(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 655) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Vau Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces adressées a la Chambre.
« Le sieur Fritz Lüneburg, industriel à Molenbeek-Saint-Jean, né à Lewzow (Mecklembourg-Schwerin), demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Ouvynot demande que le projet de loi concernant le tarif des voyageurs sur les chemins de fer permette la délivrance de billets d'abonnement. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Vandenplas transmet des pièces à l'appui de sa demande ayant pour objet une pension sur le fonds spécial des blessés de septembre. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Goossens prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à être indemnisé des pertes qu'il a essuyées par suite des événements de guerre. »
- Même renvoi.
« M. Hayez, forcé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé d'un jour. »
- Ce congé est accordé.
M. Thienpont et M. Bouvierµ déposent divers rapports de la commission des naturalisations sur des demandes de naturalisation ordinaire.
- Ces rapports seront imprimés et distribués et mis à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Gilly, le 10 février 1863, des administrateurs, industriels, négociants et cultivateurs à Gilly présentent des observations relatives au chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi et Châtelineau dont la concession est demandée par les sieurs Hans père et fils, en signalant que les deux sections dont se compose cette voie de Bruxelles à Luttre et de Luttre à Châtelineau doit être concédée par le gouvernement comme un seul tout.
Votre commission vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. Pirmez. - Je dois appeler l'attention du gouvernement sur l'importance de ce chemin de fer.
Le chemin de fer qui est demandé en concession est le chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles.
Il est assez étrange que jusqu'à présent l'arrondissement de Charleroi, qui est, au point de vue de la production des matières pondéreuses, le plus important du pays, ne soit pas encore relié directement à la capitale. On peut certainement aller en chemin de fer de Charleroi à Bruxelles, niais c'est pour ainsi dire par occasion.
Il y a un chemin de fer qui conduit de Charleroi au chemin de fer de Bruxelles à Mons, et un autre qui conduit au chemin de fer de Namur à Bruxelles ; en sorte que, en passant par l'un ou l'autre de ces chemins de fer, on arrive toujours après avoir fait un très long détour.
Or, le chemin de fer dont on demande la concession relierait directement le bassin de Charleroi avec la capitale.
La Chambre comprend l'importance que doit avoir un pareil chemin de fer.
Pour que ce chemin de fer s'exécute, on ne demande rien au gouvernement. Si le gouvernement voulait concéder ce chemin, il trouverait immédiatement des personnes disposées à l'entreprendre, sans aucun sacrifice. Ici, on va même plus loin ; non seulement on ne demande rien au gouvernement, mais on lui offre des conditions extrêmement avantageuses.
Ainsi les demandeurs en concession seraient disposés à entreprendre ce chemin de fer, à la condition de toucher seulement 45 p. c. des recettes.
Or, comme il est certain que le gouvernement pourrait exploiter ce chemin de fer à raison de 40 p. c. du produit brut, il aurait un bénéfice assuré de 15 p. c., ce qui, je crois, est très convenable.
Si le gouvernement entend faire entièrement le chemin de fer par lui-même, pour ma part, je ne demande pas mieux, mais je dois faire une réserve.
Il y a si longtemps que ce chemin de fer est demandé et si longtemps qu'on attend une loi qui en accorde la concession, que nous pourrions croire que le gouvernement attend pour accorder un jour cette concession dans un grand projet de travaux publics en disant à l'arrondissement de Charleroi : Voilà votre part. Or, je tiens à déclarer que si c’est dans ce but que l'on attend, on se trompe ; nous ne pourrions pas considérer ce chemin de fer comme un avantage gratuit. En effet nous ne demandons qu'une seule chose, c'est qu'on nous laisse faire.
Nous demandons en cette circonstance, comme en toutes les autre, le laisser faire, laisser passer. Si donc le gouvernement veut faire lui-même le chemin de fer, ce n'est pas pour faire un avantage à l'arrondissement de Charleroi, mais pour en tirer lui-même parti et pour se créer des revenus qui viendraient s'ajouter à tous ceux que l'arrondissement de Charleroi paye déjà alors que les autres ne payent rien. Il s'agit ici de faire une bonne opération pour l'Etat, elle peut être faite isolément, on ne peut donc trop se hâter.
J'insiste beaucoup pour que le gouvernement prenne sans retard une décision à cet égard et j'ai d'autant plus le droit de le faire que depuis très longtemps le gouvernement nous a annoncé un projet de loi sur l'abaissement des péages sur les canaux et que ce projet est toujours différé.
- Les conclusions, qui sont le renvoi à M. le ministre des travaux publics, sont mises aux voix et adoptées.
M. de Ridder, rapporteurµ. - Par pétition du 14 février 1865, des administrateurs, industriels et négociants à Châtelet présentent des observations relatives au chemin de fer direct de Bruxelles à Charleroi et Châtelineau, dont la concession est demandée par les sieurs Hans père et fils. Les pétitionnaires pensent que les deux stations dont est composée cette ligne doivent être exécutées simultanément à double voie.
Votre commission vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. Sabatier. - Je ferai remarquer à l'honorable ministre des travaux publics que les observations présentées par mon honorable ami M. Pirmez ont assez d'importance pour mérite une réponse du gouvernemeut. Le chemin de fer direct de Châtelineau à Bruxelles par Luttre est réclamé par un grand nombre de conseils communaux et doit desservir des intérêts industriels dont il faut tenir compte.
Je désirerais que l'honorable ministre des travaux publics fît connaître son opinion sur ce point.
Un autre objet non moins important a été indiqué par l'honorable membre ; il s'agit du projet de loi réglant les péages des voies navigables conformément aux conclusions de la commission dont le travail a été invoqué bien des fois déjà. Sur ce second point j'appelle également une réponse du gouvernement.
Le retard apporté dans la présentation du projet de loi réclamé est à peine explicable.
Je désirerais savoir s'il ne sera pas mis bientôt fin à ce retard.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je ne savais pas que l'honorable député qui a le premier pris la parole attachât de l'importance à ce que je lui fisse une réponse. Cette réponse, je l'avais déjà faite anticipativement ; j'ai dit que le gouvernement s'occupait lui-même d'étudier un projet direct sur Charleroi et non seulement sur Charleroi, mais encore sur Châtelineau. Je ne pense pas que je puisse rien faire de plus favorable pour l'arrondissement de (page 656) Charleroi. Il est vrai que l’ honorable membre n'entend pas que nous considérions cela comme un cadeau fait à son arrondissement.
L’honorable membre pourra juger de la conduite du gouvernement comme il le voudra ; je ferai seulement cette simple réflexion que tous les habitants de cet arrondissement à qui j’ai eu l’occasion d’annoncer que le gouvernement se proposait de se substituer aux demandeurs en concession pour le chemin de fer direct de Bruxelles par Luttre sur Châtelineau, que tous les intéressés m’ont répondu que c’était le summum de ce que l’arrondissement de Chrleroi pouvait espérer.
M. Pirmez. - Je ne demande pas autre chose.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Vous ne demandez pas autre chose, mais vous dites que ce n'est pas un cadeau pour l'arrondissement.
M. Bouvierµ. - Faites donc un chemin de fer pour notre arrondissement.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je me permettrai donc de faire remarquer à l'honorable M. Pirmez qu'il est eu contradiction avec l'opinion que m'ont exprimée tous les intéressés de Charleroi à qui j'ai fait part du projet du gouvernement. Et pourquoi tous les intéressés de Charleroi, l'honorable M. Pirmez excepté, comptent-ils pour un cadeau très important l’établissement d'un chemin de fer direct par l’Etat ? Parce que l'exploitation de l'Etat est supérieure à l'exploitation des compagnies.
J'entends des plaintes journalières de la part de l'arrondissement de Charleroi en particulier contre la compagnie du Grand-Central, par exemple ; voilà pourquoi l'arrondissement de Charleroi attache le plus grand prix à ce que ce soit l'Etat qui entreprenne le chemin de fer direct.
Quand le gouvernement présentera-t-il le projet de loi dans lequel se trouverait inscrit l'établissement de chemin de ce fer ? Le plus tôt possible, c'est tout ce que je puis dire pour le moment.
En ce qui concerne les péages, j'ai déjà dit que le gouvernement s'occupait de la réduction proposée par la commission spéciale, instituée sur son initiative.
Si le gouvernement a apporté quelque retard dans le dépôt du projet de loi décrétant la réduction des péages, je dois dire que la députation de Charleroi n'est pas étrangère à ce retard. L'opinion a été exprimée dans le sein même de cette députation qu'il pouvait y avoir un intérêt industriel considérable dans un ajournement qui permettrait de reprendre et de suivre avec activité des négociations avec la France au sujet de l'abaissement des péages sur la Sambre.
Voilà, je ne dirai pas une des raisons qui ont engagé le gouvernement à ne pas précipiter cette affaire, mais la principale, la seule raison. Cependant le gouvernement n'attendra pas plus longtemps pour donner sous ce rapport pleine satisfaction aux intérêts de Charleroi.
M. Pirmez. - Le point important quant à la question des canaux est que le gouvernement se décide à présenter bientôt un projet de loi. Le gouvernement est à cet égard disposé à satisfaire à notre désir. il n’y a donc plus lieu de s'occuper de ce qui n'a été qu'un malentendu.
Je dois dire seulement que jamais les députés de Charleroi n'ont demandé qu'il fût sursis à la présentation de ce projet. Il n'a été question au mois de décembre que d'attendre jusqu'à la fin des vacances de Noël. Nous avons donc le droit de compter sur le prompt dépôt du projet. C’est ce que nous voulons.
La réponse que vient de faire M. le ministre concernant le chemin de fer est tout simplement équivoque. Il a trouvé très commode, très mordant même de me présenter comme étant en dissidence d'opinion avec tout l’arrondissement de Charleroi, comme repoussant ce que tout le monde demande, comme étant, en un mot, tout seul de mon opinion. Je suis, non seulement de l'avis de tous mes collègues de Charleroi, mais encore de tous les industriels de l'arrondissement et pas un d'eux ne donnera à M. le ministre l'approbation qu'il a reçue dans une interruption d'un honorable député de Mons. (Interruption.)
Je me suis borné à constater une chose.
M. de Brouckere. - J'en constaterai aussi...
M. Pirmez... ^- Je me suis borné, quant au chemin de fer direct, à constater que la seule chose qu'on demandait au gouvernement était de laisser construire ce chemin et de l'exploiter en prenant seulement 40 p. c. de la recette, en sorte qu'il aurait nécessairement 15 p. c. de bénéfices sur la recette brute.
Tout le monde est d'accord que le gouvernement peut exploiter ce chemin de fer, que même il l'exploitera avec bénéfice, et que si au lieu de le faire construire, il le construit lui-même, il réalisera encore un bénéfice de ce chef.
Eh bien, je dis que quand le gouvernement fait des entreprises de ce genre, il n'avantage pas l'arrondissement, mais il s'avantage lui-même.
Maintenant, j'ai eu un but et je crois qu’à cet égard encore mon opinion sera partagée par tous les industriels de Charleroi, c'est de démontrer que la construction de ce chemin de fer ne peut pas être considérée comme un sacrifice fait par le trésor dans l'intérêt de l'arrondissement de Charleroi ; et que par conséquent il ne peut y avoir lieu d'attendre un partage des avantages, des ressources de l'Etat pour faire exécuter ce chemin de fer.
Mais jamais je n'ai eu l'intention d'empêcher le gouvernement de faire ce chemin de fer, comme M. le ministre le suppose. J'ai dit exactement le contraire.
On comprend que si nous demandions au gouvernement un minimum d'intérêt pour un mauvais chemin de fer, si nous demandions la création d'un canal sur lequel on ne percevrait pas de droits, situation dans laquelle sont la plupart des canaux du pays, alors je crois que le gouvernement pourrait dire que nous réclamons notre part des faveurs du budget ; mas quand nous demandons un chemin de fer sous tous les rapports avantageux à l'Etat, une des meilleures lignes du pays, nous indiquons au gouvernement le moyen de faire une excellente opération et d'augmenter ses revenus au lieu de les diminuer.
M de Brouckereµ. - Il faut que l'honorable préopinant ait un bien grand plaisir à soulever d'anciennes discussions entre deux arrondissements, discussions que je croyais oubliées, pour qu'il m'ait adressé des paroles agressives sans motif aucun.
Voici ce qui s'est passé. M. le ministre des travaux publics, dans la réponse qu'il faisait à l'honorable M. Pirmez, disait que les chemins de fer de l'Etat étaient mieux exploités que les chemins de fer appartenant aux sociétés particulières, et j'ai dit : « Cela est incontestable. »
Je n'ai pas dit un mot de plus, et l’honorable M. Pirmez part de là pour dire qu'un député de Mons a approuvé la réponse que l'honorable ministre des travaux publics avait faite à l'honorable député de Charleroi. Je demande maintenant si j'ai eu raison de dire que l'honorable M. Pirmez m'avait adressé des paroles agressives sans motif aucun. Mais enfin puisque l'honorable membre veut m'attirer dans la lutte, je le veux bien. Je suis persuadé que nous sommes très nombreux ici qui ne comprenons pas M, Pirmez, car voici tout le discours : Nous voudrions bien un chemin de fer qui allât de Charleroi à Bruxelles, en passant par Châtelineau (Interruption.)
M. le ministre des travaux publics répond : « Je suis très disposé à vous accorder ce chemin de fer. » Mais M. Pirmez fait une réserve, il dit : Je voudrais bien avoir le chemin de fer, mais je vous préviens que je ne vous en aurai pas de reconnaissance. Je ne saurais approuver ce langage ; quand on témoigne le désir d'avoir un chemin de fer et que le gouvernement dit : Je suis disposé à vous le donner, certes je ne demande pas que M. Pirmez donne dès à présent au gouvernement un témoignage de reconnaissance sans bornes, mais je trouve étonnant que l’on dise dès aujourd'hui : Je voudrais le chemin de fer mais je vous déclare que je ne vous en aurai aucune reconnaissance. Je ne puis pas approuver un pareil langage.
M. Bouvierµ. - Je ne veux pas critiquer les observations de M. Pirmez, mais je dois faire observer que Charleroi possède des chemins de fer, que M. le ministre des travaux publics vient de déclarer que Charleroi et Châtelineau auront bientôt une ligue directe sur Bruxelles. Quant à nous, représentant de l'arrondissement de Virton, nous ne jouissons d'aucun chemin de fer et nous dirons que si M. le ministre des travaux publics veut comprendre dans son grand projet de loi de travaux publics, un chemin de fer qui nous amène directement à Virton, je déclare d'avance que je l'accepterai comme un cadeau et que mon arrondissement et moi nous vouerons à l'honorable ministre des travaux publics une éternelle reconnaissance.
M. Hymans. - Messieurs, j'ai deux mots à dire sur la question des péages. Cette question n'intéresse pas seulement l'arrondissement de Charleroi, comme on paraît le croire ; elle intéresse le pays tout entier ; elle intéresse spécialement l'arrondissement de Bruxelles, et c'est au nom de cet arrondissement que je viens réclamer, moi aussi, la prompte exécution des promesses qui nous ont été si souvent faites par le gouvernement dans cette enceinte.
La navigation se trouve dans une situation des plus fâcheuses ; des intérêts très sérieux sont gravement compromis : il me serait facile d'en apporter ici la preuve.
Des promesses nous ont été faites à diverses reprises. La solution de la question a été ajournée, dit-on, par suite de l'opposition de MM. les (page 657) représentants de Charleroi. Cette opposition a causé à l'arrondissement de Bruxelles un très notable préjudice. Sans elle, il est probable que nous aurions obtenu une réduction de péages avant le mois d'avril, c'est-à-dire avant la période qui est évidemment la plus favorable à la navigation.
Des intérêts sérieux se trouvent donc compromis ; j'ajoute que l'incertitude qui plane sur la solution de la question est pour ces intérêts plus préjudiciable encore que l'assurance positive que rien ne serait fait.
Puisque le gouvernement nous a dit que l'opposition des députés de Charleroi avait été la seule cause du retard, et puisque cette opposition se trouve aujourd'hui levée, nous avons le droit d'espérer que la question recevra une solution immédiate.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, l'honorable M. Pirmez me reproche d'avoir cherché à faire un discours spirituel, mordant. Il n'en est rien ; je ne me placerai jamais sur ce terrain, je n'en ai pas les moyens ; je ne m'y placerai pas, surtout vis-à-vis de l'honorable M. Pirmez. J'ai seulement protesté, ainsi que l'a fait l'honorable M. de Brouckere, contre l'injustice que l'honorable M. Pirmez se dispose à commettre, le jour même où nous déposerons un projet de loi ayant entre autres pour objet la construction d'un chemin de fer direct sur Charleroi et sur Châtelineau.
« Qu'importe à l'arrondissement de Charleroi ? dit l'honorable M. Pirmez ; nous pouvons avoir ce chemin de fer sans votre intervention ; vous n'avez qu'à le concéder. »
J'ai fait à l'honorable M. Pirmez cette première réponse : Ne vaut-il pas mieux avoir un chemin de fer bien exploité par l'Etat qu'un chemin de fer médiocrement exploité par une compagnie ? (Interruption.)
Maintenant, nous sommes d'accord, à ce qu'il paraît.
« Mais, a-t-on ajouté, l'Etat y gagnera pécuniairement. »Et pourquoi ? Parce qu'on offre de céder l'exploitation à l'Etat moyennant 45 p. c. de la recette brute, et que par conséquent l'Etat, qui exploite à raison de 40 p. c, aurait un produit net de 15 p. c.
D'abord, nous n'exploitons pas à 40 p. c ; nous exploitons à 50 p. c. (Interruption.) Il en sera de ces nouveaux chemins de fer comme de tous les autres.
D'un autre côté, l'opération se réduira dans tous les cas pour l'Etat aune perte considérable. Il est vrai que la perte sera moins considérable si l'Etat exploite lui-même le chemin direct ; mais en fin de compte, la perte pour l'Etat sera toujours très sensible.
En effet, le chemin direct détournera d'énormes transports qui arrivent aujourd'hui à Bruxelles par Manage. Cela n'est-il rien aux yeux de l'honorable M. Pirmez ?
Mais je me hate d'ajouter que l'honorable M. Pirmez a été jusqu'ici le seul à exprimer cette opinion.
Messieurs, le chemin de fer projeté ne se compose pas seulement d'une section de Bruxelles sur Luttre, établissant ainsi la communication directe entre Bruxelles et Charleroi ; il se compose aussi d'une seconde section, de Luttre à Châtelineau. Or, il y a trois ans, si je ne me trompe, que, sur une interpellation faite en section centrale par l'honorable M. Lebeau, j'ai dit que le gouvernement était prêt à concéder cette section de Luttre à Châtelineau. Jusqu'ici personne ne s'est présenté pour prendre cette concession à ses frais.
M. Pirmez. - On veut bien la prendre comme dépendance.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - On veut la prendre comme dépendance, mais toujours est-il que l'Etat va construire cette ligne dont les concessionnaires n'ont pas voulu.
L'honorable M. Pirmez peut persister à dire par anticipation que ce que le gouvernement fera en cette circonstance n'aura aucune espèce de valeur pour l'arrondissement de Charleroi.
M. Pirmez. - Je n'ai pas dit cela.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - L'avantage, au contraire, sera considérable, telle est au moins mon opinion.
Je dirai encore un mot des péages.
L'honorable M. Hymans dit : Il n'y a pas que l'arrondissement de Charleroi qui soit intéressé dans cette affaire. Mais qu'on veuille bien prendre la question comme elle se présentait. Si moyennant le retard qui a été mis à la présentation d'un projet de loi décrétant l'abaissement des péages, on était arrivé à un abaissement des péages sur la Sambre française, il est évident que nous aurions ainsi posé un acte conforme à l'intérêt du pays et que certainement le léger préjudice qui aurait pu résulter de ce retard, pour Bruxelles, aurait été racheté au décuple par l'avantage permanent qu'aurait obtenu le bassin de Charleroi.
M. Pirmez. - Cette raison n'existe plus.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Elle n’existe plus d’aujourd’hui seulement, et aujourd’hui même nous déclarons que nous déposerons un projet de loi à bref délai.
- Les conclusions du rapport sont adoptées.
M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Rhode-Saint-Genèse, le 30 janvier 1865, le conseil communal de Rhode-Saint-Genèse demanda l’établissement d'un chemin de fer direct de Charleroi à Bruxelles par Rhode-Saint-Genèse, pour relier le bassin de Charleroi à la capitale.
Même demande a été adressée, le 17 septembre 1864, à la Chambre par le conseil communal de Gosselies. Le renvoi à M. le ministre des travaux publics a été adopté.
Votre commission vous propose également le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. -
Par pétition datée de Lodelinsart, le 28 janvier 1865, plusieurs habitants de Lodelinsart demandent que le bureau des postes et du télégraphe, établi à la station du chemin de fer de l'Est-Belge, à l'extrémité de cette commune, soit transféré au centre de Lodelinsart. Antérieurement, M. le ministre des travaux publics, par sa lettre du 16 mars 1864, leur a fait connaître que des raisons de service ne lui permettaient pas de souscrire à ce déplacement, que la situation actuelle du bureau n'offre plus les mêmes inconvénients signalés par les pétitionnaires, depuis que les facteurs ont été autorisés à servir d'intermédiaire pour le départ des lettres. Nonobstant cette réponse, les pétitionnaires continuent à se plaindre de devoir se transporter à l’extrémité de la commune pour le chargement des lettres ainsi que du télégraphe, dont ils font un fréquent usage ; il y a une distante d'un kilomètre et demi de la plus grande partie des verreries ; ils disent qu'il résulterait du transfert une économie notable pour l'Etat. L'administration communale offre gratuitement des locaux pour le service de la poste et du télégraphe.
Par ces motifs, votre commission vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Lodelinsart, le 6 février 1865, le sieur Verheggen, combattant de septembre non-pensionné, se plaint de ce que l'administration communale de sa commune ne lui a pas remis la décoration de chevalier de l'Ordre de Léopold qui lui aurait été conférée, et qu'elle aurait reçue en décembre 1859 pour lui remettre.
Le pétitionnaire paraît avoir une idée fixe d'avoir été décoré, il attribue tous ses malheurs à l'administration de sa commune par le refus de lui remettre cette déclaration, il entre à cet égard dans de longs détails qu'il est inutile de reproduire.
Votre commission vous propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition adressée à la Chambre le 7 février 1865, des négociants industriels et propriétaires, riverains des prairies le long de l'Escaut élans les environs d'Audenarde se plaignent du régime actuel des eaux de ce fleuve pour faciliter la navigation et rendre régulière l'irrigation de leurs propriétés, ils signalent que divers travaux sont indispensables pour remédier à cet état de choses qui porte un grand préjudice à leurs intérêts ainsi qu'à la navigation qui ne se fût plus depuis 3 ans qu'avec grande difficulté.
Votre commission vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. Vander Donckt. - L'objet de cette pétition est d'un intérêt majeur et d'une très grande importance pour l'arrondissement que j’ai l'honneur de représenter plus spécialement dans cette enceinte. Je ne répéterai pas tout ce que j'ai en l'honneur de vous dire lors de la discussion du budget des travaux publics de l’année dernière, mais j'appellerai l'attention toute spéciale de l’honorable ministre des travaux publics sur le triste état dans lequel se trouve encore aujourd'hui l'Escaut ainsi que les prairies qu'arrosai autrefois cette rivière. Non seulement l’agriculture, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, éprouve annuellement une perte de plusieurs millions par suite de la sécheresse, du manque d'irrigation de ces prairies fertiles, les plus fertiles du pays, alors qu'elles étaient arrosées par les eaux limoneuses de cette rivière ; mais à cause de l'irrégularité actuelle de la navigation, qui souffre tout autant que les propriétaires et les locataires des prairies de l'Escaut.
L'honorable ministre, dans une autre séance, nous a dit qu'il y avait des mesures à prendre, mais que ces mesures auraient peut-être donné lieu à la canalisation de la rivière ; messieurs, c'est là, je dois le dire, un moyen d'éconduire les pétitionnaires, un moyen d'ajourner indéfiniment (page 658) les travaux, puisque la question de la canalisation date déjà des premières années de notre existence politique ; il y a eu des enquêtes, il y a eu des commissions et de longs rapports qui ont donné lieu à des discussions sans fin, et l'on y a définitivement renoncé à cause des inconvénients et des frais énormes de cette canalisation.
Aujourd'hui il s'agit tout simplement et pour améliorer le cours de la rivière et pour procurer les irrigations indispensables aux prairies riveraines, il s'agit simplement de quelques barrages.
Le gouvernement a fait étudier cette affaire par le corps des ponts et chaussées, et si je suis bien informé, il y a eu un rapport favorable à la construction de ces barrages. Ce sont surtout ces prairies de l'Escaut qui exigent quelques dépenses légères en comparaison des pertes immenses que subissent et la navigation et les propriétaires riverains, ce serait une dépense très minime, le montant de la perte d'une seule année suffit pour rendre régulières la navigation et en même temps l'irrigation de ces prairies.
J'insiste donc auprès du gouvernement pour qu'il avise sans désemparer aux mesures à prendre pour rétablir l'Escaut dans l'état où il se trouvait avant que par le fait du gouvernement des saignées eussent été faites, des prises d'eau considérables qui ont réduit la navigabilité de la rivière et privé ces prairies du limon fécondant qui les engraissait.
Je recommande cette affaire à l'attention bienveillante de l'honorable ministre des travaux publics.
M. Magherman. - Je viens appuyer les considérations développées par l'honorable M. Vander Donckt. Depuis longtemps l'Escaut se trouve dans une situation réellement déplorable ; tantôt la vallée de ce fleuve est livrée aux inondations, tantôt c'est le manque d'eau qui s'y fait sentir ; il faut absolument remédier à cet état de choses.
La question est complexe. Divers intérêts sont en présence, l'intérêt de la navigation et l'intérêt de l'agriculture.
C'est une question qui doit être étudiée mûrement, mais enfin il faut que l'on mette la main à l'œuvre. Je prie le gouvernement de bien faire comprendre à ses ingénieurs que les intérêts de l'agriculture ont ici une importance majeure et qu'ils ne peuvent pas être sacrifiés aux intérêts de la navigation. La question peut recevoir une solution qui satisfasse tous les intérêts, mais il faut beaucoup de prudence et beaucoup de ménagements. Dans tous les cas, je le répète, il faut mettre la main à l'œuvre ; on ne peut pas se livrer à des études sans fin.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - J'ai seulement demandé la parole pour faire une déclaration. Les honorables membres pensent qu'on a mis en avant la canalisation de l'Escaut comme une fin de non-recevoir et ils insistent beaucoup pour que le gouvernement mette un terme à des études qui menacent de s'éterniser. Je ferai remarquer aux honorables membres que la main est mise à l'œuvre. On vient de terminer un barrage écluse à Antoing, on va en entreprendre un immédiatement au-dessous de Tournai ; deux autres seront entrepris successivement à Espierres et à Autryve.
Pour ma part, si je suis convaincu qu'une canalisation bien entendue est de nature à satisfaire tous les intérêts, je déclare que je n'apporterai, non pas au commencement mais à la poursuite de cette œuvre, d'autre retard que celui qui résulte de la surcharge de besogne qui pèse sur les agents des ponts et chaussées. Le travail de canalisation sera poursuivi dans la mesure de ce que pourront faire les ingénieurs de l'administration.
M. Dumortier. - Messieurs, vous venez d'entendre que M. le ministre des travaux publics veut commencer et poursuivre la canalisation de l'Escaut. Eh bien, je regarde ce travail comme la chose la plus malheureuse que l'on puisse faire, comme la chose la plus fatale à toutes les propriétés riveraines de l'Escaut. Je sais bien que cette canalisation est réclamée par un intérêt, mais ainsi que l'ont dit mes honorables amis qui viennent de prendre la parole, il y a un autre intérêt bien majeur aussi, l'intérêt de l'agriculture, qui est en cause ; il y en a un troisième, c'est l'intérêt de la santé des populations voisines de l'Escaut.
Messieurs, la question de la canalisation de l'Escaut s'est présentée bien des fois dans cette Chambre et la Chambre a toujours repoussé la canalisation. Elle a été plus loin, pour empêcher la canalisation, elle a inscrit dans une loi une disposition qui interdit au gouvernement d'entreprendre tels ou tels travaux sur l'Escaut sans avoir pris l'avis des administrations communales de Tournai et d'Audenarde. (Interruption.) Cela se trouve dans une loi.
Que la canalisation puisse être momentanément favorable aux intérêts des charbonnages du couchant de Mons, je le reconnais volontiers mais quel sera le résultat de cette canalisation sur les territoires que l'Escaut parcourt depuis Tournai jusqu'à Gand ?
Voilà ce que je me demande. Eh bien, il est pour moi de toute évidence que la canalisation d'une rivière aussi limoneuse que l'Escaut aura pour résultat infaillible de relever le lit de la rivière et par conséquent de rendre les prairies voisines malsaines, marécageuses et putrides.
Et puis, que s’est-il passé dans l'Escaut lui-même ? Une écluse, non pas une écluse à sas, mais une écluse à poutrelles, a été établie eu aval de Tournai sous Louis XIV.
Il a fallu, il y a 20 ans, employer des sommes considérables pour dévaser l'Escaut qui était littéralement envasé.
On a établi à Gand une écluse à sas à la Pêcherie.
Quel a été le résultat de la construction de cette écluse ? C'est que tout le lit de l'Escaut dans la ville de Gand s'est relevé de telle manière qu'il a fallu faire deux ou trois canaux pour évacuer les eaux de la ville de Gand et pour les conduire, non pas à Anvers où elles étaient nécessaires, mais vers l'Océan.
On a d'abord fait dans ce but le canal de Terneuzen, puis le canal de Schipdonck. On a fait enfin canaux sur canaux parce que l'écluse de la Pêcherie avait amené l'élévation considérable du lit de la rivière et que toutes les maisons de la partie inférieure de la ville de Gand étaient soumises aux inondations, et cela est tout simple.
Il est facile, messieurs, de canaliser sans danger une rivière coulant sur un lit de gravier. Ainsi vous canalisez la Meuse et vous faites une excellente chose, parce que cette rivière a des eaux limpides, mais l'Escaut est une rivière éminemment limoneuse. L'eau de l'Escaut est réellement de la boue. Aussi longtemps que l'eau est en mouvement, elle ne dépose pas son limon, mais dès qu'elle est arrêtée, elle le dépose immédiatement.
Prenez un verre d'eau de l'Escaut, laissez-le jusqu'à demain et vous trouverez un sédiment au fond.
Or, la canalisation par écluses à sas fera le même effet et vous aurez dès lors l'élévation constante du lit de l'Escaut et il finira par être plus élevé que les prairies environnantes.
Vous aurez ainsi rendu ces prairies malsaines et putrides.
Comme l'a dit mon honorable ami, il s'agit d'une perte annuelle de plusieurs millions de francs.
Les prairies de Creil, qui autrefois rapportaient annuellement 600 a 800 francs par hectare à leurs propriétaires, n'en rapportent plus aujourd'hui que 30, 40 ou 50. C'est une ruine complète.
Il s'est passé, messieurs, un fait excessivement curieux pour le lit de l'Escaut. Autrefois le bassin de l'Escaut se plaignait d'avoir trop d'eau et trop d'inondations. Aujourd'hui c'est la Lys qui se trouve dans ce cas.
D'où cela est-il provenu ? C'est que, comme le dit mon honorable ami M. Tack, on a détourné, pour les rejeter dans la Lys, les eaux de la Scarpe qui devaient se déverser dans l'Escaut. Il en résulte que la Lys a trop d'eau et l'Escaut pas assez.
Voilà, messieurs, l'explication de ce phénomène.
C'est le fait du gouvernement français qui en approfondissant le canal de la Meuse et en établissant des écluses au confluent de ce canal avec la Scarpe a rejeté les eaux de cette rivière dans la Lys. Il en résulte que l'Escaut n'a plus assez d'eau pour couvrir ses prairies.
Quand vous aurez canalisé, vous aurez encore diminué la rapidité du courant et vous aurez peut-être alors une navigation régulière, mais vous aurez encore aggravé le régime du fleuve.
L'ingénieur Vifquin, l'un des hommes les plus capables que la Belgique ait produits en pareille matière, m'a dit plusieurs fois ; J'ai parcouru par ordre du gouvernement français tous les canaux de l'Europe, - on ne faisait pas de chemins de fer à cette époque - depuis le nord de la Russie et de l'Angleterre jusqu'au midi, eh bien, il n'existe pas au monde une navigation plus belle et plus économique que celle de l'Escaut.
Je dis donc avec mon honorable ami le docteur Vander Donckt (Interruption), que lorsque vous avez une si belle navigation, il n'y a pas lieu de la modifier.
Améliorez l'Escaut si vous le pouvez, mais n'arrivez point à dégrader le fleuve dans l'intérêt d'une industrie voisine.
En travaillant auprès du ministre pour faire canaliser l'Escaut, les députés du Couchant servent admirablement les intérêts de ce district, mais je crois qu'ils desservent considérablement ceux des communes que l'Escaut parcourt, qu'ils font leurs affaires, mais pas celles des autres.
Que s'est-il passé pour le plus grand fleuve de l'Italie, pour le Pô ? On a établi beaucoup d'écluses sur ce fleuve dans l'intérêt des irrigations.
Le Pô comme l'Escaut est très limoneux, il est arrivé par le fait du (page 659) dépôt successif des eaux qu'aujourd'hui le lit du Pô est à 10 ou 15 pieds au-dessus des prairies qui l'avoisinent.
Voilà, messieurs, le résultat que vous atteindrez infailliblement sur l'Escaut, vous arriverez à relever son lit au point de le rendre plus élevé que les prairies voisines et vous aurez fait un ouvrage que vous ne pourrez plus réparer.
Les travaux de canalisation sont des travaux excessivement dangereux. Ils réussissent à merveille dans des fleuves comme la Meuse dont les eaux limpides coulent sur un lit de gravier mais dans un fleuve limoneux comme l'Escaut ils sont désastreux. Là vous aboutirez à détruire la valeur des magnifiques prairies qui bordent le fleuve et à faire naître des détritus qui engendrent des maladies.
Remarquez, messieurs, qu'il s'agit d'un très grand intérêt.
Le parcours de l'Escaut est de 25 lieues depuis Tournai jusqu'à Gand.
Les deux rives représentent donc 50 lieues. A un hectare de profondeur, cela fait 5,000 hectares, c'est-à-dire un canton tout entier et un des cantons les plus riches de la Belgique.
Je dis avec mon honorable ami M. Vander Donckt, qu'avant d'agir les intérêts agricoles doivent être consultés et qu'il ne faut pas s'occuper uniquement de la navigation. Que l’on consulte la commission d'agriculture.
Les ingénieurs font de très beaux plans qu'ils veulent exécuter et ils ont raison, mais il est des intérêts qu'il faut sauvegarder et ceux de l'agriculture sont ici en cause.
Dans notre pays, il n'y a en quelque sorte de prairies que sur les bords de l'Escaut, c'est le foin qu'on y récolte qui sert à nourrir tous les bestiaux du pays.
Vous ne pouvez pas toucher légèrement à des intérêts aussi graves, aussi considérables. Le gouvernement ne peut donc pas commencer la canalisation de l'Escaut, sans consulter les commissions d'agriculture. Ce serait vraiment un peu fort de sacrifier l'agriculture de deux ou trois provinces d'une manière semblable sans même la consulter.
Je demande donc que le gouvernement, avant de mettre la main à de nouveaux travaux sur l'Escaut, exécute la loi qui lui ordonne de consulter préalablement les villes de Tournai et d'Audenarde, et que les commissions d'agriculture et tous les agronomes soient consultés.
M. Vermeireµ. - Contrairement à ce que vient de demander M. Dumortier, j'engagerai, quant à moi, le gouvernement à mettre le plus tôt possible la main à l'œuvre pour la canalisation de l'Escaut. Ce n'est pas la première fois que la question de la canalisation de l'Escaut est agitée dans le parlement depuis que j'y'siège ; elle a été soulevée au moins vingt fois.
Le gouvernement est à même de poursuivre les travaux et j'espère qu'il ne tardera pas à le faire.
Quant aux intérêts qu'on prétend engagés dans la question, je crois qu'on les a exagérés, et je dirai notamment, en ce qui concerne les intérêts agricoles dont M. Dumortier nous a parlé, qu'ils n'auront pas à souffrir de la canalisation de l'Escaut. Les prairies ne seront pas moins fertiles après la canalisation qu'elles ne le sont aujourd'hui.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je ferai simplement remarquer que l'honorable M. Dumortier, qui a l'air de se joindre à ses honorables collègues MM. Vander Donckt et Magherman, plaide en réalité une thèse tout à fait opposée à celle qu'ont soutenue ces honorables membres.
Que demandent MM. Vander Donckt et Magherman ? Ils demandent, non dans l'intérêt de la navigation, mais dans l'intérêt de l'agriculture, que l'honorable M. Dumortier veut surtout protéger, que l'on multiplie sur l'Escaut les ouvrages destinés à opérer des retenues d'eau.
M. Dumortier. - Du tout.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je dis que MM. Magherman et Vander Donckt demandent au nom des intérêts agricoles des retenues d'eau sur l'Escaut ; je dis que vous plaidez une thèse contraire et que, loin de vous joindre à eux, vous vous mettez en définitive en opposition avec eux. Quant à moi, d'accord avec MM. Vander Donckt et Magherman, je crois que dans l'intérêt agricole aussi bien que dans celui de la navigation, il faut multiplier les barrages sur l'Escaut.
Je me borne, pour le moment, à constater que l'opinion de M. Dumortier est une opinion isolée.
M. Dumortier. - M. le ministre des travaux publics a fort mal compris mes honorables amis s'il croit que je suis en opposition avec eux. Que demandent ces honorables membres ? Que l'on multiplie les moyens d'écoulement, et que faites-vous ? Vous empêchez les moyens d'écoulement.
Quel est votre système de canalisation ? C'est de tenir les eaux toujours au même niveau ; or, les écoulements sur l'Escaut ne peuvent se faire qu'au moyen de barrages qui établissent une chute considérable au-delà du barrage. SI vous maintenez les eaux au même niveau, vous ne pourrez établir de barrages et alors les écoulements seront impossibles.
Voilà la situation vraie. J'ai donc le droit de dire que la canalisation de l'Escaut, telle que vous voulez l'exécuter, sera fatale au pays, et à cet égard, mes honorables amis MM. Vander Donckt et Magherman sont parfaitement d'accord avec moi.
Ils veulent augmenter les moyens d'écoulement, car il faut que le pays s'assèche, mais on ne peut arriver à ce résultat qu'au moyen de la navigation par rame et des écluses à poutrelle, tandis que vous aurez les eaux en aval de l'écluse vous n'aurez que la différence qui se trouvera dans votre sas ; l'écoulement des prairies ne pourra plus se faire et vous aurez fait ainsi le tort le plus grave aux prairies.
M. Vermeire a défendu les intérêts de la navigation, il a bien fait, mais il ne trouvera pas mauvais que je défende ceux de l'agriculture. La navigation marche très bien ; augmentez les irrigations.
Mais le fait de la canalisation de l'Escaut amènera précisément le résultat inverse de celui que veulent obtenir mes honorables amis.
Et puis compte-t-on pour rien la dépréciation des prairies ? Les prairies des bords de l'Escaut comportent 8 ou 10 mille hectares et il s'agit là d'un grand intérêt qui peut être mis en balance avec celui de la navigation. Je ne demande pas mieux que la navigation se fasse bien, mais je ne veux pas qu'elle ruine les intérêts agricoles ; je ne veux pas que, par suite des travaux que vous projetez, les prairies deviennent des foyers de fièvres, de typhus.
Or, je dois le dire et j'en demande pardon à M. le ministre des travaux publics, les travaux entrepris l'ont été d'une manière trop légère. Avant de les poursuivre, il est indispensable que l'agriculture soit consultée» que la faculté elle-même soit consultée, car il sera trop tard pour le faire quand les travaux seront accomplis.
- Les conclusions, qui sont le renvoi à M. le ministre des travaux publics, sont mises aux voix et adoptées.
M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Steenbrugge le 1er février 1865, des habitants de Steenbrugge, Akelbrouck, Oostcamp et Saint-Michel demandent qu'il soit ordonné une enquête sur le point de savoir comment, le 31 janvier dernier, un homme a pu trouver la mort dans le canal de Gand, aux environs du pont de Steenbrugge.
Les pétitionnaires disent que, depuis la reconstruction du pont, le passage en est devenu des plus dangereux, et que déjà trois personnes y ont perdu la vie ; ils font connaître que l'administration des ponts et chaussées ainsi que les administrateurs des communes limitrophes refusent de l'éclairer.
Votre commission vous propose le renvoi à MM. les ministres de la justice et des travaux publics.
- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
M. de Rongé dépose le rapport de la commission de l'industrie sur la pétition qui demande l'abaissement des péages sur les voies navigables.
M. Hymans dépose le rapport sur des demandes de naturalisation ordinaire.
MpVµ. - M. de Smedt, obligé de s'absenter, demande un congé de deux jours.
- Accordé.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Bruges, le 3 janvier 1865, le sieur Winkels réclame 1'interveniion de la Chambre pour obtenir la somme qui lui est due comme remplaçant un milicien de la classe de 1862.
C'est par un agent de remplacement que cette somme est due au pétitionnaire ; c'est devant les tribunaux qu'il doit réclamer l'exécution d'un contrat. La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition sans date, des habitants d'une commune non dénommée demandent que la garde civique soit organisée en deux bans et que le service du premier ban ne soit obligatoire que jusqu'à l'âge de 30 ans.
Cette pétition est la reproduction textuelle d'une autre pétition sur laquelle la Chambre a, dans la présente session, prononcé l'ordre du jour, que la commission conclut.
- Adopté.
(page 660) M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition, datée du 19 décembre 1864, des propriétaires et locataires de parties de terre emprises ou qui seront emprises pour la construction des chemins de fer de Hal à Ath et de Braine-le-Comte à Gand, réclamant l'intervention de la Chambre pour que les concessionnaires de ces lignes observent, à leur égard, les prescriptions de l'article 11 de la Constitution et celles de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Des abus de l'espèce de ceux que les pétitionnaires signalent se commettent trop souvent. Les agents de l'administration doivent veiller strictement à les prévenir ; cela ne peut assez leur être recommandé. La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. Pirmez. - Je ne sais pas de quels abus il s'agit ; mais il me paraît que s'il est question d'intérêts purement civils, ces affaires seraient donc du domaine des tribunaux. En effet les pétitionnaires demandent qu'on respecte l'article 11 de la Constitution et la loi d'expropriation pour cause d'utilité publique.
Mais les tribunaux sont chargés de faire respecter la propriété privée. A moins donc qu'il ne s'agisse d'abus d'un ordre tout à fait différent, je crois qu'il faut passer à l'ordre du jour.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - S'il ne s'agissait que de quelques réparations à obtenir, parce que des parties de terre ont été occupées par des concessionnaires avant que les formalités pour l'expropriation aient été remplies, c'est aux tribunaux seuls qu'il faudrait s'adresser. Mais la construction des lignes concédées est surveillée par les agents du gouvernement. Il ne faut pas toujours attendre que les abus se soient produits et se borner alors à dire à ceux qui en sont victimes : Adressez-vous aux tribunaux. L'action des agents des ponts et chaussées peut prévenir des abus. C'est certainement aux tribunaux à réprimer les abus commis. Mais quelques mesures de surveillance peuvent cependant empêcher la légèreté grande avec laquelle ou procède trop souvent en semblable matière.
M. Dumortier. - Je ne viens pas m'opposer aux conclusions de la commission ; mais je demanderai à M. le ministre des travaux publics à quel point en sont les travaux de la ligne d'Ath à Hal.
Je crois que cette ligne a été concédée au mois de mai 1862. Les travaux devaient être effectués, aux termes du cahier des charges, dans le délai de trois années et jusqu'ici nous ne sommes pas encore en perspective de voir la ligne ouverte pour le mois de mai prochain.
Les pétitionnaires se plaignent probablement avec raison, et voici ce qui s'est passé. Je crois qu'on a laissé passer un an ou un an et demi sans s'occuper de cette ligne. On a laissé périmer les délais. Mais le gouvernement doit engager, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, les concessionnaires à exécuter leur cahier de charges, sans s'emparer des terrains des propriétaires. Si les concessionnaires ont mis un retard, qui est leur fait, à l'exécution de la convention, ils doivent en subir les conséquences. Mais nous qui devons profiter de ce chemin de fer, nous ne pouvons pas subir les conséquences de ces retards, et je crois que ceux de mes honorables collègues qui vont souvent à Tournai, comme moi, seraient charmés de voir le cahier des charges exécuté et la ligne terminée à l'époque prescrite par la loi.
M. J. Jouret. - Messieurs, je suis en position de savoir parfaitement à quel pont en sont les travaux de la ligne dont a parlé l'honorable M. Dumortier. Hier précisément une réunion du conseil général d'administration de ce chemin de fer a eu lieu. J'y ai assisté et il a été déclaré dans cette réunion que, selon toute apparence, la ligne pourrait être livrée à l'exploitation le 1er juillet prochain.
Je fais observer à la Chambre que de tous les chemins de fer qui ont été concédés dans la loi dont faisait partie la ligue d'Ath à Hal, celle-ci est la seule qui soit arrivée à ce degré d'avancement. C'est donc tout à fait sans raison que l'honorable M. Dumortier a signalé les retards qui avaient été apportés à cette concession.
- Les conclusions du rapport sont adoptées.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Tubize, le 6 décembre 1864, des membres du conseil communal de Tubize demandent que la loi défère au conseil communal la nomination du bourgmestre et des échevins.
Jamais on ne peut accueillir avec assez de déférence toute idée d'extension de nos prérogatives communales. Cependant il ne paraît guère possible d'admettre ce que proposent les pétitionnaires sans avoir d'abord révisé les attributions des bourgmestres. Or, cette révision, en enlevant aux bourgmestres le caractère, qu'ils ont à certains égards, d'agents du pouvoir exécutif chargés de l'exécution des lois pour ne leur conserver que le caractère de préposés aux intérêts locaux, amoindrirait peut-être la position des chefs de nos communes et irait ainsi contre le but que se proposent les pétitionnaire» de donner au pouvoir communal une importance plus grande.
Sous le bénéfice de la réserve implicitement renfermée dans cette observation, la commission conclut au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Josse-ten-Noode, le 12 novembre 1864, les sieurs Martin, Derasse et autres membres de la société centrale du tir et d'exercice de la légion de la garde civique de Saint-Josse-ten-Noode se plaignent que le chef de la légion leur refuse l'autorisation de se rendre, même isolément, en tenue et en armes aux tirs mensuels de la société.
Le développement pris par les sociétés d'exercice et de tir a atténué considérablement les inconvénients que paraissaient devoir entraîner dans la pratique les imperfections de notre loi sur la garde civique. Il est donc à désirer que les chefs de corps favorisent ce développement au lieu d'y porter obstacle. Maïs, d'un autre côté, il ne paraît point possible de réglementer avec quelque précision le droit conféré par la loi aux chefs de corps seuls d'accorder ou de refuser aux grades placés sous leurs ordres l'autorisation de se rendre en tenue et en armes à des exercices facultatifs, qu'ils se seraient volontairement imposés.
L'intervention du ministère de l'intérieur par voies d'instructions ou de conseils paraît jusqu'ici être le seul moyen de remédier aux abus et aux conflits qui se produisent quelquefois.
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Pierre-Capelle, le 11 janvier 1865', des habitants de Saint-Pierre-Capelle demandent une loi qui modifie le mode de perception des droits d'enregistrement et de succession.
Même demande d'habitants de Thoricourt, Marcq et Bierghes-lez-Hal.
Les pétitionnaires exposent que la perception du droit d'enregistrement sur le prix exprimé dans les ventes ou des droits de succession sur les estimations portées dans les déclarations donne lieu à des fraudes, pour la répression desquelles il faut recourir à la voie incertaine et gênante de l'expertise.
Le remède à cet état de choses, d'après eux, serait de rendre la fraude impossible en liquidant ces droits sur une base unique, sur un multiple de l'impôt foncier, comme on l'a fait par l'exécution de la loi du 17 décembre 1851.
La commission, sans émettre sur l'idée des pétitionnaires une opinion définitive, la considère comme assez sérieuse pour justifier le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Schaerbeek, le 21 juin 1864, le conseil communal de Schaerbeek appelle l'attention de la Chambre sur la nécessité d'étendre, dans des limites raisonnables, l'article 44 de la Constitution à toutes les assemblées électives.
Les pétitionnaires nous exposent que, déjà précédemment, le conseil communal de Schaerbeek avait adressé une pétition à la législature, afin de réclamer certaines indemnités en faveur des conseillers provinciaux et communaux.
Cette pétition émettait simplement le vœu « que les membres des conseils provinciaux et communaux ne pussent être poursuivis ou recherchés à raison des discours prononcés au sein de ces assemblées, lorsque ces discours ne contiennent que des imputations étrangères à la vie privée. » Cette demande aujourd'hui répétée se bornait à reproduire un amendement présenté par l'honorable M. Orts, au sein de la commission de rédaction du nouveau Code pénal, en le modifiant dans ce qu'il avait de trop absolu. L'honorable M. Orts admettait l'inviolabilité pour toutes les imputations, même pour celles qui touchent à la vie privée, lorsque ces imputations sont nécessairement amenées par l'objet en discussion. La disposition réclamée, tout en donnant une extension à la liberté de la parole, conservait à l'abri de toute atteinte la vie privée des citoyens.
La demande se produirait à la suite d'une condamnation à 1,000 fr. de dommages-intérêts prononcée contre un membre du conseil pour avoir accusé le bourgmestre, en séance publique, d'usurparion de pouvoir.
Il est impossible de ne pas se préoccuper de l'état de choses créé par une jurisprudence qui peut, à un moment donné, permettre aux chefs des communes de soustraire leurs actes au contrôle de ceux mêmes que la loi a institués pour veiller à la régularité de leur gestion.
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces collusions sont adoptées.
(page 661) M. Van Humbeeck, rapporteur. - Le feuilleton que nous examinons se termine par les conclusions de votre commission sur plusieurs questions relatives à des chargements plus ou moins étendus à introduire dans les dispositions législatives qui régissent la composition de nos corps électoraux. La commission a cru que l'intention de la Chambre ne serait point d'aborder incidemment un débat sur ces questions de la plus haute gravité, d'autant plus qu'elles nous seront bientôt ramenées par l'examen du projet de loi sur les fraudes électorales. Ce projet en effet paraît devoir fournir l'occasion d'une discussion non seulement sur ce qu'il renferme, mais aussi sur ce qu'il ne renferme pas ; il sera l'occasion en effet pour plusieurs membres d'indiquer quelles mesures il faudrait prendre d'après eux, en dehors de celles qui sont proposées dans le projet, pour assurer la sincérité de nos élections et l'autorité de leurs résultats. Peut être la section centrale voudra-t-elle consacrer quelques considérations à ces questions, qui, pour ne pas rentrer dans le but immédiat du projet, n'en paraissent pas moins, nous le répétons, devoir se rattacher aux discussions générales que ce projet est appelé à soulever.
Dans ce cas, un renvoi à la section centrale aurait des avantages ; il ne peut présenter d'inconvénients dans le cas contraire, la section centrale restant en droit de se borner, si elle le juge convenable, à déposer les pétitions sur le bureau pendant la discussion du projet.
La commission propose donc le renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur les fraudes électorales, des pétitions dont voici l'analyse :
Par pétition sans date, des habitants de Bruxelles demandent que le cens électoral pour les Chambres soit réellement fixé au minimum constitutionnel ; que tous les citoyens belges, majeurs, sachant lire et écrire, soient portés sur les listes électorales pour la commune et la province ; que l'instruction primaire soit mise à la portée de tous.
Même demande d'habitants de Wavre, Braine-le-Comte et dans le Brabant.
Par pétition sans date, des habitants d'une commune non dénommée demandent que tout citoyen belge majeur, sachant lire et écrire, soit admis à participer à l'élection des conseils provinciaux et communaux.
Même demande des sieurs Dupont, Liétard et d'habitants de Bruxelles.
Par pétition datée de Beeringen, le 22 août 1864, des hahitants de Beeringen demandent l'admission des capacités dans les élections communales et provinciales.
Par pétition datée de Genappe, le 2 septembre 1864, des habitants de Genappe demandent que tous les citoyens possédant un titre quelconque d'instruction soient inscrits d'office sur les listes électorales.
Par pétition sans date, le sieur Vander Meulen propose des dispositions pour augmenter le nombre des électeurs.
Par pétition datée de Bruxelles, le 23 juillet 1864, le conseil provincial du Brabant propose des modifications aux lois électorales.
Même demande du sieur Vanden Bossche.
Par pétition datés de Saint-Josse-ten-Noode, le 20 août 1864, des habitants.de Saint-Josse-ten-Noode prient la Chambre de modifier l'article 19 de la loi électorale et l'article 2 de la loi du 12 mars 1848, et d'ordonner le vote à la commune.
Par pétition datée de Gand, le 2 juillet 1864, des habitants de Gand demandent la révision de l'article 47 de la Constitution.
Même demande d'habitants de Bruxelles.
Par pétition sans date, des habitants d'une commune non dénommée demandent la révision des articles 47 et 53 de la Constitution.
Même demande d'habitants de Bruxelles.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, je ne puis pas comprendre qu'il y ait une relation directe entre les pétitions dont on vient de vous faire l'énumération et la loi sur les fraudes électorales actuellement soumise aux délibérations de la section centrale. Quelles que soient les dispositions qui soient adoptées ultérieurement quant à l'extension du droit électoral, il est évident que ces dépositions n'ont rien de commun avec celles qui doivent être prises en vue de punir ou de réprimer les fraudes en matière électorale. Cela est si vrai que lorsque au sein des sections, ayant à délibérer sur la loi relative aux fraudes électorales, des propositions de réforme électorale se sont produites, c'est par la question préalable que ces propositions ont été écartées.
M. Jacobsµ. - C'est une erreur.
M. Vleminckxµ. - Je vous demande pardon ; il en a été ainsi au moins dans la plupart des sections.
Il est probable que c'est également par la question préalable que la section centrale répondra aux demandes faites par divers pétitionnaires, et, en tout état de cause, le sort le plus favorable qui puisse arriver à ces pétitions, c'est qu'elles soient déposées purement et simplement sur le bureau pendant la discussion.
Eh bien, c'est là, pour moi, un véritable enterrement de ces pétitions, et je ne puis en aucune façon consentir à cet enterrement.
Je demande donc, contrairement à la proposition faite par M. le rapporteur, que ces pétitions soient renvoyées à M. le ministre de l'intérieur.
Je saisis cette occasion pour demander au gouvernement quelques explications sur ce qu'il compte faire quant à la réforme électorale demandée par un si grand nombre de pétitionnaires. Je ne demande pas que ces explications soient immédiatement données ; mais j'espère bien que la session ne finira pas sans que des propositions nous soient faites au moins en ce qui concerne la réforme électorale demandée pour la province et pour la commune.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - L'honorable membre nous demande de prononcer, dès aujourd'hui, le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur. Quelle est la portée de sa proposition ? Il veut que la Chambre montre qu'elle prend ces pétitions au sérieux ; il pense que le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les fraudes électorales, équivaudrait à un véritable enterrement.
Ce n'est nullement dans ce sens que le renvoi proposé a été compris par la commission des pétitions.
Son but a été d'éviter un double débat sur les mêmes questions.
Quelles que soient les décisions prises par quelques sections (non pas par toutes, puisque celle dont je faisais partie a parfaitement accepté que toutes les questions de la nature de celles qui sont traitées dans les pétitions, pourraient être soumises à l'attention de la section centrale), quelles que soient donc les décisions prises par quelques sections, quelle que doive être la décision de la section centrale, les questions soulevées par les pétitionnaires nous reviendront, ne fût-ce que par l'initiative personnelle de quelques membres, lorsque le débat s'engagera sur le projet de loi concernant les fraudes électorales.
La discussion générale de ce projet de loi ne se bornera pas aux dispositions qu'il soumet à notre appréciation. Des membres viendront dire : « On nous propose des moyens pour réprimer les fraudes électorales ; mais, à nos yeux, ces moyens ne suffisent pas pour assurer la sincérité du scrutin électoral ; il faut d'autres mesures encore.
Ainsi les partisans d'une réforme électorale, et je suis du nombre, auront l'occasion de déclarer que si l'on veut garantir la sincérité parfaite du scrutin électoral, il est indispensable de recourir à des moyens nouveaux et plus efficaces et d'arriver à une composition nouvelle du corps électoral. Alors tous les arguments que nous aurons à faire valoir à l'appui de cette thèse pourront être produits, de même que les adversaires d'une réforme pourront, de leur côté, présenter leurs objections.
Aujourd'hui nous ne pourrions pas avoir ce débat ; même si la commission se ralliait à la proposition de l'honorable M. Vleminckx, le renvoi à M. le ministre de l'intérieur serait prononcé seulement après une discussion sans portée.
La motion de l'honorable M. Vleminckx me paraît donc le résultat d'une erreur évidente, qui consiste à croire qui le renvoi à la section centrale serait un enterrement. Cela n'est pas.
La commission des pétitions, en faisant sa proposition, a bien entendu conserver aux pétitions leur caractère sérieux ; elle a voulu seulement que les questions soulevées pussent être traitées au moment le plus opportun. Je pense qu'en présence de cette situation ainsi précisée, l'honorable M. Vleminckx peut très bien se rallier à la proposition de la commission des pétitions et ne pas insister sur la sienne.
M. de Brouckere. - Messieurs, nous pouvons aujourd'hui adopter purement et simplement les conclusions de la commission des pétitions ; mais lorsque la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales sera terminée, rien n'empêchera que l’honorable M. Vleminckx ne demande le renvoi des pétitions à M. le ministre de l'intérieur.
M. Vleminckxµ. - Je n'insiste pas.
M. Guillery. - Messieurs, au fond, comme l'a très bien dit l'honorable rapporteur, peu importe qu'on renvoie les pétitions à M. le ministre de l'intérieur ou qu'on les renvoie à la section centrale ; quant à moi je considère les deux solutions comme identiques ; mais ce que je ne voudrais pa«, c'est que des pétitions aussi importantes que celles qui nous sont soumises fussent renvoyées sans débat, soit à la section centrale, soit à M. le ministre de l'intérieur.
Je crois même ces pétitions tellement importantes, que la Chambre devrait fixer un jour spécial pour les discuter.
Non seulement les pétitions soulèvent toutes les questions de la réforme électorale sur lesquelles il doit nécessairement y avoir un débat ; mais quatre d'entre elles soulèvent une question de la plus haute (page 662) importance sur l'interprétation de la loi qui nous régit aujourd'hui. Si la Chambre me le permet, je vais lui m exposer les points principaux.
Vous savez, messieurs, que la loi du 12 mars 1848 a réduit le cens électoral au minimum fixé par la Constitution. Cette loi est ainsi conçue :
« Le cens électoral pour la nomination des membres de la Chambre des représentants est fixé, pour tout le royaume, au minimum établi par la Constitution. »
Or, quel est le minimum établi par la Constitution ? L'article 47 nous l'apprend : le minimum est de 20 florins d'impôts directs.
Nous n'avons donc plus, sous la législation qui nous régit, la définition donnée par la loi électorale qui voulait que, pour payer le cens, l'électeur le versât au trésor de l'Etat. La question est donc de savoir ce qu'on doit entendre par « impôts directs », si on ne doit pas entendre par là tout ce que l'électeur paye à la commune et à la province ; si ces sommes ne doivent pas être comptées pour parfaire le minimum fixé par la Constitution.
Voilà une des questions qui sont soulevées dans les pétitions ; quant à moi, je ne pourrais pas la traiter à l'improviste. Je suppose que mes honorables collègues sont du même avis ; il faudrait fixer un jour spécial pour la discussion.
Viendront ensuite les questions de réforme électorale pour la province et pour la commune. Parmi les pétitions qui nous sont soumises aujourd'hui, il en figure une du conseil provincial du Brabant. Beaucoup d'autres pétitions aussi importantes ont été adressées à la Chambre.
Nous voyons que dans le pays, de toutes parts, les citoyens se réunissent pour demander la réforme électorale. Quelle que puisse être l'opinion de la Chambre sur toutes ces questions, il faut nécessairement qu'elle s'en occupe.
Si l'on pense qu'un examen peut avoir utilement lieu à l'occasion du projet de loi sur les fraudes électorales, je ne m'oppose pas au renvoi à la section centrale ; sinon, j'aurai l'honneur de proposer à la Chambre de fixer un jour spécial pour l'examen de ces pétitions.
M. Dumortier. - Messieurs, un des points que vient de traiter l'honorable M. Guillery, celui de la quotité de l'impôt, ne peut, en aucune manière, se rapporter au projet de loi sur les fraudes électorales ; on devrait donc faire de cette question l'objet d'un examen spécial.
Je ferai remarquer que si la Constitution ne stipule pas que le cens à payer par l'électeur pour les élections aux Chambres, se compose d'impôts directs versés dans le trésor de l'Etat, il en résulte nécessairement qu'il y a égalité pour tout le monde en cette matière. Dès lors, il n'est pas possible d'admettre comme servant à former le cens électoral, les centimes additionnels facultatifs qui sont décrétés dans les communes, car ce seraient alors les communes qui feraient les électeurs.
On pourrait admettre peut-être les centimes additionnels obligatoires.
Je réserve cependant mon opinion ; mais la chose est tout à fait impossible pour les centimes facultatifs. Telle commune décréterait 30, 40, 50 centimes additionnels, et elle créerait ainsi des électeurs à son gré !
Il faut évidemment une base générale pour toutes les communes. Les centimes facultatifs pourront peut être entrer en ligne de compte pour les élections communales.
Maintenant, il est un autre point que je voudrais voir discuter spécialement, c'est la question des cotes irrécouvrables. (Interruption.)
J'entends dire que le Sénat a adopté aujourd'hui même une proposition de loi sur cette matière. En ce cas, je n'ai plus rien à dire sur la question même.
Je me bornerai à faire observer que la Chambre devra s'occuper de cette proposition de loi dans le plus bref délai possible, afin que dans la formation très prochaine des listes électorales on puisse prévenir à temps les abus, semblables à ceux contre lesquels on a réclamé l'année dernière.
M. Giroulµ. - Messieurs, nous nous trouvons en présence de deux et même de trois propositions. La première est celle de l'honorable M Guillery qui demande que la Chambre fixe un jour pour la discussion de toutes les questions dont il s'agit dans les pétitions ; la deuxième est celle de l'honorable M. Dumortier qui demande qu'on scinde la discussion et que.la Chambre ne s'occupe spécialement et immédiatement que de deux des questions soulevées. La troisième proposition émane de la commission qui demande le renvoi des pétitions à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur les fraudes électorales.
Il me paraît qu'entre ces trois propositions celle qui serait de nature à mieux concilier tous les intérêts serait celle de M. Guillery.
Que l'honorable M. Dumortier trouve très intéressant de s'occuper de la question des centimes additionnels ; qu'il trouve inintéressant de s'occuper des cotes irrécouvrables ; je le veux bien ; maïs je trouve aussi excessivement intéressant de s'occuper de l'extension du droit de suffrage, sur laquelle l'attention de l'opinion publique a été attirée l'année dernière par la droite elle-même ; cette matière se trouve au nombre des réformes qui sont à l'ordre du jour dans la presse ; l'honorable M. Guillery nous a dit que le conseil provincial du Brabant avait émis un vœu à ce sujet. Le conseil provincial de Liège a également adressé un vœu à la législature et au gouvernement dans le courant de la session dernière.
II me paraît donc que si la Chambre pense comme M. Guillery et moi qu'il y a lieu de fixer un jour pour discuter ces pétitions, il faut que l'on comprenne dans cette discussion la question de l'extension du droit de suffrage et qu'on ne se borne pas à la matière sur laquelle l'honorable M. Dumortier voudrait attirer l'attention spéciale de la Chambre.
Je propose avec l'honorable M. Guillery qu'un jour soit fixé pour traiter toutes les questions que soulèvent ces pétitions, sans en écarter celle de l'extension du droit de suffrage dont l'honorable M. Dumortier voudrait qu'on ne s'occupât pas.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Si nous faisons abstraction de la proposition de l'honorable M. Dumortier, celles de la commission des pétitions et de l'honorable M. Guillery sont toutes deux des propositions d'ajournement, mais à des termes différents.
L'honorable M. Guillery demande l'ajournement à une séance à fixer dès aujourd'hui. Nous demandons l'ajournement au moment oh se produira le rapport sur le projet de loi relatif aux fraudes électorales.
Que lors de la discussion de ce projet de loi, les questions soulevées par les pétitions puissent être examinées, cela est évident ; cela deviendra évident surtout lorsque la Chambre aura prononcé le renvoi à la section centrale.
Ou la section centrale nous proposera une décision sur ces pétitions, ou elle se bornera à en ordonner le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet. Si la section centrale propose une décision, nous aurons à l'examiner ; nous aurons à l'accepter ou à la combattre et, dans ce dernier cas, à chercher à la faire réformer par la Chambre. Si elle ne nous propose pas de décision, si elle se borne au simple dépôt, par cela même que ces pétitions auront été soumises à la section centrale, nous pourrons en demander le renvoi à un département ministériel. Par conséquent une discussion devant aboutir à un résultat, pourra alors avoir lieu dans tous les cas. La question n'est donc plus évidemment que de savoir quand il faut désirer que le débat se produise, si ce doit être à un jour spécial ou si ce sera pendant la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales.
M. Orts. - J'appuie les conclusions de la commission, et si j'ai demandé la parole, c'est pour donner à mes honorables amis MM. Giroul et Guillery une explication qui, je pense, les engagera à se rallier à ces mêmes conclusi ns.
Si nous n'adoptons pas les conclusions de la commission qui sont le renvoi des pétitions à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les fraudes électorales, et si nous fixons pour la discussion de ces pétitions un jour spécial, comme le demandent l'honorable M. Guillery et l'honorable M. Giroul, voici l'inconvénient grave que je trouve à cette manière de procéder.
Si la Chambre adopte la manière de voir de ces deux honorables membres, de là résultera implicitement que la Chambre partage cette idée qu'à propos de la loi sur les fraudes électorales, il est impossible de discuter les questions d'abaissement du cens et autres soulevées par les pétitions.
Or, je ne veux pas, dans l'intérêt même de ces questions, que cette espèce de question préalable soit dès aujourd'hui prononcée. Je crois que la question d'abaissement du cens électoral, que la question d'extension du droit électoral se rattache nécessairement, se rattache intimement à la matière des fraudes électorales en général, et je regretterais fortement qu'une question préalable vînt écarter, à propos de cette discussion, l'examen de ces sortes de questions.
Je demande donc que la section centrale soit saisie des vœux des pétitionnaires, et qu'elle examine mûrement, et non comme une chose convenue d'avance, s'il y a lieu d'écarter du projet dont elle est saisie l'étude et la solution de ces réclamations.
A mon avis, l'extension du suffrage et les garanties qui doivent entourer l'émission de ce suffrage pour qu'il soit sincère et éclairé, se touchent intimement, et pour me résumer par deux exemples, je dis qu'une loi sur les fraudes électorales a un double but : empêcher que l'on trompe et que l'on corrompe les électeurs.
Eh bien, plus vous étendrez le droit électoral, plus vous appellerez de monde au scrutin et plus vous amènerez d'électeurs dans un même lieu pour voter, plus il sera difficile de les tromper et de les corrompre. La (page 665) corruption doit s'exercer sur trop de monde pour réussir et la fraude aura trop de témoins pour pouvoir se produire.
C'est vous dire que je considère comme se rattachant à la discussion de la loi sur les fraudes électorales, l'examen de la question d'abaissement du cens et avant tout celle de savoir s'il ne faut pas désormais exiger en Belgique que l'on sache lire et écrire pour pouvoir voter.
M. Guillery. - Je suis parfaitement de l'avis de l'honorable préopinant qu'à propos de la loi sur les fraudes électorales, on pourra discuter toutes les questions dont il vient de parler et notamment la question de l'extension du suffrage. C'est certainement l'opinion que j'ai toujours soutenue. Mais voici ce qui m'a guidé : c'est qu'à propos de la loi sur la répression des fraudes électorales, il est très possible que nous soyons tellement absorbés par d'autres questions que la Chambre, ne voulant pas trop compliquer le débat, ne soit pas disposée à aborder l'examen des questions soulevées par les pétitions. Peut-être aussi le gouvernement s'opposera-t-il à ce qu'on introduise dans la loi des dispositions relatives à l'élévation ou à l'abaissement du cens. Dans ces circonstances, l'on comprend que la position de la Chambre est difficile, et d'ordinaire, par déférence pour le gouvernement et pour ne pas voter une loi qui pourrait ne pas être sanctionnée, la Chambre s'abstient d'user de son droit.
Mais soit, je ne demande pas mieux que d'accepter la demande que vient de faire l'honorable M. Orts, et qu'à propos de la loi sur les fraudes électorales, la discussion soit complète sur tout ce qui concerne les élections et notamment sur ce qui concerne le cens électoral.
M. Orts. - Cela ne dépend que de vous et de moi.
M. Guillery. - Si cela ne dépend que de moi, la chose sera bien claire. Mais j'ai bien quelque doute à cet égard.
Il y a cependant quatre pétitions qui me paraissent urgentes, comme l'a fait remarquer l'honorable M. Dumortier ; ce sont les pétitions n°17213, 17108, 17172 et 17150, qui sont relatives à l'interprétation de la loi de 1848.
Voici comment elles sont analysées :
« Des habitants de Bruxelles demandent que le cens électoral pour les Chambres soit réellement fixé au minimum constitutionnel ; que tous les citoyens belges, majeurs, sachant lire et écrire, soient portés sur les listes électorales pour la commune et la province ; que l'instruction primaire soit mise à la portée de tous.
« Même demande d'habitants de Wavre, Braine-Ie-Comte et dans le Brabant. »
Vous le voyez, les pétitionnaires demandent entre autres que le cens électoral pour les Chambres soit réellement fixé au minimum constitutionnel. Comme on va procéder à la formation des listes électorales, il est important que les communes et les députations permanentes soient fixées sur la portée de la loi de 1848, sur la valeur des réclamations des pétitionnaires.
La réduction par la loi de 1848 du cens au minimum fixé par la Constitution, a-t-elle eu pour conséquence de rendre applicables à l'électeur tous les impôts directs, et par impôts directs faut-il entendre non seulement les centimes additionnels, mais tous les impôts communaux et provinciaux ? La question est très grave et très sérieuse.
Si donc on renvoie les pétitions à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les fraudes électorales, je demande que, pour les quatre pétitions que je viens d'indiquer, il y ait soit un rapport spécial de la commission des pétitions, si M. le rapporteur y consent, rapport qui serait la base de la future discussion, soit un renvoi au ministre de l'intérieur avec demande d'explications.
Remarquez, messieurs, que si les pétitions étaient analysées d'une manière complète dans un rapport, si la commission des pétitions avait examiné les divers points soulevés par les pétitionnaires, nous aurions une base de discussion ; mais aujourd'hui la discussion serait improvisée, personne n'y est préparé et elle ne pourrait porter aucun fruit.
Je soumets cette observation à M. le rapporteur : Ne pourrait-on pas faire un rapport spécial sur les pétitions qui soulèvent des questions relatives à la formation des listes électorales ? On pourrait arriver ainsi à savoir quelle est l'opinion du gouvernement, quelle est la jurisprudence qu'il compte suivre en cette matière.
M. Giroulµ. - Messieurs, je me rallierai très volontiers aux observations présentées par l'honorable M. Orts, s'il reste entendu dans l'esprit de la Chambre que le renvoi à la section centrale demandé par la commission mettra cette section dans l'obligation d'examiner le fond de la pétition dont il s'agit. Si le renvoi proposé par la commission des pétitions laisse à la section centrale le droit d'écarter par la question préalable tout examen de la question, nous ne sommes plus du tout dans le sens des explications données par M. Orts ; nous restons alors devant une situation qui aurait pour résultat d'empêcher la Chambre d'être saisie d'un rapport sur la pétition. Ce n'est pas ce que M. Orts voulait, il veut que la section centrale fasse un rapport complet sur les pétitions.
Je partage entièrement sa manière de voir, mais je désire qu'il n'y ait aucun doute et qu'il soit bien entendu dans l'esprit de tous que si le renvoi des pétitions est ordonné, ce sera pour obtenir un travail de la section centrale et qu'il ne sera pas du tout possible d'écarter les pétitions par la question préalable. Si ce n'est pas entendu en ce sens, je maintiendrai ma proposition.
M. Pirmez. - Messieurs, je crois que dans la pensée de l'honorable M. Orts il ne s'agit pas d'obliger la section centrale à faire un travail. Il me paraît que voici la solution qui doit intervenir, le renvoi à la section centrale qui jugera ce qu'elle a à faire de ces pétitions. Lorsque la section centrale aura déposé son rapport et qu'elle aura proposé, soit le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, soit toute autre décision, la Chambre, saisie par ce rapport, pourra faire ce qu'elle jugera convenable, et nos honorables collègues qui désirent un débat pourront faire toutes les observations qu'ils croiront utiles.
M. Orts. - Voici ma pensée. Je ne sais pas si elle rend exactement celle de M. Pirmez, mais je vais la dire telle que je la conçois et telle que je crois l'avoir exprimée tout à l'heure. Je demande le renvoi à la section centrale, non pour forcer la section centrale à prendre telle décision plutôt que telle autre, pas même pour lui interdire d'écarter les pétitions par la question préalable. Je ne le demande pas, parce que nous n'avons pas le pouvoir de lier la section centrale. Mais voici l'avantage du renvoi dans la supposition même la plus mauvaise pour opinion que je défends.
Que la section centrale écarte les pétitions par la question préalable, soit et tant pis. Mais alors au moins la section centrale soumettra cette solution à la Chambre et la Chambre se trouvera nécessairement saisie de la question de savoir s'il convient d'écarter les pétitions par la question préalable.
Tout membre de la Chambre pourra discuter la question, la soulever en séance et nul ne pourra l'empêcher. Cela est si vrai que quant à moi je le déclare dès aujourd'hui, si la section centrale repousse d'examiner la proposition d'exiger que l'électeur sache lire et écrire, je reproduirai cette proposition à la Chambre malgré toutes les questions préalables du monde, et nous verrons.
M. Vilain XIIII. - L'honorable M. Guillery a dit tout à l'heure qu'il y a une question très importante à décider, celle de savoir quel est le minimum fixé par la Constitution. Je ferai observer que cette question a été résolue par la loi du 1er avril 1843. Je me le rappelle si bien, à ma haute confusion, que j'ai alors voulu proposer un amendement pour faire compter les centimes additionnels provinciaux et communaux, et que je n'ai pas trouvé dans la Chambre cinq membres pour appuyer cet amendement. M. Malou l'a combattu et il n'a pas même pu être mis en discussion.
Je fais cette observation que pour faire comprendre à M. Guillery qu'il n'est pas absolument nécessaire de décider en ce moment-ci quel est le minimum fixé par la Constitution, puisque cette question a été résolue par la loi du 1er avril 1843.
Quand la question viendra de nouveau devant la Chambre, si M. Guillery me permet de signer avec lui un amendement pour que les centimes additionnels soient comptés, je le ferai bien volontiers, car je n'ai pas changé d'opinion et je crois encore aujourd'hui, comme alors, que les citoyens qui sont bons pour payer sont bons pour voter.
Quoi qu'il en soit, la proposition de M. Orts me semble fort acceptable pour le moment.
M. Guillery. - Je remercie beaucoup l'honorable préopinant du concours qu'il me promet et je crois pouvoir lui promettre en retour beaucoup plus de succès cette année-ci qu'il n'en a eu en 1844. Mais la question n'est plus résolue par la loi. Il est très vrai qu'elle était résolue autrefois ; la loi de 1839 portait en effet :
« Pour être électeur, il faut :
« 1° ...
« 2° ...
« 3° Verser au trésor de l'Etat la quotité de contributions directes, patentes comprises, déterminée dans le tableau annexé à la présente loi.»
Mais depuis 1848 cette disposition a disparu, car la loi de 1848 dit simplement que « le cens électoral est fixé pour tout le royaume au minimum établi par la Constitution. »
Le législateur n'interprète plus l'article 47 de la Constitution, il s'y réfère. Rien n'empêche une administration communale d'interpréter l'article 47 dans le sens le plus large, et de faire figurer sur la liste des électeurs pour (page 664) les Chambres tous ceux qui payent 20 florins de contributions directes y compris les centimes additionnels et tous les autres impôts perçus au profit de la province et de la commune.
Nous allons du reste avoir à discuter la question des centimes additionnels à l'occasion de la proposition admise par le Sénat. Il s'agit là de savoir si les centimes additionnels doivent compter pour la formation du cens d'éligibilité au Sénat.
Je reviens, messieurs, à la question de l'interprétation de l'article 47 de la Constitution.
Il n'a pas été répondu à ce que j'ai dit de l'urgence d'examiner cette question avant la confection des listes électorales. Il est très probable que la Chambre ne s'occupera du projet de loi sur les fraudes électorales que dans quelques mois, c'est-à-dire lorsque les listes électorales seront définitivement arrêtées.
La question est très grave ; je ne veux pas la discuter aujourd'hui ; elle exige un examen approfondi.
Je ne voudrais pas à la légère émettre une opinion à ce sujet dans cette enceinte.
C'est pourquoi si l'on voulait renvoyer les quatre pétitions dont il s'agit à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications, nous aurions tout naturellement un jour fixé pour la discussion de ce point spécial.
MjTµ. - Je n'ai pas plus que l'honorable M. Guillery l'intention de discuter la question de savoir quel est véritablement le minimum du cens électoral fixé par la Constitution pour les Chambres législatives.
Je ne veux que répondre quelques mots à ce qu'il a dit quant à l'urgence de discuter cette question.
L'urgence, je ne la vois pas, car il est radicalement impossible d'arriver à une solution pour l'époque oh les listes électorales doivent être formées. En effet les listes doivent être arrêtées du 1er au 15 avril prochain.
M. Guillery. - Nous aurons l'opinion du gouvernement.
MjTµ. - Mais en admettant que vous puissiez l'avoir, l'opinion du gouvernement laisserait la question complètement ouverte.
Je suppose, comme vous le disiez tantôt, qu'un conseil communal porte sur la liste, des électeurs auxquels il compte, pour former le cens électoral, les centimes payés à la commune. Chacun aurait le droit de se pourvoir contre cette décision devant la députation permanente et ensuite devant la cour de cassation.
Ces corps prononceraient, décideraient, l'opinion du gouvernement ne trancherait pas la question.
II n'y a donc pas d'urgence.
Quant aux autres questions relatives aux différents systèmes qui pourront se présenter, je crois, messieurs, qu'on peut les renvoyer à la commission, mais tous droits réservés pour la commission, pour la Chambre et pour le gouvernement de poser ultérieurement la question préalable s'il y a lieu.
C'est un point que nous ne pouvons décider aujourd'hui et que nous ne pourrons examiner qu'en présence des propositions qui pourront surgir.
M. J. Jouret. - Messieurs, je suis obligé de faire une observation. Peu m'importe le parti que l'on prendra sur les divers renvois proposés, pourvu que, comme le dit l'honorable ministre de la justice, on reste dans les généralités et que l'on ne donne point une sorts d'appui à l'une ou l'autre des opinions qui se sont fait jour dans la Chambre.
En entendant l'honorable M. Orts exprimer ici cette opinion qu'il sera bon d'exiger à l'avenir des citoyens, qu'ils sachent lire et écrire avant de leur permettre d'exercer leur droit électoral, j'ai senti le besoin de déclarer que quant à moi dans le présent comme dans l'avenir je considère cette proposition comme parfaitement inconstitutionnelle et contraire aux termes des articles 57 et 59 de la Constitution.
C'est chez moi une conviction profonde.
Je vais plus loin. La question ne fût-elle pas inconstitutionnelle, fût-il possible d'exiger des électeurs qu'ils sachent lire et écrire, je dis que des hommes sérieux, des hommes d'Etat comme ceux qui gèrent actuellement les affaires de notre pays ne devraient pas faire une semblable proposition et que si elle était faits par d'autres, ils ne devraient pas l'appuyer.
Je considère la question comme extrêmement grave. A ce point de vue encore, je crois que quand elle sera débattue dans cette Chambre, on reconnaîtra les immenses inconvénients auxquels elle donnerait inévitablement lieu.
Si plus tard elle vient à être présentés dans cette Chambre, je voterai sans la moindre hésitation dans le sens que je viens d'indiquer.
- La discussion est close.
MpVµ. - M. Guillery, insistez-vous sur votre proposition ?
M. Guillery. - Non, M. le président.
- Les conclusions du rapport sont mises aux voix et adoptées.
La séance est levée à 4 1/2 heures.