Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 2 juin 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1079) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ. donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Plusieurs conseils communaux dans la Flandre orientale demandent que le profit du chemin de fer de Braine-le-Comte à Melle soit modifié de manière à rendre possible l'établissement d'une station au hameau dit : Smissenhoek, sous la commune d'Erwetegem. »

M .Van Wambekeµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport et je dirai même un très prompt rapport.

M. de Naeyer et M. de Ruddere de te Lokeren. - J'appuie cette demande.

- Adopté.


« Des habitants de Charleroi demandent l'entière démolition des fortifications qui entourent cette ville. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Laeken demande que la ligne de raccordement entre les stations du Nord et du Midi soit reportée entre les communes de Laeken et de Jette-Saint-Pierre au delà du viaduc de la rue Léopold, et que les niveaux du chemin de fer soient établis de telle façon qu'il passe soit en tunnel, soit en viaduc, sur toutes les voies de communication traversées. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.


« Le sieur Lens, sergent au 8ème de ligne, demande l'autorisation de faire partie du régiment Impératrice-Charlotte en qualité de sergent. »

« Le sieur Hoevenaeghel, caporal au 4ème de ligne, demande à pouvoir s'enrôler dans le même régiment. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. de Smedt, obligé de s'absenter pour motifs de santé, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Composition des bureaux des sections

Les bureaux des sections de juin ont été composés ainsi qu'il suit.

Première section

Président : M. David

Vice-président : M. Muller

Secrétaire : M. Vleminckx

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe


Deuxième section

Président : M. M. Jouret

Vice-président : M. Snoy

Secrétaire : M. Ansiau

Rapporteur de pétitions : M. de Florisone


Troisième section

Président : M. Julliot

Vice-président : M. Lebeau

Secrétaire : M. Elias

Rapporteur de pétitions : M. de Macar


Quatrième section

Président : M. J. Jouret

Vice-président : M. Magherman

Secrétaire : M. Jamar

Rapporteur de pétitions : M. Lelièvre


Cinquième section

Président : M. Van Iseghem

Vice-président : M. Thibaut

Secrétaire : M. Couvreur

Rapporteur de pétitions : M. Van Humbeeck


Sixième section

Président : M. de Ruddere de te Lokeren

Vice-président : M. Orban

Secrétaire : M. Funck

Rapporteur de pétitions : M. Van Wambeke

Projet de loi accordant des crédits extraordinaires au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M, Vleminckxµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi qui ouvre des crédits extraordinaires au département de l'intérieur pour 1865. »

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi relatif aux fraudes en matière électorale

Rapport de la section centrale

M. Crombez. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi sur les fraudes en matière électorale.

MpVµ. - Ce rapport sera imprimé et distribué et le projet qu'il concerne mis à la suite de l'ordre du jour.

M. Dumortier. - Avant de mettre ce projet de loi à l'ordre du jour, nous l'examinerons.

MpVµ. - L'ordre du jour sur cet objet sera fixé ultérieurement.

M. de Naeyer. - Et après l'impression du rapport.

Projet de loi relatif à l’exécution de divers travaux d’utilité publique

Discussion générale

M. Bara. - Presque tous les orateurs que vous avez entendus se sont plaints du projet de loi, et malheureusement il m'est impossible de ne pas suivre leur exemple.

J'applaudis certainement aux grands travaux d'utilité publique que nous allons voter, mais je trouve qu'il y a dans ce projet des lacunes en ce qui concerne certains arrondissements et notamment le mien. Je ne veux pas dire que toutes les plaintes sont fondées, car il est une opinion qui règne dans le corps électoral et que des mandataires acceptent facilement, c'est qu'un emprunt doit être distribué au marc le franc de la participation de chaque arrondissement aux charges publiques.

On dit : « Nous payons autant, nous avons telle importance, en conséquence nous devons avoir autant. » Cette manière de raisonner n'est pas la mienne. Selon moi, pour avoir droit à des travaux, il faut démontrer qu'on en a besoin. On fait des comparaisons entre les divers arrondissements, et si l'un est plus avantagé que l'autre, on ne s'enquiert pas de la cause de cette différence et l'on dit que c'est de l'injustice distributive. Je dois réagir contre ces idées qui règnent aussi quelque peu dans le corps électoral que je représente. Il est évident qu'on ne peut pas demander plus que ce dont on a rigoureusement besoin en vue de l’utilité générale, et, pour ma part, je ne voudrais pas appuyer des réclamations qui ne seraient pas fondées, patronner des projets de travaux dont l'utilité serait contestable.

Cela dit, je vais essayer de démontrer que l'arrondissement que nous avons l'honneur de représenter, M. le ministre des affaires étrangères, MM. Allard, Crombez et moi, n'obtient pas par le projet de loi les faveurs qui lui sont dues d'une manière évidente et incontestable. Je ne réclamerai du gouvernement que ce à quoi l'arrondissement de Tournai a droit de prétendre de par les déclarations mêmes du gouvernement.

A maintes reprises, avant ce projet, dans l'exposé des motifs du projet, dans sa réponse à la section centrale, l'honorable ministre a reconnu la nécessité du déplacement de la station de Tournai.

Ce point, messieurs, est incontestable ; et ce n'est pas seulement l'intérêt du trésor qui exige le déplacement de la station de Tournai, c'est encore la sécurité publique.

Vous vous rappelez tous, messieurs, ce qui est arrivé il n'y a pas bien longtemps : une locomotive n'a pu s'arrêter ; elle a renversé le corps de bâtiment de la station, et certainement si cet accident avait eu lieu au moment d'un départ, on aurait eu de grands malheurs à déplorer, on aurait eu peut-être à regretter la mort d'un grand nombre de voyageurs.

Il y a, messieurs, dans la station de Tournai, un mouvement considérable et cependant cette station n'est pas autre chose qu'une sorte de réduit excessivement étroit.

Il est évident qu'un pareil état de choses est tout à fait intolérable. L'intérêt du trésor, la sécurité publique exigent impérieusement qu’il y soit mis fin. Je me demande comment il sera possible de faire face aux besoins du service quand on aura construit les lignes que M. le ministre des travaux publics a concédées. La ligne de Tournai à Hal et la ligne de Tournai à Lille vont nécessairement amener un grand trafic entre l'Allemagne et Calais. Est-ce que la station de Tournai pourra suffire aux exigences de ce trafic ? Est-ce que la situation périlleuse dans laquelle nous nous trouvons ne va pas s’empirer encore ? Et que sera-ce, messieurs, lorsque les lignes de Tournai à Peruwelz et d'Anvers à Douai seront construites ?

(page 1080) Si la nécessité du déplacement de la station de Tournai est reconnue, et je suis convaincu quelle l’est dans l'esprit du gouvernement, je demande à M. le ministre de vouloir bien le déclarer et de le déclarer d'une manière formelle et définitive ; voici pourquoi :

Le déplacement de la station de Tournai n'est pas seulement une question d'intérêt général : l’Etat doit nécessairement construire la nouvelle station à ses frais ; mais en ce moment que l'on s'occupe de la démolition des fortifications...

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Bara. - ... la question du déplacement de la station de Tournai revêt un caractère d'intérêt local très important. Il importe au plus haut point que l'opinion publique soit fixée à Tournai d'une manière irrévocable, quant au déplacement de la station ; et, messieurs, je crois que le gouvernement s'empressera de déclarer que son intention est définitivement arrêtée de déplacer la station et de la reporter à l'endroit désigné par le conseil communal de Tournai, après des ouvertures et des propositions faites par le gouvernement.

C'est, en effet, le gouvernement qui, le premier, a écrit à l'administration communale de Tournai pour lui signaler la nécessité de déplacer la station et qui lui a même soumis des plans.

Le gouvernement, j'en suis convaincu, suivra le vœu émis par le conseil communal de Tournai, vœu émis par 15 voix contre 3 et une abstention, à la suite d'un examen des plus sérieux et d'une discussion remarquable qui ont porté, non seulement sur les avantages du déplacement de la station, mais encore sur toutes les combinaisons qui ont été mises en avant au sujet de l'emplacement de la nouvelle station. (Interruption.) Certainement. On a examiné au conseil communal de Tournai s'il était utile de maintenir l'emplacement actuel ; on s'est demandé s'il fallait faire des démarches auprès du gouvernement pour obtenir cc maintien, ou s'il fallait la reporter à la porte du château ou plus loin ; et qu'a décidé le conseil communal ? Que le mouvement considérable qui s'opère dans la station de Tournai et l'intérêt de la ville exigeaient le déplacement de cette station conformément aux plans de M. l'architecte Fumière.

Je prie donc M. le ministre des travaux publics de mettre fin à une situation aussi fâcheuse pour la population tournaisienne ; je le prie instamment de déclarer, une fois pour toutes, d'une manière catégorique, que la station de Tournai sera déplacée. S'il ne le fait pas, qu'arrivera-t-il ? C'est que de nombreux intérêts seront menacés, qu'on cherchera par mille moyens à influencer l'administration et qu'on entravera ainsi les grands projets que l'administration communale de Tournai a conçus relativement à la création de nouveaux quartiers.

Si M. le ministre ne prend pas de résolution, toutes les décisions de l'administration communale de Tournai resteront sans suite. Or, le démantèlement de la place rend chaque jour plus urgente la solution des questions qui sont actuellement tenues en suspens. Le principe du déplacement de la station étant admis, il est de la dernière évidence qu'on pourrait mettre immédiatement la main à l'œuvre.

Je crois que c'est l'intention de l'honorable ministre des travaux publics ; car il a dit que dans le chiffre de 8 millions se trouve comprise la somme qui est nécessaire pour la station de Tournai ; il a dit aussi qu'on mettrait tout de suite la main à l'œuvre. J'espère que la réalisation des vœux de Tournai ne sera pas retardée par une foule de ces prétextes que nous connaissons tous ; le gouvernement a une idée arrêtée quant au déplacement de la station de Tournai, et ce travail ne sera pas différé plus ou moins longtemps, par la prétendue nécessité d'études nouvelles.

Si l'intention de l'honorable ministre est telle que je viens de la rappeler je me plais à croire qu'il fera commencer les travaux avec le personnel et les moyens d'exécution en rapport avec une entreprise de cette importance, qu'on ne travaillera pas en mettant douze briques par semaine et une pierre par mois.

Si, on ne vent pas rester dans le provisoire, si l'on ne veut pas de hangars pour les lignes nouvelles qui seront bientôt construites, il faut évidemment qu'on mette sérieusement la main à l'œuvre et qu'on continue les travaux de construction de la station de Tournai avec beaucoup d'activité.

J’espère que je suis d'accord sur ce point avec le gouvernement. Je me demande dès lors pourquoi le projet de loi ne porte pas un chiffre spécial pour la station de Tournai.

Je n'accuse pas la bienveillance de M. le ministre des travaux publies pour les intérêts de la ville de Tournai ; je lui rends, au contraire, un complet hommage ; mais je ne vois pas pourquoi il ne traduirait pas cette bienveillante en une disposition du projet de loi. Si l'intention de l’honorable ministre est de faire construire la station de Tournai, pourquoi ne détacherait-il pas an chiffre de 8 millions qui figure au projet pour le parachèvement du réseau national une somme de 2 millions, au lieu de 1,500,000 fr, pour commencer la station de Tournai.

On nous dit : « Vous êtes compris dans le chiffre de 8 millions. » Mais est-ce sérieux ? (Interruption.) Nous sommes compris dans le chiffre de 8 millions ! Et savez vous ce que l’honorable ministre des travaux publics annonce devoir faire avec ce chiffre ? Il va achever sans interruption tous les travaux commencés sur le réseau national ; il va achever sans interruption les stations de Mons, de Liége et de Bruxelles.

Que restera-t-il après cela ? Rien, et cependant il déclare qu'avec l'excédant il faudrait construire trois stations, Bruges, Charleroi et Tournai !... Mais cela n'est pas sérieux. Les huit millions suffiront à peine pour parachever le réseau national et pour terminer les travaux des stations de Mons, de Liège et de Bruxelles. Il ne restera absolument rien pour Tournai. Cela est évident. Il ne faut pas cacher la vérité ; il faut la dire telle qu'elle est. (Interruption.)

On nous dit que les fonds pour les travaux de la station de Liège ont déjà été votés.

Mais alors, je ne comprends pas comment M. le ministre des travaux publics, dans sa réponse à la section centrale, dit que le crédit de huit millions servira notamment à payer les travaux de la station de Liège ; il faut donc que les fonds déjà votés ne suffisent pas.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Les fonds pour la station de Liège ont été votés en effet ; mais ils ont été détournés de leur destination.

M. Bara. - Mon argument conserve donc toute sa force.

M. le ministre des travaux publics dira qu'il ne veut pas la distraction d'un chiffre de 1,500,000 fr. ou de 2 millions pour la station de Tournai, parce que le projet de loi ne détaille pas. Mais si le gouvernement veut construire la station de Tournai, il est bien certain que le chiffre de 1,500,000 francs est un chiffre très modéré ; car 1,500,000 francs ne suffiront certainement pas pour ce travail ; M. le ministre des travaux publics ne s'engage donc pas beaucoup en demandant dès à présent 1,500,000 francs.

Lorsque, en outre, le gouvernement prétend que le projet de loi ne détaille pas, je ne puis être de son opinion ; en effet, je vois au paragraphe 18 du projet :

1° Un crédit de 5,000,000 de fr. pour le raccordement entre les stations du Nord et du Midi à Bruxelles ;

2° Un crédit de 5,000,000 de fr. pour le raccordement entre les stations des Guillemins et Vivegnis à Liège ;

3° Un crédit de 4,000,000 de francs pour un chemin de fer de ceinture à Gand.

4° Un crédit de 600,000 francs pour le raccordement de la station d'Ostende au nouveau quai des bateaux à vapeur.

5° Un crédit de 500,000 francs pour la jonction des voies en dehors de la station de Verviers.

Je voudrais que M. le ministre des travaux publics nous dît quelle différence il y a entre la station de Tournai et tous ces travaux et notamment la jonction des voies en dehors de la station de Verviers.

Aucune. Car à Tournai aussi, il y aura lieu à un déplacement, et un déplacement de plus d'une demi-lieue.

La ligne du chemin de fer de Tournai, pour être raccordée à l'endroit où le département des travaux publics placera la station, devra être détournée sur une assez grande étendue.

Par conséquent ce sera une nouvelle voie à construire. Or, je demande pourquoi l'on adopte une règle pour Bruxelles, Gand, Ostende, Liège, Verviers et une règle différente pour Tournai. Est-ce que les travaux de Tournai ne sont pas aussi urgents que ceux que je viens d'indiquer ?

Savez-vous ce que l'on dit ? C'est que les travaux qui ont des postes spéciaux sont assurés, tandis que les travaux qui n'ont pas de postes spéciaux, on ne les exécutera que plus tard. C'est de l'eau bénite, ce sont des promesses, et M. le ministre des travaux publics n'a rien de mieux à nous dire que ceci : « Nous vous comprenons dans le crédit ; s'il reste quelque chose, vous l'aurez. Mais si, comme cela est probable, il ne reste rien, vous n'aurez rien. En attendant, votez les fonds et soyez contents.»

Il est certain que nous ne pouvons accepter cotte position. Je n'admets pas que le déplacement de la station de Tournai, dont l'état est des plus dangereux pour la sécurité publique, soit un objet moins important que le raccordement des lignes à Bruxelles et à Liége. Je prétends que ce travail est tout aussi urgent qu'une foule d'autres travaux qui se trouvent dans le projet. Dès lors, je demande pourquoi la station de Tournai doit attendre, alors que les autres travaux n'attendent pas.

A un autre point de vue, il importe que Tournai ait des assurances à cet égard.

Je suppose que demain il arrive un autre ministre des travaux publics, il n'est pas certain qu'il partage l'opinion de M. le ministre actuel. Nous avons donc le plus grand intérêt à voir le chiffre nécessaire (page 1081) assuré par la loi, et si les explications de M. le ministre des travaux publies ne sont pas satisfaisantes, force me sera, malgré moi, de proposer une distraction du chiffre de 8 millions ou de ne pas voter le projet de loi.

Je ne demande pas l'augmentation du chiffre du 60 millions. Je ne fais pas comme l'honorable M. Moncheur et d'autres députés. Mais je distrais 1,500,000 fr. du chiffre de 8 millions, pour l'achèvement du réseau national, et je les affecte au déplacement de la station de Tournai.

Je pose à M. le ministre ce dilemme : ou bien vous avez la volonté de ne pas exécuter immédiatement et sérieusement la station de Tournai et alors nous aimons mieux le savoir, dites-le-nous franchement, Ou bien, vous voulez l'exécuter sérieusement. Alors pourquoi ne pas fixer un chiffre dans la loi ? Si vous avez l'intention d'exécuter, il vous faut des fonds.

Si vous n'avez pas l'intention d'exécuter, dites-le-nous, et nous aurons le devoir de ne pas voter les travaux demandés, parce que nous n'admettons pas que d'autres travaux soient plus utiles.

Nous voulons bien, nous députés de Tournai, voter le projet de loi, mais c'est à condition qu'aucune injustice ne soit commise à l'égard des intérêts que nous avons mission de défendre ; c'est que, sous le rapport de l'urgence et de la rapidité des travaux, nous soyons sur la même ligne que les autres villes. (Interruption.)

Je le répète, les travaux qui ont un poste assuré devront être exécutés, tandis que les autres sont abandonnés aux fluctuations de la politique et des bienveillances ministérielles qui pourront se produire.

Ceci dit, j'ajouterai un mot relativement à certains travaux hydrauliques qui intéressent Tournai.

Le déplacement de la station et le démantèlement des fortifications doivent nécessiter, je pense, quelques travaux au régime de l'Escaut et au régime de la petite rivière.

Il se formera un nouveau quartier dans le voisinage de la station et il est important d'y attirer l'industrie. Tel est le désir exprimé par le conseil communal de Tournai dans toutes les délibérations qu'il a prises au sujet du démantèlement des fortifications et je suis convaincu que ses intentions seront secondées par M. le ministre des travaux publics.

Nous demandons donc que le gouvernement veuille bien prendre, à l'égard de la petite rivière, toutes les mesures nécessaires pour que ce cours d'eau soit bien aménagé, pour qu'on dispose sur ses rives des terrains propres à y établir des chemins de fer américains se raccordant au chemin de fer de l'Etat, et comme complément de ce travail le gouvernement doit, évidemment, faire disparaître le Pont-des-Trous et le remplacer par un grand pont de circulation ; de même la ligne de nos quais doit être continuée au delà du Pout-des-Trous.

Je ne proposerai pas d'amendement au projet de loi pour ces différents objets parce que je crois qu'il y a encore des sommes disponibles sur divers crédits et que le ministre peut exécuter ces travaux sans avoir besoin de nouveaux fonds. Telles sont, messieurs, les observations que nous dicte l'intérêt de mon arrondissement quant aux subsides accordés pour maisons d'école, pour travaux d'hygiène, pour routes, etc. ; je compte sur toute la bienveillance des honorables ministres de l'intérieur et des travaux publics, pour que les communes de mon arrondissement ne soient pas oubliées ; j'ai la certitude que les demandes de ces communes seront examinées avec la plus sérieuse attention.

M. Lelièvre. - Le projet en discussion est certainement l'une des mesures les plus utiles qu'on puisse proposer à la sanction des Chambres législatives.

On sait quels ont été les heureux résultats des travaux d'utilité publique exécutés depuis nombre d'années. Sous ce rapport, le projet ne fait que continuer l'état de choses auquel la Belgique doit sa prospérité, et il aura l'assentiment unanime de la législature.

Je dois seulement exprimer le regret de voir que l'arrondissement dont je suis plus particulièrement le représentant dans cette enceinte ait été presque entièrement oublié.

Nous obtenons une part bien médiocre dans les travaux dont le gouvernement propose le décrètement.

On aurait dû au moins faire porter le projet sur la canalisation entière de la Meuse en amont de Namur jusqu'à la frontière française. Ce n'eût été là qu'une équitable compensation de la position qu'on fait à d'autres provinces, si favorisées par les propositions ministérielles.

C'est là une omission qui doit être réparée, et c'est entrer dans les vues mêmes qui ont dicté le projet de loi que de demander l'adoption d'un amendement qui décrètera d'une manière définitive la grande mesure dont il est impossible de méconnaître les avantages pour le pays entier.

M. le ministre a perdu complètement de vue, dans son discours d'hier, que l'achèvement des travaux de la Meuse ne fait que rétablir jusqu'à certain point l’égalité entre la province de Namur et d'autres provinces auxquelles le projet de loi accorde des avantages très importants. Or il est évident qu'il est de toute justice de mettre les diverses contrées sur un pied d'égalité confirme à tous les principes d'équité.

Je prie du reste la Chambre de remarquer que mon amendement a la même portée que celui de l'honorable M. Moncheur. Seulement j'ai pensé qu'il était indispensable d'indiquer les travaux auxquels sera affecté le montant du crédit. Ces travaux sont plus étendus que ceux énoncés au projet du gouvernement. L'amendement proposé par M. Moncheur m'a paru devoir être complété, et tel est le but de ma proposition qui porte formellement sur la canalisation de la Meuse dans sa partie comprise entre l'embouchure de la Sambre, à Namur, et la frontière de France.

L'arrondissement de Namur attend aussi depuis longtemps des travaux indispensables dont l'urgence est généralement reconnue.

A cet égard, je dois convenir que le dernier projet relativement à l’établissement d'un chemin de fer partant de Jemeppe sur Sambre et se dirigeant vers Fosses et Mettet, est un acte de nature à réparer dans une certaine mesure l'oubli de toute satisfaction à notre égard.

J'espère que le gouvernement, reconnaissant combien notre arrondissement est peu favorisé dans le projet de loi, saisira toutes les occasions de nous donner de justes et légitimes satisfactions.

Qu'il ne perde pas de vue que nous n'avons pas joui de l'allocation énoncée en la loi de 1851 pour amélioration du lit de la Sambre aux environs de la ville de Namur.

Je dois recommander au gouvernement un projet de chemin de fer qui a déjà été signalé à son attention, c'est celui relatif à une voie ferrée d'Anvers par Braine-le-Comte et Namur à Saint-Vith. Ce serait là une entreprise de la plus grande utilité, au point de vue des intérêts belges.

Il est aussi un crédit auquel je dois applaudir tout particulièrement, c'est celui de cinq millions pour construction et ameublement d'écoles. Le gouvernement ne saurait proposer de mesure plus utile et je ne puis que l'engager à persévérer dans la voie qu'il a suivie jusqu'à ce jour, en présentant un nouveau crédit du moment que celui demandé précédemment est épuisé.

Il n'est personne qui ne se rallie à un système qui réalise un progrès qu'on ne saurait méconnaître et auquel tout le monde doit applaudir.

Je pense du reste que le crédit demandé pour cet objet aurait dû être porté au double, et qu'il en est de même de celui relatif à la voirie vicinale. On ne saurait affecter les fonds à une meilleure destination ; j'engage le gouvernement à se rallier aux amendements qui seraient proposés en ce sens.

Je prie, du reste, l'honorable ministre des travaux publics de ne pas oublier notre arrondissement dans la répartition des subsides qui seront mis à sa disposition par la loi en discussion. Nous n'avons jamais été favorisés sous ce rapport.

J'espère que M. le ministre aura à cœur de réparer les regrettables oublis dont nous nous plaignons à si juste litre.

M. Van Renynghe. - Messieurs, je n'ai pas demandé la parole pour récriminer contre les provinces qui obtiennent le plus d'avantages par le projet que nous discutons, parce que, en général, je sois grand partisan de travaux d'utilité publique, mais pour appuyer ceux de mes honorables collègues qui réclament en faveur de la voirie vicinale des subsides plus élevés et, par conséquent, plus en rapport avec ses besoins urgents.

Je sais que l'on a déjà beaucoup fait pour cette voirie, mais il resta encore beaucoup à faire, et il serait fâcheux de décourager les communes qui se sont déjà imposé des sacrifices, même au delà de leurs forces, pour obtenir de nouvelles routes pavés ou empierrées.

Plusieurs communes de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter ont dû faire des avances considérables pour le gouvernement et la province, en empruntant d'une manière onéreuse, afin de sortir de l'état d'isolement dans lequel elles se trouvaient ; ne serait-il pas juste de faire rentrer ces communes le plus tôt possible dans les fonds qu'elles ont avancés et pour lesquels elles payent un gros intérêt ?

Pour prouver ce que j'avance, je ne citerai que la ville que j'ai l'honneur d'administrer et qui, pour une seule route pavée partant de Poperinghe vers Crombeke, doit encore recevoir de la part de l'Etat et de a province le remboursement d'une somme, à peu près, de 40,000 francs qu'elle a avancée pour la construction de cette route. Quand le recevra-t-elle ? Je n'en sais rien, et en attendant elle doit payer les intérêts de cette somme.

Si ce remboursement pouvait s'effectuer dans un bref délai, elle pourrait faire construire une route pavée vers Watou qui est une des (page 1082) communes les plus importantes de mon arrondissement. Les deux tiers de la dépense de cette nouvelle voie de communication sont déjà votés par la province et les communes intéressées, et si elle pouvait bientôt être construite, elle servirait d'un grand affluent au chemin de fer.

D'autres routes de mon arrondissement, dont les deux tiers de la dépense sont votés par la province et les communes intéressées, n'attendent que des crédits plus élevés, pour se voir exécuter. Je citerai entre autres celles de la ville de Poperinghe vers Elverdinghe, de la même ville vers Boeschepe, de Watou vers Rousbrugge, de Houtkerque par Watou à Steenvoorde, etc. En outre des communes du même arrondissement qui ont demandé des suppléments de subsides pour construction de routes, devront attendre encore bien longtemps avant d'obtenir l'objet de leurs réclamations, si l’on ne vient à leur aide moyennant des crédits plus importants.

Je voterai donc pour toute proposition qui sera faite afin de majorer le crédit concernant la voirie vicinale. D'ailleurs y a-t-il un crédit plus utile plus urgent ? L'amélioration de la voirie vicinale ne donne-t-elle pas une nouvelle vie à des localités isolées, n'augmente-t-elle pas les relations industrielles, commerciales et agricoles, ne procure-t-elle pas des accès faciles et indispensables à nos chemins de fer ? Par conséquent de tous les travaux qui s'exécutent, les plus indispensables sont ceux relatifs à la voirie vicinale.

Avant de finir, j'appuie de toutes mes forces les justes observation qui ont été faites par mon honorable collègue M. de Florisone sur les travaux encore à faire à l'Yser.

Il est urgent que l'on fasse droit, le plus tôt possible, aux réclamations fondées des habitants de Rousbrugge qui se plaignent à juste titre de l'état déplorable dans lequel se trouve la navigation de cette rivière N'ayant que cette voie facile de transport, ils sont dignes de la sollicitude du gouvernement.

M. le ministre des travaux publics, appréciant l'opportunité de ces réclamations, a dit, dans la séance d'hier, que les travaux dont il s'agit seront entrepris aussitôt que les travaux en aval seront exécutés ; je l'en remercie.

Comme mon honorable collègue, je désire aussi savoir si les négociations entamées par le gouvernement avec la compagnie concessionnaire de la Flandre occidentale aboutiront à une unité de tarif.

L'état actuel des choses doit cesser, car il est trop onéreux et peu équitable pour le commerce et l'industrie.

Je me borne à ces observations, espérant qu'elles seront accueillies avec bienveillance par la Chambre et par le gouvernement.

M. Bricoultµ. - En présence des réclamations nombreuses et qui continuent à se produire dans cette enceinte au sujet du projet de loi dont nous nous occupons, je croirais manquer à mon devoir, si je ne venais vous dire qu'au point de vue de l'arrondissement d'Ath, ce projet me sourit médiocrement.

Il y a bien une part d'avantage pour la ville d'Ath dans la canalisation de la Dendre, mais ce canal a une importance beaucoup plus grande pour la ville de Lessines et l'arrondissement d'Alost. Quant au canal d'Ath à Blaton, il est plutôt destiné à favoriser le transport des charbons français vers les Flandres, qu'à desservir les intérêts de l'arrondissement que l'honorable M. Martin Jouret et moi nous avons l'honneur de représenter. Je puis donc me plaindre avec raison, et demander à l'honorable ministre des travaux publics pourquoi l'agrandissement de la station d'Ath n'a pas été compris dans le projet de loi. Cette station déjà insuffisante va devenir beaucoup trop petite, par suite de la création de deux nouvelles lignes ferrées qui viendront y aboutir, celle de Hal et celle de Saint-Ghislain à Ath.

Je me permettrai également de demander à M. le ministre à quel point en sont les nouvelles négociations qu'il a dû entamer avec la compagnie Hainaut Flandre relativement à la construction de la ligne de Saint-Ghislain à Ath dont la concession est accordée depuis dix ans. Pour le moment je me bornerai à lui faire cette simple question, me réservant, ainsi que mon honorable collègue M. Laubry, député de Mons, d'en entretenir de nouveau la Chambre lors de la discussion du prochain budget des travaux publics.

Je n'ai pas demandé la parole, messieurs, précisément pour mettre mon arrondissement en parallèle avec les autres ; je me suis contenté d'établir la part qui lui était faite, part que le gouvernement aurait dû compléter en rattachant au projet de loi les travaux que je viens de désigner.

Quoique ma satisfaction soit loin d'être complète, je voterai les amendements présentés par ceux de mes honorables collègues qui n'ont aucune part dans les 60 millions que nous allons voter.

Je tiens à faire cette déclaration, parce que je la crois de nature à provoquer dans cette Chambre un bienveillant accueil à un amendement que j'aurai l'honneur de vous soumettre avec mes honorables collègues et amis, MM. Lelièvre, Giroul et Jouret, non pas, messieurs, en faveur de mon arrondissement, mais en faveur du pays tout entier, et plus spécialement dans l'intérêt de l'agriculture, qui arrive souvent la dernière quand il s'agit de la distribution des largesses de l'Etat. Je veux vous parler, messieurs, d'une majoration de subsides pour travaux de voirie vicinale et d'hygiène publique.

Je n'entrerai pas dans de grands développements pour vous soumettre notre amendement, l'exposé des motifs le justifie, me paraît-il, suffisamment.

Partout l'impulsion qui est donnée aux travaux de la voirie vicinale crée des besoins auxquels les crédits dont ce gouvernement dispose ne peuvent plus suffire, et tous les ans, l'administration se trouve dans la nécessité de réduire, pour la plupart des provinces, les subsides dont la réparation lui est proposée.

Les chiffres que je prends dans l'exposé des motifs indiquent que pour quatre provinces seulement, Anvers, le Brabant et les deux Flandres, il reste 572 chemins à améliorer. Ces chemins ont une longueur de 2,023,720 mètres et l'évaluation approximative de la dépense est de 33,041,896 fr. Ces chiffres donnent la mesure des besoins auxquels il reste à pourvoir pour procurer à toutes les localités du pays les avantages d'une bonne viabilité.

Les nécessités qui se rattachent à l'hygiène publique ne sont pas moins grandes. Sans chercher à en faire l’énumération, je ferai remarquer au gouvernement et à la Chambre que dans plusieurs localités du pays et notamment dans le Hainaut (la province que l'honorable M. Hymans a signalée comme étant la plus oubliée) les cimetières sont devenus trop petits et forment pour ainsi dire des foyers d'infection.

Les ressources financières des communes, quoique ayant été sensiblement augmentées depuis le vote de la loi du 18 juillet 1860, portant suppression des octrois, ne leur permettent pas d'agrandir ou de déplacer leur cimetière, sans que l'Etat intervienne pour une large part dans les frais d'agrandissement ou de déplacement.

Les travaux d'hygiène publique augmentent le bien-être des populations ; l'amélioration de la voirie vicinale avec les chemins de fer et les voies navigables contribuent puissamment à accroître la fortune publique. Ces différentes voies de communication sont, pour la richesse matérielle, ce que l'école est pour l'expansion de la richesse morale.

Les représentants du pays savent protéger tous les besoins et prouver à la nation qu'ils comprennent les nécessités de leur temps.

J'espère, messieurs, que vous en donnerez une nouvelle preuve en votant l'amendement que, d'accord avec mes honorables collègues et amis MM. Lelièvre, Giroul et Jouret j'ai l'honneur de déposer sur le bureau.

« Amendement au paragraphe 22. Subsides pour travaux de voirie vicinale et d'hygiène publique :

« Au lieu de : fr. 2,000,000

« Dire : fr. 3,000,000

“H. Bricoult, Jules Giroul, M.-J. Jouret, X. Lelièvre. »

M. de Brouckere. - Messieurs, je reconnais bien volontiers que les travaux compris au projet de loi dont nous nous occupons ne sont pas seulement utiles aux localités dans lesquelles ils doivent s'exécuter, mais qu'ils seront, en outre, d'une incontestable utilité pour la généralité du pays, dont ils contribueront, dans une certaine mesure, à augmenter la prospérité et le bien-être ; cependant on ne peut pas se dissimuler que l'apparition de ce projet de loi a excité quelques susceptibilités dans certains arrondissements et qu'il y a fait naître quelque mécontentement.

Les nombreuses réclamations que vous avez entendues pendant tout le cours de cette semaine en sont la preuve la plus évidente.

Jusqu'ici, messieurs, l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte n'a pas encore élevé la voix, n'a fait entendre aucune plainte et cependant l'honorable rapporteur de la section centrale a reconnu que, dans la répartition des fonds votés pour travaux publics depuis plusieurs années, la province de Hainaut a été le plus mal traitée.

Eh bien, en demandant la parole, je n'ai pas l'intention de sollicite une faveur spéciale pour l'arrondissement de Mons ; je viens simplement dire quelques mots à l'appui d'une mesure d'utilité générale dont on (page 1083) vous a déjà entretenus ; je veux parler du rachat, non pas de tous les canaux donnés en concession, mais de certains canaux.

Si vous voulez jeter, meneurs, un coup d'œil sur les pages 4, 5 et 6 du rapport de l'honorable M. Hymans, vous verrez que dans les sections on a particulièrement demandé le rachat de trois voies de navigation ; les embranchements du canal de Charleroi, le canal de Bossuyt à Courtrai et le canal de l'Espierre.

Je ne dirai rien des embranchements, leur cause a été chaudement et éloquemment défendue par mon honorable voisin ; je laisserai à des collègues plus autorisés que moi le soin de vous donner des renseignements relativement au canal de Bossuyt à Courtrai ; je me contenterai de quelques mots relativement au canal de l'Espierre.

Messieurs, je ne partage pas du tout l'opinion d'un de mes honorables amis, qui a prétendu que l'ère des canaux était passée et qu'avant peu de temps les canaux ne rendraient plus aucun service ; qu'ils seraient complètement supplantés par les chemins de fer.

Je crois au contraire que les canaux continueront de rendre de grands services au commerce et à l'industrie, et surtout aux consommateurs, particulièrement pour le transport des marchandises pondéreuses. Mais pour que les canaux soient utiles, il faut qu'ils ne soient pas grevés d'un péage exagéré.

Le gouvernement l'a si bien senti qu'il vous a présenté un projet par suite duquel le maximum des péages sur les canaux qui lui appartiennent est fixé à un centime par tonne et par kilomètre pour les bateaux chargés et retour à vide.

Eh bien, messieurs, savez-vous de combien est le péage sur la partie belge du canal qui conduit d'Espierre à Roubaix ? Ce péage est de 11 centimes ; aussi cette voie de navigation est-elle d'une très minime utilité à cause de ce péage exagéré.

Le canal de l'Espierre à Courtrai mesure en tout 14,560 mètres dont 6,060 se trouvent sur le territoire français et 8,500, c'est-à-dire un peu plus d'une lieue et demie, sur le territoire belge.

La partie française appartenait d'abord à des concessionnaires. Elle a été rachetée par la ville de Roubaix, puis cédée à l'Etat français, qui en est maintenant propriétaire.

Si le gouvernement pouvait se décider à racheter ce canal...

M. Dumortier. - La partie belge.

M. de Brouckere. - Oui la partie belge qui comprend 8,500 mètres, il rendrait un immense service à l'industrie et ce serait une bien minime dépense.

Tout le monde comprendra en effet qu'un canal sur lequel on est astreint à un péage onze fois aussi fort que celui établi sur les canaux du gouvernement ne rend que très peu de services et n'a aucun avenir aussi longtemps qu'on maintiendra cet état de choses.

J'ai remis dans ma section une note détaillée sur ce point et M. le rapporteur de la section centrale a eu l'extrême obligeance de l'insérer tout entière dans son rapport. Je ne veux pas répéter ici, je vous ai expliqué en deux mots ce qu'était le canal d'Espierre, combien les péages y étaient élevés, combien la dépense du rachat serait minime, je m'arrête là.

Maintenant présenterai-je à propos de la loi actuelle un amendement par lequel je tâcherai de faire figurer dans le projet de loi la somme nécessaire pour le rachat du canal d'Espierre ?

J'en ai bien été un peu tenté, mais j'y ai renoncé en entendant le langage si énergique tenu hier par l'honorable ministre des travaux publics. Il vous a déclaré qu'il n'accepterait aucun amendement ayant pour objet d'insérer dans la loi des travaux qui n'y figurent pas.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Des travaux comportant des crédits.

M. de Brouckere. - Evidemment. En présence de cette déclaration, mon amendement n'aurait pas beaucoup de chances d'être adopté ; dès lors j'ai renoncé à l'idée de le présenter. Mais j'espère que ma condescendance sera un titre auprès du gouvernement pour qu'il s'occupe, dans le plus bref délai, des intérêts que je viens de lui signaler.

L'honorable ministre des travaux publics sait aussi bien que moi que le canal d'Espierre, qui n'a aujourd'hui qu'une petite longueur, est destiné à prendre des développements sérieux et que dans un temps rapproché il constituera pour la province de Hainaut un débouché d'une grande importance.

Je le répète donc, j'espère que l'honorable ministre ne tardera pas à s'occuper de ce canal et que dans un délai, qui ne sera pas très éloigné, il demandera les crédits nécessaires pour en opérer le rachat.

M. Thonissenµ. - Je ne puis laisser passer sans protestation la partie du discours de l'honorable M. Hymans relative à la province de Limbourg.

Il serait difficile d'accumuler plus d'erreurs et de contradictions dans le même espace. Pour en fournir la preuve, il me suffira de citer quelques exemples.

La prise d'eau faite à la Meuse, dans le voisinage de Maestricht, sert à l'alimentation des canaux suivants : Le canal de Maestricht à Bois-le-Duc ; le canal de jonction de la Meuse à l’Escaut. le canal de Hasselt à Lommel ; le canal de Turnhout au canal de jonction de la Meuse à l'Escaut.

Vous le voyez, messieurs, il s'agit de voies navigables d'un développement de trente à quarante lieues. Eh bien, suivant l'honorable M. Hymans, la prise d'eau qui doit alimenter tous ces canaux a été construite dans l'intérêt de sept ou huit propriétaires du Limbourg !

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Il a raison.

M. Thonissenµ. - Comment ! La Hollande, la Prusse, la France même, feraient entendre des réclamations, parce que l'eau de la Meuse est absorbée par les prairies de sept ou huit propriétaires limbourgeois !

En vérité, messieurs, dans une assemblée sérieuse, de telles plaisanteries ne devraient pas sortir de la bouche du rapporteur d'une section centrale.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Vous ne connaissez pas la question.

M. Thonissenµ. - Je la connais parfaitement. Le fait est que la prise d'eau a été établie principalement pour la navigation destinée à relier l'Escaut à la Meuse et que les irrigations ne reçoivent que l'eau dont la navigation n'a pas besoin.

Et quant à ces irrigations mêmes, dont aucune, je prie l'honorable M. Hymans de le remarquer, n'existe sur le territoire de l'arrondissement de Hasselt, elles se prolongent sur une étendue de plusieurs lieues, depuis Bocholt jusqu'à Lommel et depuis Lommel jusqu'au delà de Turnhout. Comment sept ou huit propriétaires limbourgeois absorberaient-ils au profit de leurs terres les eaux d'un fleuve de l'importance de la Meuse ?

Voici une autre erreur. Les voies navigables dit Limbourg, dit l'honorable M. Hymans, doivent au trésor la petite somme de vingt-neuf millions !

Encore une fois, il n'en est rien ! La première section du canal de la Campine, la seule qui traverse le territoire Limbourgeois, a coûté 2,400,000 fr. et le canal de Hasselt à Lommel a coûté 3,123,013. Total : 5,523,013 fr. C'est cette somme qui, par une exagération non « petite », se transforme en vingt-neuf millions sur les lèvres de l'honorable rapporteur.

M. Hymans. - M. Nélis l'a prouvé.

M. Thonissenµ. - M. Nélis a parlé de l'ensemble de la canalisation ; j'en appelle à lui-même.

M. Nélis. - J'ai donné le compte des canaux qui intéressent toute la Campine.

M. Thonissenµ. - M. Nélis, qui a étudié très sérieusement la question, a prouvé que l'ensemble des canaux a coûté 29 millions, mais il n'a pas dit que le Limbourg seul ait absorbé les 29 millions.

Pour les routes construites dans le Limbourg, l'honorable membre procède avec la même sans-façon, avec la même ignorance des faits.

M. Hymans. - Je demande la parole.

M. Thonissenµ. - A la page 1061 des Annales, l'honorable M. Hymans affirme que l'entretien des routes du Limbourg, de 1830 à 1860, a coûté à l'Etat seul quarante-deux millions !

Ceci est plus étonnant encore que l'histoire de la prise d'eau.

De 1851 à 1860, l'Etat a dépensé dans le Limbourg, pour entretien de routes, la somme de 1,418,285 fr. Il a recueilli du produit des barrières, la somme de 742,736 fr., de sorte que, en définitive, il n'a déboursé, de 1850 à 1860, que la somme de 675,549 fr. Voilà des chiffres officiels, empruntés à l'exposé décennal de la situation du royaume de 1850 à 1860.

Je n'ai pas sous les yeux les chiffres officiels des deux périodes décennales antérieures, 1830-1840, 1840-1850 ; mais, comme alors il y avait beaucoup moins de routes, je suis certain d'éviter toute exagération, en fixant les frais d'entretien à 500,000 francs pour chacune de ces deux périodes. J'arrive ainsi à 1,675,549 fr., tandis que l'honorable rapporteur de la section centrale arrive à 42 millions ! En vérité, c'est à ne pas en croire ses yeux.

M. Hymans. - C'est une erreur.

M. Thonissenµ. - C'est le chiffre que vous avez cité vous-même.

(page 1084) M. Hymans. - Pourquoi le contestez-vous ?

M. Thonissenµ. - Vous répondrez...

M. Hymans. - Je maintiens le chiffre.

M. Thonissenµ. - Vous avez tort, comme quand vous invoquiez tout à l'heure l'opinion do M. Nélis. M. Nélis vous a dit lui-même qu'il parlait de l’ensemble de la canalisation.

M. Hymans. - Pas du tout.

- Voix à droite. - Mais il vient de le dire.

M. Hymans. - Vous avez mal compris ; d'ailleurs, à ce compte-là, les dépenses faites dans la province d'Anvers vous ont profité aussi.

M. Thonissenµ. - Tous les travaux publics sont profitables au pays ; mais de ce fait il y a loin à recevoir 42 millions. Le Limbourg en réalité n'a eu qu'un peu plus d'un million et demi. Prouvez le contraire.

M. Hymans. - Je le prouverai.

M. Thonissenµ. - Après ces deux exemples d'erreurs, je vais citer un exemple de contradictions.

A la page 1061 des Annales, l'honorable M. Hymans s'occupe de l'étendue des routes, relativement à la superficie du territoire.

A la 4ème ligne, M. Hymans dit que le Limbourg occupe le dernier rang.

A la 7ème ligne, il dit que le Limbourg est au-dessus de la moyenne générale.

A la 10ème ligne, il affirme que le Limbourg, qui, à la 4ème ligue, occupe le dernier rang, est à peu près seul au-dessus de la moyenne générale.

Je prie l'honorable rapporteur de bien vouloir me dire laquelle de ces trois propositions est la vraie.

M. Hymans. - Je n'ai pas à répondre à de pareilles niaiseries. Ce n'est pas parce qu'on est adversaires politiques qu'on doit se prêter de telles absurdités. (Interruption.) Vous tronquez ma pensée. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

MpVµ. - M. Thonissen va expliquer ce qu'il vient de dire.

M. Hymans. - Je l'expliquerai bien mieux, M. le président ; je m'adresse à la loyauté de l'honorable M. Thonissen ; veut-il me permettre une explication ?

M. Thonissenµ. - Vous m'accusez de m'inspirer de passions politiques ; il n'en est rien. Je plaide ma thèse ; je trouve que vous l'avez mal comprise, et je vous le démontre.

M. Hymans. - Voulez-vous me permettre une explication ?

M. Thonissenµ. - Volontiers.

M. Hymans. - Je n'ai pas les Annales sous les yeux.

M. Thonissenµ. - Huissier, portez les Annales !

M. Hymans. - Oh ! je n'en ai pas besoin.

J'ai dit que le Limbourg était au dernier rang ; mais j'ai ajouté et j'ai prouvé qu'il était au-dessus de la moyenne.

M. Thonissenµ. - Donc il n'est pas au dernier rang.

M. Hymans. - Il est au-dessus de la moyenne générale, mais comme population et comme superficie territoriale, il est au dernier rang.

M. Thonissenµ. - Je ne comprends pas fort bien l'explication,

M. Hymans. - La province de Limbourg est au dernier rang d'une manière absolue, mais elle est au-dessus de la moyenne relativement aux autres provinces.

M. Thonissenµ. - Après votre explication, j'y vois un peu moins clair. M. Hymans compare le Limbourg aux autres provinces. Il dit d'abord que le Limbourg est au dernier rang ; il dit plus loin qu'il est au-dessus de la moyenne générale ; il dit enfin qu'il est presque seul au-dessus de la moyenne générale. Evidemment ces trois choses ne sont pas conciliables.

Mais je n'ai pas épuisé la liste des reproches que je dois adresser à l'honorable membre ; car il s'est, presque toujours, placé à côté de la question, a\cc une persistance qui m'étonne.

Qu'avais-je fait dans mon discours ?

J'avais comparé les routes du Limbourg avec les routes du Luxembourg.

Que fait l'honorable M. Hymans ?

Il compare les routes du Limbourg à celles du Hainaut !

Mais si vous voulez faire la comparaison des faveurs accordées aux diverses provinces, vous ne devez pas seulement vous arrêter aux routes. La raison, l'équité même exigent que vous fassiez l'énumération de tons les travaux publics en général.

Vous ne l'avez pas fait. Je vais combler cette lacune, en me bornant simplement à l'indication des résultats, pour ne pas abuser de la patience de la Chambre.

Pour les chemins de fer, les crédits votés depuis 1834 et ceux qui sont aujourd'hui demandés, s'élèvent à 253,142,123 fr.

Les sommes dépensées dans le Limbourg n'atteignent que 1,352,147 ; c'est à-dire que le Limbourg, pour 100 fr. dépensés ailleurs, a reçu 53 centimes.

Les sommes consacrées à l'exécution de travaux hydrauliques, depuis 1830, s'élèvent au chiffre important de 124,381,028 fr.

Le Limbourg pour sa part a obtenu 5,525,015 ; c'est à-dire un peu plus de 4 p. c.

Pour les routes pavées, la part contributive de l'Etat, de 1830 à 1860, atteint le chiffre de 40,267,924 fr.

Voilà bien la preuve de l'erreur dont je parlais tout à l'heure. L'Etat n'a dépensé, depuis 1830, dans le pays tout entier, que la somme de quarante millions pour construction de routes, et vous diriez que, pour le Limbourg seul, cette dépense s'était élevée à quarante-deux millions. Qui donc a raison ?

M. Hymans. - Je n'en sais rien ; je vérifierai cela dans les Annales parlementaires.

M. Thonissenµ. - Je suis habitué à dépouiller les renseignements statistiques publiés par le département de l'intérieur, ils sont rédigés avec beaucoup de soin. Consultez-les, et vous reconnaîtrez que la dépense totale pour le pays tout entier a été réellement de quarante millions.

M. Hymans. - Ce doit être une faute d'impression ; cela arrive tous les jours.

M. Thonissenµ. - Je répète, pour la seconde fois, que j'estime le caractère et le talent de l'honorable M. Hymans ; je n'éprouve, à son égard, aucune animosité ; mais enfin quand je ne le comprends pas, quand il s'exprime d'une manière obscure, il est assez naturel que je lui demande une explication. Tantôt, après ses explications, je le comprenais moins encore. Maintenant il parle de fautes d'impression ! Mais, messieurs, je vous le demande, la discussion est-elle encore possible dans de telles conditions ? (Interruption.)

Vous m'avez répondu vivement, il faut bien en convenir ; je vous ai écouté avec patience ; soyez donc aussi loyal envers moi que je l'ai été à votre égard.

M. Hymans. - Vous n'avez eu qu'un tort ; c'est de retirer votre amendement.

M. Thonissenµ. - Ceci est une autre question ; nous savons parfaitement pourquoi nous avons retiré notre amendement, et plus loin je vous le dirai.

Maintenant, je reprends ma thèse.

Dans le chiffre de 40,267,924 fr., pour construction de routes, le Limbourg a obtenu pour sa part 4,149,915 fr. ; c'est-à-dire environ 10 p. c. C'est beaucoup, je l'avoue ; mais quand on tient compte de ce qui s'est fait ailleurs, et surtout de ce qui s'est passé pour les autres grands travaux publics, nous pouvons dire que nous sommes loin d'avoir eu la part sur laquelle nous pouvions légitimement compter.

Je me suis borné à citer les chiffres généraux. Ceux qui veulent connaître les détails n'ont qu'à consulter la remarquable brochure sur les travaux publics dans le Limbourg que vient de nous faire distribuer l'un de ses conseillers provinciaux, M. le baron Hippolyte de Cécil.

Je me contenterai de lire un seul fragment de cet intéressant travail, parce que, en ce qui concerne les routes, il présente sous son véritable jour une situation involontairement, mais complètement dénaturée par l'honorable M. Hymans. Ce fragment, le voici :

« Avant 1830, il existait en Belgique, 3,241,458 mètres de routes, et dans le Limbourg 149,423 mètres ; de 1851 à 1860, il en a été construit pour le royaume 3,510,162 mètres et pour ladite province 250,260 mètres ; enfin au 31 décembre 1860, il existait dans le pays 6,751,620 mètres et dans la province do Limbourg 399,683 mètres, soit une proportion entre la province et le royaume de 4.60 p. c. en 1830, de 7.12 p. c. de 1831 à 1860, et de 5.91 p. c. au 31 décembre 1860.

« En d'autres termes c'est la province de Limbourg qui possédait le moins de routes en 1830 ; c'est chez elle qu'on en a construit le moins de 1831 à 1860 et c'est encore chez elle, même eu égard à l'étendue du territoire, qu'il en existait le moins au 31 décembre 1860, époque à laquelle s'arrêtent nos renseignements. »

J'aurais bien aussi quelques réflexions à faire à propos du discours de l'honorable ministre des travaux publics. Mais je m'en abstiendrai, parce que, tout en portant à notre bilan des dépenses qui ne doivent pas y figurer, il s'est montré bienveillant pour le Limbourg et disposé à nous accorder une part équitable dans la distribution des subsides.

Tout à l'heure on me disait, en m'interrompant : Pourquoi avez-vous retirer votre amendement ? La raison qui nous y a déterminés est très simple, messieurs, c’est que M. le ministre des travaux publies a déclaré hier qu'il tiendrait bonne note de nos réclamations, et qu'il serait généreux à notre égard dans la répartition des fonds alloués pour construction de routes.

(page 1085) Nous avons confiance dans ces paroles ; nous attendons la réalisation de cette promesse, et c’est pour ce motif que, reconnaissants de la déclaration de l’honorable ministre, nous avons retiré notre amendement.

M. Hymans (pour un fait personnel). - Je ne puis pas admettre que, dans une discussion aussi matérielle, dirai-je, aussi peu mêlée de politique que celle qui nous occupe, on se prête entre adversaires des opinions absurdes, impossibles. Tout à l'heure, je n'avais sous les yeux aucun document ; je viens de faire demander les Annales parlementaires et je viens faire appel à la bonne foi de la Chambre relativement à une erreur ridicule, monstrueuse que me prête l'honorable M. Thonissen.

Voici ce que j'ai dit :

« Depuis le 1er janvier 1831 jusqu'au 31 décembre 1860, c'est-à-dire en 30 ans, l'entretien des routes a coûté à l'Etal seul, sans tenir compte de l’intervention de la province, 42 millions ; si l'on compare le produit de ces routes aux dépenses d'entretien, on trouve que, pour le Limbourg la dépense a dépassé de 675,549 francs la recette. »

Voilà ce que j'ai dit, tandis que d'après les Annales parlementaires j'aurais dit que c'est dans le Limbourg seul que l'Etat aurait dépensé 42 millions. Il est évident pour tout homme qui lit avec réflexion les Annales parlementaires que ces 42 millions sont le chiffre de la dépense faite dans tout le pays.

M. Thonissenµ. - Vous avez dit dans le Limbourg.

M. Hymans. - Mais non ; je n'ai pas pu dire une telle absurdité ; c'est une erreur purement matérielle, et l'honorable M. Thonissen ne peut pas admettre qu'un homme ayant l'ombre du sens commun puisse se tromper sciemment d'une manière aussi grossière.

J'ai relevé l'autre jour au Moniteur des fautes d'impression dont la responsabilité aurait pu retomber sur d'honorables collègues dont je ne partage pas les opinions politiques, entre autres sur l'honorable rapporteur de la commission chargée d'examiner le projet de loi sur la responsabilité ministérielle ; et certes, si j'avais voulu attribuera l'honorable M. Delcour les absurdités qu'on nous fait dire, je l'aurais rendu infiniment plus ridicule que l'honorable M. Thonissen n'a voulu me rendre. (Interruption.)

Mais, M. Thonissen, le texte même prouve votre erreur. Est-il possible de croire sérieusement que j'ai pu dire que les routes du Limbourg ont rapporté 41 millions depuis 1850, puisque j'ai dit que la dépense faite dans le Limbourg a dépassé de 675,549 fr. la recette évaluée à 42 millions.

Quelle que soit l'importance que vous attribuiez au Limbourg, quant aux recettes qu'il produit, vous ne pouvez cependant pas faire monter vos prétentions jusque-là.

Il est évident que je n'ai pas pu commettre la grossière erreur que m'a attribuée l'honorable M. Thonissen.

Quant aux autres chiffres qu'il a cités en réponse aux miens, sans lui attribuer aucune mauvaise intention, sans dire qu'il parie de questions qu'il n'a pas étudiées, je me bornerai à lui répondre qu'il est complétement dans l'erreur.

M. Thonissenµ. - L'honorable M. Hymans prétend que, de ma part, il y a une certaine légèreté à lui attribuer l'erreur que j'ai signalée. II vient de dire qui c'est une espèce de faute d'impression ; qu'au lieu de « dans le Limbourg » il faut lire « dans le pays.3

Mais tout à l'heure, quand j'ai dit : « Est-ce bien la notre chiffre, est-ce bien 42 millions ? », l'honorable M. Hymans m'a répondu : « Oui, et je vous le prouverai. » Après cette affirmation, j'avais naturellement argumenté de sa réponse, à savoir que le chiffre de quarante-deux millions s'appliquait au Limbourg seul.

Cette erreur n'était du reste pas seule. Vous disiez que l'honorable M. Nélis avait affirmé que la construction des canaux dans le Limbourg avait coûté vingt-neuf millions ; vous l'avez dit deux fois ; vous maintenez cette erreur ; je dis, moi, qu'elle est inconcevable.

Je répète de nouveau que, dans mes observations, il n'y a absolument rien de personnel pour l'honorable M. Hymans.

Mais comme divers membres de la Chambre sont venus me déclarer que le Limbourg était une terre privilégiée, comme l'honorable M. Hymans avait affirmé que cette province avait eu 42 millions par ici, 29 millions par là, j'ai cru de mon devoir de réfuter les chiffres. Mais je n'ai rien dit de désobligeant ni pour le caractère, ni pour l'intelligence de l'honorable membre.

MpVµ. - La parole est à M. J. Jouret.

M. H. Jouretµ. - Je cède mon tour de parole à mon honorable ami, M. Devroede ; je prie M. le président de m'inscrire à la place qu’il occupe sur la liste des orateurs.

M. Devroedeµ. - Messieurs, je profite de l'obligeance de mon honorable ami, M. J. Jouret, pour répondre quelques mots à M. le ministre des travaux publics.

Vous savez, messieurs, ce que nous demandons ; c'est le rachat des embranchements du canal de Charleroi. Je ne referai pas l'historique de ces embranchements ; ce qu’ils produisent, ce qu’ils ont coûté à notre arrondissement, a été parfaitement établi dans le discours précis et exact, prononcé par mon honorable ami J. Jouret, qui a eu surtout en vue les chiffres.

Je viens donc, quant à moi, ajouter seulement quelques mots, pour que nous obtenions le rachat des embranchements, s'il est possible.

Depuis que le canal existe, le bassin du Centre a toujours été mis dans un degré d'infériorité incontestable vis-à-vis du bassin de Charleroi.

Aussi, comme le dirait hier un honorable représentant de Charleroi, M. Dewandre, l'arrondissement de Charleroi a réussi et a prospéré grâce à cet avantage. Comme il le disait hier, c'est maintenant un des plus riches, des plus beaux, des plus industriels de la province de Hainaut ; et les représentants de Charleroi ont le droit de parler bien haut dans cette Chambre, car leur pays concourt largement aux charges de l'Etat.

Mais à côté de Charleroi, un autre arrondissement a été moins heureux, c'est celui de Soignies que nous représentons, c'est là que se trouve le Centre. Là aussi il y avait de la richesse ; mais, comme je le disais, la position de ce malheureux arrondissement, par rapport aux voies qui lui étaient livrées pour l'écoulement de ses produis, n'a jamais été dans de conditions aussi favorables ; sa position, dis-je, a été désavantageuse et continue à l’être.

Des la création du canal de Charleroi, en vertu des conventions qui ont été faites avec les propriétaires du canal, avec ceux qui en étaient concessionnaires, une espèce de compromis, de pacte est intervenu avec les exploitants du Centre, pour le payement d'une redevance exagérée pour un parcours fictif. Il fallut bien accepter, parce que sans cela nous n'avions rien ; il faut toujours prendre un moindre mal.

On disait que notre sol était plus producteur, plus riche, et pouvait payer dans des proportions plus grandes. C'était une singulière manière de voir en économie politique. Celui qui est plus riche produit davantage, et c'est à lui qu'on doit venir en aide, précisément parce qu'il produit plus. On disait que le Centre était satisfait de cette position.

Mais il est de notoriété que le Centre a pris cette position, telle qu'elle était, parce qu'il devait la prendre ; pendant longtemps il l'a supportée ; il payait alors pour un parcours de 64 kilomètres, tandis qu'en réalité le parcours n'était que de 43 kilomètres ; le gouvernement nous est venu en aide, et je l'en remercie.

Là cependant n'était pas le mal réel : quand le gouvernement a racheté le canal, et notez-le, le bassin du Centre avait puissamment contribué aux charges de ce rachat, il aurait dû aussi racheter les embranchements qui en étaient l'accessoire.

Les embranchements ont continué et continuent à appartenir à une société particulière ; ce que nous lui payons, c'est cette taxe qui pèse sur nous et qui nous place dans une condition d'infériorité, quoi qu'il advienne, tant que le gouvernement ne nous viendra pas en aide pour les racheter.

Messieurs, nous avons à payer, pour arriver au canal de Charleroi, et en nous servait des embranchements, 6 fois la redevance que nous payerions à l'Etat. Dans quelques jours, nous verrons s'abaisser les péages de l'Etat : peur ma part, je remercie l’honorable ministre des travaux publics.

La diminution ne sera pas considérable pour nous sur le canal de Charleroi, mais enfin nous profiterons de la réduction dans une certaine proportion.

Ne disons pas que ce soit an désavantage pour le Centre. Tout ce qui est bon est bon ; seulement cette réduction amène un écart un peu plus grand qu'il n'était auparavant, entre ce que payera le bassin de Charleroi et ce que payera celui du Centre, mais enfin une diminution, quelle qu'elle sot, est bonne et, je le répète, je remercie le gouvernement. Malheureusement, en proposant l’abaissement des péages, on ne touche pas aux embranchements.

Et pour parcourir 10 kilomètres nous restons toujours sous le coup de 65 centimes par tonneau, tandis que ceux qui auront recours aux autres voies navigables de l'Etat ne payeront qu'un centime par kilomètre.

Nous n'avons que 10 kilomètres à parcourir, nous ne payerons que 10 centimes à l'Etat et nous restons sous la taxe de 65 centimes.

Le Centre n'a pas la perspective de sortir de cette impasse, parce qu'il y a encore des engagements qui le lient.

Il nous est défendu de faire une ligne rivale, un chemin de fer, une voie quelconque pour le transport de nos produits pondéreux, pour (page 1086) remplacer la voie des embranchements, le gouvernement a pris cet engagement pour obtenir un dégrèvement, il est vrai, mais enfin il est lié.

Voilà la position où nous nous trouvons ; eh bien, je le demande, messieurs, dans une situation pareille, pouvons-nous garder le silence, quand nous voyons que dans l'emprunt de 60 millions on ne nous vient pas en aide pour deux millions et peut-être même pour moins ; car remarquez-le bien, messieurs, le trafic que fait le Centre sur les embranchements est quelque chose de fabuleux. Savez-vous quelle est la moyenne qu'il paye à la société des embranchements ? Mais ni plus ni moins que 220,000 à 230,000 fr. Ainsi nous payons cinq à six fois le coût de ce que nous payerions à l'Etat.

Voilà la situation du Centre ; voilà la position véritable ; et quand on dit qu'il faudrait racheter tous les canaux, je dis que personne n'est dans la situation du Centre.

Dans une pareille situation, je demande en grâce que le gouvernement nous vienne en aide et nous promette an moins que, dans un délai très bref, il nous tirera de cette position, si la Chambre ne peut nous accorder maintenant ce que nous demandons ; mais j'y compte.

Je dis, messieurs, que ce ne sera pas pour le gouvernement une bien lourde charge. Nous demandons 2.800,000 fr. pour ce rachat. Mais ces 2,800,000 fr. ne seront pas dépensés en pure perte. Quand le gouvernement aura racheté les embranchements, il aura quelque chose qui lui rapportera, quoi ? 50 à 60 mille fr.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Il aura des frais d'entretien.

M. Devroedeµ. - Il aura les mêmes charges qu'il a maintenant pour tous les autres canaux. Mais il nous aura débarrassés d'un fardeau immense qui, s'il n'écrase pas notre industrie, lui fait le plus grand mal. Et ce sera un bienfait, non seulement pour le Centre, non seulement pour les producteurs, mais aussi pour les consommateurs, et Bruxelles s'en ressentirait considérablement.

Messieurs, la somme que nous demandons est si minime que je compte sur le bienveillant concours de la Chambre pour nous tirer de cette situation.

M. Dumortier. - J'ai demandé la parole lorsque l'honorable M. Bara s'occupait des intérêts de Tournai.

Je partage complètement ses idées sur le point de départ de son discours. Je pense avec lui que, dans la discussion actuelle, discussion un peu longue, mais très utile, parce qu'elle permet à chaque district d'exposer ses intérêts par ses commettants, la répartition ne doit pas être faite au prorata des dépenses, il faut distribuer le tout en raison des besoins de chaque district.

Ainsi dans cette discussion dont nous ne pouvons avoir qu'à nous féliciter, plusieurs travaux ont été demandés qui me paraissent nécessiter une étude sérieuse de la part du gouvernement.

Je citerai, par exemple ce qui a été dit en faveur des districts de Virton et de Maeseyck.

Il est évident qu'il est de l'intérêt général que tous les arrondissements de la Belgique soient reliés à la capitale par des chemins de fer ; et certes ces deux districts, que je connais très bien, sont d'une importance telle, que ce serait une iniquité, une injustice que de ne pas les relier au chemin de fer de l'Etat.

Je citerai ensuite le rachat des canaux dont vient de parler l'honorable orateur qui m'a précédé, question d'une grande importance pour le charbonnage du centre du Hainaut ; le rachat du canal de l'Espierre dont a parlé l'honorable M. de Brouckere.

Je le connais, il n'est pas éloigné de la ville que j'habite, et évidemment l'idée qu'a émise ici l'honorable M. de Brouckere est d'une grande valeur dans l'intérêt du bassin du couchant.

Lorsque vous aurez facilité, par des transports économiques, l'arrivée des houilles dans la ville de Roubaix qui en fait une si grande consommation, vous aurez rendu aux charbonnages du couchant le plus grand service que vous puissiez leur rendre. Je félicite donc l'honorable membre d'avoir émis cette idée et j'engage le gouvernement à la méditer.

J'indiquerai une autre affaire qui mérite aussi l'attention sérieuse du gouvernement et de la Chambre ; c'est celle du rachat des canaux français qui sont en communication avec Charleroi. Déjà plusieurs fois d'honorables membres en ont parlé. Je suis bien sûr que je suis ici leur organe. Il serait très à désirer que le gouvernement engageât une négociation avec le gouvernement français pour obtenir de celui-ci le rachat de ces canaux.

Les observations que je viens de présenter vous disent que je ne partage pas complètement l'opinion de l'honorable M. Nélis sur le triste avenir des voies navigables.

Ainsi, il est un fait constant et sérieux à étudier ; un hectolitre de houille se transporte, par voie navigable, de Tournai à Gand, sur un parcours de 25 lieues, pour 3 centimes, retour compris, tous frais compris. Or, quand vous avez un tonneau de houille ou de chaux transporté de Tournai à Gand sur un parcours de 25 lieues pour 30 centimes, je demande si l'on peut prédire que les voies d'eau doivent mourir un jour.

Ces faits que je vous signale prouvent à l'évidence qu'il faut s'occuper des uns et des autres, et pour mon compte, je voterai volontiers les dépenses demandées pour la canalisation de la Meuse, convaincu que je suis que les voies navigables doivent amener des résultats excessivement avantageux pour notre industrie.

Faire prospérer l'industrie, tel est, dans l'ordre des intérêts matériels, le premier devoir qui nous appelle dans cette enceinte, et évidemment si nous devons tout faire en faveur des chemins de fer, nous devons faire aussi tout notre possible pour améliorer la condition des voies navigables.

Je suis donc jusqu'ici complètement de l'avis de l'honorable député de Tournai, je le serai encore tout à l'heure. Mais il est un point sur lequel il me permettra de ne pas partager son opinion : c'est sur la question du déplacement de la station de Tournai.

Permettez-moi, messieurs, d'appeler votre attention sur les quelques observations que je vais vous soumettre.

Messieurs, je suis fortement frappé d'une chose. Les députés de Liège, depuis sept, huit, dix ans, réclament une station intérieure ; ils l'obtiennent aujourd’hui.

Les députés de Bruxelles réclament depuis huit, dix ans, une station intérieure ; il est question qu'ils l'obtiennent par cette loi.

Les députés d'Anvers vont avoir une station intérieure.

Les députés d'Ostende vont avoir une station plus intérieure.

Ceux de Gand vont avoir deux nouvelles stations intérieures.

Ainsi nous voyons figuier au projet 5 millions pour faire une station intérieure à Liège ; 4 millions pour faire une station intérieure à Anvers, 4 millions pour créer deux stations nouvelles à Gand ; 1 million environ pour faire une nouvelle station à Ostende.

Et dans le même moment, l'honorable député auquel je réponds demande que la ville de Tournai perde la station intérieure qu'elle possède et que celle-ci soit remplacée par une station au milieu des champs.

M. Bara. - Il n'y a pas de station intérieure à Tournai.

M. Dumortier. - Il n'y a pas de station plus intérieure que celle de Tournai, puisqu'elle se trouve presque au cœur de la ville.

A mon avis, il y a quelqu'un qui se trompe ici ; ou bien ce sont les députés de Liège, de Gand, d'Anvers, d'Ostende, de Bruxelles, ou bien c'est l'honorable membre.

Si l'honorable membre a raison, il est évident que tous les autres membres sont dans l'erreur, car le pour et le contre ne peuvent être vrais.

Pour mon compte, j'ai toujours pensé et je continue à avoir cette conviction, que les stations ne sont pas faites pour les ingénieurs ; qu'elles sont faites pour les habitants, que plus une station est intérieure, plus elle est avantageuse pour les habitants et plus en même temps elle est avantageuse pour l'Etat. C'est la facilité des communications qui amène les voyageurs ; c'est la situation intérieure d'une station qui y amène les marchandises.

Que diraient mes honorables collègues de Gand, si l'on voulait placer en dehors de cette ville la station intérieure qu'elle possède aujourd'hui ? Je suis convaincu qu'il n'y aurait qu'un cri parmi eux pour s'y opposer.

C'est ce même cri que je viens prononcer en faveur de Tournai, pour que cette ville conserve sa station intérieure.

M. Bara. - Je demande la parole.

M. Dumortier. - Mon honorable collègue invoque les dangers de la situation actuelle. La situation actuel de Tournai dit-il, est dangereuse pour la sûreté publique, et il cite à ce sujet un accident survenu dans la station de Tournai.

Un train de marchandises est arrivé de nuit à Tournai ; le frein était brisé et le convoi s'est avancé jusqu'à travers la station. Mais, messieurs, cela peut arriver à Gand, cela peut arriver à Bruxelles, cela peut arriver dans toutes les villes, et il n'en résulte nullement que la station actuelle soit dangereuse et qu'il faille la déplacer.

Un accident est arrivé dans la station, est-ce une raison pour la déplacer ? Mais tous les jours il arrive des accidents sur les chemins de fer, faut-il pour cela supprimer les chemins de fer ? Je ne crois pas qu'il faille généraliser un fait isolé, un simple accident.

Je reconnais volontiers qu'avant la démolition des murs d'enceinte, l'entrée de la ville de Tournai était très défavorable et même dangereuse ; en effet, messieurs, il n'y avait alors dans le mur d'enceinte que deux (page 1087) portes ouvertes, par lesquelles devaient entrer les convois de voyageurs et ceux de marchandises ; c'était un pêle-mêle complet. Et cependant, messieurs, grâce aux bons soins de tous les chefs de station qui se sont succédé, il n'est pas de station en Belgique ou il soit arrivé moins d'accidents qu'à Tournai.

Maintenant, messieurs, les deux portes étroites par lesquelles les convois de marchandises et les convois de voyageurs devaient entrer, ces deux portes ont disparu, l'enceinte a disparu, les murs ont été jetés dans les fossés ; le gouvernement a acquis plusieurs hectares de terre en dehors de la station, il n'existe plus aucun danger. C'est donc bien a tort qu'on représente la station de Tournai comme offrant des dangers. Ces dangers n'existent pas.

L'honorable membre demande que M. le ministre des travaux publics ordonne le déplacement de la station de Tournai. C'est-à-dire que la station intérieure que la ville possède aujourd'hui serait supprimée et que l'on créerait une station nouvelle au beau milieu des champs.

Eh bien, messieurs, j'ai eu l'honneur de vous dire tout à l'heure que c'est absolument l'opposé de ce que font toutes les autres villes.

Mais, veuillez-le remarquez, messieurs, il ne s'agit pas seulement du déplacement de la station ; pour opérer ce déplacement il faudrait déplacer 15 kilomètres de chemin de fer, il faudrait dépenser 2 millions de francs pour créer 3 lieues de chemin de fer, depuis la station de Bary jusqu'à Tournai, il faudrait déplacer et créer à nouveau 15 kilomètres de voie ferrée.

Eh bien, messieurs, quant à moi, je pense que si le gouvernement a des fonds pour faire quinze nouveaux kilomètres de chemins de fer, il ferait bien de construire la ligne de Virton à la ligne de Maeseyck.

M. Bouvierµ. - Cela est bien !

M. Dumortier. - Pour satisfaire au caprice de quelques personnes à Tournai, on voudrait que le gouvernement se lançât dans une dépense de deux ou trois millions pour construire à nouveau 15 kilomètres de chemin de fer, et tout cela pour faire une station extérieure en remplacement de la station intérieure actuelle dont la situation est parfaite au point de vue des intérêts locaux.

Et savez-vous, messieurs, ce que c'est que cette station ? Elle aurait une étendue de 15 hectares. Je demande s'il est permis de faire une pareille station et d'enlever autant de terres à l'agriculture ? Puis, que sont ces immenses stations ? Ce sont des terrains vagues. Allez voir à Malines, où il faut traverser une distance énorme pour aller d'un convoi à l'autre ; allez voir à Braine-le-Comte oh l'herbe croît au milieu de la station.

Mais, messieurs, votre station de 15 hectares que l'on veut faire hors de Tournai offrirait le plus grave inconvénient ; elle viendrait boucher deux des principales portes de la ville, la porte du Château, celle de Morel. Je vous demande si un tel projet n'est pas fatal aux intérêts de la cité ! Nulle part cela ne s'est vu.

Ensuite j'ai toujours cru que lorsqu'une ville abattait ses murs et s'agrandissait, elle devait tâcher de percer ses rues de prolongement en ligne droite. Ainsi à Bruxelles, quand on a percé les rues au dehors de la porte de Schaerbeek on les a percées en ligne droite ; eh bien, à Tournai non seulement on ne perce pas les rues en ligne droite, mais les rues droites qui existent aujourd'hui seront coupées et les rues extérieures se feront, en zigzag, par crochet, et tout cela pour avoir une station dans l'intérêt des ingénieurs.

M. Bara. - Il paraît qu'il y avait 15 ingénieurs au conseil communal de Tournai ; c'est probablement un conseil d'ingénieurs.

M. Dumortier. - L'honorable membre parle du conseil communal. J'aurais préféré m'abstenir d'en parler, mais puisqu'il m'y force, je ferai connaître la vérité.

Le discours qu'il a prononcé tout à l'heure en demandant au gouvernement de prendre une résolution au sujet de la station, prouve que le conseil communal a été induit en erreur. Qu'est-ce que l'honorable M. Bara demande ? Que le ministre prenne l'engagement de déplacer la station. Eh bien, voici la résolution du conseil communal :

« Considérant qu'il résulte de la communication faite par M. l'échevin chargé des travaux publics que l'Etat est décidé à changer l’emplacement de la station actuelle, etc. »

Ainsi on vient dire au conseil communal que l'Etat est décidé à déplacer la station, et le conseil communal, se trouvant en présence d'une résolution du gouvernement, décide ce qu'il ne peut pas empêcher. Mais l'honorable M. Bara, par l'interpellation qu'il a faite tout à l'heure, a prouvé que l'Etat n'est pas encore décidé. Et à mon avis l'Etat a parfaitement raison.

Par conséquent, le conseil communal a été induit en erreur lorsqu'on est venu lui dire que l'Etat était décidé à. éplaccr la station. Que signifie son vote en présence d'une telle erreur ?

Que s'est-il passé lorsqu'il a été question de déplacer la station actuelle ? Il y a eu un tollé général dans toute la population.

M. Crombez. - C'est parfaitement inexact.

M. Dumortier. - J'habite Tournai et sais ce qui s'y passe. Tel a été le mécontentement public qu'il y a eu une pétition signée par plusieurs centaines d'habitants contre ce projet. Et cela se comprend fort bien.

La station actuelle de Tournai présente cet avantage qu'il n'est point de ville en Belgique où l'entrée en ville soit plus magnifique que là.

Par le fait du placement de la station, les rues qui conduisent depuis la station jusqu'à la place de la cathédrale ont pris un développement industriel inouï.

M. Allard. - Allons donc !

M. Dumortier. - Les maisons qui étaient occupées autrefois par de petits rentiers sont devenues des maisons de commerce et ces quartiers sont devenus des quartiers les plus industriels de la station, tout cela parce que le passage au sortir de la station se fait par le pont de fer.

Vous allez enlever le passage à ce pont et le transporter au pont de Notre-Dame et vous voulez que les industriels qui sont spoliés dans leurs moyens d'existence soient satisfaits ! Mais vous êtes dans la plus grande erreur, tous les habitants se sont élevés contre le déplacement de la station.

Sans doute il y a quelque chose à faire à la station de Tournai. Je ne le méconnais pas. Il faut l'élargir, il faut faire des voies séparées pour les marchandises afin de séparer les trains de marchandises des trains de voyageurs. Il faut créer une station pour les marchandises près de celle des voyageurs, mais il ne faut pas dépenser 3 millions et changer 15 kilomètres de route et tout cela pour priver la ville de Tournai d'une station intérieure alors que tous les habitants des autres villes demandent des stations intérieures et que vous êtes appelés à voter 14 millions pour les en doter.

Je vous ai dit que la station projetée boucherait deux portes de la ville. Mais si vous placez la station là où on veut la mettre, vous allez avoir des passages à niveau aux portes de la ville. Cela est-il admissible, alors que l'on a déplacé la station du Nord à Bruxelles pour éviter les passages à niveau ?

Je sais bien qu'on me répondra que l'on évitera ces passages à niveau en passant au-dessus des convois. Mais alors vous aurez au centre de la ville des montagnes russes et des zigzags dans les rues.

La station actuelle a cet avantage qu'elle est en rapport avec les quartiers les plus populeux de la ville. Celle que l'on veut créer serait en rapport avec des quartiers complètement inhabités,

Là se trouvent les casernes d'artillerie et d'infanterie et l'école d'agriculture et de grands terrains vagues, et l'on viendra priver la partie habitée, florissante et riche de la ville d'une station pour la donner à la partie inhabitée ? Cela est-il raisonnable ? est-ce là l'intérêt de la ville ?

Si je parlais au point de vue de la politique, messieurs, je ne demanderais pas mieux que de voir faire cette station, car la réaction serait prompte et grande.

M. Allard.µ. - Tant mieux pour vous.

M. Dumortier. - Mais ce qui me domine, c'est l'intérêt de la ville de Tournai. On prétend qu'en construisant la station dans l'emplacement que l'on indique, on amènera un développement de la ville de ce côté. C'est une complète illusion.

Il est connu par tout le monde à Tournai que celui qui y bâtit ne peut retirer que 3 p. c. de son argent et personne ne fera une spéculation pareille. On ne bâtira donc pas dans de telles conditions ; c'est se faire illusion que de croire le contraire et pendant plus d'un siècle, la ville sera couverte de ruines, si le déplacement a lieu.

Ce n'est pas tout. Il est un point que l'honorable membre n'a pas examiné et qui est extrêmement sérieux. Nous avons accordé la concession du chemin de fer direct d'Anvers à Tournai et de Tournai à Douai. Ce chemin de fer devra évidemment entrer dans la station. Eh bien, l'honorable membre ignore, j'en suis convaincu, car s'il ne l'ignorait pas il ne demanderait pas le déplacement de la station, que ce chemin de fer arriverait en plein flanc contre la station que l'on demande et qu'il ne pourrait y entrer de sorte qu'il faudrait, en courbant la ligne, y entrée et en sortir par le même côté et que ce serait une station de rebroussement, et cela sans profit pour la ville.

M. Bara. - C'est une erreur.

M. Dumortier. - C'est l’exacte vérité. J'ai vu les plans, et au (page 1088) point de vue du chemin de fer d'Anvers à Tournai, si la station de Tournai n'était pas où elle est, il faudrait l'y placer.

Ce n'est pas tout. Il est évident que pour une ville comme Tournai, le plus grand intérêt est celui de l'industrie. C'est une ville manufacturière, et ce qu'il lui faut c'est un développement manufacturier. Or, la station que vous demandez viendrait précisément occuper les seuls terrains sur lesquels l'agrandissement de la ville peut s'opérer. L'établissement de cette nouvelle station serait donc tout ce qu'il y aurait de plus préjudiciable aux intérêts manufacturiers de Tournai.

Tournai est divisé par l'Escaut en deux parties. Sur la rive gauche il y a des collines aussi élevées que celles de Bruxelles. Or, sur les hauteurs, il est impossible de créer des établissements industriels. Sur la rive gauche, au contraire, s'étendent des plaines qui se prêtent admirablement à la création de ces établissements industriels. Si donc M. le ministre consent à faire la canalisation de la petite rivière, il est certain que tous les terrains adjacents vont se couvrir de manufactures et qu'il y aura un développement industriel immense. Or, ce sont précisément ces terrains qu'on prendrait pour faire la station et arrêter ainsi le développement de la ville.

Ce qu'il faut faire de Tournai, messieurs, ce n'est pas un Paris ni un Bruxelles ; c'est un Gand, un Liège, un Lille, un Verviers, un Roubaix, une ville manufacturière enfin.

Sous ce rapport, les travaux que le gouvernement peut faire pour la petite rivière seraient de la plus grande utilité pour la ville ; mais à la condition qu'on ne déplace pas la station, car à quoi servirait de placer la station contre la petite rivière et de canaliser la petite rivière ? Si vous prenez les terrains où l'industrie manufacturière peut établir des fabriques, c'est une dépense complètement inutile.

En résumé, au point de vue de l'avenir de Tournai, il importe au plus haut degré que la station ne soit pas établie sur les seuls terrains où la ville pourrait voir s'établir de nouvelles manufactures, car sans cela son industrie resterait stationnaire et les hautes destinées qui l'attendent feraient à jamais perdues.

J'espère donc que M. le ministre des travaux publics, conformément à la note qu'il a remise à la section centrale, se bornera à agrandir et à approprier la station, mais, alors qu'il va doter les villes de Liège, Anvers, Bruxelles, Gand et Ostende de stations intérieures, qu'il ne détruise pas la station intérieure de Tournai, ni ne prive cette ville des avantages qu'il accorde aux autres et dont elle est en possession.

MpVµ. - Il est parvenu au bureau un amendement à l'article 4 nouveau, proposé par la section centrale. Il est ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à concéder la construction d'un chemin de fer direct reliant les lignes du Nord et du Midi à travers Bruxelles.

« (Signé) MM. Orts, Hymans, de Rongé, Jamar, Funck, Couvreur, Sabatier, de Naeyer, De Fré, Dewandre, Jacquemyns, Van Humbeeck, Lelièvre, Vilain XIIII, Dumortier, Ansiau, Guillery, Warocqué, T'Serstevens, Devroede, Vleminckx, Nélis, Thienpont, Mascart, Van Iseghem, Valckenaere, Grosfils, Bouvier, de Bast, Lippens, Lange, David, Goblet.

(page 1093) M. Bara (pour une motion d’ordre). - Comme la question que vient de soulever M. Dumortier est très spéciale et que l'honorable ministre des travaux publics, je l'espère du moins, répondra à la réclamation que je lui ai faite, je demanderai à la Chambre de pouvoir présenter quelques observations comme continuation de mon discours afin de vider l'incident.

MpVµ. - Vous avez la parole, M. Bara.

M. Bara. - Je m'étonne vivement de l'attitude que prend M. Dumortier dans le débat. Il fait la guerre à Tournai et franchement il devrait bien nous en donner les motifs.

M. Dumortier. - Je n'en ai qu'un, l'intérêt de la ville.

M. Bara. - Si vous n'avez que ce motif...

M. Coomans. - Et l'intérêt du trésor, c'est le mien celui-là.

M. Bara. - Si M. Dumortier n'avait parlé que de la préférence qu'il voulait donner à un plan plutôt qu'à un autre, j'aurais compris ; mais quand il y a doute sur les avantages à retirer de l'un plutôt que de l'autre et que le conseil communal de Tournai vient proclamer que l'un d'eux est le meilleur, je trouve étrange qu'un citoyen de Tournai vienne faire appel aux députés des autres arrondissements pour faire rejeter les subsides qui sont réclamés en sa faveur. On invoque l'intérêt du trésor. Soit, mais je dis que c'est bien mal servir les intérêts de Tournai que d'ameuter contre eux tous les députés étrangers à cette ville et qui sont naturellement portés à défendre le trésor. L'honorable M. Dumortier préfère un plan : c'est son droit, qu'il attaque le projet admis par le conseil communal ; mais pourquoi veut-il combattre ce plan avec un argument inutile et qui ne peut être employé par un Tournaisien : l'intérêt du trésor ? Pourquoi M. Dumortier vient-il s'opposer à ce qu'on fasse dans sa ville natale des dépenses considérables ? Pourquoi lui, qui veut le développement de l'industrie, vient-il faire obstacle à ce qu'on établisse la station à un endroit où elle appellera précisément l'industrie dont M. Dumortier désire le progrès ? Je dis que M. Dumortier fait ici de la politique.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Bara. - Je dis que M. Dumortier fait ici de la politique, tout en ayant l'air de ne pas en faire. Il sait qu'à Tournai la question de l'emplacement de la station a été travestie en question politique par un parti qui n'est pas le mien. (Interruption de M. Dumortier.)

Vous avez fait l'élection communale sur l'emplacement de la station. (Interruption.) Oui, messieurs, on en est réduit, heureusement, dans notre arrondissement à laisser là le libéral pour faire un appel aux intérêts locaux, aux intérêts de tels et tels commerçants, de tels ou tels quartiers. On a répandu alors dans certaines parties de la ville des circulaires dans lesquelles on criait : « Prenez garde, la station va être déplacée, c'est votre ruine. ! » Et ici encore l'honorable M. Dumortier recourt à ce système, il vient vous dire : Les négociants qui sont établis dans les rues se dirigeant vers la station actuelle vont être ruinés. Pourquoi nous dit-on toutes ces choses ? Pour faire des mécontents, pour faire une pêche en eau trouble qui peut être utile au parti de l'honorable membre.

M. Dumortier. - Il faut que votre thèse soit bien mauvaise pour que vous ayez besoin de la défendre ainsi.

M. Coomans. - On n'est pas aussi bête que cela à Tournai.

M. Bara. - L'échec du parti de l'honorable M. Dumortier le prouve. Je reproche à M. Dumortier de s'être mis en opposition avec la population tournaisienne, avec le conseil communal de Tournai et d'avoir livré des arguments contre les intérêts de sa ville natale, de la ville qu'il a eu l'honneur de représenter.

Cela dit, voyons si ses arguments sont sérieux. M. Dumortier nous dit : Comment osez-vous demander le déplacement de la station ? Mais vous allez contre le désir manifesté dans les grandes villes, Liège, Gand, Bruxelles ; on y dépense des 5 millions pour avoir une station centrale, et vous, vous demandez une station en dehors de Tournai. Mais c'est là une erreur complète et je crois que M. Dumortier a vu le plan de la station de Tournai absolument comme il a vu le plan du redressement de la Montagne de la cour de M. Beyaert. Nous n'avons pas à Tournai de station centrale.

M. Dumortier. - Je déposerai demain le plan sur le bureau.

M Baraµ. - Vous allez en convenir vous-même.

M. Dumortier. - Je ne connaîtrais pas Tournai que j'habite depuis 69 ans !

M. Bara. - Tournai forme un cercle, un rond ; la station se trouve à un des points de la circonférence de ce rond, et M. Dumortier appelle cela une station centrale !

M. Dumortier. - J'ai dit une station intérieure.

M. Bara. - M. Dumortier ne dit plus « centrale », il dit « intérieure » maintenant.

Il reconnaît que ce n'est pas la même chose. (Interruption.) Savez-vous pourquoi la station est intérieure ? Parce qu'elle avance de quelques mètres dans la ville, mais en réalité elle est à l'extrémité de la ville (interruption), elle est à l'extrémité pour les habitants de la moitié de la ville.

Le point que propose l'administration communale pour l'établissement de la station est un autre point de la circonférence, mais il est mieux placé pour les besoins de la population.

M. Dumortier. - Il est en dehors des murs.

M. Vilain XIIII. - Tout cela ne regarde pas la Chambre.

M. Bara. - Je suis de l'avis de M. Vilain XIIII, mais je suis obligé de répondre à M. Dumortier. Si M. Vilain XIIII qui se trouve si rapproché de lui, l'avait arrêté tout à l'heure, il aurait épargné ce débat à la Chambre.

M. Dumortier dit que la station doit être centrale, mais on lui démontre que la station acceptée par l'administration communale est plus à proximité de la généralité des habitants que la station actuelle.

M. Dumortier. - En dehors des murs, c'est central.

M. Bara. - Je vous ai démontré que la station actuelle est aussi à la circonférence de la ville. Et on vous a démontré au conseil communal de Tournai que l'emplacement nouveau de la station est le point le pins rapproché des quartiers de Saint-Brice, de Saint-Piat et de Saint-Martin.

Mais l'honorable M. Dumortier habite à proximité de la station actuelle et je comprends le déplaisir que lui cause la perspective d'avoir un jour à parcourir un certain trajet pour se rendre à la station nouvelle. (Interruption.)

M. Dumortier. - Ne parlons que de l'avenir de la ville, s'il vous plaît.

M. Bara. - Il me semble que c'est précisément ce que je fais.

M. Dumortier. - J'habite à proximité de la Grand-place ; vous prouvez donc vous-même que la station actuelle est centrale. (Interruption.)

M. Bara. - Laissons cela. Il est évident, messieurs, que l'emplacement nouveau adopté par le conseil communal de Tournai est le plus favorable et le plus à portée des habitants. J'appelle vivement sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics. Le conseil communal de Tournai a examiné la question sous toutes ses faces et c'est bien à tort que l'honorable M. Dumortier a prétendu que sa décision eût été tout autre s'il avait cru que le gouvernement ne fût pas résolu à déplacer la station.

Cette assertion est complètement erronée : le rapport présenté au conseil communal sur cette question discute toutes les hypothèses : maintien de la station où elle est actuellement ; déplacement vers la porte du Château, etc., toutes ces questions ont été longuement débattues et il n'est pas permis de prétendre que la résolution votée serait le résultat d'une surprise. Et qu'a fait le conseil communal, qui avait reçu un plan de M. le ministre des travaux publics ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je n'ai pas envoyé de plan.

M. Bara. - Pardon, le 8 juillet 1864, un plan a été envoyé par votre département à l'administration communale de Tournai, avec une lettre d'accompagnement dans laquelle vous disiez, je pense, que vous étiez disposé à déplacer la station.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - C'était un avant-projet.

M. Bara. - Soit, un avant-projet est un plan, et c'est sur cet avant-projet comportant le déplacement de la station, que le conseil communal a délibéré et que par 15 voix contre 3 et une abstention, il a décidé le déplacement de la station.

Le parti clérical a fait, malgré le parti libéral, une élection communale sur cette question ; l'administration communale a triomphé de l'opposition faite au déplacement de la station par l'opinion de l'honorable M. Dumortier, et maintenant on viendra nous dire que les habitants de (page 1094) Tournai sont hostiles au déplacement de h station ! Franchement cela n'est pas sérieux.

Quant à moi, messieurs, j'appelle vivement l'attention de M. le ministre sur les observations que je viens de présenter. L'emplacement nouveau que Tournai demande se lie à tous les intérêts de la ville. Nous avons besoin, pour l'industrie et pour les habitations, d'un nouveau quartier, la prospérité de Tournai l'exige, le plan accepté par le conseil communal peut seul nous doter de ce nouveau quartier.

Si cet intérêt est contrarié, si la solution de cette grave question est entravée, nous le devrons à l'honorable M. Dumortier, qui aura si mal compris les besoins de sa ville natale, d'une ville qu'il a si longtemps représentée et dont il méconnaît si complètement aujourd'hui les intérêts les plus chers.

(page 1088) M. Dumortier. - J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait qu'une cause fût bien mauvaise pour qu'on appelât la politique à son aide à propos d'une question de station de chemin de fer. Pour tout homme impartial, une telle cause, défendue de la sorte, est une cause jugée.

L'honorable membre m'accuse de deux choses.

Il m'accuse d'avoir fourni des arguments contre le conseil communal de Tournai et d'avoir négligé les intérêts de ma ville natale.

D'abord je dirai qu'il m'importe excessivement peu d'être accusé d'employer des arguments contre un conseil communal, fût-ce celui de ma ville natale, quand dans ma conviction de député, je crois que ce conseil fait une chose nuisible, mauvaise, détestable au point de vue des intérêts généraux de la localité.

Ce n'est certes pas la première fois qu'un conseil communal se trompe, et cela est d'autant plus naturel dans le cas actuel que le conseil communal de Tournai a été induit en erreur par la déclaration que le gouvernement voulait le déplacement de la station. Voici, en effet, ce que je lis dans les délibérations :

« Le conseil,

« Considérant qu'il résulte des communications faites par l'échevin chargé des travaux publics que l'Etat est décidé à changer l'emplacement de la station actuelle, »

Ainsi toute la résolution repose sur un considérant inexact, pour ne pas me servir d'une autre expression, et quand, en présence d'une telle déclaration, reproduite dans le compte rendu (et notez que je parle d'après un journal libéral, l'Economiste) vous voyez un conseil communal prendre une résolution qui y est conforme, on ne sera pas autorisé à dire qu'elle repose sur une erreur ! Mais, messieurs, je suis très modéré en n'employant pas une autre expression que je vous laisse le soin de trouver. Ne venez donc pas m'opposer une décision prise dans de telles conditions ! Ne venez pas dire surtout que je méconnais les intérêts de ma ville natale, d'une ville que j'habite depuis 69 ans, dont j'ai été représentant pendant 18 ans (car c'est par suite d'une option que je suis devenu représentant de Roulers) et que je connais, Dieu merci, aussi bien que ceux qui se considèrent comme les seuls défenseurs de ses intérêts.

Je me place à un point de vue supérieur ; ces petites questions ne me touchent pas ; l'intérêt de l'avenir de Tournai est mon seul mobile ; je dis que l'intérêt de Tournai est de se développer non pas comme la capitale, c'est-à-dire en boulevards, en promenades, mais comme Verviers, comme Gand, comme Liège, comme Lille et comme Roubaix, dans l'intérêt de sa prospérité industrielle. Je dis que le véritable intérêt de Tournai, c'est de tirer parti de cette magnifique canalisation de la petite rivière, afin de permettre l'établissement de fabriques qui ajouteraient encore à la prospérité de la ville.

Il est à ma connaissance que plusieurs fabricants anglais, français et autres songent à s'établir à Tournai, précisément à l'endroit où l'on voudrait ériger la nouvelle station. Eh bien, moi Tournaisien, j'aime mieux voir s'élever là des fabriques, des usines qui augmentent la richesse et la prospérité de la ville par le développement de son industrie, que d'y voir établir une station qui est beaucoup plus convenablement placée au bord de l'Escaut où elle est aujourd'hui.

Maintenant, l'honorable membre joue sur les mots ; il nous dit : Nous n'avons pas de station centrale à Tournai. Mais, messieurs, je n'ai pas parlé d'une station centrale ; j'ai parlé d'une station intérieure. Il n'y a pas de ville en Belgique qui ait une station centrale ! il n'y en a ni à Gand, ni à Anvers, ni à Liège, mais des stations intérieures. Eh bien, il en est de même à Tournai ; nous y possédons une station intérieure et tellement bien située que, de tous les points centraux de la ville, on peut y arriver en cinq minutes. L'intérêt évident des populations est de conserver cet avantage et de ne pas devoir courir hors ville au milieu des champs pour y trouver la station.

Mais, nous dit M. Bara, la station est éloignée de tel et tel quartier. Oui, messieurs, elle est assez loin de l'Esplanade, par exemple ; mais qu'y a-t-il à l'Esplanade ? Des canons, et je ne pense pas que ces engins se servent beaucoup du chemin de fer.

La différence qu'il y a entre la station actuelle et la station projetée, c'est que la première est à proximité du quartier le plus populeux de la ville, tandis que la seconde serait considérablement éloignée de la ville, de manière que les habitants actuels devraient faire un trajet énorme pour se rendre à la station. Que l'on agrandisse la station actuelle, que le gouvernement exproprie, s'il le faut, les terrains nécessaires pour l'agrandir, c'est tout ce qu'il faut, et de cette manière du moins Tournai restera doté d'une station intérieure.

Le gouvernement sera conséquent avec lui-même en ne déplaçant pas la station de Tournai. Comment ! nous irions enlever à Tournai sa station intérieure pour la placer à l'extérieur, alors que nous allons, par le projet de loi, voter des stations intérieures à Anvers, à Bruxelles, à Ostende, et dans d'autres villes encore ; mais ce n'est pas possible ! Il faut que Tournai conserve sa station actuelle qui est rapprochée du centre de la ville.

Au reste, j'aurai le plaisir de déposer sur le bureau le plan de la ville de Tournai, ainsi que celui de la nouvelle station qu'on veut faire. Chacun de vous pourra apprécier.

M. Goblet. - Messieurs, je ne suivrai pas l'honorable préopinant dans tout son argumentation : je suis Tournaisien, et je serai toujours disposé à défendre les intérêts de cette ville, quand je les verrai attaqués. L'honorable M. Dumortier ne veut pas de l'agrandissement de Tournai... (Interruption.)

Permettez ; on a établi la station dans un espace qui peut avoir 70 mètres de large. En outre, on a pris sur le quai 20 mètres pour en faire un chemin pavé, contigu aux maisons.

C'est une station à repoussements. Vous devez faire le tour de la ville pour y entrer.

Quand vous arrivez de Bruxelles, vous voyez tous les clochers et toutes portes de Tournai, avant d'arriver au Pont-des-Trous, où sont placées les écluses de sortie de l'eau qui arrose Tournai, et vous entrez là dans un boyau où il n'y a pas moyen de retourner une locomotive ; (page 1089) vous arrivez ensuite au pont qu'il faut passer, au delà de la rue du Château, et là vous êtes encore à l’extrémité de la ville. (Interruption.)

C'est ainsi ; vous n'avez qu’à voir le plan, et vous remarquerez que vous laissez de côté toute la ville.

Maintenant l'administration communale de Tournai parvient à trouver des ressources, elle veut faire de vos affreux remparts une belle promenade ; on vous donnera une station quarante fois plus grande que celle que vous avez actuellement, vous avez besoin d'entrepôts, de magasins, d'ateliers de construction de machines et de waggons, vous avez besoin d'espace ; vous avez besoin de toute espèce de choses et vous refuseriez la nouvelle station.

Mais c'est vouloir que la ville de Tournai demeure ce qu'elle est depuis 30 ans ; c'est vouloir qu'elle ne fasse pas de progrès ; c'est vouloir que cette ville de 50,000 habitants reste dans la situation où la somnolence imposée par M. Dumortier a duré, comme elle voudrait encore y condamner le conseil communal qui ferme l'oreille à nos paisibles avis.

M. Schollaert. - Messieurs, l'honorable M. Nélis a essayé, dans un discours d'ailleurs très sérieux et très remarquable, de prouver l'infériorité des voies navigables.

Je n'essayerai pas de réfuter ce discours. Il est irréfutable lorsqu'on se place au point de vue de l'honorable membre.

Mais je demanderai à la Chambre si le point de vue de M. Nélis est bien celui où il convient de se placer pour apprécier à leur juste valeur l'utilité et j'ajouterai presque le produit réel de nos canaux ?

M. Nélis fait le compte de chaque canal ; il sait ce que chaque voie navigable a coûté en principal, intérêts et frais ; il déduit de ces dépenses le rapport net de la voie navigable, et comme dans la plupart des cas, les dépenses présentent sur les recettes un excédant très considérable, il en conclut que la construction d'une voie navigable est en soi-même une mauvaise affaire : donc l'Etat doit s'abstenir.

L'honorable M. Nélis a même ajouté que quand l'emploi des chemins de fer sera devenu pins général, les voies navigables ne tarderont pas à devenir complètement inutiles.

Sans doute, si l'Etat était un entrepreneur ordinaire, uniquement préoccupé de sa caisse, et ne vivant que des bénéfices d'argent, l'honorable membre aurait raison ; et sa thèse basée sur des chiffres irrécusables ne saurait être renversée.

Mais l'utilité, l'importance d'un service public ne sauraient être déterminés, suivant moi, par le profit direct qu'en retire le trésor.

Cette importance se déduit bien plus tôt et bien plus naturellement des avantages de toute nature que le service procure à la société.

En voici un exemple qui touche de près la question des voies navigables.

Je veux parler des routes.

Les routes appréciées au seul point de vue du produit qu'en retirent l'Etat, les provinces ou les communes, ne présentent guère un résultat plus avantageux que les rivières et les canaux.

Qui oserait contester pourtant que la voirie est la première condition et l'un des éléments les plus énergiques de notre prospérité nationale ?

Un homme d'un grand talent et de beaucoup d'esprit, me disait naguère encore : « Depuis que j'ai pu apprécier l'efficacité des voies de communication sur le développement de la fortune publique, je comprends la fable de Deucalion : Il suffit vraiment de jeter des pavés derrière soi pour créer des populations nouvelles.

Le mot est pittoresque, mais frappant de vérité.

Les deux Campines en sont des preuves vivantes. Les routes que le gouvernement y a créées avec le concours de la province et des communes, sont d'un rapport insignifiant ; mais ce sont ces routes qui, seules, ont en moins de vingt ans doublé, triplé et parfois quadruplé, non seulement la valeur du sol, mais celle de tous les produits de ces contrées.

S'il en est ainsi des routes, il en est absolument de même des canaux. Aussi, si l'honorable M. Nélis avait pris l'intérêt général pour base de ses appréciations, il serait arrivé à une conclusion toute différente pour les voies navigables. Sans doute, les canaux donnent en apparence un déficit d'après les calculs qui nous ont été présentés ; mais d'un autre côté, ils procurent des avantages indirects ; le produit direct des péages ne présente plus qu'un intérêt tout à fait accessoire et secondaire. Ce qui donne la véritable mesure de la valeur d'une voie de communication, ce sont évidemment les services que cette voie peut rendre aux personnes et aux choses.

Une voie sera importante et utile d'après qu'elle aura rendu, soit aux particuliers, soit aux communes, soit à l'industrie, plus de services accumulés.

Ceci est tout à fait incontestable.

Eh bien, à ce point de vue, il est évident que les canaux ont rendu de très grands services, des services qu'au point de vue des transports des choses on peut évidemment élever même au-dessus de ceux des chemins de fer.

Je n'en veux pas d'autre preuve que les chiffres qui ont été cités à ce sujet par l'honorable rapporteur de la section centrale, qui, répondant à l'honorable M. Nélis, a pu affirmer qu'en 1864, les chemins de fer, dont le réseau est d'ailleurs très respectable en Belgique, n'ont transporté qu'environ 10 millions de tonneaux, tandis que les voies navigables en avaient transporté 17 millions.

Est-il bien certain d'ailleurs, comme l'honorable M. Nélis a paru l'annoncer, que les canaux aussi bien que les routes pavées sont destinés, par une loi du progrès, à s'effacer avant peu devant l'invasion générale et triomphante des chemins de fer ?

J'avoue, messieurs, que je suis loin de partager, sous ce rapport, la conviction de mon honorable collègue.

Sans doute le railway présente, comme moyen de transport, de grands avantages. Il a surtout une vitesse qui lui assure dès aujourd'hui le monopole pour les voyageurs et les petits paquets, et même pour les grosses marchandises qui présentent une certaine valeur, sans excéder la moyenne en poids et en volume.

Mais cette rapidité de locomotion n'est pas dans tous les cas également précieuse.

Ce n'est même qu'exceptionnellement qu'elle présente des avantages sérieux, lorsqu'il s'agit de transporter des marchandises pondéreuses d'un grand volume,

Ceci encore une fois saute aux yeux, est d'une vérité manifeste.

On peut donc, à cet égard encore, formuler un principe et dire que toutes les fois qu'une grande célérité n'est point requise, un transport plus lent mais moins coûteux que celui du chemin de fer est manifestement préférable pour l'industrie et pour le commerce.

Or, c'est ce qui fait et ce qui continue de faire la fortune des canaux.

Et pour moi, messieurs, je ne crois pas plus à la dépossession des voies navigables par les chemins de fer que je ne crois à celle des chevaux de trait par leurs congénères plus rapides ou que je crois à la suppression de nos charrettes d'exploitation lourdes, mais éminemment utiles, par les véhicules plus légers, par exemple par les camions qui sillonnent la capitale.

Au point de vue du bon marché, il est évident d'autre part que, quoi qu'on fasse, la concurrence sera toujours impossible entre les chemins de fer et les voies navigables.

Il est impossible en effet d'établir une comparaison, au point de vue des frais, entre le matériel, le personnel et les substances fongibles qu'il faut à un chemin de fer et les dépenses qui sont requises pour un service de cabotage sur une rivière ou sur un canal.

Les voies navigables ont un autre avantage, très digne de considération.

Elles établissent une concurrence utile envers les chemins de fer, concurrence qui cesserait d'exister si l'emploi de ceux-ci devenait exclusif et général. A cet égard, je partage complètement l'opinion très sérieuse qui a été exprimée par l'honorable M. Sabatier et par l'honorable M. Hymans.

Messieurs, si j'insiste sur l'utilité des voies navigables, ce n'est pas, croyez-le bien, pour amuser la Chambre de vaines théories, mais parce que je crois qu'il est de mon devoir d'insister, après mes honorables collègues de Louvain, sur l'importance capitale que présentait l'amendement proposé par la cinquième section et qui avait pour objet la jonction du Démer au canal de la Campine et au canal de Louvain.

Cette demande date de plus de quarante ans.

Il y a, parmi les pièces déposées au bureau, une pétition émanée du conseil communal de Louvain, pétition très bien faite et oh les rétroactes de cette question sont parfaitement résumés.

J'appelle sur cette pièce la bienveillante attention de l'honorable ministre des travaux publics.

Résumant et abrégeant, à mon tour, je veux non seulement rappeler à la Chambre que déjà, en 1851, le conseil communal de la ville de Diest s'était adressé au parlement pour obtenir la jonction du Démer et du canal de la Campine.

A cette époque, un projet de travaux publics était, comme aujourd'hui, soumis aux discussions de la Chambre.

Le ministre de l'époque, l'honorable M. Van Hoorebeke, ne voulut pas s'engager à modifier son projet, mais il fit la promesse formelle que ce canal serait construit dans un avenir rapproché.

L'année suivante, le conseil communal de Diest fit de nouvelles instances auprès du ministre qui, fidèle à sa promesse, s'empressa de (page 1090) soumettre l'affaire à l'avis de M. l'ingénieur Magis et de le consulter sur les pétitions qu'on ne cessait de lui adresser.

Cet avis, accompagné d'un plan détaillé, doit se trouver au département des travaux publics. Il était entièrement favorable à la ville de Diest.

Je puis ajouter, pour l'avoir puisé dans le mémoire du conseil communal de Louvain, que des hommes dont la compétence ne peut être niée, MM. Taymans, Carré, Vifquain, et d'autres encore, avaient abondé dans le sens de M. l'ingénieur du Limbourg.

Le projet de raccordement n'eut pas pourtant plus de chances pour cela.

En 1856, il ne fut pas même compris dans un nouveau projet de travaux publics.

Mais cet oubli ne découragea personne.

En 1856 et 1858, ce fut la commission provinciale d'agriculture du Brabant qui s'émut et qui réclama vivement.

En 1859, les conseils provinciaux du Brabant et du Limbourg, se joignant aux villes de Louvain, de Diest et d'Aerschot, élargirent la première demande et sollicitèrent auprès de la Chambre pour qu'elle voulût prendre une mesure par laquelle le canal de Louvain serait relié à celui de la Campine par la vallée du Démer.

A cet égard, j'ai à faire une seule observation. La coupure de Werchter au Démer est extrêmement peu importante. Il s'agirait peut-être d'une dépense de 250,000 à 300,000 francs pour l'effectuer.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - D'après les renseignements que j'ai pris, cela ne pourrait pas excéder 300,000 francs.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Vos renseignements ne sont pas exacts.

M. Schollaert. - C'est possible. Mais je suppose que ce soit 400,000 francs.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - 500,000 francs.

M. Schollaert. - Cela n'est pas conforme à ce qu'on m'a affirmé. Toutefois comme je n'ai pu faire par moi-même une appréciation de cette affaire, je ne veux pas dire que vous vous trompez. Mais je répète que d'après les renseignements qui m'ont été donnés par mes commettants, la dépense n'excéderait pas 300,000 francs.

Quoi qu'il en soit, je suppose que l'évaluation de l'honorable ministre des travaux publics soit exacte, je dis qu'alors encore, relativement à l'intérêt que l'affaire présente, la dépense serait minime et pourrait être faite par le gouvernement sans gêne aucune pour les ressources de l'Etat.

Il serait d'autant plus naturel que, depuis 1859, si je ne me trompe, le Démer a été rectifié depuis Aerschot jusqu'à Werchter, endroit où s'établirait la coupure.

J'ai été extrêmement surpris, messieurs, d'entendre l'honorable ministre des travaux publics qualifier d'irrationnelle la demande qui lui est adressée. En présence de toutes les autorités et de tous les corps constitués qui ont appuyé et qui appuient cette demande parmi lesquels je puis citer les conseils communaux de trois localités importantes, les villes de Diest, d'Aerschot et de Louvain, auxquelles sont venus se joindre en 1860, je pense, le conseil provincial du Brabant et le conseil provincial du Limbourg, cette appréciation, je le répète, m'étonne beaucoup.

D'après l'honorable ministre, cette demande pouvait être raisonnablement soutenue il y a 15 ans, avant l'établissement du chemin de fer de Diest à Aerschot, alors que Diest se trouvait en quelque sorte séquestré et que son industrie dépérissait dans l'isolement et dans l'abandon.

Mais cette demande n'est plus raisonnable, selon l'honorable ministre, aujourd'hui que Diest est devenu le centre de trois chemins de fer et qu'il est sur le point de devenir le centre d'une quatrième ligne. J'aurais compris cette réponse de la part de l'honorable M. Nélis qui croit que les voies navigables seront avant peu remplacées par des chemins de fer. Mais je ne le comprends pas dans la bouche de l'honorable ministre des travaux publies qui, pas plus tard qu'hier, soutenait, et soutenait selon moi avec une haute raison, un système diamétralement opposé.

« Pour les transports pondéreux, disait M. le ministre, la navigation continue à faire au chemin de fer une concurrence victorieuse.

« Le chemin de fer n'a qu'une part dans l'accroissement des transports généraux.

« Voilà la vérité.

« Si le chemin de fer avait à se substituer à la navigation avec ses moyens actuels d’exploitation, il ne pourrait pas effectuer le quart des transports.

« Je disais tout à l'heure que les chemins de fer n'ont pas dit leur dernier mot. J'en dis autant des canaux. La navigation non plus n'a pas dit son dernier mot ; elle a encore de grands progrès à faire. Elle les fera sous le stimulant de la concurrence comme les chemins de fer.

Je le répète, messieurs, après une pareille déclaration je ne conçois pas l'opposition décidée que fait M. le ministre à un projet qui ne tend qu'à faire compléter un réseau de chemins de fer par l'achèvement d'une voie navigable.

L'honorable ministre répondra peut-être que ses observations ne s'appliquent qu'aux localités où il y a des marchandises pondéreuses à transporter.

Mais si M. le ministre pouvait connaître aussi près que moi des contrées que j'habite presque constamment, ou si ses renseignements étaient complets, il saurait que les plateaux que le canal de jonction serait appelé à desservir abondent en matières volumineuses et pondéreuses.

Ainsi sur le parcours qui s'étend entre le canal de Louvain et le Démer il y a des zones très boisées ; ces zones constituent peut être la partie la plus considérable de bois que possède le Brabant.

De l'autre côté en amont de Diest jusqu'à Bolderberg, le canal traverserait une partie de la Campine où croissent des sapinières extrêmement étendues et qui, grâce aux houillères et à la culture du houblon, ont acquis aujourd'hui une valeur très considérable.

Et ce n'est pas tout, messieurs ; depuis que la Belgique est lancée dans la voie industrielle qu'elle suit si glorieusement, le besoin de minerais se fait sentir de plus en plus.

Partout on cherche le minerai. Eh bien, je n'hésite pas à déclarer que sur le sol que le canal de jonction traverserait, et presque sur toute la longueur de son parcours, plusieurs milliers d'hectares contiennent un minerai très propre à l'industrie et qui a commencé depuis plusieurs années à être l'objet de spéculations sérieuses.

Il y a une autre remarque à faire, c'est que le canal de raccordement, abstraction faite des matières à transporter, ne ferait en aucune manière double emploi avec la ligne d'Anvers à Hasselt.

Il suffit de jeter un coup d'œil sur la carte pour voir que cette ligne dessert une toute autre partie du Limbourg que celle qui nous préoccupe ici et dont elle s'écarte immédiatement au sortir de la ville de Diest.

Je ne reviendrai pas sur tous les avantages que présente le raccordement demandé, pour le canton de Diest en particulier et qu'ont fait valoir nos honorables collègues de Louvain.

J'observerai seulement que le canal de jonction est le complément nécessaire et naturel d'un grand système de voies navigables dont l'artère principale est le canal qui relie la Meuse à l'Escaut.

Un coup d'œil jeté sur la carte de Belgique rend cette assertion évidente.

Aujourd'hui le Brabant et spécialement l'arrondissement de Louvain ne peuvent utiliser pour leurs produits pondéreux le canal de la Campine qu'au prix de grands détours et de sacrifices d'argent considérables.

Le canal de jonction formant suite à toutes les voies de communication qui aboutissent à Louvain ne mettrait pas seulement un terme à cet état de choses, mais ferait profiter plusieurs autres provinces de la grande voie navigable qui joint déjà comme je viens d'avoir l'honneur de le dire, la Meuse à l'Escaut.

Et veuillez bien le remarquer, messieurs, la construction de la voie navigable que nous réclamons n'est pas une de ces œuvres importantes qui affectent sérieusement les ressources de l'Etat ; ni ce qu'une province peut raisonnablement lui demander comme sa part légitime dans les fonds destinés aux travaux publics.

D'après l'avant-projet dressé par M. Magis, le canal de jonction aurait eu son origine au bassin de Bolderberg, sous Lummen (Limbourg).

La distance de ce point d'embranchement au Démer à sa sortie à l'aval de Diest, aurait été de 15,000 mètres ; le canal aurait eu 10 mètres de largeur au plafond ; 2 mètres 10 de profondeur.

Les écluses au nombre de 5 auraient eu 7 mètres de largeur ; les quatre premières 2 mètres 25 de chute et la cinquième 1 mètre 70. La dépense était évaluée à 2,300,000 fr.

Il serait d'autant plus équitable de ne pas refuser cette allocation à la ville de Diest, que le crédit de 2 millions voté par la loi du 2 juin 1861 en faveur du chemin de fer d'Aerschot est resté sans affectation, une compagnie ayant pris sur elle la construction de l'embranchement dont l'Etat avait voulu originairement se charger.

Quant à la coupure de Werchter, elle est d'une importance bien plus minime encore. Il suffirait, pour relier le Démer au canal de Louvain, d'une dépense maximum de 300,000 à 400,000 francs.

(page 1091) II n'entre pas, messieurs, dam mon intention de proposer un amendement aujourd’hui. J'ai remarqué hier que pour M. le ministre des travaux publics la question n'est pas mûre.

Je me bornerai donc à former un vœu. Je demanderai que M. le ministre des travaux publias veuille bien s'enquérir de la nature du pays que le raccordement aurait à desservir. Je lui demanderai de vouloir faire faire une étude sérieuse de la question et alors, l'année prochaine, plus complètement éclairé par les renseignements qui peuvent lui manquer aujourd'hui, je suis convaincu que dans sa justice et avec le désir de faire le bien, sur tous les points du pays et partout où il est réalisable, M. le ministre se rapprochera de nous. Peut-être pourrait-il en attendant donner à l'arrondissement de Louvain et à la province de Brabant une marque de bienveillance en faisant creuser la coupure qui relierait le canal de Louvain au Démer rectifié de Werchter à Aerschot.

Puisque j'ai la parole, je la conserverai pendant un instant encore pour rappeler différents points qui ont été signalés par mes honorables collègues de Louvain... Je veux parler d'abord du remplacement des bâtiments de la station de Louvain qui sont devenus évidemment insuffisants surtout depuis que la compagnie de l'Est est venue s'y établir à côté de l'Etat ; ensuite de l'assainissement de la Voer, que l'hygiène de la ville de Louvain réclame avec urgence.

Je remarque avec une grande sympathie les efforts que fait le gouvernement pour l'assainissement de la Senne.

La Voer, bien que dans une plus petite proportion parce qu'en définitive la localité qu'elle traverse n'est pas comparable à la ville de Bruxelled, présente les mêmes inconvénients que la Senne. Elle roule de eaux limoneuses et empestées. Je puis dire que chaque fois qu'une épidémie éclate à Louvain, c'est aux environs de la Voer qu'elle fixe son siège et qu'elle fait le plus de victimes. Tel a été le cas, les deux fois que le choléra a sévi dans la ville que je représente.

Si mes renseignements sont exacts, le conseil communal de Louvain prêterait pour ces travaux un sérieux concours à l'Etat.

Je ne puis finir sans appuyer de toutes mes forces et de mon approbation la plus vive les observations qui ont été présentées par l'honorable M. Vleminckx.

Si le système que cet honorable orateur a exposé pouvait avoir pour résultat de diminuer l'intensité des fièvres qui sévissent si cruellement sur plusieurs points de notre pays, il aurait fait la proposition la plus importante et la plus utile de toutes celles qui ont été présentées dans le cours de cette discussion.

- La séance est levée à cinq heures et un quart.