(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 115) M. Huveners procède à l’appel nominal à 1 heure un quart.
La séance est ouverte.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Dubois demande qu’il soit pris des mesures pour obliger les détaillants à se servir de poids légaux. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Germain, sous-brigadier de la douane, pensionné, demande exemption du droit d’enregistrement auquel est assujettie la naturalisation qui lui a été accordée. »
- Même renvoi.
« Les secrétaires communaux dans l’arrondissement d’Alost demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la section centrale pour l’examen du budget du département de l’intérieur.
« Les membres d’une commission spéciale nommée par le conseil communal de Roulers prient la chambre de voter les fonds nécessaires pour la canalisation de la petite rivière le Mandel, afin de procurer du travail à la classe ouvrière des districts de Roulers et de Thielt. »
M. Rodenbach. - Une commission spéciale a été nommée par le conseil communal de Roulers, à l’effet de s’occuper d’une manière toute spéciale du projet de canalisation de la petite rivière du Mandel. Cette commission prie la chambre de vouloir bien accorder quelques fonds pour que l’on puisse commencer les travaux cet hiver. Dans ce moment, un grand nombre d’ouvriers sont sans travail et dans une situation malheureuse, Il serait important de s’occuper de cette petite canalisation agricole. Une demande a été faite au gouvernement qui désire s’en occuper ; mais les fonds nécessaires lui manquent. Je demande donc le renvoi de la pétition à la section cents-ale chargée de l’examen du budget du département des travaux publics.
- Ce renvoi est prononcé.
Lettre de M. Fallon, président de la cour des comptes, portant à la connaissance de la chambre qu’une place de conseiller à cette cour est vacante par la mise à la pension de M. le conseiller Marbais du Graty.
- Sur la proposition de M. le président, la chambre met la nomination d’un membre de la cour des comptes à l’ordre du jour pour le mardi 8 du mois prochain.
M. Sigart. - On m’assure que la partie commerciale du rapport de M. Blondeel est arrivée au gouvernement. Je demande à M. le ministre des affaires étrangères, par quel motif il ne l’a pas déposée sur le bureau.
Je dois lui demander aussi si une convention n’est pas intervenue entre l’Etat de Guatemala et la compagnie belge de colonisation, et si cette convention n’est pas de nature à nous imposer de nouveaux sacrifices.
Je dois insister une dernière fois pour obtenir les conclusions du gouvernement, conclusions tant de fois promises sinon par le ministre actuel, au moins par ses prédécesseurs. Je dois faire un dernier appel à ses sentiments d’humanité en faveur des malheureux qui périssent sur une plage meurtrière. Si le gouvernement est sourd à mon appel, s’il ne fait pas son devoir, je ferai le mien. J’ai annoncé une proposition ; je l’aurais déposée depuis longtemps, car je compte peu sur le gouvernement, si je n’avais été effrayé par les lenteurs du gouvernement. Je crois que je trouverai incessamment une occasion meilleure. Je ne manquerai pas de saisir. Les développements que je présenterai pour un amendement à un budget que nous aurons bientôt à discuter, seront en même temps une appréciation de la partie du mémoire de M. Blondeel dont nous avons connaissance.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J’avais précisément l’intention de déposer aujourd’hui ou demain la suite du rapport que M. Blondeel a adressé au gouvernement. Je pourrai, à la fin de la séance, satisfaire au désir exprimé par l’honorable préopinant.
L’honorable M. Sigart a demandé s’il n’était pas intervenu une convention avec l’Etat de Guatemala. D’abord, je ferai remarquer que si une convention avait été conclue, elle serait présentée à la sanction des chambres et soumise à leurs délibérations. Aucune convention n’est jusqu’ici intervenue entre l’Etat de Guatemala et le gouvernement belge.
M. Sigart. - Entre la compagnie et l’Etat de Guatemala.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Nous ignorons si ce fait existe.
M. Sigart. - Une convention que le gouvernement serait disposé à ratifier.
M. le ministre des finances (M. Malou). - La compagnie ne peut engager le gouvernement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Ce fait, s’il existe, ce que j’ignore, est étranger au gouvernement. J’avais cru que l’honorable membre parlait d’une convention qui serait intervenue entre le gouvernement belge et l’Etat de Guatemala, et je répondais qu’une telle convention n’existait pas, à notre connaissance du moins.
Quant à la compagnie, le gouvernement n’a pas à s’enquérir si elle fait des conventions ; mais dans tous les cas on sait que la compagnie n’a nullement le droit d’engager le gouvernement.
L’honorable M. Sigart fait, dit-il, un nouvel appel aux sentiments d’humanité du gouvernement à l’égard des orphelins et des Belges qui se trouvent à Santo-Thomas.
Messieurs, le gouvernement n’a négligé aucun de ses devoirs à cet égard. La question était très difficile. La chambre comprendra que si le. gouvernement a des devoirs à remplir, et il croit les avoir remplis, d’un autre côté, comme il a pris position vis-à-vis de la compagnie, de manière à ne pas intervenir dans ses affaires qui sont d’intérêt privé, il pouvait craindre, par une intervention inopportune, de dégager la compagnie des engagements que celle-ci a pris envers le gouvernement guatemalien et de subir une responsabilité qu’il ne peut accepter.
Le gouvernement a donné au consul belge à Guatemala toutes les instructions nécessaires pour que des secours soient apportés aux orphelins et aux colons nécessiteux, dans le cas où la compagnie serait dans l’impossibilité constatée de remplir ses obligations.
Du reste, si l’honorable membre a une proposition à faire, je ne trouve aucun inconvénient à ce qu’il la présente. S’il a des mesures à proposer que le gouvernement n’a pas employées, on les examinera, et la chambre pourra statuer.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. unique. Liste civile (mémoire) : fr. 2,751,322 75 c. »
« Art. unique. Sénat (mémoire) : fr. 30,000. »
« Art. unique. Chambre des représentants : fr. 395,450. »
- Le vote de ce chiffre reste subordonné à la fixation par la chambre de son budget.
« Art. 1er. Membres de la cour : fr. 58,000. »
M. Osy. - Messieurs, vous aurez été étonnés comme moi, de voir, dans le Moniteur de samedi dernier, qu’un membre de la cour des comptes, qui vient de donner sa démission, a été autorisé par le gouvernement, après avoir reçu la pension, à porter le titre de membre honoraire de cette cour.
Je sais fort bien que le gouvernement répondra qu’il a pu prendre son arrêté en vertu de l’article 7 de la loi générale des pensions. Cet article autorise le gouvernement à accorder des titres honorifiques aux personnes qui ont rendu de loyaux services au pays. Mais il est bien entendu, messieurs, que cet article 7 ne n’applique qu’aux personnes nominées par le Roi, tandis que l’article 107 de la Constitution attribue à la chambre des représentants la nomination des membres de la cour des comptes.
Il faut donc bien entendre l’article 7 de la loi des pensions. Je dis que d’après cet article chaque pouvoir dans ses attributions peut accorder des titres honorifiques ; mais je trouve que c’est une inconstitutionnalité de la part du gouvernement d’avoir accordé un titre honorifique à un membre de la cour des comptes, nommé par la chambre des représentants.
Messieurs, à cette occasion je ferai une observation sur l’article 7 de la loi des pensions. Cet article 7 a bien pour effet d’autoriser le gouvernement à donner des titres honorifiques aux personnes qui se sont distinguées dans les emplois civils ; le gouvernement a le même pouvoir en ce qui concerne les emplois militaires, et il faut accorder au fonctionnaire admis à la pension un grade honorifique supérieur au grade qu’il avait. Depuis quelque temps, messieurs, il est devenu en quelque sorte de règle générale d’accorder cette faveur tous ceux à peu près qui sont admis à la pension obtiennent un grade plus élevé. Ainsi tous les colonels admis à la retraite sont nommés généraux, et on a tellement abusé de ce pouvoir accordé au gouvernement qu’il serait effrayant de voir la liste des généraux que nous avons en Belgique. Je dis que le gouvernement ne doit user qu’avec réserve du droit que lui donne à cet égard la loi sur les pensions, qu’il ne doit accorder la distinction dont il s’agit qu’aux personnes qui ont réellement bien mérité.
Quant à l’affaire dont nous nous occupons maintenant, je soutiens que le gouvernement a commis une inconstitutionnalité en accordant un grade honorifique à un fonctionnaire à la nomination de la chambre. Remarquez, messieurs, que les membres de la cour des comptes sont nommés pour un terme de 6 ans ; pourquoi sont-ils nommés à terme ? Parce que dans la nomination d’un membre de la cour des comptes nous pourrions nous être trompés et que dans ce cas, au bout de six ans nous pourrions faire justice et nommer un autre membre. C’est donc à (page 116) nous et à nous seuls qu’il appartient de juger si la personne que nous avons nommée à bien rempli ses devoirs.
S’il en était autrement, messieurs, le gouvernement pourrait également donner un titre honorifique aux membres des députations permanentes, par exemple, qui sont également admissibles à la pension. Eh bien, les membres de la députation sont nommés par le conseil provincial dont les membres sont nommés par les électeurs. Je pense donc que le gouvernement n’a rien à faire en ce qui concerne ces fonctions. Il en est absolument de même pour les membres de la cour des comptes ; ce sont là des fonctions électives, et le gouvernement ne peut ni les conférer, ni les prolonger, en quelque sorte, d’une manière indirecte ; ce serait là une chose tout à fait contraire à la Constitution.
J’attendrai les explications de M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il pouvait se présenter, en effet, à l’occasion de la demande de mise à la retraite formée par M. Marbais du Graty, une question de prérogatives et de constitutionnalité. Je tiens à expliquer à la chambre comment j’ai traité cette question, et pourquoi je l’ai résolue dans le sens où elle l’a été.
Les membres de la cour des comptes sont nommés par la chambre des représentants. Lorsque la demande de pension de M. Marbais du Graty m’a été transmise par la cour des comptes, il s’est élevé dans mon esprit un doute sur le point de savoir si le gouvernement avait le droit, en dehors de toute participation de la chambre, d’admettre à la pension les membres de la cour des comptes. Ce doute, je l’ai soumis à la cour elle-même, avec les motifs qui l’avaient fait naître ; et la réponse qui m’a été faite par la cour m’a fait croire qu’il entrait dans les attributions du gouvernement, indépendamment de toute décision de la chambre, d’accepter la démission d’un membre de la cour.
Il y avait ici une circonstance toute spéciale. M. Mairais du Graty avait été admis à la pension en 1829 ; et aujourd’hui, il demandait, non pas une démission, mais une réadmission à la pension, en vertu de l’article 46 le la loi générale sur les pensions.
La cour, en me transmettant la demande, exprimait en même temps le vœu que M. Marbais du Graty qui, disait la coir, s’était utilement associé, pendant quinze années, à ses travaux, reçût, en vertu de l’article 7 de la loi générale sur les pensions, le titre honoraire de conseiller à la cour des comptes.
Messieurs, j’aurais compris l’argumentation qui vient de vous être présentée, si l’honorable M. Osy avait contesté au gouvernement le droit d’accepter la démission ou le droit de réadmettre à la pension ; mais du moment que l’on admet que le gouvernement peut accepter la démission d’un conseiller de la cour des comptes, on rentre évidemment dans les termes généraux de l’article 7 de la loi sur les pensions.
J’ai eu l’honneur d’être le rapporteur de la loi générale sur les pensions. Il y avait, en ce qui concerne les fonctionnaires électifs, des dispositions spéciales qui ont disparu dans la discussion. Ainsi, il a été clairement entendu que les membres des députations permanentes seraient soumis au droit commun, rentreraient dans les dispositions générales de la loi. Mais il y a plus : lorsque l’article 7 a été proposé à la chambre, une des sections a fait remarquer que cet article était inutile, attendu que le gouvernement pouvait conférer sans une loi ces distinctions purement honorifiques, et la section centrale, dont j’avais l’honneur d’être rapporteur, a déclaré expressément qu’elle maintenait l’article, parce qu’il y avait certaines catégories de fonctionnaires pour lesquelles ce droit du gouvernement était contestable ; et, bien que les catégories ne soient pas désignées, n’est-il pas évident que c’est principalement pour la magistrature et pour les fonctionnaires électifs que cet article a été maintenu ?
Je pense donc, d’après ces observations, que j’abrège autant que possible, qu’on ne peut pas contester au gouvernement le droit d’accepter la démission d’un membre de la cour des comptes, et que l’article 7 de la loi générale est applicable à ce cas. Il ne s’agit pas de conférer des fonctions, il s’agit de conférer une simple distinction honorifique qui ne donne aucun droit. Et veuillez remarquer les conséquences bizarres auxquelles on s’expose, si on n’admet pas ce système.
Evidemment, pour un membre d’une députation permanente, pour un conseiller de la cour des comptes qui aura un droit positif à cette récompense, il faudra, dit-on, qu’elle soit donnée par le corps qui aura nommé le fonctionnaire.
Ainsi l’on arriverait à cette conséquence que le membre d’une députation permanente devrait adresser une requête au conseil provincial pour obtenir le titre honorifique de membre de la députation permanente.
Au bout de 4 ans, il faudrait (passez-moi l’expression) qu’il vînt faire un nouveau bail de quatre ans pour conserver son titre honorifique. Lorsque de l’interprétation faite par l’honorable membre je fais sortir une conséquence aussi absurde, je confirme de nouveau l’interprétation seule logique de l’article 7 de la loi générale.
La cour des comptes a, comme vous savez, un règlement d’ordre intérieur, adopté par le Congrès, auquel aucun changement ne peut être apporté si ce n’est avec l’assentiment de la chambre des représentants. Ce règlement a prévu ce qui devait être fait en cas de vacature par décès ou démission. Il porte (article 13) que, dans ces cas-là, le président en donnera connaissance à la chambre des représentants. On donne connaissance du fait de la démission d’un membre de la cour des comptes à la chambre qui pourvoit à son remplacement. La cour des comptes a invoqué le texte de son règlement, pour prouver que, dans sa pensée, il ne pouvait exister aucun doute sur le droit du gouvernement d’accepter la démission de M. Marbais du Graty.
M. Dumortier. - Je ne veux pas suivre le gouvernement dans une voie que je considère comme contraire à la Constitution. C’est sous ce point de vue que je blâme l’acte posé par le gouvernement. Je regrette que le gouvernement ait mis à la pension M. Marbais du Graty, en lui donnant le titre honorifique de conseiller à la cour des comptes. C’est un acte inconstitutionnel. Il ne faut pas de grands efforts pour le prouver. Il suffit pour cela de lire l’article 116 de la Constitution.
Qui est-ce qui nomme les membres de la cour ? L’article 116 de la Constitution porte (paragraphe premier) : « Les membres de la cour des comptes sont nommés par la chambre des représentants et pour le terme fixé par la loi. »
Il y a deux choses dans cette disposition : 1° nomination faite par la chambre ; 2° nomination pour un terme fixé par la loi. Le gouvernement, en présence d’une telle disposition, a-t-il le droit de conférer le titre honorifique, si l’on veut, de conseiller à la cour des comptes à une personne quelconque ? Je dis que les termes de la Constitution sont tellement clairs que l’affirmative ne peut être soutenue avec la moindre apparence de fondement.
En vain objectera-t-on la loi sur les pensions, et l’article 13 du règlement de la cour des comptes ! Il sera facile de prouver qu’aucune de ces dispositions n’a violé l’article de la Constitution.
En effet, l’article 13 du règlement d’ordre de la cour porte qu’en cas de vacature par décès ou démission d’un membre ou du greffier de la cour des comptes, le président en donne connaissance à la chambre des représentants. Pourquoi ? Parce que la chambre qui a nommé peut seule recevoir la démission, sauf au gouvernement à liquider ensuite la pension, s’il y a lieu. Toujours est-il que le gouvernement a violé le règlement de la cour des comptes, qui a la force d’un décret, en accordant une démission qu’il ne lui compétait pas d’accepter. Qu’arrive-t-il ? C’est que c’est aujourd’hui seulement que nous obtenons connaissance de la démission de M. Marbais de Grtay, alors que, depuis plusieurs jours, nous avions lu dans le Moniteur un arrêté par lequel le gouvernement lui accorde sa démission, et fixe sa pension, en lui conférant le titre de conseiller à la cour des comptes, honoraire, si vous voulez ; mais c’est toujours conseiller,. Il a le titre, sinon les fonctions. Ce titre, vous n’avez pas le droit de le donner.
Il y a plus, c’est que la Constitution ne nous autorise à nommer les membres de la cour des comptes que pour un terme déterminé, tellement que, si nous voulions nommer un conseiller à vie, fût-ce un conseiller honoraire seulement, nous ne le pourrions pas. Comment le gouvernement pourrait-il plus que nous qui avons le droit de nomination ?
Je n’ai pas, comme on dit, l’honneur d’être avocat (on rit) ; mais je sais qu’il y a un vieux principe, c’est qu’on ne peut faire indirectement ce qu’on ne peut faire directement.
C’est donc une inconstitutionnalité flagrante.
J’ai toujours pensé que nous devions conserver intactes les prérogatives que nous tenons du congrès. Ce doit être pour la chambre une question de la plus haute importance, parce que le gouvernement n’est que trop disposé à empiéter sur ses prérogatives pour se les attribuer. Nous devons tenir à transmettre intactes à nos successeurs les prérogatives que nous avons reçues du congrès.
On invoque la loi des pensions. Cette loi, dit le ministre, autorise le gouvernement à accorder une pension. Dès lors, le gouvernement a qualité pour accorder une démission.
Pour moi, je dis que la chambre peut seule accorder la démission. Le gouvernement peut ensuite liquider la pension ou la refuser, s’il pense qu’elle ne puisse pas être accordée.
M. le ministre invoque l’arrêté sur les pensions. Il dit qu’avant le vote de la disposition à laquelle on a fait allusion, il avait été entendu que les fonctions électives rentraient dans les dispositions générales. Je dis que cela n’est pas exact ; que la chambre n’a pas pu accorder le droit de donner le titre honorifique de fonctions auxquelles il ne nomme pas. Comment ! le gouvernement pourrait nommer un président honoraire, un greffier honoraire de la chambre des représentants ! Un membre de la chambre deviendrait aussi membre honoraire. Où allons-nous avec un système comme celui-là ? On fera aussi des sénateurs honoraires ; on fera tout un pays honoraire. Un pareil système n’est pas soutenable. Le gouvernement a le droit de nommer un fonctionnaire honoraire quand c’est lui qui nomme le fonctionnaire effectif ; mais quand ce n’est pas le gouvernement qui nomme, il est sans pouvoir pour faire une nomination honoraire. S’il est un cas où la chose soit évidente, saute aux yeux, c’est bien le cas prévu par l’article 116, qui porte : « Les membres de la cour des comptes sont nommés par la chambre des représentants. »
On dit : Mais c’est un membre honoraire. Je réponds : Là où la Constitution ne distingue pas, vous n’avez pas le droit de distinguer Est-ce que dans les cérémonies publiques le membre honoraire ne viendra pas figurer à côté des membres effectifs ? Et pour le public vous aurez nommé un membre de la cour des comptes. Pour que le gouvernement pût nommer des conseillers des mines honoraires, il a fallu une loi, et vous prétendez pouvoir, sans loi, nommer un conseiller honoraire de la cour des comptes, alors que la nomination des membres de cette cour ne vous appartient pas !
Je vous répète que là où la Constitution n’a pas distingué, vous n’avez pas le droit de distinguer. Votre arrêté est donc plus qu’illégal, il est inconstitutionnel.
(page 117) Comme je l’ai déclaré dans la discussion de l’adresse, je n’entends pas suivre le gouvernement dans les actes contraires à la Constitution qu’il peut poser. Je ne saurais donner mon vote à un acte aussi entaché d’inconstitutionnalité que celui qui nous occupe.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me crois obligé de lire des extraits de la correspondance que j’ai eue sur cette question avec la cour des comptes. Voici ce que la cour des comptes m’écrivait à la date du 13 octobre 1846.
Je lirai seulement quelques extraits :
« M. le conseiller Marbais du Graty a fait officiellement parvenir à M. le président de la cour des comptes la lettre dont ci-joint copie avec les pièces qui s’y trouvaient annexées, ayant pour objet sa réadmission à la pension, témoignant le désir de conserver le titre honorifique de son emploi. »
Après avoir affirmé la réalité et la gravité des infirmités que M. Marbais du Graty invoquait, et après avoir exprimé ses regrets de la retraite forcée de ce fonctionnaire, la cour ajoute « qu’elle verrait avec plaisir M. du Graty obtenir la faveur qu’il réclame, de même qu’elle serait charmée qu’en semblable circonstance la même faveur atteignît tout membre de son collige qui aurait également bien mérité dans l’exercice de ses fonctions. »
M. Dumortier. - Ils ne sont pas dégoûtés !
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je lis les pièces.
M. Dumortier. - Quand la chambre ne réélira pas un conseiller, il deviendra conseiller honoraire !
M. le ministre des finances (M. Malou). - Voici ce que je répondis le 17 octobre :
« A la cour des comptes.
« Messieurs, j’ai l’honneur de vous accuser réception des pièces qui accompagnaient votre lettre du 13 de ce mois (Greffe n°118,239), relative à la démission de M. Marbais du Graty.
« Je crois devoir faire part à la cour des doutes qui sont nés dans mon esprit sur la marche à suivre en pareille circonstance.
« Les membres de la cour des comptes sont nominés par la chambre des représentants, qui a toujours le droit de les révoquer. En général, le pouvoir d’accepter les démissions appartient à l’autorité qui confère les fonctions. Je me demande si celui qui a reçu un mandat de la chambre des représentants peut le résigner entre les mains du gouvernement sans l’intervention de cette assemblée, et si la dignité de la cour n’est pas intéressée à ce qu’un tel précédent ne soit pas posé. »
Vous le voyez, messieurs, je n’avais dissimulé aucune des objections qui surgissent aujourd’hui.
« Je conçois sans peine que le gouvernement, lorsque la chambre a statué sur la demande de démission, liquide, conformément à la loi, la pension du conseiller démissionnaire ; mais je ne sais si un acte préalable de la chambre ne devrait pas intervenir.
« Quant à la conservation du titre honoraire, la loi générale du 21 juillet 1844 me paraît applicable aux membres de la cour des comptes, comme aux fonctionnaires nommés par le gouvernement. L’on peut admettre qu’il appartient, en tout cas, au gouvernement de décider, en liquidant une pension, si le titre honoraire sera conservé au fonctionnaire pensionné.
« Connaissant les longs et honorables services rendus par M. Marbais du Graty, je serais très disposé à soumettre à Sa Majesté des propositions conformes au vœu émis par la cour ; mais avant de donner aucune autre suite à cette affaire, j’ai cru devoir lui soumettre les doutes que j’ai conçus.
« Ces doutes, la cour voudra bien le remarquer, prennent leur source dans un sentiment de respect pour les prérogatives de la chambre des représentants et dans la haute opinion que je me suis formée de la position constitutionnelle de la cour des comptes.
« Le ministre des finances,
« J. Malou. »
M. Dumortier. - Il fallait vous en tenir là, c’était fort bien.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Voici la réponse de la cour des comptes. Je ne lirai que les passages essentiels :
« Bruxelles, 20 octobre 1846.
« Il y a deux choses à considérer ou, pour mieux dire, il y a deux faits distincts. Il y a le cas de démission et le cas d’admission ou réadmission à la pension. Pour le moment, ce n’est pas du premier qu’il s’agit ; M. Marbais du Graty demande sa réadmission à la pension (article 46 de la loi du 21 juillet 4844), et il motive cette demande sur la nécessité où il se trouve, pour cause d’infirmité, de résigner ses fonctions (article 3 ibid.).
« Il semble à la cour que les pouvoirs publics n’ont d’autres attributions que celles qu’ils tiennent de la Constitution et des lois.
« La Constitution dit bien que la chambre des représentants nomme les membres de la cour des comptes, et la loi du 30 décembre 1830 dit aussi qu’elle a toujours le droit de les révoquer ; mais elle garde le silence, aussi bien sur le cas de démission que sur celui de la mise à la retraite. Pour ce qui concerne la démission, la marche est tracée par l’article 13 du règlement d’ordre du 19 avril 1831, lequel porte ceci :
« En cas de vacature, soit par le décès ou la démission d’un des membres ou du greffier de la cour, le président en donnera connaissance à la chambre des représentants. »
« D’où il suit que ce n’est qu’en cas de vacature qu’il y a lieu pour le président de donner connaissance du fait à la chambre.
« Il ne nous appartient pas de décider ce que la chambre a à faire dans cette occurrence. Nous ne pouvons qu’émettre une idée, sans entendre manquer en rien à notre respect pour ses prérogatives ; et cette idée la voici : Il nous semble que la chambre n’a rien autre à faire que de prendre la démission pour notification, et de procéder à une autre nomination pour remplacer le démissionnaire.
« Il nous paraît que la dignité de cette honorable assemblée est intéressée à ne pas aller au-delà.
« Quant à l’admission ou à la réadmission à la pension, ceci est l’affaire du pouvoir exécutif, et les règles lui sont tracées par la loi du 21 juillet 1844.
« En d’autres termes, l’abandon des fonctions de conseiller, dans le cas qui nous occupe, étant subordonné à un acte à poser par le gouvernement en exécution de la loi, cet abandon ne semble pouvoir être complet qu’après la consommation de l’acte, avant lequel il ne paraît pas qu’il puisse y avoir lieu, pour la chambre des représentants, de pourvoir à une vacature non encore effectuée.
« Ne vous semble-t-il pas, M. le ministre, que de cette manière l’exécution de la loi sur les pensions reste au gouvernement, comme cela est de droit et de principe, et que les prérogatives de la chambre des représentants sont entières dans le cas de demande d’admission ou de réadmission à la pension, de même que dans celui d’une démission pure et simple ; parce que les lois se bornant à dire que la chambre nomme les membres de la cour des comptes et qu’elle a toujours le droit de les révoquer, il s’ensuit que le pouvoir exécutif est demeuré chargé de la mise à la retraite des fonctionnaires de l’Etat composant ce corps, bien qu’ayant un mode exceptionnel de nomination et de révocation, de même que s’il s’agissait de tous autres fonctionnaires.
« Si nous ne nous trompons, ces principes se trouveraient confirmés par l’esprit des discussions auxquelles ont donné lieu la loi sur les pensions, et les statuts des caisses des veuves et orphelins. Alors on s’est préoccupé de la position de certaines catégories de fonctionnaires électifs. Quelques-uns d’entre eux désiraient que des dispositions exceptionnelles fussent prises en leur faveur. Généralement on n’a pas eu égard à ces réclamations, et l’on a voulu que tous les fonctionnaires de l’Etat, quels que fussent la source et le mode de leur nomination, demeurassent dans le droit commun, c’est-à-dire celui dérivant des lois portées expressément sur la matière. »
J’ai cru devoir lire ces pièces pour que, quelles que soient les opinions qui se forment dans la chambre sur la question de prérogative, il soit bien démontré que ce n’est pas légèrement, ni sans un mûr examen, que cette disposition a été adoptée ; je ne l’ai pas prise sans avoir sérieusement examiné si je ne portais pas involontairement atteinte aux prérogatives de la chambre.
J’ai cru, je le dis très franchement, qu’après cette explication de la cour des comptes, je ne pouvais plus insister, je ne pouvais pas lui dire : Je prétends interpréter autrement que vous et la loi de votre institution et le règlement d’ordre que vous suivez depuis 16 ans.
L’on m’objecte l’article 116 de la Constitution. Mais avant de décider si cet article est applicable, il faut se demander quelle est la portée de l’article 7 de la loi générale sur les pensions. En d’autres termes, le gouvernement, quand il exécute la loi des pensions, confère-t-il un droit quelconque ?
L’honorable M. Dumortier prétend que le conseiller honoraire aurait le droit d’assister aux cérémonies publiques comme les autres conseillers. Cela est inexact, c’est un simple titre honorifique. L’honorable M. Dumortier suppose que le gouvernement pourrait créer un président honoraire de la chambre des représentants, des députés honoraires, tout un pays honoraire. Mais, messieurs, cela est impossible d’après la loi des pensions. Le gouvernement, lorsqu’il applique la loi des pensions, peut conserver le titre des fonctions à raison desquelles la pension est accordée ; mais il ne peut pas aller au-delà.
M. Osy. - Ainsi il peut nommer des membres honoraires des députations ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Certainement, j’accepte l’interruption en ce qui concerne les membres de la députation permanente, et je dis même que le fait a eu lieu.
De quoi s’agit-il, après tout ? De reconnaître par une simple distinction honorifique qui ne confère aucune espèce de droit, aucune espèce de prérogative, qu’un fonctionnaire a bien mérité dans l’exercice de ses fonctions. Il ne s’agit que de cela.
Ainsi l’on me dit la chambre nomme les membres de la cour des comptes ; oui, la chambre nomme les membres de la cour des comptes ; mais, M. Marbais du Graty est-il encore membre de la cour des comptes ? Peut-il assister à aucun travail de la cour ? Lui reste-t-il autre chose qu’un nom, qu’un mot, que cette récompense honorifique ? Et s’il ne lui reste pas autre chose, ai-je nommé un membre de la cour des comptes en lui conservant légalement cette simple distinction ?
Je dois attirer votre attention sur une autre considération.
La loi générale sur les pensions, dans toutes ses dispositions, émet la même expression pour désigner quelles sont les catégories qui rentrent dans les termes de cette loi ; vous remarquerez partout les mots magistrats, fonctionnaires ou employés. Les mêmes expressions sont employées à l’article 7 ; et les dispositions exceptionnelles pour les membres de la cour des comptes, ainsi que pour les membres des députations permanentes, ont été effacées, après que l’on eut voté sur la question de principe consistant à savoir si les fonctionnaires électifs en général rentraient dans les ternies du droit commun. Cette question a été résolue affirmativement.
(page 118) M. Dumortier. - Pour leur donner la pension.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je dis qu’on a voté sur cette question de principe de savoir si les fonctionnaires électifs rentraient dans le droit commun pour l’application de la loi des pensions, et c’est par ce motif que pour l’interprétation de cette loi vous ne pouvez séparer l’article 7 des autres articles. Vous devriez prouver que l’article 7 a été exclu par un vote de la chambre ; je vous prouve, au contraire, que la décision de principe, qui a été prise, rendait de plein droit l’article 7 applicable.
Je reviens encore, messieurs, sur cette considération.
Vous êtes dans l’alternative de devoirs, pour certaines catégories de fonctionnaires, supprimer cette récompense honorifique que la loi a voulu accorder ou promettre à tous, ou de devoir permettre que le gouvernement fasse cette application de l’article 7. Car, il est impossible que la chambre des représentants, que les conseils provinciaux viennent accorder pareils titres. Ou le gouvernement a ce droit en vertu de l’article 7, ou vous décidez implicitement que les conseillers a la cour des comptes ne peuvent obtenir cette distinction purement honorifique, que les membres de députations ne peuvent l’obtenir. (Interruption.)
Quel mal y a-t-il à cela ? me dit-on. Mais je demande pourquoi on exclurait une catégorie de fonctionnaires de cette espèce de décoration, cette récompense de longs services alors qu’il n’y a qu’un fait à constater ?
On me dit qu’on abuse de cette faculté. Expliquons-nous. Jamais, je pense, ni dans les chambres, ni ailleurs, on ne pourra soutenir qu’un abus, même constaté, doive emporter la suppression de l’usage du droit. En ce moment je ne discute pas les faits spéciaux. Je ne discute pas si, par exemple, dans l’ordre militaire, on a trop largement prodigué ce titre ; nous ne discutons pas le budget de la guerre, mais le budget de la cour des comptes. Or, ici, messieurs, c’est la première fois que la question se présente ; et quant au ministère des finances, je sais que très rarement, dans des circonstances très exceptionnelles, on a accordé ce titre purement honorifique, comme une récompense acquise quelquefois pas me carrière d’un demi-siècle.
Ainsi, en admettant, messieurs, parce que je ne crois pas devoir discuter les faits, qu’il y ait eu dans d’autres ordres une trop grande facilité, ce ne serait pas une raison pour supprimer ici l’usage du droit.
Pour résumer ces observations, je dirai que la question étant nouvelle, j’ai voulu prendre toutes les précautions ; j’ai voulu que toutes les objections fussent discutées et que si la chambre admettait que la marche suivie par moi, après m’être entouré de toutes les garanties, ne doit pas être suivie à l’avenir, on pourrait en prescrire une autre. Mais je demande à la justice de mes amis et de mes adversaires, de vouloir bien reconnaître que j’ai pris toutes les précautions pour qu’il n’y eût pas ici un acte posé par le gouvernement, qu’on pût envisager comme contraire aux prérogatives de la chambre.
(page 123) M. Verhaegen. - Messieurs, la question est tellement grave, que M. le ministre des finances en a apprécié lui-même la portée, alors que l’acte n’était pas encore posé.
Pourquoi, messieurs, M. le ministre des finances a-t-il changé d’opinion ? Parce que la cour des comptes lui a envoyé un avis contraire, avis, qu’il me soit permis de le dire, tant soit peu intéressé, puisqu’on finit par prononcer le vœu que tous les membres de la cour soient traités de la même manière.
Messieurs, si M. le ministre des finances avait voulu conserver à la chambre ses prérogatives dans une question qui lui paraissait grave et douteuse, il ne devait pas s’en rapporter à l’avis de la cour des comptes, intéressée dans la question ; il devait venir nous soumettre la question, et nous aurions pris une décision en pleine connaissance de cause. Mais on agit toujours ainsi ; on vient saisir la chambre d’une difficulté, mais en théorie seulement, et quant au fait qui en est la conséquence, on dit que c’est un fait accompli.
Il faut, messieurs, que nous sortions de cette ornière. Selon moi, si M. le ministre des finances partageait dans le principe notre opinion, il a eu tort, lorsque plus tard, sur un simple avis émis par la Cour des comptes, il a changé de système ; alors surtout que ce changement est une violation formelle de la Constitution et des lois qui en sont la conséquence.
Jusqu’à présent, messieurs, on s’est occupé des textes. On a invoqué les textes de la Constitution et d’autres lois qui ont été la conséquence la Constitution.
Mais arrêtons-nous un instant sur le motif qui a guidé le corps constituant et les diverses législatures qui se sont succédé.
La cour des comptes est une émanation de la chambre des représentants, destinée à contrôler surtout les actes du gouvernement.
La cour des comptes est le contrôleur-né du ministère, et s’il pouvait être permis au ministère de laisser entrevoir aux membres de la cour des comptes une faveur quelconque, à quelque époque que ce pût être, ce corps n’aurait plus cette indépendance dont il a besoin pour remplir religieusement ses fonctions.
L’honorable M. Dumortier, dont nous partageons les opinions sur ce point, n’a fait que reproduire ce que, dans d’autres circonstances, il avait dit déjà ; voici ce que disait l’honorable M. Dumortier, en 1844, je pense, relativement à la cour des comptes : « Quand la cour des comptes a constaté que l’intérêt du trésor a été méconnu, il faut qu’elle soit toute puissante pour réprimer l’abus. C’est pourquoi le Congrès a voulu un visa préalable. Ce visa ne peut avoir d’effet qu’autant que la cour des comptes sera dans les conditions d’une indépendance absolue non seulement vis-à-vis du gouvernement, mais encore relativement à toutes affaires sur lesquelles elle est appelée à prononcer. »
Eh bien, si le gouvernement peut créer une position de faveur à un conseiller de la cour des comptes qui n’est pas réélu par la législature, le gouvernement met ce conseiller de la cour des comptes dans sa dépendance ; et s’il en est ainsi, ce conseiller ne peut plus remplir, comme la Constitution et les lois l’ont voulu, la mission délicate qui lui a été confiée.
Voyez, messieurs, quelles seraient les conséquences de ce système : un conseiller de la cour des comptes se trouve arrivé à la fin du terme pour lequel il a été nommé ; il prévoit que, d’après les faits posés, il n’aura plus la confiance de la chambre des représentants et qu’il ne peut plus compter sur une réélection. Eh bien, avant l’expiration de son mandat, le gouvernement acceptera sa démission et, en acceptant sa démission, il lui facilitera sa mise à la retraite et, qui plus est, il lui donnera le titre honorifique de conseiller. Tout cela, messieurs, ne s’applique nullement au cas actuel, je me hâte de le dire ; mais voilà ce que pourra faire le gouvernement à l’égard d’un conseiller à la cour des comptes que la chambre serait disposée à ne plus réélire ; de cette manière le gouvernement pourrait venir en aide à ceux qui, au lieu de soigner les intérêts de l’Etat, soigneraient les intérêts dii ministère, à ceux qui, au lieu de le contrôler, ne le contrôleraient pas du tout. C’est ce que la Constitution n’a pas voulu.
On dit que pour refuser au gouvernement le droit de conférer un titre honorifique à un conseiller de la cour des comptes, il faudrait soutenir que ce conseiller ne peut pas être admis à la pension, et on raisonne de cette manière, parce qu’on dit que les termes de l’article 7 sont absolument les mêmes que les termes de l’article premier. Eh bien, messieurs, si j’étais obligé d’aller jusque-là, je vous dirais que pas plus les termes de l’article premier que les termes de l’article 7 ne sont applicables aux conseillers de la cour des comptes. En effet, messieurs, ces articles parlent de magistrats, fonctionnaires et employés « faisant partie d’une administration générale. » Dites-moi donc de quelle administration générale le conseiller de la cour 0es comptes fait partie ?
Il ne fait partie d’aucune administration générale ; il est au-dessus de toutes les administrations ; il est chargé de les contrôler toutes ; il est chargé de contrôler tons les actes du ministère, car si un acte n’est pas régulier, il refuse son visa, et l’acte demeure sans effet.
D’ailleurs, messieurs, le conseiller à la cour des comptes doit sa nomination au principe électif ; la cour des comptes est une émanation de l’élection populaire, que nous exerçons par délégation ; elle n’est que cela. Vous ne pouvez donc, à la rigueur et d’après les termes, appliquer aux membres de la cour des comptes aucune des dénominations qui se trouvent soit dans l’article premier, soit dans l’article 7.
S’il est vrai, maintenant, que pour la pension elle-même, il a entendu dans la discussion de la loi qu’on accorderait aussi une pension aux membres, en leur rendant applicable le principe général, au moins ce qui a été fait là, doit être restreint dans de justes limites, et il ne faut pas raisonner de la discussion sur l’article premier, lorsqu’il s’agit de l’article 7, sur lequel il n’y a pas eu de discussion du tout.
L’honorable M. Dumortier a eu parfaitement raison de distinguer entre la démission et l’admission à la pension ; et pour moi, je crois qu’il est incontestable que, quant à la démission, elle ne pourrait jamais être acceptée que par la chambre des représentants, dont émane la nomination. M. le ministre des finances le pensait comme nous, ainsi que le prouve la correspondance dont il nous a donné lecture ; il y énonçait lui-même cette opinion, non pas d’une manière dubitative, muais en termes très explicites.
C’est la chambre, messieurs, qui nomme ; c’est la chambre qui donne le mandat ; c’est aussi la chambre qui doit le reprendre lorsque celui qu’elle a nommé vient le lui rendre, c’est-à-dire lorsqu’il donne sa démission.
Messieurs, l’article 116 de la Constitution est formel, mais il y a d’autres dispositions non moins positives. Nous avons d’abord le décret du congrès national du 30 décembre 1830.
L’article premier du décret du 30 décembre 1830 porte :
« Une cour des comptes est instituée, elle est composée d’un président, de six conseillers et d’un greffier.
« Il sont nommés tous les six ans par la chambre des représentants qui a toujours le droit de les révoquer.
C’est là une consécration du principe que ceux qui font ont seuls le droit de de faire ; ainsi, non seulement nous nommons pour six ans, mais avant l’expiration des six ans, nous avons le droit de faire cesser cette nomination par une révocation.
La loi du 9 octobre 1846 n’a été que la répétition du décret du 30 décembre 1830.
Il fallait donc, avant qu’il fût question de pension, qu’une démission fût donnée et acceptée. La démission, dans l’occurrence, a été donnée, mais non à la chambre des représentants ; la chambre n’a eu jusqu’à présent à connaître de rien. Si la démission avait été donnée à la chambre, la chambre de qui émanait la nomination, aurait eu le droit d’apprécier les motifs ; et la chose était d’autant plus importante qu’à côté des dispositions générales de la loi sur les pensions, venait se placer une autre disposition de la loi sur l’augmentation des traitements des membres de la cour des comptes, et dans laquelle on a introduit une incompatibilité à l’égard de ceux qui par eux-mêmes, par leurs épouses ou par personnes interposées, exerceraient le commerce ou prendraient part à l’administration d’une société industrielle. Aux termes de cette disposition, le membre de la cour des comptes qui continuerait à avoir un intérêt dans l’administration d’une pareille société, ou continuerait à exercer le commerce etc., serait considéré comme démissionnaire.
Ainsi, si le gouvernement n’avait pas accepté la démission, si la personne dont il s’agit, était restée dans la position où elle se trouvait au moment de la publication de la loi, elle était considérée de fait comme démissionnaire, aux termes de la disposition que je viens de rappeler.
Vous voyez maintenant, messieurs, quelle importance a l’acceptation d’une démission dont une mise à la retraite va être la conséquence.
Le ministère a enlevé à la chambre un droit important, et en agissant ainsi, il a violé ouvertement, non seulement les dispositions constitutionnelles, mais encore des lois que nous venons de citer.
Comme on nous l’a dit, il faut distinguer entre l’acceptation d’une démission et la mise à la pension qui n’en est que la conséquence. Et à ce point de vue, il est évident que M. le ministre des finances en acceptant la démission de N. Marbais du Graty, alors qu’il n’avait que le droit de liquider sa pension lorsque la démission aurait été acceptée par la chambre, a empiété sur les prérogatives de celle-ci.
Mais il est un autre point tout aussi évident que le premier, c’est que le ministre eût-il le droit d’accepter la démission et d’accorder une pension au conseiller de la cour des comptes démissionnaire, au moins n’aurait-il pas pu lui donner le titre honorifique de conseiller, et il ne me faut que l’argumentation de M. le ministre des finances pour corroborer tout ce qui a été dit par mes honorables amis.
M. le ministre pense avoir le droit, non pas (ce qui serait trop absurde) de conférer le titre de président honoraire de la chambre des représentants ou du sénat, mais de conférer, comme il l’a déjà fait, le titre de membre honoraire de la députation permanente à un membre démissionnaire de cette députation.
Eh bien, messieurs, l’un est aussi ridicule que l’autre. Le membre de la députation permanente tient son mandat des électeurs, comme le représentant, le sénateur tient le sien des électeurs.
Je ne comprends donc pas comment le gouvernement pourrait accorder à un membre d’une députation permanente, en l’admettant à la pension, le titre honorifique de membre de la députation. Ce mandat de son essence est temporaire ; et un mandat temporaire ne peut pas être remplacé par un titre honoraire définitif.
On est membre d’une députation permanente pour un temps déterminé ; si, à l’expiration de ce temps, le conseil provincial pense que son mandataire n’a pas répondu à son attente, il ne lui donnera plus un nouveau mandat ; et c’est à ce moment même que le gouvernement pourrait donner à ce membre non réélu par le conseil le titre de membre honoraire de la députation permanente ! Ce serait un conflit entre le principe électif et le pouvoir administratif qui amènerait les plus fâcheux résultats.
D’ailleurs, accorder à un membre de la députation permanente le titre de membre honoraire de la députation, ou à un conseiller de la cour des comptes le titre de conseiller honoraire de la cour des comptes, ce serait reconnaître au gouvernement un droit que la chambre elle-même n’a pas ; et on l’a fait remarquer à juste titre.
On a dit que d’après notre système ce serait à la chambre à accorder le titre honorifique et que l’exercice d’un pareil droit serait absurde. C’est une erreur. Je suis loin de prétendre que la chambre puisse accorder un titre honorifique. Je crois au contraire que quand les fonctions n’ont été que temporaires, li ne peut jamais être question de titre honorifique : quand on accorde un titre honorifique, il doit être de la même espèce que le titre effectif ; on devrait donc pouvoir accorder un titre honorifique temporaire à celui qui a exercé des fonctions temporaires, et cela serait ridicule !
Si on examine l’article 7 de la loi sur les pensions dans ses termes, abstraction faite de toute autre considération, on arrive au même résultat : « Tout magistrat, fonctionnaire ou employé qui aura bien mérité de la chose publique, dans l’exercice de ses fonctions, pourra à sa retraite être autorisé à conserver le titre honorifique de son emploi. » Mais un conseiller de la cour des comptes n’a pas d’emploi dans le sens qu’on attache à ce mot. En voulez-vous la preuve ? Vous la trouverez dans le décret du 30 décembre 1830 et dans la loi du 25 octobre 1846 : Ces décret et loi déclarent en termes explicites que le conseiller de la cour des comptes « ne peut remplir aucun emploi salarié par le trésor. » S’il ne peut remplir aucun emploi salarié par le trésor, il est bien évident que ses fonctions elles-mêmes ne constituent pas un emploi salarié dans le sens rigoureux du mot.
En résumé, messieurs, il me paraît de la dernière évidence que la démission devait être donnée à la chambre, qui seule pouvait en apprécier les motifs ; que jusque-là le gouvernement n’avait rien à faire ; qu’en fût-il autrement, il est toujours évident que le gouvernement ne pouvait pas conférer au conseiller démissionnaire un titre honorifique quelconque.
(page 118) M. le ministre des finances (M. Malou). - L’honorable M. Verhaegen reproduit, sous d’autres formes, beaucoup d’observations auxquelles je crois avoir répondu. Il en a produit une nouvelle. Je proteste, dans l’intérêt de la cour des comptes, contre l’interprétation donnée à la loi des pensions, il en résulterait que les membres de la cour des comptes ne pourraient pas être admis à la pension. Rappelez-vous que lors de la discussion de la loi sur les pensions on voulut leur faire une position exceptionnelle, en n’exigeant que 12 ans de service pour leur ouvrir le droit à la pension, tandis qu’on en exigeait 30 pour les autres fonctionnaires, et que comme rapporteur de la section centrale, j’ai insisté pour que les fonctionnaires électifs fussent mis sur la même ligne que les autres.
On ne distinguait pas entre fonctionnaires et employés, on ne disait pas alors que les conseillers de la cour des comptes exerçaient des fonctions et n’avaient pas d’emploi, on n’équivoquait pas sur des mots. La chambre a décidé que les fonctionnaires électifs ne seraient pas traités plus favorablement que les autres, mais qu’ils auraient dans son intégrité le bénéfice de la loi générale.
Je fais cette observation, non pour rentrer dans cette discussion, mais pour qu’on ne pense pas que le gouvernement admet que les membres de la cour des comptes sont des fonctionnaires parias exclus de la loi sur les pensions.
Quant au fait en lui-même, j’ai expliqué toutes les circonstances qui l’ont précédé. On ne remarque pas assez qu’il ne s’agit pas seulement de démission acceptée, mais de l’application rigoureuse d’un autre article de la loi. Ainsi, l’article 46 porte :
« Nul ne pourra jouir simultanément, à charge du trésor public, de deux pensions, ou d’un traitement et d’une pension.
« L’option du pensionnaire pour le traitement n’aura d’autre effet que de suspendre la jouissance de la pension, aussi longtemps qu’il touchera le traitement.
« Dans tous les cas, les derniers services seront ajoutés aux précédents pour faire opérer éventuellement une nouvelle liquidation de sa pension. »
Eh bien, M. Marbais du Graty invoquait un droit positif parce qui avait été admis à la pension en 1829 ; et ses infirmités, qui avaient motivé sa mise à la retraite, étaient justifiées de nouveau, non seulement suivant le vœu de la loi, mais encore par le témoignage de la cour des comptes elle-même, Quand je reçus ce témoignage, je ne me permis pas de douter.
M. Osy. - Je n’ai pas l’habitude de soulever des questions sans désirer arriver à un résultat. D’après les explications de M. le ministre, il paraît évident que lui-même avait été d’opinion que la démission devait être acceptée par la chambre et que le gouvernement n’avait pas le droit de conférer le titre de membre honoraire, Il y a deux marches à suivre pour résoudre la question que j’ai soulevée. Insérer au procès-verbal que c’est la chambre qui a accepté la démission de M. Marbay du Graty, ou insérer une disposition dans la loi ; j’ai préféré cette dernière marche, je propose donc de libeller comme suit l’art. 1er du chap. IV :
« Membres de la cour des comptes, sans que, dans aucun cas, le gouvernement puisse accorder le titre de conseiller honoraire au membre de la cour non-réélu, démissionnaire ou pensionnaire : fr. 58,000. »
M. de Brouckere. - Je demanderai si M. le ministre veut accepter cet amendement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je demanderai cinq minutes de réflexion.
M. de Mérode. - Je demande la parole pendant la réflexion ; et je déclare que je ne saurais comment voter sans une réflexion plus longue que celle de M. le ministre des finances. Nous sommes saisis inopinément d’une question assez ardue, et il faudrait qu’on eût le temps de s’éclairer autrement que par une discussion ex abrupto. Je demande qu’on renvoie le vote à une autre séance, et qu’on s’occupe des autres objets à l’ordre du jour.
M. Brabant. — Messieurs, la question soulevée par l’honorable M. Orts se présente sous un double point de vue.
A qui appartenait-il de recevoir la démission de M. Marbais du Graty, conseiller à la cour des comptes ?
En supposant la démission régulièrement acceptée, le gouvernement pouvait-il, en liquidant sa pension, lui accorder le titre honorifique de conseiller près de cette cour.
Sur la première question on a invoqué le principe général qui est que celui-là doit recevoir la démission qui a fait la nomination. C’est un principe vrai en général. Mais il peut recevoir des exceptions par la loi. Ainsi dans deux articles exprès, la Constitution déclare que les représentants et les sénateurs sont élus par les citoyens remplissant les conditions déterminées par la loi électorale. En vertu de ce principe, il semblait que la démission de représentant ou de sénateur devait se donner au collège électoral qui avait conféré le mandat, Il n’en est rien. Une disposition de la loi de mars 1831 statue que les démissions de représentant ou de sénateur seront adressées à la chambre dont le membre démissionnaire faisait partie, ou, si les chambres ne sont pas assemblées, au ministre de l’intérieur.
Il y a dérogation du même genre à l’égard des membres de la cour des comptes. Aux termes de l’article 116 de la Constitution, les conseillers à la cour des comptes sont nommés par la chambre des représentants. S’ensuit-il que la chambre des représentants ait seule le pouvoir de recevoir la démission d’un membre de cette cour ? Oui, en vertu du principe si nous n’y trouvions une dérogation dans une loi, ou dans un acte équivalent à la loi. Eh bien, l’interprétation littérale de l’article 13, invoquée par M. le ministre des finances dans cette séance, invoquée par lui, je le crois du moins, lorsqu’il a soumis ses doutes à la cour des comptes, me paraît très positive. Cette manière d’interpréter peut paraître quelque peu scrupuleuse. Cependant les personnes versées dans la connaissance et dans l’interprétation des lois (et elles sont en grand nombre dans cette chambre) trouveront, je pense, toute naturelle l’interprétation littérale que je soumets à la chambre.
L’article 13 du règlement de la cour des comptes, approuvé par le congrès, porte : « En cas de vacature, soit par le décès ou par la démission d’un des membres ou du greffier de la cour, le président en donnera connaissance à la chambre des représentants. » Messieurs, prenez garde au mot vacature et au pronom « en » qui s’y rapporte. N’est-ce pas absolument comme si l’article disait « Le président donnera connaissance à la chambre des représentants des vacatures qui arriveront soit par décès, soit par démission » ? Eh bien, la vacature est opérée par le décès : cela est incontestable. La vacature s’opère également par la démission ; et la démission à qui est-elle adressée ? A celui qui est chargé par la loi d’en donner connaissance. Si la démission devait nous être adressée, le président de la cour des comptes ne pourrait nous la signifier, puisque non en aurions été informés les premiers.
Dans l’opinion d’une partie des orateurs qui se sont expliqués il est en notre pouvoir d’accepter ou de refuser la démission. De manière qu’il y a là un contrat bilatéral, Il ne suffit pas que la démission soit donnée ; il faut qu’elle soit agréée par nous, après que le préside nous en a donné connaissance.
Je crois que l’article 13 du règlement contient une dérogation exprès au principe que nul ne peut recevoir la démission d’un fonctionnaire sinon celui qui l’a reçue.
M. le ministre de la justice pouvait-il proposer au Roi de conférer à M. Marbais du Graty le grade honorifique de ses fonctions ?Je vous avoue que, pour ma part, je n’aurais pas voulu voir introduire dans la loi toutes ces places honorifiques. Les fonctions publiques s’exercent pour servir le public. Quand on l’a bien servi, on conserve son honneur. Quand on la mal servi, un titre honorifique donné par le gouvernement ne lavera pas la tache encourue dans l’exercice de ces fonctions. Mais la loi existe ; nous devons l’appliquer ; nous n’avons pas à la blâmer ou à l’approuver, à examiner si l’on en a fait bon usage. Aucune distinction dans l’article 7 de la loi, aux termes duquel, tout magistrat, fonctionnaire (page 118) ou employé, peut, en recevant sa pension, recevoir le titre honorifique des fonctions qu’il occupait en dernier lieu, et sur la possession desquelles la pension a été liquidée.
On craint que le gouvernement, en usant de cette faculté pour donner une espèce de satisfaction à un membre de la cour des comptes, le gouvernement ne vise à la corruption. J’attache une très haute importance aux fonctions de la cour des comptes. Je crois que c’est un rouage excellent, introduit dans nos institutions par notre Constitution ; mais la cour des comptes ne nous est pas plus précieuse que l’ordre judiciaire. Pour ma part, j’attache moins d’importance aux prérogatives de la cour des comptes, qu’aux prérogatives de l’ordre judiciaire.
On ne conteste pas cependant le droit qu’a le gouvernement de conférer le titre de président, de conseiller, de juge aux magistrats dont il liquide la pension. On peut d’autant moins le lui contester, que la dénomination de magistrat, qui se trouve dans l’article 7 de la loi sur les pensions, ne s’applique qu’aux membres de l’ordre judiciaire. Je sais qu’il y a des magistrats dans l’ordre administratif. Mais généralement et dans son sens véritable, on entend par magistrat celui qui rend la justice.
On ne conteste pas d’ailleurs cette application. On peut nommer un président honoraire ; on peut nommer un conseiller honoraire ; on peut nommer un juge honoraire.
Remarquez, messieurs, que pour1es présidents des cours, le gouvernement n’intervient pas même dans les nominations. Aux termes de l’article 99 de la Constitution, c’est le corps, c’est la cour de cassation, ce sont les cours d’appel qui choisissent leurs présidents et vice-présidents dans leur sein. On présente pour les conseillers ; mais ce sont les hautes compagnies de magistrature qui choisissent leurs présidents. Or, messieurs, si ma mémoire est fidèle, le gouvernement, en mettant à la pension un respectable magistrat, M. Van Hoogten, premier président de la cour de Bruxelles, lui a conféré le titre honorifique de premier président.
M. Vanden Eynde. - M. Van Hoogten est mort dans ses fonctions.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C’est un président de chambre, M. de Quertenmont, qui a reçu un titre honorifique.
M. Verhaegen. - Il y a des dispositions spéciales à l’égard des magistrats.
M. Brabant. - Il est possible qu’il y ait quelque loi française, que je ne connais pas, sur la matière ; mais je dis que, cette loi n’existât-elle pas, l’article 7 de la loi des pensions autorise suffisamment le gouvernement. Je ne crois pas que le terme magistrat puisse être exclusif d’un membre de l’ordre judiciaire ; au contraire, je crois qu’il s’applique presque exclusivement à ces fonctionnaires.
Ainsi, messieurs, je crois qu’il n’y a eu aucune atteinte à notre prérogative. Je regrette qu’on donne des titres honorifiques ; mais vous l’avez voulu, puisque vous avez voté la loi, et je crois qu’il n’y a eu aucune violation, dans le fait de M. le ministre des finances, ni de nos prérogatives, ni des lois relatives à la cour des comptes et aux pensions.
M. de Brouckere. - Messieurs en voyant la faiblesse des moyens employés par M. le ministre des finances pour défendre l’acte qui lui est reproché, en voyant son hésitation devant l’amendement présenté par l’honorable M. Osy....
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je n’ai encore rien dit.
M. de Brouckere. - Vous hésitez, puisque vous demandez du temps pour réfléchir.
Je répète donc.
En voyant l’hésitation de M. le ministre des finances devant l’amendement de l’honorable M. Osy, chacun de vous doit être convaincu que M. le ministre des finances, à l’heure qu’il est, regrette l’acte dont nous nous occupons, et reconnait qu’il a eu tort de le poser.
Moi, messieurs, j’ai un autre regret c’est que cet acte ait reçu aujourd’hui l’appui d’un homme au jugement duquel je rends pleine justice, l’appui de l’honorable M. Brabant. Mais je dois avouer que cet honorable membre ne m’a pas parti plus heureux dans le raisonnement auquel il a eu recours pour défendre M. le ministre des finances, que M. le ministre de finances ne l’avait été lui-même.
En général, la collation d’un titre honorifique peut jusqu’à un certain point être regardée comme une chose de peu d’importance. Mais lorsque cette collation a lieu en violation de la Constitution, elle devient alors extrêmement grave. Or, messieurs, je ne crains pas de dire que la collation du titre de conseiller honoraire de la cour des comptes est une violation de la Constitution.
Vous savez, messieurs, que la Constitution a fixé les attributions de chacun des grands pouvoirs de l’Etat. Eh bien, dans le chapitre de la Constitution, qui concerne les attributions du Roi, il a été précisé que le Roi n’a d’autres attributions que celles qui lui sont conférées par la Constitution ou par la loi. Or, ni la Constitution, ni aucune loi n’ont conféré au Roi, au gouvernement du Roi, le pouvoir d’accorder à un citoyen le titre de conseiller soit effectif, soit honoraire, à la cour des comptes.
Mais, M. le ministre des finances s’appuyant sur ce qu’il a cru trouver de vague dans l’article 7 de la loi des pensions, prétend en tirer la conséquence que l’on peut donner un titre honorifique à tous les magistrats, fonctionnaires et employés quelconques.
Il faut, messieurs, s’aveugler singulièrement sur le sens de cette disposition législative pour lui donner une semblable extension. Pas un mot dans la chambre, lors de la discussion de cet article, n’a fait entendre que le gouvernement aurait le droit d’appliquer cet article à des fonctionnaires dont la nomination ne lui appartient pas. Or, pour qu’il eût ce droit, il faudrait, sinon une disposition formelle, au moins des commentaires qui ne laissassent aucun doute ; et ni disposition, ni commentaires, nous n’avons rien.
Mais, dit M. le ministre des finances, si vous ne voulez pas que ce soit le gouvernement qui puisse conférer les fonctions de conseiller honoraire, il en résultera qu’il sera très difficile qu’un pouvoir quelconque les confère.
Eh ! messieurs, où est le grand mal ? Où est la nécessité qu’un conseiller à la cour des comptes, en se retirant, conserve le titre de conseiller ? Où est, veuillez me le dire, le préjudice pour le pays, à ce qu’un conseiller à la cour des comptes ne conserve pas ce titre en se retirant ? Mais c’est là une chose très peu importante et pour le pays et pour la magistrature.
Si le gouvernement peut donner à son gré des titres de conseiller honoraire à la cour des comptes, il peut évidemment en donner au conseiller non réélu et qui aurait des titres à faire valoir pour obtenir sa pension ; de telle manière que vous auriez refusé de continuer votre confiance à un conseiller de la cour des comptes, et le gouvernement l’en dédommagerait en lui conservant son titre honorifique.
Je vous demande, outre que cela serait absurde, si ce n’est pas une véritable atteinte portée à votre prérogative. Vous ne voudriez pas réélire un conseiller à la cour des comptes, peut-être parce que ce conseiller se serait montré trop facile à l’endroit de MM. les ministres, et MM. les ministres récompenseraient ce conseiller de s’être montré facile envers eux, en lui continuant un titre que vous lui auriez refusé !
On a parlé des magistrats de l’ordre judiciaire. L’honorable orateur auquel je succède, a dit à la chambre que le gouvernement pouvait donner des titres honorifiques aux magistrats de l’ordre judiciaire, et qu’il ne voyait pas de raison pour qu’il ne pût pas en agir de même vis-à-vis les conseillers de la cour des comptes ; parce qu’en effet, il n’y a pas plus de raison de mettre le gouvernement à même de flatter le pouvoir judiciaire, de lui faire entrevoir des faveurs possibles, il n’y a pas plus de raison de donner ce pouvoir au gouvernement vis-à-vis du pouvoir judiciaire que de le lui donner vis-à-vis de la cour des comptes. J’en demande bien pardon à l’honorable M. Brabant, mais sa comparaison n’est pas du tout juste. D’abord, messieurs, veuillez remarquer une chose, c’est que la faculté donnée au gouvernement d’accorder des titres honorifiques aux magistrats est un usage qui date de très loin, que cet usage notre loi sur l’organisation judiciaire l’a maintenu ; mais grande est la différence entre la position où se trouve vis-à-vis du ministre un magistrat de l’ordre judiciaire et la position d’un conseiller à la cour des comptes. Le magistrat de l’ordre judiciaire remplit ses fonctions sans avoir de relations avec le ministère ; mais les membres de la cour des comptes sont continuellement en contact avec lui ; les membres de la cour des comptes sont en quelque sorte non pas seulement les contrôleurs, mais presque les adversaires-nés des ministres, car ils sont là comme nos sentinelles à nous, chargés de veiller à ce que les ministres ne s’écartent pas de leurs attributions en matière de finances, Les conseillers de la cour des comptes, mais ce sont les censeurs-nés des ministres.
Et remarquez, messieurs, l’inconvenance qu’il y aurait à reconnaître au gouvernement le droit de donner un titre honorifique aux membres de la cour des comptes. D’après l’article 7 (qui n’est pas applicable, mais que l’on invoque), vous voyez que c’est pour services rendus que les titres honorifiques se donnent ; ce sera donc pour services rendus que M. le ministre des finances donnera à un membre de la cour des comptes un titre honorifique ; mais pour quels services ? Pour le service d’avoir été facile envers lui ? Est-ce là le service qu’on récompensera ? Si un conseiller à la cour des comptes, pendant une longue carrière, se montre excessivement sévère vis-à-vis des ministres, s’il contrarie les ministres, il ne recevra peut-être jamais le titre de conseiller honoraire, et ce titre pourra être accordé à un membre qui se sera montré facile. Voilà, messieurs (et mon observation n’est certes pas applicable au cas actuel), voilà ce qui arrivera plus tard ; on accordera le titre honorifique à celui qui se sera montré facile et ou le refusera à celui qui se sera montré un peu plus exigeant.
Messieurs, la question, en ce qui concerne les titres honorifiques, me paraît tellement simple que je suis étonné qu’il y ai dans la chambre des orateurs qui puissent conserver le moindre doute à cet égard.
Quant à ce qui regarde la démission et la question de savoir à qui elle doit être adressée, l’honorable M. Brabant a cru trancher la difficulté, en citant l’article 13 dii règlement organique de la cour des comptes ; mais qu’il me permette de lui dire que c’est précisément dans l’article 13 que je trouve, moi, la condamnation du système qu’il défend, et je vais en faire la chambre juge.
« En cas de vacature, soit par décès ou par démission, d’un des membres ou du greffier de la cour, le président en donnera connaissance à la chambre des représentants. »
Ainsi, messieurs, d’après cet article, quand un conseiller à la cour des comptes désire obtenir sa démission, que doit-il faire ? Il en donne connaissance au président de la cour ; et que doit faire le président de la cour ? En informer la chambre des représentants. Le gouvernement reste tout à fait étranger à ces communications. Eh bien, qu’est-il arrivé dans la circonstance toute récente dont nous nous occupons ? Un conseiller a voulu obtenir sa démission ; il a remis sa démission au président ; le président l’a envoyée lui au ministre des finances, et le gouvernement (page 120) a accordé la démission au conseiller de la cour des comptes ; le gouvernement lui a de plus accordé la pension et un titre honorifique, et quand tout était fait, quand tout était consommé, quand il n’y avait plus moyen de revenir sur ces actes-ministériels, alors seulement le président de cour des comptes nous écrit. Pourquoi ? Pour nous communiquer la démission d’un des conseillers ? Non, messieurs, pour nous dire que le gouvernement n accordé à un conseiller de la cour des comptes sa démission. Eh bien, cette marche me paraît, à moi, tout à fait contraire à l’article 13 qu’avait invoqué l’honorable M. Brabant.
Du reste, messieurs, je dois déclarer très franchement que, quant à la question de savoir quel ordre doit être suivi pour les démissions, j’y attache beaucoup moins d’importance. Il serait bon cependant quelle fût résolue une bonne fois afin qu’elle ne se reproduisît plus dans cette enceinte. Mais, quant aux titres honorifiques, c’est une question de la plus haute importance, c’est une question de prérogatives pour la chambre.
On a parlé, messieurs, de l’abus que l’on fait de la collation de ces titres et l’on a bien fait d’en parler, car c’est devenu une véritable prodigalité de la part du gouvernement. Nous avons vu tout récemment un lieutenant-colonel, mis à la pension, refuser le titre de colonel que l’on avait daigné lui donner. Eh bien, est-ce que M. le ministre des finances pense que la dignité du gouvernement n’a reçu aucune atteinte par un semblable refus ? Quoi, le titre de colonel, l’un des titres les plus honorables qu’un homme puisse porter, ce titre est offert par le gouvernement, que dis-je ? offert ! est donné à un militaire, et ce militaire le refuse dédaigneusement !
Oui, dédaigneusement ; car nous avons dans le Moniteur un arrêté royal d’où il résulte que le titre a été refusé dans les termes les plus inconvenants (ce sont les expressions de l’arrêté). Voilà comment on sauvegarde la dignité du gouvernement ; comment on prend à cœur la dignité du chef de l’Etat. On signe des nominations de colonel et ceux en faveur de qui ces nominations sont signées, les refusent avec dédain !
Il est temps, messieurs, d’en finir ; il est temps de mettre un terme à cette prodigalité. On espère par là se faire des créatures, mais le moyen est mauvais et, de plus, il est contraire à la dignité du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L’honorable membre a commencé par parler de la faiblesse des moyens employés contre son opinion, de l’hésitation du ministre ; il a ajouté qu’il ne concevait pas qu’un seul membre de cette assemblée fût d’une autre opinion que la sienne. Je dois avouer que ces trois arguments m’ont fort peu touché.
Messieurs, il y a ici deux questions, il y a la question de bonne foi et la question du fond.
J’ai pris, ainsi que je l’ai déjà rappelé, toutes les précautions, pour me prémunir contre une erreur involontaire ; si donc la chambre admettait qu’il y a eu erreur, je tiens à constater que la question de bonne foi est parfaitement sauve.
De toutes parts. - Certainement !
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je ne croirais pas pouvoir siéger encore dans cette chambre si volontairement, sciemment, j’avais porté la moindre atteinte à ses prérogatives.
Messieurs, pour la question du fond, la cour des comptes a interprété l’article 13 de son règlement d’ordre dans ce sens que la démission de ses membres devait être adressée à son président, et transmise par le président à la chambre qui devait pourvoir au remplacement d’un conseiller démissionnaire ; malgré mes objections, la cour des comptes a persisté dans cette opinion. J’ai cru devoir passer outre ; j’ai cru, je le répète, ne pas devoir donner au règlement de la cour des comptes, alors que j’avais attiré l’attention de ce corps sur le sens de cet article, une interprétation différente de celle qu’elle y donne elle-même.
Je n’ai pas, comme paraît le croire l’honorable préopinant, accepté la démission de M. Marbais du Graty ; l’honorable membre peut lire l’arrêté publié au Moniteur, il verra qu’il n’y a pas, dans l’arrêté, de décision acceptant la démission de M. Marbais du Graty ; l’arrêté réadmet simplement ce fonctionnaire à la pension, par application de l’article 46 de la loi des pensions, article dont M. Marbais du Graty invoquait le bénéfice.
J’ai voulu avoir cinq minutes de réflexion sur l’amendement de l’honorable M. Osy, parce que je ne l’avais pas saisi à une première lecture ; je viens de le lire, et j’espère pouvoir prouver que j’étais parfaitement excusable de ne l’avoir pas compris.
L’article premier serait ainsi conçu :
« Membres de la cour des comptes, sans qu’en aucun cas le gouvernement puisse accorder le titre de conseiller honoraire aux membres de la cour des comptes non réélus, démissionnaires ou pensionnaires : fr. 58,000. »
A part la question de rédaction, n’est-il pas évident que cet amendement ne décide que la moitié de la question que nous agitons aujourd’hui ? Pour la résoudre tout entière, il y a une marche qui me paraît bien simple. Si l’on ne partage pas l’opinion que de bonne foi, d’accord avec la cour des comptes, j’ai admise dans cette circonstance, pourquoi, par exemple, au moyen d’une résolution de la chambre, n’accepterait-on pas la démission de M. Marbais du Graty ? La démission est envoyée de la manière que la cour des comptes a jugée conforme au décret de 1831 ; quelques membres pensent qu’une autre marche eût dû être suivie, et qu’il appartient à la chambre de statuer sur la démission ; eh bien, je le répète, la démission est envoyée, qu’on l’accepte. Il me semble que c’est un moyen de terminer cette discussion ; et pour les honorables membres qui pensent que la marche suivie est irrégulière, c’est un moyen d’empêcher que désormais on ne suive cette marche.
Veuillez remarquer, messieurs, que si la chambre prenait cette résolution, il en résulterait implicitement que le titre de conseiller honoraire ne pourrait plus être conféré, car le gouvernement, s’il n’a pas le droit d’accepter la démission, serait, par voie de conséquence, incompétent pour accorder le titre honoraire.
Je pense, messieurs, que cette résolution concilierait toutes les opinions et qu’elle laisse intacte pour moi la question de bonne foi à laquelle, je le répète, je tiens avant tout. (Marques d’assentiment.)
M. le président. - Messieurs, vous venez d’entendre la marche indiquée par M. le ministre des finances : elle consiste à mentionner au procès-verbal que la chambre accepte la démission de M. Marbais du Graty. Je.ne fais pas la proposition à la chambre de suivre cette marche ; mais cette marche est la conséquence du discours de M. le ministre des finances.
M. Vanden Eynde. - Je fais mienne la proposition indiquée par M. le ministre des finances. Si je devais voter sur l’amendement de l’honorable M. Osy, je désirerais motiver mon vote ; mais je m’abstiendrai de le faire, si on veut voter d’abord sur ma proposition.
M. Verhaegen. - Je propose de sous-amender en ces termes l’amendement présenté par mon honorable ami M. Osy :
« Sans que le gouvernement puisse s’attribuer le droit d’accepter la démission des membres de cette cour. »
M. de Brouckere. - Messieurs, je dirai franchement mon avis : c’est que la chambre doit se déclarer satisfaite de la rédaction qui est proposée par l’honorable M. Vanden Eynde. Il sera donc mentionné au procès-verbal de la séance de ce jour, que la chambre accepte la démission du membre de la cour des comptes qui a déclaré vouloir se retirer ; et quant à ce qui regarde l’arrêté qui a conféré un titre honorifique, la chambre n’a pas à annuler un arrêté royal ; mais on tirera de la mention faite au procès-verbal de la séance de ce jour, telles conséquences qu’on jugera convenir.
M. Brabant. - Messieurs, dans toutes les assemblées délibérantes, les questions de prérogative sont choses du plus grand sérieux, et je ne crois pas que jamais une question de prérogative ait été décidée séance tenante. Soit la proposition de l’honorable M. Osy, soit celle de l’honorable M. Verhaegen, soit celle qui n’a été qu’énoncée par M. le ministre des finances : toutes ces propositions méritent un sérieux examen. J’ai eu l’honneur de dire tout à l’heure à la chambre que je croyais qu’aux termes de l’article 13 du règlement organique de la cour des comptes, cette cour pouvait recevoir les démissions de ses membres.
Je persiste dans cette résolution, je persiste dans cette interprétation ; et permettez-moi d’ajouter un mot en réponse à ce que l’honorable M. de Brouckere a objecté contre mes observations à cet égard. J’ai dit que l’article 13 portait : En cas de vacature, il en sera donné connaissance. C’est de la vacature et non des causes de la vacature qu’il s’agit. Remarquez bien les expressions mêmes de cet article ; le décès et la démission sut les causes de la vacature et ne sont pas la vacature elle-même. Si le congrès avait voulu que la chambre des représentants eût à statuer de même, non sur le décès, ce serait ridicule, mais sur la démission, il aurait dit : « En cas de décès ou de démission, le président en donnera connaissance, etc. »
Je persiste d’ans l’interprétation que j’ai donnée à l’article 13. Mais nous pouvons y déroger, je le reconnais, car les considérants de ce règlement d’ordre portent : « Aucun changement ne peut être fait à ce règlement sans l’assentiment de la chambre des représentants. »
Aux termes de ce considérant nous pouvons changer le règlement organique de la cour des comptes. Mais l’approbation que nous donnons à un règlement semblable en fait en quelque sorte une loi. A la suite de tous les principes invoqués dans la discussion, on peut dire que la loi n’a pas d’effet rétroactif, qu’elle ne stipule que pour le futur.
Par ces diverses considérations je demande que la chambre veuille nommer une commission ou renvoyer aux sections pour l’examen de la question soulevée en ce moment.
M. le président. - M. Brabant propose de renvoyer aux sections ou à une commission les propositions de MM. Osy, Verhaegen et Vande Eynde.
M. Verhaegen. - Et celle du ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je n’ai pas fait de proposition parce que je persiste à croire que l’article 13 autorisait à suivre la marche qu’on a suivie. Je me suis borné à l’indiquer comme un moyen de solution au point de vue des membres qui ne partagent pas cette opinion. J’appuie la proposition de l’honorable M. Brabant, parce que, comme lui.je pense qu’il est peu de questions plus importantes que celles qui touchent aux prérogatives des chambres délibérantes.
- La chambre consultée décide que la question soulevée et les propositions faites seront renvoyées à une commission de 5 membres nommés par le bureau.
M. le président. - A la prochaine séance le bureau fera connaître la composition de cette commission.
- L’article premier du chapitre 4 est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Personnel des bureaux : fr. 71,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Matériel et dépenses diverses : fr. 16,900. »
M. le président. - M. le ministre a proposé à cet article un amendement ainsi conçu :
(page 121) « Art. 3. Matériel, dépenses diverses, loyer et appropriation de locaux provisoires.
« Charges ordinaires : fr. 16,900
« Charges extraordinaires : fr. 12,000.
« Ensemble : fr. 28,900. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, l’incendie de la cour des comptes nécessitera quelques dépenses extraordinaires. Au moment de l’incendie, j’ai procuré à la cour de nouveaux locaux provisoires dont le loyer m’a paru devoir être porté au budget de la cour. Tels sont les motifs du changement de libellé et de la dépense extraordinaire de 42 mille fr. que je prie la chambre d’accorder.
M. Osy. - Je ne m’oppose pas à l’augmentation de dépense proposée par M. le ministre, c’est la conséquence d’un malheureux accident qu’il faut réparer. Mais je demanderai à M. le ministre, s’il a un plan arrêté pour rétablir l’hôtel de la cour des comptes. Je lui demanderai ensuite si tous les bâtiments appartenant à l’Etat sont assurés en totalité, parce que, s’ils n’étaient assurés qu’en partie, le but ne serait pas atteint ; mieux vaudrait alors courir tous les risques. Je lui demanderai si son intention est de faire assurer tous les bâtiments appartenant à l’Etat, situés dans la capitale ou dans les provinces.
M. le ministre des finances (M. Malou). – M. Osy m’a adressé deux interpellations. Il m’a demandé quelle était l’intention du gouvernement à l’égard de l’hôtel de la cour des comptes. Je lui répondrai qu’on s’occupe de rechercher quelles doivent être les mesures à prendre pour restaurer l’hôtel incendié. Le gouvernement n’a pas encore pris de décision définitive, mais je crois que, cette fois encore, déférant aux vœux de la cour des comptes, je proposerai de la réintégrer dans son ancien local.
L’honorable M. Osy m’a demandé, en second lieu, si tous les bâtiments appartenant à l’Etat sont assurés intégralement ; non ; ils ne le sont qu’en partie, de sorte que pour une partie l’Etat est son propre assureur.
C’est là, je le reconnais, un système vicieux, pour un aussi grand propriétaire que l’Etat. Il faut de deux choses l’une, ou tout assurer ou ne rien assurer du tout. L’Etat est son propre assureur, il trouve sur les économies des primes de quoi couvrir les sinistres.
Je me suis déjà occupé de cette question ; j’espère la résoudre d’une manière définitive.
M. Desmet. – On n’a parlé que des bâtiments exposés aux incendies, il y a des objets qui y sont exposés aussi et qui ne peuvent pas être assurés. Je ne sais quel moyen on se propose de prendre pour garantir ces collections si précieuses qu’on ne pourrait pas remplacer, je veux parler de nos archives ; c’est un objet de la plus grande importance. Le bâtiment qui les contient est très grand ; si le feu allait prendre quelque part il en résulterait une perte irréparable. Je demande qu’on prenne des mesures pour garantir cette richesse nationale.
M. Vanden Eynde. - Je me joins à l’honorable M. Desmet pour appeler l’attention du gouvernement sur les dangers auxquels sont exposées les archives déposées au palais de justice ; elles sont très importantes, car elles comprennent les archives des anciens conseils du Brabant, celles des anciennes chambres des comptes et les documents qu’on a trouvés relativement aux domaines. La situation de ces archives présente vraiment de très grands dangers.
Toutes les cheminées de la cour d’appel et du tribunal de première instance passent à travers les combles où se trouvent ces archives, de sorte que le feu pourrait y être mis facilement en hiver.
Je désire que le gouvernement fasse examiner cette situation de nos archives, et prenne des mesures pour les mettre en sûreté.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Des événements, comme celui que nous déplorons tous, ont du moins ce résultat qu’ils attirent l’attention publique sur les précieux dépôts de nos archives.
Le gouvernement s’est occupé de rechercher des locaux où il pourrait mettre nos archives à l’abri du feu. Plusieurs plans nous ont été soumis. Il en est qui entraîneraient dc très grandes dépenses. Les études que j’ai faites tendent à obtenir le plus de sécurité possible pour nos archives au moindre prix possible.
Nous ne sommes pas arrivés à une résolution définitive. Mais ce grave intérêt ne sera pas perdu de vue.
M. de Brouckere. - Je crois pouvoir dire que la question du placement des archives pourra être traitée dans la discussion du budget de l’intérieur. Il y a, dans ce budget, des articles qui donneront matière à la discussion que nous commençons aujourd’hui.
- L’article 3 est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Pensions : fr. 1,200. »
M. le président. - M. le ministre des finances propose d’élever le chiffre de cet article à 4,000 fr.
M. le ministre des finances (M. Malou). - La cour des comptes m’a prié de proposer cette augmentation qui est demandée pour le service de la pension de M. Marbais du Graty. La résolution que la chambre vient de prendre ne peut pas, ce me semble, faire naître de difficultés pour l’allocation de ce chiffre.
M. Verhaegen. - C’est décider la question !
M. le ministre des finances (M. Malou). - Pas du tout !
- L’article est adopté avec le chiffre de 4,000 fr.
Le vote sur l’ensemble du budget est suspendu jusqu’à ce que la chambre et le sénat aient voté leur budget.
La séance est levée à 4 heures.