(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 1247) M. Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus communique à la chambre l'analyse des pièces qui lui sont adressées :
« Quelques boutiquiers, marchands et détaillants, à Oignies, demandent une réduction de droits sur le sel en faveur des boutiquiers et détaillants de l'extrême frontière de France. »
« Même demande de boutiquiers, marchands et détaillants à Mesnil. »
- Renvoi à la commission d'industrie.
M. le président. - Les propositions de M. le ministre des finances étant des amendements, la discussion s'ouvre sur le projet de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la question des sucres a le privilège d'attirer sans cesse l'attention des chambres et du pays. Rien ne paraît devoir être stable en cette matière, et presque à chaque session l'on remet en discussion des intérêts qui, pourtant, ont une extrême gravité. On comprend à certain point que la question ait été de nouveau agitée lorsque l'on constatait que les espérances conçues au point de vue du trésor ne se réalisaient point. Mais peut-être aurait-il été prudent d'agir autrement en présence des résultats de la dernière année, puisque l'Etat a reçu la somme que devait lui procurer la législation de 1846. Quoi qu'il en soit, le débat ayant été ouvert, nous l'acceptons.
Les sucres paraissent offrir une matière bien légitime d'impôt, et il est assurément très désirable que l'on en obtienne le plus de produits possible. Ce n'est pas, messieurs, qu'il faille trop répéter le lieu commun de ce sujet, à savoir que le sucre est un objet de luxe qu'on peut dès lors l'imposer sans miséricorde. L'industrie des sucres fournit à la consommation des objets de diverses natures : des sucres fins, des cassonades, des sirops ; si les sucres fins peuvent être qualifiés d'objet de luxe en ce sens qu'ils sont consommés par des personnes de la classe aisée, les autres ne sont, en vérité, que le luxe des pauvres gens. La cassonade et le sirop ne sont assurément pas des objets de luxe, des objets qui puissent être grevés d'impôts bien considérables. Cette idée de luxe fait concevoir des espérances exagérées qui ont conduit quelques personnes à déclarer que le sucre pourrait et devrait donner au trésor5, 6, 7, et même aux yeux de quelques-uns, jusqu'à huit millions.
On verra plus tard ce qu'il faut croire de toutes ces affirmations, mais on conçoit que sous l'empire de préoccupations de ce genre quelques-uns s'indignent, s'irritent, se passionnent en considérant, au point de vue exclusif du trésor, les résultats de la législation qui régit le commerce et l'industrie des sucres.
Lorsqu'on part de la conviction manifestement erronée, nous le démontrerons, j'espère, plus tard, que le sucre pourrait donner 5, 6 ou 8 millions, on comprend qu'on se plaigne avec amertume qu'une somme de 3 millions seulement rentre dans les caisses de l'Etat.
Les rapports de la section centrale, le dernier surtout, gardent l'empreinte de cette amertume ou plutôt, pourrai-je dire, de cette passion. Il me semble même qu'on a excédé les limites des convenances, en même temps qu'on manquait à la vérité, lorsque la majorité ou la minorité de la section centrale (je ne sais comment la nommer, attendu que les votes constatent qu'il y a eu partage dans le sein de la section centrale), lorsque la majorité ou la minorité de la section, se posant en protectrice exclusive du trésor, insinue que le gouvernement,, dans les propositions qu'il soumet à la chambre, serait en quelque sorte l'agent d'intérêts prives coalisés qui feraient bon marché des intérêts généraux du pays.
Je protesterais avec énergie, messieurs, contre l'insinuation, je dirais plutôt contre la calomnie...
M. Cools, rapporteur. - Je demande la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - … si on avait eu le courage de la produire ouvertement; je prouverais, dis-je, contre cette insinuation, si le ridicule ici ne le disputait à l'odieux.
Voici, messieurs, nomment s'exprime la section centrale :
« Il importe peu que des intérêts puissants, engagés dans le raffinage du sucre de canne et dans celui du sucre de betterave, s'entendent pour combattre toute aggravation de charges qui dépasserait un chiffre déterminé, si le résultat auquel on veut arriver par ce moyen, n'est pas conforme aux intérêts généraux du pays. Or, dans l'intime conviction des auteurs des deux propositions, ce résultat est, au contraire, en opposition directe avec ces intérêts. Ces membres ne se laisseront pas arrêter par les moyens auxquels on a recours pour étouffer leurs propositions et ne reculeront pas devant la coalition qui paraît s'être formée dans ces derniers temps. Dès le commencement, ils se sont mis au-dessus des intérêts spéciaux de l'une et l'autre industrie, et ils sont décidés à se maintenir jusqu'au bout dans cette position. La chambre entière leur saura gré sans doute de cette détermination.
« Depuis plus d'un mois, plusieurs membres de la chambre avaient connaissance d'un compromis qui avait été conclu entre un certain nombre de raffineurs appartenant aux deux industries, par lequel les raffineurs en sucre exotique avaient obtenu des raffineurs en sucre de betterave la promesse qu'ils aideraient à ne pas faire descendre trop bas le taux de la décharge, moyennant la concession d'une différence de 8 francs dans le chiffre de l'accise.
« C'est exactement le système formant la base des amendements du gouvernement. »
Messieurs, vous avez compris tout le courage de cette merveilleuse insinuation. Le gouvernement est ici l'agent des intérêts coalisés! Si le gouvernement propose de fixer l'accise sur le sucre de canne à 48 fr., et de maintenir l’accise sur le sucre de betterave à 40 fr., c'est qu'il veut vous faire sanctionner un marché honteux, au détriment du trésor.
Ce qui révèle à la section centrale, à la majorité ou à la minorité, ce qui révèle à 3 membres de la section centrale l'adhésion du gouvernement à une sorte de pacte pour livrer la caisse du trésor au pillage, c'est que le gouvernement propose d'établir une différence de 8 fr. entre l'accise sur le sucre indigène et l'accise sur le sucre exotique. Voilà sur quoi l'on se fonde, c'est là ce qui démontre aux yeux de la section centrale ce pacte odieux conclu, exécuté par le gouvernement.
Or, messieurs, qui a proposé le premier de fixer l'accise sur le sucre exotique à 48 francs, et sur le sucre indigène à 40 francs ? C'est l'honorable M. Mercier ! C'est donc, si l'argument a quelque valeur, si l'insinuation n'est pas beaucoup plus ridicule qu'elle n'est odieuse c'est l'honorable M. Mercier qui est le premier instrument de cette coalition à laquelle le trésor va être livré! Comment n'a-t-on pas fait cette simple réflexion, quand on entendait, dans le sein même de la section centrale, un des membres que je puis bien indiquer comme membre de la majorité qui a admis le rapport, se porter le défenseur ardent de la différence de 8 fr. entre l'accise sur le sucre indigène et l'accise sur le sucre étranger?
Ecoutez comment il s'exprime à cet égard, ainsi que l'atteste le rapport même de la section centrale :
« Un autre membre, auteur de l'un des projets, fait connaître qu'il ne saurait combattre l'idée d'établir une différence permanente de 8 francs entre les deux impôts, sans faire violence à ses convictions, puisque lui-même en avait fait la proposition. Il croit, d'ailleurs, comme il l'a déclaré dans les premières réunions de la section centrale, qu'une différence entre les deux impôts qui ne dépasserait pas 5 francs ne serait pas suffisante pour qui l'industrie du sucre indigène put se soutenir. Il ne faut pas oublier que jusque dans ces derniers temps la différence a été de 11 fr. »
Voilà ce que soutient l'honorable M. Mercier lui-même. La proposition du gouvernement n'est que l'un des termes de la proposition de M. Mercier et l'on fonde sur cette proposition l'imputation la moins méritée !
La question des sucres n'est-elle donc pas assez difficile, assez compliquée, ne touche-t-elle pas à trop d'intérêts pour qu'il soit permis de différer d'opinion sans être accusé de sacrifier les intérêts du trésor à des intérêts privés? Est-ce que l'honorable auteur des insinuations pense que la proposition d'augmenter les recettes de 200,000 francs est aussi le résultat d'une coalition des intérêts engagés dans cette affaire? Croit-il que les moyens proposés par le gouvernement pour assurer la recette ; croit-il qu'en inscrivant dans la proposition l'éventualité d'une augmentation indéfinie du rendement , croit-il que l'on ait stipulé des concessions aux intérêts coalisés? Croit-il que la réduction des termes de crédit soit encore une concession aux intérêts coalisés?
M. de Mérode. - C'est le passeport!
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. de Mérode me dit : C'est le passeport de la proposition. L'honorable M. de Mérode y a-t-il bien réfléchi. N'a-t-il pas déjà été suffisamment averti par la presse que les intérêts coalisés, bien loin de donner leur approbation à la proposition du gouvernement, la combattent dès ce moment, et que probablement (je dis probablement, parce que jusqu'ici personne n'a pris la parole) les défenseurs habituels de l'une ou de l'autre industrie viendront combattre la proposition du gouvernement? Je ne vois pas au profit de qui est ce passeport, si ce n'est pour ne rien faire passer.
On est frappé d'une chose dans cette affaire : c'est qu'il y a des intérêts divers qui cherchent à se réunir, qui délibèrent, qui essayent de se mettre d'accord, de faire prévaloir ce qu'ils croient être le moins nuisible à leur industrie. Mais qu'y a-t-il là d'illégitime? Qu'y a-t-il de condamnable dans cette conduite?
L'industrie du sucre exotique et l'industrie du sucre indigène cherchent (page 1248) à faire prévaloir telle ou telle proposition qu'elles croient être le moins nuisible à leurs intérêts. Mais pour toutes les affaires, ne voyez-vous pas que le même système se produit ?
S'il s'agissait d'une augmentation de l'impôt foncier, ne verriez-vous pas les propriétaires se préoccuper également de ce(te question, essayer de combattre l'augmentation projetée, et de faire adopter le système qui leur paraîtrait le plus convenable à leur point de vue, sans rechercher s'il l'est moins au point de vue des intérêts généraux du pays?
N’y a-t-il pas beaucoup de présomption, au surplus, à se déclarer seul défenseur des intérêts du trésor? N'ai-je pas le droit de rappeler que je n'ai négligé aucune occasion de les défendre? Ai-je besoin de dire que je ne suis disposé à les sacrifier à personne ? D'ailleurs, l'honorable M. Cools est-il donc si sûr de lui-même, a-t-il une foi si robuste dans ses idées et dans sa force, qu'il doive supposer nécessairement quelque mauvais dessein à qui ne partage point ses convictions? N'est-il pas sujet à l'avenir ? Ne peut-il se tromper? Et s'il s'est égaré, par hasard, n'admettra-t-il point que l'on a pu le combattre dans le seul intérêt du pays?
Or, vous avez tous gardé le souvenir, messieurs, des innombrables erreurs commises par l'honorable membre dans les développements de sa proposition. Il faisait de l'histoire ; il racontait la législation qui a successivement régi les sucres et il s'est trouvé que pas un de ses chiffres n'était exact. Tantôt, parlant du droit d'accise établi par la loi du 27 juillet 1822, modifiée plus tard par la loi du 24 décembre 1829, il énonçait que l'impôt était alors de 27 fr. 50 c, tandis qu'il était en principal de 26 fr. 71, et s'élevait avec les additionnels et le timbre collectif à 37 fr. 02 c; tantôt sous prétexte de nous faire connaître les rendements successivement admis par les lois de 1829 et de 1838, il nous entretenait de rendements inexacts au lieu de prendre textuellement ceux qui se trouvaient écrits dans ces lois.
Un peu plus loin, parlant de la loi du 4 avril 1843, qui a porté l'accise à 45 fr., il faisait remarquer que le droit avait été augmenté de 17 fr. 50, tandis que l'augmentation réelle n'était que de 7 fr. 98. C'est ainsi encore qu'il annonçait que, par la loi du 4 avril 1843, la retenue au profit du trésor avait été portée aux 6/10 des prises en charge, tandis que la loi, dans son texte formel et qui ne pouvait prêter à aucun doute, limitait, au contraire, cette retenue aux 4/10 des prises en charge. C'est ainsi encore que, voulant argumenter de l'accise qui existait en Hollande sur le sucre, il énonçait qu'elle ne s'élevait qu'à 27 fr. 57, tandis qu'elle y est, au contraire, de 46 fr. 52 ; et l'honorable M. Cools bâtissait sur cette erreur une interminable série de raisonnements ; et enfin, messieurs, pour consommer son œuvre, l'honorable membre faisait remarquer qu'à l'aide de la somme plus considérable qu'il obtiendrait sur le sucre, il allait opérer une réduction sur l'impôt du sel, qui produirait au trésor, selon l'honorable membre, 9 millions de francs! L'honorable membre avait oublié d'ouvrir le budget des voies et moyens, où il aurait vu que le produit de l'impôt n'est que de 4,800,000 fr.
De telles erreurs sur des faits en quelque sorte matériels sont de nature à inspirer des défiances légitimes sur les résultats que l'honorable membre fait espérer dans son système. S'il a pu se tromper sur des points si faciles à vérifier, quelle confiance peut-il commander sur des points hypothétiques, controversés, où il faudrait presque admettre des espérances, sur la foi de ses paroles, comme si elles constituaient des réalités.
Et l'honorable membre, messieurs, quoique averti par d'aussi grands malheurs en fait de calculs, n'a pas cependant modifie son système habituel d'exactitude. Dans son premier rapport, page 20, vous lirez que l'honorable membre affirme que le système des primes n'existe qu'en Hollande. Eh bien ! c'est une manifeste erreur.
M. Cools. - Nous répondrons.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je sais très bien que vous répondrez. Mais je vais toujours signaler l'erreur en attendant.
En France la législation est identique. La loi du 3 juillet 1840 a fixé le rendement légal à 70 pour les mélis et les candis et à 75 pour les lumps.
L'honorable membre affirme qu'en Hollande on accorde la restitution de la totalité de l'impôt. C'est encore une erreur. Les comptes ne peuvent s'apurer que jusqu'à concurrence de 95/100.
L'honorable M. Mercier qui a une longue habitude de cette affaire des sucres, une longue expérience, et que je considère (je ne crois manquer à personne en parlant ainsi), comme l'un des hommes de la chambre qui connaît le mieux la question des sucres, l'honorable membre ne s'est-il pas gravement trompé sur plus d'un point? N'a-t-il pas, dans un calcul qui a été expliqué comme contenant prétendument une erreur matérielle....
M. Mercier. - S'il a été rectifié, pourquoi le citer? C'était une erreur matérielle.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez, ce n'est pas le moins du monde à dessein de signaler cette erreur pour le seul plaisir de la citer, que je la relève. L'honorable membre avait basé un raisonnement sur de faux calculs. Il dit que c'est une erreur matérielle. Mais il voudra bien m'autoriser à contester cette qualification. C'est une erreur, oui; elle avait conduit l'honorable membre à une thèse essentiellement fausse. Car si elle était fondée, il faudrait maintenant la retourner directement contre lui. Il accusait un bénéfice, et il résultait au contraire des calculs rectifiés une perte manifeste.
Quel enseignement, messieurs, faut-il tirer de cela? Il faut en tirer la preuve qu'en cette matière il faut être très tolérant, très indulgent, il faut avoir le respect de l'opinion d'autrui, et la conviction que si l'on diffère, on diffère au moins par des motifs honnêtes.
Cela dit, messieurs, j'entre en matière et je crois devoir exposer d'abord le système, le mécanisme de la législation actuelle, afin d'expliquer aussi brièvement et aussi clairement que possible ce qui constitue la décharge, le rendement, la prime. L'honorable M. Cools a cru devoir aussi, dans son rapport, s'occuper de ces points, mais il m'a paru que cela était entouré encore de beaucoup d'obscurité. Quelques mots seront peut-être utiles à cet égard.
L'accise est de 45 francs par 100 kilog. de sucre brut de canne.
Le raffineur, lorsqu'il met en fonte du sucre brut, obtient un crédit de six mois pour l'acquittement de l'accise.
Il peut se soustraire au payement de l'accise en exportant les produits raffinés avant l'échéance du terme de crédit. Il obtient, dans ce cas, décharge de l'accise inscrite à son compte.
Il obtient également cette décharge lorsque, avant l'échéance du terme de crédit, il dépose les produits raffinés dans l'entrepôt public à fin d'exportation ultérieure.
La décharge de l'accise en cas d'exportation ou de dépôt en entrepôt public est fixée, par l'article 5 de la loi du 17 juillet 1846, selon qu'il s'agit de sucres fins, de cassonades ou de sirops.
On appelle sucres fins, les sucres candis, les mélis et les lumps. Les premiers sont suffisamment connus; les seconds sont les pains, généralement employés dans la consommation; les troisièmes sont de grands pains, souvent d'une qualité inférieure, destinés à être concassés ou pillés pour satisfaire aux usages de la consommation dans certains pays.
Les sucres en poudre sont connus dans la consommation ordinaire sous la dénomination de cassonades. Ils sont toujours le résidu de la fabrication des pains ou des candis.
La quantité de sucre fin obtenue en sucre candi, mélis ou lumps, du» raffinage de 100 kilog. de sucre brut, varie en raison de la richesse saccharine de la matière brute employée ; elle varie encore selon la proportion des mélanges opérés à l'aide de plusieurs qualités de sucre brut travaillées simultanément.
Cette quantité de sucre fin forme le rendement ; le rendement sert de base à la décharge de l'accise. A cause de la variabilité du rendement réellement obtenu, la loi a fixé un rendement moyen, s'appliquant indifféremment à toutes les qualités de sucre brut.
La décharge de 66 francs, relativement à l'accise de 45 fr., suppose un rendement de 68.18 kilog. en sucre fin.
Ainsi, un raffineur met en fonte 100 kilog. de sucre, son compte es chargé de 45 fr. En exportant 68.18 kilog. de sucre candi, mélis out lumps, il éteint sa redevabilité; les quantités de sucre qu'il obtient en-sus des 68.18 kilog. sont libérées de l'impôt, mais il doit nécessairement les vendre en consommation.
Le déchet réel éprouvé au raffinage est estimé à 5 kil., la quantité indemne restée dans la consommation est donc de 26.82 kil.
Elle se compose uniquement de cassonade et de sirop, si le rendement réellement obtenu n'a pas dépassé 68.18 kil.
Mais le perfectionnement des procédés de fabrication, l'emploi de matières plus riches, la proportion des mélanges opérés font varier le rendement. Admettons qu'il soit de 75 kil.
Sur 100 kil. de sucre brut, le raffineur a exporté 68.18 kil. de sucre fin, il a éprouvé un déchet de 5 kil. Il lui reste à livrer à la consommation avec exemption de l'accise :
Sucre fin : 6.82 kil.
Cassonade : 10 kil.
Sirop : 10 kil.
Total= 26.82 kil.
La combinaison sur laquelle le système repose consiste à faire peser l'accise de 45 fr. sur le rendement en sucre fin de 68.18 kil. Si le raffineur exporte 68.18 kil. de sucre fin, il est libéré de l'accise de 45 fr.; si, au lieu d'exporter, il livre cette quantité à la consommation, il doit prélever sur l'acheteur la somme de 45 fr. qu'il aura à verser au trésor.
De là est provenue la nécessité d'établir, quant aux sucres fins, deux prix, dont l'un en cas de vente pour l'exportation, l'autre en cas de vente pour la consommation.
Le premier s'établit, abstraction faite de l'accise, en raison des fluctuations du marché étranger. On l'appelle prix d'entrepôt.
Le second est le prix d'entrepôt auquel on ajoute le montant de la décharge : 45 fr. pour 68.18 kil., soit 66 fr. pour 100 kil.
Dans cette situation des choses, le raffineur que nous supposons être possesseur de 6.82 kil. de sucre fin, après s'être libéré de l'accise par l'exportation de 68.18 kil., prélèvera sur le consommateur, en lui vendant cette quantité de 8.82 kil., une somme de 4 fr. 50.
Cette somme prélevée à titre d'impôt, el que le raffineur ne doit plus verser au trésor, constitue la prime d'exportation. Elle ne représente cependant pas pour lui un bénéfice net. Il s'en sert pour diminuer son prix d’entrepôt, selon que l'exige la concurrence qu'il rencontre sur le marché étranger.
Cet abandon presque total de la prime pour diminuer le prix d'entrepôt se prouve par le rapprochement des prix du sucre brut et du sucre raffiné. Il n'est donc pas exact de dire que les raffineurs s'enrichissent à l'aide de la prime. Il n'est pas exact non plus de dire, du moins dans un sens absolu, que la prime n'a d'autre effet que de livrer le sucre à meilleur compte à l'étranger : le prix d'entrepôt, réduit parfois au-dessous du prix de revient par l'effet de la prime, est aussi le prix de (page 1249) consommation ; en cas de vente en consommation, on ajoute simplement l'accise au prix d'entrepôt ; par conséquent le consommateur profite comme l'étranger de la réduction de prix que permet la prime.
Si la prime disparaissait, le prix d'entrepôt, qui forme la base du prix de consommation, s'élèverait, car il ne couvre pas toujours le prix de revient.
Le mécanisme de la loi est expliqué; voyons maintenant comment il opère.
Le but que s'est proposé le législateur, est de provoquer un mouvement considérable de la navigation. Le sucre brut fait encombrement dans les cargaisons d'entrée, le sucre raffiné remplit le même rôle dans les cargaisons de sortie.
Le rendement étant calculé assez bas pour que la prime permette de placer le sucre raffiné sur le marché étranger, le raffinage prend du développement; il s'étend en proportion de l'élévation de la prime, c'est-à-dire aussi longtemps que l'excédant de 6.82 kil., indiqué dans l'exemple établi plus haut, peut se vendre sur le marché intérieur avec prélèvement de la somme de 4 fr. 50.
L'exportation est donc circonscrite par la consommation.
Mais la consommation peut être alimentée entièrement au moyen des 26.82 kil. par 100 kil. sucre brut restés indemnes entre les mains du raffineur.
Dans ce cas, la redevabilité créée par les raffineurs a été entièrement apurée par l'exportation; le trésor n'a rien reçu, mais le mouvement commercial a été considérable. Ainsi, pour une consommation de 12 millions de kil., il faudrait dans cette hypothèse, mettre en raffinage 44 1/2 millions, exporter 30 millions, ensemble 74 1/2 millions, soit le chargement de 300 navires de 2 à 300 tonneaux.
Lorsque la redevabilité créée par les raffineurs disparaît entièrement, le but du législateur est dépassé : la loi doit favoriser le mouvement commercial, mais elle doit fonctionner de manière à conserver au trésor un certain revenu.
C'est pour atteindre ce résultat que le gouvernement est autorisé à élever le rendement ou à réduire la décharge, ce qui est la même chose, proportionnellement au déficit que la recette présentera sur la somme de 3 millions exigée par la loi. Ce résultat ne peut faillir, car en augmentant le rendement fixé dans la loi, on diminue la différence qui existe entre le rendement réel; on diminue par conséquent la quantité de sucre fin que le raffineur livre à la consommation en exemption de l'accise et qui constitue la prime d'exportation ; or, les besoins de la consommation restant les mêmes, le raffineur doit fournir du sucre fin avec payement de l'impôt.
Ce frein opposé à l'abus que l'on fait du système a donc pour effet certain de relever les produits de l'accise. Mais le raffineur ne tarde pas à y échapper; il augmente son travail de manière que l'excédant qu'il obtient sur le rendement légal remplisse, malgré la réduction, les besoins de la consommation. Le mouvement commercial se développe en raison de cet accroissement de travail ; mais la recette fléchit simultanément. Une nouvelle augmentation de rendement survient et se répète ainsi jusqu'à ce que la prime d'exportation, c'est-à-dire l'excédant sur le rendement légal, disparaisse entièrement.
Toutefois, la loi actuelle limite le pouvoir qu'elle délègue au gouvernement : elle ne lui permet pas d'élever le rendement au-delà de 72.58 kil.
L'ensemble de ce système est facile à saisir : il établit une lutte entre le raffineur et la loi d'impôt ; le raffineur doit chercher incessamment à améliorer, à perfectionner les moyens de production ; mais dès que le progrès est fait, dès qu'il est constaté par une réduction du produit de l'impôt, dès que la quantité de sucre fin tirée de 100 kilog. de sucre brut est telle que le raffineur peut à la fin apurer son compte par exportation et alimenter la consommation intérieure dans une proportion trop forte sans payement de droits, la loi agit par l'élévation du rendement.
Il ne serait pas raisonnable de nier l'influence que le commerce des sucres exercent sur le commerce maritime en général et par suite sur l'exportation des produits de notre industrie.
Les documents publiés par le gouvernement, notamment ceux qui ont été déposés le 1er mai 1848, ont fait disparaître les doutes des plus incrédules.
Ils ont réduit à néant les considérations q'u l'honorable M. Mercier avait fait valoir dans les développements de sa proposition déposée dans la séance du 2 février 1848.
On sait que l'honorable membre, se fondant sur le système suranné de la balance commerciale, s'était pris à décomposer, à supputer la valeur des échanges de la Belgique avec certains pays, chacun considéré isolément, et qu'il était arrivé à des conséquences dont l'exagération manifeste a été démontrée.
Et maintenant permettez-moi de vous soumettre une simple réflexion. Croyez-vous qu'une branche d'importation maritime qui déplace annuellement une valeur de 50 millions de francs puisse être considérée comme indifférente? Croyez-vous qu'elle ne réagit pas nécessairement d'une manière plus ou moins étendue, mais d'une manière favorable sur toutes les industries? C'est la seule question qu'il faut se poser, la seule question qu'il faut résoudre. Le commerce des sucres déplace annuellement une valeur de 50 millions de francs. L’honorable M. Cools, messieurs, le reconnaît lui-même ; bien qu'il cherche à atteindre le même but que l'honorable M. Mercier, quant au trésor, l'honorable M. Cools s'est chargé de faire la critique de la proposition de l'honorable M. Mercier. Rien ne démontre mieux le vice de la proposition de M. Mercier, que la proposition de M. Cools; elle en est la critique formulée. M. Cools dit : Prenez-y garde, je ne puis me rallier à la proposition de M. Mercier; car elle compromettrait le commerce d’exportation. Or, ce commerce est intéressant ; il importe de le conserver; c'est pourquoi, continue l'honorable M. Cools, je dépose ma proposition. Ainsi nous avons, à cet égard, l'aveu de l'honorable M. Cools; il reconnaît formellement les effets désastreux de la proposition de M. Mercier. Mais, d'un autre côté, il estime que le pays s'impose des sacrifices trop considérables pour jouir des avantages que lui impose le commerce des sucres.
Je ne sais si l'on y a bien réfléchi et si l'on est dans la vérité sous ce rapport. Lorsqu'un pays se trouve dans des conditions telles qu'il est obligé de faire de constants efforts pour porter ses produits au loin ; lorsqu'il se croit obligé à subsidier des lignes de navigation ; lorsqu'il se préoccupe des moyens de créer une société d'exportation, serait-il bien logique de bouleverser un état de choses qui a pour résultat de fournir un aliment d'une extrême importance à nos transports maritimes?
Tombe-t-il sous le sens que l'on puisse vous convier à des choses si contradictoires : d'une part demander de subsidier des lignes de navigation directe, vous convier à créer des sociétés d'exportation, et d'autre part vouloir à tout prix ruiner un des éléments les plus considérables de nos transports maritimes !
M. Dumortier. - Il ne faut pas que la crainte de ruiner une industrie lui fasse accorder une prime de 5 à 6 millions.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On parle de 5 à 6 millions de primes. C'est supposer que les sucres peuvent produire, non plus 5 millions, non plus 8 millions, mais jusqu'à 9 millions; car s'il y a prime de 6 millions à l'exportation des sucres, comme l'honorable M. Dumortier me fait l'honneur de l'énoncer en m'interrompant, il faut alors que l'accise sur les sucres puisse produire 9 millions.
M. Dumortier. - 5 et 3 font 8.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le calcul est parfaitement exact ; mais comme vous avez parlé de cinq ou six, je dis à mon tour : 6 et 3 font 9.
M. Dumortier. - Je dis qu'il est déplorable d'accorder 6 millions de primes d'exportation à la seule industrie des sucres, lorsqu'on fait si peu pour l'exportation des produits des autres industries.
C'est un plaidoyer contre le trésor public.
MfFO. - Vous comprenez que je ne puis pas suivre la discussion en m'interrompant à chaque pas et surtout pour répondre à une interruption telle que celle-ci ; je l'abandonne ; je suis sûr que la loyauté de la chambre eu aura fait justice.
Je viens de vous dire quelle est la valeur de votre commerce des sucres. Ce sont là des faits certains ; vous les apprécierez comme bon vous semblera ; vous en ferez bon marché si vous voulez ; vous les dédaignerez, vous les sacrifierez si vous voulez. Mais je suis bien obligé de vous dire quelle est la véritable importance du commerce des sucres. On s'en occupe avec dédain, avec indifférence ! à la bonne heure. Vous avez lu cependant les documents déposés par le gouvernement le 1er mai 1848. Vous avez vu combien de navires ont été employés au commerce des sucres.
Vous le savez, le mouvement commercial établi pour les navires qui ont importé, exporté ou transité du sucre, accuse des résultats significatifs. La valeur des marchandises à l'importation a été en 1847, pour les sucres, de 19,282,000 fr., pour les matières premières et denrées de 3,623,000 fr. et pour les objets fabriqués de 1,067,000 fr. Total : 23,972,000 fr.
A l’exportation en marchandises belges : pour les sucres, de 11,178,000 fr., pour les matières premières et denrées de 3,042,000fr. et pour les objets fabriqués de 9,359,000 fr. Total : 23,573,000.
En transit : pour les sucres de 471,000 fr. et pour les matières premières et objets fabriqués, exportés en transit : 3,589,000. Total : 4,060,000.
Ensemble : 51,611,000 fr.
Le commerce des sucres a employé 608 navires représentant 96,433 tonneaux.
Eh bien, voulez-vous savoir quel a été le mouvement occasionné par les six marchandises principales que nous tirons des contrées transatlantiques ?
Les principales marchandises encombrantes qui, outre le sucre, alimentent nos relations avec les contrées transatlantiques sont les cuirs vers et sers, le coton en laine, les cendres gravelées, les bois de teinture et d'ébénisterie, les tabacs et le riz. On a pensé qu'il serait utile de mettre le commerce de ces marchandises en parallèle avec celui du sucre, et pour lever toute incertitude, on a fait pour ces marchandises un travail analogue à celui que l'on avait formé précédemment pour le sucre.
(page 1250) Ce travail a donné les résultats suivants; savoir :
(les deux tableaux insérés dans les Annales parlementaires ne sont pas repris dans la présente version numérisée).
Ce qui frappe d'abord, en comparant les chiffres que l'on vient d'indiquer, c'est que le mouvement commercial du sucre seul a donné lieu à la même somme de transactions à peu près que les six autres marchandises d'encombrement réunies ! Quand on se place au point de vue de la balance commerciale, on remarque en outre que l'équilibre existe entre la valeur des sucres bruts importés et celle des marchandises belges exportées, tandis que pour les autres marchandises encombrantes les importations dépassent les exportations de plus de 34 millions de francs. Qu'en dira l'honorable M. Mercier ?
Les exportations provoquées par le commerce des sucres comprennent, indépendamment d'une valeur en sucre raffiné de 11,178,000 fr., une somme de produits industriels s'élevant à 9,359,000 francs. Les objets fabriqués ne figurent au contraire que pour une valeur de 6,271,000 francs dans les transports déterminés par l'importation des autres marchandises, bien que la somme des mouvements soit à peu près la même.
Et, qu'on veuille bien y faire attention : ce résultat a été obtenu par un mouvement de 59,550,000 kilogrammes de sucre, tandis que ce mouvement atteindrait bientôt le chiffre de 58,000,000 de kilogrammes, si une fois enfin on consentait à laisser fonctionner une loi pendant un temps suffisant.
Ces observations ne démontret-elles pas toute l'importance du commerce des sucres ?
Quant à la navigation, les faits constatés établissent que sur un mouvement total de 915 navires, représentant une capacité de 188,208 tonneaux, qui ont été employés en 1847 au transport des sucres et des cuirs, coton, etc., la part du commerce du sucre est de 66 p. c. des voyages et de 51 p. c. du tonnage, et celle du commerce des autres marchandises d’encombrement de 54 p. c. des voyages et de 49 p. c. du tonnage ! Il en résulte que le sucre seul fait partie de plus de la moitié de nos transports maritimes, comparativement aux autres marchandises dont je viens de parler, et qu'il facilite ainsi à un plus haut degré l'échange des produits belges.
On voit qu'un certain nombre de navires sont sortis sur lest et qu'il y a presque égalité, sous ce rapport, entre le commerce du sucre et celui des autres matières encombrantes. On s'est souvent prévalu des sorties sur lest pour soutenir que les moyens d'exportation des produits industriels vers les pays d'outre-mer ne manquent pas. Cette observation ne prouve pas que le commerce des sucres n'exerce point une grande influence sur l'exportation de nos produits. Elle prouve seulement que nous avons encore beaucoup à faire pour perfectionner notre industrie et pour étendre nos relations. Le sucre favorise incontestablement les moyens d'atteindre ce double but. Formant la base de nos chargements, il peut réduire le fret tant à l'aller qu'au retour et nous mettre ainsi à même de soutenir avec succès la concurrence contre les industries similaires des autres pays.
Supposons le commerce du sucre anéanti; que s'ensuivrait-il?
En premier lieu, nos transactions avec les pays d'outre-mer seraient réduites d'une manière très notable. En second lieu, l'activité de la navigation serait paralysée et le mouvement de nos ports considérablement amoindri; l'industrie perdrait la plupart des occasions qu'elle possède maintenant pour écouler ses produits par la voie maritime.
En troisième lieu, le sucre ne contribuant plus au salaire de la navigation, les produits à exporter auraient à en supporter une proportion beaucoup plus forte, et le taux du fret lui-même augmenterait parce que, les importations diminuant, il n'y aurait plus le même rapport entre l'offre et la demande de navires pour les transports à l'exportation. Le commerce d'exportation éprouverait donc un double renchérissement qui retomberait de tout son poids sur les industries qui travaillent pour l'étranger.
En quatrième lieu, enfin, le développement du commerce maritime serait complètement entravé, et pour ce qui regarde spécialement la marine nationale dont le sucre forme le principal soutien, elle serait frappée dans son existence et les nombreux sacrifices qui ont été faits pour la relever seraient perdus sans retour.
Quoi qu'il en soit, je n'insiste pas, je le répète, sur ce côté de la question. C'est aux hommes dégagés de toute prévention que je soumets ces faits dont la gravité ne sera pas méconnue.
Mais, pour le moment, le débat se réduit à savoir, pour moi, ce que l'on peut obtenir au moyen de l'accise sur le sucre ; et le problème doit être posé, selon moi, en ces termes : « Obtenir le plus possible en nuisant le moins possible aux divers intérêts du pays engagés dans cette affaire. »
Trois moyens sont indiqués : l'un par l'honorable M. Mercier, l'autre par l'honorable M. Cools, l'autre par le gouvernement.
Je me propose de démontrer que les deux premiers ne peuvent pas tenir ce qu'ils promettent et que notre système est celui qui résout le mieux la difficulté.
Le point capital à bien déterminer pour l'appréciation des systèmes en présence, c'est le chiffre de la consommation. Tout est là.
Toutes les importations de sucre de canne et les exportations de sucre raffiné sont constatées par la douane. Ces deux opérations ne laissent aucune incertitude.
Le doute naît seulement quant au sucre de betterave.
Appréciant d'une manière différente les quantités obtenues, le chiffre de la production a été tantôt exagéré, tantôt amoindri.
Dans le but d'arriver à des résultats exacts, l'honorable M. Cools a pris pour point de départ le 1er juillet 1845, date de la première application de la loi au sucre de betterave, pour s'arrêter au 1er juillet 1848. Il a en outre établi les prises en charge d'après le taux uniforme de 1,450 grammes.
Quelques erreurs se sont glissées dans les chiffres indiqués par l'honorable membre. A défaut de renseignements, il a divisé par moitié les quantités importées et exportées qui sont publiées chaque année par le gouvernement. Rectification faite et en admettant d'ailleurs les bases de l'honorable membre, on arriverait à constater une consommation de 11,258,594 kilog.
Mais l'honorable membre tient que ce chiffre est inférieur à la consommation réelle. Il pense que l'on est en deçà de la vérité en évaluant la production du sucre de betterave pendant les trois premières campagnes en moyenne à 4,000,000 de kilog. « A ce compte, dit-il, la consommation moyenne du pays serait de 11,976,000 kilog. »
Il ne s'arrête pas encore là. Il prétend que par l'effet de la crise alimentaire, puis de la crise industrielle, qui l'a suivie, et pendant le premier semestre de 1848, où chacun restreignait ses dépenses, surtout pour des objets de luxe, le pays a dû consommer moins de sucre qu'en temps ordinaire.
Il estime, en conséquence, que la consommation flotte entre 11,500,000 et 12,000,000 kil., et enfin, avançant de plus en plus dans ses évaluations, comptant sur un « développement progressif de la richesse et de la population » (ce sont ses expressions), il croit que la moyenne s'approchera beaucoup plus de 12,000,000 que de 11,500,000 dans la période où nous allons entier.
Vous remarquerez, messieurs, avec quel soin l'auteur de l'une des deux propositions cherche à forcer le chiffre de la consommation; que d'efforts il fait pour persuader que la consommation est plus grande et sera plus grande encore qu'elle ne l'est réellement. On est ici dans le champ des hypothèses. L'honorable membre s'y aventure ; c'est à vous de juger s'il vous convint de l'y suivie. Mais, retenez-le bien, l'honorable membre ne peut justifier ses propositions, qu'en supposant une très forte consommation. Hors de là, le résultat qu'il fait entrevoir est une pure chimère. C'est le motif qui lui fait rechercher une consommation élevée.
(page 1251) Le chiffre de la consommation établi par l'honorable M. Cools est exagéré.
D'abord, il raisonne sur des quantités nettes, de sorte que le chiffre de 11,500,000 ou de 12,000,000 doit être porté, en admettant un déchet de 5 p. c., à 12,105,263 kil., et à 12,631,578 kil, sucre brut.
On reconnaît que pendant les campagnes de 1843 à 1847, une certaine quantité indemne de droit a pu rester à la disposition des fabricants. Mais cette tolérance disparaît entièrement dès que l'on calcule les charges, comme le fait l'honorable M. Cools, à 1,450 grammes. Ce taux doit être considéré comme une limite extrême.
Il serait facile d'ailleurs de réduire dans une forte proportion le chiffre de la production du sucre de betterave établi par M. Cools, car il porte évidemment en compte pour la campagne 1847-1848 une quantité de 203,581 kil., qui n'a pas été fabriquée. D'un autre côté, il a pensé que les charges en sucre brut inscrites aux comptes des fabricants raffineurs , représentaient des quantités livrées à la consommation et à l'exportation, déduction faite du déchet ordinaire, tandis que ce déchet s'élève en moyenne à 17 I1/2 p. c. En effet, pour chaque quantité de 100 kil. sucre brut pris en charge, ces fabricants ne produisent réellement que 80 à 85 kil. sucre raffiné.
Toutefois, je maintiens la base de ces évaluations pour éviter toute contestation et lui faire ainsi une immense concession.
Cela posé, si l'on calcule la consommation sur les charges officielles, on trouve que pour 4 campagnes, 1843 à 1847, la moyenne a été de 10,250,655 kil., et en y ajoutant la campagne de 1847 à 1848, de 10,573,719 kil.
Si l'on calcule sur les mêmes charges augmentées, en ce qui concerne le sucre de betterave, jusqu'à concurrence de 1,450 grammes; on trouve pour quatre campagnes, 1843 à 1847,10,582,179 kil., et en y ajoutant 1847-1848, 10,877,618 kil.
On remarque qu'en ajoutant à la période de juillet 1843 à 1847, la période du 1er juillet au 30 juin 1848, la moyenne qui n’était d’après les charges officielles que de 10,250,655 kil., s’élève à 10,573,719 kil. Que devient après cela l'observation à l'aide de laquelle forcer la consommation, à savoir que pendant la crise alimentaire, suivie de la crise industrielle, et pendant le 1er semestre 1848, où chacun retreignait ses dépenses, surtout pour les objets de luxe, le pays a dû consommer moins de sucre qu'en temps ordinaire? Il sera bien forcé d'avouer que ses conjectures sont complètement renversées. Vous voyez que les hypothèses ne valent guère mieux que les calculs de l'honorable membre.
Les résultats obtenus au raffinage ont été établis ainsi :
Mélis, candis, lumps : 75 kil.
Cassonade : 10 kil.
Sirop : 10 kil.
Déchet : 5 kil
Ensemble : 100 kil.
Ces résultats ont été admis dans tous tes documents publiés par le gouvernement. Nous les maintenons. Notons que, dans les raffineries dont les procédés ne sont pas encore très perfectionnés, on est loin d'obtenir 75 kilog. de sucre fin.
Quant au déchet, l'honorable M. Mercier l'évalue à 3 1/2, l'honorable M. Cools à 3 pour cent. Il conserve le rendement des mélis et lumps à 75; mais il augmente d'un kil. le rendement de la cassonade et du sirop. Opérant sur toutes les mises en raffinage, c'est-à-dire sur le sucre de canne et sur le sucre de bettera »ve, on peut, sans exagération, porter le déchet à 5 p. c. »
En effet, les mises en raffinage comprennent des sucres du Brésil, de Manille ou d'autres contrées tropicales, dont le rendement est inférieur au sucre de la Havane.
La proportion moyenne du ces sucres, pour les années 1843 à 1848, est de 25 p. c.
Il est essentiel de remarquer, en outre, que le déchet de 5 p. c. est appliqué aux quantités brutes inscrites aux comptes des fabricants raffineurs, tandis qu'il s'élève, en réalité, à 17 1/2 p. c.
Il faut de plus tenir compte des sucres avariés. Ainsi se justifie clairement la déduction de 5 p. c.
Je pense avoir démontré que l'on fait beaucoup en acceptant le débat sur une consommation de 10,877,618 kilog. Toutefois, on ne peut dire que cette quantité soit restée sur le marché intérieur, car il faut en retrancher celle qui a servi à alimenter le commerce interlope de Belgique en France.
Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire, c'est !e chiffre de la consommation qui peut servir à vérifier les conséquences des systèmes en présence.
Nous avons fait une large concession à l'honorable M. Cools, en admettant le chiffre de 10,877,618 kil. Les appréciations de l'honorable M. Mercier ne s'éloignent pas de cette quantité. Il évalue la consommation à une quantité nette de 10,557,000 kil. pour les années 1843 à 1847.
On peut donc dire qu'à cet égard, rectification faite des erreurs échappées à l'honorable M. Cools, tous les contradicteurs sont d'accord.
Voyons maintenant quels seront les résultats d'-s systèmes proposés.
La proposition de M. Mercier, qui a fait en dernier lieu l'objet du rapport qu'il a déposé dans la séance du 21 novembre I1848, tend :
1° A porter le droit d'accise à fr. 48 sur le sucre de canne, et à maintenir le droit de fr. 40 sur le sucre de betterave;
2° A n'accorder la décharge du droit d'accise sur le sucre raffiné de canne et de betterave que pour autant que tous les produits du raffinage soient livrés à l'exportation;
3° A placer les raffineries dont les produits sont destinés à être livrés à l’exportation sous le contrôle de l'administration qui constatera les quantités de chaque espèce de sucre obtenues du raffinage.
Cette proposition, si elle était admise, aurait pour résultat la ruine complète, inévitable du commerce et de l'industrie des sucres. Autant décréter qu'il n'existera plus en Belgique qu'un droit de consommation ; car, en présence de la législation hollandaise, nos raffineurs ne pourraient plus exporter aucun kilogramme de sucre. Ils se trouveraient même dans des conditions plus défavorables que les raffineurs français.
Dans son système, M. Mercier évalue les recettes pour le trésor à 5,120,000 francs. Pour arriver à ce chiffre, il suppose que la consommation intérieure exige une quantité brute de 11,500,000 kilog., dont 5,000,000 seraient fournis par le sucre de betterave. La somme de 5,120,000 fr. se subdivise comme il suit :
5,000,000 de kilog. sucre de betterave à 40 fr. : 2,000,000 fr.
6,500,000 de kilog. sucre de canne à 48 fr. : 3,120,000 fr.
Ensemble : 5,120,000 fr.
Il ajoute que ce produit ne serait que de 4,880,000 fr., si la consommation du pays n'atteignait que 11,000,000 de kil. de sucre.
Cette recette, et moins encore celle de 5,210,000 fr., ne peut être réalisée dans aucune hypothèse.
Je viens de l'établir : le chiffre de la consommation, calculée du 1er juillet 1843 au 30 juin 1848, soit cinq ans, s'élève à une quantité nette de 10,877,000 kilog., ou de 11,449,000 kilog. en quantité brute. Comme on le remarque, ce dernier chiffre approche de bien près celui qui est indiqué par M. Mercier.
La consommation de 10,877,000 kil. peut d'autant moins être contestée, qu'elle comprend deux périodes qui ont été soumises à des régimes différents et que les quantités ont peu varié, si l'on excepte l’année du 1er juillet 1847 au 30 juin 1848. Pendant cette année la consommation excède de 2,000,000 de kilog. celle des années antérieures. La moyenne générale se trouve donc accrue dans la proportion de cet excédant.
La quantité de 10,877,000 kilog. sucre se décompose, savoir :
Mélis, candis et lumps, 7,437,000 kilog.
Cassonade, 1,849,000 kil.
Sirop, 1,571,000 kil.
Total. 10,877,000 kil.
Etablissons maintenant les résultats que l'on obtiendrait par la mise en raffinage de la quantité de 11,449,000 kilog. sucre brut.
75 kilog. sucre candi, mélis et lumps, 8,587,000 kilog.
10 kilog. cassonade, 1,145,000 kil.
10 kilog. sirop, 1,145.000 kil.
Total : 10,877,000 kil.
5 kilog. déchet, 572,000 kil.
Ensemble, 11,449,000 kil.
Il en résulte que, comparativement à la situation actuelle, la consommation en sucre fin serait augmentée de 1,130,000 kil., tandis que la consommation des cassonades et sirops serait respectivement réduite de 704,000 kil. et de 426,000 kilog.
Si, pendant une période de 5 années, une quantité de 7,457,000 kilog, sucre fin a suffi aux besoins de la consommation, il est impossible; de supposer que le goût des consommateurs se transformera au point d'exiger une quantité de 8,587,000 kilog., soit en plus 1,130,000 kilog. Et puis, peut-on raisonnablement admettre que les habitants qui emploient de la cassonade et du sirop feront usage de sucre fin? N'est-il pas d'ailleurs reconnu que les bas produits sont consommés presque exclusivement par les classes peu aisées de la société ?
Les bas produits, le sirop excepté, doivent se vendre pour ainsi dire au jour le jour. Ils sont de leur nature sujets à une prompte détérioration, et peu ou point de raffineurs ont les emménagements nécessaires pour les conserver. Quant aux sirops, dès que les citernes ou réservoirs sont remplis, on doit les vendre, quel que soit le prix offert.
A ces causes, dont l'effet immédiat serait de réduire considérablement la consommation, il faut en ajouter une autre aussi décisive : le renchérissement des sucres sur le marché intérieur. Cette dernière cause n'a jamais été et ne peut être contredite. On ne doit pas non plus perdre de vue que la concurrence pour les fabricants de sucre brut de betterave devenant plus difficile par la suppression du commerce d'exportation,, ceux qui se trouvent dans les meilleures conditions changeront leurs procédés d'extraction, c'est-à-dire qu'ils produiront des sucres raffinés, de sorte que la quantité des bas produits se trouvera encore diminuée.
Deux autres causes qui dérivent de la proposition de M. Mercier contribueront également à réduire la consommation.
Il est évident que l'élévation des prix sur le marché intérieur fera cesser complètement notre commerce interlope sur nos frontières du Midi, et que ce commerce s'établira, à notre détriment, sur nos frontières du Nord, puisque les prix seront moins élevés en Hollande qu'en Belgique. Il est évident aussi que le marché intérieur n'étant plus approvisionné en quantité suffisante de bas produits pour la consommation, d'après les besoins actuels, la fabrication de sirops de fécule de (page 1252) pommes de terre, de carottes, de betterave et de fruits prendra plus de développement. Tous ces sirops ne sont point imposés, sauf celui de fécule de pommes de terre. Le droit est de 2 francs par 100 kilogrammes.
En examinant la proposition de M. Mercier à un autre point de vue, on peut dire qu'elle frappera plus particulièrement les classes peu aisées en les privant d'une denrée à laquelle elles sont habituées et qu'elles peuvent se procurer à bon compte, grâce à notre commerce d'exportation.
Toutes ces considérations semblent avoir échappé à l'honorable M. Mercier.
Je vais maintenant établir la recette sur laquelle on pourrait compter si sa proposition était adoptée.
Il a évalué la consommation en quantité brute à 11,500,000 kilog. Soit en quantité réelle à 10,925,000
A déduire :
1° La différence entre le chiffre de 10,925,000 kil. et le chiffre réel de la consommation actuelle, soit 48,000 kil.
2° L'excédant des sucres fins jusqu'à concurrence d'un million de kilog., c'est-à-dire la différence entre le chiffre 7,457,000 kil. formant la moyenne des 5 dernières années et le chiffre de 8,587,000 kil. qui serait obtenu par la mise en raffinage de sucre brut. Cet excédant s'élève à 1,150,000. On suppose que 150000 kilog. sucre fin seront consommés au lieu de cassonade), 1,000,000 kil.
3° Les produits de toutes espèces, provenant du sucre de betterave et du sucre de canne, qui seront remplacés par des sirops fabriqués, comme il a été dit ci-dessus, 1,200,000 kil.
Total quantité nette : 2,248,000 kil.
Quantité nette : 8,677,000 kil., représentant une quantité brute de 9,133,684 kil.
Remarquons que ce dernier chiffre paraît d'autant plus irréprochable qu'on n'a pas eu égard, en le fixant, aux quantités qui alimenteraient le commerce interlope de Hollande en Belgique. D'un autre côté, il se rapproche des quantités restées sur le marché intérieur du 1r juillet 1843 au 30 juin 1844, et du 1er juillet 1844 au 30 juin 1845. Elles s'élèvent, pour la première année, à 9,980,000 kilog., et pour la seconde, à 9,652,000 kil.. En plus, respectivement, 1,303,000 kil. et 975,000 kil.
Supposant que la quantité brute de 9.155.684 kilog. soit fournie, pour 4,300,000 kilog. par la betterave, et pour 4,853,684 par la canne, on obtiendrait la recette ci-après :
4,300,000 kilog. de sucre de betterave à fr. 40 : 1,720,000 fr.
4,853,684 kilog. de sucre de canne à fr. 48 : 2,320,000 fr.
Droits de douane sur 4.853,684 kilog.
Sucre de canne : 72,000 kil.
Total... 4,112,000 kil.
Ainsi la recette annoncée de 5,120,000 francs ou celle de 4,880,000 francs se trouve réduite à 4,112,000 francs, et encore n'est-il pas certain qu'elle serait complètement réalisée en fin d'exercice.
Que les personnes qui parlent avec tant de complaisance de six, sept, huit et même aujourd'hui de neuf millions comme produit possible d'un impôt sur le sucre veuillent bien nous expliquer à l'aide de quel miracle ils arriveraient à de tels résultats. (Interruption.)
Je ne m'adresse pas à l'honorable M. Cools, lorsque je désigne les personnes qui ont soutenu qu'on pouvait obtenir 6 à 8 millions de l'accise sur le sucre ; je dis que cela est répété chaque jour ; je dis qu'on égare le public par ces assertions ; on cherche à lui persuader que le sucre peut produire une quantité considérable de millions qui sont dilapidés au préjudice du trésor. Il importe de faire disparaître une pareille erreur, qui ne profite à personne et qui nuit beaucoup au pays.
La proposition de M. Cools, sans paraître d'abord aussi radicale que celle de M. Mercier, a cependant les mêmes effets. Elle ferait indubitablement aussi renchérir les prix sur le marché intérieur et occasionnerait un déficit dans les bas produits. Or, c'est aller au-delà ce qu'il peut légitimement espérer que de supposer que la consommation, sous le régime de sa proposition, si elle était convertie en loi, égalerait la consommation moyenne du 1er juillet 1843 au 30 juin 1847, soit 4 années.
Cette consommation s'élève à 10,250,605 kilog., quantité nette, et à 10,790,162 kilog., quantité brute. L'honorable membre propose de maintenir l'impôt à 40 francs sur la betterave, et celui de 45 francs sur la canne, sauf à réduire la décharge à 62 francs, soit un rendement de 72.58, maximum de celui qui est fixé par la loi du 17 juillet 1846.
Pour assurer une recette de 4,000,000 de francs au minimum, la décharge devrait être réduite à fr. 59.08, équivalent à un rendement de 76.17 kilogrammes.
Dans ces conditions, on doit demeurer convaincu que nos raffineurs devraient immédiatement cesser tout commerce d'exportation. Il suffira de rappeler ici que le rendement en Hollande est de 72.97 et en France de 70 kilog. pour les candis et mélis, et de 73 kil. pour les lumps.
Il faudrait supposer bien gratuitement une consommation de 10,582.000, quantité nette, et 11,138,947 kilog., quantité brute, pour que le système de l'honorable m. Cools fût praticable.
Dans ce cas, le rendement devrait être porté à 72.97, mais il n'y aura qu'un exportation de 6,214,000 kilog. et un mouvement commercial de 19,200,000 kilog. N'ai-je donc pas eu raison de soutenir que la proposition de l'honorable M. Cools ne peut atteindre son double but ; qui partant, sous ce rapport, elle est impraticable?
Avec un impôt de 40 francs sur le sucre de betterave, et un impôt de 48 francs sur le sucre de canne, et en admettant le chiffre de la consommation à 10,251,000 kilog. qui est plutôt exagéré qu'amoindri, l'exportation deviendrait encore pour ainsi dire impossible; la décharge ne devant s'élever qu'à 65 fr. 44 c, soit un rendement de 73.55.
Reste le système du gouvernement.
D'après le système arrêté, et en fixant le rendement à 70.59 on doit espérer que la consommation se maintiendra au chiffre de 10,877,000 kilogrammes. Le mouvement commercial représenterait une quantité de 39,425,000 kilog., et cette quantité, à partir du 1er juillet 1831, serait portée à 46,265,000. A cette époque le rendement s'élèvera à 72.73.
Les recettes diverses au profit du trésor s'élèveront :
A partir du 1er juillet 1849 à 3,625,700 fr.
A partir du 1er juillet 1850 à 5,641,300 fr.
A partir du 1er juillet 1851 à 3,674,700 fr.
Ces sommes ont été établies sur une consommation de 10,877,000 kil. quantité nette, et en supposant que tous les raffineurs apureront leurs prises en charge par exportation, déduction faite du minimum de la recette de 3,200,000 francs.
Voici le détail des produits que je viens d'indiquer :
(Le tableau inséré dans les Annales parlementaires n’est pas repris dans la présente version numérisée).
On sent que la recette de 3,674,700 augmentera à mesure que les procédés de raffinage se perfectionneront et que la consommation se développera.
Si l'on ajoute à ces résultats les droits de pilotage, les droits de timbre et d'enregistrement sur les protêts de mer, les frais de transport par le chemin de fer, ainsi que les recettes indirectes provenant des dépenses qu'occasionnent les navires, on arrive bientôt à reconnaître que, sans détruire le principal élément de notre navigation, le trésor recevra une somme équivalente à celle de 4,000,000 de fr. qui est la base fondamentale du système de M. Cools, et au produit que l'on obtiendrait par l'adoption du système de M. Mercier.
Si, comme on doit l'espérer, la législation sur les sucres n'est plus remise en question à chaque session, notre commerce prendra successivement plus d'extension, et l'on obtiendra naturellement une recette supérieure au chiffre de 4,000,000 de francs par les droits de douanes à payer sur des quantités plus considérables qui seront mises en raffinage.
Tous les navires qui ont concouru au commerce des sucres pendant l'année 1847, ont laissé une somme de 1,132,072 francs dans les ports de Gand et d'Anvers. La part afférente aux sucres déclarés en consommation est de 603,772 francs.
(page 1253) Si, comme je le pense, une réfutation satisfaisante des considérations que je viens de faire valoir n'est guère possible, toute hésitation est inadmissible entre les trois systèmes soumis à l'appréciation de la chambre.
Messieurs, j'aurais encore beaucoup à dire, car jusqu'à présent je n'ai pu rencontré quelques-unes des objections ordinaires de ce sujet; mais dans le cours de la discussion, j'aurai probablement occasion d'y revenir; il me semble qu'il est temps de m'arrêter.
M. Cools, rapporteur. - Messieurs, comme je suis encore un peu souffrant, je ne répondrai pour le moment qu'à ce qui m'est tout à fait personnel dans le discours de M. le ministre des finances.
Dans le commencement de ce discours, certaines paroles m'avaient d'abord paru arrangées dans le but de faire impression sur vos esprits, de bien inculquer cette idée que tout ce que j'ai dit et tout ce que je pourrais dire, en fait de sucres, ne méritait que peu de confiance ; j'ai cependant été bientôt tiré de mon erreur, et c'est M. le ministre des finances lui-même qui a pris ce soin.
M. le ministre, qui paraît avoir lu avec beaucoup d'attention, et je l'en remercie, tout ce que j'ai écrit sur la question des sucres, M. le ministre ne s'est occupé cependant que des développements de ma proposition que j'avais rédigés dans l'intervalle des sessions, à la campagne, sans être entouré de documents suffisants, et il y a découvert des choses incroyables. Ainsi, M. le ministre, répétant un examen auquel il s'est déjà livré dans une autre occasion, a fait remarquer que j'avais négligé de tenir compte des centimes additionnels, en parlant, non de l'impôt qui nous régit, que nous connaissons tous, mais de l'impôt qui existe dans un pays voisin, en Hollande. « Première erreur, » a dit M. le ministre. Il a fait remarquer ensuite, qu'en indiquant un impôt qui a existé chez nous, il y a quelque dix ans, j'avais dit que cet impôt était de 27 francs 50 centimes, au lieu de 37 francs. Deuxième erreur que j'aurais cormmise.
M. le ministre, revenant sur la même idée (car il traite un peu mes erreurs comme on agit au théâtre avec les comparses que l'on fait défiler en chevaliers romains après les avoir fait passer une première fois en Gaulois), fait remarquer que quand j'avais dit par erreur que l'impôt était de 27 francs au lieu de 37, j'avais commis une seconde erreur en disant que l'élévation subséquente pour arriver à l'impôt de 45 francs comportait 47 francs, tandis qu'elle n'avait réellement été que de 7 francs. Cette dernière erreur était nécessairement la conséquence de l'autre.
Après cette revue rétrospective, M. le ministre a parlé de deux autres inexactitudes, qu'il a également qualifiées d'erreurs, que j'aurais commises dans mon rapport, au nom de la section centrale. Ici, malgré toute la bonne volonté que je voudrais y mettre, je ne puis pas accepter la critique de M. le ministre. Je ne saurais reconnaître que j'aurais dit erronément qu'en Hollande pour une quantité donnée de sucre exporté, on restitue la totalité de l'impôt, et cela parce que je n'aurais pas tenu compte de la retenue de 3 ou 5 p. c. J'ai dit, et il était exact de le dire, qu'on restituait la totalité du droit pour une quantité donnée de sucre exporté. Après avoir mis de côté les 3 p. c. qu'on ne peut pas exporter, la totalité du droit est restituée sur le surplus, formant la quantité reportable comme elle l'était chez nous sous l'empire de la loi de 1843, malgré les retenues qu'elle prescrivait.
Quant à la prime, il m'a reproché d'avoir dit que ce système n'existait que chez nous et en Hollande, tandis que, d'après M. le ministre, il est également établi en France. Il est vrai qu'en France les primes sont inscrites dans la loi, mais comme l'impôt est variable sur les sucres des colonies françaises et sur les sucres étrangers, et qu'il s'élève à un taux très élevé sur ces derniers, personne n'a intérêt à travailler pour l'exportation plutôt que pour la consommation intérieure. Je m'abstiens de le démontrer, car je m'éloignerais trop de mon sujet. Le fait est qu'on s'exporte pas, la prime n'est réellement que nominale.
Je ne puis pas adresser de ce chef de reproche à M. le ministre, ce s'est que la deuxième fois qu'il emploie le même moyen. Je devrais même trouver qu'il en fait un usage très agréable, bis repetita placent. J'accepte sous ce rapport toutes les remarques qui ont été faites à raison des bonnes intentions, alors même que ces erreurs ont été qualifiées d'énormes, grossières, colossales. M. le ministre a, en effet, fini par dire qu'il ne faisait ressortir ces faits qu'afin de montrer que, pour tout ce qui a rapport aux sucres, il faut se montrer très tolérant. L'observation a probablement paru si fondée à M. le ministre, qu'il a cru pouvoir se dispenser de prêcher d'exemple.
Je passe à un point plus important. Il y a une partie du rapport de la section centrale qui paraît avoir fortement ému M. le ministre. C'est lorsque nous avons dit franchement, sans détour, qu'il y avait eu compromis entre les intérêts opposés, que les bases de ce compromis sont les mêmes au fond que celles de la proposition du gouvernement, c'est lorsque nous avons fait entendre ensuite que le gouvernement se serait constitué l'agent (je répète les termes dont M. le ministre s'est servi), se serait constitué l'agent de ces intérêts. À celle occasion M. le ministre s'est livré à un grand mouvement d'indignation. Il a parlé de manières hautaines, d'injures gratuites, de présomption de calomnie, etc. On pourrait trouver ces expressions acerbes, si on ne savait pas que les termes de cette force font partie du dictionnaire de M. le ministre des finances; les membres de la chambre (à quelques exceptions près cependant) s'y sont déjà faits et ne s'en émeuvent plus. Après cela nous sommes fondés à nous demander : Pourquoi tant d'irritation? Quelle calomnie peut-il y avoir au fond de ce que j'ai dit ? J'ai exposé les faits, et voilà tout. Il est de notoriété qu'il y a eu rapport, entente entre la betterave et la canne. Cela n'est plus nié. Les partisans des propositions du gouvernement le reconnaissent eux-mêmes, comme le rapport de la section centrale le constate. J'ai d'autant plus lieu de m’étonner de l'émotion qui s'est emparée du banc ministériel, que M. le ministre avoue qu'il n’y a rien d'étonnant à ce que des intérêts opposés s'entendent, se rapprochent. Maintenant, quant à ce qui s'est passé entre le gouvernement et les intéressés, je ne suis pas dans la confidence de ce qui s'est passé dans les réunions qui ont eu lieu au ministère; mais s'il y a manque de vérité alors que nous faisons entendre que des réunions ont eu lieu, l'observation est fondée seulement en ce sens que nous n'avons pas dit toute la vérité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Veuillez vous expliquer.
M. Cools. - Il est à ma connaissance parfaite qu'après l'accord intervenu entre le sucre de betterave et le sucre de canne, des intéressés se sont rendus plusieurs fois au ministère, notamment à l'époque de la discussion de la loi de succession. M. le ministre doit avoir répondu une première fois qu'il n'avait pas encore le loisir ou que les renseignements lui manquaient jusqu'alors pour s'occuper de la question des sucres. D'autres conférences doivent avoir eu lieu dans ces derniers temps. Ces démarches nous auraient paru fort naturelles, comme elles le seraient, en effet, si elles n'avaient pas été suivies de la présentation d'un projet rappelant les bases de l'accord, bases, je le dis encore, qui m'étaient connues depuis plusieurs mois.
Maintenant, je vous le demande, quand on se borne à exposer les faits, et ils doivent sans doute donner à réfléchir, en quoi peut-on commettre une calomnie?
Il y a eu un mot de la part de M. le ministre qui m'a étonné plus que tous les autres; il a dit que nous prétendions au monopole de la défense des intérêts du trésor; jamais nous n'avons eu cette prétention; nous avons toujours rendu toute justice à M. le ministre pour le zèle qu'il apporte dans la défense des intérêts qui lui sont confiés ; nous avons applaudi aux efforts qu'il a faits dans la discussion de la loi de succession pour améliorer la situation du trésor; il a dit alors qu'il fallait 5 ou 6 millions de ressources nouvelles; je suis, sous ce rapport, à peu près de son avis.
En quoi différons-nous? C'est que nous apprécions différemment les ressources du pays ; il n'y a pas là place pour s'adresser de part ou d'autre le reproche de présomption. M. le ministre pense qu'on ne peut prendre que 200 millions de francs sur les sucres et comme conséquence nécessaire, il trouve sans doute qu'il faut prendre le reste sur autre chose; nous, au contraire, nous pensons qu'il faut ménager d'avantage les autres impôts et prendre beaucoup plus sur les sucres. Je vous le demande, y a-t-il là de quoi exciter l'émotion de M. le ministre des finances?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre, d'après les explications qu'il vient de donner, ne paraît pas avoir compris toute la portée des paroles consignées dans son rapport. Après avoir indiqué un accord entre les fabricants de sucre, accord qui est tout simple et qu'il ne songe pas à blâmer, insinue que c'est le gouvernement qui se charge d'exécuter la coalition de ces deux intérêts au préjudice du trésor. (Interruption.) Si vous dites que telle n'est pas votre pensée, j'accepte.
M. Cools, rapporteur. - Je dis que les propositions du gouvernement sont identiquement celles sur lesquelles les deux industries sont tombées d'accord en ce qui concerne les dispositions principales. Je laisse naturellement de côté les dispositions secondaires. Maintenant, que le gouvernement ait eu de bonnes raisons pour faire des propositions semblables, je suis tout disposé à le reconnaître ; mais quant à la concordance que je viens d'indiquer, elle existe.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les choses amenées à ce point, je vous fais juge des suppositions de l'honorable membre et de la pensée du gouvernement. (Interruption.)
Je prie M. de Mérode de vouloir bien ne pas m'interrompre.
L'honorable membre constate dans le rapport que les deux industries se seraient mises d'accord, que les partisans du sucre de betterave se montreraient favorables aux propositions faites relativement à l'exportation à la condition que l'accise sur le sucre exotique serait portée de 45 à 48 fr., le droit restant à 40 fr. pour le sucre de betterave.
C'est là-dessus que l'honorable membre se fonde pour dire : Le gouvernement favorise une coalition au détriment du trésor. Je réponds par un seul mot : C'est un des termes de la proposition de M. Mercier.
M. Cools. - Ce n'est qu'un des termes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais l'élévation du rendement, la réduction des termes de crédit, les 200,000 fr. en plus, font-ils aussi partie de la coalition? Ce sont de dures conditions; vous les qualifiez vous-même ainsi, car vous dites dans votre rapport que vous n'iriez pas aussi loin. Vous ne ferez croire à personne qu'on se soit mis d'accord pour accepter ces dures conditions.
Voilà ce qu'il faut dire et reconnaître avec loyauté que cette insinuation n'aurait pas dû se trouver dans le rapport de la section centrale.
(page 1254) M. Cools. - M. le ministre, pour détruire ce que nous avons dit à l'égard de l'accord qui s'est établi entre les parties se rejette toujours sur cette circonstance qu'il propose une différence de 8 francs dans le chiffre de l'impôt, et il fait observer que ce n'est que la reproduction d'une idée de M. Mercier. Mais il y a deux choses dans la proposition ministérielle, et c'est là ce qui constitue l'avantage réciproque. Il y a les 8 francs de différence pour la betterave et le maintien des primes au taux actuel pour la canne. Car, remarquez-le bien, M. le ministre demande un produit de 3,200,000 fr., mais avec un impôt de 48 fr.; c'est comme si, avec un impôt de 45 fr., il se contentait, comme par le passé, d'un produit de 3,000,000 de fr. Les primes restent sensiblement les mêmes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une erreur mathématique. Je vous le démontrerai.
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.