(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Dumont, vice-président.)
(page 1622) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Van Cutsem lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
(page 1623) M. A. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les sieurs Michiels Loos et Foulon, vice-président et secrétaire de l'association commerciale et industrielle d'Anvers, présentent des observations contre le projet de loi sur le régime de surveillance des fabriques de sucre de betteraves et demandent que les effets de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1846 soient suspendus pendant une année. »
M. Osy. - Je demanderai le renvoi de cette pétition à la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la perception du droit sur le sucre de betterave, avec prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Figuer Bourlari réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la remise d'une amende qu'il a encourue en laissant passer le temps endéans lequel il devait faire décharger des waggons de perches adressés à la station de Jemmapes.»
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Pasque demande une indemnité équivalente au tort que lui a fait éprouver le gouvernement des -Pays-Bas en laissant expirer le délai fatal pour la, remise de ses réclamations à charge de la France. »
- Même renvoi.
« La dame Deslandes, pensionnaire au Pacheco, à Bruxelles, demande que M. le ministre des finances soit autorisé à faire liquider sur la base de rente viagère la perception du droit qu'elle doit acquitter du chef de parties de renies annuelles sur le grand livre de la dette publique de France, consolidées, dont l'usufruit lui a été légué par sa belle-sœur. »
- Même renvoi.
« Plusieurs électeurs de l'arrondissement de Soignies demandent que les élections à la représentation nationale aient lieu dans des locaux indépendants de l'influence du clergé. »
M. Verhaegen. - Messieurs, la pétition que l'on vient d'analyser d'une manière très rapide est revêtue de la signature de 250 électeurs.
Ils se plaignent d'une mesure qui porte atteinte à l'indépendance de l'électeur. Le fait signalé est celui-ci : c'est que les élections ont lieu à Soignies dans un établissement épiscopal. Les divers bureaux se trouvent dans cet établissement, et il arrive que des personnes qui l'habitent non seulement se trouvent dans le local des élections sans y avoir droit, mais sont à même d'exercer une influence qui a pour résultat que les élections ne sont pas libres.
Les pétitionnaires demandent que des mesures soient prises pour que les élections aient lieu dans un local neutre.
Je ne fais pas d'autre observation pour le moment ; je me réserve d'en faire plus tard. Mais je demande, vu l'urgence, que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport, et surtout avant la fin de la session.
- La proposition de M. Verhaegen est adoptée.
Par dépêche en daté du 26 avril, M. le ministre de la justice transmet à la chambre 4 demandes en naturalisation ordinaire, avec renseignements y relatifs. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Zoude. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la commission d'industrie sur le projet apportant des modifications à la loi des douanes.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Jonet. - Je demanderai à la chambre que le projet de loi sur lequel j'ai fait rapport il y a trois semaines, soit mis à la suite des objets à l'ordre du jour. Il s'agit de l'augmentation du personnel du tribunal de Nivelles. La discussion, je pense, ne doit pas être longue, et il serait désirable, dans d'intérêt des justiciables de l'arrondissement de Nivelles, que ce projet fût voté avant la clôture de la session.
- La proposition.de M. Jonet est adoptée.
M. Desmaisières. - Messieurs, la commission à laquelle vous avez renvoyé l'examen du projet relatif aux denrées alimentaires, m'a chargé, à l'unanimité, de vous en proposer l'adoption, et de vous en demander la prompte discussion.
M. le président. - La chambre veut-elle discuter ce projet immédiatement ?
Plusieurs membres. - Entre les deux votes du budget des travaux publics.
D’autres membres. - A demain.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il est possible que la discussion du budget des travaux publics ne prendra qu'une partie de la séance d'aujourd’hui .Alors la chambre pourra s'occuper de quelques petits projets.
Je demanderai que la discussion du projet sur lequel il vient d'être fait rapport soit fixée à demain, à l’ouverture de la séance.
- Cette proposition est adoptée.
« Art. 1er. Conseil des mines. Traitement des fonctionnaires, frais de route et matériel : fr. 45,600. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des ingénieurs et conducteurs ; frais de bureau et de déplacement ; jurys d'examen et voyages des élèves des mines : fr. 184,000. »
La section centrale propose une réduction de 12,000 fr.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). – Il m'est absolument impossible, messieurs, de me rallier à la réduction proposée par la section centrale. J'ai déjà eu l'occasion de faire connaître à la chambre, dans les développements à l'appui du budget, que la somme demandée est nécessaire, non pas pour étendre le corps des mines, mais pour le maintenir tel qu'il est aujourd'hui constitué. Les 12,000 fr. que la section centrale voudrait retrancher comprenaient d'abord une somme de 5,200 fr., montant du déficit existant dans l'allocation du personnel des mines pour l'exercice 1846.
Je tiens ici le relevé des dépenses du service des mines pour 1846 ; il s'élève à 177,200 fr. ; la section centrale voudrait que le crédit fût limité à 172,000 fr. pour 1847 ; il s'ensuit qu'on accorderait, pour 1847, moins que la somme reconnue indispensable pour 1846.
Les 12,000 fr., dont la section centrale propose le retranchement, comprenaient une seconde somme de 6,800 fr., destinée à rétribuer deux sous-ingénieurs, déjà nommés et qui n'ont pas actuellement de traitement, et à accorder le traitement de son grade à un ingénieur de 2ème classé. Ces 12,000 fr. donneraient donc simplement au gouvernement le moyen de rétribuer tous les membres actuels du corps des mines, sans aucune augmentation.
Accorder moins que cela, ce serait véritablement constituer le gouvernement en déficit, et le forcer de faire dès maintenant des réductions sur le personnel existant. Je crois qu'un pareil résultat ne peut pas être dans le vœu de la chambre.
M. le rapporteur de la section centrale a fait remarquer que, depuis 1837, l'allocation pour le corps des mines a été constamment en augmentant ; qu'en 1837, elle était de 89,410 fr., et qu'elle s'est trouvée portée à 172,000 fr. pour 1846. Je crois que ce résultat n'a rien qui doive étonner, et surtout rien qui doive affliger la chambre ni le pays.
Ce n'est qu'à partir de 1837, que la législation sur les mines a été remise en vigueur. De 1830 à 1837, cette législation a été en quelque sorte placée en interdit, à défaut d'un conseil d'Etat. Pour obvier à cette lacune, le gouvernement a proposé la création d'un conseil des mines, et cette proposition a été convertie en loi au mois de mai 1837.Ce n'est donc qu’à partir de 1837 que nous en sommes revenus à l'exécution complète et régulière de la législation sur les mines.
C'est aussi à partir de 1837 que notre industrie minérale a repris une certaine extension et qu'elle est sortie véritablement de l'état de stagnation où l'avaient plongée les événements de 1830 ; depuis 1837, nous nous sommes donc trouvés en présence d'une situation nouvelle, qui a fait sentir le besoin constant de l'extension du corps des mines.
Ici, je dois faire remarquer encore que ces besoins ont été appréciés par la chambre même, puisque les chiffres, groupés par la section centrale, indiquent autant de votes des chambres. Depuis 1837 jusqu'à 1846, ce sont les chambres qui, sur la proposition du gouvernement, ont trouvé bon de porter la dépense du corps des mines de 89,000 francs à 172,000 fr.
Maintenant la question n'est pas de savoir de combien la dépense a été croissant depuis 1837, mais d'apprécier quels sont les besoins pour 1847. Là, messieurs, est la véritable question.
Je pense, messieurs, qu'à aucune autre époque, notre industrie minérale n'a eu plus de développement. Il est surtout une partie de cette industrie qui, a pris un degré important d'activité, c'est l’extraction du minerai de fer. Ces exploitations se sont multipliées à tel point qu'il en existe aujourd'hui environ-1,600 en activité. Je sais que ces mines ne sont pas toutes concédées, mais elles sont soumises à une surveillance de police dans l'intérêt de la sûreté des ouvriers, dans l'intérêt de la salubrité. Il y a donc la une surveillance de police à exercer dans l’intérêt de la vie des ouvriers ; il est essentiel que des attributions pareilles ne soient pas négligées, le gouvernement ne pourrait, selon moi, les négliger, sans engager sa responsabilité.
Messieurs, un moyen assez convenable d'apprécier nos besoins quant au corps des mines, c'est de voir ce qui se fait à l'étranger. La France a une industrie minérale qui n'a certainement pas plus d'importance que la nôtre. D'après mes données, l'extraction de la houille en France s’élève de 3 à 4 millions de tonneaux par an ; chez nous, cette extraction s’élève à 5 millions de tonneaux.
Il y a de plus chez nous des circonstances spéciales qui exigent une surveillance particulière de la part du corps des mines : nos concessions sont beaucoup plus divisées qu'elles ne le sont en France : en outre les mines à grisou sont chez nous beaucoup plus nombreuses qu'elles ne le sont en France.
C'est donc se mettre dans des termes de comparaison non contestables, que de dire qu'en Belgique les besoins du service des mines sont à peu près égaux à ce qu'ils sont en France. Supposez les besoins égaux, vous verrez, par les chiffres que je vais vous faire connaître, qu'il y a une différence très grande entre le personnel du corps des mines de France et celui de la Belgique. En France, il y a huit inspecteurs généraux, il y en a un en Belgique ; en France il y a trente-cinq ingénieurs en chef, nous en avons trois ; en France il y a cinquante et un ingénieurs ordinaires, nous en nous sept ; en France il y a quinze sous-ingénieurs, nous en avons neuf ; en France il y a soixante-trois conducteurs des mines, nous en avons trente-trois ; en France il y a un total de (page 1624) cent soixante et douze agents pour le service des mines, chez nous il y en a cinquante-trois.
Je concevrais, messieurs, que la section centrale, guidée par les idées d'économie qui exercent une très grande influence sur l'esprit de ses membres, cherchât à s'opposer à une extension ultérieure du corps des mines ; mais ce qui me paraît incroyable, c'est que la section centrale veuille réduire le corps des mines au-dessous de ce qu'il est aujourd'hui, veuille maintenir un déficit qui existait en 1846, et veuille que l'Etat continue à accepter les services gratuits de fonctionnaires très utiles qui ont été nommés depuis un an.
Ce qui est positif, c'est qu'il n'y a pas de luxe dans ce personnel des mines ; ce personnel est chargé d'un service fort étendu et très fatigant qui a contribué à altérer la santé de plusieurs de ses membres. Cette circonstance est au nombre de celles qui ont amené des nominations nouvelles ; mais comme le crédit était engagé en totalité, on a fait des nominations sans traitement. Faut-il les annuler par le fait ? Faut-il qu'un ingénieur de deuxième classe continuée être rétribué comme un sous-ingénieur ? Je ne le pense pas. Cela n'est pas de l'intérêt de l'Etat ; cela n'est pas de l'intérêt du service.
M. Lange. - Messieurs, je viens appuyer le chiffre pétitionné par le gouvernement ; mes raisons, je les ai puisées à une source que je regarde comme pure ; les voici :
Le service ordinaire des ingénieurs des mines consiste à exercer une surveillance de conseil et de police sur les mines, les minières, les carrières souterraines et les usines ; et les détails de cette surveillance sont plus que doublés depuis quelques années par suite du développement de ces différentes branches d'industrie ; voir naguère encore les minerais de fer mis en exploitation dans la province d'Anvers, qui devront être l'objet d'une surveillance spéciale et continue.
Ils sont en outre chargés, dans l'étendue de leur ressort actuel, de tout ce qui concerne les 5/4 en nombre et les 6/7 en force de toutes les machines à vapeur du royaume.
En effet, messieurs, si nous jetons les yeux sur le cahier des développements qui nous a été distribué, nous y lirons, page 101, « les machines à vapeur, etc. » Et pour donner une idée du développement extraordinaire de quelques-unes des branches ajoutées récemment à la surveillance des ingénieurs des mines, il suffira de dire que le nombre des appareils à vapeur ressortissant à cette administration s'élève aujourd'hui à plus de douze cents, et pourra atteindre le chiffre de 1,500 à 1,550 ; et que l'exploitation libre du minerai de fer s'opère en ce moment par plus de 1,600 puits.
Ils composent annuellement une statistique comparée de toutes les opérations de l'industrie minérale.
Ils préparent, sur un grand nombre de points, des éléments précieux nécessaires à la confection d'une carte générale des mines, destinée à représenter, dans les parties connues, le gisement et l'allure de nos couches minérales, et à servir de guide pour les découvertes ultérieures. Et remarquons ici que la France et la Prusse sont très avancées dans ce travail, et que notre position industrielle nous commande de marcher au moins de front avec leurs ingénieurs dans la science pratique de l'exploitation.
Ils composent en majeure partie les jurys d'examen relatifs aux mines ; et fournissent quelques hommes spéciaux au corps enseignant de l'école des mines de l'Etat.
Ils sont chargés de l'appréciation des apports dans tous les cas où l'industrie minérale donne lieu à la formation de sociétés anonymes.
Ils sont consultés sur l'établissement des fabriques de poudre, des usines à gaz, etc.
Ils prennent part aux travaux des commissions des annales, des procédés nouveaux, des matériaux indigènes, etc., etc.
Ils prêtent éventuellement leur concours au domaine pour l'exploitation de ses minerais, aux divers départements ministériels, ainsi qu'au service du chemin de fer de l'Etat, en diverses circonstances qui ont un rapport intime avec les connaissances spéciales de l'ingénieur des mines.
D'après cet exposé, il m'est difficile de comprendre comment un corps aussi restreint qu'est celui des ingénieurs des mines puisse suffire à tant d'exigences. Je repousse, en conséquence, la réduction proposée par la section centrale, tout partisan que je suis des économies.
M. Brabant, rapporteur. - L'honorable membre qui vient de se rasseoir vous a fait une assez longue énumération de toutes les attributions du corps des mines. Mais elles ne datent pas du 1er janvier 1847. Je crois que la plupart existent depuis que le corps des mines existe, et depuis qu'on exploite des mines. Des attributions nouvelles existent à peu près depuis que nous avons un chemin de fer. En fait d'attributions, on peut dire à peu près tout ce qu'on veut. Ainsi la première qui a été invoquée par l'honorable député de Mons est la surveillance des machines à vapeur.
Aujourd'hui encore, la surveillance des machines à vapeur dans les provinces où il n'y a pas d'ingénieur des mines se fait par les ingénieurs des ponts et chaussées ; et je crois ceux-ci aussi habiles à s'assurer de la solidité d'une machine à vapeur que les ingénieurs des mines.
Du reste, ce qui prouve qu'il ne faut pas une très grande science pour éprouver une machine à vapeur ; c'est que généralement les épreuves sont faites par les conducteurs. J'ai chez moi une machine à vapeur, elle n'a jamais été éprouvée que par un conducteur des mines.
Ce qui est certain (toute personne qui sait ce que c'est qu'un ingénieur des ponts et chaussées, ainsi qu'une machine à vapeur, en conviendra), c'est qu'un ingénieur des ponts et chaussées est aussi capable qu'un ingénieur des mines d'apprécier la solidité d'une machine à vapeur.
J'ajouterai que, d'après un arrêté récent sur la police des machines à vapeur, ce ne sont pas seulement les ingénieurs des mines, mais encore les ingénieurs des ponts et chaussées qui peuvent être appelés à cette vérification.
J'ai cru, et la section centrale a cru qu'il fallait remettre sous les yeux de la chambre cette progression vraiment effrayante de la dépense qui concerné les ingénieurs des mines.
En 1837 nous n'avions au budget qu'un article concernant les dépenses du service des mines. Aujourd'hui, nous en avons quatre ; et lorsque je dis que la dépense des ingénieurs des mines aurait doublé et plus que doublé par l'allocation du chiffre demandé par le gouvernement, je suis très probablement encore dans l'erreur, puisque les 82,410 fr. de 1837 comprenaient une partie des dépenses qui se trouvent aujourd'hui dans les articles 3 et 4 du chapitre qui est en discussion.
Je sais bien que postérieurement à 1837 on a créé un conseil des mines dont les traitements et les frais divers se trouvent dans l'article premier. Mais l'article unique de 1837 comprenait tout ce qui se trouve dans les articles 2, 3 et 4 du chapitre qui est en discussion.
L'augmentation la plus saillante, messieurs, est celle de 1839 ; elle a été de 28,000 francs. Après cela, en 1845, nous avons voté une augmentation de 12,000 francs, qui a été la suite de la création d'une fonction nouvelle, celle d'inspecteur général. Messieurs, je suis le premier à rendre hommage aux hautes lumières et à l'activité du fonctionnaire qui remplit cette place créée en 1844. Mais il me semble qu'un inspecteur divisionnaire aurait fait aussi bien. Le grade, le traitement d'inspecteur divisionnaire n’ôtait rien aux lumières, à l'activité et au zèle de ce fonctionnaire dont je reconnais le mérite et il y aurait eu encore là une économie de 3,600 francs. Mais les fonctions sont créées, je ne les critique pas, je veux les laisser subsister.
On dit : Nous avons un déficit de 5,200 fr., et trois ingénieurs ne reçoivent pas le traitement de leur grade. Mais, messieurs, s'il y a déficit de 5,200 fr., c'est qu'on a fait des nominations et des promotions en dehors des prévisions du budget. On s'est écarté de la légalité, de la constitutionnalité même, dirai-je, et on se fait aujourd'hui un titre de cet écart pour augmenter les charges de l'Etat.
Messieurs, on pourrait encore passer sur une augmentation, si l'on était certain que ce serait la dernière. Mais, comme on a eu soin de le faire remarquer aussi, ce n'est pas la dernière, et on a eu du moins cette fois-ci la franchise de vous en avertir. On vous dit qu'on s'est décidé, par des motifs d'économie, à ajourner toute demande de crédit pour augmentation du personnel, et on a cru devoir se borner, au budget de l'exercice 1847, à la somme strictement nécessaire pour rétribuer le personnel, tel qu'il est composé aujourd'hui.
Je ne sais, messieurs, si noire industrie minière ira encore en se développant, je le souhaite de tout mon cœur. Mais déjà, pour l'industrie sidérurgique notamment, nous avons vu des époques, ou du moins une époque brillante, et cette époque a été malheureusement suivie d'une crise qui se représentera à quelque jour, j'en ai bien peur, et cette activité qui vous aura fait augmenter considérablement votre dépense, venant à cesser, votre personnel ni votre dépense ne se restreindront.
M. le ministre des travaux publics a établi que notre dépense était très modérée en comparaison de ce qui se fait en France. Il vous a dit que notre industrie minière était cependant beaucoup plus considérable que celle de la France.
Je ne nie aucun de ces deux faits, messieurs ; mais si M. le ministre des travaux publics a cru devoir recourir à l'exemple de la France, moi je pourrai à mon tour recourir à l'exemple de l'Angleterre et je pourrai dire avec beaucoup plus de raison que l'industrie minière est infiniment plus considérable en Angleterre, surpasse de beaucoup plus l'importance minière en Belgique que celle de Belgique ne surpasse celle de la France. Mais une chose que je devrai ajouter, c'est que je ne saurais pas produire le personnel des ingénieurs du gouvernement eu Angleterre ; il n'y en a pas du tout. Il n'y a pas un seul ingénieur des mines qui soit payé par le gouvernement en Angleterre.
Je ne ferai donc pas comme M. le ministre des travaux publics. De ce que nous avons un personnel moindre et moins bien payé qu'en France, je ne conclurai pas que les choses sont très bien ici et qu'il faut encore augmenter de 12,000 fr. la somme allouée aux ingénieurs des mines. Je ne suivrai pas son exemple et je ne dirai pas : En Angleterre il n'y a aucun ingénieur ; donc supprimez les vôtres. Non, messieurs, je veux le maintien de ce qui existe, mais je désire qu'on n'aille pas au-delà.
M. Osy. - Messieurs, je crois qu'il est temps de nous arrêter dans les dépenses, et comme l'a très bien démontré l'honorable rapporteur de la section centrale, les dépenses ont toujours été en augmentant. Mais il n'en a pas été de même des recettes. Je vois que les redevances sur les mines ne se montent qu'à 180,000 fr. ; de manière qu'il y a sur ces remises un déficit de 100,000 fr. Il me paraît qu'il faudrait que les redevances augmentassent dans la même proportion que la dépense.
Je crois donc qu'il serait sage d'adopter le chiffre de 1846, et de voir l'année prochaine s'il n'y aurait pas lieu d'augmenter la redevance sur les mines. Pour moi j'appuie la proposition de la section centrale et js demande que le gouvernement nous fasse, l'année prochaine, un rapport sur la question des redevances.
M. Fleussu. - Je suis, messieurs, autant que qui que ce soit partisan des économies, et toutes les fois que je les ai crues possibles, je les ai toujours adoptées. Mais, messieurs, lorsqu'une réduction est de nature (page 1625) à jeter le désordre dans une administration, alors, messieurs, je crains de pareilles économies.
J'avais d'abord été frappé de la distance des chiffres qui sont consignés dans le rapport de la section centrale. Je trouvais en effet qu'entre le chiffre de 89,410 fr. qui était le chiffre pour le service des mines en 1837, et celui de 172,000 fr. pour 1846, et de 184,000 fr. pour 1847, il y avait là une distance qui demandait des explications, et j'avoue que je ne me rendais pas bien compte de cette progression que l'honorable rapporteur de la section centrale a qualifiée d'effrayante.
Mais, messieurs, j'ai voulu connaître les causes de cette augmentation, et déjà M. le ministre des travaux publics vous en a indiqué quelques-unes. Il en a passé d'autres sous silence. Vous savez, messieurs, que depuis 1837 on a créé un conseil des mines, et de ce chef vous trouvez une augmentation dans les années 1838 et 1839, de manière que le chiffre, qui n'était que de 89,000 fr., s'est trouvé tout à coup élevé à 104,000 fr. par la création d'un conseil des mines. (Interruption.)
C'est le personnel des ingénieurs des mines qui est augmenté, par suite des nouvelles attributions qui leur ont été données et des nouvelles créations qui ont été faites. Ainsi vous avez une école des mines, vous avez l'inspection des machines à vapeur. L'honorable M. Brabant disait que dans les provinces où les ingénieurs des mines n'ont pas la surveillance, ce sont les ingénieurs des ponts et chaussées qui inspectent les machines à vapeur. Mais, messieurs, nous voyons dans les développements du budget qui, dans les provinces de Brabant, d'Anvers, du Limbourg, de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale, les machines à vapeur viennent, par une disposition récente, d'être ajoutées aux attributions de l'administration des mines, comme elles l'étaient déjà dans les provinces minières du Hainaut, de Namur, de Liège et de Luxembourg. Ainsi ce ne sont plus les ingénieurs des ponts et chaussées, ce sont maintenant les ingénieurs des mines qui ont dans leurs attributions la surveillance des machines à vapeur.
L'honorable rapporteur nous dit que la surveillance des machines est une chose très facile, et à l'appui de cette assertion il dit que chez lui c'est un conducteur qui est chargé d'exercer la surveillance dont il s'agit. Mais, messieurs, que ce soit un ingénieur, un sous-ingénieur ou un conducteur, peu importe, c'est toujours un fonctionnaire appartenant au corps des ingénieurs des mines.
Messieurs, les fonctionnaires dont il s'agit ont encore dans leurs attributions la statistique, et vous savez ce que c'est que ces statistiques, qui donnent une besogne considérable. Je crois que dans toutes les administrations, on s'occupe beaucoup trop de statistique. Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins vrai que l'on exige des employés des mines, comme des autres fonctionnaires, des statistiques qui leur prennent beaucoup de temps.
Après cela, messieurs, vous avez une inspection générale des mines, et c'est une nouvelle cause d'augmentation de dépense. L'honorable M. Brabant croit qu'on aurait pu se passer de cette inspection : mais la chose existe et il la respecte. Moi, je crois que, puisqu'il y a des inspecteurs généraux dans toutes les administrations, il est utile qu'il y ait aussi un inspecteur général dans l'administration des mines, cela me paraît utile dans l'intérêt de l'unité qui doit exister dans l'administration. Je pense donc que le gouvernement a bien fait de créer cette fonction.
Voilà, messieurs, comment s'explique l'augmentation, qui a été très rapide, j'en conviens, mais qui était, ce me semble, inévitable, par suite du développement même qu'ont pris les attributions du corps des mines. Les exploitations, on l'a dit, messieurs, les différentes industries qui se trouvent en rapport avec l'administration des mines, se sont développées d'une manière fort extraordinaire pendant ces dix dernières années. Eh bien le personnel des mines a dû nécessairement s'augmenter dans la même proportion.
L'honorable M. Osy a parlé de la redevance proportionnelle ; il a dit qu'elle ne suffisait pas pour payer les fonctionnaires des mines. C'est très vrai, mais il y a ici deux idées tout à fait distinctes ; dans le moment,, il n'est question que des sommes nécessaires aux besoins du service.
Quant à la réflexion qui vous a été faite par l'honorable M. Osy, c'est une question d'économie politique. Vous pouvez toucher au taux des redevances ; si vous voulez, vous pouvez faire, comme en France, où les ingénieurs sont payés par les industriels, d'une manière beaucoup plus large, et aux dépens de l'industrie. Si je ne me trompe, on leur attribue le cinquième des bénéfices. C'est une question que vous pourrez examiner à loisir ; mais le moment n'en est pas venu, je pense.
L'observation que me fait l'honorable M. Dolez est fort juste : lorsque les employés étaient rétribués par les industriels, ils n'avaient que la surveillance des mines, tandis que, d'après les détails que j'ai donnés, on distrait leur attention et leur temps sur un grand nombre d'autres objets.
Je me permettrai, du reste, de vous faire observer que les ingénieurs de mines ne forment pas une administration fiscale, mais une administration d'intérêt général, pour que les mines soient exploitées convenablement, et d'une manière conforme au bien-être public ; pour que les jours des ouvriers soient à l'abri de malheurs qui, malgré la surveillance, n'arrivent que trop souvent.
Si l'on refusait à M. le ministre un personnel qu'il déclare lui être nécessaire, et s'il arrivait dans une houillère ou ailleurs un malheur à défaut de surveillance, quels ne seraient pas vos regrets ! La chambre encourrait une grande responsabilité.
Vous savez que bien qu'on n'ait pas besoin de concessions pour les mines de fer, il n'en est pas moins vrai que les puits d'extraction ont été par mesure de police soumis à la surveillance des ingénieurs des mines. Eh bien, il en existe 1,600. Comment voulez-vous que des fonctionnaires qui n'avaient d'abord dans leurs attributions que la surveillance des houillères et qui ont en outre aujourd'hui la surveillance des hauts fourneaux, de 1,600 puits d'extraction de minerai, de 1,200 machines à vapeur, puissent suffire à tant d'occupations différentes !
M. le ministre vous disait tantôt qu'il y a une grande différence entre l'importance de l'exploitation des mines en France et en Belgique.
Il a dit que l'extraction était de 4 millions de tonneaux en France et de 5 millions de tonneaux en Belgique. Il vous a fait voir la grande différence dans le nombre des ingénieurs et employés français et des ingénieurs et employés belges. Il en résulte pour le budget de la France, comparé à celui de la Belgique, une énorme différence. La dépense est de 502.100 fr. au budget de France, pays où la production est beaucoup moindre que chez nous.
Je crois que la France a raison d'avoir un personnel nombreux pour le service des mines ; mais elle dépense à ce titre 502,100 fr. ; tandis que le crédit proposé au même titre par M. le ministre des travaux publics ne s'élève qu'à 184,000 fr.
On vous a dit que ce qui avait rendu nécessaire une somme plus forte qu'en 1845 et 1846, c'est qu'on avait fait des nominations qu'on a qualifiées d'illégales.
C'est à M. le ministre à se justifier de ce reproche. Cependant d'après les documents fournis à l'appui du budget, il n'j aurait rien d'illégal ; le gouvernement pouvait faire ces nominations.
En effet, je lis dans les développements :
« Vers le milieu de l'année 1845, le nombre des sous-ingénieurs des mines se trouvait réduit à 5 et celui des aspirants de troisième classe à 15. Le nombre des officiers de ces deux catégories étant reconnu insuffisant et la limite fixée par les cadres du personnel étant d'ailleurs de 9 sous-ingénieurs et de 21 aspirants de troisième classe, il fut pourvu à la nomination de deux aspirants de troisième classe et de deux sous-ingénieurs. Deux autres sous-ingénieurs durent encore être nommés vers la fin de l'année 1845 et en 1846, mais on ne put point leur allouer de traitement à cause de l'insuffisance présumée des crédits. C'est par le même motif qu'un sous-ingénieur, promu au grade d'ingénieur de deuxième classe, en 1845, ne put recevoir l'augmentation de traitement correspondante à son nouveau grade. »
D'après les motifs consignés dans les développements, il est évident que le gouvernement était dans les limites légales, et qu'il usait de son droit en faisant ces nominations.
Il y avait, du reste, cette circonstance particulière, révélée par M. le ministre des travaux publics, que deux sous-ingénieurs ont gagné des maladies dans l'exercice de leurs fonctions ; ces deux sous-ingénieurs se sont trouvés dans l'impossibilité de rendre des services à l'Etat, et l'on a dû nommer d'autres jeunes gens pour les remplacer. Ces deux jeunes gens sont sortis de l'école spéciale des mines de Liège ; ce sont deux sujets distingués ; l'un d'eux m'est connu, et il doit aussi être parfaitement connu de l'honorable. M. Brabant, puisqu'il réside à Namur. On a fait ces nominations en 1846 ; les nouveaux titulaires rendent gratuitement des services à l'Etat, et je ne pense pas qu'il soit dans les intentions de la chambre d'arrêter ces jeunes gens dans leur carrière, ni de vouloir que l'Etat soit servi sans rémunération.
Il est évident, du moins pour moi, que le service souffrirait considérablement si l'on refusait les 12,000 fr. d'augmentation demandés par M. le ministre des travaux publics.
M. Lys. - Messieurs, j'appuie la réduction qu'a proposée la section centrale. On vient de dire qu'en France une somme bien plus considérable était affectée au service des mines. Mais on ne fait pas attention qu'en France, il y a beaucoup d'ingénieurs des mines qui sont placés dans des localités où il n'y a pas de mines. C'est ainsi qu'il y a des ingénieurs des mines à Paris, à Versailles, à Rouen, à Elbeuf, à Bordeaux, à Strasbourg. Les ingénieurs, placés dans ces localités, ne sont nullement destinés à la surveillance des mines ; je citerai, entre autres, M. Michel Chevalier, qui donne un cours d'économie politique à Paris et qui est ingénieur des mines. Ainsi, dans le budget des mines en France, il y a beaucoup de dépenses qui ne sont pas affectées à ce service. Et alors, il y aurait injustice de faire payer ces dépenses par les exploitations.
Il est une chose remarquable dans cette circonstance, c'est que la redevance des mines ne produit rien au gouvernement ; elle ne sert qu'à payer les frais de surveillance ; et depuis nombre d'années, le gouvernement fait une dépense bien supérieure au produit de cette redevance ; d'après la récapitulation que j'ai faite, la somme dépensée par le gouvernement au-delà de ses recettes, est de plus de 700,000 francs ; si l'on continue sur le même pied, d'ici à deux ans la somme sera d'un million ; je crois que, dans l'état où sont nos finances, il faut porter remède à cet état de choses qui va eu empirant chaque année.
Il y a dans cette circonstance une chose fort extraordinaire ; l'industrie des mines est une industrie considérable ; eh bien, c'est la seule industrie qui ne paye rien au trésor, et le trésor vient encore au secours de gens qui s'enrichissent dans des entreprises considérables. Il est fort singulier que les autres industries, qui payent, pour elles-mêmes un impôt au trésor, doivent même payer pour l'industrie des mines. Depuis longtemps, on a fait des observations critiques à cet égard ; la (page 1626) section centrale du budget de chaque année s'est exprimée dans un pareil sens. Je me rappelle qu'en 1846, la section centrale avait joint à son rapport un extrait du travail d'un sous-ingénieur des mines, M. A. Godin, qui avait donné un mode de redevance pour les mines, qui, en augmentant le produit, avait le double avantage d'ôter à l'administration des mines son caractère de fiscalité. Quand nous sommes arrivés à la discussion de ce rapport, M. le ministre s'est borné à due : Toutes les propositions sont renvoyées au conseil des mines ; nous attendons son avis. Cette année, le gouvernement garde encore un profond silence, et il n'est nullement question de l'avis dont il nous parlait l'année dernière. Je ne sais depuis quand l'avis a été demandé au conseil des mines ; ce que je vois, c'est l'inactivité du gouvernement. Nous ne cessons donc de marcher dans la même voie, celle de dépenser de l'argent pour une industrie, au lieu d'en recevoir, et nous voyons, je le répète, des industries fort riches ne rien payer à l'Etat, et d'autres industries payer le déficit que l'administration des mines occasionne. Ajoutez que par des traités nous avons fait des sacrifices en faveur de cette industrie, et nous avons bien fait, ce n'est pas un reproche que j'adresse, mais je veux démontrer que le trésor ne devrait pas faire d'autres sacrifices.
Je crois donc qu'il serait temps que le gouvernement présentât une loi à cet égard ; il faudrait que cette industrie, comme toutes les autres, produisît quelque chose au trésor ; je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas payer pour obtenir une concession ? pourquoi on ne ferait pas payer au trésor une rétribution annuelle et proportionnelle ?
Tous les autres établissements payent ; il me semble qu'il serait aussi facile de faire payer les établissements miniers que les autres établissements. Et il est urgent de voir cesser le moment où la classe moyenne est imposée et le riche exploitant se trouve exempt d'impôts.
Je pense que la manière dont on a marché depuis quelques années est vraiment blâmable ; nous avions cinq sous-ingénieurs, et pour ainsi dire en une année, on a porté le chiffra à 9 ; ainsi on en créait à la fois autant qu'il en existait.
On dit aujourd'hui que les ingénieurs sont nommés ; pourquoi le gouvernement nomme-t-il des employés sans avoir demandé des fonds à la chambre ? C'est la faute du ministre, il ne devait pas créer ces emplois sans avoir demandé un supplément de crédit à la chambre. Et après cela on viendra nous dire que la majoration d'allocation n'a pour but en quelque sorte qu'une régularisation du passé ! Mais je réponds qu'il ne fallait pas donner lieu à cette régularisation, en créant des places, avant que la législature n'eût fait les fonds nécessaires pour les rétribuer. C'est tout bonnement le favoritisme qu'on organise en agissant de la sorte, et la législature ratifiant.
Le gouvernement n'a pas donné la plus légère attention, messieurs, aux observations présentées, et dont je vous ai déjà parlé, du sous-ingénieur honoraire Godin, qui exposait des vues sages et dans l'intérêt du trésor ; chacun de vous a eu cet ouvrage sous les yeux, on y a répondu par une fin de non-recevoir, le renvoi au conseil des mines. Cet avis dont on nous parlait l'année dernière, on ne nous en parle plus aujourd'hui, et c'est avec raison dès lors que je reproche au gouvernement le peu de soin qu'il a des intérêts généraux.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois que ce qui préoccupe la section centrale, c'est la perspective d'augmentations ultérieures pour le corps des mines. Eh bien, je trouve fort convenable que la chambre ne s'engage pas pour un vote ultérieur ; je suis le premier à demander qu'on veuille voter le chiffre de 184,000 fr., sans rien préjuger pour l'avenir ; si, au budget de 1848, le gouvernement demande quelque chose de plus, on discutera cette proposition, et si on ne juge pas devoir l'admettre, on ne l'admettra pas.
Pour le moment, je me borne à demander qu'on veuille ne pas me limiter à un chiffre qui me constituerait en déficit pour 1847, et qui m'obligerait à exiger des services gratuits de deux sous-ingénieurs qui ont été nommés, parce que le besoin de ces nominations était réel
Le service des mines comprend une surveillance de police, qui est une obligation du gouvernement ; cette obligation doit être bien et dûment remplie ; le gouvernement ne peut pas abandonner une partie de la surveillance qui lui incombe par cela seul que l'allocation du budget serait insuffisante.
Il s'agit de la conservation des richesses minérales du pays et de la conservation des ouvriers des mines ; ce sont là des intérêts sur lesquels on ne transige pas ; il faut que le gouvernement fasse tout ce qui est nécessaire pour leur conservation.
M. Orban. - Messieurs, ce qui a surtout préoccupé la section centrale, c'est la crainte de voir des nominations faites par M. le ministre des travaux publics en dehors des allocations du budget. On a considéré que plusieurs nominations qui ont été faites avaient ce caractère, et c'est dans la crainte de sanctionner et de voir se reproduire ce que l'on considère comme un abus, qu'on s'oppose à l'allocation de 12,000 fr. demandée par le gouvernement.
Or, messieurs, l'abus que l'on veut réprimer n'a point eu lieu. La conduite tenue par le gouvernement est au contraire, si l'on veut bien y prendre garde, un hommage rendu au principe qui veut qu'on se renferme rigoureusement, dans les crédits portés au budget. Les sous-ingénieurs dont on a parlé n'ont été nommés qu'à la condition de ne recevoir le traitement attaché à leur grade, que quand la chambre aurait voté les allocations indispensables. Ces fonctionnaires resteront dans cette position aussi longtemps que la chambre n'en décidera point autrement. Le gouvernement n'a donc point outrepassé ses droits, il n’a point anticipé sur les prérogatives de la chambre, en préjugeant un vote de fonds qui lui appartient.
La question maintenant est de savoir s'il est de la dignité du pays, s'il est de la dignité des chambres et du gouvernement de permettre que des jeunes gens rendent gratuitement des services à l'administration, qu'ils remplissent un office public et qu'on les laisse sans traitement. Les économies comprises de cette façon, surtout lorsqu'il s'agit de sommes aussi minimes, sont bien moins un soulagement pour les contribuables, qu'une rigueur injuste et qui manque d'équité envers ceux qui en sont l'objet.
Il est, messieurs, une autre considération qui a frappé la section centrale et qui l’a empêchée d'allouer l'augmentation demandée, c'est la progression toujours croissante des dépenses du service des mines.
Mais a-t-on contesté que cette progression ne fût une conséquence du travail toujours croissant de l'administration des mines ? du développement si rapide de l'industrie minérale et sidérurgique ? A-t-on nié qu'en ajoutant aux fonctions du corps des mines la surveillance des machines à vapeur, on lui a donné un surcroît considérable de besogne ? En aucune façon, et dès lors on doit accepter comme une chose parfaitement naturelle et qui se justifie d'elle-même l'augmentation du personnel de l'administration. Deux sous-ingénieurs de plus ne représentent que bien imparfaitement l'accroissement de besogne et d'attributions dévolues à l'administration des mines pendant ces dernières années.
Il est vrai que la dépense du service des mines augmente et que la redevance des mines reste stationnaire ou à peu près. C'est là, messieurs, un mal, un abus réel dont je suis aussi touché que personne ; mais il serait souverainement injuste de vouloir rendre l'administration des mines et surtout des fonctionnaires subalternes responsables d'un fait qui ne leur est point imputable. Si la faute en est à quelqu'un, c'est aux chambres, c'est au gouvernement à qui il appartient d'établir la redevance des mines sur une base plus convenable, et plus en rapport avec la richesse de cette industrie et les besoins du trésor.
Si nous n'avons point fait à cet égard ce que nous aurions dû faire, n'en accusons que nous-mêmes et surtout n'en faisons point peser les conséquences sur ceux qui n'y peuvent rien ;
Certes, ce n'est point à l'administration des mines que nous devons nous en prendre si la redevance n'est point ce qu'elle devrait être. Quoique rien ne l'oblige à prendre l'initiative à cet égard, nous devons au zèle d'un fonctionnaire de cette administration un travail remarquable, qui a porté la lumière sur cette intéressante gestion et où l'on démontre avec précision les ressources que le trésor public pourrait puiser à cette source. Grâce à cet intéressant travail, c'est désormais une question mûre et préparée pour recevoir sa véritable solution.
Je crois n'avoir pas besoin d'insister davantage. Quand il s'agit d'être juste, il est inutile de se livrer à de longues considérations, et la religion de la chambre est bientôt éclairée.
M. Brabant, rapporteur. - Ce n'est pas parce que le produit des mines ne couvre pas la dépense occasionnée par cette administration que je m'oppose à l'augmentation de 12 mille francs proposée par le gouvernement ; je m'oppose à cette augmentation parce que je suis convaincu que le personnel du corps des mines peut suffire à tous les besoins si on le ramène à ce qu'il doit être ; que les ingénieurs des mines ne se mêlent pas de ponts et chaussées et de chemins de fer, et ils ne seront pas accablés de besogne par le développement qu'a pris l’industrie minière. Une considération de nature à faire une grande impression sur la chambre si elle était fondée, est celle présentée par l'honorable M. Fleussu : le danger que courraient les ouvriers si la surveillance n'était pas assez efficace.
Mais il se trouve que l'augmentation demandée ne procurera pas un conducteur ou un ingénieur de plus au corps des mines. Le déficit est né de ce qu'on a promu des ingénieurs, et qu'il faut augmenter leur traitement. Je ne pense pas que l'augmentation de traitement donnera la moindre garantie aux ouvriers qui travaillent dans l'intérieur des mines ; à coup sûr, cela ne fera pas disparaître le grisou. Restent les deux sous-ingénieurs nommés qui ne touchent pas de traitement ; eh bien, que l'on ramène le traitement de sous-ingénieurs à ce qu'il devrait être, et on aura à 400 francs près de quoi payer les deux nouveaux venus.
Les traitements des ingénieurs et des conducteurs des mines sont absolument les mêmes que les traitements des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées, il n'y a de différence que pour les sous-ingénieurs. Les sous-ingénieurs des ponts et chaussées ont deux mille francs de traitement, les sous-ingénieurs des mines en ont 2,400. Si les ingénieurs et les conducteurs des deux administrations sont placés sur le même rang par les arrêtés organiques, je ne vois aucune raison pour que les sous-ingénieurs d'une administration soient mieux payés que les sous-ingénieurs de l'autre. Il y a sept sous-ingénieurs à 2,400 fr. ; si on les ramenait à 2 mille fr., vous auriez sept fois 400 fr. ou 2,800 fr. et tout le déficit se réduirait à 1,200 fr. c'est-à-dire à la dixième partie de la somme réclamée. Je consens à ce qu'on alloue la somme allouée l'année dernière, plus 1,200 fr. ; de cette manière tout le monde pourra être payé.
Le chiffre serait de 173,200 fr.
- La discussion est close.
Le chiffre de 184,000 fr. proposé par le gouvernement est mis aux voix.
Il n'est pas adopté.
Le chiffre de 173,200 fr. est adopté.
« Art. 3. Subsides aux caisses de prévoyance, secours et récompenses aux personnes qui se sont distinguées par des actes de dévouement : fr. 45,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Impression, achats de livres et d'instruments, encouragements et subventions pour la publication de plans et mémoires, essais et expériences : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Article unique. Pensions : fr. 70,000. »
- Adopté.
« Article unique. Secours à des employés, veuves ou familles d'employés qui n'ont pas de droits à la pension : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Article unique. Dépenses imprévues : fr. 30,000. »
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, je demande que le libellé de cet article soit rédigé dans les termes que vous avez adoptés pour les autres budgets. Lors de la discussion du budget du département des affaires étrangères, qui est le premier qui ait été adopté pendant cette session, j'ai démontré la convenance de modifier cette rédaction, en y ajoutant les mots : « non libellées au budget ». La chambre a bien voulu adopter la rédaction que j'avais proposée. Le gouvernement lui-même s'y est rallié, puisqu'il l'a admise dans les budgets déposés pour l'exercice 1848.
Je demande donc que l'article en discussion soit rédigé d'une manière conforme à la décision que nous avons prise précédemment ; il n'y a pas lieu de faire une exception pour le département des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je n'ai aucune objection à faire contre cette nouvelle rédaction.
M. Verhaegen. - Je ne vois pas la nécessité de voter un crédit pour des dépenses imprévues, quand on ne paye pas même les dépenses prévues, pour lesquelles il y a eu des crédits votés.
Je ne veux pas laisser passer le budget des travaux publics sans vous dire un mot d'un fait qui est vraiment criant.
M. Osy. - J'en ai parlé.
M. Verhaegen. - J'adhère volontiers à tout ce qui a été dit par mon honorable ami.
On doit encore, pour une fête que nous avons donnée, 22,000 fr. à un restaurateur, qui a été obligé de demander crédit à Paris et de souscrire des traites pour ne pas être poursuivi.
Il y a une allocation ; les dépenses sont faites, et on ne les paye pas ; et ce n'est pas la première fois que cela arrive. Ainsi si mes renseignements sont exacts, les fournisseurs de subsistances attendent depuis 8 mois le payement de livraisons qu'ils ont faites au pénitentiaire de St-Hubert bien qu'il y eût des fonds alloués au budget.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Verhaegen dis que des livranciers du pénitentiaire de St-Hubert ont attendu longtemps le payement de fournitures qu'ils avaient faites, alors qu'il y avait des fonds au budget. C'est une complète erreur. Les fonds n'étaient pas faits. Ils ne l'ont été que par une loi qui a été présentée au commencement de janvier, et votée au mois de mars. C'est seulement quand cette loi a été volée que j'ai pu liquider les dépenses arriérées, et à dater de cette époque, il n'y a eu aucun retard.
M. Verhaegen. - C'est fort bien ; mais on s'abstient de répondre à l'observation très juste qui a été faite au sujet des fêtes. On se rend ridicule en donnant des fêtes et en ne payant pas le restaurateur. C'est vraiment indigne d'un pays.
- L'article unique du chapitre VII est adopté avec le libellé proposé par M. de Man d'Attenrode.
M. le président. - D'après la décision de la chambre, nous passons à la discussion de la proposition de M. Rogier, ainsi conçue :
« Il est interdit aux agents de l'administration de participer à toute société, entreprise, exploitation quelconque qui se trouverait, soit en concurrence avec les chemins de fer et canaux de l'Etat, soit directement intéressée à des travaux dont lesdits agents auraient la direction ou la surveillance. »
M. de Garcia. - Messieurs, je reconnais toute l'importance de la proposition qui a été faite par l'honorable M. Rogier. Une proposition de même nature s'est fait jour dans la discussion du budget de la guerre Le renvoi aux sections en a été demandé, et il a été admis.
Je demanderai, au sujet de cette proposition, une décision semblable.
En effet, c'est plutôt une proposition de loi qu'une proposition de budget.
M. Osy. - Je conçois que ma proposition ait été renvoyée aux sections, parce qu'elle était entièrement nouvelle. Mais, en adoptant la proposition de l'honorable M. Rogier, la chambre se borne à faire ce qu'elle a fait pour les tribunaux et pour les commissaires d'arrondissement. Je ne vois pas pourquoi l'on ne ferait pas la même chose pour tous les fonctionnaires du département des travaux publics. C'est une affaire assez étudiée.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - L'amendement proposé par l'honorable M. Rogier n'a rien qui soit en désaccord avec mes idées. Je pense cependant qu'il n'est pas bien nécessaire de voter cet amendement, qui à mes yeux forme jusqu'à un certain point double emploi avec d'autres dispositions déjà en vigueur.
Nous avons d'abord, dans la loi du 2 mai 1837 sur les mines, un article qui est rédigé dans la même pensée. C'est l'article 18, le voici :
« Les ingénieurs des mines ne peuvent être intéressés dans les exploitations des mines situées dans leur ressort.
« Les ingénieurs et autres officiers des mines ne pourront exercer leurs fonctions dans un arrondissement administratif des mines, si eux, leurs épouses ou leurs parents en ligne directe sont intéressés dans une exploitation démines située dans ce ressort. »
Nous avons des dispositions du même genre dans le règlement du 30 juillet 1845 sur les postes. Il y est dit :
« Art. 115. Les fonctions d'agents des postes sont incompatibles avec toutes autres fonctions salariées et avec les professions d'avocat, de médecin, de chirurgien, de notaire et d'huissier. »
« Art. 116. Tout fonctionnaire ou employé d'un grade supérieur à celui de distributeur, ne peut être l'agent d'aucune association commerciale ou industrielle, se livrer à aucune industrie, ni faire aucun commerce soit par lui-même, soit par son épouse, soit par toute autre personne interposée. »
Un arrêté du 29 août 1845 a également consacré une prohibition du même genre à l'égard des membres du corps des ponts et chaussées.
Cet article porte :
« Tout membre du corps des ponts et chaussées, loin fonctionnaire ou employé adjoint ou attaché à ce corps, qui remplirait des fonctions actives, étrangères à ses attributions, sans en avoir, au préalable, obtenu l'autorisation du ministre des travaux publics, sera, pour ce fait seul, considéré comme démissionnaire. »
Enfin le règlement pour l'administration centrale du département des travaux publics du 21 novembre 1846, renferme encore une prohibition du même genre. Il porte, article 27 :
« Les fonctionnaires ou employés de l'administration centrale ne pourront gérer simultanément aucun autre emploi rétribué par l'Etat, les provinces, les communes ou les administrations publiques.
« Il leur est interdit d'accepter, sans l'assentiment du ministre, aucun mandat électif, d'exercer aucune profession lucrative, de faire, soit par eux-mêmes, soit sous le nom de leur épouse, ou de toute autre personne interposée, aucune espèce de commerce, ou de participer à la direction ou à l'administration de toute société ou établissement industriel.
» Le ministre pourra, dans des cas particuliers, relever des interdictions établies par les deux paragraphes précédents, les employés du grade de chef de division et au-dessous. »
Ces différentes dispositions, messieurs, établissent que, depuis longtemps déjà, l'administration a reconnu que les fonctionnaires publics devaient se renfermer dans l'exercice de leurs fonctions.
Ces idées, messieurs, ainsi que je l'ai dit en commençant, sont particulièrement les miennes. J'ai été même attaqué avec une certaine violence dans cette chambre à l'occasion d'un arrêté qui avait fait de cette pensée une application que l'on a trouvée trop rigoureuse Je veux parler de la défense faite au sujet des brevets d'invention et de leur exploitation. On a été jusqu'à dire que cette mesure avait excité un blâme et une réprobation générale.
Dans cette situation, messieurs, il me semble que ce qu'on pouvait me reprocher, c'était d'avoir péché plutôt par excès que par abstention ; et dès lors je ne concevrais pas cornaient les circonstances dans lesquelles je me trouve pourraient motiver l'insertion de l'amendement proposé par l'honorable M. Rogier dans le budget des travaux publics.
Je crois, messieurs, que les faits ne motivent pas l'introduction d'un amendement semblable au budget.
M. de Garcia. - Messieurs, nonobstant les objections produites, je persiste à croire que la proposition doit être renvoyée en sections. Une disposition semblable doit avoir un caractère de permanence ; c'est la portée de la proposition de l'honorable M. Rogier. Or, le budget est une loi annale.
A ce point de vue j'ai une opinion diamétralement opposée à celle de l'honorable M. Osy.
Invoquant ce qui s'est passé dans la séance d'hier, à l'occasion d'un subside pétitionné pour l'administration des postes, l'honorable membre a déclaré qu'il avait voté le renvoi en sections de cette proposition, mais qu'on devait en agir tout autrement de la proposition actuelle. Il m'est difficile de saisir le fondement et la justesse de cette observation. Je pense que la nature des deux propositions aurait dû conduire mon honorable collègue à une conclusion toute différente. En effet la proposition dont nous nous occupons contient un principe permanent ; et celle, que nous faisions hier n'était qu'une proposition accidentelle qui ne tenait qu'au budget ; et dès lors pour être conséquent, il me semble que l'honorable M. Osy aurait dû hier voter contre le renvoi en sections et dans le cas actuel voter pour ce renvoi.
M. Rogier. - Messieurs, la disposition que j'ai eu l'honneur de proposer doit devenir loi, peu m'importe que ce soit comme article d'un budget ou comme loi spéciale. Je reconnais moi-même qu'il serait peut-être plus régulier d'introduire cette disposition dans une loi spéciale que dans un article du budget. Cependant cette disposition a (page 1628) un caractère administratif qui se concilie parfaitement avec la loi même du budget.
En France, il y a des exemples nombreux de modifications introduites dans les lois mêmes de budgets. Nous avons aussi quelques antécédents semblables en Belgique. Mais, je dois le dire, il serait plus régulier que de pareilles dispositions fissent l'objet d'une loi spéciale.
Le seul inconvénient d'un renvoi en sections peut être que la disposition ne voie jamais le jour comme loi spéciale. Cependant, je crois le principe très nécessaire, très utile et parfaitement motivé par divers antécédents. Les dispositions que M. le ministre des travaux publics nous a citées sont probablement impuissantes, puisqu'elles n'avaient pas pu prévenir un des abus que j'ai dû relever dans une des séances précédentes.
La chambre en décidera d'ailleurs comme elle voudra. Que ma disposition aille en sections, qu'elle soit votée immédiatement, je tiens à ce qu'elle devienne loi, et je demande à M. de Garcia s'il partage au fond mon opinion sur l'opportunité d'une pareille disposition législative ; si son intention est bien que cette disposition devienne loi.
M. de Garcia. - Je déclare formellement que je donne mon assentiment à la proposition de l'honorable M. Rogier, et si dans l'examen de cette proposition, il y a d'autres administrations qui peuvent présenter les mêmes inconvénients que ceux qu'elle veut prévenir, je demanderai de plus qu'on lui donne un caractère de généralité, qu'elle ne comporte pas dans ses termes.
M. Rogier. - Je ne m'oppose pas au renvoi en sections, Je demande même qu'au besoin ma proposition reçoive de l'extension.
- La chambre ordonne le renvoi aux sections de la proposition de M. Rogier.
Le vote définitif du budget est fixé à samedi.
M. le président. - Le projet se compose d'un seul article.
M. Veydt. - Je demanderai que la chambre vote séparément sur les différents numéros de cet article.
- Cette proposition est adoptée.
« Article unique. Le budget des dépenses du département de l'intérieur pour l'exercice 1846, fixé par la loi du 15 juin de la même année (insérée au Moniteur du 19 juin 1846), est augmenté de la somme de cent quinze mille quatre cent quatre-vingt-deux francs vingt-six centimes (fr. 115,482 26), répartie comme suit :
« 1° Fourniture d'exemplaires des exposés des situations administratives des provinces et des recueils des procès-verbaux des séances des conseils provinciaux.
« Cinq nulle neuf cent vingt-quatre francs quarante et un centimes, pour payer la part contributive du gouvernement, dans l'acquisition de 500 exemplaires des exposés des situations administratives des provinces et d'un même nombre de recueils des procès-verbaux des séances des conseils provinciaux (1845), distribués aux membres des chambres législatives et aux principales administrations du royaume : fr. 5,924 41 c. »
« Cette allocation formera l'article premier du chapitre XXIV du budget du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1846. »
- Adopté.
« 2° Frais de voyages dus à des commissaires d'arrondissement : Deux mille quatre cent quatre-vingt-deux francs cinquante centimes, pour frais de tournées restant dus A des commissaires d'arrondissement des provinces de Hainaut et de Luxembourg : fr. 2,482 50 c. »
« Cette allocation formera l'article 2 du chapitre XXIV du budget de 1846. »
M. Veydt. - Je vois, messieurs, dans le rapport de la section centrale qu'il y aurait peut-être un moyen de prévenir ces sortes de suppléments pour les tournées des commissaires d'arrondissement. Une somme de 2,482 fr. 50 c. est demandée pour 1845, parce qu'à l'époque où les commissaires d'arrondissement ont adressé leurs demandes au gouvernement, la répartition des 18,000 fr. portés au budget était déjà faite. La commission pense qu'il vaudrait mieux à l'avenir retarder la répartition jusqu'à ce que toutes les demandes fussent réunies. De cette manière on trouverait probablement le moyen de couvrir toutes les dépenses, sans dépasser la somme allouée par les chambres. Depuis deux ans il y a assez de marge ; car le crédit a été augmenté de 4,200 fr. Je voudrais savoir quelle est, à ce sujet, l'opinion de M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il me semble, messieurs, qu'il y aurait certains inconvénients à adopter l'idée de la commission à cet égard. Le tarif des frais de route et de séjour est réglé par arrêté royal, et celui qui fait un voyage dans les termes de l'arrêté a droit aux indemnités fixées par le tarif. J'aviserai autant que possible à ce qu'on se tienne, pour les frais de route et de séjour, dans les limites fixées par le budget ; mais quant à réunir toutes les demandes et dans le cas où elles excéderaient le crédit alloué, à faire subir en quelque sorte une retenue proportionnelle au fonctionnaire dont il s'agit, il me semble qu'il y aurait là quelque chose d'injuste.
- Le n°2° est adopté.
« 3° Frais des jurys d'examen pour les grades académiques.
« Douze mille cinq cents francs pour faire face aux dépenses excédant le crédit alloué à l'article 2 du chapitre XIX du budget de 1846 : fr. 12,500. »
« Cette allocation formera l'article 3 du chapitre XXIV susmentionné. »
- Adopté.
« 4° Service de santé. Dépenses restant dues.
« A. Douze mille francs pour payer les dépenses résultant de la confection des médailles accordées, en 1845, pour la vaccine : fr. 12,000
« B. Treize mille neuf cent quatre-vingt-neuf francs cinquante centimes, pour secours aux communes dans lesquelles des épidémies ont régné en 1846, et pour rémunérer les services rendus à l'occasion de ces épidémies : fr. 13,989 50 c.
« C. Trois mille quatre cent trente-deux francs, pour payer les sommes restant dues aux membres de la commission de révision de la pharmacopée, par droit de présence en 1845 et 1846 : fr. 3,432.
« Total, fr. 29,421 50
« Ces allocations formeront les litt. A, B et C de l'article 4 du chapitre XXIV susdit. »
- Adopté.
« 5° Frais de la commission de liquidation des indemnités pour pertes occasionnés par les événements de guerre de la révolution,
« Quatre mille neuf cent quatre-vingt-six francs quarante-six centimes, pour payer l'excédant des dépenses de la commission de liquidation des indemnités, pour réparation des pertes occasionnées par les événements de guerre de la révolution : fr. 4,986 46 c. »
« Cette allocation formera l’article 5 du chapitre XXIV susdit. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la commission a fait observer que le loyer de l'hôtel, y compris les contributions, montait à 3,800 fr. et que ce loyer a commencé à courir pour la dernière année le 25 avril courant ; il expirera donc le 25 avril 1848. Je conçois, en effet, qu'il est peu régulier île mettre ce crédit parmi les déficits de l'exercice 1846 et je proposerai à la chambre de réduire la somme demandée au numéro en discussion, à 2,160 fr. Ce loyer, messieurs, sera payé sur les fonds du recensement, avec d'autant plus de raison que les employés chargés du recensement de la province de Brabant vont occuper l'hôtel dont il s'agit.
La somme de 2,160 francs est entièrement due à des experts chargés de vérifier les déclarations faites par les perdants.
- Le chiffre de 2,160 fr. est mis aux voix et adopté.
« 6° Frais de milice.
« Seize cent trente et un francs quarante-sept centimes, pour payer des dépenses relatives à la milice et qui n'ont pu être soldées, à cause de l'insuffisance des crédits votés, 1,631 47
« Cette allocation formera l'article 6 du chapitre XXIV. »
- Adopté.
« 7 ' Matériel du ministère de l'intérieur.
« Trente-cinq mille huit cent quarante-sept francs soixante et seize centimes, pour payer les excédants des dépenses du matériel de l'exercice 1845 et des années antérieures= fr. 35,847 76 c. »
« Cette allocation formera l'article 7 du chapitre XXIV. »
- Adopté.
« 8° Frais, dépens et indemnité résultant du procès avec le sieur Panigada.
« Six mille neuf cent douze francs cinquante-huit centimes, pour payer les frais, dépens et indemnité résultant du procès avec le sieur Panigada, relativement au contrat fait avec lui pour l'établissement d'une ferme modèle pour la culture du mais, 6,912 88
« Cette allocation formera l'article 8 du chapitre XXIV susmentionné. »
- Adopté.
« 9° Fonds d'agriculture.
« Quinze mille sept cent soixante et quinze francs cinquante-huit centimes, pour payer des frais de voyage dus a des médecins vétérinaires pour l'année 1845, et des indemnités dues pour bestiaux abattus en 1844 et 1845 : fr 15,775 58 c. »
« Cette allocation formera l'article 9 du chapitre XXIV du budget du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1846. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je dois proposer une augmentation de 815 fr. 72 c. par suite de demandes d'indemnités arrivées au département de l'intérieur depuis la présentation du projet, du chef de trois vaches abattues dans la province d'Anvers, un cheval dans le Brabant, une vache dans la Flandre orientale, un cheval dans la province de Liège et un dans le Luxembourg. Cette augmentation porterait le chiffre en discussion à 16,589 fr. 30 c. Les pièces ont été vérifiées et trouvées en règle.
(page 1629) M. Veydt. - Le crédit, dont nous nous occupons, a déjà fait l'objet des délibérations de la chambre ; elle a été d'avis alors qu'il fût soumis à une nouvelle instruction delà par* du département de l'intérieur.
Nous voyons dans l'exposé des motifs que cette instruction a eu lieu, et voici comment M. le ministre s'exprime dans une des annexes :
« Des renseignements que j'ai recueillis, il semble résulter que l'indemnité qui est allouée aux artistes vétérinaires est un appât trop fort, et qu'elle les porte à prodiguer leurs visites dans beaucoup de circonstances où l'on peut s'en passer sans inconvénient. Ces renseignements m'autorisent à penser qu'on ferait une réforme qui ne nuirait en rien aux intérêts confiés aux soins du gouvernement, si l'on diminuait en certains cas les frais de séjour et de vacation des artistes vétérinaires. »
Ces paroles, malgré leur réserve, prouvent assez que la commission n'avait pas tort l'année dernière, dans ses observations sur le chiffre élevé du crédit supplémentaire.
La réduction dans les tournées n'est pas la seule modification désirable.
Les maladies pour lesquelles l'abattage des bestiaux peut être ordonné, devraient être bien déterminées ; l'on n'est pas d'accord sur le caractère contagieux attribué à quelques-unes d'entre elles.
Le maximum de l'indemnité pour les chevaux et bestiaux abattus devrait être fixé. Il faut mettre des bornes à l'élévation des prix, vers laquelle l'on semble porté. Le but est d'empêcher la propagation des maladies contagieuses ; c'est une mesure de police sanitaire.
Il faudrait aussi bien préciser les cas de maladie pour lesquels les artistes vétérinaires du gouvernement pourront être appelés par les autorités compétentes et restreindre, même dans ces cas, le nombre des visites.
L'ensemble de ces mesures serait utile et aurait en même temps une influence marquée sur les dépenses, que nous verrions décroître.
Je sais, messieurs, que M. le ministre de l'intérieur s'est occupé de ces questions et qu'il en a fait la matière d'une circulaire en novembre dernier. Je lui demanderai s'il a déjà reçu des réponses des députations permanentes, et si nous pouvons nous attendre à voir promptement mises à exécution les nouvelles mesures indiquées.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, tenant compte des observations qui avaient été faites, à la session dernière, dans une circonstance semblable, je me suis appliqué à diminuer, autant que possible, pour l'avenir, les frais de route et de séjour des artistes vétérinaires ; une instruction a été ouverte dans toutes les provinces. D'autre part, j'ai aussi examiné s'il n'y aurait pas quelques améliorations à apporter dans l'allocation du fonds d'indemnités pour le bétail abattu. Cette double instruction est terminée ; un projet d'arrêté royal est préparé ; j'espère qu'il verra prochainement le jour, et qu'il sera remédié, autant que possible, aux inconvénients que l'expérience a révélés.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
M. le président. – Il reste à voter sur deux nos 10° et 11°, portant crédit supplémentaire pour l'instruction primaire. Ces numéros sont ainsi conçus :
« N°10. Frais de confection et d'impression du rapport triennal sur l'instruction primaire : fr. 9,600. »
Cette allocation formera l'article 10 du chapitre XXIV.
« N° 11°. Supplément de subside aux communes pour le service de l'instruction primaire : fr. 54,493 58. »
Cette allocation formera l'article 11 du chapitre XXIV.
M. Veydt. - Messieurs, ces crédits ont été demandés, alors que la commission avait déjà terminé son travail.
L'honorable M. de Brouckere n'en dit que quelques mots à la fin de son rapport.
Il s'agit d'une somme de 9,600 fr. pour l'impression in-8° du rapport triennal sur l'instruction primaire.
La chambre se rappellera qu'il a aussi été alloué un crédit spécial pour l'impression du rapport sur les octrois.
Une somme de fr. 54,495 58 est destinée à faire face à l'insuffisance du crédit voté au budget de 1846 pour l'instruction primaire. A l'époque où la session est arrivée, il est impossible que nous approfondissions une question de cette importance-là. La chambre n'y est pas disposée, et elle a à son ordre du jour un trop grand nombre de projets qu'il est urgent d'examiner.
Je me souviens que, lors de la discussion du budget de l'intérieur, il a été entendu que nous discuterions, à l'occasion du vote du crédit supplémentaire annoncé, la question spéciale de l'intervention des communes, des provinces et de l'Etal dans les dépenses de l'instruction primaire et d'autres questions non moins graves. Puisque le moment n'est pas opportun, des réserves doivent être faites.
Je pense que c'est chose entendue pour nous tous que rien n'est préjugé par l'adoption du crédit dont il s'agit en ce moment. Le débat n'est qu'ajourné et il trouvera convenablement sa place à la discussion du premier budget de l'intérieur.
Quant au crédit supplémentaire en lui-même, je le crois nécessaire ; déjà une allocation plus forte a été accordée au budget de 1847 pour le même motif.
- Les deux numéros 10° et 11° (Instruction primaire) sont successivement mis aux voix et adoptés.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il y a le crédit supplémentaire pour les pommes de terre qui serait ainsi conçu :
« N°13.Pour payement de primes à l'importation de pommes des terre en 1846 : fr. 62,952 fr. »
« Cette allocation formera l'article 12 du chapitre. XXIV du budget de l'intérieur pour 1846. «
- Le n°13 est mis aux voix et adopté.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Depuis quelques jours, j'ai reçu une réclamation du gouverneur de la province d'Anvers, au sujet d'un arriéré de frais d'administration provinciale depuis plusieurs années. J'ai communiqué cette réclamation à mon collègue le ministre des finances : il vient seulement de me remettre le dossier, le chiffre monte à 9,896 fr.
Je sens qu'il y aurait une irrégularité à soumettre cette demande à la chambre sans qu'elle ait passé par l'examen de la section centrale.
Cependant, c'est une dette bien vérifiée, qui remonte à plusieurs exercices de l'administration provinciale ; il serait difficile d'assigner à chacun la part qui peut lui compéter dans cet arriéré. Si la chambre était disposée à admettre l'article dans le projet qui lui est soumis, voici comment il serait libellé :
« Dépenses arriérées de l'administration provinciale d'Anvers de 1842 à 1845, 9,896 fr.»
Plusieurs voix. - Il faut le renvoyer à la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - S'il y a quelque difficulté, je demande qu'on la renvoie à la section centrale et qu'on tienne le projet de loi en suspens.
Il est une autre demande qui n'est pas une dépense qu'il serait désirable de rattacher au budget de 1847, c'est une dépense relative au Parc.
La régence a décidé que la statue du prince Charles de Lorraine serait placée dans le Parc à l'endroit où se trouvait le kiosque ; le kiosque est démoli et le Parc présente là un aspect de dégradation désagréable à la vue. Il faudrait, pour placer la statue du prince Charles de Lorraine, un crédit de 15 mille fr. ; tout est en état, le crédit est porté au budget de 1848, si on le votait maintenant la statue pourrait être érigée pour les fêtes de septembre et l'état de dégradation que présente cet endroit du Parc disparaîtrait. Je prie la section centrale d'examiner cette proposition de transfert, car la dépense ne peut pas être contestée, et autant vaut la faire cette année que l'année prochaine.
La demande était d'abord de 15,000 fr., mais la commission a consenti à use réduction de 2,500 fr., de sorte qu'elle n'est plus que de 12,500 fr.
M. Rogier. - Pendant la discussion du budget de l'intérieur, il avait été convenu entre le gouvernement et nous que les débats que soulevait l'instruction primaire seraient ajournés jusqu'à la présentation des crédits supplémentaires que M. le ministre avait annoncés. Depuis lors le rapport triennal sur l'instruction primaire a été livré à l'impression.
Le moment serait donc venu d'entamer la discussion qui avait été ajournée jusqu'à la présentation de ce rapport. Mais dans l'état d'esprit où se trouve la chambre, je pense qu'une pareille discussion ne pourrait pas être introduite d'une manière opportune et utile. Je ne veux donc pas en prendre l'initiative ; je dois de nouveau faire des réserves pour un moment plus opportun, particulièrement pour le budget de l'intérieur de 1848. Notre silence d'aujourd'hui ne préjuge rien ; c'est entendu entre le ministre et nous.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - C'est ainsi que j'avais compris la chose. Ce n'est pas à propos de crédits soumis à la chambre dans des circonstances urgentes qu'on peut aborder la discussion d'un rapport aussi volumineux et aussi important que celui sur l'instruction primaire. La discussion de ce rapport et de la question de dépense indiquée par l'honorable M. Veydt demeure entière.
- Les propositions de M. le ministre sont renvoyées à la section centrale qui a examiné le projet de loi.
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à restituer les droits d'enregistrement qui ont été perçus pour la naturalisation des personnes y dont les noms suivent :
« Le sieur Declerck (Gaspard-Louis), facteur de la poste aux lettres, demeurant à Malines ;
« Le sieur Escalonne (Jacques-Antoine-Aubin), employé au gouvernement de la province de Brabant. demeurant à Bruxelles.
« Le sieur Loisel (Pierre-Féiix-Adrien), conducteur-mécanicien, demeurant à Bruges.
«Le sieur Navardet (Léopold-Joseph), employé à la direction de la poste aux lettres, demeurant à Gand.
« Et le sieur Brewer (Richard), négociant-commissionnaire, demeurant à Ostende. »
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet.
En voici le résultat.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 70 membres qui prennent part au vote.
Ce sont : MM. Goblet, Henot. Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Veydt, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck, Brabant, Cans, Castiau, Clep, d'Anethan, David, de Baillet, de Bonne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, (page 1630) de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, Donny, Dubus, aîné, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu et Dumont.
M. le président. - La parole est à M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Malou). - La section centrale a proposé de réunir en un seul projet de loi les deux projets de crédit qui ont été renvoyés à son examen : l'un de 9,000 francs est à proprement parler un transfert, l'autre de 34,000 francs, pour frais de confection et d'essai des nouveaux types des monnaies d'or et d'argent.
La chambre a accordé au gouvernement, à la dernière session, un crédit de 80,000 francs pour l'amélioration du matériel et l'appropriation des locaux de la Monnaie. Une somme de 1,800 francs à 2,000 reste disponible sur ce crédit. Mais pour mettre la Monnaie complètement en état, il faudrait dépenser environ 9,000 fr.
Plusieurs d'entre vous, messieurs, ont visité la Monnaie ; ils pourront mieux comprendre les explications que je vais donner à la chambre.
Aujourd'hui les locaux de la commission des monnaies ne sont pas isolés des locaux destinés à l’affinage. Cet isolement est indispensable pour que tous les intérêts qui sont ici en présence aient les garanties auxquelles ils ont droit.
Je demanderai donc à la chambre de vouloir bien, indépendamment du crédit de 34,000 fr. pour frais de confection et d'essai des nouveaux types des monnaies d'or et d'argent, allouer une somme de 7,000 fr. pour complément des dépenses d’appropriation des locaux de la Monnaie nationale, Ce crédit serait ajouté à la fin du premier paragraphe de l'article 2 proposé par la section centrale.
M. Osy. – Je ne suis pas partisan des augmentations de dépenses ; mais je crois que la proposition de M. le ministre des finances est dans l'intérêt du service. J'ai visité la Monnaie, avec beaucoup de mes collègues ; tous nous devons reconnaître que les fonds votés l'année dernière ont été bien employés, et qu'il est nécessaire d'achever notre œuvre. Je crois que nous ferons bien d'allouer les 7,000 fr. demandés par M. le ministre des finances.
M. Verhaegen. - Je regrette, quant à cette dernière observation, de ne pouvoir être d'accord avec mon honorable ami, M. Osy. Il pense que ce qui a été voté à la Monnaie est très convenable, et qu'il y a lieu de voter le complément du crédit. Je suis obligé de dire que ce qui a été fait à la Monnaie est réellement pitoyable. Cette construction qui surplombe la façade, vue du péristyle du théâtre, dépare une des places principales de la capitale. C'est du plus mauvais effet ; cela dénote bien peu de goût de la part des architectes de l'Etat.
M. Osy. - En disant que j'approuvais ce qu'on a fait à la Monnaie, je n ;ai voulu parler que de l'intérieur. Je n'ai pas parlé de l'effet architectural, que je ne blâme ni n'approuve, n'étant pas architecte.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je crois que l'honorable M. Verhaegen exagère singulièrement l'effet que peut produire la construction élevée au fond de la cour de la Monnaie.
M. Verhaegen. - C'est pitoyable.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Veuillez remarquer qu'on n'a rien changé à la façade de la Monnaie qui donne sur la place. A une certaine distance on voit une cheminée dans le lointain ; mais elle ne porte pas sur la façade. Je reconnais volontiers que, sous le rapport architectural, il eût mieux valu ne pas avoir de cheminée. Mais il était difficile d'avoir une Monnaie sans cheminée et de ne pas mettre cette cheminée sur l'arrière-plan des constructions existantes. Je crois que le sentiment artistique de l'honorable M. Verhaegen a été trop ardemment excité par cette cheminée (interruption) et que vraiment il n'y a pas de quoi.
M. Verhaegen. - Messieurs, il n'y a pas vraiment de quoi rire, je vous l'assure. S'il ne s'agissait que d'une cheminée, je n'aurais pas fait d'observation ; il y en a tant qui sont mal placées, qu'une de plus ou de moins ne ferait rien à l'affaire. Mais je n'entends pas parler d'une cheminée, j'entends parler d'un second étage qui, lorsqu'on se trouve sous le péristyle du théâtre ou même devant le café Suisse, dépare pour la vue la façade. Ce second étage est même en deuil ; car il est peint en noir. Je crois qu'il ne faut pas être très difficile pour désapprouver une semblable construction.
Je n'ai, du reste, fait cette observation que parce que mon honorable ami, M. Osy, avait trouvé que le tout était très bien.
M. Osy. - J'ai seulement parlé de l'intérieur.
M. Verhaegen. - Maintenant qu'il nous dit qu'il n'a vu que l'intérieur, je suis parfaitement d'accord avec lui. Quant à moi, je n'ai pas parcouru l'intérieur. Je ne me suis occupé que de l'extérieur, et je ne pouvais me dispenser d'énoncer cette opinion, car il n'y a à cet égard qu'une voix dans la ville de Bruxelles.
- La discussion est close.
« Art. 1er. Il est ouvert au département des finances un crédit supplémentaire de neuf mille francs (fr. 9,000), dont est augmenté l'article 10 du chapitre III du budget de ce département pour 1840. »
- Adopté.
M. le président. - M. le ministre des finances propose de rédiger ainsi l'article 2.
« Art. 2. Il est ouvert au même département un crédit supplémentaire de quarante et un mille francs (fr. 41,000) savoir :
« 1° 34,000 pour frais de confection et d'essai des nouveaux types des monnaies d'or et d'argent ;
« 2° 7,000 fr. pour complément de dépense d'appropriation des locaux de la Monnaie nationale.
« Ce crédit formera l'article unique du chapitre IX du budget des finances pour l'exercice 1847. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de ce projet qui est adopté à l'unanimité des 71 membres présents.
MM. Goblet, Henot, Huveners, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Wallaert, Anspach, Biebuyck, Brabant, Cans, Castiau, Clep, d'Anethan, David, de Baillet, de Bonne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu.
M. le président. - L'article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. L'article 66 de la loi du 27 septembre 1835 (Bulletin Officiel, n°652), qui autorise le gouvernement à accorder des dispenses aux étrangers munis d'un diplôme de licencié ou de docteur, sur un avis conforme du jury d'examen, est rendu applicable aux Belges qui auront obtenu l'un ou l'autre de ces diplômes à l'université de Bologne (Italie), où ils auront fait leurs études aux frais de la fondation Jacobs instituée près de cette université.
« Toutefois ils auront à subir devant le jury un examen spécial sur les matières prescrites par ladite loi et qui ne font point partie de l'enseignement à l'université de Bologne. »
La section centrale propose, par un amendement auquel se rallie le gouvernement, d'ajouter au projet, après les mots : « Toutefois ils auront à subir devant le jury, » ceux-ci : « dit doctorat. »
- Personne ne demandant plus la parole, l'article ainsi amendé est adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet, qui est adopté à l'unanimité des 68 membres présents.
Ce sont : MM. Goblet, Henot, Huveners, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos. Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach., Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Troye, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Wallaert, Anspach, Biebuyck, Brabant, Cans, Castiau, Clep, d'Anethan, David, de Bonne, Dechamps, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon et Fleussu.
« Article unique. Il est ouvert au département des finances un crédit supplémentaire de quatre cent quatre-vingt-dix mille francs (490,000 fr.), pour l'acquisition de deux hôtels n°12 et 14, rue de la Loi, et d'une maison n°5, rue de l'Orangerie, à Bruxelles.
« Ce crédit formera l'article unique du chapitre VIII du budget des finances pour l'exercice 1847.
« La dépense sera imputée sur le fonds spécial provenant des ventes de biens domaniaux. »
La section centrale propose de remplacer le dernier paragraphe par le suivant :
« La dépense sera provisoirement couverte par des bons du trésor. »
Elle propose ensuite un article 8, ainsi conçu :
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
M. Osy. - Messieurs, j'ai fait partie de la section centrale qui a examiné la demande d'un crédit destiné à acheter deux hôtels et une petite maison rue de la Loi et rue de l'Orangerie. Plusieurs membres de la section centrale n'ont consenti à cette dépense que moyennant l'engagement formel pris par le gouvernement que les ministères des travaux publics et de la justice seraient transférés rue de la Loi. Quant à moi, messieurs, je suis resté opposé au projet parce que je trouve que dans les circonstances actuelles, où le gouvernement lui-même a combattu, depuis quinze jours, toutes les dépenses, même celles dont il reconnaissait la nécessité, parce que je trouve que dans ces circonstances il n'y a pas lieu à voter une somme considérable pour l'objet dont il s'agit. Remarquez bien, messieurs, qu'en adoptant le projet nous n'engageons pas seulement le trésor pour là somme qui est demandée, mais qu'il en résultera une dépense beaucoup plus considérable. C'est ce que j'aurai l'honneur de démontrer tout à l'heure.
Comme on l'a dit, messieurs, il y a des dépenses nécessaires, des dépenses utiles et des dépenses de luxe. Eh bien, je considère l'acquisition (page 1631) qui nous est proposée, comme étant tout à fait une dépense de luxe. Depuis quelques années nous avons dépensé des sommes considérables pour le ministère de la justice et pour le ministère des travaux publics. Si le projet est adopté, toutes ces dépenses auront été faites en pure perte. Le seul avantage qu'on pourrait attribuer à l'opération dont il s'agit, ce serait de dire, que tous les hôtels des ministères se trouveront dans la même rue. Il me semble, quant à moi, que les hôtels du ministère de la justice et du ministère des travaux publics sont convenablement situés. La Place Royale n'est pas très éloignée des chambres et des autres ministères et je ne crois pas qu'on puisse citer une capitale de l'Europe où les hôtels des différents ministères soient aussi bien situés que chez nous.
Si on réalisait, messieurs, le projet de transférer les ministères de la justice et des travaux publics dans la rue de la Loi, il y aurait de grands changements à opérer. M. le ministre des finances lui-même devrait déloger et prendre son logement dans le premier hôtel, où se trouvent maintenant les bureaux, pour lesquels il avait demandé une augmentation de crédit.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je l'ai retirée.
M. Osy. - Je sais bien que vous avez retiré cette demande ; mais lorsque vous la faisiez c'était bien la preuve que les bâtiments ne suffisaient pas aux bureaux. Eh bien, messieurs, s'il faut maintenant loger dans cet hôtel M. le ministre des finances avec sa famille, il restera encore beaucoup moins de place pour les bureaux et on sera dans la nécessité de faire des constructions nouvelles très considérables.
Maintenant l'hôtel habité par M. le ministre des finances, que je connais parfaitement et qui est un très bon hôtel pour un ministre, cet hôtel ne convient pas du tout pour y établir des bureaux. Quant à la maison joignante, elle est beaucoup trop petite pour le ministère des travaux publics. Resterait donc l'hôtel du coin qui appartenait à feu l'honorable sénateur Engler. C'est encore un fort bel hôtel, et je conçois qu'un ministre y fût parfaitement logé ; mais je ne crois pas, messieurs, que, dans la situation actuelle de nos finances, nous puissions songer à donner des palais somptueux aux ministres, alors surtout qu'ils sont déjà bien logés actuellement.
Je dis donc, messieurs, que cet hôtel convient parfaitement pour loger un ministre, mais qu'il n'y a pas de bureaux et qu'il faudrait. pour établir les bureaux, faire des constructions nouvelles fort importantes soit dans la rue Ducale, soit dans la rue de l'Orangerie.
Eh bien, messieurs, si vous voulez réaliser le projet que ceux de mes honorables collègues qui ont adopté le crédit posent comme une condition sine qua non de leur vote approbatif, projet qui consiste à réunir tous les ministères dans la rue de la Loi, je dis que la dépense ira jusqu'à 1,500,000 fr. (Interruption.) Je prierai ceux qui disent : Oli ï oh l de vouloir bien me réfuter. Des oh ! oh ! ne sont pas des raisons. Je me rappelle les sommes énormes que nous avons votées pour le ministère de la guerre ; il coûte plus de 800,000 fr.
M. le ministre propose d'acheter une maison dans la rue de l'Orangerie ; mais il reste, je crois, cinq autres maisons qu'il faudrait également acheter. Ces cinq maisons doivent être abattues, et il faudrait bâtir. Eh bien, messieurs, je suis convaincu que vous ne bâtirez pas les bureaux nécessaires pour les ministères des finances, de la justice et des travaux publics, avec 50O,000 fr. C'est impossible, et soyez bien persuadés qu'on nous demandera des crédits supplémentaires pour au moins cette somme. Voilà donc un million.
On dira : « Que fera-t-on du ministère de la justice ? » Eh bien, messieurs, je crois être bien informé à cet égard, et je pense que l'année prochaine ou dans deux ans, on nous proposera de raser les bâtiments, et d'y construire un palais de l'industrie. Voilà, messieurs, où l'adoption du projet nous mènera.
Eh bien, les locaux que la ville de Bruxelles a cédés à l'Etat, au prix de la rente annuelle de 500,000 francs, sont tellement considérables, qu'on trouvera bien un emplacement pour les expositions. Je crois qu'il serait inutile de bâtir encore un palais pour l'industrie.
La chambre peut être persuadée que si elle sanctionne le projet de loi, la dépense ira à 1,500,000 francs ; vous arriverez à bâtir un palais pour l'industrie sur l’emplacement du ministère de la justice, et cette construction vous coûtera au moins 500,000 fr.
Il vous restera l'hôtel du ministère des travaux publics. Lorsqu'après la conclusion du traité de paix, le séquestre a été levé, le prince d'Orange a fait mettre l'hôtel en vente ; la mise à prix était de 180,00 francs, et l'hôtel n'a pu être vendu. Vous ne pourrez pas le vendre non plus, et l'on gardera l'hôtel pour en faire la demeure de l'un de nos princes, comme on l'a fait de l'ancien palais du prince d'Orange.
Je voterai contre le projet de loi ; dans les circonstances actuelles où nous avons des besoins si pressants, je ne puis consentir à une dépense de luxe.
On achète l'hôtel de feu M. Engler pour 335,000 francs. Il y a quelques années, cet hôtel a été vendu pour 120,000 francs. Je connais à Bruxelles des personnes auxquelles ou l'a offert à ce prix et qui n'en ont pas voulu. Je demande si en présence du prix de 500,000 francs, on doit être si pressé d'acheter un pareil hôtel. Ne peut-on pas attendre quelques années pour le faire ? Je crois que c'est véritablement dilapider les fonds du trésor que de faire une semblable dépense de luxe dans les circonstances actuelles.
Je conclus en demandant le rejet de la loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, déjà dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, j'ai reconnu que, s'il avait été possible de choisir d'autres circonstances pour faire cette acquisition, je n'y eusse pas manqué ; mais lorsqu'une propriété immobilière se présente à acquérir, soit pour l'Etat, soit pour un particulier, il a une seule alternative : choisir l'acquisition qui se présente, ou bien y renoncer indéfiniment. Je me suis trouvé dans cette alternative. Dans mon opinion, l'acquisition est utile, convenable, n'est pas onéreuse à l'Etat ; et, quelle que puisse être la décision de la chambre, je me serais fait un reproche de n'avoir pas saisi, en ce qui me concerne, l'occasion de compléter l'une des plus belles et des plus grandes de nos propriétés nationales.
En 1830, l'Etat ne possédait que le palais de la Nation. Par des votes successifs, l'on a réussi à placer autour de ce palais quatre départements d'administration générale. La pensée qui a toujours guidé les chambres et le gouvernement, a été de parvenir à réunir ainsi autour du palais de la nation tous les départements ministériels. L'occasion s'offre aujourd'hui de compléter l'exécution du système qu'on a poursuivi depuis 1830, au moyen de sacrifices très considérables, infiniment plus considérables que ceux qu'on vous demande aujourd'hui.
Messieurs, je suppose un propriétaire d'une ferme quelconque ; il se présente pour lui une certaine partie de terres qui ne lui est pas indispensable, mais qui complète, constitue en quelque sorte la valeur d'ensemble de sa propriété ; il n'en est pas un seul qui ne saisît cette occasion.
Il ne s'agit pas ici de savoir si les ministres sont bien logés, s'ils ont plus ou moins envie de déloger, c'est-à-dire de passer d'un hôtel dans un autre.
La question sérieuse du débat n'est pas là ; il s'agit de savoir s'il n'y a pas un intérêt administratif, gouvernemental à réunir tous les ministères aux environs du palais des chambres. Sous ce rapport, je crois que le doute n'est pas possible, il y a un intérêt administratif très réel, que nous éprouvons chaque jour, à voir les départements d'administration générale autour du palais des chambres.
On compare le prix de l'acquisition qui est proposée à la valeur de l'hôtel, lorsque feu M. Engler l'a acheté. Mais qui ne sait que dans Bruxelles, les valeurs des propriétés immobilières éprouvent de très grandes fluctuations ? Ainsi, l'hôtel que le ministre des finances habite actuellement a été acheté en 1835 ou en 1836 pour 265,000 francs, et quelques années auparavant, il avait été acheté pour la somme de 40,000 francs. Voilà une différence bien plus considérable ; cependant, on ne peut tirer aucun argument de là ; il s'agit de savoir si la valeur qu'on demande aujourd'hui est la valeur réelle, vénale.
L'honorable M. Osy parle de dépenses futures ; selon lui, il faudrait, indépendamment du prix d'achat, un million pour compléter cette acquisition.
i Messieurs, je n'hésite pas à dire que dans les calculs de l'honorable membre, il y a une exagération évidente : l'honorable M. Osy a préjugé des questions qui ne sont nullement résolues par le projet de loi. Ainsi l'honorable membre préjuge... (Interruption), prévoit (s'il l'aime mieux) la destination qu'on donnera et les dépenses qu'on fera un jour, au moyen de la propriété du terrain qui est occupé actuellement par le ministère de la justice. Cette question reste entière.
Je suppose, par exemple, que dans l'avenir, l'on reconnaisse qu'il serait possible et utile de percer des rues sur le terrain de l'hôtel du ministère de la justice ; si alors on voulait vendre ce terrain comme terrain à bâtir par spéculation, loin d'avoir une dépense à faire du chef de cette acquisition, vous auriez un produit très considérable.
: Aucune personne ayant la connaissance de la valeur des terrains ne contestera ce fait.
L'honorable membre suppose également d'une manière toute gratuite i que l'on ne donnerait aucune destination à l'hôtel du ministère des travaux publics. Cet hôtel a été acquis du gouvernement des Pays-Bas par le traité de 1842 pour le prix de 80 mille florins ou 190,000 fr. Toutes ces questions doivent demeurer entières, mais s'il est permis d'examiner les combinaisons que l'avenir permet de réaliser, il en est une qui se présente au premier abord, ce serait de transférer au haut de la ville, à proximité des administrations centrales et du palais de la nation, l'hôtel provincial, confiné aujourd'hui dans un quartier écarté.
Je ne veux que poser des hypothèses pour démontrer que celles de l'honorable M. Osy ne sont ni les plus probables, ni surtout les meilleures. Je suppose qu'à l'avenir il soit reconnu utile de transférer l'hôtel provincial à proximité des ministères et du palais des chambres, sur le terrain de l'hôtel provincial actuel on pourrait retrouver et au-delà toute la valeur que l'on consacrerait aux acquisitions actuelles.
Il y aurait des dépenses d'appropriation à faire assurément pour transférer dans la rue de la Loi trois départements d'administration générale, comme le gouvernement en a pris l'engagement. Il faudrait faire quelques acquisitions et quelques constructions de bureaux. Je ne puis dire dès à présent d'une manière exacte quelle serait cette dépense, mais le chiffre de cinq cent mille francs indiqué par l'honorable M. Osy est exagéré au moins de moitié. Avec des calculs fantastiques comme ceux-là, l'acquisition la plus utile, la plus convenable se traduit en la plus détestable spéculation ; il manque seulement à ces raisonnements d'être fondés sur des faits.
L'honorable membre dit que l'expertise a été faite dans l'intérêt du vendeur. Je dois relever cette expression, les personnes que j'ai chargées de cette expertise et que j'en ai chargées seules sont des hommes (page 1632) capables et honorables, en qui l'honorable membre peut avoir confiance.
Il est une autre considération que je ne puis m'empêcher de présenter à la chambre. L'occasion se présente de compléter pour l'Etat, pour la capitale, l'ensemble le plus monumental que nous ayons en Belgique ; si l'on pouvait attendre un autre moment pour le réaliser, il faudrait sans doute le faire, mais je me suis décidé à faire le contrat quand j'ai eu la conviction qu'il fallait le faire actuellement ou l'ajourner d'une manière indéfinie.
D'après ces considérations j'espère que la chambre complétera l'œuvre qu'on a toujours eu le projet de réaliser depuis 1830 et ne partagera pas l'opinion de l'honorable préopinant.
M. Delehaye. - Comme l'a fait entrevoir M. le ministre des finances, le seul motif pour faire l'acquisition qu'on vous propose, c'est l'occasion. Ce n'est pas le besoin du service, ce n'est point la nécessité d'augmenter les locaux destinés aux bureaux des ministres, c'est uniquement le désir de loger les ministres dans le voisinage des chambres. A l'appui de sa proposition, M. Malou invoque l'exemple d'un propriétaire qui trouverait l'occasion d'acheter quelques terres environnant les siennes et qui, vu l'occasion, alors même qu'il n'aurait pas de fonds, voudrait à tout prix en faire achat.
J'ai été étonné d'entendre M. le ministre s'appuyer d'un pareil exemple.
Un propriétaire dispose de ses propriétés et de ses fonds ; s'il a un caprice, c'est à lui de le satisfaire ; mais la chambre ne dispose pas de ses fonds à elle, elle dispose des fonds du pays. Quand il s'agit de disposer des fonds du pays, nous devons y regarder de plus près qu'un propriétaire qui n'a à rendre compte de ses actes qu'à lui-même, sauf à être mis en curatelle, si ses dépenses portent avec elles le cachet de la folie.
Mais, ajoute le ministre, cet hôtel vaut certainement le prix qu'on en demande, toutes les propriétés ont augmenté singulièrement de valeur. J'ai consulté l'opinion politique ; et j'ai appris que les propriétés bâties à Bruxelles, surtout les grandes propriétés tendent à diminuer. La plupart des grandes maisons qui sont mises en vente ne trouvent d'acquéreurs que pour autant qu'on les laisse à 25 ou 30 p. c. de perte. Cela est connu de tout le monde. Les députés de Bruxelles peuvent confirmer ce que je dis : beaucoup de grandes maisons sont à vendre et la plupart ne trouvent d'acquéreurs qu'à 26 ou 50 p. c. de perte.
Mais, dit-on, ce serait une chose très avantageuse pour le pays d'avoir tous les hôtels des ministères à portée du palais des chambres. Je ne vois pas l'utilité de cette proximité.
En France, tous les hôtels de ministères sont éloignés du palais, des chambres, trois fois plus que ne le serait le plus éloigné de chez nous. Ainsi l'hôtel du ministère de la justice est beaucoup plus rapproché de la chambre que ne le serait en France celui des hôtels le plus rapproché du palais Bourbon. Ce motif est donc sans valeur.
Mais plus tard, dit M. le ministre, on pourrait se servir de l'hôtel du ministère des travaux publics pour en faire un hôtel provincial. Je ne vois pas pourquoi nous serions obligés de donner un hôtel provincial à Bruxelles, alors qu'il en existe un. Mais en le supposant, est-il bien vrai qu'il vaudrait mieux que l'hôtel provincial fût au haut de la ville qu'au centre ? Consultez les membres du conseil provincial, qui habitent presque tous la campagne, vous verrez qu'ils préfèrent se loger au centre, au bas de la ville qu'au haut de Bruxelles, où les appartements, les hôtels sont beaucoup plus coûteux.
Quant aux individus qui ont des affaires à traiter à l'hôtel provincial, ceux-là encore sont pour la plupart gens domiciliés au centre. Ce ne sont pas les habitants des hôtels du Parc, mais bien les personnes habitant les quartiers populeux du centre qui ont des affaires à traiter à l'hôtel provincial.
Vous voyez donc que ce motif n'est pas plus fondé que les autres. Considérez, je vous prie, que l'appropriation des hôtels ministériels aux travaux des bureaux n'a pas seule entraîné des dépenses considérables ; il a fallu encore faire des dépenses de luxe plus ou moins coûteuses, d'après les exigences de tel ou tel ministre ; c'est ainsi qu'on a fait des serres au ministère de la justice. Je ne sais jusqu'à quel point une construction de ce genre est l'accessoire indispensable de l'habitation d'un ministre, et surtout d'un ministre de la justice.
Cela peut convenir aux dispositions horticoles de M. le ministre de la justice ; mais cette dépense sera entièrement perdue. Après qu'on aura tout fait pour rendre l'hôtel du ministre de la justice habitable, agréable même, après qu'on a fait dans ce but des dépenses somptuaires (car je puis qualifier ainsi des dépenses qui n'ont trait ni à l'habitation du ministre, ni à ses bureaux) qu'arrivera-t-il ? C'est qu'il faudra faire à l'hôtel Engler des dépenses considérables, non seulement pour son habitation et pour ses bureaux, mais encore des dépenses excessives pour satisfaire aux goûts, aux caprices de M. le ministre.
Quand nous ajournons toutes les dépenses qui n'ont pas un caractère d'utilité immédiate, qui ne sont pas de nature à procurer du travail à la classe ouvrière, quand M. le ministre des finances a soutenu l'inopportunité d'une dépense indispensable comme la dérivation de la Meuse d'une dépense utile, productive comme celle du chemin de fer d'Alost, je ne concevrais pas qu'on fît une dépense telle que celle qui nous est proposée, qui ne serait justifiée ni par son opportunité, ni par son utilité.
Il s'en faut que nous soyons sortis de la crise des subsistances. A Gand, à cause du défaut de la vente, une partie de nos établissements industriels sera contrainte de diminuer le travail, d'autres chômeront peut-être. Il en est de même dans la capitale. Ce n'est pas le moment d'imposer au trésor une dépense inutile de 500,000 fr. qui entraînera une autre dépense d'un million, quand vous ignorez encore quels seront les sacrifices que les circonstances actuelles pourront rendre nécessaires.
Je n'hésiterai donc pas à voter contre le projet. Je prie la chambre de ne pas se mettre en contradiction avec elle-même, en votant cette dépense de luxe, après avoir tant de fois invoqué la nécessité d'introduire dans l'administration toutes les économies possibles.
Réservons toutes nos ressources pour parer au mal dont la cherté des subsistances alimentaires nous menace.
M. Osy. - Il est facile à un organe du gouvernement de dire que les calculs d'un député de l'opposition sont exagérés. Mais il devrait alors produire un devis indiquant les dépenses d'achat et d'appropriation. Mais se borner à réduire à moitié mon évaluation, ce n'est pas me répondre. Quand vous avez acheté l'hôtel de Galles, croyiez-vous qu'il vous aurait coûté 800,000 fr. ?
On veut vous faire croire que les bureaux de trois ministères et l'achat de 4 ou 5 maisons de la rue de l'Orangerie ne coûteront que 250,000 fr. Je ne conçois pas en vérité la légèreté dont M. le ministre des finances fait preuve dans cette circonstance.
J'ai beaucoup bâti en ma vie. Ceux qui ont bâti comme moi savent que l'évaluation de M. le ministre des finances est inadmissible.
La mienne est de 500,000 fr. J'aurais pu sans exagération la porter au double. En effet il faut considérer que l'hôtel où sont les bureaux du ministère des finances ne peut être, sans des dépenses considérables, approprié à l'habitation du ministre et de sa famille.
Il en est de même de l'hôtel Engler. Comme il est beaucoup plus grand que l'hôtel du ministère de la justice, les rideaux, les tapis, les meubles, rien ne pourra servir. Il faudra un ameublement complètement neuf. Ce sera une dépense considérable.
M. le ministre des finances vient nous dire qu'on pourra percer une rue derrière le ministère de la justice et convertir l'emplacement du ministère actuel en lots à bâtir. Mais c'est impossible. Il y a une différence de niveau bien trop considérable. Elle est telle qu'il a fallu faire un pont de fer au-dessus de la rue de Ruysbroeck. Ce sont de ces projets en l'air qu'on met en avant pour nous éblouir, mais qui né produisent pas cet effet sur moi.
Croyez-moi, messieurs, j'en sais quelque chose ; si vous adoptez le projet de loi on viendra vous proposer de construire un palais de l'industrie sur l'emplacement de l'hôtel du ministère de la justice.
Si vous adoptez le projet de loi, on aura le droit da vous taxer de prodigalité. Comment ! depuis 6 mois, nous ne parlons que d'économie, nous nous élevons contre les émissions de bons du trésor, nous nous refusons à des dépenses utiles, j'ai moi-même demandé l'ajournement des travaux relatifs aux canaux de la Campine qui nous rapporteraient beaucoup, et nous voterions une dépense somptuaire comme celle qui nous est proposée !
On dit que l'hôtel de M. le ministre des travaux publics conviendrait au gouverneur de la province. Je vous demande si le gouvernement provincial n'est pas mieux situé au centre qu'à l'extrémité de la ville.
Je vous demande si de telles prévisions doivent entrer dans la balance.
C'est, dit-on, une affaire monumentale et qui n'existe dans aucun autre pays de l'Europe, que cette réunion de tous les hôtels ministériels dans une même rue.
Mais, messieurs, à Paris l'on n'y songe pas. Le gouvernement obtiendrait assurément les millions nécessaires pour un changement de même nature à Paris, de la majorité des chambres qui lui est dévouée. Mais on a considéré cette dépense comme parfaitement inutile.
L'énorme dépense qui nous est demandée a simplement pour but de rapprocher de la chambre deux ministères que le Parc seul sépare du palais de la Nation.
Je demande s'il ne vaut pas mieux, pour leur santé même, qu'ils traversent le Parc ? Remarquez que chaque fois que nous avons demandé au bureau de vouloir faire appeler soit M. le ministre des travaux publics, soit M. le ministre de la justice, nous n'avons jamais dû attendre plus d'un quart d'heure leur présence. Je demande s'il est nécessaire de faire une aussi grande dépense pour qu'ils soient rapprochés de quelques minutes de la chambre. Si leurs hôtels se trouvaient dans le bas de la ville, je conçois que cela offrirait des inconvénients ; mais ces inconvénients n'existent pas dans l'état actuel des choses.
Je vous avoue, messieurs, que je ne pourrais pas consentir à une acquisition pareille, même si l'état du pays était prospère ; j'y consentirai donc bien moins encore dans des circonstances qui ont amené des dépenses considérables et un déficit. Je dis que si la loi est votée par la chambre, on dira que vous êtes des enfants prodigues, et je ne veux pas être un enfant prodigue.
M. Lebeau, rapporteur. - Messieurs, M. le ministre des finances, en faisant les acquisitions qu'il soumet à la sanction de la chambre, a dû penser (car les circonstances dans lesquelles il a traité étaient les mêmes qu'aujourd'hui) que l'objection d'inopportunité serait la première et la principale qu'on adresserait à son projet. Comme les ministres n'ont personnellement aucun intérêt, ainsi que je le prouverai tout à l'heure, dans les acquisitions actuelles, il faut qu'ils aient pensé qu'une occasion difficile à retrouver, impossible à retrouver peut-être, si ce n'est à des conditions très onéreuses, devait être saisie, sous peine de renier tous les antécédents des chambres législatives et du gouvernement.
En effet, messieurs, à toutes les époques, chaque fois qu'une occasion s'est présentée de réunir autour du palais national les hôtels des ministres, les chambres et le gouvernement se sont accordés pour voter les dépenses nécessaires à cet effet.
(page 1633) C'est ainsi que successivement, par les soins de différents ministères, et, si je ne me trompe, dès 1832, on a procédé successivement à l'acquisition de différents hôtels laissés disponibles par les circonstances pour y établir les départements ministériels. Ainsi a-t-on fait pour l’hôtel Torrington, pour l’hôtel de Galles, pour l’hôtel Jacquelart.
D'après ces précédents, il est évident que le ministère ne pouvait, sans s'exposer à une espèce de reproche, se dispenser tout au moins de consulter la chambre sur la convenance de saisir l'occasion qui s'offrait, occasion due à une circonstance que vous connaissez, à ce que la propriété a changé de maître, et sur la question de savoir s'il fallait ajourner indéfiniment, compromettre peut-être pour toujours, la réalisation d'un projet auquel chambres et gouvernement avaient sans cesse travaillé.
Quant à un intérêt ministériel, à des convenances ministérielles, il est évident qu'il n'en existe pas dans le sens qu'on paraît y attacher. En déplaçant, par exemple, les bureaux du département de la justice, je suis convaincu qu'on n'a en aucune façon consulté ni les goûts ni les convenances du chef de ce département. J'ai occupé le ministère de la justice, et je dois déclarer que, eu égard à l'avantage qu'il a de posséder un très beau jardin dans le centre de la capitale, il n'y a pas d'hôtel plus envié sous ce rapport par les ministres.
Quant à M. le ministre des travaux publics, il est évident qu'il changera le connu, qui est un palais, contre l'inconnu, car il ne sait pas encore où on le logera ni comment on le logera.
Ainsi, si vous consultez les convenances ministérielles, les convenances des personnes, vous devez dire qu'elles sont toutes contraires au projet actuellement en discussion. On déloge, à son très grand regret, j'en suis sûr, le ministre de la justice. Probablement le ministre des travaux publics sait qu'il n'a qu'à perdre au change, et le ministre des finances lui-même, qui occupe à lui seul un hôtel, devra se loger dans une aile de l'hôtel occupé actuellement par ses bureaux. Voilà, quant aux ministres, ce qu'ils ont à gagner à la transformation qui vous est demandée.
Maintenant l'utilité matérielle, l'utilité palpable du système poursuivi depuis 1832 n'est pas la thèse que je soutiens. Les raisons de goût et de convenance qui font désirer la concentration de tous les hôtels ministériels autour du palais national ne sont pas susceptibles d'une démonstration. Cela se sent plus que cela ne se prouve. Je ne dirai pas que parce que tous les ministres seront logés rue de la Loi, cela relèvera singulièrement le caractère monumental de cette rue. (Interruption.) Cependant c'est une circonstance à prendre en considération quand on entre dans l'ordre d'idées qui a présidé aux acquisitions antérieures. Car si l'on se plaçait dans un ordre d'idées plus positif, on en viendrait à soutenir, comme je l'ai dit dans une autre circonstance, qu'il vaudrait mieux planter des pommes de terre dans le Parc que de s'occuper à l'embellir, comme on le fait chaque jour. (Interruption.)
Si l'on veut assurer le complément du système que les chambres et le gouvernement n'ont cessé de poursuivre depuis 1832, je pense qu'il fallait, moyennant une expertise qui, par le caractère de ceux qui l'ont faite, ne pût laisser dans l'esprit de la chambre la moindre idée d'une complaisance coupable, saisir l'occasion qui se présentait. Car réellement l'accroissement des valeurs immobilières, des propriétés bâties dans la ville de Bruxelles est un fait notoire, bien qu'il puisse y avoir un temps d'arrêt dans des circonstances tout exceptionnelles. Mais si vous suivez sur une période un peu étendue les variations du prix des propriétés bâties dans la capitale, vous verrez que sur une période de dix années le changement est véritablement incroyable.
Ainsi, par exemple, si l'on avait pu, lorsque l’hôtel Engler a passé dans les mains de l'ancien propriétaire, en faire l'acquisition pour le gouvernement, on l'aurait eu probablement pour le tiers du prix qu'on paye aujourd'hui. Et si vous l'achetez dans dix ans, vous payerez probablement deux fois au moins autant que vous payez aujourd'hui.
Je dis en outre qu'un hôtel comme celui-là ne peut être vacant que par une sorte de caprice et non par l'effet d'une spéculation de propriétaire.
Un hôtel de cette splendeur, dans le quartier la plus grandiose de la capitale, est ordinairement occupé par un propriétaire qui n'en est pas réduit à spéculer sur un bénéfice de 100 ou 200,000 fr. Si un pareil local est délaissé même pour un bénéfice assez notable, ce ne peut guère être que par l'effet d'un de ces caprices, d'un de ces dégoûts qui s'emparent quelquefois de l'esprit d'un propriétaire. Il fallait donc saisir cette occasion de compléter le système poursuivi, je le répète, par la chambre et par le gouvernement depuis 15 ans, à peine de voir cette occasion perdue pour longtemps encore.
D'ailleurs, messieurs, ce qu'on nous propose n'est pas même une mauvaise opération dans le sens le plus vulgaire, le plus matériel, le plus positif de l'expression, car la translation dans la rue de la Loi des ministères des travaux publics et de la justice laissera vacantes deux propriétés très considérables et de grande valeur, deux propriétés dont on ne peut disposer sans le concours des chambres. Je dis que ce sont des propriétés très considérables et de grande valeur, car l'hôtel de la justice, par exemple, occupe, avec le jardin qu'il renferme, une surface beaucoup plus étendue que le plus grand des hôtels nouvellement acquis ; il se trouve dans une situation tout à fait centrale.
Je ne veux pas préjuger la destination à donner à cette propriété ; mais rien ne peut être fait à cet égard sans l'intervention des chambres ; il y aurait là des terrains à bâtir très considérables et d'une grande valeur.
La position est admirable ; elle est plus centrale encore, je le répète, que celle des hôtels dont il s'agit d'approuver l'acquisition. L'hôtel des travaux publics, ancien palais, a aussi une valeur très considérable qui devient disponible.
Mais, messieurs, si les choses restent dans le statu quo, pense-t-on que le trésor public n'aura pas d'autres dépenses à supporter ? Il est notoire, par exemple, que l'hôtel du ministère de la justice, qu'un beau jardin rend si agréable à habiter, tombe pour ainsi dire en ruines. C'est, sous le rapport de la solidité, une véritable masure. Il est dans un état singulier de délabrement, et je ne serais pas étonné que dans quelques années le ministre alarmé ne vînt vous demander des sommes considérables, non pour le restaurer, mais peut-être pour le rebâtir.
Je crois avoir, en joignant mes efforts à ceux de M. le ministre des finances, rempli sincèrement la mission d'un rapporteur de section centrale. Les circonstances ne m'ont pas paru changées depuis le jour où le projet a été examiné dans les sections et en section centrale. Or, dans les sections les raisons données par le gouvernement et qui ont été reproduites tout à l'heure par M. le ministre des finances et par moi, ces raisons ont été de nature à entraîner l'assentiment à peu près général des sections.
En section centrale, la majorité a été également très prononcée en faveur du projet. Je ne veux donc pas abuser des moments de la chambre en revenant sur toutes les raisons qui ont été données de part et d'autre.
Je crois réellement qu'en se plaçant au point de vue où se sont placés les chambres et les ministères pour les acquisitions successives que j'ai rappelées, il faut donner sa sanction au projet de loi actuellement en discussion.
S'il en était autrement, je croirais, en vérité, que la chambre marche de réaction en réaction. Car, enfin, cette objection d'inopportunité que M. le ministre des finances présentait naguère, non pas à propos de quelques centaines de mille francs, mais à propos de quelques millions ; cette objection d'inopportunité a été écartée par la chambre. La chambre n'a pas voulu ajourner à la session prochaine les dépenses dont il s'agissait, et je suis du nombre de ceux qui ont voté ces dépenses. J'ai donc le droit de dire qu'il ne faut pas s'exagérer la question d'inopportunité, et j'ai le droit de le dire surtout à ceux auxquels je me suis associé en cette circonstance.
Nous n'avons pas à sanctionner en ce moment des dépenses qui puissent approcher le moins au monde de celles qu'entraîneront la rectification très utile de l'un de nos principaux fleuves et la construction aussi très utile d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand. J'ai voté ces dépenses ; et à la question d'inopportunité, plaidée avec beaucoup de chaleur par M. le ministre des finances, n'a pas désarmé les honorables membres qui voulaient les travaux dont je viens de parler, ce serait le cas, pour eux, de se montrer conséquents et de voter aujourd'hui avec celui qui a l'honneur de porter en ce moment la parole devant vous. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - Je demanderai à M. le ministre s'il se rallie à l'amendement de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Oui, M. le président.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article premier tel qu'il est proposé par la section centrale.
Des membres. - L'appel nominal !
D’autres membres. - C'est de droit. Il n'y a qu'un article.
M. le président. - Il y a un article 2 :
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
Des membres. - Votons sur l'ensemble.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
58 membres sont présents.
35 adoptent.
19 rejettent.
4 (MM. Loos, Rogier, de Haerne et de Tornaco) se sont abstenus. En conséquence le projet de loi est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Huveners, Lebeau, Lejeune, Maertens, Malou, Mercier, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Veydt, Wallaert, Anspach, Brabant, Cans, Clep, d'Anethan, Dechamps, de Corswarem, de La Coste, de Lannoy, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Naeyer, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Fallon, Fleussu.
Ont voté le rejet : MM. Lange, Lesoinne, Mast de Vries, Osy, Simons, Vandensteen, Verhaegen, Biebuyck, Castiau, de Bonne, Delehaye, Delfosse, de Mérode, de Renesse, de Roo, de Villegas, Dubus (Albéric), Dumont, Eloy de Burdinne.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Loos. - Messieurs, je n'ai pas voté contre, parce que je reconnais l'utilité et la convenance de la réunion des hôtels ministériels autour du Palais de la Nation ; je n'ai pas voté pour, parce que l'insuffisance des renseignements, quant aux frais ultérieurs d'appropriation, ne m'a pas permis d'apprécier l'importance de la dépense.
M. Rogier, M. de Haerne et M. de Tornaco déclarent s'être abtenus pour les mêmes motifs.
- La séance est levée à 5 heures.