(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 665) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M.de Florisone, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des administrateurs, industriels et négociants de Lodelinsart prient la Chambre d'accorder aux sieurs Hans la concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi et Châtelineau. »
« Même demande des administrateurs, industriels et négociants de Monceau-sur-Sambre. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Vandermeersch se plaint d'irrégularités dans la distribution des Annales parlementaires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Par dépêche du 17 mars, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur B. E. Schmidt. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Dewandreµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la mendicité, au vagabondage et aux dépôts de mendicité.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution du rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.
MpVµ. - La parole est continuée à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Nous nous trouvons dans la même situation que l'autre jour ; M. le ministre des finances est absent. J'apprends qu'une circonstance très douloureuse l'a forcé à partir pour Liège. Je ne crois pas que la discussion puisse continuer en son absence.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Notre honorable collègue M. le ministre des finances a dû partir hier soir pour Liège, où il a été appelé pour une circonstance douloureuse ; un des membres de sa famille est atteint d'une maladie très grave.
Voilà pourquoi il n'est pas à son banc, mais cette circonstance ne doit pas empêcher, me semble-t-il, les honorables orateurs qui sont inscrits de prendre la parole. Nous sommes au banc des ministres ; nous écouterons les discours, nous prendrons des notes. Les discours seront d'ailleurs reproduits aux Annales parlementaires, et comme cette reproduction sera parfaitement conforme aux discours qui auront été prononcés à la séance, M. le ministre des finances les connaîtra comme s’il les avait entendus.
Dès lors, nous ne voyons pas de raison d'interrompre la discussion. Nous prions donc les honorables orateurs de bien vouloir prononcer leurs discours. M. le ministre des finances pourra les lire aux Annales parlementaires même avant la prochaine séance.
M. Valckenaere, rapporteurµ. - Si l’honorable M. Dumortier désire ne pas parler, je suis prêt à prendre la parole.
M. Dumortier. - Quant à moi, je déclare qu'il me paraît impossible de continuer la discussion en l'absence du ministre. Si l'honorable M. Valckenaere veut prendre la parole, je suis loin de m'y opposer. Mais je ne désire pas continuer mon discours en l'absence du ministre. C'est au ministre que mes observations s'adressent ; par conséquent, il doit être présent pour les entendre.
MjTµ. - Je ne comprends pas la répugnance que l'honorable M. Dumortier éprouve à continuer son discours. Il est certain que l'honorable M. Dumortier ne parle pas ici exclusivement pour M. le ministre des finances. Il parle pour le public, pour le pays, pour ses commettants, pour la Chambre ; et en ce qui concerne M. le ministre des finances, il verra les observations de l'honorable M. Dumortier aux Annales parlementaires qui paraîtront inévitablement avant la prochaine séance de la Chambre, par conséquent ce que dira l’honorable M. Dumortier ne sera pas perdu pour l'honorable ministre des finances.
Si nous n'avions pas la reproduction des discours des membres de la Chambre, j'abonderais dans le sens de l'honorable M. Dumortier, mais les discours seront reproduits et évidemment on les appréciera même mieux à la lecture qu'à l'audition.
Le discours de l'honorable M. Dumortier occupera encore une partie de la séance. Après lui, d'autres orateurs sont inscrits, l'honorable rapporteur, M. Valckenacre d'abord ; ensuite l'honorable M. Thonissen ; après l'honorable M. Thonissen, l'honorable M. Jacobs.
L'honorable ministre des finances aura sous les yeux tout ce qui sera dit par les honorables membres.
Il n'y a donc pas de motifs sérieux pour ne pas continuer la discussion aujourd'hui.
M. Dumortier. - Messieurs, je respecte profondément les motifs qui causent l'absence de l'honorable ministre des finances. Je prends part à la douleur qui a dirigé ses pas vers Liège, mais il n'en est pas moins vrai qu'il n'est pas ici. Maintenant, s'il suffit de prononcer un discours en l'absence du ministre, on peut tout aussi bien envoyer les discours au Moniteur sans les prononcer.
Mais, dit-on, on prendra des notes. Messieurs, il n'y a pas de notes possibles dans une matière aussi spéciale que celle-ci. Il n'y a que les personnes qui connaissent la question qui peuvent comprendre ce qui se dit.
Je ne puis, quant à moi, prendre la parole en l'absence du ministre.
M. Mullerµ. - Messieurs, je prie la Chambre d'avoir égard à la gravité que présenterait pour l'avenir la décision d'ajournement qui serait prise aujourd'hui.
Remarquez qu'il dépendrait d'une circonstance soit volontaire, soit tout à fait imprévue, de force majeure et douloureuse, comme celle qui se présente actuellement, pour entraver les travaux de la Chambre.
Nous sommes en présence d'un projet dont la discussion a déjà été entamée. Le gouvernement a déclaré qu'il se ralliait aux conclusions de la section centrale. Le rapport leur est ici. L'objet dont il est question dans le projet de loi a un caractère d'urgence, et nous avons des ministres devant nous acceptant la continuation des débats. Eh bien, selon moi, quand le cabinet est représenté dans cette enceinte par un ou plusieurs de ses membres et qu'il s'agit de discuter non des actes personnels, mais des projets de loi dont ils sont tous solidaires....
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Oui, solidaires et responsables.
M. Mullerµ. - ... Il n'y a pas lieu à retarder la continuation de la discussion. Je conçois que, dans des circonstances spéciales, on ait égard à l'absence d'un ministre ; mais lorsque le rapporteur et d'autres orateurs sont prêts à prendre la parole, sans la moindre opposition du gouvernement, un ajournement ne peut que faire encore perdre une séance à la Chambre.
MpVµ. - M. Dumortier, êtes-vous disposé à prendre la parole ?
M. Dumortier. - Je déclare que je ne m'oppose pas à ce que le rapporteur prenne la parole.
- Un membre. - Il ne s'agit pas de cela.
MpVµ. - Puisque M. Dumortier n'est pas disposé à prendre la parole, je la donnerai à M. Valckenaere.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Certes, messieurs, on ne peut forcer un orateur à prendre la parole, mais ce que nous ne voulons pas admettre, c'est qu'en l'absence d'un ministre, alors que ses collègues sont à leurs bancs, on puisse suspendre une discussion.
Nous sommes tous solidaires et responsables devant la Chambre.
S'il s'agissait d'une question toute personnelle pour un ministre, nous concevrions qu'on requît sa présence, mais nous ne concevons pas qu'un orateur refuse de parler parce qu'un ministre n'est pas présent.
Si l'honorable. M. Dumortier parlait aujourd'hui, son discours viendrait à la connaissance de M. le ministre des finances, je ne conçois donc pas pourquoi il ne veut pas parler, à moins qu'il n'éprouve le besoin d'être (page 666) interrompu par M. le ministre des finances. Je ne vois pas d'autre explication à sa résolution.
L'honorable M. Dumortier ne parlera pas si tel est son bon plaisir, il ne peut se prévaloir, pour garder le silence, de ce que M. le ministre des finances n'est pas à son banc.
M. de Theuxµ. - Quelle que soit la décision que prendra la Chambre dans cette circonstance, je pense qu’elle ne pourra pas faire loi pour d'autres circonstances.
Dans mon opinion, lorsqu'un ministre dont on discute un projet est empêché d'assister à la séance et qu’il demande à la Chambre de suspendre la discussion, les convenances exigent que la Chambre défère à la demande du ministre. Il peut se présenter d'autres circonstances où le ministre trouve bon de se faire remplacer soit par un de ses collègues, soit par un commissaire spécial, dans ce cas, il appartient à la Chambre de suspendre la discussion s'il y a des motifs graves et en fait il peut arriver que dans une discussion on désire connaître incidemment l'opinion du ministre, pour savoir sur quel point il convient d'insister plus particulièrement, soit pour jeter des lumières dans la discussion, soit pour préparer la voie à des amendements. Toutefois je suis d’avis qu'il ne peut y avoir dans cette matière de règle absolue. Voilà mon opinion.
M. Dumortier. - J'ai une pièce à demander à M. le ministre des finances ; en Angleterre, en France, en Hollande, quand on discute un traité, toutes les pièces de la négociation sont déposées sur le bureau ; en Belgique aucune pièce ne nous est communiquée. Mais à la demande de mon honorable ami, M. Jacobs, M. le ministre a déposé sur le bureau de la Chambre les documents qui ont été imprimés en Hollande avec le projet de loi sur les sucres. J'ai examiné ces documents avec beaucoup de soin, j'y ai trouvé les procès-verbaux de la conférence de 1864 et des procès-verbaux de la conférence de 1864 qui ont mis fin à la question ; j'y ai trouvé aussi un procès-verbal intermédiaire qui est exclusivement relatif à la Hollande et l'examen des pièces m'a prouvé à l'évidence qu'il doit exister une pièce intermédiaire qui traite la question des sucres et qui est indispensable à la continuation de la discussion, qui m’est du moins indispensable à moi pour les développements dans lesquels je dois entrer.
Puisque nous avons reçu communication de la conférence du mois de mars 1863 et de celle dont les séances ont commencé le 15 septembre 1864, je demanderai que M. le ministre des affaires étrangères veuille bien nous communiquer aussi les pièces de la conférence intermédiaire relatives à la Belgique, ainsi qu'on l'a fait en Hollande pour la Hollande. Le gouvernement belge ne voudra pas faire moins vis-à-vis du parlement belge que le gouvernement hollandais n'a fait pour le parlement hollandais.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - A première vue, je ne trouve pas d'inconvénients à communiquer les procès verbaux de la conférence dont parle M. Dumortier ; si la demande en avait été faite dès le commencement de la discussion, peut-être ces pièces auraient-elles déjà pu être déposées sur le bureau.
Je dois faite remarquer toutefois qu'il n'est pas d'usage, lorsqu'on dépose un traité, de joindre tous les actes et délibérations qui l'ont préparé. Ce dépôt, s'il a lieu, ne doit donc pas constituer un antécédent. Mais dans la circonstance actuelle, je pense qu'il n'y a pas d'inconvénient à communiquer les procès-verbaux dont il s'agit et à faire droit ainsi à la demande de M. Dumortier.
M. Vander Donckt dépose sur le bureau le rapport de la commission de comptabilité sur un crédit de 23,000 francs.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
MpVµ. - La parole est à M. le rapporteur.
M. Valckenaereµ. - Messieurs, malgré les observations présentées par quelques pétitionnaires et par plusieurs membres de cette Chambre, je persiste à croire que le projet en discussion dans ce moment doit être considéré comme très avantageux pour l'industrie sucrière, par tous ceux qui se préoccupent de l'ensemble des intérêts engagés dans cette question.
Je tâcherai, messieurs, de vous faire partager mes convictions, en examinât la valeur des objections que le projet de loi a soulevées. Ces objections portent :
1° Sur l'augmentation du rendement pour les fabriques de sucre de betteraves.
2° Sur les tarifs des droits d'accise.
3° Sur le maintien d'un minimum de recettes.
Avant d'examiner ces différents points, je me permettrai de dire que l'honorable M. Dumortier et deux autres honorables membres qui en ont été les défenseurs les plus énergiques, ne se sont préoccupés que d'un seul des intérêts engagés dans le projet de loi soumis à nos délibérations. Le sucre de betterave est l'unique objet de leurs soucis, de leurs préférences, de leurs sympathies. Quant au trésor, aux raffineurs, aux consommateurs, à l'importation et à l'exportation, les honorables membres n'en parlent pas, et de là j'ai le droit de conclure qu'ils ne tiennent aucun compte de ces différents intérêts, qui ont cependant bien aussi leur importance.
La section centrale ne pouvait imiter M. Dumortier et ne voir la question que sous l'une de ses faces. Comme elle le dit dans son rapport, elle devait étudier avec le même soin tous les grands intérêts qui se rattachent à la question des sucres, et vous reconnaîtrez, messieurs, qu'elle l'a fait avec la plus complète impartialité.
Voyons, messieurs, si les griefs que l'honorable membre adresse au projet de loi et à la convention sont réellement fondés.
Le premier se rapporte à l'augmentation du rendement dans la fabrication du sucre indigène, établie par l'article 16 de la convention.
Je vous rappellerai d'abord, messieurs, que déjà le comité des fabricants de sucre de betteraves, dans une pétition adressée à la Chambre des représentants, le 14 février dernier, déclare adhérer à la convention du 8 novembre 1864.
Il est vrai que dans une plus récente pétition ils semblent apporter quelques restrictions à leur adhésion, mais en attendant l'explication de ce revirement, je ne crois pas devoir m'y arrêter.
De son côté, la chambre de commerce de Gand, après avoir consulté tous les intéressés de son ressort, tant raffineurs que fabricants de sucre, déclare que la convention internationale, fruit de négociations laborieuses, doit, à son avis, être adoptée.
Ces déclarations pourraient me dispenser de réfuter la critique considérée, par les honorables préopinants, comme la plus importante de celles qu'ils présentent contre le projet de loi, puisque l'augmentation du rendement dont ils se plaignent provient précisément de l'article 16 de cette convention, acceptée, comme j'ai eu tantôt l'honneur de vous le dire, par un grand nombre d'intéressés.
Je tiens cependant à rectifier quelques erreurs d'appréciations et de chiffres inscrits dans la note que l'honorable M. Dumortier a fournie à la section centrale, et qu'il a reproduits dans ses discours.
Toute l'argumentation de cet honorable membre tend à prouver que le taux de 1,475 et éventuellement de 1,800 grammes de sucre en n°12 par degré de densité du jus et par hectolitre, ne peut être obtenu en Belgique.
Il invoque comme preuves quelques résultats constatés en France pendant les dix dernières campagnes.
Je ne le suivrai pas dans le détail de ses chiffres, qui sont en désaccord complet avec ceux qui résultent des expériences faites en Belgique et en France pendant les cinq dernières campagnes. Ceux-ci sont évidemment plus exacts, car ils sont établis d'après les progrès réalisés par l'industrie sucrière dans cette période quinquennale. Ils ont pu conséquemment être arrêtés par la convention, et recevoir ainsi le cachet officiel que lui ont donné les quatre pays contractants ; c'est pour cette raison qu'ils m'inspirent toute confiance.
Je dois aussi faire observer à l'honorable membre que si tous ses calculs étaient exacts, et s'il fallait les admettre dans leur ensemble, ils produiraient des conséquences contraires à son attente. En effet, M. Dumortier nous dit dans sa note : « On voit par l'enquête française que le type y représente le n°14 hollandais ; c'est à ce type que toutes les qualités produites doivent être ramenées en Belgique comme en France. »
L'honorable membre nous disait l'autre jour qu'il s'était trompé dans sa note, que c'est le n°16 au lieu du n°14. Cela me prouve une fois de plus qu'il n'est pas infaillible dans ses chiffres.
Plus loin il dit encore que, dans la campagne 1863-1864, 31 fabriques abonnées du département du Nord ont constaté des manquants pour lesquels elles ont réclamé. Mais ce qu'il oublie de dire, c'est que ces mêmes fabricants, en s'adressant, à ce sujet, au directeur général des contributions, ont exprimé tout à la fois, dans leur pétition, le regret de voir supprimer, par la loi du 15 juin 1864, la faculté d'abonnement à 1,425 grammes. En effet, ce dont se plaignent les fabricants, c'est de n'être abonnés que pour une année, et de ne pouvoir ainsi récupérer, pendant une bonne campagne, ce qu'ils ont pu perdre pendant une mauvaise. Ils accepteraient donc parfaitement le chiffre de 1,425 grammes, s'il était permanent.
(page 667) Or, M. Dumortier nous l'affirme, ces 1,425 grammes sont du sucre au n°16. Si maintenant nous les évaluons en n°12, qui sert de base à l'impôt en Belgique, nous arrivons au résultat suivant ;
Le moyen le plus sûr d'estimer la richesse relative entre différents numéros de sucre, c'est de s'en rapporter à leur valeur commerciale ; or, entre les n°12 et 16, cette différence est de 13 p. c. environ ; en ne prenant que la moitié pour ne pas exagérer, cela donnait lieu à une augmentation de 100 grammes sur 1,425 ; nous arriverons ainsi au chiffre de 1,525 grammes du n°12. Telles sont les conséquences des calculs de l'honorable M. Dumortier.
Quand on commet des erreurs de chiffres on s'expose à des inductions inexactes. Si le taux de 1,400 grammes ne laissait aucun excédant de rendement, je reconnaîtrais avec M. Dumortier que celui de la nouvelle prise en charge constituerait une augmentation de 7 p. c. du droit d'accise ; mais, si, au contraire, il est prouvé que la prise en charge éventuelle à 1,500 grammes peut être atteinte, alors il est évident que, dans les conditions actuelles, le sucre indigène ne paye pas le plein droit ; qu'il jouit plutôt d'une prime de 7 p. c. et que le nouveau tarif fera tout simplement disparaître le privilège obtenu par les excédants de produits.
C'est donc à tort que l'honorable M. Dumortier soutient que le sucre indigène payera désormais 48 fr. 15 c., tandis que le sucre exotique ne sera imposé que de 45 francs.
L'égalité de droit pour les deux espèces de sucre est la conséquence logique, nécessaire, du nouveau tarif de prise en charge.
L'exposé des motifs de la loi sur les sucres, présenté aux chambres hollandaises, fait connaître à l'article 4, qu'après l'approbation de la convention inscrite dans le projet, la prise en charge des fabricants sera de 1,500 grammes et l'article 5 du même projet dit que lorsque le rendement pour les sucres raffinés sera réglé définitivement, après les expériences prescrites par l'article 3 de la convention, la prise en charge des fabriques ne sera plus exclusivement établie par l'abonnement à 1,500 grammes, mais que l'exercice sera organisé avec un rayon de 1,000 mètres autour de chaque fabrique et que toutes les dispositions nécessaires pour garantir l'exactitude de la tenue des comptes et pour s'assurer des quantités de sucre, pourront être déterminées ultérieurement. Ces mesures auront pour but d'empêcher que les excédants de produits ne restent indemnes de droits.
La section centrale a cru aussi devoir s'occuper du système de l'exercice pour les fabriques, et elle a fait remarquer dans son rapport tous les désavantages qu'il présente en pratique, elle reconnaît cependant qu'en théorie il est véritablement rationnel.
La raison pour laquelle elle donne la préférence au mode d’abonnement se trouve parfaitement expliquée dans un rapport présenté au Sénat le 10 mai 1847 par l'honorable M. de Haussy. Voici ce qu'on y lit : « C'est en vertu de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1846 que M. le ministre des finances a soumis à la sanction du Roi l'arrêté du 13 août 1847, qui crée un mode d'exercice rigoureux et incessant, comme il le qualifie lui-même, et qui a soulevé de toutes parts de vives réclamations et de sérieuses difficultés. »
L'honorable M. de La Coste, le 28 avril de la même année, en sa qualité de rapporteur dans la question du régime de surveillance des fabriques de sucre, n'a pas été moins énergique pour flétrir ce régime vexatoire ; voici un paragraphe qui le prouve :
« Si ce régime laissait peu à désirer dans l'intérêt du trésor et de la fabrication indigène, l'arrêté du 15 août 1846 a introduit un mode d'exercice rigoureux, incessant, auquel d'autres industries ne sont pas assujetties ; cette rigueur a soulevé une vive opposition, et cependant elle aurait besoin d'être renforcée encore, si l'on voulait persister à marcher dans la même voie. »
C'est alors, messieurs, que l'abonnement à 1,200 grammes avec l'exercice fut porté à 1,400 sans exercice, et cette augmentation a été unanimement admise. Après de pareilles épreuves, j'ai la conviction que malgré les différences essentielles et les grandes variations de fabrication, le système d'abonnement est le meilleur en pratique.
Il serait d'ailleurs impossible de comprendre que dans un pays qui a applaudi naguère à la suppression des octrois, on puisse vouloir rétablir un système qui implique des douanes intérieures.
En reprenant la question du rendement, je ne puis me dispenser de signaler encore un fait qui m'a singulièrement frappé, lorsque j'ai examiné, il y a quelques jours, un des tableaux annexés au rapport de M. de La Coste. Ce tableau donne le résultat obtenu par les 13 fabriques soumises à l'exercice pendant la campagne 1846-1847 ; les quantités imposables constatées y figurent pour 2,188,001 kilogr. et le rendement en grammes que représente cette quantité correspond à 1,520. A moins de prétendre que la fabrication a marché à reculons depuis 1847, il n'est plus possible de soutenir aujourd'hui que la prise en charge à 1,500 gr. est exagérée. Je puis donc dire que tous les calculs des honorables MM. Dumortier et De Borchgrave ne peuvent résister à une démonstration aussi éclatante de leur inexactitude, et M. Dumortier, qui a un si grand respect pour les documents officiels comme il nous l'a dit avant-hier, doit bien admettre ce tableau, contre lequel il n'a pas protesté en 1847, lorsqu'il a été communiqué à la Chambre.
Le second point sur lequel des observations ont été présentées est relatif aux tarifs des droits d'accise pour le sucre indigène mis en rapport avec celui des sucres étrangers introduits en Belgique. Mais, messieurs, on oublie que ce tarif est réglé pour la betterave par la convention, qui l'a fixé au taux du n°12.
Voici le paragraphe de l'article 16 qui en fait foi :
« Le droit à percevoir dans les fabriques abonnées, sera le droit auquel seront soumis les sucres exotiques des numéros 10 à 14. »
Le projet de loi hollandais, comme le projet que nous discutons, s’est conformé à cette stipulation. C'est l'expérience qui a déterminé la qualité comme elle l'a fait pour la quantité.
Ici se présente une réclamation qui a été présentée par le comité des fabricants de sucre, dans la note d'observation qui nous a été distribuée avant-hier. Pourquoi l'échelle fixée pour la décharge de l'accise à l'exportation du sucre brut indigène non humide, n'est-elle pas en corrélation avec le droit d'entrée des sucres étrangers ? Telle est, messieurs, la demande que les membres du comité nous posent.
La section centrale, en déclarant s'en rapporter à ce sujet à la note explicative fournie à l’article 4, a, me semble-t il, suffisamment fait comprendre que la loi ne pouvait pas être trop large dans la désignation des types admis à la décharge du plein droit ; les fabricants étant toujours à même de descendre de 2 ou 3 numéros qu'ils produisent, il s'ensuivrait nécessairement que l'on n'exporterait désormais que le plus bas numéro de chaque échelle, et si par ce fait les revenus du trésor se trouvaient compromis, la conséquence inévitable serait d'entraver l'exportation elle-même par l'application de l'article 6 du projet de loi. Ce qui semble donc à première vue constituer un préjudice n'est en réalité qu'une mesure prise dans l'intérêt même de ceux qui réclament contre l'article 4, et c'est pour ces motifs que la section centrale a cru devoir en conserver les dispositions.
On a beaucoup parlé du régime français, pour lequel on semble avoir des sympathies très grandes, on a surtout cherché à le faire envisager comme compromettant pour les intérêts des fabricants belges.
L'honorable M. Dumortier s'étant longuement occupé de ce point de la question et un amendement ayant été déposé hier par trois de mes honorables collègues, dans le but de faire cesser le soi-disant privilège accordé aux fabricants français, je ne puis me dispenser, messieurs, d'examiner à mon tour cette importante question. Si on a beaucoup critiqué l'échelle admise par l’article 4, en prétendant que la loi française, sous ce rapport, est moins préjudiciable aux intérêts des fabricants de sucre, que la nôtre, on s'est d'un autre côté très peu occupé des dispositions générales qui régissent la comptabilité française. Voici en quelques mots ce qui se pratique. Les fabriques de sucre sont soumises à l'exercice, elles travaillent donc sous la surveillance permanente des employés de l'accise, avec un rayon de servitude douanière autour de chaque usine. Les fabricants ont la faculté de faire épurer plus ou moins leurs sucres, c'est-à-dire de les dégager en tout ou en partie des mélasses qu'ils contiennent ; mais il est à remarquer que plus ils produisent de bas numéros, plus ils augmentent aussi les quantités de leurs prises en charge, car la quantité ne s'obtient qu'au détriment de la qualité et vice versa. Le compte du fabricant est donc débité par quantité et par qualité. Je citerai un exemple, messieurs, pour bien faire comprendre la tenue des comptes. Supposons qu'une fabrique produise : 1° 100,000 kilog. de sucre premier jet représentant le n° 16 ; 2° 60,000 kilog. deuxième jet équivalant au n° 12 ; 3° 50,000 kilog. troisième jet soit le n° 10 et enfin 30,000 kilog. quatrième jet du n° 7. Si le fabricant exporte les 50,000 kilog. du n°10, et les 30,000 kilog. du n° 7, comment le receveur des accises va-t-il créditer le compte du fabricant ? Ce sera évidemment aussi bien d'après la qualité que d'après la quantité.
S'il conserve pour la vente en consommation les 60,000 kilogr. du n°12 et les 100,000 kilog. du n°16, aussitôt sa déclaration faite, il sera alors débité pour la somme due en raison des droits d'accise établis conformément à l'échelle. Dans ce cas, le fabricant conserve, il est vrai, ses bonnes qualités, mais il ne faut pas oublier qu'il les a obtenues aux dépens de la quantité. Or, comme le dit très bien l'honorable M. Dumortier en comptant comme sucre la mélasse contenue dans les sucres inférieurs (page 668) ou imparfaits, on arriverait à des productions de 16, 17, 18 hectogrammes, pourquoi dès lors accorder la décharge du plein droit à la sortie d'une qualité de sucre inférieure à celle produite en moyenne et qui sert de base à l'impôt ? En admettant l'amendement déposé dans le but d'atteindre ce résultat, on arriverait à reconstituer la prime que la convention et le projet de loi ont en vue de faire disparaître, et qui a donné naissance au malaise actuel de l'industrie sucrière. Si cette disposition était votée, je suis d'avis qu'elle détruirait complètement le sens de l'article 16 de la convention, qui détermine le n°12 comme le corollaire des 1,475 et éventuellement des 1,500 grammes de prise en charge. C'est pour cet important motif, messieurs, que je ne puis me rallier à cet amendement.
Le maintien du minimum est le dernier point sur lequel plusieurs réclamations se sont encore produites. La section centrale, messieurs, s'est longuement occupée de cette importante question et dans ce rapport il lui semblait en avoir pleinement justifié la nécessité.
Je veux bien convenir qu'en principe on ne peut pas plus défendre d'une manière absolue le système du minimum, que le régime d'abonnement dont il est ici la conséquence inévitable. Cependant, en examinant les motifs sur lesquels on s'appuie pour le maintenir, on reconnaîtra sans peine qu'ils sont parfaitement fondés.
Pourquoi faut-il conserver le minimum ? Jusqu'à quand faudra-t-il l'inscrire dans la loi sur les sucres ?
Le taux du minimum annuel, fixé à 6,000,000 de fr. par la loi du 27 mai 1861, est-il exagéré !
Telles sont, messieurs, les questions auxquelles je crois devoir répondre, pour calmer les inquiétudes que le maintien du minimum a fait naître.
Lorsque la loi établit un impôt de consommation, il faut bien qu'elle prescrive les mesures nécessaires pour en garantir le payement intégral, cela est incontestable. Bien que la convention fixe dès aujourd'hui le taux du rendement au raffinage, le gouvernement hollandais, qui Pop clique immédiatement par son projet de loi, se réserve encore comme moyen transitoire et jusqu'après les expériences prescrites, la faculté de surélever le taux du rendement même de 5 p. c, lorsque l'exportation semestrielle aura atteint 47 millions. C'est là un moyen déguisé de garantir la recette du trésor en ayant l'air de supprimer le minimum.
Un autre moyen que l'on pourrait sans doute employer, à l'égard du sucre, pour atteindre ce but, ce serait de faire l'exercice d'une manière rigoureuse et incessante aussi bien dans les raffineries que dans les fabriques.
Un troisième moyen consisterait à supprimer le drawback, en permettant toutefois le travail en entrepôt pour les usines dont les produits seraient exclusivement destinés à l'exportation.
En Belgique, la législation doit préférer le système de minimum parce qu'il est le moins tracassier pour les industriels, et le moins préjudiciable pour leurs intérêts lorsqu'il s'abstient d'agir rétroactivement, comme c'est le cas avec le projet en discussion. Et aussi longtemps que le taux du rendement sera fixé sur des bases approximatives, résultant de l'abonnement dans les fabriques et dans les raffineries, il est juste que les intérêts du trésor soient préservés contre les excédants de produits, qui, en laissant dans la consommation des quantités indemnes de droits d'accise, peuvent diminuer les recettes sur lesquelles il a le droit de compter.
Or, dans ces circonstances, les raffineurs et les fabricants jouissent d'une prime que la législation croit avoir le droit de supprimer, et elle ne peut le faire qu'en diminuant le taux de la décharge des droits d'accises à l'exportation. C'est là tout le secret du mécanisme établi pour garantir le minimum.
Maintenant je crois, messieurs, qu'on arrivera peut-être dans peu d'années à pouvoir abandonner cette mesure préventive en faveur du trésor. S'il est reconnu que les expériences du raffinage ont d'une part permis d'atteindre le rendement réel pour les pays intéressés dans la convention, et d'autre part quand le régime de l'exercice aura été pratiqué pendant quelques campagnes en France et en Hollande, si l'on adopte alors dans notre pays, comme taux de prise en charge, les résultats obtenus par nos voisins, il n'y aura plus lieu alors, me semble-t-il, de maintenir dans la loi les articles 5 et 6, puisque les rendements réels étant connus et appliqués, les primes viendront à disparaître complètement et le trésor percevra le droit d'accises sur tout le sucre consommé. C'est alors seulement que le vœu exprimé avant-hier par l'honorable M de Kerchove pourra se réaliser sans inconvénient.
Le rapport de la section centrale, messieurs, a fait valoir certaines appréciations qui l'autorisaient à considérer les exigences du trésor comme établies dans les limites raisonnables. Je puis aujourd'hui, messieurs, fournir de nouveaux arguments à l'appui de son opinion, je les ai trouvés dans les documents hollandais, qui ont été déposés il y a quelques jours sur le bureau de la Chambre.
L'impôt sur le sucre, au droit moyen de fl. 22.95 par 100 kilogrammes, y figure pour une recette présumée de 3,500,000 florins, ce qui représente une consommation légale de 15,000,000 de kilog. pour une population de 3,600,000 habitants, soit 4.2 kilog. par tête.
En appliquant la même proportion à la Belgique qui compte 4,900,000 habitants, la consommation légale y atteindrait 20,500,000 kilog., ou 7,000,000 de kilog. de plus que les prétentions du trésor ne l'établissent.
Ce n'est pas tout. Il faut, messieurs, tenir compte aussi des quantités de bas produits, que le raffinage laisse indemnes de droits, et qui remplacent, à coup sûr, le sucre mélis pour une catégorie de consommateurs. Je vais vous en indiquer l'importance en Hollande, telle que les documents me permettent de l'établir.
Les prévisions de mise en raffinage du sucre brut y figurent pour. 91,725,000 kilog., dont il faut déduire le déchet, soit 3 p. c.. 2,725,000 kil. Reste environ 89,000,000 kilog.
L'exportation en candi, mélis et cassonade est calculée, ensemble à 66,000,000 kilog.
Reste donc en consommation 23,000,000 kilog.
Le revenu présumé ne porte que sur environ 15,000,000 kilog.
Il reste donc environ 8,000,000 kilog. de sucre en bas produits qui sont indemnes de droits d'accise.
Ces 8,000,000 de kilog. de sucre représentent environ 12 p. c. de la quantité exportée, et répartis pour une population de 3,600,000 habitants ils équivalent à 2.2 kilog. par tête.
De manière que la consommation légale en Hollande étant de 4.2 kilog. par tête, et celle des bas produits de 2.2 kilog. par tête.
La consommation réelle en toute qualité de sucre y est de 6.4 kilog. par tête.
Si nous appliquions les chiffres, que je viens d'indiquer, au raffinage belge, d'après la consommation légale présumée, et d'après une exportation de 20,000,000 de kilog. qui est la plus forte que nous ayons eue, la mise en raffinage serait de :
1° Destiné à l'exportation 20,000,000 de kilog.
2° Bas produits exempts de droit 12 p. c. 2,400,000 de kilog.
3° Consommation légale présumée 13,400,000 de kilog.
Soit ensemble 35,800,000 kilog.
Ces deux dernières quantités étant acquises à la consommation s'élèvent à 15,800,000 kilogr., qui pour 4,900,000 habitants établissent la consommation à 3.2 kilog. par tête ; et qui, eu égard à la population, représentent tout juste la moitié de celle présumée en Hollande.
Le fait sur lequel je viens d'appeler votre attention, messieurs, me paraît très important. En présence de ces données, personne ne peut prétendre, avec raison, que la Hollande fait une consommation en sucre, double de celle de la Belgique, et si les articles 5 et 6 sont encore inscrits dans le projet de loi, ils ne peuvent pas être considérés, par les industriels, comme un épouvantait dangereux, mais bien comme une mesure temporaire destinée à garantir le trésor contre les excédants éventuels du rendement.
C'est ainsi que la section centrale a compris la question du minimum et qu'elle en a voté le maintien.
Pour me résumer, messieurs, je dois déclarer qu'aucune des observations soulevées contre le projet de loi ne m'a paru avoir un caractère assez sérieux pour modifier mon opinion à son égard. Je puis, avec la plus entière confiance, vous en recommander l'adoption, comme la section centrale vous le propose, parce qu'au lieu de ruine, comme les sinistres prédictions de quelques honorables membres l'ont fait entrevoir, y vois, au contraire, la prospérité de l'industrie suer ère solidement établie pour l'avenir et assurée désormais par leurs liens de solidarité parfaitement garantis dans ce projet de loi.
Toutefois, avant de terminer, je désire faire observer à l'honorable ministre des finances, qu'à mon avis, il conviendrait de ne pas appliquer la répartition des déficits éventuels, dans les deux premiers trimestres (page 669) qui vont suivre la mise en vigueur de la présente loi. Le marché intérieur n'est pas complètement dégagé des quantités de sucre dont la mise en consommation a été forcée sous l'empire de la législation actuelle ; il faut un certain temps pour rendre la position régulière. C’est une considération que l'honorable M. de Kerchove a fait valoir aussi dans son discours d'avant-hier. L'honorable M. Frère ne voudra pas sans doute s'opposer à ma proposition, qui n'a d'autre but que de permettre à l'industrie sucrière d'arriver à une situation normale. J'ai eu hier l'honneur, messieurs, de concert avec quelques-uns de mes honorables collègues et amis, de déposer, à cette fin, sur le bureau, un amendement ainsi conçu :
« Amendement à l'article 9 (10 nouveau).
« § 2. Les décharges de droits ne seront d'ailleurs frappées d'aucune retenue avant le 1er janvier 1860. »
Ont signé : MM. Valckenaere, Jacquemyns, de Kerchove, Bara, Crombez, Allard et Le Hardy de Beaulieu.
M. Thonissenµ. - Messieurs, je n'ai que peu de mots à dire.
Je ne suis pas l'adversaire systématique du projet de loi. Une convention entre l'Angleterre, la France, la Hollande et la Belgique, destinée à établir le régime des sucres sur une base uniforme, est un fait considérable dont je n'entends pas méconnaître l'importance. L'égalité dans les conditions du travail admise pour les quatre pays contractants, et surtout la stabilité de la législation qui en sera la conséquence nécessaire, sont de véritables bienfaits qu'il serait injuste de révoquer en doute.
Aussi voterai-je très volontiers le projet de loi, si, comme je l'espère, l'honorable ministre des finances voudra bien consentir à quelques modifications dans les détails.
Ainsi, par exemple, il me sera impossible d'admettre, tel qu'il se trouve rédigé, l'article 4 du projet, qui règle la manière d'accorder la décharge de l'accise à l'exportation du sucre indigène.
Cet article divise les sucres en trois catégories. Il place dans la première le sucre égal ou supérieur en nuance au n°12. Il place dans la seconde catégorie le sucre égal ou supérieur en nuance au n°8, mais inférieur au n°12. Il place dans la troisième catégorie le sucre inférieur au n8.
A la première catégorie il accorde, à l'exportation, une décharge de 45 fr., c'est-à-dire le droit tout entier. A la seconde catégorie, il n'accorde qu'une décharge de 45 fr. A la troisième catégorie, il n'accorde aucune décharge à l'exportation.
Cette manière de procéder ne me semble ni juste ni rationnelle.
Si le droit perçu à l'entrée du pays sur le sucre brut étranger se trouve fixé sur des bases rationnelles et équitables, je ne vois pas pourquoi la même échelle ne s'appliquerait pas à la décharge de l'accise à l'exportation du sucre brut indigène. En d'autres termes, d'après moi, l'on devrait reproduire à l'article 4 l’échelle qui a été admise pour l'article 2.
En effet, si vous n'admettez pas, pour l'exportation, les mêmes catégories que pour l'importation, vous placez inévitablement les fabricants indigènes dans une condition d'infériorité, en quelque sorte continue, vis-à-vis de leurs concurrents étrangers. Les délégués des fabricants de sucre de betterave nous ont fourni à cet égard un argument auquel, à mon grand étonnement, l'honorable rapporteur de la section centrale n'a pas daigné répondre.
Cet argument me semble péremptoire. On suppose le cas suivant. Un négociant de Londres a besoin de sucre numéro11. Le fabricant français, exportant ce sucre n° 11, obtient la décharge complète du droit. Le fabricant belge, au contraire, exportant le même n°11, n'obtient qu'une décharge de 45 fr. Il en résulte clairement, me semble-t il, que, sur le marché de Londres, le négociant français pourra fournir son sucre à 2 fr. par 100 kilog. de moins que le fabricant belge.
M. de Mérode. - Indépendamment d'autres avantages.
M. Thonissenµ. - Indépendamment d'autres avantages ; mais je me borne à celui-ci, parce qu'il me semble suffisant.
Il n'y a pas de doute possible : vous placez le fabricant belge dans une condition inférieure à celle de son concurrent étranger. Le fabricant français pourra, sur le marché de Londres, livrer son sucre à un prix inférieur.
Je pense donc qu'on devrait admettre, pour l'exportation, l'échelle admise pour l’importation.
Cependant, messieurs, vous avez dû remarquer que les fabricants de sucre de betterave ne vont pas même jusque-là. Ils ne demandent pas qu'on reproduise, à l'article 4 l'échelle établie à l'article 2. Ils demandent simplement qu'on accorde à l'exportation une décharge de 45 fr., aussitôt que le sucre atteint le n°10.
Il me semble que cette prétention est bien raisonnable et bien conciliante. J'avais rédigé, d'accord avec l'honorable comte de Borchgrave, un amendement conçu dans ce sens, lorsque nous avons reçu un amendement absolument identique présenté par les honorables MM. Bricoult, Carlier et T'Serstevens.
Je ne puis donc que me rallier à leur proposition, et je déclare formellement que, si l'article 4 est maintenu dans ses termes actuels, je ne pourrai pas voter le projet de loi.
M. Jacobsµ. - Messieurs, je m'associe aux éloges qu'a valus au gouvernement la convention internationale réglant le régime de l'accise sur les sucres. Je les adresse au ministère précédent qui a entamé les négociations et au ministère actuel qui les a menées à bonne fin.
L'industrie sucrière, fabricants et raffineurs, ne demandent que l'égalité. Lisez toutes les pétitions, il n'y est réclamé ni excédants, ni primes, ni faveurs, ni privilèges ; il leur suffit d'être placés dans les mêmes conditions que leurs concurrents des pays voisins, et tel est l'heureux résultat de la convention.
Je dois cependant faire une réserve et mettre une restriction à mes éloges.
En apparence, la convention établit l'égalité la plus complète entre les fabricants et raffineurs belges et étrangers ; cette apparence n'est une réalité que pour nos raffineurs ; car vous remarquerez que pour les fabriques de sucres l’exercice est établi en France : d'après le projet de loi néerlandais, il va l'être en Hollande ; en Angleterre, il n'y a pas de fabriques de sucres de betteraves. Seule, la Belgique se trouvera donc sous le régime de l'abonnement à 1,475 grammes, et à 1,500 grammes, dès que la production annuelle y aura atteint 25 millions de kilogrammes.
On s'explique par là que la majoration de rendement dont parle l'article 16 de la convention soit subordonnée à la production du seul pays auquel il s'applique.
Messieurs, je n'ai pas compétence pour apprécier le projet de loi dans tous ses détails.
J'ai cherché à m'éclairer en écoutant les intéressés, surtout les raffineurs avec lesquels j'ai plus de rapports qu'avec les fabricants. Ce sont celles de leurs objections qui m'ont paru fondées que j'aurai l'honneur de faire valoir devant la Chambre.
Je critiquerai le projet de loi par les raisons qui me font approuver la convention internationale. Il contient en effet un principe destructif de l'égalité de position, résultat principal de cette convention ; le minimum des recettes ayant pour sanction une diminution de décharge, c'est-à-dire une augmentation de rendement.
Le jour où les 6 millions par an, où plutôt les 1,500,000 par trimestre ne seront pas atteints, la décharge à l'exportation sera diminuée de 50 centimes par 100,000 fr. de déficit, ce qui équivaut à une augmentation de rendement ; ce jour-là l'équilibre entre les industriels des pays contractants sera rompu au détriment des Belges et nous aurons perdu volontairement le seul bénéfice que nous devons retirer de la convention internationale.
Je suis donc l'adversaire radical du minimum de recettes avec la sanction que lui donne le projet de loi. Je me demande dans quel but on le maintient. D’après M. le ministre des finances et d'après M. le rapporteur de la section centrale, sa raison d'être est d'empêcher les fabricants et les raffineurs de jeter dans la consommation des excédants indemnes de droit et de frustrer ainsi le trésor du produit naturel de l'accise sur le sucre.
Jusqu'aujourd'hui j'aurais compris sinon partagé cette crainte. On prétendait et l'on invoquait à l'appui des raisons assez sérieuses, qu'on obtenait des excédants tant à la fabrication qu'au raffinage. Mais cela n'est plus possible sous l'empire du projet de loi.
En ce qui concerne les fabricants, je m'en rapporte au discours remarquable de l’honorable M. Dumortier. Le fait qui m'a le plus frappé parmi ceux qu'il a énumérés, c'est l'unanimité des fabricants du département du Nord pour préférer l'exercice à l'abonnement à 1,425 gr.
M. le rapporteur a cru en donner l'explication en répondant que cet abonnement à 1,425 grammes était un régime précaire. Mais les fabricants n'auraient-ils pas préféré un avantage même précaire à un désavantage, ne fût-il que précaire. Il leur était loisible de passer de l'abonnement à l'exercice, lorsque les conditions de l'abonnement ne leur assuraient plus l'avantage qui leur faisait donner la préférence à l'un sur l'autre.
Quant aux raffineurs, il me paraît également impossible de supposer encore des excédants et pour le prouver je n'ai qu'à citer l'exposé des motifs du projet de loi. Il y est dit : « Lorsque, après les expériences, (page 670) les drawbacks se trouveront basés sur les rendements effectifs, ce sera la suppression des protections à l'entrée, comme des primes à la sortie. »
Le but du gouvernement belge et de ses cocontractants a été d'établir une identité parfaite entre le rendement légal et le rendement effectif. A moins donc de désespérer d'y arriver jamais, il faut admettre qu’à la suite des expériences qui ont été faites déjà et de celles qui seront faites encore, le rendement légal sera le rendement effectif, c'est-à-dire qu'il n'y aura plus d'excédants.
A cela, M. le ministre des finances, dans ses réponses à la section centrale, et M. le rapporteur, dans son discours, ont fait plusieurs objections. Et d'abord, la fabrication peut se perfectionner de jour en jour, il n'y a pas d'excédants aujourd'hui, il y en aura peut-être demain.
Mais n'oublions pas que le but de la convention internationale, c'est celui d'arriver au rendement effectif, de supprimer cette guerre de primes et de faveurs que se faisaient les différents pays. Du moment que les parties contractantes ont manifesté l'intention d'arriver à un acord sur cette base, elles ne verront aucune difficulté à élever, par une convention supplémentaire, le rendement légal si le rendement réel s'élève.
La section centrale a déjà exprimé le vœu que les expériences n'aient pas un résultat permanent ; c'est au moyen de leur périodicité qu'on maintiendra l'équilibre constant entre le rendement légal et le rendement réel.
Du reste, ce n'est pas sur une éventualité qui peut se rencontrer comme elle peut ne pas se rencontrer dans l'avenir, que l'on doit se baser pour introduire dans le projet de loi destiné à mettre la convention en vigueur, un principe dont l'effet est de la détruire.
J'ai lu les documents relatifs au projet de loi hollandais que nous a communiqués M. le ministre des finances, et j'ai vu qu'un des motifs qui ont déterminé le gouvernement hollandais à supprimer le minimum de recettes qui existait dans ce pays comme chez nous, c'est qu'il n'ajoute pas foi à ces excédants.
Il se pose les objections qui le font conserver en Belgique et il en conteste la valeur. Notamment les procédés de fabrication sont tellement perfectionnés d'après lui, qu'on retire du sucre tout ce qu'on peut en retirer ; il ne croit pas probable qu'on puisse arrivera en extraire davantage et c'est un des motifs pour lesquels il renonce au minimum.
La seconde raison que l'on invoque pour faire croire à la possibilité d'excédants, est celle-ci. Nous adoptons un système de types, chaque type comprend plusieurs numéros et le rendement est calculé d'après le produit du numéro moyen.
Or, si les raffineurs n'achètent que les numéros les plus élevés dans chaque type, ceux qui donnent le rendement le plus considérable, il y aura encore des excédants.
C'est précisément la substitution du système des types à celui du droit unique qui semble au gouvernement hollandais un motif de supprimer le minimum.
Sous le régime du droit unique frappant tous les sucres du n°7 au n°20, le rendement étant calculé sur me moyenne, telle que le n°12, il y avait entre la moyenne et les sucres supérieurs une marge assez grande pour que l'excédant à obtenir entrât en ligne de compte.
Mais aujourd’hui qu'il y a au maximum quatre numéros dans un type, les différences de rendement sont si minimes que le gouvernement hollandais néglige d'en tenir compte.
A part l'exemple du gouvernement néerlandais, d'autres raisons nous montrent que cette objection de théorie n'est pas une objection pratique.
Pour ce qui est du sucre de betterave, il ne dépend pas du raffineur d'obtenir tel numéro plutôt que tel autre. Il achète le produit de la fabrication avant qu'elle soit terminée et avec une latitude qui va du n°10 à 14, sauf que le prix diffère de 75 centimes par 100 kil. et par numéro.
Il ne dépend ni du fabricant ni du raffineur d'avoir tel numéro plutôt que tel autre ; si le fabricant produit du n°10, le raffineur recevra du n°10 ; s'il produit du n°14, le raffineur recevra du n°14.
Il en est, il est vrai, autrement pour le sucre exotique. On l'achète sur échantillon et l'on peut avoir tel numéro que l'on désire. Mais si les raffineurs donnaient la préférence aux numéros susceptibles de laisser des excédants, il en résulterait immédiatement un renchérissement de ces numéros qui compenserait et bien au-delà la différence de rendement de ces numéros supérieurs et des numéros inférieurs. En pratique, l'objection n'est pas sérieuse.
Si donc, le minimum n'est pas atteint, cela proviendra, non pas de ce qu'il y a encore des excédants ; cela proviendra de ce que la consommation ne fournit pas le chiffre de six millions. Et cette opinion n'est pas dénuée de fondement, car comme l'a rappelé l'honorable M. Dumortier dans la note jointe au rapport de la section centrale, elle était partagée par M. le ministre des finances en 1849.
Supposons même qu'il soit incontestable que le produit régulier, normal du sucre doit donner six millions. Il peut se présenter des circonstances qui occasionneront une consommation anormale. Depuis quelque temps, le sucre est excessivement cher ; il y a eu un renchérissement qui est allé par moment jusqu'à 30 et 40 p. c. Il est certain que ce renchérissement a dû influer sur la consommation, et que, dans des années semblables, la consommation est sensiblement plus faible que dans les années ordinaires ; le chiffre de six millions représentât-il la consommation normale, ne représentera pas celle des années exceptionnelles.
Enfin, pendant les premiers temps de la mise en vigueur du projet de loi, il y aura à tenir compte, comme le disait l'honorable M. Valckenaere et c'est l'objet de son amendement, il y aura à tenir compte du stock existant et qui provient de l'obligation qui incombait aux raffineurs, sous le régime du minimum tel qu'il existait jusqu'ici, de payer anticipativement la somme qui constituait le manquant ; plutôt que de faire ces payements anticipatifs, ils déclaraient en consommation les quantités qu'ils avaient en entrepôt et surchargeaient le stock existant.
De même les fabriques de sucre de betterave qui obtenaient plus de 1,400 grammes, déversaient ces excédants indemnes de droits dans la consommation et venaient encore augmenter la quantité considérable de sucre qui doit se trouver aujourd'hui en Belgique.
La conséquence de ces faits, c'est que, la première année de la mise en vigueur de la loi nouvelle, le sucre ne produira pas ce qu'il doit produire.
Si la Chambre ne rejette pas les articles 5 et 6 du projet de loi, c'est-à-dire le principe du minimum, elle ne veut avoir recours qu'à des palliatifs, l'amendement de l'honorable M. Valckenaere est insuffisant et inefficace.
Il propose de faire une masse des trois derniers trimestres de cette dernière année, espérant que le quatrième compensera le déficit qu'il prévoit nécessairement au second.
Mais si le stock existant doit influer sur le second trimestre, n'influera-t-il pas sur le suivant ; et si même les deux derniers produisent chacun 1,500,000 francs au trésor, êtes-vous certains qu'ils vous permettront en outre de récupérer le déficit du second ?
Cela me paraît inadmissible, et si les articles 5 et 6 sont adoptés, je proposerai par amendement que le minimum de recette ne régisse pas les trois derniers trimestres de cette année.
Le minimum est si bien la cause du malaise qui règne dans l'industrie sucrière que le rapport de la section centrale le déclare en toutes lettres ; elle s'en est préoccupée. Elle s'est demandé s'il n'y aurait pas moyen de modifier le projet et de l'améliorer à cet égard. Elle a considéré le minimum comme aboutissant à une élévation de droit d'accise à payer par les raffineurs et par les fabricants, sauf à eux à se rembourser sur le consommateur. Elle a donné à M. le ministre des finances l'idée d'augmenter le droit d'accise en cas de déficit et de frapper directement le consommateur, ce qui au moins n'entraînerait pas la rupture de la convention.
M. le ministre des finances ne l'a pas adoptée, partant toujours de ce point de départ erroné, de cette pétition de principe qu'il y a un excédant. Il est évident que s'il y en a, plus le droit d'accise sen élevé, plus l'excédant sera considérable ; mais je crois l'absence d'excédant sous le régime actuel parfaitement démontrée.
Le minimum est une mesure tout exceptionnelle, qui n'existe pour aucune autre industrie.
Plusieurs impôts sur des objets de consommation, plusieurs droits d'accise sont basés sur des rendements légaux, les distilleries et les brasseries en ont comme les raffineries. Elles ont peut-être des excédants, je ne l'examine même pas, mais on n'a jamais songé à dire à ces industries, on n'a jamais dit à la bière ni au genièvre : Vous produirez au minimum telle somme, coûte que coûte, bon gré, mal gré ; il n'y a que le sucre auquel on ait réservé ce privilège, il n'y a que le sucre auquel on ait dit : Vous produirez 6 millions, peut-être plus, jamais moins.
Ce régime n'existe qu'en Belgique ; la Hollande seule nous eût suivis dans cette voie ; mais avec cette différence que le minimum hollandais, fixé à 2 millions de florins, était en rapport avec le produit naturel de l'impôt, et a toujours été atteint, tandis qu'en Belgique le minimum exagéré de 6 millions de francs n'a jamais été obtenu par le jeu naturel de la loi.
Et quoique le minimum en Hollande n'eût point donné lieu aux inconvénients qui se sont produits en Belgique, on y renonce ; de sorte que nous serons désormais le seul pays qui le possède.
(page 671) La Hollande établit, il est vrai, une autre mesure qui n'est guère plus heureuse.
D'après l'article 3 du projet néerlandais, jusqu'au moment où le rendement définitif sera déterminé de commun accord par les puissances contractantes à la suite des expériences à faire encore, le gouvernement hollandais aura la faculté de diminuer la décharge à l'exportation des sucres raffinés si le chiffre des exportations pendant un semestre dépasse 35,000,000 de livres.
C'est là une disposition qui nuira au développement de l'industrie et que je crois mauvaise, au même titre que le minimum ; remarquons cependant qu'elle n'implique pas la destruction de la convention internationale, puisque le gouvernement ne se réserve cette faculté que jusqu'au moment où le rendement réel aura été déterminé.
Si le gouvernement belge veut n'établir aussi qu'un régime provisoire et consent à abandonner le minimum dès que les expériences auront été faites, il trouvera beaucoup moins d'adversaires qu'il n'en rencontre aujourd'hui.
Messieurs, sous l'empire de la diversité de législations existantes en Belgique et dans les autres pays il se produit un fait extrêmement regrettable ; tandis que l'exportation de la Hollande s'élève au chiffre de 65 millions de kilog., tandis que pour la France l'exportation s'élève en deux années (1861 à 1865) de 53 à 103 millions de kilog., en Belgique, au contraire, elle se trouve réduite pour ainsi dire à rien.
En 1860 nous exportions plus de 20 millions de kilogr., en 1864 le chiffre se réduit à 7 millions.
Le dernier semestre n'entre dans le total de l'année que pour 2,567,742 kilogr., et dans cette quantité les sucres candis entrent pour la plus forte part ; on n'exporte plus les sucres pilés, pains et lumps, que pour autant que les raffineurs obtiennent une qualité de sucre dont la consommation belge ne veut pas ou bien qu'ils mettent provisoirement une certaine quantité de sucre en entrepôt en attendant qu'ils le déclarent en consommation.
L'exportation belge des sucres pilés, notre principal article, n'est pas seulement en décadence, elle est complément ruinée, nos relations formées à grand-peine sont perdues, et le raffinage en est réduit à fermer ses usines.
Ces résultats désastreux se sont produits sous le régime du minimum, sous celui de l'inégalité de législation ; les raffineurs ne vous demandent que l'égalité ; ils demandent qu'on les mette sur le même pied que leurs concurrents de l'étranger ; ils ne réclament ni primes, ni excédants, ils ne veulent pas d'une loi de privilège, mais ils ont le droit d'attendre qu'on ne fasse pas contre eux une loi des suspects.
M. Carlier. - (page 673) Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous soumettre, d'accord avec mes honorables collègues et amis M. T'Serstevens et M. Bricoult, un amendement ayant pour objet de modifier l'article 4 du projet de loi et de faire admettre à la décharge complète les types n°10 et 11 tout aussi bien que les types n°12 et au-dessus.
Je me proposais de ne développer ce amendement que lorsque nous en serions à l'article 4, auquel il se rattache, et j'étais engagé à agir de la sorte parce qu'il me semblait plus convenable de permettre à M. le ministre des finances d'entendre toute la discussion ; mais pour utiliser cette séance, je me fais un devoir de présenter des observations qui peuvent s'appliquer aussi bien à l'ensemble du projet qu'à l'article 4 spécialement ; je soumettrai donc à la Chambre les raisons qui me paraissent de nature à lui faire adopter l'amendement.
Messieurs, le mobile de la loi, sa raison d'être, c'est le désir manifesté par les quatre gouvernements contractants d'établir entre les fabricants des quatre pays une égalité complète. 0r, messieurs, ne pas abaisser les conditions de la restitution totale du droit jusqu'au type numéro 10, c'est établir, au détriment du travail national, une inégalité désastreuse.
Les raisons ou plutôt la raison unique alléguée contre l'amendement, qui a eu l'avantage d'être combattu d'avance et en excellents termes par l'honorable rapporteur de la section centrale, cette raison, c'est que le rendement de 1,500 grammes est en conviction directe et tellement étroite avec le n°12 que si la décharge du droit accordait à un type inférieur, elle s'appliquerait non plus à une quantité de sucre équivalente à un rendement de 1,500 grammes par hectolitre de jus, mais équivalente à un rendement supérieur, ce qui aboutirait à ce que le fabricant pris en charge pour le sucre n°12, obtiendrait une restitution de plus de 45 fr. si cette décharge lui était accordée pour du sucre n°11 ou n°10.
Je déclare franchement, messieurs, que si cette proposition était nettement et complétement démontrée je considérerais l'amendement comme opposé à l'intérêt des fabricants ; mais jusqu'ici, bien que j'aie lu avec la plus grande attention et l'exposé des motifs et le rapport de la section centrale, bien que j'aie écouté avec non moins d'attention tout ce qui a été dit à cet égard, je n'ai rencontré nulle part la démonstration de la proposition que je viens de rappeler.
Je puis donc tout aussi bien admettre les dires des fabricants et des raffineurs que les dires de la section centrale.
La section centrale affirme qu'il y a une relation directe entre le rendement de 1,500 grammes et le type n°12 ; les fabricants et les raffineurs affirment que c'est le type n°10 qui est en relation directe avec ce rendement de 1,500 grammes. Ils vont plus loin, ils disent que dans une fabrication normale non seulement ce n’est pas le n°12 qui est en relation directe avec la prise en charge de 1,500 grammes, mais que le n°10 forme plus des 8/10 du produit avec cette prise en charge.
Eh bien, messieurs, il est clair que si cette proposition de vos fabricants est exacte, ne leur accorder la restitution du droit qu'ils ont payé pour tout le sucre produit, que sur le pied de 43 fr. au lieu de 45 fr., lorsqu'ils exportent du sucre n°10 ou n°11, c'est ne leur rembourser qu'une partie du droit, et par conséquent les placer dans une position d'inégalité vis-à-vis de leurs concurrents des pays voisins.
Il est clair que si l'on ne rembourse aux fabricants belges que 43 fr. lorsqu'ils ont payé 45 fr., ils subissent une perte de 4.44 pour cent, et comment pourraient-ils exporter alors que leurs concurrents viendront présenter leur sucre avec un écart de 4.44 p. c. ?
II existe, messieurs, un fait qui pour moi a une importance extrême dans le point du débat que j'ai l'avantage d'aborder. C'est la législation française ou plutôt le taux admis par la législation française pour l'importation des sucres.
En France les sucres, jusqu'au type n°12 seulement, sont admis à un taux qui est, je crois, de 44 francs. Mais du moment que l'on entre en France des types n°13, le droit d'importation est surélevé de 2 francs.
Je n'ai pas la loi française en main ; il est possible que je commette une erreur à cet égard ; je crois cependant que mes renseignements sont exacts.
M. Thonissenµ. - C'est ainsi.
M. Carlier. - J'ai l'honneur, messieurs, de représenter plus particulièrement dans cette Chambre un arrondissement qui est limitrophe de la France, qui possède de nombreuses fabriques de sucre et dont les transactions commerciales ont lieu surtout avec nos voisins du Midi.
Eh bien, que notre législation soit admise telle qu'elle est proposée par le gouvernement et la section centrale, qu'en résultera-t-il pour ces nombreux fabricants qui travaillent surtout pour l'exportation vers la France ? C'est qu'ils ne pourront obtenir décharge intégrale du droit qu'ils auront versé au trésor qu'en exportant du type n°12 au moins ; au-dessous du n°12 on ne leur accorderait que la réduction de 43 fr. au lieu de 45, on leur fera donc supporter une perte de 2 fr.
Il s'ensuivra aussi que nos fabricants ne pourront exporter en France sans s'exposer à une surtaxe à l'entrée, que des types n°12 exclusivement. Et comme ces sortes d'appréciations sont extrêmement difficiles, qu'il faut être un expert des plus adroits et des plus attentifs pour pouvoir fixer exactement le type d'un sucre, surtout lorsqu'il n'y a que la distance d'un numéro à un autre, il arrivera presque toujours que la reconnaissance du seul type possible, le numéro 12, soulèvera des difficultés.
Le fabricant aura donc à discuter d'abord pour faire reconnaître à la sortie de Belgique que son type est bien du numéro 12, et pour obtenir par là la restitution de l'entièreté du droit, et qu'il aura encore à discuter pour faire reconnaître que ce n'est pas du numéro 13 et pour éviter, à l'entrée en France, la surtaxe de 2 fr. qui lui créerait une autre inégalité et une autre situation préjudiciable.
Il est clair, messieurs, que placer nos fabricants je ne dirai pas dans cette impasse, mais dans cette voie extrêmement étroite, presque impraticable, c'est lui rendre l'exportation impossible, à moins qu'ils ne se résignent à faire l'exportation dans les conditions préjudiciables de 4.44 p. c. de perte vis-à-vis de leurs concurrents ou de faire l'exportation avec la surtaxe de 2 fr. qu'ils auront à subir à l'entrée en France ; c'est dire à nos fabricants : Vous pourrez fabriquer pour l'exportation des types n°12 et même un peu plus pour éviter toute difficulté et vous ne pourrez exporter que des types au-dessous du n°13.
Voilà donc que la restitution sera restreinte à l'écart extrêmement fable qui existe entre les types numéros 12 et 13.
Or, je vous le demande, messieurs, est-ce là une condition d'égalité parfaite ? Est-ce répondre aux vœux qui nous ont fait présenter le projet de loi ? Je crois que la réponse est négative et qu'elle doit nécessairement entraîner l'admission de l'amendement que j'ai proposé.
Comme j'ai eu l'honneur de le dire, je me réserve de présenter d'autres objections lorsque viendra la discussion sur l'article 4.
- L'amendement est appuyé.
(page 671) M. de Theuxµ. - Messieurs, la question des sucres est assurément une de celles qui ont le plus ému le pays depuis un grand nombre d'années, à raison de l'importance de l'industrie et du commerce.
Le sucre de betteraves, messieurs, n'a pas obtenu un brevet d'importation ou d'invention en Belgique, mais il y a été introduit avec infiniment de peine, car il trouvait une vive opposition parmi les partisans du sucre exotique et parmi les partisans de la navigation maritime.
C'est à tel point que lorsque les premières sucreries ont demandé au gouvernement l'autorisation de se constituer en société anonyme alors que j'étais ministre de l'intérieur, j'ai rencontré la plus grande opposition à ce que ce premier acte fût posé par le gouvernement. J'ai cependant contresigné la première constitution de société anonyme.
Lorsque cette société et d'autres furent établies, le commerce du sucre exotique jeta les hauts cris. On a même cherché à interdire la fabrication du sucre de betteraves ; on a voulu indemniser les sucriers, établis et interdire pour l'avenir cette fabrication.
Ce système, messieurs, n'a pas été accueilli.
Néanmoins on a cherché toujours, par la différence des impôts, à entraver cette industrie nouvelle.
D'autre part, le sucre de betteraves, je ne me le dissimule pas, avait cherché à obtenir d'une manière indirecte des primes d'exportation.
Voilà la lutte suprême qui a existé entre les deux commerces.
Le gouvernement, messieurs, au milieu de toutes ces luttes perdait beaucoup pour le trésor. On inventa alors le minimum de rendement pour les sucres.
Cette situation a varié quant aux quantités qu'on assignait au trésor. Les gouvernements se faisaient tous la concurrence, favorisant chacun jour leur industrie nationale.
Cette situation était détestable au point de vue des industries et au point de vue des intérêts du trésor des pays respectifs.
J'ai plusieurs fois dit qu'il serait désirable qu'une entente s'établît entre les divers gouvernements pour arriver à assurer à chaque partie une recette convenable sur cet objet de consommation et d'autre part pour asseoir une législation conforme aux grands intérêts dont il était question.
Le moment est arrivé aujourd'hui où les gouvernements se sont entendus ; les intérêts du trésor sont donc assurés pour les divers pays et il dépend de nous de faire une bonne législation pour assurer aussi les intérêts de l'industrie et du commerce.
Le minimum de recette imposé à l'industrie des sucres était une nécessité à l'époque où il a été introduit, mais il n'a plus de raison d'être aujourd'hui qu'il y a accord entre tous les gouvernements, aujourd'hui que l'on a adopté dans tous les divers pays un même système de rendement.
Le minimum est une mesure exorbitante que rien ne justifie plus, qui n'est appliquée à aucune industrie et qui jette dans le commerce des sucres des difficultés extrêmement considérables, car on ne sait jamais, si ce n'est à l'expiration de l'année, quel sera le résultat de son industrie et de son commerce.
C'est là une situation dont on s'est plaint depuis longtemps et je crois que l'occasion se présente de la faire cesser. Le tout est d'arriver à fixer convenablement le droit de restitution à la sortie et de modifier, s'il le faut, de temps à autre le taux du rendement à mesure que des perfectionnements considérables se seraient introduits, afin de maintenir dans les divers pays l'égalité de situation.
Quant à moi donc, je suis très disposé à voter contre le maintien du minimum et je crois que c'est là l'intérêt principal.
Quant aux questions de détail, on pourra les examiner dans le cours de la discussion des articles.
En ce moment je me borne à signaler l'opportunité de supprimer le minimum fixe de rendement de 6 millions.
M. Vermeireµ. - J'ai demandé la parole pour faire connaître mon opinion sur le projet qui nous est soumis en ce moment.
La question des sucres, comme on l'a déjà fait remarquer, a soulevé maintes fois des discussions parce qu'elle embrasse des intérêts importants.
A mon avis, aussi longtemps qu'il y aura des primes à l'exportation, soit réelles, soit déguisées, on rencontrera des difficultés dans l'application de la loi.
Aujourd'hui on soutient d'une part que le minimum de droit ne devrait pas être maintenu, parce que le chiffre de rendement et assez élevé pour assurer au gouvernement toutes les recettes que pourrait donner la consommation du sucre dans le pays si l'accise avait pour base la consommation réelle et d'autre part que si le sucre destiné à l'exportation était fabriqué en entrepôt nous ne rencontrerions pas toutes les difficultés qui surgissent dans le système actuel.
Pour ma part, je voterai le projet du gouvernement, non parce que j'en approuve les bases, mais parce qu'en présence de l'acte international qui est intervenu, il ne me paraît pas possible de m'y opposer, je le voterai encore parce qu'il me paraît nécessaire qu'un minimum de 6 millions soit acquis au trésor. Lorsque la bière, qui est de consommation générale, produit au trésor 13,000,000, il serait injuste de ne pas faire produire aux sucres au moins 6 millions. Si l'on pouvait établir le droit sur la consommation réelle, je ne verrais même aucun inconvénient à augmenter la quotité de ce droit.
- Des voix. - A mardi.
M. Bouvierµ. - Je demande que la discussion générale soit close et que la séance continue.
- Une voix. - Le ministre doit répondre.
M. Bouvierµ. - On pourrait réserver la parole à M. le ministre.
MpVµ. - Il y a une proposition de remettre la séance à mardi.
M. J. Jouret. - M. Dumortier est prêt à parler.
M. Dumortier. - Je ne puis parler devant une Chambre qui n'est pas en nombre.
- Des voix. - A mardi.
La séance est levée à trois heures et un quart.