 5 déc.)
M. l’abbé de Foere fait le rapport d'une pétition de M. Declercq qui présente quelques vues sur la constitution, et d'une pétition de cinq membres de l'association patriotique de Liége qui, tout en demandant la république, présentent quelques vues qui pourraient s'adapter à la monarchie. (P. V.)
- Dépôt au bureau des renseignements. (P. V.)
M. de Behr fait le rapport suivant (profond silence) - La nouvelle régence de la ville de Gand a dénoncé au congrès, comme illégal, un arrêté du gouvernement provisoire qui a annulé son élection. Les faits exposés dans la pétition peuvent se (page 350) résumer en peu de mots. L'ancienne régence, après avoir clôturé la liste générale des habitants habiles à voter, crut devoir les répartir en nombre à peu près égal, dans sept sections différentes, Plusieurs électeurs protestèrent contre cette mesure, mais les sections n'en procédèrent pas moins à leurs opérations, et leurs procès-verbaux furent adressés à M. le gouverneur de la province. Après examen, ce fonctionnaire reconnut que six sections avaient opéré régulièrement ; il annula le procès-verbal de la deuxième section, en prescrivant de la convoquer immédiatement pour procéder à une nouvelle élection. Cette opération fut exécutée le 15 novembre ; le 16, le procès-verbal en fut transmis au gouverneur ; et le 17, le comité central prit un arrêté qui ordonne une nouvelle élection générale. Cet arrêté est basé sur ce que plusieurs irrégularités graves avaient été commises dans les élections municipales de Gand, et sur ce que le gouverneur n'avait annulé que les opérations de la section où ces irrégularités avaient eu lieu, tandis que cette annulation devait entraîner celle de l'élection tout entière. C'est sur la légalité de cet arrêté, messieurs, que vous êtes appelés à prononcer. La régence de Gand soutient que l'arrêté du 8 octobre dernier, sur la recomposition des administrations locales, a créé une autorité pour connaître en dernier ressort de la validité des élections ; que les gouverneurs des provinces ont été investis de ce pouvoir, et que dès lors le gouvernement provisoire était sans compétence pour annuler les élections dont il s'agit. La disposition invoquée à l'appui de ce système est celle de l'article 8. Il porte : « Les procès-verbaux des opérations électorales, ainsi que les réclamations auxquelles elles pourront donner lieu, seront adressés au gouverneur de la province, qui, en cas d'irrégularités graves, prescrira sur-le-champ de nouvelles élections, »
En examinant avec attention cette disposition, il semble hors de doute que le droit de connaître de la validité des élections municipales est attribué au pouvoir exécutif, puisque des fonctionnaires qui dépendent de ce pouvoir, qu'il nomme et révoque à son gré, sont appelés à l'exercer. Mais résulte-t-il de là que les gouverneurs sont investis du droit de juger souverainement et sans appel les matières électorales ?
Certes, un pareil droit est tellement exorbitant et contraire à tous les principes d'administration publique, qu'il faudrait au moins une disposition claire et précise pour le consacrer. Or, nous ne trouvons rien de semblable dans le texte de l'arrêté du 8 octobre.
L'article 8 autorise bien les gouverneurs, en cas d'irrégularités graves, à prescrire de nouvelles élections, pour éviter des retards plus ou moins préjudiciables dans la réorganisation des autorités communales ; mais on ne peut en tirer la conséquence que le pouvoir exécutif est sans compétence pour réviser et réformer les actes de ses agents en fait d'élections, non plus que dans les autres matières qui leur sont attribuées.
Votre commission des pétitions pense donc, messieurs, que, dans l'espèce qui nous occupe, le gouvernement provisoire a agi dans le cercle de ses attributions ; que le congrès ne pourrait examiner le bien ou le mal jugé de la décision que renferme l'arrêté dont il s'agit, sans amener une collision fâcheuse entre les deux pouvoirs. En conséquence, elle a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour sur la pétition de la régence de la ville de Gand.
M. de Robaulx regarde l'assemblée comme compétente pour confirmer par voie d'interprétation l'arrêté du pouvoir exécutif. (C., 4 déc.)
- L'ordre du jour est mis aux voix et adopté (P. V.)
- Un rapporteur de la commission des pétitons. – (page 351) M. Vangermeersch, de Renaix, demande que le congrès prenne les mesures nécessaires pour l'exécution de la loi du 29 floréal an x, relative au bureau de pesage, mesurage et jaugeage public. Il se plaint des entraves apportées à cette loi par les arrêtés de l'ancien gouvernement, au préjudice, entre autres, des marchands tisserands et cultivateurs de la ville de Renaix. La commission des pétitions, considérant que l'article premier de la loi du 29 floréal an X abandonne au gouvernement le soin d'établir les bureaux dont il s'agit, propose le renvoi de la pétition au chef de l'administration de l'intérieur. (P. V.)
- Ces conclusions sont adoptées. (P. V.)
La société patriotique liégeoise demande que, par modification de l'arrêté du gouvernement provisoire du 25 octobre, l'âge nécessaire pour entrer dans la garde civique soit réduit de vingt et un ans à dix-huit. (P. V.)
- Dépôt au bureau des renseignements. (P. V.)
M. Destriveaux fait un rapport 1° d'une pétition de M. Louis Glorieux, de Courtrai, qui présente des vues sur la constitution. (P. V.)
- Dépôt au bureau des renseignements. (P. V.)
2° De M. de Staville, de Saint-Hubert, qui demande que, pour diminuer le prix des céréales, la distillation soit temporairement interdite. (P. V.)
- Dépôt au bureau des renseignements et renvoi au ministre. (P. V.)
M. le baron de Pélichy van Huerne fait le rapport d'une pétition de M. L'Épine, qui présente un projet de constitution ; de M. Jamin, qui présente quelques vues sur le gouvernement ; de M. de Moor, d'Ixelles, qui présente des (page 352) observations sur le choix du chef de l'État et la situation de la Belgique. (P. V.)
- Dépôt au bureau des renseignements. (P. V.)
M. Coppieters fait le rapport d'une pétition de M. Van Germeersch, qui demande que le bureau d'enregistrement, supprimé en 1814, soit rétabli à Renaix. (P. V.) .
- Renvoi au chef de l'administration des finances. (P. V.)
- Il est cinq heures et demie ; la séance est levée. (P. V.)