(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 397) M. Troye procède à l'appel nominal à midi et demi. Après avoir donné lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée, Il communique à la chambre l'analyse des pièces qui lui sont adressées.
« Plusieurs habitants de Moerbeke demandent une augmentation de droits d'entrés sur le miel et la suppression des droits de douane sur les abeilles transportées en ruche en Hollande pour les laisser butiner sur les fleurs. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
« Le conseil communal et plusieurs habitants de Lummen demandent que la route de Saint-Trond au camp de Beverloo passe par Berbroek et Lummen. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
(page 398) « Le sieur Bourgeois demande que dans certains cas il y ait incompatibilité entre les fonctions de notaire et celles de secrétaire communal. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le notariat.
« Plusieurs cultivateurs à Overboulaere demandent une augmentation des droits d'entrée sur les tabacs. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
« Plusieurs habitants de Hechtel demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838 qui établit un impôt du consommation sur les boissons distillées. »
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
« Plusieurs propriétaires industriels de Sempst prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession et toute augmentation d'impôt qui lui serait proposée. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
« Plusieurs brasseurs et marchands de levure à Malines demandent une augmentation de droits d'entrée sur la levure. »
« Même demande des brasseurs et marchands de levure de Louvain. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
« Le sieur de Pommier, ancien lieutenant, réclame l'intervention de la chambre pour être réintégré dans son grade ou bien pour obtenir l'arriéré de solde de son grade depuis 1835 jusqu'en 1841. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le ministre des travaux publics adresse à la chambre des exemplaires de la carte des postes de Belgique, dressée par le département des travaux publics.
M. David. - J'ai été chargé de vous faire un rapport sur une pétition qui a trait directement au budget des voies et moyens, ; quelques membres m'ayant prié de faire ce rapport aujourd'hui, je demande à la chambre la permission de de lui présenter.
« Le sieur Pasque demande une indemnité équivalente au tort que lui a fait éprouver le gouvernement des Pays-Bas en laissant expirer le délai fatal pour la remise de ses réclamations à charge de la France. »
Le pétitionnaire est créancier de 201,401 fr. à charge de l'arriéré français ; d'après la convention du 5 novembre1845, il suffisait, pour être admis à la liquidation, de réclamer, conformément à l'arrêté royal du 17 mars 1845, c'est-à-dire avoir produit ses titres, avant le 1er mars 1847.
Il a rempli toutes les formalités exigées, les 10 et 15 février 1847, donc vingt et quinze jours avant l'expiration du délai ; mais le gouvernement des Pays-Bas a présenté sa réclamation tardivement, après le 28 février, terme fatal, au gouvernement français qui ne l'a pas admise.
Le dommage causé au pétitionnaire étant attribué à la négligence du gouvernement des Pays-Bas, il demande une indemnité égale au tort éprouvé, indemnité à prendre, soit sur un subside de l'Etat, soit sur les fonds français encore disponibles.
La copie d'un avis favorable émis par Maître Forgeur, avocat distingué, à Liège, approuvé par MM.de Behr, président, et Raikem, procureur général à la cour de Liège, actuellement membre de cette chambre, est jointe à la présente requête, et votre commission a l'honneur de vous proposer son renvoi à M. le ministre des finances, après la discussion du budget des voies et moyens, et son dépôt sur le bureau pendant la discussion.
M. Osy. - Quand nous serons arrivés à l’article concernant les intérêts des sept millions du forfait avec la Hollande, je compte parler sur cet objet. Je demande donc le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens ; après l'adoption de l'article, je proposerai le renvoi pur et simple ou le renvoi avec demande d'explication s'il y a lieu.
Je demande quant à présent qu'un se borne à ordonner le dépôt sur le bureau.
M. Raikem. - D'après le rapport qui vient de vous être fait, le pétitionnaire aurait formé sa réclamation en temps utile, mais elle n'aurait été transmise au gouvernement français par les autorités auxquelles la réclamation avait été adressée qu'après l'expiration des délais.
Ce serait donc ici un point qui devrait être d'abord vérifié, car si le pétitionnaire a réclamé dans les délais, si ce fait est constant, peut-il être victime de la négligence des autorités auxquelles sa pétition a été adressée ? Il me semble qu'avant de discuter ultérieurement, il y aurait lieu de demander des explications à M. le ministre des finances. Je propose donc le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'explication.
M. Osy. - L'honorable préopinant ne m'aura pas compris ; j'ai demandé le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens, parce que je compte m'occuper de son objet à propos de l'intérêt des sept millions, sauf, après le vote de cet article, à renvoyer la pétition avec demande d'explications. Car ce n'est pas la seule réclamation de ce genre qui nous soit adressée ; tous nos bureaux de bienfaisance et nos hospices sont dans le même cas.
Bornons-nous donc à ordonner le dépôt sur le bureau ; nous déciderons plus tard ce que nous ferons de la pétition.
M. Manilius. - Je m'associe à la proposition de l'honorable M. Osy d'ordonner quant à présent le dépôt pur et simple de la pétition. Quand nous serons arrivés à l'article du budget auquel elle se rapporte, nous verrons ce que nous dira M. le ministre des finances. Il n'y a pas de doute que M. le ministre est au courant de la question et prêt à répondre à l'interpellation de M. Osy. C'est alors que nous pourrons juger s'il faut renvoyer la pétition à M. le ministre ou la laisser déposée sur le bureau jusqu'à la fin de la discussion des budgets. C'est pour éviter une perte de temps que nous faisons cette proposition.
M. Mercier. - C'est précisément pour ne pas perdre de temps que j'appuie la proposition de l'honorable M. Raikem, car la chambre va se livrer à une discussion sur une question qu'elle ne peut pas connaître très bien, tandis que si nous attendions que nous fussions saisis d'un rapport, nous pourrions délibérer avec connaissance de cause. Si nous nous occupions maintenant de cette affaire, nous aurions deux discussions au lieu d'une.
M. Raikem. - Je ferai observer que le renvoi avec demande d'explications ne préjuge rien, puisque c'est d'après les explications qui seront données par le gouvernement et d'après les faits qui seront reconnus constants, qu'on décidera.
Or, avant de décider une question de droit, ne faut-il pas d'abord constater quels sont les faits ? Et ils ne peuvent être constatés que contradictoirement.
Les explications de M. le ministre sont un préalable. Il nous les donnera, dit-on, lorsque l'on viendra à la discussion. Mais ne vaut-il pas mieux qu'elles soient fixées par écrit, afin que la chambre puisse vérifier les faits et se décider d'après les explications qui seront données ? Il n'y aura aucun préjugé dans cette manière de procéder. C'est simplement un moyen d'éclaircir l'affaire.
M. Manilius. - Il n'y a pas de subtilité dans ma demande. Je n'ai qu'un but : éviter une perte de temps. Dans une heure nous allons avoir l'article.
Vous voulez renvoyer à M. le ministre de finances pour avoir une réponse. Vous lui enverrez la pétition au ministère et vous voulez avoir la réponse dans une heure. C'est l'impossible que vous demandez. Remettez votre demande au moment où vous serez arrivés à l'article. Alors vous verrez ce qu'il y aura à faire. Combattre une proposition aussi raisonnable, c'est perdre notre temps.
M. Raikem. - Il n'y a de même aucune subtilité dans ce que j'ai demandé. La discussion pourra avoir lieu sur cet article quoiqu'on ait demandé des explications à M. le ministre des finances. Je ne sais s'il est à même de les donner verbalement ; mais il me serait impossible d'apprécier des explications verbales sur un point de fait. Il faut avoir le temps de les examiner. C'est là ce que je demande.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - L'honorable M. Osy m'a annoncé qu'il m'interpellerait à l'occasion des intérêts des 7 millions, portés en recette au budget de 1648. Je pense que son intention est de traiter la question de principe. Or, la pétition qui nous occupe se rapporte à un fait que j'aurai à éclaircir, car il m'est complètement inconnu. La pétition pourrait, ce me semble, rester sur le bureau pendant la discussion et être renvoyée ensuite au ministère des finances.
M. Raikem. - M. le ministre des finances vient lui-même de faire une observation qui suffirait pour que le renvoi eût lieu avec demande d'explications. Il a déclaré que le fait énoncé dans la pétition lui est inconnu. Il faut qu'il le vérifie. Il est impossible qu'il l’ait vérifié, quand nous viendrons à la discussion de l'article. Il convient donc de lui renvoyer la pétition avec demande d'explications.
Cela n'empêchera pas de discuter la question de droit soulevée par l'honorable M. Osy. Je crois donc d'après ce qu'a dit M. le ministre des finances, qu'il est nécessaire de lui renvoyer la pétition avec demande d'explications.
M. Osy. - Pour ne pas perdre de temps, je me rallie à la proposition de l'honorable M. Raikem, mais je demande que la pétition soit cependant déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens. Je compte m'occuper de cette pétition lorsque nous en serons à l'article du budget qui est relatif aux 7 millions.
M. le président. - Il y a trois propositions ; le dépôt sur le bureau proposé par la commission ; le renvoi au ministre des finances, après la discussion du budget des voies et moyens, également proposé par la commission ; enfin, il y a la proposition de M. Raikem, à laquelle M. Osy s'est rallié, et qui tend à ce que la pétition soit immédiatement renvoyée au ministre des finances, avec demande d'explications. S'il n'y a pas d'opposition, je mettrai d'abord aux voix le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
M. Raikem. - Je pense qu'il faut commencer par la dernière proposition, car, si elle est adoptée, elle fait tomber les deux autres.
- Le renvoi à M. le ministre des finances, avec demande d'explications, est mis aux voix et adopté.
M. Zoude, au nom de la commission de circonscription cantonale fait rapport sur une pétition de plusieurs habitants des sections dites de Touquet de Frelinghien, de Guerre et St-Yvon, dépendantes de Warneton, qui présentent des observations contre la délimitation entre Warneton et le Ploegsteert.
La commission propose le renvoi au département de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Zoude fait ensuite le rapport suivant, sur une pétition du conseil communal de Zele, qui demande de nouvelles dispositions législatives sur la police rurale. - (page 399) Messieurs, les bourgmestre et échevins de Zele présentent un triste tableau de la position dans laquelle se trouvent les propriétaires de cette commune.
Dans le temps où les grains commencent à mûrir, on coupe les épis, et lors de la moisson on vole les gerbes.
Maintenant les maraudeurs se jettent nuitamment sur les récoltes fourragères.
Cependant toute la journée les mendiants pullulent, exigeant l'aumône sous la menace d'incendie.
De l'attentat contre les biens, il n'y a qu'un pas à l'attentat contre les personnes.
Les voleurs, les incendiaires, sont facilement assassins.
Les pétitionnaires estiment que les peines prononcées par les lois pour les délits ruraux, ne sont pas assez sévères ; les délinquants savent qu'ils ne seront punis que d'un emprisonnement de quelques jours.
Par ces motifs, ils demandent, dans l’intérêt de l'agriculture qu'une loi spéciale détermine des peines plus fortes que celles actuellement en vigueur.
Votre commission à l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département de la justice.
M. Dedecker. - Je considère comme un devoir de dire quelques mots à l'appui des conclusions de la commission. La question soulevée par la pétition dont il s'agit est de la plus haute importance. L'administration éclairée de la plus populeuse de nos communes a adressé à la chambre quelques observations sur la nécessité d'une réforme de la police rurale.
Je ne crains point de faire appel à l'opinion de tous les membres de la chambre qui connaissent la situation des Flandres ; tous reconnaîtront qu'une profonde démoralisation est malheureusement la suite de la misère qui afflige nos provinces. Sous l'empire du besoin qui se fait sentir depuis deux ans, le sentiment moral a presque disparu ; la conscience publique est faussée ; les attentats à la propriété deviennent d'une fréquence effrayante ; il n'y a plus de sécurité pour les propriétés, j'allais presque dire pour les personnes. En présence de cet état de choses, les moyens de police dont les administrations peuvent disposer sont évidemment insuffisants.
Il y a d'abord les gardes champêtres ; mais, de l'aveu de tous, ce moyen est toute fait nul. Il y a ensuite la gendarmerie, qui est insuffisante dans un grand nombre de localités. Enfin il y a les tribunaux correctionnels ; mais la répression correctionnelle est devenue tout à fait inefficace à cause de l'encombrement de la plupart de nos prisons. Les malfaiteurs savent si bien que le gouvernement est dans l'impossibilité de donner suite à un grand nombre de condamnations, que loin d'en être effrayés ils en font en quelque sorte l'objet de leurs plaisanteries. Tous les députés des Flandres savent comme moi que dans la plupart de nos villes les malfaiteurs condamnés sont en si grand nombre qu'ils attendent par centaines leur tour de rôle pour aller en prison, où ils ne seront détenus que deux ou trois jours, parce que le gouvernement serait entraîné dans de trop grands frais pour un emprisonnement plus long.
Les propriétaires, de leur côté, ou se trouvent perpétuellement sous la menace de l’incendie et n'osent, pas s’engager dans une répression personnelle des actes de brigandage dont ils sont les victimes, ou ils sont obligés d’organiser, à leurs frais, des gardes chargées de veiller, jour et nuit, à la défense de leurs propriétés.
Tous ceux qui connaissent les Flandres confirmeront ce que je dis ici : oui, messieurs, presque tous les fermiers de ces provinces sont obligés de se cotiser pour organiser jour et nuit une garde personnelle, parce qu'ils ne sont plus suffisamment protégés par l'action de la police publique.
Messieurs, il est temps que cet état de choses vienne à cesser !
A la fin de son discours sur les Flandres, M. le ministre de l'intérieur a dit, qu'il ne suffit pas d'améliorer matériellement le sort des Flandres, mais qu'il faut surtout se préoccuper du côté moral de la crise dans laquelle elles sont plongées.
A ce point de vue, je demande que la pétition soit renvoyée non seulement à M. le ministre de la justice, mais encore à M. le ministre de l'intérieur.
Je demande que le gouvernement s'occupe sérieusement de détruire les germes de cette effrayante démoralisation ; car il y va de l'avenir de ces provinces qui jusqu'ici s'étaient distinguées par leur profonde moralité.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, mes honorables collègues des départements de la justice et de l’intérieur n'étant pas encore en séance, je prends un instant la parole en leur nom, pour dire qu'ils porteront, j'en suis convaincu, une attention sérieuse sur la pétition, ainsi que sur les observations que l'honorable M. Dedecker vient de présenter à l'appui de cette pétition ; je crois aussi que les faits signalés sont, graves et qu’ils doivent par conséquent éveiller une vive sollicitude.
M. de T'Serclaes. - Messieurs, je n'ajouterai que quelques mots à ce que vient de dire avec tant de vérité l'honorable M. Dedecker sur l'insuffisance de la police dans certains arrondissements des Flandres. Cette insuffisance est aujourd'hui manifeste, et elle excite de sérieuses -appréhensions chez tous les honnêtes gens. La démoralisation fait des progrès ; les vols, les attentats de toute nature à la propriété se multiplient de la manière la plus inquiétante. On a signalé le défaut de surveillance de la gendarmerie.
Il est à ma connaissance que dans certains cantons de l'arrondissement, de St-Nicolas, qui lui-même est tout entier fort éloigné du siège de la justice répressive puisque le tribunal de première instance siège à Termonde, les déprédations s'exercent en ce moment avec une violence extraordinaire ; les administrations communales peuvent à peine recourir aux agents de la force publique ; voici à quoi l'on attribue en partie cet état de choses ; tandis que, dans la plupart de nos provinces, chaque canton a une brigade de gendarmerie qui y stationne à demeure, rien de semblable n'existe dans les cantons de l'arrondissement de St-Nicolas. On demande donc avec instance que le nombre des gendarmes en résidence soit augmenté. Je le répète, les déprédations ont lieu aujourd'hui avec des symptômes tels qu'ils doivent éveiller toute la sollicitude de la chambre et du gouvernement.
- Le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice et à M. le ministre de l'intérieur est ordonné.
M. le ministre des finances (M. Veydt) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la cour des comptes a proposé une augmentation de 16,000 francs au budget des dotations pour le personnel de ses bureaux. Cette dépense n'a pas été admise par la section centrale ; elle a cru. par les motifs qui sont énoncés dans le rapport présenté par l'honorable M. Mercier, qu'il n'y avait pas lieu d'y adhérer.
Depuis lors, la cour des comptes a présenté de nouvelles explications, de nouveaux développements à l'appui de l'augmentation de crédit. Elle m'a prié de les soumettre à la chambre ; je crois qu'il conviendrait d'imprimer immédiatement ces observations, et de les distribuer, afin que nous les ayons sous les yeux, pendant la discussion du budget des dotations.
J'ajouterai que la cour des comptes réduit sa demande à 10,000 fr.
M. Mercier. - Je demande en même temps le renvoi de ces observations à la section centrale qui a été chargée du budget des dotations, afin qu'elle puisse délibérer de nouveau.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je me rallie à cette proposition.
- Le renvoi à la section centrale est ordonné.
M. le président. - Nous sommes arrivés hier à l'article concernant la redevance sur les mines. La discussion sur cet article et sur l'amendement de M. Orban continue ; la parole est à M. du Man d'Attenrode.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, le débat qui nous occupe a pour origine les rapports des sections centrales qui ont examiné le budget des voies et moyens pour les exercices 1845, 1846, 1847 et 1848.
Quel a été l'objet des préoccupations de ces sections centrales ? Elles ont été frappées de voir le chiffre des redevances diminuer presque annuellement et de voir d'un autre côté augmenter le chiffre des frais d'administration.
Ce qui a préoccupé l'honorable député de Marche qui a fait partie d'une ou deux de ces sections centrales, c'est que le gouvernement a constamment répondu aux réclamations fondées qui lui étaient adressées, par des ajournements. Qu'a répondu en effet l'administration jusqu'à ce jour ? Qu’elle était occupée de l'étude de la question. Eh bien, toutes ces études n'ont amené encore aucun résultat. Cet honorable membre a voulu en finir et vous a proposé de porter la redevance de 2 1/2 à 5 p. c.
Je pense que cet honorable collègue est dans son droit ; car la loi de 1810, qui régit cette matière, porte que la redevance sera fixée annuellement par la loi du budget et qu'elle ne pourra en aucune manière dépasser 5 p. c.
Au premier abord, j'étais disposé à me rallier à l'amendement de l'honorable M. Orban ; car, il faut le reconnaître, il est incontestable que la redevance doit au moins couvrir les frais d'administration. Cela n'a été contesté par personne. M. le ministre des travaux publics est convenu qu'il y avait quelque chose à faire ; s'il ne s'est pas rallié a la proposition de l'honorable M. Orban, il a donné au moins à la chambre l'assurance qu'il continuait l'examen de la question et qu'il le poursuivrait avec toute l'activité dont il est capable.
La chambre est donc d'accord avec le gouvernement que la redevance doit couvrir les frais d'administration, et qu'en conséquence il y a lieu soit de l'augmenter, soit de modifier le système.
Mais voici ce qui met obstacle à ce que je m'associe immédiatement à une augmentation de la redevance.
D'abord est-ce le taux de la redevance, ou n'est-ce pas plutôt sa base vicieuse, qui est cause de la médiocrité des recettes ?
Je suis fondé à croire que c'est la base insaisissable du produit net qui en est la cause principale.
Vient ensuite la question des abonnements qui constitue un autre obstacle. D'après la loi existante, le gouvernement a la faculté de contracter des abonnements avec les exploitants de nos mines.
Ces abonnements sont contractés pour 5 ans. Si l'amendement proposé était admis, il y aurait une très grande disproportion dans la condition des sociétés concessionnaires. Celles qui n'ont pas d’abonnements ou dont les abonnements sont sur le point d’expirer seraient soumises (page 400) à une redevance de 5 p. c, tandis que celles dont l'abonnement a 4 ou 5 ans à courir encore ne payeraient qu'une redevance supposée de 2 1/2 p. c. Je dis supposée, car si mes renseignements sont exacts, et je suis fondé à les croire tels, il y a de ces abonnements faits de telle façon qu'ils assurent à peine 1 p. c. au trésor. Quelle serait la position de ceux qui seraient soumis d'une manière sérieuse à la nouvelle taxe vis-à-vis de ceux qui seraient sous la garantie de ces contrats ?
Cette position ne serait pas tenable, car la plupart de ces entreprises sont si considérables qu'une infériorité d'un demi ou d'un quart pour cent suffirait pour les mettre dans l'impossibilité de soutenir la concurrence sur les marchés.
Je pense donc que ce qu'il faut pour permettre une amélioration, c'est que le gouvernement cesse de contracter de nouveaux abonnements. Le gouvernement peut percevoir les 2 1/2 p. c. ou contracter des abonnements. C'est une faculté qui lui est laissée. Je demande que M. le ministre des travaux publics cesse à l'avenir de contracter des abonnements. D'ici à l'expiration des abonnements contractés, il pourra examiner ce qu'il convient de faire pour améliorer le système. Je le dis avec conviction, la situation présente est mauvaise pour l'exploitant, la perception sérieuse du droit est vexatoire pour lui ; elle est inquisitoriale, car elle nécessite l'examen de leurs registres, de leurs spéculations. En effet, jamais un homme qui se livre aux affaires n'aime à en exposer les résultats ; quand elles sont bonnes, on n'aime pas à en convenir ; quand elles sont fâcheuses, on aime encore moins de l'avouer. Elle est mauvaise pour le trésor, parce que la taxe est improductive ; la matière imposable est élastique, elle est interprétée de quinze manières différentes. D'après le travail d'un ingénieur, que j'ai là, il y a une foule de manières d'établir le produit net.
D'après une circulaire d'un conseiller d'Etat, M. Lhomond, qui a contribué à préparer la loi de 1810, on ne devait déduire, pour arriver au produit net, que les frais d'extraction ; depuis lors l'honorable M. Rogier a établi qu'on devait retrancher les frais d'exploitation ; il y a des exploitants qui veulent qu'on déduise les frais de transport jusqu'à l'orifice de la fosse, d'autres jusqu'au rivage du canal voisin.
Il y a, je le répète, 15 manières d'interpréter le mode de fixer la base de la taxe.
Enfin la position est mauvaise pour l'ingénieur lui-même, il est obligé de prendre le caractère d'un agent du fisc, de passer un quart de l'année à discuter la manière dont on fixera la redevance.
Pour ne citer qu'un fait, il s'agissait en 1839 d'abonnement à accorder à une compagnie concessionnaire. Un exploitant avait offert 400 fr., l'administration prétendait qu'il était dû 8,125 francs, l'abonnement a été passé à 5,117 francs, par suite d'une transaction contraire à l'avis de l'ingénieur en chef après des rapports des enquêtes sans nombre. Les agents de l'administration perdent leur temps et leur caractère dans toutes ces contestations.
Pourquoi avons-nous créé une administration des mines ? Le but de cette institution est de surveiller le bon aménagement des exploitations, car l'Etat n'a accordé la concession des mines à des particuliers, qu'à la condition de les exploiter pour le mieux dans l'intérêt de tous, afin que cette propriété soit exploitée d'une manière convenable dans l'intérêt des générations futures.
Il faut, quand une mine s'exploite, que l'ingénieur veille à ce qu'on l'exploite d'une manière convenable, car on sait que les exploitants sont portés à ne consulter que leurs intérêts. S'ils rencontrent une veine peu productive ou difficile à exploiter, ils sont disposés à j la délaisser pour attaquer une veine plus riche. S'il pouvait en agir ainsi, la veine moins riche serait à tout jamais perdue pour la consommation. On doit traiter avec économie une matière qui ne se reproduit pas. L'on doit songer un peu aux générations futures. Jadis il semblait que la houille que contiennent les flancs du globe était inépuisable.
On commence déjà à assigner une limite à son exploitation. :
Je demande donc que le gouvernement assigne aux ingénieurs la position que leur service détermine. Qu'ils soient désormais les guides, le conseil des exploitants, qu'ils soient à même de veiller à ce que l'exploitation des mines s'opère avec prudence et économie. Il faut, pour y parvenir, les décharger de leurs fonctions fiscales.
Je demande que le gouvernement fasse choix d'un système de redevance assis sur des bases saisissables et moins sujettes à contestation.
Je demande, en un mot, que la redevance couvre les frais d'exploitation.
Mais il faut, pour y arriver, que le gouvernement cesse de passer des contrats qui mettent obstacle dans l'avenir à toute amélioration.
M. Nothomb. - Messieurs, jusqu'à présent la redevance des mines ne constitue pas pour le trésor public un véritable revenu, une ressource réelle. On a pensé que tout ce que l'exploitation des mines devait produire, c'était une somme suffisante pour couvrir les frais d'administration. Ceci résulte des instructions des différents gouvernements et de l'esprit de la loi de 1810.
La question qui s'élève aujourd'hui est de savoir si vous changez le caractère de la redevance sur les mines, si vous en ferez un véritable impôt au profit de l'Etat. C'est une véritable question de principe qui changerait complètement la condition de l'exploitation des mines. Je ne sais si on peut la traiter incidemment. Je me borne à signaler la portée de l'amendement qui vous a été proposé et la tendance de l'auteur de la proposition.
C'est un changement complet au caractère de la redevance. Vous n'exigerez plus des exploitations seulement une somme suffisante pour couvrir les frais d'administration, y compris même les traitements du conseil des mines ; mais vous exigerez une somme supérieure, de manière à trouver sur cet excédant un. revenu pour le trésor public.
Je crois, messieurs, qu'il faut réserver à un autre moment l'examen d'une question de cette gravité. La redevance figure aujourd'hui au budget pour une somme de 180,000 fr. Cette somme est-elle l'équivalent des frais d'administration ? (Non ! non !) Si elle n'est pas l'équivalent, le gouvernement doit trouver le moyen d'arriver à élever cette somme jusqu'à ce qu'elle rapporte l'équivalent. Mais il ne doit pas aller au-delà.
Il doit même provoquer des réunions de la part des exploitants, leur exposer qu'il y a insuffisance, leur indiquer le déficit et obtenir d'eux que ce déficit soit couvert, fût-ce par des changements aux abonnements, fût-ce par une répartition à l'amiable.
C'est ainsi à peu près que j'ai procédé en 1830 et en 1838. Il y a eu insuffisance. J'ai fait comprendre aux exploitants qu'il valait mieux s'entendre avec le gouvernement, et maintenir le tantième de 2 1/2 p. c, qu'il fallait se montrer plus facile pour fixer ce qu'on appelle le produit net. Car là est la véritable question. Vous aurez beau écrire dans votre loi que le tantième sera de 5 p. c ; ne croyez pas, comme vous l'a dit très bien M. le ministre des travaux publics, que vous aurez le double de la somme qui figure aujourd'hui au budget. Vous aurez quelque chose de plus, j’en conviens ; vous obtiendrez peut-être 25, peut-être même 50 mille francs, mais votre but ne serait pas atteint. Car si vous doublez le chiffre du tantième, c'est dans l'espoir de doubler le chiffre des produits. Or, ce doublement, si je puis parler ainsi, vous ne l'atteindrez pas.
Vous feriez une chose jusqu'à un certain point impolitique. Vous feriez de grands efforts pour arriver à un résultat minime ; pour obtenir 25 ou 50 mille francs de plus, vous ruineriez en quelque sorte toutes les exploitations de mines.
C'est, messieurs, une grande opération dont je connais toutes les difficultés. Celle affaire m'a occupé pendant plus de deux ans ; elle a occupé tout le corps des ingénieurs des mines, et nous nous sommes félicités du résultat que nous avons obtenu alors sans perturbation, sans violence. Si aujourd'hui ce résultat n'est plus suffisant ; si le montant de la redevance n'est plus en rapport avec le montant des frais d'administration, il faut que le gouvernement avise au moyen de rétablir l'équilibre, et qu'il y arrive, autant que possible, par des arrangements à l’amiable.
Je ne suis pas d'avis non plus qu'on résilie tous les contrats d'abonnement. Je crois, messieurs, qu'il est heureux qu'on ait pu conclure des contrats d'abonnement. Ces abonnements sont des sortes de forfaits. Il y a des années où les exploitants ont perdu, il y en a d'autres où l'abonnement s'est trouvé être à leur avantage. Il y a une sorte de compensation sur le nombre de cinq années. C'est ce qu'il ne faut pas perdre de vue.
Je terminerai par une dernière observation : c'est qu'il y aurait quelque chose en apparence de contradictoire de la part du gouvernement à grever l'exploitation des mines, lorsque d'un autre côté le gouvernement emploie tous ses efforts pour faciliter les conditions d'admission de nos houilles sur les marchés étrangers.
Il est évident que les gouvernements étrangers pourraient rétorquer en quelque sorte contre nous notre propre conduite et nous dire qu'il est étrange de voir le gouvernement belge augmenter aussi facilement la redevance sur les mines, lorsque d'un autre côté il fait tant de demandes pour obtenir des dégrèvements sur les droits de douane à l'étranger.
Mon but principal, du reste, était d'appeler l'attention, comme on l'a fait hier, sur tout ce que cette question présente de difficile pour le gouvernement.
Il s'agirait, messieurs, d'une sorte de campagne contre tous les exploitante du pays. Cette campagne je l'ai faite en 1837 et en 1838, parce qu'elle était nécessaire. Je crois qu'il ne faut pas la renouveler facilement, et s'il y a insuffisance, quant aux dépenses d'administration comparées avec le montant de la redevance, j'engage le ministre à avoir recours à des moyens à l'amiable.
M. de Mérode. - Messieurs, la redevance sur les mines a spécialement pour objet la rémunération de l'administration des mines.
Il est donc juste que toutes les exploitations charbonnières et minéralogiques y contribuent, d'après une proportion équitable.
Ne prélever la redevance que sur les sociétés ou exploitations qui font des bénéfices, c'est grever les uns et exempter les autres ; et cependant les sociétés qui ne font pas de bénéfices sont celles qui exigent de la part des ingénieurs des mines, plus de démarches et plus de travail, et elles reçoivent ainsi gratuitement les bons offices et les conseils de cette administration.
Et d'ailleurs, l'absence de tout bénéfice dans une exploitation de ce genre est assez rare, et il est aussi des moyens de se donner aux yeux du fisc cette mauvaise situation.
Il paraît donc qu'il y a convenance et justice d'appeler toutes les exploitations à cette contribution, en imposant d'un léger droit le produit brut de l'extraction, soit d'un demi ou de 3/4 p. c.
Et si on voulait voir dans la redevance des mines autre chose qu'un moyen de rémunération de l'administration qui la dirige et la surveille, si on voulait y voir une ressource directe pour le trésor, on pourrait augmenter le chiffre de la redevance ou y faire participer par une quotité particulière les sociétés qui font des bénéfices en combinant alors les deux proportions ; mais ceci n'est indiqué que comme moyen de faire de la redevance un impôt proprement dit.
Messieurs, la richesse minérale exige, sans doute, des frais très (page 401) considérables d'exploitation,. et des chances mauvaises exposent ceux qui entreprennent de la faire valoir.
La preuve néanmoins que cette richesse offre souvent de grands bénéfices aux personnes qui la recherchent, c'est qu'elle est largement exploitée partout où elle existe, non seulement en Belgique, mais dans tous les pays industrieux. De grandes fortunes se sont créées sur les succès obtenus par les extractions charbonnières. Il faut donc que là où il y a profit notable il y ait tribut soldé à l'Etat, puisque celui-ci ne peut exister sans recettes et qu'il doit les chercher équitablement partout où il y a moyen de payer.
M. Dolez. - Messieurs, je ne veux pas revenir sur les considérations qui ont été émises dans la séance d'hier. Je compte me borner à soumettre à la chambre quelques observations sur la question telle que vient de la poser avec raison l'honorable M. Nothomb
Il est constant que la redevance des mines doit être uniquement destinée à couvrir les frais de l'administration des mines, et je me hâte de dire que je n’hésite pas à admettre que la redevance des mines doit atteindre la somme nécessaire à cette fin.
Mais si je demande quelles sont les dépenses de l'administration des mines, il me sera facile de démontrer en quelques mots à la chambre que la redevance, telle qu'elle est fixée, aujourd'hui par le budget des voies et moyens, excède les frais de l'administration des mines qui doit être mise à la charge de cette redevance.
On vous l'a dit avec raison, c'est dans la loi de 1810 que se trouve le privilège de la redevance des mines.
L'Etat, en vertu de la loi, confère gratuitement au concessionnaire la propriété des mines. Toutefois, cette propriété ne lui étant accordée qu'en vue de la richesse publique, il est de son essence que son titulaire ne puisse s'abstenir d'en user. Si, en matière de propriété ordinaire, chacun est libre de ne pas user de son droit, il en est autrement de la propriété des mines. L'exercice de cette propriété est un devoir, et si le concessionnaire venait à le méconnaître, l'Etat serait en droit de faire rompre le contrat qui formait le titre de la concession.
La loi de 1810, qui sans doute aurait pu soumettre les concessions de mines au payement d'un prix ou au payement d'impôts destinés à subvenir aux charges générales de l'Etat, a été l'expression de pensées plus relevées ; ses auteurs ont pensé que, loin d'entourer d'entraves des entreprises dont le succès servait à la prospérité publique, il fallait se borner à soumettre les concessionnaires au payement de redevances destinées à concourir aux frais d'une administration constituée uniquement dans l'intérêt des exploitants eux-mêmes.
Aussi faut-il bien se garder de croire qu'il puisse suffire de ranger une dépense sous la rubrique des Mines, dans la classification du budget, pour qu'il soit permis de la considérer comme, faisant partie des frais de cette administration à laquelle la loi de 1810 a affecté les redevances qu'elle crée. Ces principes, que je crois incontestables, étant une fois posés, interrogeons le budget des travaux publics et voyons de quels éléments se compose le chiffre des dépenses que l'on prétend couvrir par une augmentation de la. redevance.
J'y vois d'abord : conseil des mines ; traitement des fonctionnaires ; frais de route et matériel : fr. 45,600. »
Qu'est-ce que le conseil des mines ? Ouvrez la loi du 2 mai 1837 et vous verrez que le conseil des mines est une fraction du conseil d'Etat, chargée d'exercer les attributions que la loi du 21 avril attribuait à celui-ci. Or, jamais les dépenses du conseil d'Etat n'ont été considérées comme pouvant être mises en partie à charge du fonds spécial des mines ; jamais on n'a considéré une fraction quelconque de ce conseil comme faisant partie de l'administration des mines.
S'il en a été ainsi en France, dès l'application de la loi de 1810, dont la portée a été nettement marquée par l'exécution qu'elle a reçue, n'est-il pas clair comme le jour, qu'il est impossible de faire figurer comme charge de la redevance des mines les frais qu'entraîne le conseil des mines qui, sous le nom nouveau qu'on lui a donné, n'en reste pas moins uniquement une fraction élu conseil d'Etat ?
Je retranche donc du chiffre total porté au budget cette somme de 45,600 fr., qui y est portée pour le conseil des mines.
J'ajoute que cette observation déjà décisive que je viens d'avoir l'honneur de vous soumettre, se renforce encore, quand on réfléchit que le conseil des mines remplit à peu près des fonctions analogues à celles du conseil des ponts et chaussées pour d'autres parties du service public, et que jamais on n'a demandé aux concessionnaires de routes, aux concessionnaires de canaux, de subvenir à la dépense du conseil des ponts et chaussées. Le législateur de 1810 ne pouvait pas perdre de vue que l'Etat doit à tous les citoyens l'organisation des grands services publics, sans demander à chaque intérêt particulier qui semble s'y rattacher d'une manière plus directe de venir les subventionner spécialement.
Le second article du chapitre des mines, au budget des travaux publics, est le traitement des ingénieurs et conducteurs, frais de bureau : fr. 167,200.
En principe, il est évident que cet article doit être mis à charge de la redevance des mines. C'est justement l'objet de cette redevance, d'après la loi du 21 avril 1810. Cependant ici encore une remarque doit être faite. La chambre pourrait croire que tout le corps des ingénieurs des mines est consacré à l'administration des mines. Ce serait une erreur. Plusieurs ingénieurs sont détachés à l'exploitation des. minières qui intéressent l’Etat ; d'autres sont consacrés au service de l'inspection des machines à vapeur. Et certes, on ne prétendra pas qu'il faille affecter les redevances des mines au traitement de ces ingénieurs. Je ne puis pas vous dire quel est le chiffre exact qu'il faudrait déduire de ce chef du total de 167,200 fr. qui se trouve au budget ; mais j'affirme à la chambre que quand on entrera dans l'examen de la question, on reconnaîtra que plusieurs agents de l'administration des mines ne doivent pas figurer à charge de la redevance spéciale des mines.
Troisième article du budget. « Jury d'examen et voyages des élèves des mines : fr. 6,000. » Je vous le demande encore, est-il permis de penser que la redevance des mines doive faire face aux frais d'examen de jeunes gens qui aspirent à entrer dans le corps des mines, aux voyages de ces élèves mêmes ?
A-t-on jamais demandé aux hommes qui se livrent à la pratique du droit, aux magistrats, aux avocats de payer, par une taxe spéciale, les frais des jurys universitaires. Mais il y a plus, si l'on consulte la loi organique de l'enseignement supérieur du 27 septembre 1835, on y voit que l'école des mines de Liége est une partie intégrante de l'université de cette ville, et c'est là une preuve décisive que les frais de cette école et des jurys d'examen qui s'y rattachent sont parfaitement analogues aux frais des autres cours des universités. Voici ce que porte l'article 2 de la loi organique : « Art. 2. Les facultés des sciences des deux universités sont organisées de manière que la faculté de Gand offre l'instruction nécessaire pour les arts et manufactures, l'architecture civile, les ponts et chaussées ; et la faculté de Liège pour les arts et manufactures et les mines. »
Ainsi vous l'entendez, messieurs, les frais de l'école des mines et partant ceux du jury d'examen, font partie intégrante des frais de l’enseignement universitaire qui doit se donner aux frais de l'Etat. Or, l'honorable M. Nothomb l'a dit tout à l'heure avec raison, la redevance des mines n'est pas une ressource de l'Etat. C'est en réalité un fonds commun entre les exploitants, destiné à couvrir des dépenses faites dans l'intérêt des exploitants mêmes.
L'article 4 du budget des travaux publics porte : « Subsides aux caisses de prévoyance ; secours et récompenses aux personnes qui se sont distinguées par des actes de dévouement : fr. 45,000. »
Comment ! quand l'Etal dans un intérêt humanitaire institue des caisses de prévoyance, quand il encourage les grands actes de dévouement, vous diriez aux exploitants que c'est à la redevance des mines à supporter les frais de ces récompenses, de ces encouragements !, Encore une fois, ce serait déraisonnable. Est-ce qu'on demande aux autres industries de pourvoir à des dépenses analogues ? Jamais on n'y a pensé. Ce sont là des dépenses générales qui doivent être supportées par les ressources générales de l'Etat.
Le dernier paragraphe du budget, au titre des mines, porte : « Impressions, achats de livres et d'instruments ; encouragements et subventions pour la publication de plans et mémoires, essais et expériences : fr. 10,000 »
Sont-ce encore là des frais de l’administration des mines dont a parlé la loi du 21 avril 1810 ?Mais évidemment non. Votre raison, messieurs, l'a compris sans qu'il soit besoin de vous le démontrer.
Messieurs, si vous admettez les différents chiffres que je viens de poser, vous arriverez à reconnaître que les dépenses réelles qui doivent être imputées sur la redevance des mines, même en ne tenant pas compte des ingénieurs de cette administration qui se consacrent à d'autres services, se bornent à 162,700 fr. Or, vous avez au budget des voies et moyens, un revenu présume de 180,000 fr., je puis donc dire que la redevance des mines donne dès aujourd'hui plus qu'elle ne doit. Je connais trop la justice de la chambre, j'ai trop de foi dans celle du gouvernement, pour ne pas être convaincu qu'avant de songer à aggraver les charges de l'industrie des mines, ils ne veuillent rechercher quelles sont les dépenses qui, de par la loi de 1810, peuvent seules être imputées à cette industrie.
Pour moi, messieurs, je serai heureux qu'il me soit permis de croire que mes observations vous auront démontré que dans l’état actuel des choses on met à la charge des exploitants de mines des dépenses importantes qui ne sont pas de celles dont parle la loi du 21 avril 1810,, et que partant il y a lieu de rectifier ce qui est tout à la fois une erreur et une injustice.
M. Lejeune. - C'est au point de vue où s'est placé l'honorable M. Nothomb que la section centrale a examiné la question des redevances sur les mines. Elle a eu connaissance des diligences faites pour continuer l'instruction de la question et arriver à un résultat. Elle a constaté dans son rapport, comme cela a été fait l'année dernière et les années antérieures, que les dépenses faites pour les mines, n'étaient pas couvertes par la redevance portée au budget, qu'il manquait environ 100,000 fr. Par ce motif, elle a engagé le gouvernement à presser, la solution de la question, et il faut le dire, la question est bien près d'être résolue.
La section centrale n'a pas fait de proposition, et je pense, messieurs, que ce n'est pas le moment d'en faire une. Vous voyez, quelle est la difficulté : non seulement on ne peut pas décider d'une manière incidente la question de principe, celle qui consiste à savoir si les redevances sur les mines doivent prendre le caractère d'un véritable impôt et rapporter plus que le montant des dépenses faites pour ce service. Cette question, certes, ne peut pas entrer maintenant dans nos débats. Mais l’autre question, (page 402) celle de savoir s'il y a lieu d'augmenter le chiffre, du chef des dépenses faites, cette question, appuyée sur la loi du 21 avril 1810, pourrait être régulièrement introduite dans la discussion actuelle et recevoir une solution par amendement. Cependant, je ne suis pas d’avis d’accueillir la proposition, parce que, comme on l’a dit hier, dans l’état actuel des choses, on n’est pas certain d’augmenter le revenu en augmentant le taux de la redevance.
Voilà, messieurs, la première difficulté ; mais il en est une deuxième ; comme vous venez de l'entendre, le chiffre de la dépense même est contesté. On a dit, dans le rapport de l'année dernière, que le déficit était de 104,420 fr. sur une dépense de 284,600 fr. mais vous venez d'entendre l'honorable M. Dolez qui conteste la plupart des chiffres portés au chapitre du service des mines.
Messieurs, cette discussion n'aura pas été inutile. Le gouvernement verra qu'il y a un point de plus en litige et par conséquence un point de plus à fixer. Il faut tâcher de donner à la question une solution telle que ces contestations ne puissent plus se produire. Il est à espérer que le gouvernement saura éviter tous les écueils et que pour la discussion du budget prochain il nous proposera une solution qui fasse cesser toutes les difficultés.
M. Nothomb. - Je prends un instant la parole, uniquement pour établir un fait. Je disais qu'il résultait de l'esprit de la loi de 1810 que la redevance était destinée à couvrir les frais d'administration. Je me suis trompé ; c'est du texte que cela résulte ; je vais lire le texte de la loi. La loi de 1810 porte, article 39 :
« Le produit de la redevance fixe et de la redevance proportionnelle formera un fonds spécial dont il sera tenu un compte particulier au trésor public et qui sera appliqué aux dépenses de l'administration des mines et à celles des recherches, ouvertures et mises en activité des mines nouvelles ou rétablissement des mines anciennes. »
« Un fonds spécial qui sera appliqué... » Remarquez donc qu'ici déjà une première fois, on force le sens de la disposition en disant que ce fonds sera appliqué de manière à couvrir tous les frais. On force le sens de la loi de 1810 et on a raison ; mais il ne faut pas aller plus loin.
J'avais pris la parole uniquement pour bien établir ce fait.
M. Orban. - Je ne maintiendrai pas davantage mon amendement que j'avais considéré d'abord comme ayant des chances d'adoption, puisque dans le moment actuel le trésor a besoin de ressources et que celle-là me semblait la plus convenable et la plus juste.
Je reconnais maintenant que mon amendement n'a aucune chance de succès puisque la section centrale elle-même refuse de l'appuyer.
Toutefois je persiste dans l'opinion que les mines devraient contribuer pour une juste part dans les charges de l'Etat, et je déclare qu'il me sera impossible d'adopter des projets de lois tendant à créer des impôts qui ne présenteraient pas le même caractère de justice.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, la redevance imposée sur les mines a été considérée par le législateur dans le sens qui vient d'être indiqué par l'honorable M. Nothomb. Le conseil d'Etat a déclaré que cet impôt devait être extrêmement léger et qu'il n'avait pas d'autre destination que de couvrir les dépenses de l'administration des mines. C'est qu'en effet, l'exploitation des mines était envisagée à un point de vue fort élevé, au point de vue de l'intérêt public et non pas au point de vue de l'intérêt fiscal. Que l'administration des mines doive être payée autant que possible, à l'aide de la redevance des mines, je le veux bien, je désire que cela soit, cela me paraît très convenable.
Ce n'est pas cependant, messieurs, que l'administration des mines soit instituée exclusivement et uniquement dans un intérêt privé, dans l'intérêt particulier des exploitants des mines ; cette administration est instituée dans un intérêt général, dans l'intérêt de la conservation, pour cause d'intérêt public, de la richesse minérale, de la bonne exploitation des mines et de la sûreté de cette immense population ouvrière qui vil de l'exploitation des mines. Messieurs, je l'ai déjà dit hier, et je suis obligé de le répéter aujourd'hui, on se fait une idée très fausse du véritable résultat de l'exploitation des mines, pour ceux qui en ont la concession. Il a été reconnu par l'administration, que parmi les mines du Hainaut, par exemple, 48 donnent des bénéfices et 58 sont en perte. Les bénéfices des 48 exploitations sont estimés à 4,750,000 fr. ; la perte des 58 autres est de 2,192,000 fr., le produit net général est de 2,558,000 francs.
Dans la province de Namur, les exploitations qui présentent des bénéfices, sont au nombre de 15, celles qui se trouvent en perte sont au nombre de 18. Les mines en gain donnent 153,968 fr. ; les mines en perte, un découvert de 90,359 fr., ce qui laisse un produit net de 63,609 fr. Dans la province de Liège, 40 exploitations donnent des bénéfices, et 44 sont en perte. Le bénéfice des 40 premières est estimé à 1,146,000 fr. ; la perte des autres s'élève à 1,409,000 fr. ; découvert général 263,000 fr. Vous voyez, messieurs, qu'on a grand tort de supposer que l'exploitation des mines procure des bénéfices énormes à ceux qui y engagent leurs capitaux. Si quelques-uns font des bénéfices, il en est un grand nombre qui subissent des pertes, et pour ceux qui font des bénéfices que de chances à courir ! Ces chances sont telles que le moindre événement peut compromettre tout l'avoir qui est engagé dans une pareille entreprise.
Maintenant, messieurs, comme la somme de 180,000 francs qui figure au budget se répartit sur les exploitations qui font des bénéfices, c'est-à-dire sur un petit nombre, il en résulte que ces exploitations sont grevées d'un impôt extraordinairement élevé. Je n'ai pas besoin de nommer les exploitations, mais je puis dire qu'il y a dans le Hainaut une exploitation, ayant trois sièges d'extraction, qui paye du chef de la redevance, 12,512 francs. Si on portait cette redevance à 5 p. c, comme le demandait tout à l'heure l'honorable M. Orban, voilà une exploitation qui serait grevée de 25,000 francs d'impôt. C'est une somme énorme, payée à titre d'impôt. Vous supposez que cet impôt est beaucoup trop modéré, mais quelle est donc l'industrie qui paye un impôt semblable ? On a fait valoir la considération que cette industrie n'est pas atteinte par la loi des patentes ; il me semble que c'est là quelque chose qui remplace bien la patente ; il me semble que l'absence de patente est largement compensée par un impôt qui s’élève, pour un seul établissement, à 12,500 fr. et qui, d’après la proposition de M. Orban, s’élèverait à 25,000 fr., si toutefois, en doublant le taux de la redevance, on pouvait en doubler le produit.
A Liège, messieurs, un établissement paye pour ses divers sièges d'exploitation, fr. 3,922 ; un autre paye fr. 4,888 06 c. ; un troisième paye fr. 5,095 46 c.
Ces exemples suffisent pour démontrer que les 180,000 fr. qui figurent au budget pèsent sur un nombre très restreint d'exploitants, car l'impôt ne frappe que sur les exploitations qui font des bénéfices ; et comme celles-là sont en petit nombre, chacune d'elles fournit au trésor un contingent fort important.
J'ai cru devoir présenter ces observations pour éviter que des idées, qui me semblent fausses, continuent à se répandre, de peur qu'on cesse d'envisager les exploitants comme se trouvant dans une position privilégiée, comme affranchis de toute espèce d'impôt au profit de l'Etat.
D'après les articles 6 et 42 de la loi de 1810, il y avait une redevance fixe et une redevance proportionnelle au profit de l'Etat ; il y avait une redevance fixe au profit des propriétaires de la surface ; elle était réglée par les actes de concession ; elle était fort minime, elle variait de 25 à 50 centimes.
Mais la loi de 1837 a considérablement augmenté la redevance, au profit des propriétaires de la surface ; je n'examine pas si c'est à tort ou à raison ; mais le fait est qu'on a attribué une redevance proportionnelle aux propriétaires de la surface, et cette redevance peut varier de 1 à 3 p. c. du produit net, telle qu'elle est arbitrée par le comité d'évaluation. Enfin, en vertu d'anciens contrats, les propriétaires d'exploitations de charbonnage payent en outre, à des particuliers, d'autres redevances considérables, telles que celles qui existent au pays de Liège, le droit de terrage et le sens d'areine.
Pour plusieurs exploitants, pour ceux qui sont devenus concessionnaires depuis la loi du 2 mai 1837, il y a, de ces divers chefs, des dépenses notables à supporter.
Ces considérations n'auront pas été inutiles pour rectifier quelques idées qui ont été émises dans cette discussion.
- La discussion est close.
L'article Redevance des mines, fr. 180,180, est mis aux voix et adopté.
« Droits d'entrée (16 centimes additionnels) : fr. 10,500,000.
« Droits de sortie (16 centimes additionnels) : fr. 470,000.
« Droits de transit (16 centimes additionnels) : fr. 70,000.
« Droits de tonnage (16 centimes additionnels) : fr. 500,000.
« Timbres (16 centimes additionnels) : 37,000.
« Ensemble : fr. 11,577,000. »
- Adopté.
« Droit de consommation sur les boissons distillées : fr. 920,000. »
- Adopté.
« Sel (sans additionnel) : fr. 4,809,000.
« Vins étrangers (26 centimes additionnels) et timbres collectifs : fr. 2,000,000.
« Eaux-de-vie étrangères (sans additionnel) : fr. 200,000.
« Eaux-de-vie indigènes (sans additionnel) : fr. 3,500,000.
« Bières et vinaigres (26 centimes additionnels et timbres collectifs) : fr. 6,500,000.
« Sucres : fr. 3,000,000.
« Timbres sur les quittances : fr. 5,000.
« Timbres sur les permis de circulation : fr. 1,000.
« Ensemble : fr. 20,006,000. »
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, dans une séance précédente, je me suis réservé de présenter un amendement à l'article « Sel », quand nous parviendrions à cet article. Si je croyais trouver de la sympathie dans cette chambre, pour une proposition, mon amendement consisterait à proposer une réduction de l'impôt de moitié. J'espère que la sympathie de l'assemblée ne me fera pas défaut. Cette question intéresse à la fois et la classe pauvre et l'agriculture ; elle intéresse la généralité, en ce sens qu'en réduisant l'impôt sur le sel, vous favoriserez l'élève des animaux, vous obtiendrez des produits meilleurs et plus abondants.
Sans doute, lorsqu'on parle, dans cette enceinte, des intérêts du trésor, on trouve partout de la sympathie ; mais lorsqu'il s'agit d'appliquer les actes aux paroles, malheureusement on ne rencontre que de bien faibles majorités. La section centrale elle-même a témoigné beaucoup de sympathie, au sujet d'une pétition qui lui a été adressée et qui tend à réduire l'impôt sur le sel, mais tout en appuyant l'opinion des pétitionnaires, la section centrale a renvoyé à l'étude cette demande de réduction de l'impôt.
Ah ! messieurs, cette demande de renvoi à l'étude me fait rappeler que quand on veut ajourner une question, on vous donne pour prétexte que cette question a besoin d'être étudiée, examinée, mûrie. Cette idée (page 403) de renvoi à l'étude est une idée que la section centrale a empruntée aux ministères précédents.
Depuis 10 ans, je demande chaque année, au chef du département des travaux publics, où en est la construction d'une route de Huy à Waremme ; chaque fois que je faisais ma réclamation, le ministre me répondait : « C'est à l'étude. » Il y a dix ans qu'on étudie celle toute, sans en avoir décrété la construction.
Vous voyez donc, messieurs, que renvoyer à l'étude, à la méditation, la proposition qu'on vous soumet, c'est renvoyer les pétitionnaires et ceux qui dans cette enceinte appuient la réclamation ; c'est les renvoyer aux calendes grecques. Il y a plus de 10 ans que je réclame une réduction de l'impôt sur le sel.
Eh bien, on a eu le temps de méditer cette question, et cependant aujourd'hui on nous ajourne encore pour attendre qu'on ait terminé l'étude.
Messieurs, en vérité, quand on considère que, pour une question qui intéresse la classe pauvre, on met dix ans à l'étudier, on a le droit de s'étonner, car c'est à peu près le temps qu'il faut à un écolier pour devenir avocat. En dix ans on peut faire ses études de manière à être reçu avocat
Enfin, la section centrale donne pour prétexte de ne pas accueillir cette demande de réduction d'impôt sur le sel, les besoins du trésor. Ce sont les besoins du trésor qui s'opposent à ce que cette proposition soit accueillie. Je suis aussi soucieux des intérêts du trésor que la section centrale. Si j'ai demandé qu'on réduisît de moitié l'impôt sur le sel, c'est que je suis convaincu qu’au bout de deux ans vous obtiendriez la même somme de recettes. A la vérité, je ne prendrais pas l'engagement de la garantir, je ne ferai pas comme un ancien ministre des finances, qui vous avait garanti une recette de 3 millions de l'impôt sur le sucre ; si cet honorable membre avait dû exécuter sa garantie, il se serait trouvé dans le cas de fournir à l'Etat 2 millions environ de sa cassette. De crainte que mes prévisions ne se réalisent pas davantage que celles-là, je ne donnerai pas ma garantie ; cependant par suite de l'augmentation que la consommation du sel éprouverait, on s'exposerait moins à garantir la rentrée de l'impôt actuel sur le sel après deux ans, qu'à garantir encore cette année le produit de 3 millions de l'impôt sur le sucre, si on ne touche pas à la loi.
Messieurs, en réduisant, comme je le demande, l'impôt sur le sel de moitié, vous faites cesser la fraude, car quoi qu'on en dise, la fraude se fait encore sur le sel ; en outre, vous percevrez le droit sur le sel employé par diverses industries. L’industrie agricole préférera payer neuf centimes que de s'astreindre aux formalités exigées pour être affranchie du droit quand on l'emploie pour le bétail. Il en est de même du sel employé pour former des engrais. On veut remplacer les cendres venant de la Hollande. Je crois que nous sommes près de nous affranchir de ces produits étrangers. Eh bien, vous auriez encore là une augmentation considérable de produits.
Messieurs, d'après ce que l'honorable ministre des finances vous a dit, la consommation du sel soumis à l'accise est d'environ 25 millions. Six millions employés par l'agriculture sont affranchis du droit ; 25 millions de kil. Le payent.
Si ces six millions payaient également le droit et si 18 à 20 millions étaient employés soit pour l'éducation des animaux, soit pour la confection d'engrais, il en résulterait que vous auriez 50 millions de kilogrammes de sel soumis à l'impôt, ce qui produirait au trésor la même somme que les 25 millions qui le payent aujourd'hui, car si 25 millions à 18 centimes produisent 4 millions 800 mille francs, il est évident que 50 millions de kilog. produiraient la même somme s'il y avait une réduction de moitié sur l'impôt du sel.
En moins de deux ans, vous auriez le même chiffre de recettes qu'aujourd'hui.
Au surplus, il est scandaleux de voir que le trésor perçoive sur la consommation du sel, le seul moyen de rendre mangeables les aliments fades dont les malheureux se nourrissent, il est scandaleux de percevoir 4,800,000 fr. sur la consommation du sel, tandis que sur la consommation du sucre, consommation qui n'est qu'à la portée des classes aisées, vous vous conteniez de trois millions.
Ah ! messieurs, tâchons autant que possible de percevoir les impôts sur les classes aisées en même temps que sur les matières susceptibles d'être plus imposées et même dont on peut se passer.
Dans la supposition où, les premières années, vous éprouveriez une perte sur l'impôt du sel, nous allons nous occuper de l'impôt sur le sucre sous quelques jours, alors nous pourrons aviser aux moyens de faire rentrer dans les caisses de l'Etat la somme intégrale du droit dont le sucre est frappé ; sans augmenter le chiffre de l'impôt, nous pourrions trouver moyen de couvrir le déficit que nous serions dans le cas d'avoir dans le produit de l'impôt sur le sel. Voilà les observations que je vous soumets ; j'appelle sur ce point toute votre attention.
Si mon amendement pouvait avoir quelque chance de réussir... M. le ministre des finances me dit que non. Je vous avoue que je suis cependant tenté de le présenter. Je le livre aux méditations du gouvernement et de la chambre. Mais je déclare que si l'année prochaine nous n'avons pas une proposition formelle de réduction d'impôt sur le sel, je le déclare formellement, je voterai contre tous vos budgets de dépenses.
Nous aurions d'autres moyens encore de combler le déficit si ma proposition était adoptée. Réduisons une masse de dépenses. Mais cela ne rentre pas dans le système du gouvernement et des chambres. Chacun parle d’économie ; mais quand il s'agit de réduire un article, on serait tente de croire que chacun passe la casse pour qu'on lui passe le séné, que chacun se dit : « Je voterai pour telle dépense ; on votera pour telle autre ! » Je ne puis m'empêcher de faire cette supposition.
Nous avions au budget des affaires étrangères le moyen d'économiser une somme suffisante pour dégrever l'impôt sur le sel. On ne l'a pas voulu.
J'espère que, l'an prochain, on entrera dans une voie d'économie telle qu'on puisse dégrever l'impôt qui pèse sur les classes malheureuses.
M. Castiau. - Malgré l'impatience de la chambre, le peu de chance que semble rencontrer l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Eloy de Burdinne et le veto absolu dont il vient d'être frappé par M. le ministre des finances pendant le discours de l'honorable membre, je ne considère pas moins comme un devoir de braver toutes ces causes de défaveur et de venir, comme je n'ai cessé de le faire, protester à mon tour contre l'impôt sur le sel.
Il y a dix ans, vous a dit l'honorable M. Eloy de Burdinne, qu'on sollicite, dans cette enceinte, la révision et la suppression de l'impôt sur le sel. L'honorable membre s'est trompé, qu'il me soit permis de le lui dire ; il y a plus longtemps que cet impôt a été attaqué dans cette assemblée. Depuis notre révolution il ne s'est pas passé d'année où l'on ne soit venu attaquer avec force un impôt qui aurait dû disparaître depuis longtemps. Et quand j'y pense, ces protestations contre cet impôt ont une origine bien plus ancienne encore. Elles ont existé dans tous les temps et sous tous les régimes. L'impôt du le sel, c'était la gabelle, cette odieuse gabelle qui avait laissé de si vifs mécontentements au sein des populations. On peut donc dire que cette taxe est arrivée jusqu'à nous frappée d'une réprobation en quelque sorte séculaire. Depuis quinze ans seulement, les réclamations ont pris un nouveau caractère de vivacité et d'insistance, elles ont été renouvelées chaque année.
Qu'a fait jusqu'ici le gouvernement ? Il a laissé dire et se plaindre, et ne paraît pas même s'être douté de l'importance de la question. Je me trompe, le gouvernement est sorti un jour de cet état d'indifférence ; il s'est occupé une seule fois de la question de la taxe sur le sel. Vous croyez peut-être que c'est pour venir en aide aux populations, pour réaliser un dégrèvement sollicité depuis si longtemps ? Pas du tout. Le fisc n'a pas l'habitude de lâcher ce qu'il tient ; il ne s'est donc occupé de l'impôt sur le sel que pour le rendre plus productif. C'est en 1844, si je ne me trompe, qu'a été portée une loi qui a fait subir à l'impôt sur le sel une aggravation passablement importante. Autrefois cet impôt ne produisait que 4 millions. Par suite de la loi nouvelle, le produit s'en est élevé 4,800,000 fr.
Voilà, messieurs, comment le fisc, en Belgique, entend la révision de nos impôts les plus impopulaires.
Répétons-le donc, messieurs, avec une nouvelle insistance et une nouvelle force : l'impôt sur le sel est le plus inique, le plus odieux et le plus cruel de tous les impôts. C'est le plus inique, parce qu'il représente à peu près trois fois la valeur du produit. Cent kilogrammes de sel ne coûtent que 5 fr., l'impôt élève le produit du sel à 18 fr. C'est presque trois fois la valeur ; près de 300 p. c. Connaissez-vous, je vous le demande, un impôt plus exagéré ? Et ne réunit-il pas tous les caractères les plus odieux de la confiscation ?
Sur qui retombe cet impôt ? Ce n'est pas seulement sur l'agriculture et l'industrie, dont les réclamations se réunissent aux nôtres pour demander la réduction, sinon la suppression de cet impôt. Il pèse encore, il pèse surtout sur les classes ouvrières et sur les classes pauvres ; le sel est l'aliment nécessaire, la dernière ressource du pauvre. Le pauvre consomme plus de sel que le riche lui-même. L'impôt sur le sel c'est donc l'impôt sur la pauvreté ; il frappe surtout les classes les plus pauvres, et, parmi ces classes, il frappe doublement les familles les plus nombreuses, c'est-à-dire les plus malheureuses.
Messieurs, supposez une famille composée de quatre enfants et du père et de la mère, de six personnes, c'est ce qui se voit d'habitude. Eh bien, votre impôt qui, réparti sur quatre millions de population, représente 1 fr. 20 par personne, réclamera de cette famille pauvre une somme annuelle de 7 fr. 20. Un impôt de 7 fr. 20 sur un ménage pauvre, n'est-ce pas l'exploitation la plus odieuse de la misère et du malheur ?
Cependant, messieurs, la fiscalité persiste à défendre cet impôt qui devrait soulever toutes les consciences. Et pourquoi ? C'est parce qu'il a pour elle un grand avantage, c'est qu'on peut dissimuler son existence et tromper les populations sur son caractère odieux. On n'oserait pas exiger directement et franchement des populations un impôt de trois cents pour cent, il y aurait un soulèvement général de toutes les consciences contre une prétention aussi exorbitante. Mais on arrive à confondre l'impôt avec le prix de la marchandise, de sorte que le pauvre qui achète le sel, paye l'impôt sans le savoir.
Ainsi vous le voyez, à tous ses inconvénients et à tous ses abus, l'impôt sur le sel en ajoute un plus grand encore, il joint l'hypocrisie ; et c'est en se cachant qu'il exploite les contribuables.
Je pensais, messieurs, qu'après tant et de si longues protestations, en présence de l'exagération et de-l'iniquité cent fois démontrée de cette loi, je pensais que cette année enfin, on aurait examiné sérieusement cette question si souvent agitée, et qu'un des bienfaits de l'avènement du (page 404) nouveau ministère aurait été, sinon la suppression, au moins une réduction importante de l'impôt sur le sel. Je croyais surtout que la chambre aurait donné toute sa sollicitude à la solution, de cette grave question ; elle en était saisie par l'examen d'une pétition qui lui a été soumise, et dont M. le ministre des finances n'aura pas pris communication ; car s'il avait lu cette pétition, je pense qu'il ne se serait pas prononcé, comme il vient de le faire, contre nos demandes de réduction ; cette pétition aurait été renvoyée à l'examen de la section centrale qui nous en a fait le rapport.
Je demanderai à la chambre la permission de lui mettre sous les yeux les termes de l'analyse qui nous a été soumise. M. le ministre pourra profiter de cette communication, et j'y trouve l'argument le plus puissant, selon moi, qu'on puisse invoquer à l'appui de la réclamation que nous vous présentons :
« Par pétition en date du 2 février 1847, plusieurs habitants notables de Waereghern (Flandre occidentale) demandent l'exemption de l'impôt du sel, en faveur de la classe nécessiteuse.
« Sur 7,050 habitants, la commune de Waereghern compte 3,000 nécessiteux qui, privés depuis longtemps de l'usage de viande, de beurre et de graisse. n'ont d'autre moyen de relever un peu leur nourriture insipide et peu substantielle que le sel. On compte qu'ils en consomment 10 kil. par tête ou 30,000 kil, par an, coûtant 9,000 francs, dont 5,400 francs d'impôt. »
Il y a évidemment ici erreur, puisque nous avons démontré tout à l'heure que l'impôt était presque de 300 p. c. de la valeur du produit.
« On attribue la mortalité autant à la nourriture malsaine qu'au défaut de nourriture suffisante, et les médecins s'accordent à prescrire le sel comme le meilleur remède contre l'insalubrité des aliments. C'est sur cette vérité reconnue qu'est basée la loi du 2 janvier 1847, qui accorde, moyennant certaines formalités, l'exception de l'impôt du sel employé pour le bétail et pour l'agriculture.
« Telles sont, en substance, les considérations que les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande ; ils ajoutent que le vide que laisserait dans le trésor l'impôt sur le sel pourrait être rempli par d'autres moyens, tels que la réduction des traitements des hauts fonctionnaires, un droit d'enregistrement de 2 p. c. sur les ventes d'arbres et de récoltes, ou quelques autres impositions qui atteindraient surtout les rentiers.
« Ce serait se faire illusion, de croire que l'étude approfondie des questions diverses que soulève l’impôt sur le sel puisse encore être ajournée. On n’échapperait pas à la difficulté pour ne pas l’avoir regardée en face ; trop d’intérêts sociaux, trop d’intérêts des plus considérables sont engagés dans la question. Mieux vaut donc l'aborder résolument et se préparer à la résoudre. »
Il semble, messieurs, qu'à la suite de ces considérations, la section centrale ait abordé résolument cette question, en ait préparé la solution. Eh bien, non ! A la suite de ces courageuses paroles elle arrive à cette étrange conclusion :
« La section centrale reconnaît que, dans l'état actuel des choses, toute modification efficace est impossible ; mais, se référant aux considérations qu'elle a déjà fait valoir dans le rapport sur le budget des voies et moyens, elle insiste pour que le gouvernement recueille et coordonne tous les renseignements, tous les matériaux qui peuvent mettre la chambre à même d'apprécier la question dans son ensemble et dans tous ses détails. »
Ainsi, messieurs, il y a dix-sept ans que le gouvernement a été mis en demeure de résoudre cette question ; il y a dix-sept ans qu'on, ne cesse de réclamer contre l'iniquité de cette taxe, la section centrale elle-même, d'après les renseignements consignés dans la pétition dont je viens de présenter l'analyse, reconnaît qu'il s'agit ici, non seulement d'un intérêt d'équité, mais d'un intérêt d'existence pour les populations ; on vient vous le dire, cet impôt sur le sel est une des causes de la mortalité des populations flamandes ; cet impôt, on pourrait, on devrait le flétrir aussi de la désignation d'impôt du sang, car c'est une taxe sur l'existence des populations qu'il frappe ; et c'est en présence de cette révélation poignante, qu'on vient vous dire encore qu'il faut attendre, toujours attendre, et que la situation des choses ne permet pas de proposer aujourd'hui la suppression de cette taxe barbare !
Et pourquoi donc en définitive ? Parce que vous n'osez pas entrer dans la voie des économies. La taxe sur le sel vous procure un revenu de 4,800,000 fr. et vous reculez devant le déficit qui apparaîtrait si cette somme n'existait plus dans votre budget. Mais quel motif plus puissant indiquer pour faire sentir la nécessité impérieuse de réaliser enfin ces économies, dont on parle si souvent et toujours sans résultat dans cette enceinte ?
En conscience, messieurs, ne pourrait-on donc pas, si l'on voulait appliquer la loi sévère des économies à tous vos budgets, et supprimer toutes ces dépenses inutiles, toutes ces créations superflues et ruineuses qui existent dans tous vos budgets indistinctement, dans votre budget des affaires étrangères comme dans votre budget des finances, dans votre budget de l'intérieur comme dans le budget de la guerre, qui va être, dans quelques jours, livré aux méditations des chambres. Ne pourrait-on arriver facilement à réaliser ces 1,800,000.fr. d'économie qu'il vous faudrait pour combler le vide que laisserait après elle la disparition de l'impôt sur le sel ?
Mais, messieurs, parler d'économies dans cette enceinte, c'est se servir d'un mot que bientôt, en vérité, on n'osera plus prononcer sans rire. Car toutes ces protestations en faveur des économies aboutissent presque toujours à une aggravation de charges. Vous en avez eu l'expérience par le vote des budgets qui ont déjà passé sous vos yeux ; vous en aurez l'expérience encore par les budgets qui bientôt vont leur succéder.
Ainsi, quant à moi, j'ai cessé de croire à toutes ces protestations et d'attendre autre chose de la discussion des budgets que des aggravations de charges. Mais, si l'on n'ose pas entrer dans cette voie de réparation, qu'on ait du moins, le courage de remplacer la taxe sur le sel par des impôts plus populaires, plus justes, plus équitables, en demandant à la richesse le moyen de combler le vide du trésor.
Dans leur pétition, les habitants de Waereghern viennent vous demander de remplacer la taxe sur le sel par un droit de 2 p. c. sur les ventes d'arbres et de récoltes. C'est, si je ne me trompe, un droit qui existait avant 1830. L'honorable M. Verhaegen m'en donne l'assurance, et je me rappelle en effet que, l'honorable M. Verhaegen vous a demandé, dans les sessions précédentes et à diverses reprises, le rétablissement de ce droit. Pourquoi a-t-il été supprimé ? Il l'a été dans l'intérêt de la grande propriété, des propriétés boisées. Ce droit n'était-il pas cent fois plus équitable que la taxe que nous combattons ? Ne vaut-il pas mieux demander un peu de son superflu à la grande propriété, que de s'approprier le nécessaire du pauvre ?
J'insiste, et je prie M. le ministre des finances de bien vouloir prêter quelque attention à mes paroles. Je lui demande s'il voit des inconvénients à adopter à cet égard les réclamations qui se trouvent formulées par les habitants de Waereghern. et à rétablir ce droit de 2 p. c. sur la propriété forestière dont l'abolition forme en sa faveur le plus inexplicable des privilèges.
On vient vous demander encore, dans la pétition que j'examine, la réduction des traitements des hauts fonctionnaires. C'est là, je le sais, une matière délicate, et je ne pousserai pas l'indiscrétion cette fois jusqu'à demander à l'honorable ministre des finances de vouloir également se prononcer sur cette question. Mais voici mon opinion personnelle : un pays qui a établi, pour les plus élevés de ses fonctionnaires, un traitement de 21,000 fr., n'avait-il pas par cela même fixé le maximum des traitements ? N'est-il pas choquant de voir qu'il y ait dans l'Etat, soit dans l'ordre civil soit dans l'ordre religieux, soit à l'extérieur soit à l'intérieur, peu importe, des fonctionnaires mieux rétribués que les ministres, ces premiers fonctionnaires du pays ?
On nous propose aussi une retenue progressive sur le traitement des fonctionnaires. Quel inconvénient cela présenterait-il ? Les traitements, les gros traitements surtout, ne sont-ils pas aussi des matières imposables, plus légitimement imposables, du moins que le sel, cet aliment nécessaire du malheureux.
Enfin,, n'est-il pas vingt autres ressources encore ? Si la fiscalité voulait y mettre de la bonne volonté, ne trouverait-elle pas vingt autres taxes pour remplacer l'impôt sur le sel ? Je ne veux pas abuser des moments de la chambre en lui exposant toutes les taxes qu'on pourrait substituer à l'impôt sur le sel, mais enfin il y a des taxes de toute espèce que chacun connaît, qu'on a déjà indiquées dans cette enceinte et qui seraient d'autant plus justes qu'elles frapperaient le luxe et l'opulence. Les taxes somptuaires ne pourraient-elles pas devenir, dans ce moment critique, l'une des ressources principales de la fiscalité ? C'est sur ces taxes somptuaires que j'appelle toute l'attention du gouvernement et de la chambre. Quelques-unes de ces taxes somptuaires ne suffiraient-elles pas, non seulement pour remplacer le droit sur le sel, mais pour couvrir encore une partie de notre déficit ?
Je sais qu'on croit avoir répondu à tout, en disant que ces taxes seraient peu productives et qu'elles paralyseraient le développement du luxe. Tant mieux ! dit à mes côtés l'honorable M. de Tornaco ; oui, tant mieux, dirai-je à mon tour, en m'emparant de la pensée qu'il me fournit. Y aurait-il donc un grand mal à enchaîner quelque peu l'essor du luxe ? Loin de moi la pensée de le proscrire, mais ne conviendrait-il pas de lui assigner, s'il était possible, de justes limites ? Ne le voit-on pas trop souvent aujourd'hui dépasser toutes les bornes ? N'est-il pas peut-être la cause principale de tous ces bouleversements de fortune et de toutes ces crises périodiques qui affligent la société ? Mais je n'insiste pas davantage sur la pensée toute philosophique que m'a fournie l'honorable M. de Tornaco. Il ne s'agit pas de faire la guerre au luxe, mais de lui faire payer son tribut à l'Etat et de le faire contourner dans l'intérêt du plus grand nombre. Messieurs, je pense, que des taxes modérées sur les attributs du luxe et de la richesse n'auraient pas pour effet de détruire le luxe ; je pense également qu'elles seraient aussi justes que fructueuses. Il n'y a qu'un pays au monde où l'on ait jusqu'ici essayé des taxes somptuaires et c'est le pays aristocratique par excellence, c'est l'Angleterre. Indépendamment de l'impôt sur les revenus, il y a là des taxes somptuaires nombreuses, elles produisent chaque année près de 30 millions de francs Il me semble, messieurs, qu'en Belgique la fiscalité pourrait bien demander aux taxes somptuaires, non pas les sommes exorbitantes qu'elles produisent en Angleterre, mais une somme au moins équivalente à celle dont nous demandons le retranchement du budget en ce moment.
Quoi qu'il en soit, messieurs, je ne m'aveugle ni sur les dispositions de la chambre ni sur les dispositions du gouvernement. M. le ministre des finances a déclaré qu'il s'opposerait à toute espèce de réduction en ce moment.et je prévois que la majorité de la chambre sera de son avis, malgré tous nos efforts et la justice de la cause que nous défendons.
(page 405) Aussi, messieurs, n'ai-je demandé la parole que pour reproduire ma protestation annuelle contre la taxe sur le sel et pour justifier le vote négatif, qu'à mon grand regret je serai encore obligé, comme les années précédentes, d'émettre sur le budget des voies et moyens.
Je n'ai cessé de le déclarer, aussi longtemps que des taxes aussi odieuses que celle sur le sel existeront, aussi longtemps surtout qu'on n'aura pas annoncé l'intention de satisfaire à l'article de la Constitution qui exige la réforme de notre système de contributions, je voterai contre le budget.
Je resterai donc, messieurs, cette année, fidèle à mes déclarations et à mes actes antérieurs : je voterai contre le budget, avec plus de regret sans doute ; je le ferai pour remplir un devoir et malgré ma confiance dans la loyauté et le caractère de M. le ministre des finances ; je n'ose pas dire dans ses bonnes intentions, car il n'a pu dissimuler combien il était peu favorable à la proposition de réduction qui vous avait été soumise.
M. Lebeau. - Je dois louer la persévérance véritablement anglaise de l'honorable M. Eloy de Burdinne, et je ne voudrais pas, messieurs, que l'on inférât du silence des bancs où je suis assis, que l'impôt sur le sel est seulement frappé de réprobation par certaines opinions. Je crois que si la chambre était interrogée au point de vue purement théorique, sur l'impôt du sel, la réponse serait unanime, je crois que la condamnation de l'impôt serait unanime.
Mais, messieurs, chacun comprend, et l'honorable M. Eloy de Burdinne a compris lui-même, que nous ne sommes pas dans une situation qui nous permette de nous livrer, sur une grande échelle à des expériences financières.
M. le ministre des finances a fait très loyalement un appel à toutes les opinions, afin de pouvoir, lorsqu'il étudiera le budget des voies et moyens sur lequel l'attention de la chambre sera appelée l'année prochaine, afin de pouvoir prendre en considération les lumières qui auraient été produites dans la discussion du budget actuel.
Malheureusement, malgré tout notre désir de répondre à cet appel, le temps nous presse, il ne nous est pas permis de répondre aux excellentes intentions de M. le ministre. J'ai renoncé à beaucoup d'observations que j'aurais présentées si nous avions eu plus de temps devant nous ; mais je ne veux pas laisser passer l'impôt sur le sel sans dire que, comme les honorables préopinants, ce n'est qu'avec la plus extrême répugnance que je lui accorde mon assentiment. Je remercie la section centrale d'avoir très sérieusement appelé l'attention du gouvernement sur cet objet. Ne nous y trompons pas, il faut autre chose aux populations, dans l'état des idées où l'on en est arrivé chez nous, que des réformes politiques. Les réformes politiques, messieurs, doivent être le précurseur de réformes financières et sociales. C'est notre Constitution qui l'a dit. C'est ainsi qu'en Angleterre, où depuis longtemps de grandes réformes politiques étaient accomplies, l'attention publique s'est portée sur les réformes financières ; c'est ainsi que tout le système des impôts indirects y a été déjà notablement attaqué dans ses bases ; c'est ainsi, notamment, que l'impôt sur le sel y a disparu ; c'est ainsi que par des considérations de haute prudence, en France, où, en fait de réformes sociales, on est bien loin des derniers ministères anglais, on annonce aujourd'hui officiellement que l'impôt sur le sel sera modifié.
Quant à moi, messieurs, je ne demande en ce moment qu'une chose, c'est que le gouvernement s'engage à étudier sainement et promptement la question. Je ne veux point d'expériences intempestives, je ne veux point de réformes imprudentes ; je veux avant tout que notre état financier soit régularisé ; mais je demande que l'on étudie sérieusement la réforme de l'impôt sur le sel ; et ce n'est pas une réduction que je désire voir opérer ; j'espère qu'avec une sage lenteur et en cherchant d'autres ressources, pour combler le vide que laisserait dans nos finances la suppression d'un impôt dont le produit s'élève à cinq millions, je demande que, peu à peu, l'imposition du sel disparaisse de notre budget. Elle.ne doit pas y rester. Mais, messieurs, je tiens à parler ici en homme politique, et je serais désolé que l'on pût penser que je veuille bouleverser la situation de nos finances. Je me borne à appeler sur cette grave question l'attention très sérieuse de M. le ministre des finances et du cabinet tout entier.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Les honorables membres qui ont pris la parole dans le débat actuel se sont accordés en ce point qu'ils recommandent l'étude de la question à la plus sérieuse attention du gouvernement. Déjà j'ai dit, dans la discussion générale, que le gouvernement ferait cette étude, et les discours qui ont été prononcés le mettent sur la voie de beaucoup d'idées utiles. Nous sommes donc tous d'accord sur ce point. Mais, messieurs, devons-nous, pouvons-nous, dans les circonstances actuelles, aller plus loin ?
Notons d'abord qu'aucun amendement n'est déposé, et que, par conséquent, je n'ai pas d'amendement à combattre. Si un amendement se produisait, conçu en ces termes : « L'impôt sur le sel sera réduit sur les premiers excédants que présenteront nos budgets, » je crois, en ce qui me concerne, que je serais prêt à m'y rallier. Toutefois il ne serait pas prudent que la chambre prît une résolution dans l'état actuel des choses ; la question, quoique agitée depuis longtemps, n'est pas suffisamment étudiée ni sous le rapport de ses conséquences financières, ni sous celui des avantages réels que la réduction ou la suppression du droit d'accise procurerait.
L'on a dit qu'en France, on s'était occupé plus sérieusement de la réduction de l'impôt sur le sel. Il y a pour le faire de plus fortes raisons en France qu'en Belgique, puisque le droit y est de 353 francs, les additionnels compris, tandis qu'en Belgique il n’est que de 18 francs ; taux plus faible que celui qui existe en Hollande ;
Mais supposons que nous soyons en mesure de réduire, dès à présent, de moitié l'impôt sur le sel, il est fort douteux que le profit de cette réduction revînt aux classes ouvrières, auxquelles l'honorable M. Castiau porte avec raison une vive sollicitude et qui sont obligées d'acheter le sel par petite quantité. Le montant du dégrèvement entrerait probablement dans la caisse du saunier, du débitant, à moins que des mesures efficaces ne soient trouvées pour empêcher ce mécompte. Je crois que l'on y songe sérieusement en France. Si on y réussit, la solution si impatiemment attendue par l'honorable orateur aura fait un grand pas.
Le même membre a indiqué quelques sources nouvelles d'impôt ; il a parlé d'imposer les objets de taxe, de rétablir le droit sur les ventes d'arbres, de faire des lois somptuaires, de réduire les traitements des hauts fonctionnaires.
Je ne m'arrêterai pas à l'examen de ces idées, que je ne crois pas toutes également bonnes. Je n'en attends pas non plus de grands avantages pour le trésor. Et cependant il faudrait être assuré d'une large compensation avant d'entamer le produit du sel ; car, je le déclare, je ne pourrai jamais proposer de réduction, sans avoir trouvé des ressources suffisantes pour la couvrir. Pour le moment, je maintiens les allocations du budget des voies et moyens, telles qu'elles sont. L'honorable M. Castiau lui-même, en venant proposer une réduction d'impôt, ne pouvait se dispenser de nous indiquer le moyen de l'équilibrer par une économie ou par un revenu nouveau. C'est la condition indispensable ; si elle n'est pas préalablement remplie, nous n'arriverons jamais à un résultat. Il serait sans cela facile et très agréable de dire : « Réduisons tels impôts, parce qu'ils sont onéreux, de 25, de 50 p. c., sans nous préoccuper du moyen de combler le déficit qui va en résulter. » Si l'honorable M. Castiau peut mettre ce système en pratique, sans danger, je le convie, au nom du pays, à venir prendre ma place.
Je ne puis que répéter que l'étude, l'étude approfondie de la question concernant la réduction de l'impôt sur le sel se poursuivra au département des finances avec toute la sollicitude qu'elle mérite et qu'elle obtient ailleurs. La question, d'année en année, fait des progrès, mais elle n'est pas encore à jour.
M. Lejeune. - Messieurs, l'impôt sur le sel est l'impôt le plus regrettable que je connaisse. Mais si un amendement, formulé suivant les vues de l'honorable M. Eloy de Burdinne, n'est pas voté par la chambre, l'honorable membre a tort de croire que c'est par défaut de sympathie pour les populations qui sont privées d'une consommation suffisante de sel, ou pour les industries qui pourraient l'employer très utilement en abondance. Cette sympathie existe, et moi, tout le premier, je partage les opinions de l'honorable membre, je rends hommage à sa persévérance tout anglaise, je l'en loue et j'ose lui prédire qu'il finira par réussir. Il faut tenir compte des faits. La question de l'abrogation de l'impôt sur le sel a fait beaucoup de progrès. Jamais elle n'est entrée si avant et avec tant de faveur dans nos débats. Les termes de la section centrale n'ont jamais été aussi pressants, aussi positifs que cette fois-ci.
En France, on fait aussi de grands efforts pour arriver à la modification de l'impôt ; on parviendra sans doute, dans la session qui va s'ouvrir, à le réduire au quart. Une première proposition de ce genre a échoué à une session précédente ; mais elle sera probablement reproduite avec succès.
L'honorable M. Castiau s'est étonné, après l'appui que la section centrale a donné aux considérations d'une pétition adressée à la chambre, après les motifs qu'elle a fait valoir pour modifier l'impôt sur le sel ; l'honorable membre s'est étonné, dis-je, que la section centrale n'ait pas fait de proposition.
Messieurs, la section centrale a cru ne pas pouvoir prendre l'initiative de l'abrogation d'un impôt aussi considérable ; l'impôt du sel rapporte environ cinq millions. Il y a donc, messieurs, environ cinq millions à remplacer, soit par des économies, soit par des impôts nouveaux. La question est donc complexe ; il y a une combinaison à faire.
Quant à moi, personnellement, je me réfère à ce que j'ai dit avant-hier sur l'impôt du sel ; je vais même plus loin que l'honorable M. Eloy de Burdinne, je voudrais que l'impôt fût réduit au cinquième ; je suis presque d'accord avec l'honorable M. Castiau qui voudrait supprimer totalement cet impôt ; je ne crois pas qu'il faille aller jusque-là ; le sel peut supporter un impôt qui, sans peser trop fort sur les contribuables, serait encore très productif pour le trésor. Je ne diffère de l'opinion de l'honorable M. Eloy de Burdinne et de celle de l'honorable M. Castiau qu'en ceci : c'est que je ne prêterai pas la main à modifier ou à abroger l'impôt d'une manière incidentelle, je suis d'accord sur les motifs qui militent en faveur d’une réduction très considérable, et je me joindrai toujours à ces honorables membres, pour presser le gouvernement de toutes les manières possibles, pour le mettre en quelque sorte en demeure de prendre l'initiative. Ce devoir appartient au gouvernement dans une affaire de cette importance, nous devons, autant que possible, l'engager à le remplir.
Je me bornerai à ces observations, en me référant aux termes des deux rapports de la section centrale.
M. Castiau. - Deux mots seulement, messieurs.
A qui doit appartenir l'initiative des réformes financières ? Au gouvernement certes, car lui seul peut recueillir les matériaux que l'étude de ces (page 406) questions exige. A qui appartenait-il donc de venir nous présenter la réduction ou la suppression de l'impôt sur le sel ? Au gouvernement encore. Certes, les avertissements ne lui ont pas manqué dans cette enceinte depuis quinze ans ; et en l'absence de ces avertissements la Constitution avait parlé ; elle avait promis au pays et dans le plus bref délai, la révision de notre système financier ; et quel impôt méritait le plus d'être frappe de cette réforme constitutionnelle que l'impôt sur le sel ?
Que répond-on aujourd'hui à nos réclamations cent fois réitérées ? Ce qu'on y a toujours répondu : La question est à l'étude. La question est à l'étude, et tout est dit. Mais quand donc aboutiront ces interminables études et quand viendra-t-on nous en faire connaître le résultat ? Voici quinze ans qu'on étudie et jusqu'ici rien encore. Ah ! c'est trop, en vérité. A l'œuvre donc et qu'on sache enfin où en sont vos velléités de réformes et votre intention de remplir le plus urgent de vos devoirs ? Assez d'études et de travaux de cabinet ! De l'action maintenant ! Sortez donc à votre tour des abstractions et des études théoriques et faites-nous connaître enfin quel est le résultat de vos travaux et quelles sont vos idées de réforme.
Ce n'était donc pas à moi qu'il appartenait de prendre l'initiative de ces réformes. Je l'ai fait cependant, en indiquant à la hâte quelques-unes des ressources qui pourraient remplacer le produit de la taxe sur le sel. Parmi ces ressources, il y en avait une qui avait pour elle non seulement l'autorité de l'étude, mais celle de l'expérience, le droit de 2 p. c. sur la vente des bois. Ce n'était pas là une innovation, c'est un retour à ce qui existait ; c'est le rétablissement de l'une des taxes les plus justes puisqu'elle tombait surtout sur la grande propriété. Il ne fallait certes pas de longues études pour se prononcer sur la convenance du rétablissement de cette taxe ; aussi j'avais cru pouvoir adresser une interpellation directe à l'honorable ministre qui n'a pas cru devoir y répondre.
Au lieu de m'adresser la réponse que j'attendais, M. le ministre m'engage, de la manière la plus courtoise, à venir occuper sa place au banc ministériel. Qu'il me permette de le remercier de cet appel et de n'en rien faire. Je désire bien sincèrement que l'honorable ministre conserve son poste ; il l'occupe très convenablement et très dignement ; je regrette de me trouver parfois en dissidence avec lui ; mais il voudra bien reconnaître que je n'ai fait que remplir un devoir en lui rappelant que. depuis plus de quinze ans, la Constitution nous avait promis la révision et la suppression des impôts les plus abusifs et que le pays attend encore la réalisation de cette promesse.
M. Eloy de Burdinne. - L'honorable préopinant m'a fait un reproche d'avoir retiré mon amendement. Si j'avais cru rencontrer quelque sympathie, je ne l'aurais pas retiré. Voilà la troisième séance que j'en entretiens la chambre et je n'ai pas rencontré un honorable membre qui soit venu m’appuyer. Voilà pourquoi je n'ai pas persévéré dans ma proposition. Mais si l'honorable préopinant ou tout autre membre voulait la reprendre, il pourrait compter sur mon suffrage.
D'un autre côté, la section centrale se plaint de ce que j'ai douté de sa sympathie ; cependant dans mon discours j'ai pleinement rendu hommage aux sympathies qu'elle avait exprimées, mais j'ai fait observer qu'elle s'était bornée à exprimer des sympathies.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Vins étrangers, 26 c. additionnels et timbres collectifs : fr. 2,000,000 fr. »
- Adopté.
« Eaux-de-vie étrangères, sans additionnels : fr. 200.000 fr. »
- Adopté.
« Eaux-de-vie indigènes, sans additionnels : fr. 3,500,000 fr.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai appris de science certaine qu'on a mis à l’étude, au ministère de finances, un nouveau projet de loi sur les eaux-de-vie indigènes. Je pense qu'aucun article n'est plus susceptible d'être imposé que les boissons spiritueuses.
Messieurs, si nous étions entourés de mer comme en Angleterre, les boissons spiritueuses pourraient payer un droit quintuple de ce qu'il est actuellement, car eu Angleterre cet impôt produit une moyenne de 5 fr. ; c'est un impôt qui produit plusieurs millions. Mais notre position géographique est un obstacle à ce qu'on majore considérablement cet impôt.
Comme M. le ministre instruit en ce moment un projet de loi sur cette matière, je vais émettre, en peu de mots, mon opinion. Déjà, depuis 1830, cinq ou six projets ont été présentés, aucun n'a réussi ; la loi actuellement en vigueur ne rapporte que 3 millions 500 mille fr. ; les autres années, elle a rapporté au-delà de 4 millions ; je suis persuadé que, maintenant que les céréales sont à meilleur marché qu'elles ne l'ont été depuis 2 ans, on obtiendra davantage cette année ; mais ce n'est pas assez, c'est un article qui devrait rapporter beaucoup plus. Mais peut-on faire cela en Belgique ? Si on allait trop loin, si on allait doubler le droit, comme cela a été annoncé, au lieu de recevoir 4 millions, on n'en recevrait peut-être pas deux. D'abord, nous n'avons qu'une ligne de douane, et quand l'impôt était plus considérable que maintenant, on consommait en Belgique du genièvre importé de la Hollande ; l'eau-de-vie de France s'introduisait par 30, 40, 50 petits barils à la fois ; le gouvernement français et le gouvernement hollandais encourageaient cette fraude, les employés la protégeaient, on ne payait pas un centime de droit, on consommait en Belgique des eaux-de-vie de France, des eaux-de-vie de Prusse et des genièvres de Hollande, et cela au détriment de l'industrie et du trésor ; aujourd'hui, n'en serait-il pas de même ?
M. le ministre en étudiant cette question doit envisager l'introduction des eaux-de-vie étrangères ; s'il peut empêcher la consommation des boissons distillées étrangères, j'appuierai de tout mon pouvoir le projet de loi qu'il présentera.
Je lui dirai aussi qu'il doit avoir égard au bétail dans son projet, car les distilleries engraissent considérablement de bétail, et en anéantissant les distilleries par une augmentation de droit, vous diminueriez la quantité de bétail engraissé et vous augmenteriez le prix de la viande. C'est une chose à prendre en considération. Si on trouvait moyen d'augmenter les patentes pour faire payer un impôt plus fort aux boissons spiritueuses, je m'y rallierais volontiers.
J'étais sorti quand il a été question de l'abonnement pour la vente des boissons distillées. Comme cet article a beaucoup de connexité avec celui qui nous occupe, je dirai que l'abonnement qui produit 920 mille francs pourrait rapporter infiniment plus. Un projet de loi se prépare sur cet objet.
Il y a environ un mois, j'ai interpellé M. le ministre, je lui ai dit que journellement il nous arrivait des pétitions demandant l'abolition de la loi existante ; ce n'est pas seulement des Flandres, mais de toutes les communes, de toutes les provinces, que des pétitions semblables nous arrivent.
Je pense que c'est un vœu qui est général dans le pays ; j'ose espérer que M. le ministre viendra nous soumettre prochainement son projet de loi ; lui-même est convaincu de l'injustice, de l'odieux de la loi actuelle ; il est important de la réviser. C'est un objet qui peut rapporter infiniment plus que maintenant. J'engage M. le ministre à nous présenter prochainement le projet qu'il nous a promis plusieurs fois.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, l'honorable préopinant a traité deux questions, il a d'abord parlé de l'accise sur les eaux-de-vie indigènes. On a annoncé que j'avais pris le parti de présenter un projet qui modifierait la loi en vigueur ; on a été jusqu'à dire que j'avais arrêté le chiffre de l'augmentation de l'accise. Il n'en est rien ; il n'existe ni projet, ni avant-projet ; mais il est bien naturel, lorsqu'on voit au budget un article : « Impôt sur les eaux-de-vie indigènes » que l'attention se fixe sur le parti que l'on pourrait tirer de cet impôt, parce que, au point de vue de la moralité, indépendamment de l'intérêt du trésor, il serait utile que le produit fût plus considérable. Je n'ai cependant aucun chiffre en vue ; il y a des recherches à faire et des renseignements à prendre ; et si l'on songe sérieusement à une révision, je suis d'avis qu'il doit se préparer dans cet esprit qu'il n'y aura pas retour à la loi de 1822, c'est-à-dire que la liberté d'action, les facilités auxquelles on est habitué aujourd'hui, devront, dans l'ensemble du système, être maintenues.
On verra ensuite jusqu'à quel point il est possible d'augmenter l'accise.
Le deuxième point est relatif à l'impôt de consommation. J'ai déjà annoncé qu'un projet serait présenté ; je renouvelle cette promesse que je réaliserai dans quelques semaines.
Il s'agit de savoir si nous devons maintenir le principe qui a prévalu dans la loi de 1838. Le législateur n'avait pas seulement en vue un but fiscal ; il voulait arriver à un moyen de diminuer la consommation du genièvre. C'était le but moral, qui n'a pas été atteint. Je crois qu'il faut conserver à la loi son double caractère, tout en songeant à sa révision ; il faut ne point abandonner les intérêts du trésor et détourner cependant de la consommation d'une boisson si préjudiciable à la santé et aux mœurs, en diminuant les facilités du débit ; il faut remédier le plus possible à ces inégalités de classification d'où sont nées les plaintes qui ont trouvé de l'écho dans les chambres comme au-dehors.
Je sais gré à l'honorable membre auquel je réponds des observations qu'il a faites sur cette matière qui lui est spécialement connue.
M. Verhaegen. - On parle d'un projet de loi à l’étude, d'un projet de loi qui aurait pour but d'augmenter les droits sur les eaux-de-vie indigènes. Je supplie M. le ministre des finances de ne pas précipiter sa décision et de faire son étude avec soin ; car c'est là un objet de la plus haute importance.
Quant à moi, je déclare que je combattrais de toutes mes forces toute proposition d'augmentation de droits sur les eaux-de-vie indigènes, qui ne serait pas en rapport avec les droits sur les eaux-de-vie étrangères ; car, qu'on y songe bien, si l'on augmentait les droits sur les eaux-de-vie indigènes sans augmenter dans la même proportion les droits sur les eaux-de-vie étrangères, nos distilleries et surtout nos distilleries agricoles ne pourraient plus soutenir la concurrence. Or, je me permettrai de faire remarquer à M. le ministre qu'il ne lui serait guère possible d'augmenter les droits sur les eaux-de-vie étrangères, d'après les stipulations du traité avec la France. Je considère donc comme une utopie le projet d'augmenter dans les circonstances actuelles les droits sur les eaux-de-vie indigènes. Je prie M. le ministre des finances de faire attention à ces circonstances, de ne pas mettre de précipitation dans la présentation du projet de loi annoncé qui pourrait avoir les plus graves conséquences.
- L'article est adopté.
« Bières et vinaigres (26 c. additionnels et timbres collectifs) : fr. 6,500,000 »
- Adopté.
« Sucres : fr. 3,000,000. »
M. Malou. - La chambre a disjoint la question des sucres du budget des voies et moyens. Pour faciliter la discussion future, comme il y a dans la chambre beaucoup de membres nouveaux qui n'ont pas assisté à la discussion de la loi de 1846, il serait utile que M. le ministre des finances fît insérer au Moniteur une sorte de résumé historique de la législation des sucres, comprenant l'analyse, aussi fidèle que possible, des systèmes qui se sont fait jour dans les discussions de la loi de 1846 et (page 407) du système qui a prévalu. Les éléments de la transaction qui a précédé la loi du 16 mai 1847, y seraient également indiqués. L'intérêt de toutes les opinions est que cette publication ait lieu avant la discussion.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Cela me paraît utile. Je ne vois aucune difficulté à publier ce résumé comme document de la chambre.
- L'article Sucres est adopté.
« Timbres sur les quittances : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Timbres sur les permis de circulation : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Droits de marque des matières d'or et d'argent : fr. 140,000. »
- Adopté.
« Droits d'entrepôt y compris ceux de l'entrepôt d'Anvers : fr. 190,000.
« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 10,000.
« Ensemble : fr. 200,000. »
- Adopté.
« Enregistrement (30 p. c. additionnels) : fr. 10,600,000 »
M. Verhaegen. - Il s'agit en ce moment du droit d'enregistrement et par conséquent, entre autres, de la loi de frimaire an VII, encore en vigueur aujourd'hui ; c'est sans doute une des mines financières les plus riches à exploiter ; j'ai l'honneur de fixer sur cette matière l'attention de M. le ministre des finances.
Nous voulons revoir beaucoup de lois ; nous voulons réviser notre système d'impôts. Mais je crains bien qu'aussi longtemps que nous resterons dans des généralités et que nous voudrons tout obtenir à la fois, nous n'obtenions rien. Je voudrais que la chambre prît le parti de faire à chaque session quelque chose en matière de révision ; je voudrais par exemple, qu'elle pût réviser, dans cette session, la loi sur la contribution personnelle ; que, dans une autre session, elle révisât la loi de frimaire an VII. Plus lard on procéderait à d'autres révisions.
Je sais, messieurs, qu'un autre système vous a été proposé. On voudrait un système d'ensemble pour pouvoir choisir entre les diverses améliorations proposées. Mais comme les facultés de l'homme ont des bornes, si on tient à un système aussi compliqué, je le répète, on n'arrivera à rien.
Messieurs, la loi de frimaire an VII, comme je viens de le dire il y a un instant, mérite de fixer toute notre attention ; il y a dans cette loi de grandes lacunes, il y a aussi des dispositions qui prêtent à la fraude et qu'il faudrait changer. Je ne veux pas prendre les moments de la chambre en signalant toutes ces lacunes, toutes ces ouvertures à la fraude ; je n'en citerai qu'une qui a surtout fixé mon intention.
Il y a un article, dans la loi de frimaire an VII, qui frappe d'un droit proportionnel toute mutation de propriété. Le droit est perçu sur la valeur indiquée dans l'acte de mutation. Mais il y a une exception pour les contrais d'échange. Ainsi, d'après l'article 15, paragraphe 4 de la loi, pour les échanges on a égard à l'évaluation qui doit être faite en capital, d'après le revenu annuel multiplié par 20, ce qui veut dire que l'échange ou la mutation se calcule à raison d'un prix qui est censé rapporter 5 p.c. Or, en matière de propriété foncière, notamment de propriété rurale, quand aujourd'hui on peut retirer 2 ou 2 1/2 p. c. c'est déjà beaucoup.
Ainsi si j'achète une propriété rurale 100,000 francs, je payerai avec les additionnels 6 1/2 p. c. sur cette somme.
Mais si, au moyen d’un petit circuit, je fais un échange, je ne payerai que la moitié.
Or, messieurs, sans désigner des noms, je citerai l'acquisition faite, il n'y a pas longtemps, d'un domaine de plusieurs centaines de mille francs, pour laquelle on n'a payé que la moitié des droits, parce qu'on a échangé ce domaine contre deux bonniers et quelques verges de terre en payant une soulte.
C'est un abus, dit-on derrière moi. Oui, c'est un abus, un abus très grave qu'il faut faire cesser.
Je ne dis pas que si la question s'était présentée devant les tribunaux, elle n'aurait pas été décidée dans un sens défavorable à ceux qui opéraient ce prétendu échange, parce qu'en définitive si l'acte avait la forme extérieure de l'échange, la plus-value d'une propriété sur l'autre, la soulte constituait au fond une véritable acquisition.
Cependant l'abus a eu lieu et il faut réviser les dispositions qui peuvent donner lieu à de pareilles fraudes.
Mais en attendant qu'on puisse revoir cette loi, qu'on puisse combler les lacunes qui existent, et je crois qu'on parviendra à les combler en partie au moyen d’une proposition que j'ai eu l'honneur de vous faire dans le temps et sur laquelle j'espère que vous aurez bientôt à disposer, en attendant, je recommande à M. le ministre des finances de faire au moins exécuter la loi telle qu'elle est.
Et ici, messieurs, je me permets quelques observations que j'ai déjà faites dans d'autres circonstances et à l'occasion d'un autre budget.
Il y a, dans la loi de frimaire an VII, une disposition qui frappe d’un droit proportionnel toute cession de propriété, toute mutation. C’est le principe. Mais il y a dans un décret de 1809, une exception à cette règle pour les congrégations hospitalières. Les biens acquis par des congrégations hospitalières, à titre onéreux ou à titre gratuit, ne payent qu'un droit fixe de 1 67 c. Les mutations en général sont frappées d'un droit proportionnel, s'élevant avec les additionnels à 6 1/2 p. c.
Or, messieurs, souvent j'ai signalé dans cette enceinte les abus que l'on commet au sujet de l'application du décret de 1809. Beaucoup de congrégations ont été rangées parmi les congrégations hospitalières, qui n'en sont pas. Le décret de 1809,qui établit l'exception, ne range parmi les congrégations hospitalières que celles qui desservent les hôpitaux ou qui soignent les malades indigents à domicile. Il ne s'agit nullement dans ce décret de congrégations qui se livrent à l'instruction de la jeunesse.
Cependant beaucoup de congrégations qui ne sont tout simplement que des pensionnats dirigés par des religieuses, pensionnats qui forment une concurrence très vive aux pensionnais laïques, ont été rangées parmi les congrégations hospitalières.
Plusieurs fois nous avons fait des observations à cet égard. Nous avons cité plusieurs de ces congrégations et tout récemment, messieurs, la justice, par des arrêts solennels, consacré les principes, que naguère nous avons développés sur ce point. Par des arrêts dignes de remarque la cour d'appel de Bruxelles, en 1846, a décidé formellement que le décret de 1809 n'est applicable qu'aux congrégations hospitalières, c'est-à-dire à celles qui soignent les malades dans les hôpitaux ou les malades indigents à domicile. Deux chambres de la cour, la deuxième et la troisième, ont proclamé ce principe.
Eh bien, messieurs, indépendamment de toutes les congrégations dont j'ai déjà eu l'honneur de vous parler précédemment, je vous citerai encore d'autres congrégations auxquelles on a appliqué et auxquelles on applique encore les principes que je condamne. Il s'agissait, entre autres dans le Limbourg, à Colen, de la congrégation des sœurs bernardines, qui avaient fait une acquisition assez importante. (Interruption.)
Il ne s'agit pas de leur reconnaissance, il s'agit d'une acquisition qu'elles ont faite le 1er octobre 1844 ; car je traite la question maintenant au point de vue de la loi de frimaire an VII. Il s'était élevé des doutes dans l'esprit des employés sur cette acquisition et, par décision ministérielle du 30 décembre 1844, elle fut déclarée exemple du droit proportionnel et soumise uniquement au droit fixe de 1 fr. 70 c. Le résultat de tout cela est que les sœurs bernardines ont pu donner de la propriété dont il s'agit une somme de beaucoup supérieure à celle que tout autre acquéreur aurait pu en donner, et de cette manière la concurrence n'est plus libre entre ceux qui sont disposés à acheter une propriété.
Eh bien, messieurs, cette congrégation ne pouvait pas évidemment tomber sous l'application de la loi de 1809, car c'est un pensionnat et un pensionnat où les élèves payent comme partout ailleurs.
Ce n'est pas tout, messieurs (et ici il a fallu que j'eusse les pièces sous les yeux pour y croire), les frères trappistes ont été considérés comme sœurs hospitalières. Il y a quatre décisions ministérielles qui reposent sur ce principe. Il y en a une du 31 octobre 1842, une du 24 décembre 1844, une du 23 avril 1845 et une du 13 mai 1845. Ces décisions dispensent les frères trappistes du payement du droit proportionnel sur les propriétés qu'ils avaient acquises, parce qu'on les considérait comme des sœurs hospitalières. Il s'agissait d'acquisitions faites dans la province d'Anvers et dans la province de Limbourg.
Cependant, messieurs, le décret de 1809 n'est applicable qu'à des congrégations de femmes et je défie le plus malin de rien trouver dans ce décret, qui puisse jamais s'appliquer à des trappistes. (Interruption.)
L'honorable M. d'Anethan pourra probablement nous donner des renseignements pour justifier cette métamorphose.
Je désire que M. le ministre des finances veuille bien faire attention à tous les cas analogues qui peuvent se présenter et ne pas perdre de vue qu'on est dans l'habitude de se mettre au-dessus de la loi en ces matières, de mettre dans l'exception ce qui doit rester dans la règle.
Messieurs, je ne puis me dispenser de faire une autre réflexion à ce sujet. Même à l'égard des congrégations hospitalières proprement dites, ce privilège en matière d'impôt, établi par le décret de 1809, a-t-il bien survécu à la disposition de l'article 112 de la Constitution, qui proscrit tout privilège en matière d'impôts ? C'est une question que je n'entends pas développer, que je ne fais que signaler, mais sur laquelle j'attire l'attention du gouvernement et de tous les membres de cette chambre.
Quoi qu'il en soit, messieurs, j'ai cru qu'il était de mon devoir de signaler de nouveau les abus que j'ai rencontrés. J'ose espérer que le cabinet actuel y regardera de près et que ces abus ne se renouvelleront pas.
M. de Corswarem. - Messieurs, comme vient de le dire l’honorable préopinant, la loi du 22 frimaire an VII impose un droit sur toutes les mutations d'immeubles. Le droit est de 4 p. c. sur la valeur vénale de l'immeuble, lorsqu'il est transmis à titre de vente, et le droit établi sur les immeubles acquis par échange n'est que de la moitié ; il est même, par suite du mode de rétablir, de moins de la moitié de celui qui frappe les acquisitions à prix d'argent. Le motif qui a guidé le législateur (page 408) de cette époque est très facile à saisir, c'est que l'immeuble acquis à prix d'argent est une augmentation de fortune, tandis que l'échange n'en est pas une ; la fortune reste la même, on n'acquiert rien ; seulement on donne un objet qui convient moins pour un autre qui convient mieux.
Pour ce qui est des échanges, je crois, messieurs, qu’il y a une modification à faire à la loi du 22frimaire an VII ; c'est qu'il faudrait, pour certains échanges, abaisser le taux du droit, et je vous dirai, messieurs, dans quelles circonstances. Nous avons construit beaucoup de chemins de fer, de canaux et de routes ; beaucoup de propriétés se trouvent coupées en deux par ces constructions nouvelles ; deux propriétaires voisins se sont trouvés posséder chacun une parcelle de terrain de chaque côté de la route. On les a ainsi, en quelque sorte, forcés de faire des échanges, pour que chacun d'eux possédât son bien tout entier de l’un ou de l'autre côté, et n'eût qu'une seule parcelle au lieu de deux. Il me paraît qu'il serait équitable d'abaisser le droit sur les parcelles ainsi échangées. Toutefois, ce serait peut-être une chose assez difficile à constater, et je crois que c'est encore une de ces irrégularités que l'on est presque forcé de souffrir faute de pouvoir y remédier sans s'exposer à un autre inconvénient.
L'honorable membre nous a signalé une fraude de droits qui s'est faite au moyen de l'échange d'une propriété très considérable contre deux hectares de terres.
D'après la loi, le droit de 2 p. c. n'est perçu que sur l'objet ayant le moins de valeur, et le droit de 4 p. c. est dû sur le surplus de valeur qu'a l'immeuble le plus important. Mais ici, dans le cas cité, on a en quelque sorte fraude ; il va sans dire qu'un échange d'une grande propriété contre deux hectares de terre n'est pas, à proprement parler, un échange ; mais en déguisant la vente sous le nom d'échange, au moyen de cette manœuvre, on fait percevoir le droit de soulte à 4 p.c. sur le prix capitalisé au denier 20, au lieu de le faire percevoir sur la valeur vénale réelle. C'est une chose que la loi permet, mais c'est une chose irrégulière ; il ne pourrait y être remédié, à mon avis, qu'en stipulant qu'un échange ne pourra avoir lieu qu'autant que l'objet, ayant le moins de valeur, eût au moins la moitié de la valeur de l'objet qui en a le plus.
Sous ce rapport, on pourrait modifier un peu la loi de frimaire an VII.
Quant à ce qui concerne les congrégations, qu'au moyen d'une fraude on aurait fait considérer comme des congrégations hospitalières, ce n'est pas par un changement quelconque à la loi de frimaire an VII qu'on peut obvier à cette fraude ; c'est en modifiant le décret de 1809 ; et comme nous ne traitons en ce moment que des questions de finances, il me paraît ;que ce n'est pas le moment de discuter des questions tout à fait étrangères à celles-là ; nous devons attendre pour cela la discussion du budget de la justice.
M. de Garcia. - Messieurs, j'ai très peu de mots à dire ; et c'est relativement au point que vient de toucher l'honorable M. de Corswarem que je veux présenter quelques observations. Je tiens à mettre en garde le gouvernement sur la révision qu'on semble solliciter de la loi de frimaire an VII. Les modifications sollicitées seraient de nature à porter un préjudice au trésor. Je crois pourtant que l'honorable M. Verhaegen, dans sa pensée, veut atteindre un but opposé.
On a critiqué la perception du droit sur l'échange des propriétés foncières ; on a dit, et cela est vrai, on a dit que, dans ce cas la base du droit de perception n'étant établie que sur un capital de vingt fois la valeur, cette base n'était pas en rapport avec la réalité. Cette observation est vraie ; et il est constant que le droit sur ce genre de mutation est moins considérable que sur les autres.
Mais il est à craindre qu'en voulant assimiler toutes les bases des perceptions de droit de mutation, on aille à l'opposé du but qu'on veut atteindre. C'est ce qui peut arriver, si on entrave les échanges ; les échanges se font généralement par des considérations, de convenance, et si on les embarrasse, il est à craindre qu'on ne diminue considérablement ces opérations et qu'en voulant servir le trésor, on ne lui porte un préjudice notable.
Dès lors, je désire que la disposition de la loi de frimaire an VII, relative au droit sur l'échange des propriétés soit maintenue ; mais je désire aussi que le droit de soulte, qui résulte des actes d'échange, soit mis sur le pied de droits ordinaires de mutation pour vente ou soulte de succession.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'honorable M. Verhaegen a signalé, tout à l'heure certaines violations de la loi qui auraient été commises par le gouvernement relativement à des acquisitions faites par les sœurs bernardines et par les trappistes.
Messieurs, ce n’est pas le moment de traiter la- question de savoir si le gouvernement a bien appliqué le décret de 1809 ; lorsque nous serons à la discussion du budget de la justice, il me sera facile d'établir, si on le conteste, que comme tous mes prédécesseurs, plus même que quelques-uns de mes prédécesseurs, je me suis littéralement conformé au décret de 1809. La reconnaissance de l'établissement des bernardines, dont l'honorable M. Verhaegen a parlé a eu lieu en mars 1843, si mes souvenirs sont fidèles, et par conséquent avant mon entrée au département de la justice. En ce qui concerne l'acquisition qui a été faite et pour laquelle il a été, semble-t-il, exigé une droit d'enregistrement fixe, l'honorable membre voudra bien reconnaître que cette affaire ne concerne nullement le département de la justice, qu'elle est du ressort exclusif du département des finances.
En ce qui regarde les trappistes, M. Verhaegen attribue à tort au gouvernement actuel d'avoir mis ces religieux sur la même ligne que les sœurs hospitalières. Les trappistes n'ont pas été reconnus depuis 1830 ; ils l'étaient, je pense, dès 1823. Le département de la justice n'avait donc autre chose à faire qu'à examiner s'il pouvait autoriser l'acquisition projetée. Et dès qu'il reconnaissait que l'acquisition était faite par une corporation jouissant de la personnification civile, il ne pouvait refuser l'autorisation ; or cette personnification civile, en ce qui concerne les trappistes, n'avait jamais été contestée et ne semble pas pouvoir l'être en présence de l'arrêté royal de 1823.
M. Malou. - Messieurs, la loi de frimaire an VII est généralement considérée par les jurisconsultes comme un des monuments les plus remarquables de la législation. Il ne faut pas se faire illusion sur les résultats de la révision d'une telle loi ; cette révision me paraît impossible ; que s'il y s quelques anomalies, je désire, comme l'honorable M. Verhaegen, qu'on les fasse disparaître. Mais ce n'est pas en ce qui concerne les échanges et les ventes que la loi doit être corrigée ; car elle a formellement prévu le cas dont a parlé l'honorable membre. L'honorable M. Verhaegen s'est borné à lire une partie de l'article 15 qui consacre les différentes bases d'évaluation ; mais je lui ferai remarquer qu'indépendamment de cette disposition, il faut consulter le paragraphe 5 de l'article 69 sur les droit proportionnels.
Ce paragraphe porte au n°3° :
« Les échanges de biens immeubles. Le droit sera perçu sur la valeur d'une des parts, lorsqu'il n'y aura aucun retour ; s'il y a retour, le droit sera payé a raison de deux francs par cent francs, sur la moindre-portion, et comme pour rente sur le retour ou la plus-value. »
Ainsi, si un notaire a cru devoir déguiser une vente sous la forme d'un échange, il n'atteindra pas son but ; le receveur de l'enregistrement ou à son défaut le vérificateur relèvera la perception ; le receveur sera au besoin forcé en recette, sauf à poursuivre ceux qui devaient payer le droit.
Cet article ne peut laisser aucun doute. Je trouve annoté même à l'article 15 que la jurisprudence est fixée sur un autre point ; lorsque dans un acte d'échange, on trouve un indice qu'il y a soulte, le percepteur peut poursuivre le recouvrement du droit.
M. Verhaegen. - Messieurs, l'honorable préopinant dit que la question est tranchée par l'article 69 de la loi de frimaire. Cet article dit bien que pour tout ce qui excède la valeur des deux objets échangés, on doit traiter la chose comme en matière de vente. Mais quelle est la valeur ? Comme dans un contrat d'échange, il n'y a pas de prix établi quant à la valeur de l'objet, cette valeur est déterminée d'après l'article 15, § 5, au denier 20.
Au total, je ne prétends pas que le gouvernement ne puisse pas soutenir la prétention contraire. Je désire qu'il fasse valoir ses droits, mais je soutiens qu'on a abusé de la loi au détriment du trésor. Je ne veux pas citer de nom propre, mais l'abus existe.
J'ai deux mots à répondre à MM. de Garcia et d'Anethan.
Je dirai à l'honorable M. de Garcia que mes observations avaient pour but de faire rapporter davantage au trésor. Quand l'occasion se présentera, j’aurai plus d'une observation à soumettre à la chambre sur le même objet.
La loi du 22 frimaire an VII est une des bonnes lois qui nous soient restées de ces temps-là. Je ne veux pas la changer entièrement, mais je voudrais combler quelques lacunes qu'on y remarque et apporter quelques changements à des dispositions vicieuses, tout en maintenant la base.
Quant aux observations faites par l'honorable M. d’Anethan, j'ai fort peu de choses à dire.
Il prétend que ce n'est pas lui qui a institué en
Il prétend que ce n'est pas lui qui a institué en personne civile les sœurs bernardines ; mais je n'ai pas adressé de reproche à M. d'Anethan personnellement, j'a cité un fait ; il s'agissait d'une acquisition d'immeubles et de l'exception du décret de 1809 appliquée à cette acquisition. Peu m'importe qui l'a faite ; j'ai fait une observation, elle s'applique à celui ou ceux qui ont posé l'acte ; je ne veux pas insister sur ce point, la chose est indifférente.
L'honorable membre a terminé par une observation que je ne puis laisser sans réponse, elle concerne les trappistes :
Il a dit qu'il ne voulait pas justifier la métamorphose ; je le conçois, car comment serait-il possible qu'un décret qui établît une exception pour des congrégations de femmes puisse jamais être applicable à des congrégations d'hommes ! Certainement, il ne justifiera pas une pareille absurdité ; mais il invoque un arrêté du roi Guillaume de 1822, comme-un titre sur lequel peuvent s'appuyer les trappistes. Tout ce qui résulte de cet arrêté, c’est que le roi Guillaume a permis aux trappistes de se réunir ; il n'y avait pas de libellé d'association, il fallait pour se réunir une permission du gouvernement. A coup sûr, il ne les a pas érigés en personne civile, il ne les a pas mis sur la même ligne que les sœurs hospitalières, ce serait chose absurde et ridicule. Qu'on n'invoque donc pas l'arrêté de 1822 qui ne permet aux trappistes que de se réunir et ne leur confère pas les avantages de la personnification civile, loin de leur accorder une exemption, de droits d'enregistrement sur leurs acquisitions d'immeubles.
M. Mercier. – Je n'ai demandé la parole que pour citer un fait dont la connaissance ne peut être qu'agréable à l'honorable préopinant. Jamais l'administration n'a laissé passer des abus de la nature de ceux qu’il a cités ; il y a en ce moment plusieurs affaires en instance devant les tribunaux et, selon toute apparence, les tribunaux donneront gain de cause à "administration.
M. Malou. - Je n'ajouterai que quelques mots aux observations (page 409) que j'ai eu l'honneur de présenter. L'article dont j'ai donné lecture prouve que pour la soulte, en cas d'échange, on doit appliquer toutes les dispositions relatives à la vente. Or, pour les ventes et autres contrats à titre onéreux, quand le prix déclaré est insuffisant, l'administration peut provoquer une expertise.
J'indiquerai en deux mots le mécanisme de l'exécution des lois d'enregistrement. Le gouvernement n'est pas appelé à apprécier d'abord la déclaration, c'est le receveur qui fait la première appréciation. Si le vérificateur reconnaît des erreurs de perception, il les relève, et le receveur est forcé en recette ; il paye lui-même, sauf à récupérer la somme s'il en est temps encore.
Veuillez remarquer, d'ailleurs, que les employés de l'enregistrement sont rétribués au moyen de remises proportionnelles, de manière qu'ils ont un intérêt réel, légal à combattre dans l'application des droits les fraudes qui pourraient être tentées.
J'ai eu l'occasion de connaître, par la position que j'ai occupée à Anvers, que la corporation des trappistes de Westmalle a été reconnue personne civile par le gouvernement des Pays-Bas. La question soulevée par l'honorable M. Verhaegen est une question de fait et de droit. Dans l'arrêté qui a reconnu à la corporation des trappistes le caractère de personne civile, se trouve-t-il une exemption ? c'est une question de fait dont les éléments me manquent comme à l'honorable membre.. En deuxième lieu on peut se demander si le gouvernement des Pays-Bas avait le droit d'accorder une pareille exemption ; mais il faudrait préalablement éclaircir la question de fait.
M. Verhaegen. - Si on veut entrer dans d'autres détails, je le veux bien. Le roi Guillaume n'a pas érigé les trappistes en personne civile, il ne le pouvait pas constitutionnellement ; il a permis aux trappistes de se réunir, il n'a pas pu leur faire l'application de l'exception du décret de 1809.
M. d’Anethan. - L'honorable M. Verhaegen prétend de nouveau que le roi Guillaume n'a pas érigé les trappistes en personne civile. Je pense, avec l'honorable M. Malou, que M. Verhaegen est dans une erreur complète. Si je me rappelle bien les termes de l'arrêté, le roi Guillaume a reconnu aux trappistes le caractère de personne civile, à telles enseignes qu'il a autorisé cette corporation à acquérir des biens immeubles.
Je pense même que des arrêtés d'autorisation ont été rendus à deux ou trois reprises par le gouvernement des Pays-Bas.
M. Verhaegen. - Sans droit ?
M. d’Anethan. - Je ne sais pas s'il y avait exemption de droit, j'ai seulement dit que je croyais être autorisé à provoquer un arrêté royal pour permettre aux trappistes d'acquérir une propriété, parce qu'ils avaient obtenu du roi Guillaume la personnification civile. A-t-on bien fait de ne pas exiger le droit proportionnel ? Je n'examine pas cette question, et je n'ai pas eu l'occasion de l'examiner antérieurement. Je n'ai pas blâmé la solution donnée par mon ancien collègue, M. Mercier. Mais je n'ai pas ici les éléments nécessaires pour apprécier et justifier sa décision.
M. de Corswarem. - Je crois que les honorables MM. Verhaegen et Malou sont au fond d'accord sur la valeur de l'article de la loi de frimaire an VII, et que le dissentiment entre eux ne consiste que dans une différence d'appréciation.
Mais comme la question ne me paraît pas comprise, je me permettrai, pour bien la faire saisir, de poser un exemple qui sera facilement compris.
Je suppose qu'on échange un immeuble d'un revenu de 1,000 francs contre un immeuble d'un revenu de 200 fr. On doit capitaliser au denier vingt ; l'immeuble donnant un revenu de 1,000 fr. sera évalué à 20,000 francs ; celui donnant un revenu de 200 fr. sera évalué à 4,000 fr. On percevra 2 p. c. sur les 4,000 fr., et 4 p. c. sur l'excédant de 16,000 fr. Voilà comment on opère.
Mais cependant, au moyen d'une telle opération on lèse les droits du trésor ; car personne ne céderait des biens immeubles d'un revenu de 800 fr. pour le prix de 16,000 fr. Si on transmet par vente une telle propriété, ce sera probablement moyennant 30,000 fr. ; le droit serait perçu sur 30,000 fr. ; tandis que le droit de soulte n'est perçu que sur 16,000 francs. C'est donc une fraude ; mais elle est autorisée par la loi ; c'est une fraude légale. Je crois qu'il serait bon de faire disparaître ce moyen de fraude.
- L'article Enregistrement est adopté.
« Greffe (30 p. c. additionnels) : fr. 300,000. »
- Adopté.
« Hypothèques (26 p. c. additionnels) : fr. 1,700,000. »
- Adopté.
« Successions (30 p. c. additionnels) : fr. 6,500,000. »
La section centrale propose de réduire à 5 millions le chiffre de cet article.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - La réduction de 1,500,000 fr. proposée par la section centrale est la conséquence de ce que le projet de loi relatif au droit de succession est restée jusqu'à présent à l'état de projet. Si je me rallie au chiffre de 5 millions, c'est sous toutes réserves. Il est bien entendu que la réduction ne peut exercer aucune influence ni porter aucun préjudice à la discussion qui aura lieu.
M. Lejeune, rapporteur. - C'est entendu ainsi.
- L'article est adopté avec le chiffré de 5 millions.
« Timbre (sans additionnels) : fr. 3,000,000. »
- Adopté.
« Amendes : fr. 150,000. »
- Adopté.
« Indemnités payées par les miliciens pour remplacement et pour décharge de responsabilité de remplacement : fr. 70,000. »
- Adopté.
« Amendes en matière de simple police civile, correctionnelle, etc. : fr. 140,000. »
- Adopté.
« Produit des examens : fr. 70,000. »
- Adopté.
« Produits des brevets d'invention : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Produits des diplômes des artistes vétérinaires : fr. 100. »
-Adopté.
La discussion est ouverte sur l'ensemble des articles compris sous la rubrique péages.
M. Verhaegen. - A l'occasion des péages, et notamment des péages du canal de Charleroy, je rappellerai à la chambre une pétition digne de fixer son attention, qui lui a été adressée par le conseil communal de Bruxelles.
Depuis qu'on circule sur le canal de Charleroy, d'après des renseignements qui me paraissent exacts, le droit de navigation pour un parcours de 14 lieues est de 3 fr. 7 c. par tonneau. Cependant les dépenses de construction du canal de Charleroy sont remboursées par le produit de ce canal.
Il serait donc juste de revenir à un péage plus modéré. Il est, en effet, inconcevable que 1,000 kilog. de houille qui coûtent, si je ne me trompe, 8 fr., doivent payer uniquement pour droit de navigation 3 fr. 7 c, indépendamment des droits d'octroi et des frais de transport, ce qui veut dire ni plus ni moins que 37 p. c. du prix du combustible.
Les intérêts des industriels et des consommateurs sont évidemment lésés par cet état de choses, et ce sont les intérêts des industriels et des consommateurs qui doivent en première ligne fixer l'attention du législateur.
Si d'un côté il est constant que le canal de Charleroy est remboursé par ses produits, si d'un autre côté on fait payer aux industriels et aux consommateurs de Bruxelles 37 p. c, il faut que cet état de chose, cesse.
Je n'en dirai pas davantage. J'espère que mes honorables collègues de Charleroy voudront bien m'appuyer dans cette question.
M. Pirmez. - Messieurs, en examinant le tableau des péages perçus par l'Etat, on est frappé de l'énorme disproportion qu'il y a entre les recettes opérées sur le canal de Charleroy et les autres recettes de péages. En effet, le canal de Charleroy paye au trésor le double de toutes les voies navigables et des canaux du pays, si l'on en excepte la Sambre canalisée et le canal de Mons à Condé.
La disproportion est énorme. Car, comme vient de le dire l'honorable député de Bruxelles, le coût du transport et des péages sur le canal de Charleroy, s'élève à 3 fr. 7 c. par 1,000 kilog. C'est à peu près la moitié du prix de la houille. Car, d'après les informations que j'ai prises, la moyenne du prix de la houille qu'on transporte sur le canal de Charleroy n'est guère que de 7 fr. par 1,000 kilog.
Le gouvernement perçoit donc, en droits de péages sur le canal de Charleroy, la moitié du prix de la marchandise. Cette disproportion avec les autres droits a frappé tout le monde ; consommateurs et producteurs s'en sont plaints. La régence de Bruxelles s'est adressée à ce sujet à la chambre, et il existe encore une autre pétition, sur laquelle on n'a pas fait rapport, qui nous est adressée par la chambre de commerce de Bruxelles et qui se plaint aussi de cette évaluation exagérée des péages.
On ne peut donner une raison de l'énorme disproportion qu'il y a entre le droit que perçoit le gouvernement sur le canal de Charleroy et celui qu'il perçoit sur les autres voies navigables ; on ne conçoit pas pour quelle raison on percevrait 3 à 4 sur le canal de Charleroy, alors qu'on ne perçoit que 1 sur un autre canal qui sert à transporter la houille comme celui de Charleroy.
L'Etat a repris toutes les rivières et tous les canaux et il en perçoit les péages. Il est juste que l'on prenne une mesure générale pour que les uns ne payent pas quatre fois plus que les autres. Il faut que l'on établisse une base, et qu'elle soit la même pour tous.
Veut-on considérer, par exemple, ce qui reste à payer sur ce qu'a coûté l'achat du canal ? Soit, que l'on prenne cette base, et alors on verra que le canal de Charleroy ne doit rien payer à l'Etat. Car le prix du canal de Charleroy est entièrement remboursé.
Je ne crois pas que l'on contestera que le prix du canal de Charleroy a été entièrement remboursé. Il a été remis à la chambre des calculs faits par un industriel (je crois que tous les membres de la chambre les ont reçus) où l’on établit que ce remboursement a effectivement eu lieu au moyeu des recettes opérées.
Je ne fatiguerai pas la chambre en les lisant ; mais si l'on contestait ces calculs, il faudrait cependant bien en donner lecture.
(page 410) Mais je suis assez, heureux, messieurs, pour n’avoir pas besoin de tenir la chambre longtemps attentive par la production de tous ces chiffres ; nous avons des témoignages désintéressés et très compétents à cet égard. Dans la dernière discussion qui a eu lieu sur notre situation financière, un ancien ministre des finances, qui certainement n'a jamais voulu sacrifier les intérêts du trésor public en matière de canaux, car c'est lui qui a fait passer dans le trésor de l'Etal les revenus d'un canal provincial du Hainaut, l'honorable M. Malou est venu déclarer que le canal de Charleroy payait 36 p. c. de ce qu'il a coûté. Un témoignage aussi désintéressé et aussi compétent me dispense de fatiguer la chambre par de longs calculs.
Or, vous dire qu'un canal rapporte 36 p. c. de son coût, ou vous dire qu'il est remboursé, c'est dire à peu près la même chose.
Messieurs, si ce n'est pas le coût du canal que vous voulez prendre pour base, choisissez-en une autre ; mais traitez tous les habitants du pays de la même manière. Etablissez vos calculs sur telle base que vous voulez, mais ne laissez pas subsister sans aucune raison des droits quatre fois plus élevés que ceux que l'Etat perçoit sur les autres canaux. J'ai dit, et on ne le contestera pas, que le prix d’achat était remboursé. Vous n'avez donc pas de raisons pour maintenir une disproportion aussi énorme.
Au surplus, messieurs, la recette ne serait pas diminuée dans la proportion de la réduction du taux du péage. Nous en avons une preuve sur la Sambre canalisée, l'année dernière, vous avez diminué sur certains produits les péages de la Sambre canalisée. Eh bien, cette année il est porté au budget des voies et moyens, pour un revenu plus élevé de 100 mille fr.
J’espère, messieurs, que lorsque le gouvernement présentera le prochain budget, il aura égard à nos observations, ci que le canal de Charleroy sera mis sur la même ligne que les autres canaux de l’Etat.
M. Sigart. - Messieurs, plusieurs fois déjà on est venu vous demander une réduction des péages sur le canal de Charleroy ; chaque fois, ces demandes ont été repoussées et je crois qu'elles le seront à plus forte raison aujourd'hui.
Le moment est bien mal choisi, messieurs, pour demander des réductions dans les recettes de l'Etat, alors qu'on est à la recherche de nouvelles matières imposables et qu'on sait combien il serait difficile d'en trouver. Serait-il équitable d'adopter une pareille résolution, aujourd'hui que nous venons de refuser tout dégrèvement de l'impôt sur le sel, l'impôt le plus odieux qui puisse exister ?
Nous pourrions peut-être adopter une proposition semblable dans des circonstances favorables. Je ne suis pas optimiste ; je ne sais pas si un jour se présentera où nous pourrons facilement adopter des diminutions de ressources ; mais enfin en admettant cette supposition, je pense que nous ne pourrions donner notre assentiment à une réduction de la nature de celle qui vous est demandée, qu'en adoptant une mesure d'ensemble.
Sans cette précaution, une perturbation extrêmement dangereuse dans nos industries aurait lieu, et à la suite le déclassement des ouvriers, l'un des accidents sociaux les plus redoutables ? C’est parce qu'on l'a compris, qu'au moment même où l'on a fait le canal de Charleroy, on a fait une chose qui au premier abord paraît assez singulière : on n'a pas établi le péage a raison du parcours ; afin de maintenir l'équilibre entre le bassin de Charleroy et celui du centre, on a établi un péage égal. Ainsi le bassin du centre doit payer un péage égal à celui de Charleroy, qui est infiniment plus éloigné de Bruxelles.
Je ne pense pas qu'il appartienne aux gouvernements de détruire les conditions de concurrence entre les industries.
Si par sa propre faute un industriel ne peut résister à un autre, tant pis pour lui.
Mais n'y aurait-il pas une iniquité insupportable, si le gouvernement se servait du trésor public pour aider les uns accabler les autres ? Est-ce que le gouvernement ne doit pas être le protecteur de tous ? Veut-il se faire l'auxiliaire de quelques-uns, l'ennemi de quelques autres ?
Heureusement, je suppose que la tentative des deux honorables MM. Verhaegen et Pirmez n'est pas sérieuse ; c'est le motif pour lequel je n’entre pas dans de plus grands développements.
M. Bricourt. - J'ai demandé la parole pour me joindre aux honorables MM. Verhaegen et Pirmez et demander la réduction des péages établis sur le canal de Charleroy.
Comme on vous l'a dit, les droits de péage pour le parcours entier du canal de Charleroy à Bruxelles, sont de 3 fr. 7 cent. par tonneau, aller à 'charge et retour à vide compris. Le canal ayant une longueur de 14 lieues, il en résulte que le transport de la houille de Charleroy à Bruxelles paye, pour droit de navigation seulement, 21 cent. 3/14 par tonne et par lieue.
Si on compare ces péages, avec les péages sur les autres canaux et rivières du pays, on verra que ceux-ci ne s'élèvent guère qu'à 2, 3, 4 centimes par tonne et par lieue. C'est là une injustice que la chambre doit d'autant plus s'empresser de réparer, que le canal de Charleroy, quoique construit à petite section et n'ayant que 14 lieues de parcours, et bien que son mouvement de navigation ne soit que de 736,667 tonneaux, rapporte à lui seul 63 p. c. du produit de toutes les voies navigables de la Belgique, la Sambre non comprise.
Mais il est une autre injustice, plus criante encore, et dont il n'a pas été parlé. Je veux parler de l'injustice dont les charbonnages du centre sont victimes.
Les charbons du centre, expédiés vers Bruxelles, parcourent aussi le canal de Charleroy ; mais sur une longueur de 8 lieues seulement. Eh bien ! messieurs, ces charbons payent les droits de navigation comme s'ils partaient de Charleroy même, comme s'ils parcouraient le canal dans toute sa longueur, c'est-à-dire à raison de 3 fr. 7 cent. par tonneau. Ainsi pour ces charbons, les droits de péage sont de 38 centimes 3/8 par tonne et par lieue, soit 16 centimes de plus que pour ceux expédiés de Charleroy.
Je sais bien, messieurs, que l'on cherche à expliquer cette anomalie choquante par le désir du gouvernement d’établir l'équilibre entre des charbonnages du centre et ceux de Charleroy, de les placer, sous le rapport des droits de péage, sur un pied d'égalité.
Pour ma part, je ne puis donner mon assentiment à une mesure semblable, car je la considère, comme contraire aux principes de l'économie politique, aux intérêts des consommateurs et à l'intérêt général bien entendu. Je la considère en outre comme irréalisable en fait ; car chaque chemin de fer qui sera construit à l’avenir, chaque canal qui sera creusé, chaque route même qui sera livrée à circulation, viendront toujours détruire l'équilibre que vous aurez péniblement élaboré.
Mais, j'irai plus loin, je dirai que, au moyen du tarif des droits de péage sur le canal de Charleroy tels !s qu'il sont aujourd'hui établis, on ne s'est pas borné à enlever aux charbonnages du centre les avantages résultant de leur position pour les mettre sur un pied d'égalité avec ceux de Charleroy ; mais on les a placés dans une position beaucoup moins favorable. Pour le prouver il me suffira de vous faire observer que, pour atteindre le canal de Charleroy, les charbons du centre doivent faire deux lieues de navigation sur les embranchements dits du canal de Charleroy. Ces deux lieues de navigation sont soumises à un droit de péage de 1 franc par tonneau, soit 50 centimes par tonne et par lieue.
Ainsi pour parcourir dix lieues de canaux, c’est-à-dire deux lieues sur les embranchements, et huit lieues sur le canal de Charleroy depuis Seneffe jusqu'à Bruxelles, les charbons du centre payent près de 41 1.2 centimes par tonne et par lieue, tandis que, pour le parcours depuis Charleroy jusqu'à Bruxelles, on ne paye que 22 centimes environ et 2, 3, 4 et 5 centimes sur les autres canaux et rivières du pays.
Ce résultat vous prouve, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, que le tarif des droits de navigation sur le canal de Charleroy constitue, au détriment des charbonnages du centre, une injustice criante.
J'espère qu'il suffira de l'avoir signalée à l'attention de M. le ministre des travaux publics pour qu'il s'empresse de la faire disparaître en proposant un tarif qui fixe les droits d'après la distance parcourue. Du reste, je me propose de revenir sur ce point et d'entrer dans de plus grands développements lors de la discussion du budget des travaux publics, car je ne m'attendais pas à prendre la parole aujourd'hui et je ne l'ai fait que parce que j'y ai été en quelque sorte provoqué par ce qui vous a été dit par les honorables MM. Verhaegen et Pirmez.
M. Dechamps. - Messieurs, mon intention n'est pas de traiter aujourd'hui d'une manière approfondie l'importante question de la réduction des péages sur les voies navigables ; la chambre ne me le permettrait pas, ou, au moins, je ne pourrais pas espérer d'obtenir d'elle toute l'attention que cette discussion exigerait. J'ajournerai donc à la discussion des budgets définitifs, que le ministère doit bientôt nous présenter pour l'exercice prochain, l'examen de toutes les questions qui se rattachent à la réduction des péages sur nos voies navigables, questions que je me borne aujourd'hui à indiquer sommairement. C'est d'abord l'inégalité injustifiable à faire disparaître, relativement au taux des péages tel qu'il fixé pour les diverses voies navigables du pays.
C'est, en deuxième lieu, l'intérêt des populations qui se trouvent éloignées de nos districts houillers, des populations flamandes qui, comme on l'a dit souvent, manquent presque autant de combustible que de pain.
En troisième lieu, l'intérêt industriel, l'intérêt de nos grandes manufactures de Gand, de Bruxelles et de nos autres centres manufacturiers, où le haut prix du combustible élève les prix des fabricats de telle manière que nos producteurs ne peuvent que très difficilement soutenir la concurrence avec l'industrie anglaise.
J'ajouterai une quatrième considération, c'est l'absence d'intérêt réel pour le trésor public ; car il est évident que sur certains canaux, celui de Charleroy tout spécialement, où, comme l'a dit l'honorable M. Pirmez, le péage est tellement usuraire, qu'il équivaut à près de 40 p. c. de la valeur des objets transportés, il est évident, dis-je, que sur le canal de Charleroy, une diminution notable du péage ne diminuerait pas sensiblement les revenus du trésor public, puisque le développement de la production multiplierait aussi les transports. J'indique ces questions dignes de toute l’attention de la chambre ; je me réserve d'y revenir en temps opportun.
Mais, messieurs, j'ai surtout pris la parole pour soumettre au ministère une observation qu'il ne m'a pas été permis d'ajourner à la discussion du budget définitif, parce que celle observation se rattache à la présentation des projets financiers que le cabinet nous a annoncés dans un avenir prochain.,
Le ministère, messieurs, paraît décider à proposer à la chambre un plan de projets finances d’impôts nouveaux, destinés à accroître les revenus du trésor public, afin de satisfaire à ce qu’il considère comme les exigences de la situation. Messieurs, je fais naturellement toutes mes réserves relativement à l’examen de cette nécessité elle-même, à (page 411) l’étendue des ressources qu'il serait nécessaire de demander à l’impôt et relativement surtout aux objets auxquels le gouvernement voudra demander des revenus nouveaux ; mais en me plaçant au point de vue où se trouve le ministère, en admettant cette nécessité, en admettant que le ministère fasse passer ses convictions dans nos esprits à ce point de vue, je dis qu'il faut que le ministère fasse comme le gouvernement anglais, sous les deux ministères de sir Robert Peel et de lord John Russell, a fait dans des circonstances analogues, lorsque ces ministères ont été appelés à imposer au pays des sacrifices en restreignant les protections qui favorisaient l'agriculture et l'industrie ; à côté de ces sacrifices, il a offert des compensations.
Ainsi, lorsqu'il a aboli les lois des céréales en Angleterre, le cabinet a, en même temps, débarrassé l'agriculture des entraves nombreuses, des charges pesantes qui empêchaient son développement. Lorsqu'on a supprimé la protection dont jouissaient les diverses branches des manufactures anglaises, le gouvernement a en même temps eu soin de réduire d'une manière considérable les prix des matières premières qui alimentent les industries, et de les réduire à un taux presque nominal.
Messieurs, je ne considère pas le cabinet actuel comme étant précisément l'héritier de sir Robert Peel pas plus que nous n'avions la prétention de l'être nous-mêmes, mais il fera sagement de chercher à imiter une conduite aussi intelligente.
Le cabinet précédent, tout en maintenant son appréciation relativement à la situation financière du pays qu'il considérait comme bonne et normale, tout en croyant que le titre qu'il peut présenter avec le plus de confiance à l'impartialité et à la justice du pays, c'est d'avoir conservé cette situation financière, après avoir traversé deux années calamiteuses qui nous ont imposé tant de charges, le cabinet précédent avait cru néanmoins à la nécessité de créer de nouvelles ressources.
Il en avait besoin, pour ne pas interrompre l'œuvre des travaux publics, pour réaliser les projets qu'il avait présentés et ceux qu'il avait indiqués comme devant en être le développement, projets dont les bases, aux yeux du cabinet, devaient être élargies quand les ressources du trésor l'auraient permis.
Mon honorable ami M. Malou a eu l'occasion de vous dire à quelles sources il voulait puiser ces revenus : ce sont les assurances à remettre aux mains de l'Etat, les institutions de crédit qui s'y rapportent et qui, en procurant des ressources nouvelles, devaient donner au gouvernement une influence bienfaisante destinée à lui rattacher plus étroitement les populations.
Mon honorable collègue, M. Malou, dans le plan financier qu'il avait soumis aux délibérations du conseil, dont je faisais partie, avait aussi, à côté des sacrifices qu'il devait demander au pays, placé de larges compensations ; il avait rattaché aux mesures financières à proposer, un grand intérêt populaire et agricole : la réduction de l'impôt du sel, et un grand intérêt populaire et industriel : l'abaissement des péages.
Messieurs, il faut bien le dire ; en présence des progrès du paupérisme dans quelques-unes de nos provinces, et qu'il faudra de longs et persévérants efforts pour extirper, les questions relatives aux subsistances, aux objets de consommation de première nécessité, se trouvent en première ligne à l’ordre du jour de l'opinion publique. Le prix du pain, l'impôt sur le sel. le prix du combustible corrélatif à celui des transports, soulèvent les problèmes que le gouvernement doit examiner avec la plus sérieuse attention. Je ne veux pas aujourd'hui discuter la question des péages dans tous ces détails ; j'ajourne ces observations au budget de 1849 qui nous sera bientôt présenté. Mais je me permets d'indiquer au gouvernement cette pensée que je crois utile, féconde ; c'est de rattacher la question du sel et celle des péages au plan financier qu’il doit présenter à la législature ; c'est comme je l'ai dit, comme l'a fait le gouvernement anglais, c'est de placer, à côté des sacrifices, des compensations et des bienfaits.
Je compte sur le bon vouloir des membres du cabinet ; et relativement à la question spéciale des péages, sur l'influence que pourra exercer sur ses collègues l'honorable ministre de la justice, M. de Haussy, qui a soutenu, l'année dernière, avec chaleur, au sénat, l'opinion que je soutiens aujourd'hui. J'espère qu'il pourra faire passer sa conviction dans l'esprit de ses collègues.
M. Faignart. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer plusieurs honorables membres qui ont parlé avant moi. Je me bornerai à prier le ministère d'aviser aux moyens de faire disparaître le plus tôt possible les irrégularités que renferme le droit de péage sur le canal de Charleroy et sur ses embranchements ; afin que notamment les droits soient diminués sur les embranchements, lesquels payent à eux seuls plus de la moitié du droit total par an. Je n'insiste pas pour que cette révision de tarif ait lieu immédiatement, mais il me paraît juste de faire cesser au plus tôt un état si préjudiciable aux intérêts et des industriels et des concessionnaires et des consommateurs.
Je prie donc le ministère de prendre en sérieuse considération les observations qui lui ont été adressées à ce sujet, pour qu'il puisse, lors de la présentation du budget de 1849, proposer les changements réclamés depuis longtemps par les industriels et par les consommateurs eux-mêmes.
M. Dolez. - Messieurs, le débat qui vient de s'ouvrir par MM. les représentants de Charleroy a d'avance sa solution marquée par ce qui ce qui s’est passé l'an dernier, dans la même circonstance. Permettez-moi de rappeler les paroles par lesquelles un honorable collègue de M. Dechamps, M. Malou, ministre des finances, résumait la situation de la question :
« La réduction des péages en général devait naturellement être subordonnée d'une part à l'état de nos ressources, d'autre part à l'équilibre si péniblement établi entre les divers centres industriels du pays. »
Je pense qu'aujourd'hui encore c'est à cette conclusion que ce débat doit aboutir. En effet. le canal de Charleroy figure au budget des votes et moyens pour une somme extrêmement importante. Cette somme, pour le dire en passant, atteste que les industriels qui se servent de ce cana exagèrent tout au moins singulièrement les griefs qu'ils articulent contre la situation des choses. Et en effet quelle est la mesure la plus certaine, la plus sûre, de la bonté d'une voie de navigation ? C'est évidemment le résultat de ses produits.
Si le canal de Charleroy était une entrave pour l'industrie de Charleroy et du centre, il est évident que le canal ne produirait pas ce qu'il produit. Le canal de Charleroy, dans les conditions actuelles, a réalisé ce qu'en espéraient les industriels de Charleroy, quand ils le sollicitaient du gouvernement précédent, qui l'a accordé à des conditions plus onéreuses que celles dont ils se plaignent aujourd'hui.
Ce canal a été créé par voie de concession. Cette concession devait durer 29 ans. Si ma mémoire ne me trompe pas, ces 29 ans ont pris cours en 1833, époque de l'ouverture du canal. Quel devait être le péage de ce canal sous l'empire de la concession ? Il devait, en vertu de l'arrêté royal du 27 mai 1827, être d'un florin 70 cents par tonneau de 1,000 livres P.-B.
Au moment de l'ouverture du canal, l'influence de l'industrie de Charleroy et du centre parvint à-décider le gouvernement à s'imposer un sacrifice en faveur de cette industrie. Par arrêté royal du 17 septembre 1832, le péage a été réduit à 1 florin 48 cents par tonneau, c'est-à-dire qu'on a opéré en faveur des industries de Charleroy et du centre une réduction de 25 cents par tonneau : l'Etat en leur accordant cette réduction s'imposait à lui-même une charge importante, car il s'engageait par le même arrêté à indemniser les concessionnaires de la perte qui devait résulter pour eux de cette réduction.
Plus tard, le gouvernement qui était menacé d'un procès par les concessionnaires, procès qui devait rouler, entre autres choses, sur les bases de l'indemnité à laquelle ces concessionnaires avaient droit en vertu de l'arrêté que je viens de rappeler, plus tard, dis-je, le gouvernement reprit le canal.
Cette reprise a-t-elle donc changé les droits des industriels de Charleroy et du centre ? Si la concession avait duré, oseraient-ils venir demander aux concessionnaires d'abdiquer leurs droits ? Méconnaîtraient-ils que ce canal est un grand bienfait pour eux ? Non, messieurs, ils le béniraient encore ; mais parce que le canal est passé des mains des concessionnaires dans celles de l'Etat, et cela à titre onéreux, à titra aléatoire, la condition des industriels de Charleroy et du centre serait changée.
On dit, et cela peut être vrai, que la dépense occasionnée par l'acquisition du canal se trouve déjà remboursée par ses produis. Mais qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve que les chances aléatoires du contrat ont été résolues favorablement pour l'Etat.
Mais il n'en est pas moins vrai que l'Etat., en se substituant à l'entrepreneur, a couru toutes les chances que courait cet entrepreneur. Si la, chance défavorable s'était réalisée, si l'Etat, au lieu de faire une opération productive, en avait fait une désastreuse, est-ce que les industriels de Charleroy viendraient lui offrir de l'indemniser ? Evidemment non. Quand le gouvernement s’est mis au lieu et place des concessionnaires, il n'a pas contracté d'autres devoirs que ceux qui incombaient à ces concessionnaires eux-mêmes. Prétend-on aujourd'hui qu'il faille modifier les conditions de nos voies navigables, je veux bien l'admettre, mais alors qu'on demande des mesures d'ensemble et qu’on ne cache pas à la chambre l'immense portée de pareilles mesures ; qu'on l'avertisse qu'on arrive inévitablement par là à la révision radicale des tarifs du chemin de fer, car le jour où vous aurez agrandi les facilités que le canal de Charleroy a ouvertes aux industries dans l'intérêt desquelles il a été créé, vous verrez les industriels de Liège demander, avec raison, des réductions sur le tarif du chemin de fer pour empêcher Charleroy et le centre de s'emparer des marchés dont Liège est aujourd'hui en possession.
Messieurs, ces avertissements, je regarde comme un devoir de vous les donner. Votre prudence m'est un sûr garant que vous ne vous laisserez point entraîner dans une voie dont les abords semblent faits pour séduire, mais qui aboutirait à des conséquences iniques envers certaines industries et désastreuses pour le trésor de l'Etat.
Je parlais, tout à l'heure, des droits des industriels de Liège ; je parlerai également des droits des industriels de Mons. Quand le gouvernement est intervenu dans la création de nos voies de communication, soit par canaux soit par chemins de. fer, il a compris que son intervention ne devait pas porter atteinte aux droits acquis des grands centres de production. Ce principe a été observé dans l'acte de concession du canal de Charleroy lui-même.
Quand le gouvernement décréta la création du canal de Charleroy, il ne voulut pas que les charbonnages du centre pussent jouir sur ceux de Charleroy de la situation que leur position topographique allait leur donner par suite de la création de ce canal.
(page 412) Il inséra dans l'acte de concession, comme condition essentielle, que les charbons du centre, quoique ne parcourant que la moitié de la longueur du canal, payeraient la totalité des droits comme les charbons de Charleroy qui le parcourent tout entier.
Pourquoi cela ? Pour ne pas anéantir les charbonnages de Charleroy. qui n'auraient plus pu soutenir la concurrence avec ceux du centre sur des marchés en possession desquels ils étaient. C'est dans l'acte même qui a créé le canal que se trouve cette pensée équitable et véritablement paternelle, cette pensée conservatrice des positions acquises, et chose étrange, ce sont les industriels de Charleroy qui voudraient aujourd'hui, par une mesure imprudente, briser des conditions d'équilibre établies, maintenues avec tant de soin par le gouvernement.. Charleroy a-t-il bien droit de se plaindre ? Au point de vue des péages qui donc a obtenu de récentes faveurs ? N'est-ce pas Charleroy ? N'est-ce pas pour Charleroy que, par mesure exceptionnelle, l'ancienne majorité, a, à la fin de notre dernière session, décrété un dégrèvement de péage ? Est-ce que les industriels de Liège ne pourraient pas venir rendre témoignage à la chambre des effets fâcheux que cette mesure a produits pour leurs intérêts ?
Oh non ! messieurs, n'entrons pas légèrement dans l'examen de ces questions, ne nous en occupons qu'avec la plus prudente réserve, craignons d'opérer des réformes qui seraient fatales à notre situation financière, fatales aux légitimes intérêts des industries du pays !
M. Lesoinne. - J'aurai quelques mots à dire en réponse aux discours qui ont été prononcés par quelques honorables membres qui ont demandé une réduction de péage sur le canal de Charleroy. Il existait un système d'équilibre, comme on l'a appelé, entre les différents bassins houillers. Je ne veux pas examiner ici quels seraient les résultats de l'application rigoureuse de ce système sur l'industrie du pays en général. Mais, comme vient de le rappeler mon honorable ami, M. Dolez, je dois rappeler à la chambre que cet équilibre a été rompu quant au tarif des péages à percevoir sur la basse Sambre. Depuis ce changement le bassin de Liège n'expédie plus de charbons en France : J'avais demandé, la session dernière, lors de la discussion qui avait eu lieu à ce sujet, que puisqu'on avait rompu cet équilibre d'un côté, on voulût au moins le rétablir d'un autre côté, et j'avais demandé à cet effet une réduction sur le prix de transport du charbon entre Liège et Louvain. Une réduction de péage sur le canal de Charleroy n'augmenterait pas, je pense, le transport du charbon par cette voie, et par conséquent il y' aurait probablement diminution de recette.
Mais il existe une circonstance qui pourrait permettre au gouvernement d'augmenter les recettes du chemin de fer, tout en diminuant son prix de transport. Il e transporte beaucoup plus de marchandises par le chemin de fer d'Anvers à Cologne que de Cologne à Anvers ; de manière que le chemin de fer transporte généralement un nombre assez considérable de wagons vides. J'avais demandé qu'on réduisit à 35 centimes au lieu de 55, qui est, je crois, le tarif actuel, le tarif du transport des houilles ; car pour parcourir à peu près la même distance que celle de Charleroy à Bruxelles, en un mot, pour aller de Liège à Louvain, les charbons de Liège payent, non pas 45 à 50 p. c. de leur valeur, mais 75 p. c. Il paye 7 fr. 80 c. pour 14 lieues.
Si le chemin de fer appartenait à une société particulière, il profiterait, pour transporter des houilles, de ces waggons revenant à vide en descente, par conséquent, n'ayant pas besoin d'une force de traction supérieure, pour le poids qu'il aurait à traîner en plus. Je pense donc que nous pourrions réclamer avec plus de raison que les honorables membres qui demandent une réduction de péage sur le canal de Charleroy. Mais je crois que quand un système, d'équilibre existe, le fait même de son existence commande de n'y toucher qu'avec la plus grande précaution...
Une voix. - On y a déjà touché.
M. Lesoinne. - C'est pour cela qu'on veut y toucher encore, l'appétit vient en mangeant.
Mais si l'on veut toucher à cet équilibre, qu'on le fasse avec le soin, avec la maturité qu'exige un pareil examen.
L'économie dans les transports doit exercer une grande influence sur l’industrie de notre pays. C'est par les transports économiques qu'on peut surtout venir en aide, avec efficacité, à l'industrie. Je conseille donc très fort au gouvernement d'examiner avec le plus grand soiu les tarifs pour lotîtes les voies de communication qui sont dans sa dépendance. Si une réduction est possible, je demande que le gouvernement l'établisse. Mais je ne m'expliquerais pas qu'à la légère on réduisit les péages pour une seule voie de communication, sans examiner l'influence que cela pourrait exercer dans les autres localités du pays, i Là discussion est close ; il est procédé au vote.
« Produit des canaux et rivières appartenant au domaine, droits d'écluse, ponts, navigation : fr. 875,000. »
- Adopté.
« Produits de la Sambre canalisée : fr. 700,000. »
- Adopté.
« Produits du canal de Charleroy : fr. 1,525,000. »
- Adopté.
« Produits du canal de Mons à Condé : fr. 110,000. »
- Adopté.
« Produits des droits de bacs et passages d’eau : fr. 90,000. »
- Adopté.
« Produits des barrières sur les routes de première et de deuxième classe : fr. 2,200,000. »
- Adopté.
M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, nous devons terminer bientôt la discussion du budget des voies et moyens. Nous devrons donc fixer la séance de demain de bonne heure. Si nous n'avons pas fini à 5 heures, il conviendra d'avoir une séance du soir.
Il est temps de fixer notre ordre du jour, parce que chacun aura ses arrangements à prendre en conséquence.
Le gouvernement désire que nous ne prenions pas de congé la semaine prochaine. C'est contraire à tous nos usages et à nos intérêts ; car depuis six semaines, nous ne sommes retournés chez nous que le dimanche. Je propose donc de nous séparer après l'adoption du budget des voies et moyens et de nous ajourner au mardi 4 janvier. Le gouvernement ne peut s'y refuser.
M. le président. - La chambre, avant de se séparer, doit également voter la loi de péréquation cadastrale et le budget des dotations. ;
M. Osy. - Sans doute !
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai déjà insisté à plusieurs reprises pour que la chambre voulût bien ne pas se donner de vacances avant d'avoir voté les budgets pour 1848. Aujourd'hui l'absence de la chambre serait d'autant plus inexplicable que les rapports sur les budgets de la guerre et de la justice sont imprimés et distribués depuis plusieurs jours. Les autres années, quand on se donnait des vacances, on n'était pas en présence de budgets prêts à être discutés. Je n'apporte pas ici une puérile opiniâtreté à vouloir emporter une question qui pourrait répugner trop à la chambre. Mais je demande s'il est convenable que le parlement à peine réuni depuis six semaines abandonne ses fonctions, quand il lui reste des travaux urgents à terminer. Qu'il convienne à certains membres de retourner chez eux à cette époque de l'année, pour leurs affaires personnelles, je ne le conteste pas.
Mais dire qu'on a besoin de vacances parce qu'on se trouve réuni depuis six semaines, ce n'est pas un langage que je puisse considérer comme très sérieux. Nous avons chacun nos devoirs à remplir. Ceux qui sont au ministère sont plus accablés que ceux qui se contentent de siéger comme membres du parlement ; les raisons que donne le ministère pour engager la chambre à continuer ses travaux méritent plus d'être prises en •considération que les motifs de convenance personnelle invoqués par quelques collègues.
Mais, messieurs, les sénateurs, qui ont aussi des affaires personnelles, restent assemblés jusqu'après le 1er janvier.
Un membre. - Il y sont obligés.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ils y sont obligés, c'est vrai. Ils remplissent un devoir. Mais je crois que vous avez également un devoir à remplir.
Je ne puis en aucun cas admettre la proposition de l'honorable M. Osy de nous séparer demain pour nous réunir de nouveau au 3 janvier. Je le déclare, si la chambre se met en vacance, le gouvernement demande que cette vacance soit plus longue. Huit jours ne nous suffisent pas pour reprendre convenablement les séances. Je crois que ce qui conviendrait au plus grand nombre des membres de cette chambre, à ceux surtout qui sont plus éloignés de Bruxelles que l'honorable M. Osy, ce serait de pousser à bout les travaux commencés, de voter les budgets, puis de se donner alors une vacance, fût-ce de trois semaines, fût-ce d'un mois.
Je pense qu'en hâtant un peu les travaux, la chambre pourrait avoir voté les budgets dans les premiers jours de janvier au plus tard, et se séparer alors jusqu'au 20 ou 23. Voilà ce qui doit convenir le plus à la majorité des représentants ; j'ajoute que c'est ce qui convient le plus aux membres du gouvernement, et il me semble que cette dernière considération mérite quelques égards de la part de la chambre. Lorsque le gouvernement vous fait une demande qui peut se concilier et avec vos convenances et avec les siennes, je ne sais pourquoi vous la repousseriez.
Je finis, car je ne veux plus revenir sur cette question. Je prie la chambre de croire que je ne mets pas à ceci, je le répète, une obstination puérile. Je crois que je vous propose une chose sage, une chose bonne et convenable.
M. Osy. - Messieurs, je ne viens pas ici défendre des convenances personnelles ; ce n'est pas mon habitude ; mais depuis un grand nombre d'années nous avons toujours trouvé convenable de nous séparer à cette époque, parce que chacun a des affaires à terminer à la fin de l'année.
Je vous demande, messieurs, si en revenant lundi ou mardi, il nous sera possible de terminer le vote des budgets pour la fin de l'année. Le budget de la guerre donnera certainement lieu à beaucoup d'observations, et vous comprenez que la discussion, qui sera fort longue, ne pourra se terminer la semaine prochaine.
Je voudrais donc qu'on nous présentât demain un projet de crédit supplémentaire, afin qu'à notre rentrée nous puissions discuter mûrement le budget.
Je crois donc que ma proposition de nous réunir de nouveau le premier mardi de janvier doit être adoptée.
On veut que nous ne nous séparions qu'au mois de janvier et que (page 415) nous restions alors trois ou quatre semaines chez nous. Mais nous n'aurons pas besoin alors, comme nous l'avons aujourd'hui, de rester chez nous.
Je persiste donc dans ma proposition.
M. Mercier. - Messieurs, j'aurais de la peine à me rallier à la proposition de l'honorable M. Osy ; mais d'un autre côté, je voudrais que le gouvernement, au lieu de soumettre l'ajournement de la chambre au vote de tous les budgets, fixât une époque pour notre séparation. Car je ne crois pas non plus que tous les budgets puissent être votés en dix ou quinze jours. Si le gouvernement proposait de fixer l'ajournement de la chambre au 4 ou 5 janvier, je me rallierais volontiers à sa proposition.
M. Lebeau. - Messieurs, je dois rendre la chambre attentive à la motion de l'honorable M. Osy. Non seulement le gouvernement a présenté des objections que de tous les côtés de cette chambre on paraît disposé à admettre, mais adopter la proposition de l'honorable M. Osy, c'est déclarer virtuellement qu'une partie de nos collègues n'auront pas de vacances. Il est évident que pour les députés du Luxembourg, qui n'ont pas les moyens de transport que nous avons à notre disposition, une vacance de 8 jours est une vacance purement nominale.
On invoque les habitudes de la chambre ; mais je crois qu'il y a déjà eu interruption dans cet usage que l'on invoque. Je crois me rappeler que par des considérations analogues à celles que vient de faire valoir M. le ministre, la chambre a, une année, prolongé sa première période de la session jusqu'au 5 janvier et s'est ensuite ajournée jusqu'au commencement de février.
J'insisterais certainement davantage, si une raison de délicatesse ne m'arrêtait. J'habite les environs de la capitale ; je sens que les raisons que je puis donner perdent beaucoup de leur poids par suite de ma position particulière. Mais je dois reconnaître avec M. le ministre de l'intérieur que c'est la première fois que la chambre se trouve dans une position pareille à celle où elle est aujourd'hui.
Par suite de l'attention qu'a eue le précédent ministère, et dont il faut le remercier, les budgets nous ont été soumis de telle façon, que par dérogation à ce qui s'est passé depuis quinze ans, la chambre a pu en aborder la discussion à sa rentrée, et il est arrivé ce fait entièrement nouveau que deux budgets pourront être discutés dans cette session.
Je ferai remarquer en outre que tout le monde paraissait d'accord qu'une discussion plus ou moins sommaire du budget actuel pourrait avoir lieu sans inconvénient, et en laissant toutes les questions debout. On est convenu que le budget actuel ne préjugeait rien sur la manière dont nos lois financières seraient conçues dans l'année qui va arriver, non plus que sur le régime de nos dépenses. On regarde ceci comme une période transition. Si donc, sous l'influence du désir qu'on a de se séparer, on imprimait une impulsion un peu vive au vote des budgets, je n'y verrais pas grand inconvénient ; car il est à peu près reconnu que les véritables questions financières seront surtout soulevées à propos du prochain budget, et non dans un budget de transition, par le budget qui nous a été soumis par le cabinet qui s'est retiré.
Par ces considérations, je crois que nous ne compromettrons rien en dérogeant pour cette fois à nos habitudes. Nous avons l'espoir que l'année prochaine nous ne serons plus acculés à une époque fatale pour le vote des budgets et que la chambre pourra reprendre ses vacances accoutumées sans le moindre inconvénient.
M. de Tornaco. - Messieurs, deux propositions se trouvent en présence, l'une de l'honorable M. Osy, l'autre de M. le ministre de l'intérieur. Je crois, quant à moi, que ces propositions sont toutes deux trop absolues.
L'honorable M. Osy vous propose de vous ajourner dès demain. L'honorable ministre de l'intérieur, au contraire, voudrait que l'on votât tous les budgets avant de prendre des vacances. Je suis contraire à ces deux propositions.
Celle de l'honorable M. Osy ne me paraît pas satisfaire la chambre. Elle ne prend pas en considération la longueur des distancés qui séparent un grand nombre d'entre nous de la capitale. Comme vient de le faire remarquer l'honorable M. Lebeau, plusieurs membres ne pourraient, avec des vacances aussi courtes que celles que propose l'honorable M. Osy, retourner chez eux.
D'un autre côté, M. le ministre de l'intérieur insiste pour que la chambre voté tous les budgets. Je ne saurais, pour ma part, admettre cette opinion. On peut bien dire, comme on l'a répété plusieurs fois, que la chambre ne votera que sommairement les budgets. Mais l'expérience démontre tous les jours que tout en votant sommairement les budgets, les discussions sont fort longues.
Il se pourrait, messieurs, qu'en suivant le système qui a été suivi encore aujourd'hui, qui a été suivi toute cette semaine, on perdît beaucoup de temps, qu'en faisant succéder les motions d'ordre aux motions d'ordre, on arrivât au 15 ou au 20 janvier avant d'avoir voté les budgets, et je vous avoue, messieurs, que cette époque me semble trop éloignée pour ceux qui ont quitté leur affaires, qui ont quitté leur famille depuis l'ouverture de la session et qui assistent régulièrement aux séances, qui ne retournent jamais chez eux que lorsqu'il y a des vacances d'une certaine durée. Il n'est pas indifférent d'ailleurs, pour beaucoup d'entre nous, de retourner avant ou après le 1er janvier. Beaucoup de membres se trouvent réunis en famille le jour de l'an et ne se trouvent en famille que ce jour-là.
Je proposerai, messieurs, de continuer nos travaux jusqu'à la fin de l'année, sauf à décider la veille du nouvel an ce que la chambre voudra faire ultérieurement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Nous sommes assez près de nous entendre, l'honorable M. de Tornaco et moi. L'honorable membre propose de décider que nous resterons réunis jusqu'à la fin de l'année et que rien ne soit préjugé sur ce que nous ferons à cette époque ; eh bien, j'adhère à cette proposition.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Il est bien entendu que l'adoption de la proposition de l'honorable M. de Tornaco emporte pour nous tous l'obligation de nous trouver à notre poste jusqu'à la fin de l'année. S'il en était autrement, j'aurais des crédits provisoires à proposer à la chambre et je devrais me mettre en mesure de le faire.
De toutes parts. - C'est entendu ! c'est entendu.
- La proposition de M. Osy est d'abord mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
- La proposition de M. de Tornaco est adoptée.
M. le président. - A quelle heure veut-on se réunir demain ?
Des membres. - A onze heures.
D’autres membres. - à midi.
- La chambre décide qu'elle se réunira demain à midi.
La séance est levée à cinq heures un quart.