(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1082) M. Huveners procède à l'appel nominal à 1 heure moins un quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Wavre demande que la fabrication du genièvre avec du seigle et des pommes de terre soit interdite jusqu'au 1er janvier 1848. »
- Renvoi à la commission d'industrie.
« Plusieurs habitants de Renaix demandent qu'il soit pris des mesures pour empêcher les falsifications des substances alimentaires. »
M. de Villegas. - Messieurs, cette pétition, revêtue de la signature de plusieurs habitants notables de Renaix, signale le danger de certaines sophistications ou adultérations des denrées alimentaires. Si le fait est vrai, il mérite l'attention la plus sérieuse du gouvernement et de la chambre. Je propose de renvoyer cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Van Muysewinkel, ancien militaire de l'empire, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir les arrérages de sa pension. »
M. de Garcia. - Messieurs, cette pétition émane d'un ancien militaire, et dès lors il me semble qu'elle doit être accueillie avec bienveillance par la chambre. Je proposerai de la renvoyer à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
M. Van Cutsem dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à apporter quelques modifications à différentes dispositions du Code d'instruction criminelle.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport. Elle fixera ultérieurement le jour de la discussion.
M. Henot dépose le rapport de la commission de circonscription cantonale, sur les propositions de MM. Delfosse et Savart tendant à exiger (page 1083) certaines garanties de capacité des personnes appelées à exercer les fonctions de juges de paix.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. Le projet sera mis ultérieurement à l'ordre du jour.
M. de Brouckere. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale que vous aviez chargée de l'examen de deux demandes de crédits supplémentaires formées par M. le ministre de l'intérieur.
A cette occasion, messieurs, je dois faire une observation qui me paraît mériter toute l'attention de la chambre. Dans le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter sur le projet de budget pour l'exercice 1847, dans ce rapport avait été traitée longuement la question relative aux obligations du gouvernement vis-à-vis des communes, en ce qui concerne l'enseignement primaire. Lors de la discussion du budget de l'intérieur, la chambre a décidé qu'elle remettrait l'examen de cette question jusqu'au moment où elle serait appelée à se prononcer sur la demande de crédit supplémentaire qu'avait annoncée M. le ministre de l'intérieur. Eh bien, messieurs, cette demande de crédit supplémentaire est une de celles sur lesquelles j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale. Je demanderai à la chambre si elle veut qu'à la suite du rapport soit réimprimée la partie du rapport sur le budget de l'intérieur qui concerne cette question.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Oui ; ce serait bien.
- La chambre décide que le rapport sera imprimé avec le passage du rapport sur le budget de l'intérieur, qui a été indiqué par M. de Brouckere.
Le jour de la discussion de ce projet sera fixé ultérieurement.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à une nouvelle répartition des sénateurs et des représentants.
La discussion continue sur l'article premier.
Je dois prévenir les orateurs que lorsque la discussion sera close sur cet article, elle le sera relativement à toutes les provinces.
(page 1094) M. Lebeau. - J'ai renoncé à la parole il y a trois jours, en priant M. le président de m'inscrire pour parler sur l'article premier, ne voulant pas mêler une discussion de chiffres à une discussion politique. J'en appelle au souvenir de la chambre.
M. le président. - Les choses se sont réellement passées ainsi ; mais comme la discussion de l'article premier a été ouverte hier en mon absence, il en résulte que l'honorable membre n'a pas été appelé le premier.
M. Delfosse. - Je demanderai quand on discutera l'amendement de l'honorable M. Castiau.
M. le président. - Cet amendement ne se rattachant pas à l'article premier, il convient d'en faire un article spécial.
M. Delfosse. - Ainsi cet amendement viendra après le vote des articles ? (Oui ! oui !) C'est bien.
M. le président. - La parole est à M. Lebeau sur l'article premier.
M. Lebeau. - Hier, M. le ministre de l'intérieur, après avoir entendu les motifs exposés par d'honorables membres appartenant à la Flandre occidentale, à l'appui d'un amendement, s'est rallié sans difficulté à la proposition de ces honorables membres. Si ce pouvait être le présage d'un rapprochement entre M. le ministre de l'intérieur et moi, au sujet de l'amendement que j'ai développé dans une séance précédente, je m'en féliciterais doublement et pour la chambre et pour moi, car je ne veux prendre ici personne au dépourvu. Cette discussion, si je suis obligé de la renouveler, sera extrêmement fastidieuse ; elle le sera pour ceux qui voudraient la suivre, elle le sera pour moi-même. Je demanderai donc si M. le ministre de l'intérieur, après avoir examiné les considérations que j'ai présentées à l'appui d'une proposition qui, selon moi, se borne à maintenir intacts les principes mêmes de son projet de loi, persiste à combattre mon amendement.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Oui, je persiste...
M. Lebeau. - En ce cas, je vous laisse la responsabilité de l'ennui attaché à la prolongation de cette aride discussion.
Il peut paraître surprenant qu'un député étranger aux localités intéressées vienne prendre la cause de ces localités avec une persistance tout à fait insolite. Eu égard à la valeur pratique du résultat que je poursuis, on pourrait voir dans cette persistance quelque chose de puéril ; et eu égard au peu de rapports que j'ai avec les districts intéressés, on pourrait voir en outre dans cette persistance une sorte de Don Quichotisme parlementaire. J'ai besoin de dire à la chambre que si je suis peu touché des résultats pratiques de l'adoption ou du rejet de mon amendement, je suis particulièrement ému d'une question qui n'est pas une question locale, de la violation d'un principe de justice, de la violation d'un droit qui, selon moi, résulte formellement de la proposition du gouvernement.
Le droit, on le disait encore naguère dans une autre assemblée, le droit n'est jamais une petite chose, et c'est ici une pure question de droit, de justice distributive que nous avons à examiner.
S'il est vrai, comme on l'a dit dans plusieurs discours, que le principe de la loi repose avant tout sur l'équité, en opposition avec la rigueur d'une règle mathématique, eh bien, on a très grand tort de proscrire le système de l'alternat introduit dans la loi de 1831 ; il n'y a pas de système qui soit plus propre à faire disparaître ces inégalités choquantes au premier coup d'œil, entre la représentation de tel district électoral et celle de tel autre, telles qu'elles résultent de leurs populations respectives.
Le système le plus propre à faire disparaître ces inégalités, c'est l'alternat.
(page 1095) Eh bien, l'alternat, c'est le ministère qui le proscrit, d'accord avec la section centrale. Evidemment si l'alternat avait été maintenu, le conflit qui existe entre Alost et Termonde, entre Liége et Verviers, qu'on a tenté d'élever entre Ath et Soignies et qu'on pourrait élever avec un égal fondement entre Turnhout et Malines, et entre beaucoup d'autres districts électoraux, évidemment n'existerait pas, et l'alternat les mettrait tous d'accord.
Le système de l'alternat, ce n'est pas dans l'intérêt des districts qu'il est proscrit. Qu'il me soit permis de le dire avec une entière franchise : si le système de l'alternat est incommode, c'est surtout pour les députés ; c'est donc moins dans l'intérêt des électeurs que dans l'intérêt des députés qu'on a proscrit l'alternat. Avec l'alternat, messieurs, un député est à cheval sur deux districts ; je n'ai pas à rappeler ici certain proverbe d'une formule trop peu parlementaire, mais dont le sens vous est assez connu, pour justifier la répugnance que rencontre chez nous le système adopté en 1831. (Interruption.)
Quoi qu'il en soit, l'alternat est proscrit, et personne que je sache n'a fait la proposition de le réintroduire dans notre système électoral. Il y a donc, sous ce rapport, une innovation complète, une innovation radicale entre le système de 1847 et celui du congrès.
Malgré ce que j'ai dit tout à l'heure en faveur de l'alternat, je pense que le système de la préférence à accorder aux fractions les plus fortes, et le droit attribué à ces fractions d'absorber les fractions inférieures, est en réalité le système le plus juste, car il a pour effet de proscrire tout arbitraire.
Remarquez qu'en 1831 l'alternat a été tantôt appliqué, tantôt négligé. Malgré des circonstances à peu près identiques, suivant les convenances locales et les efforts plus ou moins heureux de certains membres du congrès, l'alternat a été admis ou repoussé. Il y a eu bien des hasards, bien des irrégularités, sous ce rapport, dans le travail du congrès.
Et puis, dans l'application de l'alternat, si on le maintenait, où s'arrêterait-on pour être juste ? Devrait-il toujours, comme en 1831, être borné à deux districts dont les populations présenteraient des excédants à peu près égaux ? Si le cas se présentait pour trois districts, comme cela existait, par exemple, en 1831, dans la province de Liège, où Verviers, exclu de l'alternat, l'a été pour une différence en moins de 80 habitants, faudrait-il encore ne pas appliquer l'alternat à ces trois districts ? Tout au moins ne serait-ce pas le cas du concours entre divers districts comme on l'a fait dans beaucoup de cas, en 1831, pour les élections de sénateurs ?
Si donc le système de l'alternat paraît, au premier abord, le plus équitable, dans l'application il peut donner lieu et il a en effet donné lieu à beaucoup d'arbitraire.
Il n'y a qu'une seule règle admissible, parce qu'elle domine toutes les influences de parti et de majorité, parce qu'elle est d'une rigueur mathématique, qu'elle exclut tout arbitraire, c'est la règle de la préférence à accorder, soit pour les représentants, soit pour les sénateurs, à la fraction la plus élevée, avec la propriété pour cette fraction d'absorber les fractions inférieures des autres districts ou des autres provinces.
Là, messieurs, quelquefois il y a en apparence des anomalies ; mais il n'y a pas d'injustice possible, parce que c'est l'arithmétique qui pose les prémisses et que la loi se borne à déclarer les conséquences.
Et, quant à un prétendu système de compensation qui est en opposition formelle avec cette règle de la fraction la plus forte sur laquelle repose le projet de loi, et qu'on a rendue plus absolue par la suppression de l'alternat, pourquoi ce système de compensation s'appliquerait-il à deux cas seulement, lorsqu'on trouve dans le projet de loi vingt autres occasions de faire prévaloir un tel principe de compensation, si vous ne l'aviez pas systématiquement proscrit par le nouveau principe de votre projet de loi, principe qui recevra son exécution dans tous les cas, sauf deux seuls ?
Mais si le système de compensation devait être introduit dans le projet actuel, pourquoi accorde-t-on à Termonde (faites attention à cette étrange anomalie), pour 16,248 habitants un représentant, qu'on refuse à Turnhout pour 20,466 ?
Je viens de prendre cet exemple dans deux provinces différentes, et sous ce rapport on pourrait ne pas le trouver concluant. Je vais en prendre un dans la même province.
Vous donnez à Malines (je l'ai déjà dit) pour 36,215 habitants un représentant, et pour les mêmes 36,215 habitants, il reçoit un sénateur ; et vous refusez à Turnhout, dans la même province, un représentant pour 20,466 habitants et un sénateur pour ces mêmes 20,466 habitants !
Certes, s'il devait y avoir compensation, c'eût été le cas ; car Malines reçoit d'abord un représentant pour un chiffre inférieur à 40,000 habitants, puis un sénateur pour moins de 40,000, quand Turnhout, pour un chiffre supérieur à 20,000 habitants, ne reçoit ni représentant ni sénateur.
Si le principe de compensation devait être introduit ou maintenu dans le projet de loi, c'était bien le cas de l'appliquer ; pourquoi ne l'applique-t-on pas ? Uniquement, parce que cette fois on est resté dans le système du projet de loi, qui est la préférence à accorder à la fraction la plus forte, avec faculté d'absorber les fractions inférieures dans la même province.
Hors de ce système, je le répète, vous n'avez que l'arbitraire. C'est ce qu'a dit l'honorable M. de Naeyer ! c'est ce qu'a reconnu l'honorable M. Dedecker ; mais avec cette différence que l'honorable M. de Naeyer a combattu l'arbitraire qui lui était nuisible (je crois qu'il l'aurait fait en toute autre circonstance), et que l'honorable M. Dedecker l'a accepté, parce qu'il lui était utile, sans que je veuille dire pour cela que, dans une autre hypothèse, il ne l'aurait pas combattu s'il l'avait aussi clairement aperçu que l'honorable M. de Naeyer. (Interruption.)
Messieurs, on s'est attaché dans les séances précédentes à soutenir que le système de compensation n'est pas nouveau, qu'il a été introduit par le congrès en 1831.
A l'égard de ce qui s'est passé au congrès, le langage de M. le ministre de l'intérieur a quelque peu varié d'une séance à l'autre.
Voici ce qu'il disait du travail du congrès dans la séance du 5 mars :
« Je dirai d'ailleurs que la répartition du congrès ayant eu lieu simplement en fait, et non d'après des règles posées par une loi, cette répartition ne nous lierait pas si nous reconnaissions aujourd'hui qu'il est de toute justice que les districts qui ont un excédant de représentation à la chambre doivent avoir moins de représentation au sénat, et réciproquement. »
Ainsi, dans la séance du 5 mars, M. le ministre de l'intérieur disait que la répartition du congrès avait eu lieu simplement en fait, et non d'après des règles posées par une loi ; et c'est la vérité, messieurs, mes souvenirs à cet égard confirment ceux de M. le ministre de l'intérieur.
Mais dans la séance du lendemain, le langage de M. le ministre avait quelque peu changé ; voici comment il s'y est exprimé sur les intentions du congrès :
« J'avais dit dans l'exposé des motifs que le congrès avait pris pour système d'accorder des compensations lorsqu'il y avait des excédants de population, soit dans diverses provinces, soit dans divers districts.. L'honorable M. Lebeau a contesté cette assertion. Eh bien, messieurs, qu'il me soit permis de donner lecture d'un passage du rapport que j'ai présenté au congrès au nom de la commission chargée de préparer le projet de loi électorale. Voici ce que porte ce rapport, etc.. »
M. le ministre en a donné lecture à la chambre. On peut le voir à la page 1048 des Annales Parlementaires. Cette lecture avait pour objet de prouver que le congrès avait admis un système de compensation, que le système exposé par M. de Theux, rapporteur de la commission d'alors,, était celui que le congrès avait accepté, bien qu'il eût déclaré la veille que la répartition arrêtée par le congrès avait eu lieu simplement en fait, et non d'après des règles posées par une loi.
Messieurs, il n'y a à cela qu'une petite difficulté, c'est que le système présenté par l'honorable M. de Theux, rapporteur de la première commission chargée de s'occuper d'un projet de loi électorale, a été complètement renversé par le congrès ; c'est que ce système n'a pas même eu les honneurs de la discussion ; c'est que le tableau de la répartition proposé par la commission dont l'honorable M. de Theux était rapporteur, n'a pas même été jugé digne d'un débat public ; il a été renvoyé purement et simplement à une nouvelle commission composée d'un député de chaque province.
Il y a de ma part, messieurs, peut-être une certaine humilité à faire cet aveu, car j'étais membre de la commission dont l'honorable M. de Theux était rapporteur. Mes souvenirs ne me sont pas trop fidèles ; ils ne me permettent pas de savoir jusqu'à quel point je puis décliner la solidarité du travail de l'honorable M. de Theux ; je sais seulement que j'ai présenté beaucoup d'amendements dans la discussion de la loi électorale ; je sais de plus que j'ai voté deux fois contre cette loi. La loi électorale de 1831 n'a été adoptée qu'au second vote, elle avait été d'abord rejetée ; mais par deux fois j'ai persisté à la repousser.
Vous pouvez voir, messieurs, les détails de ce qui s'est passé à cet égard dans le tome V de l'utile recueil de M. Huyttens, des travaux du Congrès. Voici ce qui est dit dans ce travail, tome V, p. 102.
« Dans la séance du 20 décembre 1830, le congrès décida, sur la proposition de M. de Tiecken de Terhove, que chacune des sections nommerait un de ses membres pour former une commission chargée de rédiger un projet de loi électorale.
« La commission présenta une partie de son travail le 10 février 1831, par l'organe de M. de Theux (n°279) ; cette partie comprend les 51 premiers articles du projet et le tableau du cens électoral.
« Le 17 février, elle compléta son travail par des articles supplémentaires et le tableau de la répartition des représentants et des sénateurs. (n°280) ; le 18 février, l'assemblée s'occupa du tableau de la répartition, des représentants et des sénateurs. Elle le trouva défectueux et en ordonna le renvoi à l'examen d'une commission composée d'un membre de chaque province.
« Dans la séance du 19 février, M. Nothomb fit le rapport de cette commission.
« Après une longue discussion, 114 voix contre 7 adoptèrent la proposition faite par M. de Theux, de fixer à 102 le nombre des représentants, et à 51 celui des sénateurs, ainsi que la répartition des représentants et des sénateurs entre les provinces, établie sur ces bases par M. C. de Brouckere. »
J'ai pris le soin de comparer le travail présenté au congrès par l'honorable M. de Theux et le travail que le congrès y a substitué ; vous allez voir ce que le congrès a fait du système de compensation qu'on lui proposait.
(pages 1096 à 1101) (Remarque du webmaster : le Moniteur reprend le détails par province de la répartition faire par la première commission, le 17 février 1831, rapport de M. de Theux et ensuite, le tableau définitif. Ces tableaux ne sont pas repris dans la présente version numérisée).
(page 1102) On voit aussi par ce tableau que M. de Theux ne suivait point le système de compensation entre Malines et Turnhout et qu'il leur appliquait l'alternat. C'est le congrès qui a écarté l'alternat et donne 3 représentants à Malines, en vertu de la règle de préférence due à la fraction la plus élevée. C'est cet alternat que l'honorable M. Dubus voudrait faire introduire dans le projet de loi, si l'alternat était admis.
M. Dubus (aîné). - Non, ce serait avec Anvers.
M. Lebeau. - Peu importe. Je conçois que l'honorable membre soit quelque peu....
M. Dubus (aîné). - Me supposez-vous une intention qui ne serait pas droite ?
M. Lebeau. - Non ; Dieu m'en préserve !
L'honorable M. de Theux avait d'abord soutenu qu'il avait fait consacrer par le congrès un système de compensation, et avait lu, à l'appui de cette assertion, une partie de son rapport ; sans doute il prétend que c'est aussi par ses efforts que la compensation entre Bruges et Courtray a été introduite dans le décret de 1831. On a pu voir par mes tableaux que M. de Theux n'y avait pas songé et qu'il avait admis l'alternat entre les deux districts, la différence entre eux n'étant que de 19 habitants.
C’est le congrès, cédant peut-être à quelques-unes de ces influences contre lesquelles ses graves préoccupations politiques ne le tenaient pas toujours assez en garde, pressé d'ailleurs par le temps, qui a introduit cette anomalie, qu'on nomme à tort, je persiste à le dire, une compensation.
Ce n'est pas, d'ailleurs, au district du chef-lieu, mais à Courtray qu'on donne un sénateur. Ce qui est l'opposé de ce qu'en fait de compensation, M. de Theux voulait, « eu égard (ce sont ses expressions en 1831), à la plus grande facilité qu'a le chef-lieu de choisir un bon sénateur. »
Courtray, s'il a été consulté alors, n'était donc pas de l'avis de l'honorable M. Dubus sur la valeur respective du sénateur et du représentant, non plus que l'honorable M. Eloy.
M. Eloy de Burdinne. - Je prie l'honorable membre de s'abstenir d'insinuations à mon égard.
M. Lebeau. - Je vais mettre mon honorable collègue parfaitement à l'aise ; il croit que j'ai fait une insinuation ; il se trompe ; j'ai fait une déclaration positive ; il n'y a pas là d'insinuation ; l'honorable membre a soutenu un système et il avait le droit de le soutenir.
M. Eloy de Burdinne. - Je le soutiens encore.
M. Lebeau. - Si vous le soutenez encore, quel mal y a-t-il de dire que vous l'avez fait ?...
M. Eloy de Burdinne. - Mon système est juste.
M. Lebeau. - Si votre système est juste, vous devez vous applaudir de ce que je vous en fais hommage. J'ai dit que les députés de certains districts n'avaient pas partagé, en 1831, sur la valeur respective des sénateurs et des représentants, l'opinion qu'ont émise l'honorable M. Eloy de Burdinne et quelques autres membres. Ai-je, oui ou non, le droit de dire cela ? Est-ce de l'histoire et de l'histoire toute fraîche, oui ou non ? (Interruption de M. Eloy de Burdinne.)
Je n'ai pas pris l'engagement de ne dire que des choses qui vous fussent agréables ; mais je vous prie de croire que parfois l'on me rend la pareille. (Interruption.) Je vous écoute ; rendez-moi la pareille ; je vous écoute d'ordinaire avec beaucoup plus de patience que vous n'en mettez aujourd'hui à m'entendre.
Je reviens à ce que je disais, quand j'ai été interrompu par l'honorable M. Eloy de Burdinne. (Ici l'orateur donne lecture de quelques parties des tableaux annexés à son discours.)
Je demande pardon à la chambre de l'arrêter si longtemps sur des chiffres ; mais il n'y a pas moyen de discuter cette question autrement ; c'est plutôt une question de mathématicien ou de calculateur qu'une question de droit ou de politique.
(Après avoir parcouru encore ces mêmes tableaux, M. Lebeau poursuit ainsi :) Voilà quelques-unes des modifications apportées par les délibérations du congrès au travail présenté par l'honorable M. de Theux, comme rapporteur de la première commission. Vous voyez donc que ce système qu'on a prétendu être celui que le congrès avait sanctionné, a été bouleversé dans ses bases et dans toutes ses conséquences ; le système a été complètement changé.
J'avais dit que dans le travail du congrès, qui dans presque toutes les circonstances avait été fidèle au principe de la préférence à accorder à la fraction la plus élevée, soit pour les représentants, soit pour les sénateurs, il y avait eu une erreur commise aux dépens de la Flandre orientale et au profit du Limbourg ; il suffit pour cela de voir les tableaux n°1 et 2 annexés à mon premier discours. On l'a nié, mais cela est clair comme le jour, ou bien je ne connais plus rien à la valeur des chiffres.
En 1831, et celle fois-ci, je le reconnais, ce n'est plus le travail de l'honorable M. de Theux, c'est le travail du congrès lui-même ; en 1831, la Flandre orientale avait 741,241 habitants ; et on lui donne d'abord connue droit rigoureux 18 représentants ; il lui restait un excédant de 21,241 habitants. On lui donne d'abord, aussi comme droit rigoureux, 9 sénateurs, et il lui restait un même excédant de 21,241 habitants. Et cependant la Flandre orientale est demeurée avec son contingent de 18 représentants et de 9 sénateurs.
Le Limbourg, au contraire, a obtenu un représentant pour 18,095 habitants, près de trois mille âmes de moins que l'excédant de la Flandre orientale ; il a obtenu quatre sénateurs, ce qui lui laissait seulement un même excédant de 18,095, et toujours inférieur de près de 3,000 âmes à celui de la Flandre orientale. Ainsi des deux côtés, 18,095 habitants viennent battre 21,241 habitants. Je demande si ce n'est pas là tout au moins le résultat d'une erreur évidente !
On a si bien senti que l'argumentation mise en avant dans une première séance était battue en brèche par ces chiffres, que les honorables membres qui ont soutenu l'existence de ce système de compensation entre la Flandre orientale et le Limbourg en 1831, ont été obligés d'abandonner cette argumentation pour en choisir une autre.
Voici ce que l'honorable M. de Theux a dit dans une de vos dernières séances :
« L'honorable M. Lebeau a assigné au hasard, ou, en quelque sorte, à la distraction du congrès, ou à je ne sais quelle influence, l'attribution d'un neuvième représentant à la province de Limbourg, tandis qu'un dix-neuvième représentant aurait dû être attribué à la Flandre orientale. Eh bien, messieurs, loin de trouver dans ce fait une distraction du congrès, un indice d'une influence, nous y trouvons la confirmation du principe énoncé dans notre rapport, c'est-à-dire le système de compensation.
« Et en effet, messieurs, les deux Flandres étaient envisagées comme n'ayant, en quelque sorte, qu'un seul et même intérêt, la province de la Flandre orientale ne fut distraite de l'ancienne Flandre que lors de la division du territoire, opérée par le gouvernement français après la conquête. Jusque-là les deux Flandres avaient toujours été réunies, et depuis la séparation, l'on peut dire que les deux provinces ont toujours été considérées comme ayant une communauté d'intérêts. Eh bien, la Flandre occidental avait obtenu, quant aux sénateurs, l'excédant de représentation, à raison de 43,000 habitants. Le congrès recula devant l'attribution d'un représentant à la Flandre orientale, parce que, encore là, il aurait fallu attribuer un excédant de représentation. Et que fit le congrès ? Il attribua le représentant à la province de Limbourg, province qui avait un excédant de population de 18,000 habitants, quant à sa représentation au sénat, et qui aurait eu également le même excédant de population pour sa représentation à la chambre, si on ne lui avait attribué un neuvième représentant. »
Ainsi vous voyez que ce n'est plus par des chiffres qu'on veut prouver cette fois qu'une compensation n'était pas due à la Flandre orientale. La Flandre orientale est lésée, on est obligé de le reconnaître ; mais la Flandre occidentale reçoit une compensation ! Cette compensation devait être faite au profit de la Flandre orientale qui était lésée ; mais on a cru pouvoir la faire au profit de la Flandre occidentale, parce que ces deux provinces n'en font en quelque sorte qu'une ! Voilà la raison qui a fait accorder un représentant de plus au Limbourg aux dépens de la plus populeuse, de nos provinces. Si je le disais moi-même, on ne le croirait, pas ; c'est le ministre qui le dit : Les deux Flandres étaient considérées comme une seule province. On n'en disait mot cependant en 1831. L'argument est tout neuf.
La Flandre orientale est lésée ; qu'elle se console, la Flandre occidentale est favorisée. (Interruption.)
C'est là une logique extrêmement commode. Quoi qu'il en soit, ce qu'on n'a pas fait en 1831, pour la Flandre orientale et le Limbourg, c'est-à-dire prendre pour règle la préférence à donner à la fraction la plus élevée, la seule règle véritablement juste, parce qu'elle est mathématique, qu'elle exclut tout arbitraire, qu'elle est inflexible comme le calcul lui-même, on le fait aujourd'hui, en 1847, pour Ath et Soignies.
Cette règle dont on n'a pas voulu pour la Flandre orientale et le Limbourg en l831, on l'applique en 1847 à Ath et à Soignies. Voyons ce que dit l'honorable M. de Theux pour justifier la préférence donnée à Soignies sur Ath.
L'honorable M. Lebeau a parlé d'Ath et de Soignies. Messieurs, il était impossible d'ôter le représentant à Soignies et de le donner à Ath ; car Soignies a un excédant de population quant aux sénateurs aussi bien qu'Ath, mais un excédant plus fort, et si l'on avait donné le représentant à Ath, on aurait établi une véritable injustice. »
Cet argument, qui paraît excellent aujourd'hui à M. de Theux (et c'est mon avis aussi) pour donner à Soignies la préférence sur Ath, est précisément celui qui aurait dû faire donner en 1831 la préférence à la Flandre orientale sur le Limbourg. En effet, les positions sont identiques. La Flandre orientale avait une fraction de 21241 pour la chambre des représentants et une fraction de 21,241 pour le sénat, tandis que le Limbourg n'avait qu'une fraction de 18,095 pour la chambre des représentants et de 18,095 pour le sénat.
Si je ne craignais d'abuser par trop de vos moments, je vous ferais voir par de nombreux passages de la discussion de la loi de 1839, conséquence du traité avec la Hollande, que les orateurs de tous les côtés de cette chambre, les amis mêmes de M. le ministre de l'intérieur, ont été d'accord pour reconnaître qu'en 1851 on a procédé constamment par la i règle de préférence à la fraction la plus élevée. Je me bornerai à quelques courts extraits, car ce serait à n'en pas finir. Je croyais qu'il était inutile de prouver que deux et deux font quatre, mais je vois que le nombre des arguments à présenter en faveur de cette thèse si simple en fait la plus grande difficulté.
Voici ce que disait le 23 mai 1839 M. Dumonceau :
« Chaque fois qu'il y a eu une fraction de plus de 20,000 âmes en sus (page 1103) du nombre fixe pour un député, on a donné un représentant de plus, de même qu'on n'a pas tenu compte des fractions inférieures à 20,000 âmes.
« Lorsqu'on a trouvé qu'un district se composait d'un nombre d'habitants excédant 40,000, mais n'arrivant pas à 60,000, on ne lui a pas donné 2 représentants ; tandis que la population dépassant 60,000 habitants, on lui en donnait 2 à élire. Quelquefois on faisait alterner avec un district voisin, qui était dans le même cas, le district qui n'avait pas une population suffisante pour nommer un second député. »
L'honorable M. Devaux, qui avait fait partie du congrès, s'est exprimé ainsi :
« M. Devaux. (Séance du 23 mai 1839.) - Quelle base a suivie le congrès ? Une base extrêmement équitable. Il a dit : Nous allons répartir les 102 députés de telle façon, que dans la province où il y aura un excédant de moins de moitié, cet excédant ne comptera pas, et dans celle où il y aura un excédant de plus de moitié, il y aura un député de plus. C'est ainsi que le congrès est arrivé naturellement au nombre total de 102 députés.
« Je vais citer des chiffres qui prouveront ce que j'avance. Ils viennent de m'être communiqués par M. Verdussen, et dès lors on peut compter sur leur exactitude, etc.
« Flandre orientale (chiffres ronds) 338,000, excédant de 18,000 sur le chiffre qu'il fallait pour 18 députés. Eh bien, malgré cet excédant, on n'a pas donné à cette province un député de plus : l'excédant ne dépassant pas les 20,000 qui forment la moitié.
« Dans le Limbourg, 338,000 habitants. C'est la seule province, avec le Luxembourg, pour laquelle on a dévié de la règle générale, et cela, sans doute, par des motifs qui se rattachaient à la ville de Maestricht. L'on a compté les 338,000 habitants pour 360,000, et le Limbourg a eu 9 députés. »
MM. Liedts et Mercier ont déclaré adhérer à ce que venait dédire l'honorable M. Devaux. M. de Behr à son tour s'exprime ainsi :
« M. de Behr (en 1839). - Quand il se présentait des fractions de 40,000 âmes, si elles étaient au-dessus de 20,000 habitants, on comptait en leur faveur les excédents que présentaient d'autres provinces, et avec les fractions on élisait un député. »
Enfin l'honorable M. Verdussen s'est exprimé dans des termes plus formels encore :
« M. Verdussen.- Je ne me suis jamais prononcé que pour ce qui me paraissait juste, et j'espère ne jamais me départir de cette règle de conduite. D'après cela, je m'opposerai à la proposition qui nous est faite.
« J'ai fait le relevé des chiffres de 1831, et j'ai trouvé qu'en appliquant le nombre de 102 représentants aux différentes provinces dont se composait la Belgique, il y avait, chiffre rond, environ 4,078,000 habitants, et qu'on a, par conséquent, forcé la fraction en faveur du pays de plus de 2,000 habitants pour tout l'étendue du royaume Si j'applique maintenant les chiffres spéciaux aux différentes provinces, je trouve alors que c'est surtout en faveur du Limbourg et du Luxembourg que les chiffres appliqués au nombre des députés ont été forcés, afin de leur en donner un plus grand nombre, et que, par exception, ce sont les deux provinces la plus avantagée... »
Selon lui, on donnait 1 député au Limbourg pour 2,000 habitants.
Je vous ferai remarquer qu'il se passait un fait qui a quelque analogie avec les dérogations que je signale aujourd'hui pour Termonde et pour Verviers.
C'est ce que dit M. Verdussen, aussi il a voté contre la proposition avec 28 membres parmi lesquels se trouvaient MM. de Muelenaere, Mercier, Liedts, etc.
L'honorable M. de Langhe, dans une circonstance analogue, s'exprimait dans ces termes : « Si la chambre accordait 8 députés au Limbourg, tout en respectant sa décision, je ne pourrais m'empêcher de dire cela n'est pas juste. »
Au sénat l'honorable M. Dumon-Dumortier a dit que c'était là une violation formelle des lois de la justice et de l'équité.
L'honorable M. de Theux a répondu à l'honorable M. Dumon-Dumortier, mais il s'est gardé de prononcer le mot de compensation ; il n'a pas présenté une seule fois des raisonnements tirés des chiffres respectifs des provinces entre elles pour établir de compensation ; il n'a pas même prononcé ce mot ; il s'est borné à des considérations politiques qui militaient, je le reconnais, en faveur des provinces du Limbourg et du Luxembourg.
Messieurs, quoi qu'il en soit, le projet de loi ne repose pas sur le principe de la compensation ; car alors on ne devrait pas l'appliquer à deux districts seulement.
Votre système de compensation, vous l'avez proscrit par l'alternat ; vous l'avez proscrit sans exception pour les provinces. Voyez la page 4 du rapport de la section centrale, et vous reconnaîtrez que votre système proscrit toute idée de compensation entre les provinces.
C'est l'honorable rapporteur de la section centrale qui le reconnaît, qui rend hommage au principe de votre projet de loi ; voici ce qu'il dit :
« Le chiffre de la population donnant lieu, comme nous l'avons dit, à 108 députés, et la répartition de ce chiffre entre les provinces n'en admettant de plein droit que 104, il fallait attribuer les quatre représentants restants aux provinces dont les excédants sont les plus élevés. C'est ce qui explique comment la province de Namur, qui ne vient qu'en cinquième rang, n'a pu profiter de l'excédant favorable que sa population lui assigne. Aller au-delà devenait inconstitutionnel. »
Or, la province de Namur a, d'après le projet de loi, un excédant de 23,430 habitants (rapport de la section centrale, p. 4), qui ne sont représentés ni au sénat ni à la chambre des représentants.
Le Limbourg n'a de plus que Namur que 2,483 habitants ; et le Limbourg obtient pour cela le représentant de plus, ce que cette fois je regarde comme parfaitement juste.
On me dira : Il n'y a pas moyen de faire alterner deux provinces. Je réponds : Pourquoi serait-il plus difficile de faire alterner deux provinces que deux districts ?
Si l'alternat était trop difficile, c'était le cas de donner à la province de Namur un sénateur de plus, le système de compensation étant la base du projet de loi. Car ce système n'a pas dû être imaginé uniquement en faveur de deux districts, lorsque des provinces et vingt districts pouvaient en réclamer le bénéfice ; c'était, je le répète, le cas de donner à la province de Namur un représentant ou un sénateur de plus, en compensation d'un excédant de 23,430 habitants, quand vous donnez un représentant tout entier à la province de Limbourg, pour un excédant de 23,913 habitants, excédant qui ne dépasse celui de la province de Namur que de 2,483. Mais non ; on s'est conformé, pour accorder la préférence au Limbourg sur Namur, sans nulle compensation, à la règle du projet de loi qui est la préférence accordée à la fraction la plus forte, avec la faculté d'absorber les fractions inférieures (celles des provinces de Liège, Brabant, Anvers et de la Flandre occidentale).
Avec le système qu'on a adopté, la province de Namur aura un excédant de 23,430 habitants, sans représentation soit au sénat,. soit à la chambre, sans compensation, et cette conséquence, je l'accepte comme une conséquence nécessaire du système sur lequel repose tout le projet de loi.
Mais d'après cette règle, c'est Alost et non Termonde qui devait profiter de l'excédant d'Eecloo et de Termonde. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur mon tableau (n°5 et 6).
Alost a 18,211 habitants négligés à la chambre des représentants.
Termonde à 16,848 habitants, négligés à la chambre des représentants.
Alost a 58,211 habitants de plus que pour un seul sénateur. Ce qui lui donne droit à en avoir deux. Termonde n'a que 16,148 habitants de plus que le nombre nécessaire à son unique sénateur.
Ainsi, si vous appliquez l'opération que l'on a faite dans tout le projet, vous trouvez qu'Alost ayant un excellant de 18,211 habitants, pour les représentants, et Termonde un excédant du même chef, de 16,848 habitants, on devrait donner d'abord la préférence à l'arrondissement d'Alost pour le représentant de plus à classer.
Si vous considérez le chiffre de l'excédant, pour le sénat, qui est d'une part de 58,211 habitants, pour l'arrondissement d'Alost, d'autre part de 16,848 habitants, pour l'arrondissement de Termonde, vous reconnaissez que la préférence doit encore, de ce chef, être évidemment accordée à l'arrondissement d'Alost, car l'excédant d'Alost est le plus élevé qu'il y ait pour le sénat dans toute la province ; il est presque quatre fois plus fort que celui de Termonde.
Cette même règle, préconisée pour la province, exige qu'on applique à Huy d'abord, puis à Liége, les excédants de Verviers et de Waremme, puisque c'est Huy et Liège qui ont les excédants les plus élevés. Par ce procédé, c'est Liège et non Verviers qui doit obtenir le représentant de plus.
C'est par une même application de cette règle que Huy, Liége et Waremme doivent profiler de l'excédant de Verviers pour avoir 1 sénateur, puisque, de ce chef, la fraction de Verviers est la plus faible des quatre.
Hors de cette règle, il n'y a, répétons-le, sous couleur d'équité, que caprice, bon plaisir, arbitraire, injustice.
Qu'importe maintenant le rapport de l'honorable M. Dumortier, a l'appui de la thèse de M. le ministre de l'intérieur ?
Voici ce que l'honorable M. Dumortier dit à la page 6 de son rapport :
« La majorité a répondu que, d'après la population, ni Alost, ni Termonde, n'avaient droit à un représentant de plus, puisque le premier district n'a que 45 p. c. et le second 42 p. c. au-dessus du chiffre de ses représentants ; par conséquent, ce qu'on leur accordait en sus, ils ne le tirent pas de leur propre droit, mais bien des excédants des autres districts de la province. »
Mais, n'en est-il pas ainsi d'après la règle suivie pour les provinces elles-mêmes et approuvée par l'honorable M. Dumortier, règle en vertu de laquelle le Limbourg a le représentant de plus à l'exclusion de la province de Namur ? N'est-ce pas en vertu de cette même loi que tous les districts favorisés l'emportent sur les autres ?
Si vous n'appliquez pas cette règle à Alost et à Liège, vous avez donc deux poids et deux mesures, suivant les circonstances.
L'honorable M. de Theux, sur la même question, vous disait, le 6 mars, répondant à l'honorable M. Le Hon :
« Mais, dit l'honorable membre, il eût été plus juste cependant de donner la double représentation au district qui a l'excédant le plus considérable ; car par votre système de compensation, dit-il, vous faites détruire par le représentant de Termonde ce que le sénateur d'Alost peut édifier au profit de son district.
(page 1104) « Eh bien, messieurs, c'est équilibrer les forces parlementaires là où il y a équilibre de population. Le système que voudraient y voir substituer les honorables MM. Le Hon et Lebeau serait un système d'injustice, car ce serait donner tous les avantages à l'un et laisser tout le détriment à l'autre. »
Ainsi vous l'entendez, l'honorable M. de Theux veut que l'on équilibre les forces parlementaires là où il y a équilibre de population. Il préconise ce système pour les arrondissements de Termonde et de Verviers, au détriment des arrondissements de Liège et d'Alost. Mais l'honorable M. de Theux oublie complètement ce principe, quand il s'agit d'Ath et de Soignies. Ainsi il accorde tout à Soignies et rien à Ath, après avoir établi une règle diamétralement contraire entre Termonde et Alost, entre Liège et Verviers. Ou je m'abuse, ou M. le ministre est ici tout à fait en contradiction avec le système qu'il préconise.
Remarquez, messieurs, qu'Ath d'abord a deux représentants et une fraction de 13,679 habitants, et qu'il a un sénateur et une fraction de 13,679 habitants.
Soignies a deux représentants et une fraction de 16,549 habitants, et un sénateur et une fraction de 16,549 habitants. Soignies a donc, dans vies deux cas, une fraction plus forte qu'Ath.
Je suis d'avis qu'on fait bien de donner à Soignies l'avantage au sénat et l'avantage à la chambre des représentants. Mais que devient alors le système de l'équilibre ? Et si l'on veut que, par un système de compensation, Termonde vienne faire équilibre dans certains cas à Alost et Verviers à Liège, pourquoi ne voulez-vous pas qu'Ath vienne faire à son tour équilibre à Soignies soit au sénat, soit à la chambre des représentants ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole.
M. Lebeau. - Les positions sont tout à fait identiques, et c'est encore le cas de dire que vous avez ici deux poids et deux meures.
Aussi, messieurs, l'honorable M. de Theux, pour justifier l'opposition qu'il y a entre la manière dont le projet de loi résout la question à l'égard d'Ath et Soignies et à l'égard de Termonde et Verviers, ne s'est-il pas borné à la question de chiffre. Vous l'avez vu invoquer, dans une séance précédente, une circonstance entièrement étrangère aux bases du projet de loi. Il vous a parlé de la population de fait, qu'il fallait défalquer dans deux cas, qu'il fallait défalquer à Alost et qu'il fallait probablement défalquer à Liège ou bien à Ath, à l’encontre de Soignies. Mais M. le ministre de l'intérieur n'a pas le droit de faire cette distinction entre la population de fait et la population de droit. Si le recensement n'a pas distingué la population de fait de la population de droit, c'est par suite des instructions formelles du département de l'intérieur. En vertu des arrêtés royaux contresignés par M. le ministre de l'intérieur, en vertu des instructions données par ce même ministre, il a été recommandé expressément de comprendre dans le recensement de 1847, comme on datait fait dans le recensement de 1829, la population de fait avec la population de droit, le seul système qui fût réellement praticable. On ne peut donc argumenter pour certains districts de la population de fait.
Messieurs, je ne sais pas même si la compensation ne serait pas un fait inconstitutionnel. Je doute que nous ayons le droit de faire des compensations entre les représentants et les sénateurs.
D'abord je fais remarquer que la chambre des représentants occupe une section spéciale dans la Constitution :
« SECTION PREMIÈRE. De la chambre des représentants.
« Art. 47. La chambre des représentants se compose des députés élus directement par les citoyens payant le cens, etc.
« Art. 48. Les élections se font par telles divisions de province et dans tels lieux que la loi détermine.
«t Art. 49. La loi électorale fixe le nombre des députés d'après la population ; ce nombre ne peut excéder la proportion d'un député sur 40,000 âmes. Elle détermine également, etc. »
Voilà donc, messieurs, une première opération à faire, quand il s'agit de la répartition des représentants, opération qui n'est pas prescrite par la loi, mais qui est prescrite par la Constitution même.
Quand il s'agit du sénat, messieurs, la Constitution ne s'exprime plus de la même manière. C'est d'abord une rubrique différente.
« SECTION II. « Du sénat.
« Art. 83. Les membres du sénat sont élus, à raison de la population de chaque province, par les citoyens qui élisent les membres de la chambre des représentants.
« Art. 54. Le sénat se compose d'un nombre de membres égal à la moitié des députés de l'autre chambre. »
Messieurs, il me semble que l'article 49 de la Constitution donne aux populations un droit absolu, indépendant de ce qui peut se pratiquer pour le sénat. Vous n'avez pas, messieurs, le droit de venir infirmer cette prérogative qu'accorde la Constitution, en donnant un représentant de moins et en le compensant par un sénateur.
En tout cas, messieurs, s'il pouvait constitutionnellement et équitablement y avoir compensation, comment devrait-elle s'opérer ? Évidemment vous devriez la donner dans le sens indiqué par les honorables MM. de Naeyer et Desmet. Ces honorables membres, sans manquer, plus que je ne veux le faire moi-même, de respect au sénat, vous ont fait voir que l'importance d'un représentant est en général, dans l'opinion des districts, bien supérieure à l'importance d'un sénateur. Consultez-vous, messieurs ; mettez-vous dans la position des districts menacés, et demandez-vous, la main sur la conscience, si l'on vous offrait une compensation, ce que vous choisiriez ? Et quant à la valeur respective (il s'agit, bien entendu de la valeur d'influence politique, je ne veux manquer de respect à aucune de nos institutions),il me semble qu'il y a quelque chose de plus clairvoyant que tout ce que vous pouvez dire ici en faveur des districts intéressés, c'est l'instinct même de ces districts, c'est le langage que ces districts tiennent ; c'est l'appréciation qu'ils font de la compensation que vous voulez leur offrir. Il faut y mettre, messieurs, une entière franchise, et ne pas avoir l'air d'enrichir ceux que l'on veut dépouiller.
Mais, messieurs, le système actuel repousse toute compensation.
Le système actuel procède uniquement du droit, et la preuve qu'il procède du droit, c'est qu'il n'y a que deux déviations à une règle générale : ce sont celles sur lesquelles nous sommes occupés à discuter depuis plusieurs jours. Je le répète, le système de compensation n'existe pas dans le projet. S'il existait, il faudrait l'appliquer à la province de Namur pour près de 24,000 habitants qui ne sont représentés ni au sénat ni à la chambre des représentants ; il faudrait l'appliquer à Turnhout pour plus de 20,000 habitants qui ne sont représentés, non plus, ni à la chambre des représentants ni au sénat.
Quant à l'argumentation tirée des fractions centésimales, l'honorable M. de Naeyer en a déjà fait justice. Il y a à remarquer d'abord, qu'on additionne ensemble des fractions qui n'ont pas une valeur égale, les unes exprimant de 40,000ème les autres de 80,000ème. Je vais faire voir en outre par un seul exemple, l'inanité de ces calculs de fractions centésimales à l'aide desquels on veut établir le droit de préférence accordé à Verviers et à Termonde.
Je prends le travail de l'honorable M. Dumortier, page 6, et voici ce que j'y trouve. L'honorable M. Dumortier réunit les fractions d'Alost pour les représentants et pour les sénateurs, et les compare à celles de Termonde ; de cette manière il se trouve que pour les représentants, Alost a 45/100 de fraction et que Termonde en a 42 ; d'où l'on tire la conséquence singulière que la préférence doit être accordée à Termonde. Pour les sénateurs Alost a une fraction de 75/100 et Termonde n'en a qu'une de 21/100. Ainsi en additionnant les fractions, mais en n'additionnant rien que les fractions, on trouve 118 d'un côté et 63 de l'autre, différence en faveur d'Alost 55/100.
Si vous additionnez les deux fractions de chaque côté pour Liège et Verviers, le même résultat se présente : pour les représentants, Liège a 58/100 et Verviers seulement 50/100 ; pour les sénateurs, Liège a 79/100 et Verviers 25/100. Total des fractions réunies : pour Liège 137, pour Verviers 75 ; différence en faveur de Liège, 62/100. Le gouvernement ne donne donc rien à Alost pour 55/100 de plus que Termonde ; il ne donne rien à Liège pour 62/100 de plus que Verviers.
J'ai déjà dit qu'il y a, selon moi, une autre confusion faite par l'honorable rapporteur, c'est qu'il combine des fractions, dont les unes représentent des 80,000èmes et les autres des 40,000èmes. Il réunit un certain nombre de nominations, tandis que ces nominations ne sont pas homogènes, que les unes s'appliquent à des sénateurs, les autres à des représentants.
Voulez-vous un exemple, messieurs, des singuliers résultats auxquels peuvent conduire les combinaisons centésimales que l'honorable M. Dumortier a insérées dans son rapport ? Supposons deux arrondissements en présence : l'arrondissement A, l'arrondissement B. L'arrondissement A a 145,000 âmes de population, l'arrondissement B 119,999. On donne trois représentants à l'arrondissement à ; fraction excédante 25,000 ; on donne deux représentants à l'arrondissement B ; fraction excédante 39,999. On donne un sénateur à chacun ; l'arrondissement A a un excédant de 65,000 âmes ; l'arrondissement B a un excédant de 59,999 âmes, et il y a un représentant de plus à classer. Pour ce représentant de plus à obtenir, la fraction A a 90,000 d'excédant à invoquer, et la fraction B seulement 79,998 ; différence en faveur de l'arrondissement A 10,002. A aurait ainsi le représentant, malgré son déficit de 15,000 habitants ; et B, auquel il ne manque qu'un seul habitant, ne l'aura pas !
Voilà, messieurs, où l'on arrive avec le procédé de l'honorable M. Dumortier, reproduit dans la discussion par plusieurs collègues. Je vous laisse à penser quelle est la valeur de ce procédé et quelle est l'importance que vous pouvez attacher à l'argument qu'on en tire. Je puis, messieurs, qualifier ce système par un seul mot : on donne moins, dans les deux cas, à qui a plus, dans les deux cas.
Messieurs, vous pouvez décider la question dans le sens de M. le ministre de l'intérieur. Une majorité peut, même de très bonne foi, décider que 2 et 2 font 5 ; mais la vérité reste, et, pour moi, j'ai la conviction absolue que ce que je soutiens, c'est que 2 et 2 font 4. Je dirai comme l'honorable M. de Naeyer, qu'il n'y a d'autre raison que celle-ci : Sit pro ratione voluntas, en faveur du système proposé par le gouvernement.
Messieurs, j'ai attaché quelque importance à faire ressortir le vice absolu des deux dérogations à un système que je crois vrai, que j'ai recommandé moi-même, dans les discussions antérieures, à M. le ministre. J'insiste surtout pour qu'on ne pose pas un nouveau précédent. On a posé en 1831 un précédent fâcheux. On a, selon moi, consacré une véritable injustice aux dépens de la Flandre orientale et au profit du Limbourg ; eh bien, messieurs, c'est cette dérogation à la règle très juste (page 1105) posée par le congrès national, à la règle de la loi de 1831, qui a exercé une influence fâcheuse sur la nouvelle répartition des représentants et des sénateurs opérée en 1839 en exécution du traité de paix. C'est alors que des députés, amis du ministère, ont déclaré qu'on donnait au Limbourg un représentant pour 2,000 habitants.
Et, messieurs, pour justifier ce qu'on faisait en 1839, on a argumenté de ce qui s'était fait en 1831 ; c'est ainsi qu'un précédent fâcheux est presque toujours productif d'un nouvel abus. L'honorable M. Dumortier à son tour rappelle la loi de 1839, et aurait pu en argumenter. Eh bien, j'attache à de pareils précédents la réprobation qu'y attachait l'honorable et non suspect M. Verdussen, quand il disait que c'était une injustice criante que de donner à une province un représentant pour deux mille habitants.
Dans le sénat, les mêmes protestations se faisaient entendre. Si nous maintenons le système préconisé par M. le ministre de l’intérieur à l'égard de quatre arrondissements, je crois que nous établirons un précédent dont tôt ou tard on pourra abuser dans un intérêt de parti et dans une mesure peut-être beaucoup plus large que celle dans laquelle on se renferme aujourd'hui. Voilà les convictions qui ont dicté les considérations que je viens d'exposer à la chambre. Je lui demande pardon de l'avoir occupée si longtemps, et, selon toute apparence, si inutilement.
(page 1083) M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je commencerai par où l'honorable préopinant a terminé son discours, et je dirai qu'il ne faut ni beaucoup de temps, ni beaucoup de talent, pour prouver que 2 et 2 font 4 ; une pareille thèse est claire et s'énonce en peu de mots. Mais il faut beaucoup de temps et beaucoup de talent pour prouver que 2 et 2 font 5. Eh bien, c'est précisément ce à quoi s'est attaché l'honorable membre dans un discours qui n'a pas duré moins de sept quarts d'heure.
Messieurs, l'honorable membre, revenant sur la discussion du congrès, quant au tableau de répartition, vous a dit que le tableau, qui avait été présenté par la commission, avait subi d'importants changements.
Nous-mêmes nous en étions convenus ; et comme rapporteur de la commission, je n'ai pas hésité à faire cet aveu ; et l'honorable M. Lebeau qui était membre de la commission avec notre ancien collègue, M. Jottrand, avait approuvé le travail que j'avais présenté ; il a donc participé à cet échec, si échec y a eu.
Mais je n'ai pas besoin de descendre à un tel degré de modestie, ni pour moi, ni pour ces deux anciens honorables collègues : j'ai dit que les renseignements nous avaient été fournis d'une manière incomplète par le département de l'intérieur, et la raison en est simple : c'est qu'il n'était pas dépositaire de toutes les archives et qu'ayant alors dressé un tableau de répartition sur une population de 4 millions d'habitants, on en était venu à reconnaître plus tard que la population était de 4,100,000 habitants. J'ai ajouté qu'en suite une erreur avait été constatée, en ce qui concernait l'une des deux Flandres.
Voilà donc des causes qui ont dû amener un changement au tableau préparé par la commission. Mais ce que j'ai dit, c'est que la commission et le congrès avaient admis le système de compensation ; quant à la commission, cela n'est pas douteux ; quant au congrès, cela n'est également pas douteux ; des chiffres vous ont été cités tant par moi que par d'honorables collègues pour défendre le projet de loi en discussion.
Et indépendamment de cette compensation, en donnant à un district un sénateur, alors qu'on donnait à un autre district un représentant, il y avait dans le système du congrès une autre compensation résiliant des alternats. Le congrès avait donc cru qu'un système de compensation était fondé sur la justice. Or, le congrès ne s'est pas attaché à des compensations minutieuses ; mais il s'est attaché à de grandes inégalités de chiffres.
L'honorable membre dit que le projet de loi n'établit pas même le système de compensation de province à province ; que le projet repose sur la plus forte fraction d'excédant de population. Eh bien, messieurs, il se trouve que l'on peut envisager notre projet comme reposant soit sur le système de compensation, soit sur le système qui a été défendu par l'honorable membre, celui de la plus forte fraction, car dans l'un et l'autre cas le résultat est le même.
Les provinces de Brabant et de Liège ont ensemble 28 représentants et 15 sénateurs ; si l'on avait youlu attribuer à ces deux provinces le même nombre de représentants, on aurait dû leur en donner 30 Cependant personne ne le réclame ; on se contente de 28 représentants et de 15 sénateurs pour les provinces de Brabant et de Liège. Par contre le Limbourg et le Luxembourg, qui ont 10 représentants ensemble,, n'ont que 4 sénateurs ; et voilà comment l'équilibre se trouve maintenu et comment nous arrivons au résultat total de 108 représentants et de 54 sénateurs.
L'honorable membre bous a rappelé la discussion de 1839. Mais cette discussion et les opinions qui ont été émises alors n'ont aucun rapport avec ce qui se passe aujourd'hui. A cette époque, le Limbourg et le Luxembourg devaient subir un nouveau remaniement dans leur représentation aux deux chambres.
Eh bien, messieurs, sous l'influence du malheur qui avait frappé ces deux provinces, les chambres ont usé de générosité, et ont forcé la fraction en faveur de ces deux provinces, en réunissant l'excédant des autres provinces. Et voilà comment on est resté tout à la fois dans le chiffre fixé par la Constitution et qu'on a pu en même temps avoir égard à des considérations de politique et d'équité.
Messieurs, pour bien apprécier la répartition que nous avons faite, veuillez fixer votre attention sur ce point, que le vote de la chambre des représentants et le vote du sénat ont en définitive le même résultat ; il s'ensuit que, d'après le nouveau projet, une majorité de 55 voix à la chambre des représentants n'a pas plus de valeur qu'une majorité de 28 sénateurs ; il s'en suit donc qu'il faut ramener l'influence parlementaire dans chacune des deux chambres à la fraction de 100, et vous aurez pour l'importance du vote d'un sénateur, 2, et pour l'importance du vote d'un représentant, 1.
Partant de cette base, voyons quelles seraient les conséquences du système qui a été préconisé par l'honorable M. Lebeau.
Je passe au district de Liège ; nous trouvons dans ce district 223,000 habitants ; dans celui de Verviers, 100,143 habitants ; le projet de loi attribue au district de Liège cinq représentant et trois sénateurs. Cela vaut donc 11 voix. Le projet attribue au district de Verviers trois représentants et un sénateur, cinq voix. Maintenant, suivant l'opinion de M. Lebeau, nous aurions pour Liège six représentants et trois sénateurs, 12 voix ; et pour Verviers deux représentants et un sénateur, 4 voix ; Liège aurait 12 voix, tandis que Verviers n'aurait que 4 voix dans la représentation nationale. Ces 8 voix de plus, Liège les obtiendrait pour un excédant de 123,000 âmes.
Maintenant veut-on admettre un autre système, donner un sénateur à Verviers et un représentant à Liège ? Vous arriverez à ce résultat que Liège aura six représentants et deux sénateurs, dix voix, et Verviers aura deux représentants et deux sénateurs, six voix. Il suffit de signaler ces conséquences des deux systèmes proposés, soit en changeant les sénateurs de place, soit en donnant tous les avantages à Liège, pour voir qu'un pareil système est inadmissible. Il n'est pas étonnant qu'on ait employé sept quarts d'heure pour démontrer que le projet du gouvernement ne devait pas être adopté.
Quelle est la population des districts d'Alost et de Termonde ? Le district d'Alost compte 138,211 habitants ; celui de Termonde en compte 96,818. Alost a trois représentants et deux sénateurs, 7 voix ; Termonde a trois représentants et un sénateur, 5 voix. Ainsi Alost a deux voix de plus que Termonde, d'après le projet du gouvernement, pour une différence de 42 mille habitants. Je le demande, Alost a-t-il à se plaindre ? Admettant le système de M. Lebeau, Alost aurait quatre représentants et deux sénateurs, huit voix, et Termonde aurait deux représentants et un sénateur, quatre voix ; de sorte qu'Alost aurait quatre voix de plus que Termonde, pour une différence de 42 mille âmes.
Maintenant adoptons le système de M. de Naeyer, donnons le sénateur à Termonde et le représentant à Alost. Je dirai, en passant, que la chose n'est pas praticable, puisque les deux sénateurs sont élus déjà à Alost ; mais si la chose était praticable, Termonde aurait deux sénateurs, quatre voix et deux représentants ; ensemble, six voix ; et Alost aurait un sénateur, deux voix et quatre représentants, six voix ; pour les 42 mille âmes qu'il a en plus, il n'aurait rien. Vous arriveriez à cette anomalie qu'Alost aurait un sénateur et quatre représentants, tandis que Termonde aurait deux sénateurs et deux représentants. Est-il possible de défendre sérieusement une pareille thèse ?
On a parlé de Malines et de Turnhout. Si on attribuait le sénateur à Turnhout, Turnhout aurait deux sénateurs et deux représentants, tandis que Malines aurait trois représentants et un sénateur. Je dis qu'il y a ici une circonstance spéciale, c'est que l'excédant du chiffre se répartit entre Anvers et Malines, c'est ce qui fait que la différence est moins saillante qu'entre Alost et Termonde, et Liège et Verviers. D'ailleurs Malines es± en possession de ses trois représentants.
On a réfuté ce que j'ai dit de l'équilibre à établir entre deux districts différents. Pour être conséquent, il faudrait l'admettre aussi, a-t-on dit, entre Soignies et Ath. C'est impossible, il n'y a qu'un représentant en plus pour ces deux districts, le district auquel vous l'attribuerez, viendra rompre l'équilibre ; s'il y avait à nommer un représentant et un sénateur, l'objection pourrait être vraie. Si j'attribue le représentant à Ath, il rompra l'équilibre dans une proportion plus forte parce que la population d'Ath est moins forte que celle de Soignies. Il était impossible de faire autrement à moins de rétablir l'alternat dont on ne veut plus.
Comme ma thèse est claire, qu'elle repose sur une simple opération d'arithmétique, je borne là mes observations.
M. Clep. - Messieurs, après les observations pleines de justesse et de raison qui vous ont été présentées par mon honorable collègue, M. Donny, en faveur de mon amendement, j'aurais pu me dispenser de (page 1084) rien ajouter. Toutefois, je dirai quelques mots pour démontrer combien peu sont fondées les objections du représentant de Dixmude.
La loi en vigueur aujourd'hui accorde, comme vous le savez, messieurs, aux trois arrondissements réunis de Furnes, d'Ostende et de Dixmude le droit de nommer un sénateur et d'alterner avec Ypres pour l'élection d'un second membre au sénat.
Vous avez vu, messieurs, que le projet de loi en discussion tend à donner aux arrondissements électoraux de Furnes et d'Ostende réunis la nomination d'un sénateur, et celle d'un deuxième membre du sénat à l'arrondissement de Dixmude exclusivement.
Ainsi, le projet de loi accorde plus d'influence représentative à ces trois arrondissements réunis, mais principalement en faveur de Dixmude, que la loi existant encore aujourd'hui.
Voyons maintenant sur quoi aurait dû être basée cette augmentation d'influence électorale en faveur principalement de Dixmude.
La population actuelle des deux premiers arrondissements de Furnes et d'Ostende, se monte à 74,739. Celle de ces arrondissements, en 1831, était de 65,464, et la population actuelle de l'arrondissement de Dixmude est de 46,915. Elle était, en 1831, de 43,019.
La population des deux arrondissements de Furnes et d'Ostende s'est donc accrue depuis 1831 dans une proportion plus progressive que celle de l'arrondissement de Dixmude, et il y aurait eu bien plus de raison et d'équité à accorder plus d'influence représentative, ou tout au moins autant, aux arrondissements de Furnes et d'Ostende réunis qu'à l'arrondissement de Dixmude.
Aussi le gouvernement a-t-il compris la justice de ma réclamation, qui ne demande en faveur de Furnes et d'Ostende, dans l'augmentation de l'influence électorale, qu'une part égale à celle de l'arrondissement de Dixmude, et il s'est rallié à mon amendement.
D'autres considérations eussent pu entrer encore en ligne de compte pour déterminer le gouvernement à accorder aux deux arrondissements de Furnes et d'Ostende, tout au moins autant d'influence représentative qu'à l'arrondissement de Dixmude. Ces deux arrondissements comprennent, en effet, deux villes fortes avec ports de mer d'une grande importance ; une troisième ville, celle de Furnes, chef-lieu d'un arrondissement judiciaire, un commerce maritime très étendu et la pèche nationale à laquelle prennent part le village de la Panne, les villes de Nieuport et d'Ostende.
Eh bien, messieurs, malgré l'importance de ces remarques et une population presque double, nous ne demandons cependant aucune faveur au préjudice de Dixmude, mais nous nous bornons à réclamer, par mon amendement, à être placés vis-à-vis de Dixmude et avec son arrondissement sur la même ligne qu'en 1831, c'est-à-dire que le projet de loi maintienne, comme à cette dernière époque, le concours des trois arrondissements pour l'élection des deux sénateurs.
Nous savons tous, messieurs, que l'on ne peut pas déterminer la représentation nationale avec une précision mathématique, mais ce que je viens de dire réfute complètement, je pense, les objections de mon honorable collègue de Dixmude ; aussi j'attends avec confiance la décision de la chambre sur mon amendement auquel le gouvernement a bien voulu se rallier.
Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
M. le président. - M. Delfosse a la parole sur la clôture.
M. Delfosse. - J'étais inscrit, après l'honorable M. de Naeyer, pour parler contre le système de compensation que le projet de loi applique à Liège et Verviers, à Alost et Termonde, et dont il s'écarte pour Malines et Turnhout, et je désirerais présenter quelques observations ; elles seront très courtes, car l'honorable M. Lebeau et d'autres orateurs ont dit à peu près tout ce qu'il y avait à dire sur la question.
Je remercie l'honorable M. Lebeau des efforts qu'il a faits, non dans l'intérêt de Liège et d'Alost, mais dans l'intérêt de la justice, qui est évidemment violée par le projet de loi, et je me garderai bien de lui adresser, comme l'honorable M. de Theux, le reproche d'avoir parlé pendant sept quarts d'heure ; je dirai, au contraire, que M. le ministre de l'intérieur, quoiqu'il ait parlé moins longtemps, m'a paru plus long que l'honorable M. Lebeau.
M. de Naeyer. - Messieurs, je viens m'opposer à la clôture ; je -n'ai pas l'habitude d'abuser de la parole. Je pense que sous ce rapport on me rendra justice. Je désire présenter quelques nouvelles considérations sur la question qui nous occupe ; si on ne veut pas m'entendre, je me résignerai.
M. Lys. - Je viens prier la chambre de ne pas fermer la discussion. L'assemblée vient d'entendre un discours très long en faveur de Liège et contre les prétentions de Verviers ; on ne peut pas refuser la parole à un député de Verviers, pour répondre à une partie de ce discours.
M. Dedecker. - Après la discussion qui a eu lieu, je pense que maintenant la plupart des membres doivent avoir leur opinion faite ; je ne tiendrai donc pas à prolonger ces débats. Mais si on entendait encore un député d'Alost, je demanderais à la justice de la chambre de m'accorder la parole pour prendre la défense des intérêts qui m'ont été confiés,
M. Desmet. - A mon avis, l'honorable M. Lebeau a défendu la cause de la justice. D'après la manière dont lui a répondu M. le ministre de l'intérieur, on croirait cette question simple et claire comme deux et deux font quatre. Si l'on veut entendre l'honorable M. de Naeyer, il prouvera qu'il n'en est pas ainsi. J'insiste pour que la parole lui soit accordée.
M. de Breyne. - L'honorable député de Furnes vous a présenté un amendement que j'ai combattu à la séance d'hier ; et l'honorable député d'Ostende est venu prêter son secours au député de Furnes. Vous venez d'entendre l'honorable M. Clep soutenir, par de nouvelles considérations, l'amendement dont il est l'auteur. Je désirerais pouvoir répondre aux discours de ces deux honorables collègues.
M. de Naeyer. - Je désirerais présenter quelques nouvelles observations ; parce que la question a été dénaturée par mon honorable collègue M. Dedecker. (Interruption.)
Messieurs, j'explique le motif qui me détermine à insister pour avoir la parole.
Cet honorable membre s'est attaché à des considérations qui auraient dû rester étrangères à la discussion.
Voilà pourquoi je désire prendre de nouveau la parole.
- La clôture est mise aux voix ; l'épreuve est douteuse, en conséquence la discussion continue.
M. le président. - La parole est à M. de Naeyer.
M. de Naeyer. - Je commence par regretter le temps que nous venons de perdre par la question de clôture qu'on a eu le tort de soulever.
Messieurs, je pense qu'on me rendra cette justice que, dans les observations que j’ai présentées contre le système du gouvernement, je me suis renfermé rigoureusement dans les limites naturelles de la question. J'ai écarté soigneusement tout ce qui pouvait imprimer à cette discussion le caractère d'un débat de clocher à clocher ; je regrette vivement qu'un honorable voisin, qui a parlé après moi, n'ait pas cru devoir user de la même réserve.
L'honorable M. Dedecker, qui a combattu mon opinion et soutenu chaleureusement le système du gouvernement, nous avait annoncé d'abord qu'il ne voulait pas plaider une question de localité, qu'il s'agissait, pour lui, d'une question d'un ordre beaucoup plus élevée. Malheureusement après ce pompeux exorde, l'honorable membre s'est appuyé, pour ainsi dire, exclusivement sur des considérations de localité.
Je ne l'en blâme pas ; car je crois qu'il serait difficile de discuter la question d'une autre manière. Mais je me plains de ce qu'il s'est attaché à des considérations qui auraient dû rester étrangères à la question, et qui, constitutionnellement parlant, ne peuvent exercer aucune influence sur la décision que nous sommes appelés à prendre.
En effet, quelle est la seule et unique base posée par la Constitution, pour fixer le nombre des représentants et des sénateurs, par conséquent aussi pour en faire la répartition ? Cette seule et unique base, c'est la population. La Constitution ne s'occupe en aucune manière ni de l'importance des communes, ni de l'importance relative des populations ; elle s'attache au chiffre de la population, rien qu'à cela.
Il paraît que mon honorable contradicteur s'est trouvé un peu gêné dans ce cercle tracé par la Constitution. En effet, cela se conçoit facilement. Quand on ne considère que la population, la supériorité des droits des arrondissements de Liège et d'Alost est évidente, palpable. A Alost, il y a un excédant de population de plus de 42 mille habitants, relativement à l'arrondissement de Termonde ; et vous voudriez que les deux arrondissements fussent représentés de la même manière dans la chambre des représentants ! En plaçant la question sur ce terrain, le seul constitutionnel, la thèse de nos adversaires devient extrêmement difficile à soutenir.
On a trouvé convenable d'aborder un autre ordre d'idées : La population, qui n'est que de 90 mille habitants dans l'arrondissement de Termonde, a, a-t-on dit, une importance relative plus grande que la population d'Alost. Il faudrait en conclure que les 96 mille habitants de l'arrondissement de Termonde valent au moins 110 mille, 120 mille, que sais-je ? peut-être même 130 mille habitants d'Alost ? (Interruption.)
Messieurs, je vous avoue qu'il me répugne beaucoup de suivre l'honorable membre sur ce terrain-là. Une discussion de ce genre ne méritait pas les honneurs parlementaires, elle n'était guère propre qu'à amuser les loisirs de nos bons commettants, lorsqu'il leur prend envie (comme cela arrive quelquefois) de se livrer à certaines querelles de clocher à clocher. Mais enfin, je dois cependant détruire les évaluations, complétement fausses, auxquelles l'honorable M. Dedecker a été entraîné.
Quelles sont donc les puissantes considérations que l'on fait valoir pour établir cette supériorité relative des habitants de Termonde sur les habitants d'Alost ? Voici comment on a procédé.
Première considération ; elle consiste à dire qu'il y a dans l'arrondissement de Termonde un électeur sur 91 habitants, et dans l'arrondissement d'Alost un électeur sur 95 habitants. D'abord, cette considération est étrangère à la question ; car, aux termes de la Constitution, le chiffre de la représentation nationale doit être fixé, non d'après le nombre des électeurs, mais d'après le chiffre de la population.
Ainsi vous avez d'un côté la proportion d'un à 91 ; d'un autre côté, vous avez la proportion d'un à 95. La différence n'est pas bien grande. Elle est, si je ne me trompe, de 4 1/2 pour cent. Mais voyons le résultat général. Le voici : c'est que malgré cette différence de proportion, il y a dans l'arrondissement de Termonde 1,056 électeurs, et dans l\arrondissement d'Alost 1,444 électeurs, différence assez sensible ; car elle est non pas de 4 1/2 pour cent, mais de 43 pour cent.
On veut donc accorder à 1,056 électeurs les mêmes droits qu'à 1,444 électeurs.
(page 1085) Evidemment, l'honorable membre a une opinion tout aussi exagérée sur l'importance relative des électeurs que sur la supériorité relative de la population.
Les électeurs sont dans une proportion plus forte dans l'arrondissement de Termonde que dans l'arrondissement d'Alost. D'où cela peut-il venir ? L'honorable M. Dedecker a attribué cette différence à une plus grande importance commerciale, industrielle, agricole. Mais il y a une autre petite cause qui paraît avoir échappé à l'attention de l'honorable membre et que je vais vous faire connaître. Cette toute petite cause qui peut quelquefois engendrer d'assez grands effets, la voici : c'est que, dans l'arrondissement d'Alost, le cens électoral est plus élevé que dans celui de Termonde. A Alost, pour être électeur, il faut payer 84 fr. 64 c.
M. Dubus (aîné). - Dans la ville.
M. de Naeyer. - Sans doute ! Mais la ville fait, je pense, partie de l'arrondissement.
Ce que je dis est une vérité mathématique ; cela se trouve consigné dans des documents officiels.
Eh bien, messieurs, quoique Termonde soit un port de mer, on y est électeur pourvu que l'on paye 74 fr. 6 c.
Quoique le cens électoral soit plus élevé à Alost qu'à Termonde, nous avons cependant, sur une population de 17,215 habitants, 261 électeurs. Si l'on y abaissait le cens électoral au même niveau qu'à Termonde, bien certainement nous aurions au-delà de 300 électeurs. Car remarquez bien que la différence qui en résulte à notre désavantage est de plus de 15 pour cent.
Messieurs, je vous rappellerai à cet égard ce qui a eu lieu, lorsqu'il y a quelques années on a commencé, pour établir le cens électoral, à déduire des contributions payées les centimes additionnels au profit des provinces et des communes. La différence qui en est résultée quant à la formation du cens électoral n'était pas même une augmentation de 15 p. c. et cependant quelles en ont été les conséquences ? Messieurs, je connais des communes où cela a eu pour résultat de diminuer le nombre des électeurs d'une moitié.
Ainsi, messieurs, cet argument que l'on a tiré du nombre relatif des électeurs, ne signifie absolument rien ; on a attribué à une prétendue supériorité industrielle, commerciale et agricole ce qui de fait n'est que le résultat d'un privilège. Ce genre d'argumentation peut être très adroit, mais enfin cela n'est ni logique ni même juste.
Messieurs, on s'est attaché à une autre considération pour faire ressortir cette grande supériorité du district de Termonde sur celui d'Alost. Cette autre considération, la voici : On vous a dit : « Mais vous autres, vous n'avez que de très petites communes ; il est vrai que vous en avez un grand nombre, mais ce sont de petites communes. Dans l'arrondissement de Termonde, il y a peu de communes, mais ce sont de grandes, de fortes communes.
Messieurs, quand j'ai entendu cette argumentation-là, je n'ai pu m'empêcher d'interrompre mon honorable collègue et de lui dire : Cependant il y a dans l'arrondissement d'Alost trois villes, et vous autres vous n'en avez qu'une seule et unique, c'est Termonde. Mon honorable collègue m'a répondu : Oui, il y a trois villes, mais quelles villes ! Eh bien, je vais lui faire connaître ces villes.
Nous avons d'abord la ville d'Alost. Je vous ai déjà dit que sa population était de 17,000 et des habitants, et qu'elle avait 261 électeurs, et que, sans le cens différentiel, elle en aurait au-delà de 300.
En présence de ces chiffres, voilà que je suis autorisé à dire que notre chef-lieu a une importance double de celle du chef-lieu de l'arrondissement de Termonde. Car Termonde n'a que 8,000 et quelques habitants et 144 électeurs. Or, d'après une simple règle d'arithmétique incontestable, 17,000 forment bien le double de 8,000 et 300 et des forment bien le double de 144.
Avec Alost, nous avons encore Grammont, qui est parfaitement connu de l'honorable membre et dont il ne peut pas raisonnablement nier l'importance.
Messieurs, cette ville de Grammont a une population de près de 8,000 habitants et 139 électeurs, c'est-à-dire 5 électeurs de moins que Termonde ; et chose étonnante, messieurs, la proportion entre les électeurs et les habitants est absolument la même que pour Termonde. Voilà donc que notre seconde ville devient à peu près aussi importante que la seule et unique ville de votre district.
Nous avons ensuite une troisième ville, c'est Ninove. Elle a une population de 4,742 habitants et 109 électeurs ; c'est-à-dire un électeur sur 45 habitants. Nulle part, messieurs, ni dans l'arrondissement de Termonde, ni dans l'arrondissement d'Alost, ni dans aucun autre arrondissement de la Flandre orientale, vous n'avez une proportion aussi favorable ; nulle part ailleurs vous n'avez un électeur sur 45 habitants.
Voilà donc, messieurs, que la ville de Ninove, à laquelle je suis attaché par des liens tout spéciaux, j'en conviens, devient, en vertu de la règle d'appréciation posée par mon adversaire, relativement la plus importante de toute notre province. Je voudrais bien accepter le compliment ; il est cependant un peu exagéré. En résumé donc nous avons une population urbaine de près de 30 mille habitants, c'est-à-dire à peu près quatre fois aussi importante que la population urbaine de l'arrondissement de Termonde ; évidemment cela signifie quelque chose. Messieurs, on a parlé des grandes communes de l'arrondissement de Termonde. Oui, il y a des grandes communes dans l'arrondissement de Termonde. Je citerai notamment la commune de Zele, qui se glorifie, à bon droit, d'avoir donné le jour à un homme aussi distingué que l'honorable M. Dedecker... (Interruption.)
Cette commune est la plus grande de l'arrondissement. Mais savez-vous quelle est la proportion des électeurs par rapport aux habitants dans cette commune si importante ? Il y a un électeur sur 96 habitants. Voilà donc que je devrai admettre, d'après votre règle d'appréciation, que Ninove a une importance relative plus que double de celle de Zele. Si cette conséquence très logique ne convient pas à l'amour filial de mon honorable contradicteur, évidemment il doit retirer les principes dont elle découle, principes qui forment cependant toute la base de son argumentation.
L'argument tiré par l'honorable membre de l'importance des communes, pour avoir quelque valeur, devrait signifier que la population est plus agglomérée, plus compacte dans l'arrondissement de Termonde que dans celui d'Alost. Or, c'est justement le contraire qui a lieu. Il y a dans l'arrondissement d'Alost un habitant par 34 ares 16 centiares ; dans l'arrondissement de Termonde, la proportion n'est que d'un habitant par 36 ares 12 centiares ; différence, en notre faveur, de près de 6 p. c, et vous savez que mon honorable contradicteur ne néglige pas les petites différences de 4 1/2 p. c, bien entendu quand elles militent en faveur de sa thèse favorite.
Messieurs, l'honorable membre s'est encore attaché à une autre considération, toujours pour soutenir sa thèse favorite ; c'est l'accroissement de population. Il a trouvé que l'arrondissement de Termonde avait une importance plus grande que celui d'Alost, parce que là l'espèce humaine, depuis quelque temps, s'est multipliée dans une proportion beaucoup plus grande. (Interruption.)
Messieurs, je ne sais ce qui excite vos rires, ce que vous trouvez là de ridicule ; quant à moi, je ne me ris pas du tout de cette grande fécondité de la population du district de Termonde.
Je n'ai abordé cette discussion, messieurs, qu'avec répugnance ; j'aurais voulu pouvoir m'en abstenir. Mais il fallait bien répondre aux considérations plus ou moins en dehors du projet que vous avait présentées l'honorable M. Dedecker, et j'ai tâché de le faire.
Messieurs, je me suis principalement attaché, pour combattre le système mis en avant par le gouvernement, à deux arguments.
Je vous ai dit que ce système n'était pas admissible, parce qu'il était arbitraire, parce que, dans son application, il n'était soumis à aucune règle, à aucun principe ; parce qu'on l'admettait dans un cas et qu'on le rejetait dans l'autre ; parce qu'on le rejetait, par exemple, pour la province de Namur ; parce qu'on le rejetait encore quand il est question de décider entre Turnhout et Malines ; parce qu'on le rejetait quand il est question de décider entre Nivelles et Louvain ; parce qu'on le rejetait encore quand il s'agissait de décider entre Tournay et Ath, et qu'on l'admettait seulement dans deux cas spéciaux.
M. Lebeau. - Entre Soignies et Ath.
M. de Naeyer. - Non ; plutôt entre Tournay et Ath. Tournay est doublement privilégié, et Ath est doublement négligé. Si vous admettez le système des compensations, vous devez changer cet ordre de choses. Vous avez à Tournay un député pour une fraction de population, et un sénateur pour une fraction de population. Il existe à Ath une fraction pour les représentants et une fraction pour les sénateurs, et ces deux fractions sont négligées.
Ce qui me porte donc à rejeter le système du gouvernement, c'est l'arbitraire qu'il consacre, et je repousse l'arbitraire, non parce qu'il m'est nuisible, mais parce que c'est de l'arbitraire, et je le repousserai toujours, sur les bancs de la gauche comme sur ceux de la droite. Et la preuve évidente, messieurs, que le système présenté par le gouvernement est entièrement arbitraire, c'est que je le défie de formuler ce système de manière qu'on sache quand il doit être appliqué et quand il ne doit pas l'être. C'est là une preuve évidente de l'arbitraire qui domine dans ce système.
Il y a un autre motif qui me détermine à repousser le système dont il s'agit, c'est qu'il agit réellement à rebours. En effet, messieurs, c'est au nom de l'équité qu'on veut introduire ce système ; et quel en est le résultat ? Mais le résultat en est, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Lebeau, d'accorder le plus à celui qui a le moins de titres et d'accorder le moins à celui qui a le plus de titres. Ce résultat n'est-il pas en opposition manifeste, flagrante avec le principe de l'équité, que l'on prend pour base de ce système ? Je suis donc fondé à dire que c'est un système qui opère à rebours.
Messieurs, on a contesté que le droit de nommer un représentant est plus important que celui de nommer un sénateur ; mais les considérations que j'ai fait valoir à l'appui de la thèse contraire n'ont pas même été abordées. Est-il vrai, oui ou non, que les attributions des représentants sont plus étendues ? Est-il vrai, oui ou non, que la chambre des représentants a l'initiative de toutes les mesures de dépenses ? Est-il vrai, oui ou non, que les mesures de dépenses peuvent avoir une importance extrêmement grande pour une localité ? Est-il vrai, oui ou non, que le contrôle des électeurs s'exerce tous les quatre ans sur les représentants, et qu'il ne s'exerce que tous les huit ans sur les sénateurs ? Est-il vrai, oui ou non, que dans ce contrôle plus fréquent se trouve une garantie, et une garantie très forte de la bonne gestion des intérêts des électeurs, de la défense active de leurs droits ? Maintenant de quoi s'agit-il ? De régler des droits électoraux, de faire une distribution des droits électoraux. Eh bien, qu'est-ce que le droit électoral ? C'est une garantie accordée à l'électeur de la bonne gestion de ses intérêts.
(page 1086) Je suis donc fondé à dire que, pour apprécier l'importance du droit électoral, vous n'avez qu'à mesurer l'importance de la garantie accordée à l'électeur. Or, le contrôle qui s'exerce au bout de quatre ans est certainement beaucoup plus important que celui qui ne s'exerce qu'au bout de huit ans. Cela est clair comme le jour.
Je le répète, messieurs, il ne faut pas même s'attacher aux attributions du sénat et de la chambre des représentants ; ce n'est là que l'accessoire ; la question principale, c'est le droit d'élection s'exerçant à l'égard des représentants et à l'égard des sénateurs. Or, la valeur de ce droit est plus grande à mesure que la garantie donnée à l'électeur devient plus grande, et cette garantie est plus grande lorsque l'élection se renouvelle tous les quatre ans, que lorsqu'elle se renouvelle seulement tous les huit ans. La différence est du double.
Messieurs, on a prétendu que le système de compensation a été suivi en 1831. Je ne sais pas si je dois revenir sur cette observation. L'honorable M. Lebeau, qui a pris une part très large au décret de 1831, a, je pense, démontré à la dernière évidence, que le système de compensation préconisé aujourd'hui, a été complètement abandonné en 1831.
Effectivement, l'honorable M. Dubus a cherché avec soin s'il ne trouverait pas une toute petite application de ce système dans la loi de 1831, et il en a découvert une, mais c'en est une que je puis appeler homéopathique. Voici ce qui a eu lieu.
Il s'agissait de savoir s’il fallait accorder un représentant en plus à Bruges ou bien à Courtray. Or il est arrivé qu'on l'a accordé à Bruges, bien que Bruges eût une fraction de population un peu moins élevés que la fraction excédante de Courtray ; il y avait une différence de 19 habitants, ce qui ne faisait pas 1 par 1,000. Eh bien, messieurs, s'agit-il aujourd'hui d'une différence de cette nature ? S'agit-il encore une fois d'une différence de 1 par 1,000 ? Non c'est une différence qui va de 10 à 15 par cent. C'est bien différent, mais c'est toujours le même système.
M. Dubus (aîné). - C'est notre système, c'est le système de l'honorable M. Lebeau qui veut dans tous les cas accorder tous les avantages au chiffre le plus élevé, quelque faible que soit la différence.
M. de Naeyer. - Et votre système, s'il était raisonnablement appliqué, devrait avoir pour résultat que jamais aucune localité ne pût être doublement avantagée quels que fussent les excédants de population. C’est ainsi qu’il est formulé dans l’exposé des motifs. Eh bien, dans l’application vous reculez devant ce système, vous reculez devant les conséquences de votre œuvre, cela a été démontré à satiété. En 1831, on a négligé une différence qui n'était pas même d'un par mille, et cela, dit-on, par un principe de compensation. Aujourd'hui on veut faire de la compensation même avec une différence de 10 à 15 p. c., on n’en veut pas encore avec une différence de 20 ou 30 p. c., et l'on viendra soutenir qu'il y a de l'unité dans une telle conduite, qu'il s'agit là d'un système ! Mais vous voyez bien que vous ne savez pas où vous vous arrêterez. Il n'y a aucune limite fixée par un principe, par une idée régulatrice ; c'est de l'arbitraire et rien que de l'arbitraire.
Messieurs, on a prétendu qu'Alost n'avait pas à se plaindre parce que déjà Alost jouit, depuis 1831, d'une représentation exagérée au sénat.
On a oublié d'ajouter en quoi consistait cette représentation exagérée. Alost avait une fraction très forte pour obtenir la nomination d'un second sénateur ; cette fraction allait à 70 p. c. D'ailleurs s'il y avait sous ce rapport un avantage, personne évidemment ne pouvait invoquer avec quelque apparence de raison un titre en concurrence avec celui de l'arrondissement d'Alost. Mais si, sous ce rapport, il y a un petit avantage, d'un autre côté, nous avons eu, depuis 1831, une fraction de population assez importante qu'on a négligée, pour notre représentation dans la chambre où j'ai l'honneur de siéger ; cette fraction est de 30 p. c. On n'est donc pas fondé à dire que nous avons été privilégiés d'une manière quelconque.
On dit qu'après tout les arrondissements de Liège et d'Alost n'auront pas à se plaindre, parce que Liège n'a pas un droit absolu à la nomination de six représentants, ce district n'ayant pas une population de 240,000 habitants.
D'un autre côté, le district d'Alost n'a pas un droit absolu à la nomination de 4 représentants, puisque la population est inférieure à 160,000 habitants.
Mais, messieurs, s'agit-il ici de droits absolus ? Evidemment non ; il s'agit de prononcer entre deux districts concurrents.
Dans cette position, à quoi faut-il s'attacher ? A la recherche du droit absolu ? Mais non ; puisqu'il s'agit de se prononcer seulement entre deux districts, il faut s'attacher exclusivement au droit relatif le plus fort.
Et comment ! Liège n'aurait pas à se plaindre ! Cependant la population de ce district est supérieure de 123,000 habitants à celle du district de Verviers, de manière que Liège a un droit rigoureux à avoir à la chambre des représentants 3 représentants de plus que Verviers. Et quel résultat amène le projet de loi ? C'est que Liège n'aura que deux représentants de plus que Verviers. Evidemment il y a là violation d'un droit relatif rigoureux.
La même observation est applicable à Alost. Ce district a une population de 42,000 habitants de plus que celui de Termonde, par conséquent Alost a un droit rigoureux à avoir un représentant de plus que Termonde, parce que, pour avoir ce droit, il ne lui faudrait que 40,000 habitants de plus, et Alost a 42,000 habitants de plus que le district de Termonde.
Encore une fois avec votre système de compensation, vous violez ce droit, vous le méconnaissez complètement, puisque vous accordez le même nombre de représentants aux deux districts.
Je veux bien qu'on fasse de l'équité ; mais l'équité ne peut venir qu'en aide à la justice ; il ne faut pas que l'équité vienne renverser le résultat que la justice indique ; il ne faut pas que l'équité puisse entraîner la violation d'un droit. Cela est évident.
L'honorable M. Dedecker a dû reconnaître que le système que nous combattons, n'exclut pas l'arbitraire ; mais il a ajouté que l'arbitraire est une chose pour ainsi dire inévitable, quand il s'agit de procéder par voie d'équité.
Je ne partage pas cette opinion ; l'équité a ses principes, ses règles qu'il faut respecter. Or, un principe évident d'équité veut qu'on n'accorde pas le plus à celui qui a le moins de titres et qu'on n'accorde pas le moins à celui qui a le plus de titres. Un autre principe d'équité, c'est qu'on n'ait pas deux poids et deux mesures. Cela est en quelque sorte élémentaire. Eh bien ! ces deux principes d'équité, on les viole, on les foule aux pieds et l'on prétend sérieusement que c'est là de l'équité !
Ne dites donc pas que l'arbitraire est ici l'effet nécessaire d'un système d'équité ; cela n'est pas ; ce n'est pas de la bonne équité, il ne faut pas une équité élastique que l'on peut arranger selon les intérêts, les passions du moment. Une semblable équité, c'est de l'arbitraire. Pour faire de la bonne équité, il faut des règles, des principes ; or, l'absence de principes et de règles, dans l'application du système qu'on cherche à faire prévaloir, prouve évidemment que ce n'est pas ici la bonne équité qu'on veut suivie.
Messieurs, ainsi que je l'ai dit dans un premier discours, il s'agit avant tout de déterminer l'ordre dans lequel nous devons procéder. A cet égard, la Constitution nous trace la marche que nous avons à suivre. Qu'a fait la Constitution ? Elle a fixé avant tout le nombre des membres de la chambre des représentants ; elle a fixé ce nombre d'après la population. Ce n'est qu'en second lieu qu'elle s'est occupée du nombre des sénateurs et elle a déterminé ce nombre d'après le nombre des représentants. Voilà la marche que nous avons à suivre : faisons d'abord la répartition des représentants ; faisons-la en prenant en considération la population des différents districts ; et évidemment alors nous devrons donner la préférence à la fraction la plus forte, parce que là existe le droit relatif le plus fort.
La question des compensations ne peut venir qu'en second lieu ; en faisant votre répartition des sénateurs, si alors vous pouvez, sans anomalie, accorder une compensation à tel ou tel district, je suis prêt à y donner la main ; mais je repousse le système des compensations faites à priori, alors qu'aucun avantage n'est encore accordé.
Vous avez rejeté le système des alternats. Pourquoi l'avez-vous rejeté ? Vous ne l'avez pas rejeté, parce qu'il n'est pas équitable ; tout le monde convient que c'est le système le plus juste et le plus équitable, puisqu'il a pour objet de proportionner le droit au titre ; mais vous l'avez rejeté, parce qu'il pouvait amener des difficultés dans l'exécution.
Eh bien, si dans la seule compensation équitable qui puisse être pratiquée, vous découvrez des anomalies, des difficultés, des inconvénients, ce n'est pas, pour moi, une raison de faire une mauvaise compensation.
C'est une raison pour rejeter lotit le système et rien autre chose.
Messieurs, on s'est récrié contre le système de la prépondérance numérique et les conséquences qu'il pourrait entraîner. D'abord avec ce système il n'y a pas d'injustice possible, nulle part il ne donne lieu à la violation d'un droit rigoureux ; puisque vous attachez toujours le droit à la fraction la plus forte, vous donnez la préférence au titre relatif le plus fort.
Mais après tout, ce système n'est-il pas la base du régime constitutionnel ? N'est-ce pas la prépondérance numérique qui obtient la préférence dans cette enceinte ? N'est-ce pas la prépondérance numérique qui fait les lois ? Songe-t-on à établir une compensation ?
Quand une majorité a fait une loi sur un objet, propose-t-en d'accorder à la minorité par compensation le droit de faire la loi sur un autre objet ? Dans les collèges électoraux, n'est-ce pas la même chose ? Quand un candidat l'a emporté à une faible majorité, par exemple à la majorité d'une voix ou même d'une demi-voix, la minorité très forte qui s'est prononcée contre cette nomination pourrait dire avec quelque raison qu'elle n'est pas représentée, que le candidat qui a été élu ne représente pas ses intérêts, ses besoins, ses idées, ses opinions à elle. Songe-t-on alors à faire de la compensation ? Dit-on à cette minorité : Consolez-vous, nous n'avons pu vous accorder la nomination du sénateur, par exemple, vous ne serez pas représentée au sénat, mais l'équité veut que vous ayez quelque chose ; eh bien, vous nommerez le représentant. Voilà des idées qui ne viennent à l'esprit de personne. C'est que la prépondérance numérique est l'essence du régime constitutionnel. Il faut donc admettre également ici cette règle, ce principe comme une nécessité constitutionnelle, comme la base nécessaire du droit, sans cela, vous tomberez dans l'arbitraire, dans le régime du bon plaisir dont je ne veux en aucune manière. J'ai dit.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Nous ne suivrons pas l’honorable représentant d'Alost dans l'appréciation de l'importance relative des districts d'Alost et de Termonde ; mais puisqu'il a reproduit l'accusation d'injustice contre le projet du gouvernement, qu'il nous permette de reproduire l'accusation d'une injustice bien autrement grave contre son projet.
Il est bien facile de l'établir. Pour le sénat et pour la chambre, il y a à répartir entre Alost et Termonde six représentants et trois sénateurs, ensemble douze voix. La différence entre les populations des deux districts est de 41,363 en faveur du district d'Alost ; eh bien, Alost obtient (page 1087) sept voix et Termonde cinq ; il s'ensuit que pour 41,363 habitants de plus que Termonde. Alost obtient deux voix de plus. M. de Naeyer voudrait qu'on lui en attribuât trois en plus. Ne suffit-il pas d'exposer ces chiffres pour faire tomber d'un coup tout son discours ?
Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. Lys. - Je demande la parole contre la clôture. Messieurs, vous avez entendu les discours de deux membres à l'appui de l'amendement présenté ; ces deux discours ont tenu toute la séance, et vous n'avez pas entendu un seul membre qui ait pris la parole pour rétorquer leurs arguments. Si la chambre veut bien m'entendre, je m'engage à ne pas l'occuper plus de cinq minutes. Il y aurait inconvenance, je dis même qu'il y aurait déni de justice à ne pas m'accorder la parole en cette circonstance.
- La clôture est mise aux voix, elle n'est pas adoptée.
M. le président. - La parole est à M. Delfosse.
M. Delfosse. - Je n'ai rien à ajouter au discours plein de raison que vous venez d'entendre.
M. Lys. - Mon honorable ami M. Delfosse m'a donné dans une précédente séance une petite leçon de conduite parlementaire ; il a dit que j'aurais mieux fait de ne pas me mêler du débat et de laisser parler ceux de mes collègues qui sont désintéressés dans la question ; que Liège et Verviers ne devraient jamais se combattre dans cette enceinte, mais au contraire toujours se donner la main. Il me semble que l'honorable membre n'a pas remarqué que c'est précisément ainsi que je me suis d'abord conduit. A la première séance, je n'ai pas pris la parole ; la discussion générale a été sur le point d'être close.
L'honorable M. Lebeau avait pris la parole contre mon système. M. le ministre de l'intérieur lui avait répondu, je pensais qu'il y avait compensation ; mais dans la deuxième séance l'honorable comte Le Hon est venu parler en faveur du système de M. Lebeau, j'ai cru alors qu'il convenait que je prisse la parole en faveur du district de Verviers. Si j'avais gardé le silence, on aurait pu en inférer que Verviers n'avait rien de bon à objecter à l'amendement présenté.
L'honorable M. de Naeyer vous a dit que Liège l'emportait sur Verviers, que Liège avait 1.37 à faire valoir, tandis que Verviers n'avait que 0.75.
L'honorable membre n'a pas remarqué que, dans la loi proposée, Liège recevait un sénateur en plus ; que, par suite, au lieu d'avoir 4.57, il n'avait plus à faire valoir que 0.37 tandis que Verviers lui en oppose 0.75 ; peut-on donner à Liège un représentant pour 37 centièmes, tandis que Verviers pour 75 n'en recevrait pas ? Vous donneriez ainsi un représentant à qui il manque 2/3 pour y avoir droit et vous le refuseriez à qui il ne manque qu'un quart, à Verviers ! Si nous consultons le chiffre de la population, nous aurons la preuve évidente que le projet du gouvernement, en ce qui concerne Liège et Verviers, est de la plus rigoureuse exactitude.
La population du district de Liège est de 223,121 habitants ; pour avoir droit à cinq représentants, comme on les lui donne dans le projet, il faut 200 mille habitants ; ainsi de ce chef il n'a que 23,121 habitants d'excédant ; mais d'un autre côté, on donne à Liège trois sénateurs. Pour avoir droit à trois sénateurs, il faut 240 mille habitants ; il lui manque donc là 16,879 habitants. Ainsi on a donné à Liège un sénateur en plus, ce qui compense largement la perte qu'il fait sur le représentant. Si vous donniez à Liège six représentants, Liège aurait un déficit de 16,879 habitants pour ses représentants et un déficit de 16,879 habitants encore pour ses sénateurs.
De sorte que le déficit serait de 33,758 habitants.
Si vous ne donnez pas à Verviers un représentant de plus, ce district aura, pour la chambre des représentants, un excédant de vingt mille cent quarante-trois habitant, pour le sénat un excédant de vingt mille cent quarante-trois habitais. Ce qui fait un excédant de quarante-mille deux cent quatre-vingt-six habitants. Ainsi à celui qui aurait un déficit de 33,758 habitants vous donnerez un représentant. A celui qui aurait un excédant de 40,286 habitants vous n'en donnerez pas.
Si, après avoir comparé la population, nous comparons le nombre des électeurs des deux districts, vous reconnaîtrez qu'il y aurait la même injustice. Elle serait même bien plus forte. En effet, l'arrondissement de Liège a 2,095 électeurs ; celui de Verviers en a 1,316. Ainsi, d'après le projet de loi qui donne cinq représentants à l'arrondissement de Liège, on lui donnerait un représentant par 419 électeurs. Le projet de loi, en donnant trois représentants à l'arrondissement de Verviers, lui en donnerait un par 438 électeurs.
Ainsi le nombre des électeurs est, relativement à la population, plus considérable à Verviers.
Si vous admettez les prétentions de l'amendement de l'honorable M. Lebeau, l'arrondissement de Liège aura un représentant par 349 électeurs ; l'arrondissement de Verviers n'en aura qu'un par 658 électeurs.
Vous voyez l'énorme différence ; elle serait de près de moitié.
Je crois que cela démontre combien il y a de justice d'admettre la proposition du gouvernement, en ce qui concerne Liège et Verviers.
M. Dedecker. - Je ne tiendrai pas la chambre longtemps. Je conçois parfaitement qu'elle ait hâte d'en finir.
Au début de la séance actuelle, l'honorable M. Lebeau a défendu de nouveau, comme vient de le faire l'honorable M. de Naeyer, leur opinion primitive qui consiste à ne reconnaître à la loi de 1831 que la seule base de la préférence à accorder aux excédants de population les plus élevés.
Je crois inutile d'examiner de nouveau ce système ; les convictions de part et d'autre sont formées ; je ne pense pas que les considérations qu'on pourrait faire valoir dans un sens ou dans un autre, pourraient y rien changer.
Il me tarde de faire remarquer cependant que cette argumentation est surabondante, qu'elle n'est nullement concluante. Sans doute, messieurs, il est à désirer qu'il y ait de l'esprit de suite dans la législation, qu'on respecte les traditions parlementaires, qu'on évite autant que faire se peut de modifier profondément le principe des lois qu'on est appelé à réviser. Mais, ne le perdons pas de vue, avant tout il faut tâcher de faire des lois justes, sans trop se préoccuper des antécédents parlementaires.
Ainsi, en supposant même que le système de compensation ne fût pas consacré par la loi de 1831, encore faudrait-il prouver que dans les cas spéciaux auxquels on propose de l'appliquer, notamment pour les arrondissements de Termonde et d'Alost, la compensation ne serait pas rationnelle et équitable. Or, la position respective de ces arrondissements vous prouve que la compensation est le seul moyen d'arriver à ce qui constitue le but de la loi, c'est-à-dire à la répartition la plus exacte possible de la population. C'est pour ce motif que j'ai demandé la conservation dans la loi d'un principe d'équité, représenté par la formule de la compensation. En général, je l'avoue franchement, je ne suis point partisan des principes d'équité, en ce sens que, dans leur application, ils prêtent plus ou moins à l'arbitraire. Mais, parce qu'on redoute un arbitraire possible dans l'avenir, faut-il consacrer, en ce moment, une injustice réelle ?
Dans le projet de répartition proposée par le gouvernement, y a-t-il | arbitraire ? Voilà toute la question.
Car, ne trouvant qu'une population insuffisante pour donner ouverture à un droit rigoureux, nous devons bien avoir forcément recours à l'admission d'un principe d'équité.
Que vous demande l'arrondissement d'Alost ? Car je ne sais plus vraiment quelles sont ses prétentions. L'honorable M. Lebeau demande que le représentant en plus soit attribué à Alost ; c'est-à-dire que le district d'Alost aurait 4 représentants et conserverait 2 sénateurs, tandis que celui de Termonde ne conserverait que ses 2 représentants et son seul sénateur. et pourquoi tous ces avantages accumulés en faveur du district d'Alost ? Parce qu'il manque au district de Termonde 2,000 habitants pour avoir le même droit que celui d'Alost à la nomination du représentant en plus. On parle de violations de principes, d'anomalies ; c'est là que je trouve la violation d'un principe, c'est là que je signale une anomalie !
Messieurs, cette prétention, cette proposition de l'honorable M. Lebeau a paru tellement exorbitante même aux honorables membres qui représentent spécialement le district d'Alost et aux habitants même d'Alost, qu'ils n'osent pas aller jusque-là ; ils se contenteraient de volontiers moins.
Alost ne demande pas, paraît-il, à obtenir un représentant en plus, tout en conservant son deuxième sénateur ; non, ce district fait bon marché d'un de ses deux sénateurs, pourvu qu'on lui accorde un nouveau représentant. C'est en ce sens qu'a parlé l'honorable M. de Naeyer ; c'est en ce sens, si je ne me trompe, qu'est formulée la pétition d'Alost déposée suc le bureau.
Malheureusement, messieurs, en voulant éviter une anomalie on en rencontre une autre infiniment plus choquante. En effet, dans ce système, le district d'Alost aurait quatre représentants et seulement un sénateur ; celui de Termonde aurait le même nombre de représentants que de sénateurs. En d'autres termes, le district d'Alost serait représenté à la chambre en raison de 160,000 habitants, et, au sénat seulement en raison d'une population de 80,000 habitants ! Ce seul rapprochement me paraît tellement choquant que je ne puis considérer cette proposition comme sérieuse.
M. Desmet, lui, met en avant un autre système, qui consiste à demander le rétablissement de l'alternat, dont personne ne veut plus. En définitive, que veut donc l'arrondissement d'Alost ? Voici donc, messieurs, comment il convient d'envisager la position respective des deux districts. Le district d'Alost ayant été privilégié depuis seize ans, pour sa représentation au sénat, en ce sens qu'il a eu, depuis seize ans, un deuxième sénateur auquel il n'avait pas un droit rigoureux, il faut aujourd'hui tenir compte de cet avantage. Il ne faut donc pas lui accorder par la loi actuelle un représentant de plus, alors que l'excédant de population donnant droit à cette augmentation de représentation, est à peu près le même pour les deux districts. Messieurs, je n'insisterai pas davantage.
L'honorable M. de Naeyer, attachant une importance exagérée à des considérations secondaires que je n'avais fait valoir que pour prouver l'importance du district qu'on propose de sacrifier à celui d'Alost, a trouvé l'occasion d'exercer sa verve. Nous savions tous que notre honorable collègue a beaucoup d'esprit ; il nous en a donné une preuve rigoureux à une augmentation de représentation, pas plus que celui de Termonde, qu'il faut donc recourir à l'application d'un principe d’équité. Or, dans une question d'équité il y a beaucoup de considérations dont on doit tenir compte et qui, dans d'autres circonstances, pourraient être négligées ; car si je ne veux pas que l'une population soit sacrifiée à l'autre, je ne veux pas, moi non plus, de l'arbitraire ; je ne veux que l'équité.
(page 1088) Messieurs, je termine. Je ne demande qu'une chose, c'est que la chambre juge la question qui lui est soumise avec son bon sens ordinaire, avec sa bonne foi ordinaire.
- La clôture est demandée.
M. de Breyne (contre la clôture). - Messieurs, je voudrais que la chambre me permît de dire quelques mots.
M. Desmet (contre la clôture). - Messieurs, je n'aurai que deux mots à dire. Je désire faire observer que M. le ministre de l'intérieur n'a nullement répondu à nos discours.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Le premier amendement se rattache à la Flandre occidentale. C'est celui de M. Clep, ainsi conçu :
« Les arrondissements de Furnes, d'Ostende et de Dixmude éliront ensemble deux sénateurs. »
Je mets cet amendement aux voix.
Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. Clep.
73 membres répondent à l'appel nominal.
35 votent l'adoption.
36 votent le rejet.
2 (MM. Mercier et Eloy de Burdinne) s'abstiennent. En conséquence l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Henot, Huveners, Lejeune, Malou, Mast de Vries, Orban, Rodenbach, Scheyven, Simons. Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant, Clep, d’Anethan, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Saegher, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumortier, Fallon.
Ont voté le rejet : MM. Joint, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Manilius, Nothomb, Orts, Pirmez, Pirson, Rogier, Sigart, Troye, Verhaegen, Veydt, Anspach, Biebuyck, Cans, Castiau, David, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Naeyer, de Renesse, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Fleussu.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Mercier. - Messieurs, je me suis abstenu parce que, d'une part, je reconnais que des considérations d'équité militaient en faveur de l'amendement, mais que, d'autre part, je crois que cet amendement était contraire au principe admis dans d'autres dispositions de la loi.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je me suis abstenu parce je reconnais que diverses considérations militaient en faveur de l'amendement, mais que, d'autre part, il était contraire au principe que j'ai défendu, qu'il est utile de ne pas avoir des districts électoraux trop étendus.
M. le président. - Je mets aux voix la disposition introduite dans le projet par la section centrale, et à laquelle M. le ministre de l'intérieur s'est rallié :
« Ces deux arrondissements éliront ensemble un sénateur ; le bureau principal est établi à Furnes. »
- Cette disposition est adoptée.
M. le président. - Nous passons à la Flandre orientale. M. Lebeau propose un amendement ainsi conçu :
« Arrondissement d’Alost : quatre représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de Termonde : deux représentants, un sénateur. »
Je mets cet amendement aux voix.
- Le vote par appel nominal est demandé. En voici le résultat :
73 membres prennent part au vote.
29 votent pour l'amendement.
44 votent contre.
En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté pour l'amendement : MM. Jonet, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Orts, Pirson, Rogier, Sigart, Verhaegen, Anspach, Cans, Castiau, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, de Haerne, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Naeyer, de Sécus, Desmet, de Tornaco, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Fleussu.
Ont voté contre : MM. Henot, Huveners, Lejeune, Liedts, Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Orban, Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Biebuyck, Brabant, Clep, d'Anethan, David, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Lannoy, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Saegher, de Terbecq, de Theux, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon.
M. le président. - Un second amendement présenté par M. Lebeau concerne la province de Liège ; il est ainsi conçu :
« Arrondissement de Liége, six représentants, trois sénateurs.
« Arrondissement de Verviers, deux représentants, un sénateur. »
- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - Reste l'article premier tel qu'il est proposé par la section centrale.
« Art. 1er. Le tableau de la répartition des représentants et des sénateurs annexé à l'article 55 du décret du 3 mars 1831, modifié par la loi du 3 juin 1839, est remplacé par le tableau suivant :
« Anvers. »
10 représentants et 5 sénateurs :
« Arrondissement d'Anvers. Cinq représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de Malines. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de Turnhout. Deux représentants, un sénateur.
« Brabant.
« 17 représentants et 9 sénateurs.
« Arrondissement de Bruxelles. Neuf représentants, cinq sénateurs.
« Arrondissement de Louvain. Quatre représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de Nivelles. Quatre représentants, deux sénateurs.
« Flandre occidentale.
« 10 représentants et 8 sénateurs.
« Arrondissement de Bruges. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement d'Ypres. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Courtray. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de Thielt. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Roulers. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Furnes. Un représentant.
« Arrondissement d'Ostende. Un représentant.
« Ces deux derniers arrondissements éliront ensemble un sénateur ; bureau principal est établi à Furnes.
« Arrondissement de Dixmude. Un représentant, un sénateur.
« Flandre orientale.
« 20 représentants et 10 sénateurs
« Arrondissement de Gand. Sept représentants, trois sénateurs.
« Arrondissement d'Alost. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de St-Nicolas. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement d'Audenarde. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Termonde. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement d'Eecloo. Un représentant, un sénateur.
« Hainaut.
« 18 représentants et 9 sénateurs.
« Arrondissement de Mons. Quatre représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de Tournay. Quatre représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de Charleroy. Trois représentants, deux sénateurs.
« Arrondissement de Thuin. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Soignies. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement d'Ath. Deux représentants, un sénateur.
« Liège.
« 11 représentants et 6 sénateurs
« Arrondissement de Liège. Cinq représentants, trois sénateurs.
« Arrondissement de Huy. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Verviers. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Waremme. Un représentant, un sénateur.
« Limbourg.
« 5 représentants et 2 sénateurs.
« Arrondissement de Hasselt. Deux représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Tongres. Deux représentants.
« Arrondissement de Maeseyck. Un représentant.
(page 1089) « Ces deux derniers arrondissements éliront ensemble un sénateur ; le bureau principal est établi à Tongres.
« Luxembourg
« Arrondissement d'Arlon. Un représentant.
« Arrondissement de Bastogne. Un représentant.
« Arrondissement de Marche. Un représentant.
« Arrondissement de Neufchâteau. Un représentant.
« Arrondissement de Virton. Un représentant.
« Les arrondissements réunis de Neufchâteau et de Virton éliront un sénateur ; le bureau principal est établi à Neufchâteau.
« Les arrondissements d'Arlon, de Bastogne et de Marche éliront également ensemble un sénateur ; le bureau principal est établi à Arlon.
« Namur.
« 6 représentants et 5 sénateurs.
« Arrondissement de Namur. Trois représentants, un sénateur.
« Arrondissement de Philippeville. Un représentant.
« Les arrondissements de Namur et de Philippeville éliront alternativement un sénateur. La première élection appartiendra à Philippeville.
« Arrondissement de Dinant. Deux représentants, un sénateur. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. La présente répartition sera appliquée aux élections pour le renouvellement partiel ou intégral des chambres.
« Les membres des deux chambres à élire, en exécution de la présente loi, pour les provinces dont la députation n'est pas renouvelée cette année, ne seront nommés que pour le délai qui reste à courir jusqu'à l'expiration du mandat des districts qu'ils seront appelés à représenter. »
- Adopté.
M. le président. - M. Le Hon a proposé d'ajouter aux considérants ces mots : « Vu les articles 49 et 55 de la Constitution. »
M. Dubus (aîné). - Messieurs, j’appellerai l'attention de la chambre sur le nouveau système dans lequel on veut la faire entrer : c'est d'ajouter à la loi des considérants. Je ferai remarquer que cela est contraire à tous les précédents parlementaires. Soit au congrès, soit à la chambre, on a toujours été d'avis que les lois n'auraient ni motifs ni considérants. Je me rappelle que plus d'une fois, sur la proposition de l'honorable M. de Brouckere, on a supprimé les considérants qui étaient joints à un projet de loi.
A cet égard, messieurs, j'appelle l'attention de la chambre sur la loi électorale elle-même. S'il y avait une loi en tête de laquelle il aurait été convenable de rappeler les articles 49 et 55 de la Constitution, c'est la loi électorale. Eh bien, vous ne lisez pas en tête de cette loi : « Vu les articles 49 et 55 de la Constitution. » Pourquoi ajouterait-on cette phrase en tête du projet actuel ? Je n'en vois réellement pas la nécessité, et ce serait contraire, je le répète, à la règle que les chambres se sont prescrite jusqu'ici dans la rédaction des lois.
M. Le Hon. - Messieurs, si le projet de loi n'était précédé d'aucune considération, si l'on ne relatait, avant l'article premier, aucune loi antérieure, je n'aurais certes pas soulevé l'objection ni présenté de proposition formelle. Mais quel est le début du projet de loi ?
« Vu les résultats du recensement de la population du royaume, opéré le 15 octobre dernier ;
« Vu le décret du 3 mars 1831 et la loi du 3 juin 1839 ;
« Les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit. »
J'ai demandé que l'on fit précéder ces mots par ceux-ci : «< Vu les articles 49 et 55 de la Constitution.» Je ne comprends pas que, lorsque vous voulez, en conformité de ces dispositions constitutionnelles, compléter le chiffre des membres de la représentation nationale, et lorsque vous rappelez des lois secondaires, vous ne mentionniez pas le principe, l'origine de ces lois.
Pourquoi ces lois ont-elles été faites ? Sans doute comme corollaires de la Constitution, dont elles organisaient l'exécution, et comme conséquence des articles 49 et 55. Dès lors, ou vous devez effacer toute mention des lois antérieures, ou vous devez mentionner la loi des lois, les articles 49 et 55 de la Constitution.
Je propose donc la suppression de tous considérants, ou l'adjonction de la mention des articles 49 et 55 de la Constitution.
M. Dubus (aîné). - L'honorable préopinant a tout à fait raison, s'il suppose que ce qui se trouve en tête du projet de la section centrale, doit se trouver en tête de la loi. Mais il n'en est pas ainsi. Les considérants qui se trouvent en tête du projet de la section centrale sont le résultat d'une erreur d'impression. Car ces considérants ne se trouvent pas visés en tête du projet de loi qui nous a été soumis par le gouvernement ; ils sont simplement visés en tête de l'arrêté royal qui charge le ministre de présenter ce projet.
Voici ce que nous trouvons en tête du projet présenté par le gouvernement :
« Le projet de loi dont la teneur suit sera présenté en notre nom à la chambre des représentants, par notre ministre de l'intérieur :
« Loi sur la répartition des représentants et des sénateurs.
« Art. 1er. Le tableau, etc. »
Il n'y a aucun considérant.
Mais le Roi, dans l'arrêté par lequel il ordonne que ce projet de loi sera présenté en son nom à la chambre des représentants, prend en considération les résultats du recensement, et il vise le décret du 3 mars 1831. Ce sont, je le répète, les motifs de l'arrêté royal et nullement les motifs du projet.
Ainsi, l'honorable membre est bien fondé à demander le retranchement des considérants qui se trouvent en tête du projet de la section centrale et qui ne s'y trouvent que par erreur.
M. Le Hon. - Je n'ai demandé la mention de la loi constitutionnelle, que parce que j'ai vu le visa d'une loi secondaire. S'il est supprimé, cela ne préjuge rien ni pour, ni contre mon système, et par conséquent, je n'insiste pas.
- La chambre, consultée, décide que les considérants seront supprimés.
M. le président. - Nous arrivons à l'amendement de M. Castiau.
Plusieurs membres. - A demain !
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter à la chambre un projet de loi tendant à proroger le délai d'exécution du chemin de fer du Luxembourg.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. Il sera imprimé et distribué.
La chambre le renvoie à la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer du Luxembourg.
M. Delehaye. - Messieurs, le gouvernement vient de présenter ce projet de loi, évidemment dans le but de procurer du travail à la classe ouvrière. Depuis trois semaines, l'adjudication du canal de Schipdonck a eu lieu ; jusqu'à présent on n'a pas mis la main à l'œuvre, parce que le gouvernement n'a pas approuvé l'adjudication.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Elle est approuvée depuis deux jours.
M. Delehaye. - La décision n'a pas encore paru au Moniteur ; du reste, je remercie M. le ministre de l'avoir prise.
- La séance est levée à 4 heures et demie.