(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1983) M. Dubus (Albéric) procède à l'appel nominal à midi et un quart.
M. Huveners donne ensuite lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est adoptée.
M. A. Dubus. communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur P.-L.-J. Hottey, machiniste du chemin de fer de l'Etat, né à Maastricht, demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Thibaux, ancien instituteur, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir un secours. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Cartier, magasinier à la maison pénitentiaire de Saint-Hubert, demande l'exemption du droit d'enregistrement auquel se trouve assujettie la naturalisation qui lui a été accordée. »
- Même renvoi.
M. Zoude, au nom de la commission des pétitions. - Messieurs, les membres des conseils communaux de plusieurs communes du Luxembourg réclament l'intervention de la chambre pour obtenir du gouvernement le payement des sommes auxquelles il a été condamné par deux jugements du tribunal d'Arlon rendus au profit de ces communes.
C'est contre un déni de justice de la part du département des finances que les pétitionnaires viennent réclamer la protection de la chambre. La gravité du fait exige quelques détails.
Les communes dont il s'agit sont toutes usagères dans trois forets dépendant du domaine de l'Etat.
Une ordonnance de 1754 a réglé la manière dont le droit d'usage serait exercé ; le propriétaire prélevait le tiers de la coupe annuelle, les communes partageaient le reste, et d'abord le bois de l'entièreté de la coupe était abattu, cordé et façonné en commun, il en était fait trois lots égaux répartis entre les ayants droit par la voie du sort. j
Des motifs de convenance réciproque firent abandonner ce mode de j partage, et il fut convenu qu'après le balivage fait, le terrain à exploiter serait partagé en trois parts égales, qui seraient réparties par la voie du tirage au sort.
Ce mode fut suivi jusqu'en 1842 ; mais pour les coupes de 1843, le gouvernement ne voulut plus se soumettre au sort, il prétendit choisir sa part où bon lui semblerait, en s'appuyant sur une interprétation grammaticale du mot prélever, qu'il traduisit en celui de choisir.
Le droit du gouvernement interprété de cette manière, les parties de bois les mieux fournies, les plus faciles à exploiter, lui échurent en partage, tandis que les vagues, les fanges et les côtes formèrent le loi des usagers.
Les communes réclamèrent, et sur le refus de leur faire droit, elles attaquèrent le gouvernement qui fut condamné dans tous les degrés de juridiction à maintenir les communes dans leur droit et mode de jouissance et eu outre aux dommages et intérêts qui s'élèvent à près de 30 mille francs.
Nonobstant ces décisions qui défendirent au gouvernement de troubler à l'avenir les communes dans leur droit, il recommença en 1844 et fit encore choix du lot qui était le plus à sa convenance. Nouvelle action de la part des communes et nouveau jugement qui condamna le gouvernement à payer en dommage et indemnité plus de 21 mille francs, en sorte que par ces divers jugements, l'Etat se trouve devoir aux communes la somme énorme de 55,705 fr., dont elles demandent le payement que M. le ministre refuse, si au préalable on ne lui fournit une caution, parce qu'il est dans le cas, dit-il, de se pourvoir au pétitoire et que s'il obtenait gain de cause, il aurait droit au remboursement de cette somme ;
Qu'il est en outre autorisé à exiger une caution d'après la loi du 6 juillet 1793, et enfin que l'Etat a des sommes à réclamer pour frais de gardiennat.
Les communes répondent : 1° que le gouvernement ne peut agir au pétitoire qu’après avoir payé les condamnations encourues au possessoire.
2° Que l’article 27 du code civil, dont la disposition est formelle à cet égard, est postérieur à la loi de 1793 qui ne peut recevoir ici son application, ce que les pétitionnaires prouvent du reste par des arguments qui paraissent péremptoires.
La question des frais de gardiennat n'est pas plus admissible, disent-ils, parce que les sommes qu'ils réclament sont liquides, tandis que les prétentions du gouvernement sont contestées non seulement, mais que déjà il a subi une condamnation à Arlon.
Les pétitionnaires ajoutent enfin que le cautionnement est d'autant plus inutile que le gouvernement est nanti tous les ans de valeurs supérieures à ce qu'il réclame, celles des bois qu'il délivre.
La commission se borne, messieurs, à vous présenter l'analyse des faits contenus dans la pétition ; cependant elle rappellera au gouvernement ce qu'elle a déjà eu occasion de lui dire plusieurs fois, que les contestations judiciaires sont toujours choses fâcheuses, qui n'ont souvent pour résultat que la ruine des parties sans profit pour le trésor qui, d'ordinaire, comme dans le cas présent, est condamné à en supporter les frais, ce qui multiplie les résistances et altère la confiance des citoyens dans la justice du gouvernement.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département des finances avec demande d'explications.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Sigart dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif au mode d'admission et d'avancement dans le service de santé militaire.
- La discussion de ce rapport, qui sera imprimé et distribué, sera fixée ultérieurement.
M. Osy dépose le rapport de la section centrale sur le budget du département des affaires étrangères pour l'exercice 1847.
- La discussion de ce rapport, qui sera imprimé et distribué, sera fixée ultérieurement.
M. Mast de Vries. - Messieurs, différentes demandes en concession de chemin de fer ont été faites pour la Campine ; le gouvernement a donné la préférence à un chemin qui se dirigeait d'Anvers à la frontière hollandaise et qui plus tard devait joindre Düsseldorf. Par suite, tous les autres projets ont été retirés. Une enquête a eu lieu en présence des demandeurs en concession ; la commission d'enquête et les demandeurs se sont trouvés d'accord quant à la direction et quant à l'exécution. Depuis plusieurs mois, la commission d'enquête a adressé un rapport au gouvernement ; il paraît aujourd'hui que la société désirerait retirer le cautionnement qui a été fourni ; de manière que la Campine, qui seule entre toutes les parties du pays est privée d'un chemin de fer, se trouve sous le coup de perdre celui dont elle allait être dotée. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner quelques explications à cet égard, car la question du chemin de fer de la Campine est une question qui doit vous intéresser vivement. Vous n'ignorez pas, messieurs, que le traité que vous avez voté hier, est tout à fait contraire aux intérêts de la Campine ; il n'est pas une seule des concessions accordées qui ne frappe fortement cette partie du royaume. Il y a quelque chose à faire pour elle. Je prierai M. le ministre de me dire si réellement les demandeurs en concession ont demandé la restitution de leur cautionnement, et si le gouvernement est décidé à accueillir cette demande, contrairement à ce que M. le ministre a dit dans la séance du 6 mai.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, la demande en concession de chemin de fer d'Anvers vers Düsseldorf a soulevé certaines difficultés. Ainsi que l'a fait remarquer l'honorable préopinant, un tracé nouveau a été proposé et appuyé par la commission d'enquête. Un des demandeurs a, il est vrai, donné son assentiment à cette modification ; mais celui des demandeurs qui a pris cette espèce d'engagement au nom de la société, n'était pas muni de pouvoirs suffisants pour le faire ; il se trouve même qu'il n'avait pris aucune part au dépôt du cautionnement. Aujourd'hui les demandeurs capitalistes réclament la restitution du cautionnement, en se fondant sur ce que l'opération serait modifiée dans ses bases et sur ce que le chemin de fer qu'il est question d'exécuter aujourd'hui, serait autre que celui pour lequel ils se sont engagés.
Cette affaire est encore en instruction ; je ne pourrais dire, quant à présent, quelle sera la décision qui interviendra.
M. Huveners. - Messieurs, en réponse à ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics, je dois déclarer que la personne qui a accepté les modifications proposées par la commission d'enquête s'est dit avoir les pouvoirs nécessaires de la société, et que même, comme me le fait remarquer l'honorable M. Mast de Vries, il les avait sur lui.
Je crois que les motifs qui ont été allégués par M. le ministre des travaux publics ne sont pas suffisants pour accorder la restitution du cautionnement, et j'engage vivement le gouvernement à n'en rien faire.
(page 1984) M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois devoir faire remarquer qu'il n'y a pas encore de décision prise. Mon but a simplement été de faire comprendre à la chambre que la question n'était pas aussi simple que quelques honorables membres pouvaient le croire.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai ouï dire aussi que des étrangers qui ont obtenu la concession d'un chemin de fer dans ma province avaient sollicité le remboursement de leur cautionnement. J'espère que le gouvernement ne se dessaisira, sous aucun prétexte, de ce cautionnement. Il faut que les compagnies auxquelles nous avons accordé des concessions exécutent leurs engagements. Il est certain que si le gouvernement se dessaisissait des millions qui ont été déposés entre ses mains, plusieurs des chemins de fer concédés ne seraient pas exécutés. Je prie donc M. le ministre de ne pas consentir aux remboursements qui pourraient lui être demandés.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, le chemin de fer de la Flandre occidentale, auquel se rapporte l'observation de l'honorable M. Rodenbach, est dans une position tout autre que le projet de chemin de fer d'Anvers vers Düsseldorf. Dans la Flandre occidentale il y a une concession accordée, il y a des travaux en voie d'exécution et le gouvernement entend faire exécuter le cahier des charges suivant sa teneur.
Les concessionnaires demandent, il est vrai, la restitution d'une partie de leur cautionnement, mais ils ne font cette demande que dans les termes du cahier des charges, c'est-à-dire qu'ils demandent la restitution d'une somme représentant la moitié de la valeur des travaux faits et des approvisionnements effectués.
M. Mast de Vries. - Messieurs, toute la question, d'après ce que vient de dire M. le ministre, se bornerait à ce que la compagnie demanderesse ne veut pas accepter le tracé admis par la commission d'enquête. Tout ce qui en résulte, c'est qu'il faut de nouveau réunir cette commission. Mais je ne crois pas que le gouvernement doive se dessaisir du cautionnement.
Messieurs, si j'insiste sur ces observations, c'est qu'il m'a été communiqué un bruit qui paraît avoir quelque fondement ; il paraît qu'où va jusqu'à offrir de la part de la société concessionnaire des sommes extrêmement considérables (on m'a parlé de 8,000 liv. st.), si on peut faire rendre par le gouvernement le cautionnement déposé. (Il est inutile de vous dire que je ne parle point ici d'agents du gouvernement.) Mais vous comprenez que si la compagnie n'exécute pas ses engagements, l'Etat doit conserver le million de cautionnement, sauf à trouver d'autres actionnaires.
Si, messieurs, le gouvernement s'était montré trop facile avec les compagnies qui ont demandé des concessions, il est certain que le chemin de fer de la vallée de la Dendre n'aurait pas été exécuté. Mais vous avez voulu que ce chemin de fer fût exécuté, et il le sera.
Il en sera de même, si on agit de la même manière avec la société Desfossés et compagnie. J'ajouterai que parce qu'une compagnie n'exécute pas ses engagements, il ne faut pas que tout le pays en souffre. Or, vous savez qu'en présence de la préférence donnée à la compagnie qui réclame son cautionnement, la compagnie Boucquié et toutes les autres se sont retirées. Il résulterait donc du mauvais vouloir des actionnaires que la Campine se trouverait dépourvue de chemin de fer.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois, messieurs, devoir relever un fait signalé par l'honorable membre. L'honorable membre semble croire qu'une somme aurait été promise dans le but d'arriver à la restitution du cautionnement.
M. Mast de Vries. - C'est en dehors du gouvernement.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je tiens à déclarer que toute offre de ce genre m'est complétement inconnue, et je déclare de plus que cette question doit être décidée par les considérations qui lui sont propres plutôt que par des considérations d'intérêt privé ou par d'autres motifs semblables ; cette affaire est jusqu'ici dans le domaine du gouvernement ; aucune convention n'a été portée à cette chambre et je pense qu'il faut laisser au gouvernement le soin de statuer.
M. Desmet. - Partageant entièrement l'opinion que vient d'émettre mon honorable ami, M. Rodenbach, que les cautionnements des concessionnaires de travaux publics, pour la garantie de l'exécution des ouvrages concédés, sont sérieusement donnés et que le gouvernement n'écoutera pas des chicanes pour s'en dessaisir, je désire ajouter à ce que cet honorable membre a dit que les sommes des cautionnements données pour des travaux concédés ne sont pas particulièrement acquises au trésor de l'Etat, mais tout spécialement à l’ouvrage concédé, c'est-à-dire que si les premiers concessionnaires abandonnaient leur concession comme les sommes cautionnées, ces sommes resteront au profit de l'ouvrage et rendront plus faciles les conditions des nouveaux concessionnaires, de ceux qui entreprendront l'exécution de ces travaux ensuite d'une folle enchère.
M. Lys. - Messieurs, l'arrêté royal du 4 août courant détermine les droits d'entrée à percevoir sur certaines marchandises par suite de la convention conclue avec la France.
L'article 2 de cet arrêté dit, à la vérité, que les droits d'entrée sur les marchandises originaires de France, dénommées dans le tableau ci-après, sont fixés comme suit...
Mais cet article n'établit point s'il sera justifié ou comment il sera justifié que ces marchandises sont originaires de France.
On se borne à dire en note n° A, pour les tissus de laine, les habillements et vêtements, les ouvrages de mode :
« Ces marchandises ne seront admises aux droits réduits que pour autant qu'elles aient été importées par la frontière entre la Belgique et la France, d'Adinkerke à Aubange inclusivement. »
Nous ne voyons pas, dès lors, qu'aucune justification sur l'origine française soit exigée.
Ainsi les tissus de laine anglais. etc, pourraient transiter par la France, et se présenter ensuite à la douane belge. Ce seraient là des marchandises importées par la frontière entre la Belgique et la France. Ces introducteurs se garderaient bien de déclarer que ces marchandises ne sont pas d'origine française.
Il est de l'intérêt de la France, comme de la Belgique, que les choses ne se passent pas ainsi. On n'objectera sans doute pas que l'arrêté a dû se conformer aux termes de la convention, d'après lesquels, pour être admis aux droits de faveur, les fils et tissus de laine doivent simplement être importés de France ; mais, évidemment, l'esprit de la convention et l'intention des parties ont été de n'appliquer ces faveurs qu'aux tissus et fils d'origine française, et, je le répète, il est de l'intérêt bien entendu de la France autant que du nôtre, que des mesures de précaution soient prises d'un commun accord, afin d'empêcher que les tissus anglais ou autres ne se substituent aux tissus français, ce que le régime de transit existant en France peut très bien permettre.
Je crois être d'autant plus fondé, messieurs, à faire cette observation, que lorsqu'il s'agit de cotons teints ou imprimés, je trouve la note suivante :
Le droit réduit ne s'applique qu'aux tissus de coton teints ou imprimés, dont l'origine française a été justifiée conformément aux dispositions prescrites ou à prescrire par le ministre des finances.
Je pense, messieurs, qu'il est urgent qu'une pareille mesure soit prise en ce qui concerne les tissus de laine.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L'arrêté pris relativement à l'exécution de la convention conclue avec la France ne contient pas toutes les mesures nécessaires ; d'autres mesures encore seront prises. Dans l'examen qui se continue en ce moment et qui n'a pu être terminé parce que le temps a manqué, je comprendrai naturellement l'objet dont vient de parler l'honorable M. Lys. Au premier aperçu, il me paraît, en effet, que l'explication donnée par l'honorable membre est conforme au texte et à l'esprit de la convention.
M. Osy. - Messieurs, dans une discussion précédente à l'occasion d'une concession de chemin de fer, j'ai fait une proposition tendant à autoriser la cote des actions des chemins de fer après les trois premiers versements et pourvu que les travaux soient en pleine activité ; M. le ministre des finances m'a promis de présenter un rapport à cet égard à notre rentrée ; je demanderai à M. le ministre si nous pouvons compter de recevoir ce rapport à l'ouverture de la session prochaine.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Lorsque l'honorable M. Osy a proposé d'autoriser, dès à présent, la cote des actions du chemin de fer à certaines conditions, j'ai promis, en effet, de donner des explications à la chambre. Si la chambre le désire, je ferai chercher les documents nécessaires et je donnerai ces explications à la fin de la séance. Je n'ai pas pris l'initiative à cet égard, parce que ma conclusion doit être une espèce d'ajournement : je n'ai pas l'intention de proposer aujourd'hui une disposition autorisant la cote des actions des chemins de fer. Cependant lorsque les autres objets à l'ordre du jour seront épuisés, je suis prêt à donner des explications.
M. le président. - L'article unique du projet est ainsi conçu :
° Il est ouvert au département des travaux publics, un crédit de 3 millions 712,960 fr. pour travaux aux chemins de fer de l'Etat.
« Ce crédit sera provisoirement couvert au moyen de bons du trésor à émettre au fur et à mesure des payements à effectuer. »
La discussion générale qui se confond avec celle de l'article est ouverte.
La parole est à M. de Brouckere.
M. de Brouckere. - Messieurs, lorsque des crédits nous sont demandés pour des routes ordinaires, pour des canaux, pour d'autres travaux d'utilité générale, ces demandes sont renvoyées à l'examen de toutes les sections, et la chambre ne les vote qu'après s'être entourée de tous les renseignements désirables et sur la nécessité de la dépense et sur la somme qu'il faut y employer. Lorsqu'il est question des chemins de fer, la chambre se montre beaucoup plus facile, et le gouvernement compte tellement sur cette extrême facilité de la chambre que vous voyez qu'il agit fort cavalièrement avec elle. Nous avons une réunion extraordinaire, qui a pour unique objet le vote du traité conclu avec la Hollande. Eh bien, le gouvernement profite de cette petite session extraordinaire, il profite de la hâte que nous avons tous d'en finir d'une session qui est ouverte depuis près de dix mois, pour nous présenter simultanément deux demandes de crédit qui montent ensemble à près de 4 millions 500,000 fr. La chambre s'est contentée de renvoyer ces deux demandes à une commission...
M. le ministre des finances (M. Malou). - Non ! non ! Aux sections.
(page 1985) M. de Brouckere. - C'est vrai ; mais les sections étaient tellement pressées d'en finir que sur l'un des projets, cinq sections ont refusé de s'expliquer, et que sur l'autre projet il y a eu à peine discussion.
La section centrale paraît avoir compris qu'il ne faut plus se montrer aussi facile pour des dépenses aussi élevées, et par de premières conclusions elle avait demandé l'ajournement de l'une des deux demandes de crédit, celle qui a pour objet des dépenses consommées irrégulièrement sans autorisation de la chambre. Il est vrai que, quant au projet dont elle avait demandé d'abord l'ajournement, la section centrale est venue proposer ensuite l'adoption d'un des articles, montant à 160,378 fr. ; lorsque nous en viendrons à cet article je m'expliquerai sur la somme que demande M. le ministre des travaux publics.
Eh ce moment, le projet en discussion a pour objet une demande de crédit de 3,712,960 fr. ; et voici quel est l'usage auquel cette somme est destinée.
1° Complément de la dépense d'exécution des travaux de doubles voies, entrepris en exécution de la loi du 13 avril 1848 : fr. 1,128,960 ;
2° Achèvement de la double voie de la ligne du Midi : fr. 1,3584,000 ;
3° Dépenses complémentaires des lignes décrétées : fr. 1,000,000
Donc, pour les dépenses complémentaires 1 million tout juste ; on aime les sommes rondes au ministère des travaux publics.
Messieurs, si M. le ministre des travaux publics avait voulu agir, vis-à-vis de la chambre d'une manière convenable, un peu moins cavalière, il aurait présenté cette demande de crédit dans le cours de la session ; nous eussions pu l'examiner mûrement et ne voter qu'en connaissance de cause. On attend le dernier moment, le jour où nous allons nous séparer ; et maintenant je crains bien que la chambre n'adoptât pas une motion d'ajournement que je serais très tenté de lui faire pour la somme entière que demande M. le ministre, car je sais que dans plusieurs provinces on désire vivement voir achever la seconde voie du chemin de fer. Je ne ferai donc aucune proposition, quant aux deux premiers chiffres du projet qui nous occupe en ce moment ; mais quant au million demandé par. M. le ministre pour dépenses complémentaires des lignes décrétées, j'espère que la chambre sera assez prudente, assez sage, pour ne pas voter une somme aussi forte, sans que M. le ministre nous donne la moindre justification de cette demande.
M. le ministre, il est vrai, a joint à sa demande un tableau sous la rubrique : « Dépenses complémentaires des lignes décrétées ; » mais, veuillez parcourir ce tableau, et je demanderai à chacun de vous s'il est plus avancé après l'avoir lu que s'il n'y avait pas eu de tableau de tout. On y porte des travaux de parachèvement qui ont été exécutés en 1845 et dont on vient demander le vote après coup ; on y fait figurer des travaux de remblai, de tranchée, d'inondations, des excavations, des voûtements, enfin des travaux de tout genre, et à chacune de ces rubriques on met ici une somme de 40,000 fr., là de 43,000 fr., de 160,000 fr., etc., etc.
Si vous votiez ces sommes, quel sera le résultat de votre décision ? C'est que le gouvernement aura à sa disposition un million qu'il emploiera comme il voudra, car le tableau ne le liera en aucune manière.
La rubrique porte : « dépenses complémentaires des lignes décrétées. » Je voudrais que M. le ministre des travaux publics nous déclarât d'une manière formelle que c'est la dernière fois qu'on demandera des dépenses complémentaires pour le chemin de fer. Je crains qu'il n'en soit de ces nouvelles dépenses complémentaires comme de celles que nous avons déjà votées à différentes reprises : on nous annonce toujours que le chemin de fer est tout près d'être achevé ; mais c'est vraiment l'ouvrage de Pénélope, il ne s'achève jamais. Le gouvernement trouve commode d'avoir entre les mains des millions dont il dispose comme bon lui semble, et je crois que quand on viendra à l'examen attentif de l'emploi des fonds du chemin de fer, nous verrons que plusieurs de ces millions votés prétendument pour le parachèvement du chemin de fer, ont été détournés de leur destination, pour être employés à des dépenses d'entretien.
Je me borne, pour le moment, à cette simple énonciation ; quand nous discuterons le budget des travaux publics pour le prochain exercice, nous aurons l'occasion de voir, je crois, que toutes les sommes votées prétendument pour le parachèvement du chemin de fer, n'ont pas été appliquées à cet usage. Quoi qu'il en soit, je bornerai là mes observations pour aujourd'hui ; je demande formellement, par amendement, que la chambre ne vote aujourd'hui que 2,712,960 francs, et que, quant à la somme pétitionnée pour des dépenses complémentaires des lignes décrétées, elle ajourne sa discussion jusqu'au moment où elle examinera le budget des travaux publics ; et ce moment n'est pas fort éloigné ; nous voici au milieu du mois d'août, et dans deux mois la nouvelle session commencera. Nous pourrons nous occuper alors du budget normal de M. le ministre des travaux publics et y faire figurer la somme d'un million qu'il sollicite, si nous trouvons sa demande suffisamment justifiée.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, l'honorable M. de Brouckere vient d'entrer dans des détails qui abrègent singulièrement ma mission.
Cependant j'aurai quelques observations à ajouter.
M. le ministre des finances est venu nous demander un nouveau crédit de 3,712,900 francs, pour le département des travaux publics, destiné au complément de la dépense d'exécution des travaux que réclame l'achèvement des chemins de fer de l'Etat.
Dans l'exposé des motifs, M. le ministre s'abstient de nous promettre que ce sera le dernier crédit qu'on pétitionnera pour parachever nos chemins de fer. J'approuve cette réticence, et en effet, il ne pourrait nous faire cette promesse sans en imposer ; il ne veut pas suivre l'exemple de ses prédécesseurs ; il ne veut pas s'exposer à recevoir le reproche qu'il s'est trompé.
Lorsqu'en 1840 et 1842, on est venu nous demander des crédits, et particulièrement en 1842, celui de 24 millions, on nous promettait de terminer tous les travaux, on nous assurait que ce sacrifice était le dernier à charge du pays, pour solder et compléter les travaux des chemins de fer.
En 1840 le crédit voté devait être le dernier, on a tenu le même langage en 1842. Un troisième crédit a été demandé en 1844, pour la clôture définitive et sans remise des dépenses à faire.
En 1846 on demande encore près de 4 millions et Dieu sait si on s'en contentera ; l'appétit vient en mangeant chez nos hommes d'Etat, plus ils mangent plus ils veulent manger. C'est ainsi que font les prodigues ; plus on leur donne de l'argent, plus ils en dépensent.
En 1843, nous avions lieu de croire d'après les promesses ministérielles, que le pays n'aurait plus aucun sacrifice à faire de ce chef.
Mais en 1844, le gouvernement reconnut qu'il s'était trompé et que 24 millions votés sans difficultés, ne lui suffisaient pas pour solder la dépense ; il vint vous demander un nouveau subside de sept millions neuf cent soixante mille francs, en vous promettant que c'était le dernier sacrifice qu'on exigerait et sans opposition bien dessinée, vous avez voté le crédit.
Cette facilité d'obtenir des subsides a fait qu'on a conçu l'idée de revenir sur une nouvelle demande, et aujourd'hui on vient vous pétitionner un nouveau crédit de 3,712,960 fr. que vous accorderez encore, mais, que, pour mon compte, je refuserai : 1° par le motif qu'il ne me paraît pas suffisamment justifié ; 2° le temps ne nous permettant pas d'examiner s'il y a urgence de faire les travaux auxquels on destine le crédit ; 3° avant de voter cette allocation, je voudrais connaître si les fonds votés précédemment pour achever les travaux n'ont pas été employés à des travaux de luxe ou de moyenne importance ; et finalement, parce que le moment est inopportun. Les finances de l'Etat, loin de s'améliorer, vont subir une perte considérable par la réduction des recettes ; rien que l'accise sur le sucre donnera une diminution d'environ 2 millions en 1847, résultat de la nouvelle loi.
En résumé, je demande l'ajournement jusqu'à la session prochaine et j'en fais ici la proposition formelle.
Nous ne sommes pas bien éloignés du moment où nous entamerons la discussion des budgets, c'est alors que nous pourrons convenablement discuter le crédit qu'on nous demande pour la troisième ou quatrième fois pour achever les travaux que réclament nos chemins de fer, afin de les rendre parfaits.
Messieurs, vous vous rappellerez que quand nous avons entamé la discussion des chemins de fer en 1834, on nous a dit que la dépense ne s'élèverait qu'à 40 millions. Eh bien, qu'est-il résulté ? Que ces 40 millions ont été dépassés de plus de 60 millions ; c'est ainsi que des lignes qu'on avait estimé ne devoir coûter que 4 à 5 millions ont coûté plus de 30 millions. Eh bien, je vous ai prédit que cette dépense coûterait plus de 200 millions ; que m'a-t-on répondu ? C'est un ministre qui m'a fait cette réponse ; on m'a répondu que je n'entendais rien à la construction des chemins de fer, qu'on me garantissait que la dépense n'irait pas à 40 millions ; et comme je l'avais dit, elle s'est élevée à 200.
J'aurai une interpellation à adresser à M. le ministre des travaux publics ; quoique ce ne soit pas son fait, je lui demanderai quelles sont les dépenses qu'on se propose encore de faire à la station du Nord. Si mes renseignements sont exacts, une dépense de 800,000 fr. a été faite ; on me dit qu'ils ne sont pas payés ; c'est assez vous dire que le crédit ne sera pas suffisant. On dit qu'il entre dans les intentions du gouvernement de bâtir un beau monument pour faire face à la grille d'entrée. Je désirerais savoir si telle est l'intention du ministre des travaux publics actuel, si telle est l'intention des ministres ses collègues, particulièrement du ministre des affaires étrangères qui a commencé les travaux. Enfin je m'aperçois qu'en vue de faire croire à la nation que le chemin de fer est une bonne opération, qu'il rapporte l'intérêt de la dépense et de la construction, que pour donner gain de cause à un honorable collègue qui a prétendu que le chemin de fer rapportait 3 ou 4 p. c., c'est une opération que je ne qualifierai pas, on lève de l'argent pour entretenir le chemin de fer, de cette manière on a un produit net plus considérable. Si au lieu de 600,000 fr. d'entretien, vous en dépensez 900 et que vous n'en fassiez supporter que 600 par le produit de l'exploitation, vous augmentez le produit de la différence que vous demandez à l'emprunt.
Enfin, je crois que nous allons trop loin, que depuis longtemps on nous a induits en erreur, en assurant, chaque fois qu'on demandait de l'argent, que c'était la dernière fois. Je crois que d'ici à quelques années on reviendra demander de nouveaux crédits et que le chemin de fer coûte aujourd'hui plus de 200 millions, non pas seulement de construction, mais par suite des levées que vous avez faites, des commissions et des intérêts d'avances que vous avez dû payer. Quand on compte, il faut tout compter, principal et accessoire. Je dis donc que, tout compté, les chemins de fer nous reviennent à plus de 200 millions.
M. Lys. - Je ne viens pas critiquer les sommes demandées pour le complément des doubles voies, je me borne à faire des observations sur le million demandé par M. le ministre des travaux publics. Je conviens que les travaux du chemin de fer ne peuvent pas se calculer tout d'abord, qu'il y a des dépenses accidentelles, urgentes, pour lesquelles on ne peut pas attendre et qui doivent se faire immédiatement ; mais je ne puis (page 1986) admettre sans justification ultérieure ces allocations pour parachèvement de ligne.
On demande 165,922 fr. pour la tranchée définitive de Cumptich et pour le viaduc ; je dois dire que voilà une demande tout à fait imprévue.
Je croyais que dans la dernière demande de M. le ministre des travaux publics, était comprise toute la somme nécessaire pour cet objet. Cela provient de ce qu'au ministère des travaux publics les devis estimatifs ne sont pas complets, sont faits avec négligence. Voilà une dépense qui n'avait pas été prévue ; qui nous dit qu'il n'y en aura pas encore ? Je crois, moi, que vous aurez plus tard une nouvelle demande complémentaire. Cela n'est pas le fait du ministère actuel ; c'est la conséquence de la faute qu'on a commise en faisant faire ces travaux sans adjudication publique. On s'en est rapporté à ce que qu'a coûté la ligne provisoire, on l'a prise pour base et on a adjugé le travail définitif à la personne qui avait exécuté le travail provisoire.
C'est là, on doit le reconnaître, une faveur accordée à un entrepreneur. Je ne critique pas les réparations faites au chemin de la Vesdre, elles étaient nécessitées par les dégâts causés par les inondations. Si les ingénieurs, lors de la construction, s'en étaient rapportés aux riverains, ces accidents n'auraient pas eu lieu ; les riverains connaissaient mieux le régime de la Vesdre que les ingénieurs, mais ceux-ci ont voulu travailler par théorie et ont négligé les faits.
Parmi ces réparations il y a celle du perré du Purgatoire dont les dégâts sont le résultat d'une mauvaise construction.
Je dois faire remarquer que nous voyons souvent les ingénieurs faire supporter par l'Etat des dépenses de cette nature, rarement nous voyons les entrepreneurs rendus responsables de ces réparations. Cependant quand une entreprise a été faite pour un semblable travail, les accidents provenant des défauts de construction sont à la charge de l'entrepreneur. Ce perré a manqué dès le moment de la construction, la réparation doit être à charge de l'entrepreneur. Je suis donc d'avis avec l'honorable M. de Brouckere d'accorder les allocations demandées dans la première partie du projet et d'ajourner les autres.
Quant à la réparation dont je viens de parler, j'engage M. le ministre à faire examiner de nouveau si le gouvernement devait se charger de cette reconstruction.
M. de La Coste. - Je ne me prononcerai pas, pour le moment, sur l'ensemble du crédit que l'honorable M. de Brouckere a proposé de retrancher ; je ferai cependant observer que cette suppression aurait un résultat très grave quant à une partie des dépenses proposées, je veux parler des 165,900 fr. demandés pour achever la tranchée qui doit remplacer le tunnel de Cumptich. Notre voie ferrée est actuellement placée sur une des banquettes de la tranchée. Cette situation est plus ou moins périlleuse.
Je ne veux pas jeter l'alarme, mais je pense que cette situation donne lieu à certaines inquiétudes ; je pense qu'il importe que le travail de la tranchée de Cumptich soit terminé promptement ; c'est un objet d'urgente nécessité, à l'un des points de vue les plus importants où nous devions nous placer dans de semblables discussions, c'est-à-dire, au point de vue de la sûreté publique.
A cette occasion, messieurs, je dirai qu'il est un ordre de dépenses auquel, quoique partisan des économies, je voudrais donner ouverture. Je pense, messieurs, qu'il y aurait des précautions à prendre, précautions conseillées par différents événements qui ont eu lieu cette année ; des précautions à prendre, dis-je, dans l'intérêt de la sûreté des voyageurs et de celle des employés du chemin de fer, qui doit aussi nous préoccuper. Ces précautions concerneraient surtout les remblais élevés. Il y en a qui ont été suggérées en France par un corps savant ;il en est d'autres qui pourraient l'être par la science approfondie de notre corps des ingénieurs qui ne le cède à aucun autre. Je pense que c'est là un objet qui mérite toute l'attention du gouvernement.
Puisque j'ai la parole, je fixerai encore cette attention sur un objet sur lequel je l'ai déjà appelée plus d'une fois ; c'est l'anomalie qui existe dans le tarif sur l'embranchement de Louvain. Le tarif sur l'embranchement qui unit la voie ferrée au port de Louvain est quintuple de ce qu'il devrait être, suivant la distance.
Ceci, messieurs, place le port de Louvain à une lieue plus loin de Liège qu'il ne devrait l'être ; or, maintenant qu'un traité que nous venons d'adopter vient stimuler certains mouvements commerciaux par la frontière nord-est, il est équitable, je pense, qu'on se hâte de réparer cette injustice qui a duré trop longtemps, qu'on se hâte, dis-je, de le faire pour accorder au commerce qui emprunte la voie de Louvain certaines compensations, dont les consommateurs liégeois profiteront également ; car, si je puis me servir de cette expression triviale, ils prendront des deux mains. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce point, parce que je pense que l'intention du gouvernement est de faire droit à cette réclamation ; je désirerais cependant que M. le ministre des travaux publics voulût bien s'expliquer à cet égard.
Je désirerais également qu'on fît le plus tôt possible cesser une autre anomalie, c'est-à-dire la différence qui existe entre le prix du transport par chemin de fer des farines et le prix du transport des blés ; celle différence n'a réellement aucun motif.
M. David. - Je désire seulement répondre quelques mots aux paroles que vient de prononcer l'honorable M. Eloy de Burdinne. Je ne m'étais du reste aucunement proposé de prendre part à cette discussion. Lorsque l'on a compté, en Belgique, sur une dépense de 40 millions, il ne s'agissait alors que des lignes primitives du chemin de fer : et si les 40 millions ont été dépassés c'est que le pays a eu la gloire de décréter et mieux de construire un grand nombre d'autres branches, qui sont un immense bienfait pour le pays, vous le reconnaîtrez, messieurs. Je ne conçois pas que l'honorable M. Eloy de Burdinne perde constamment de vue cette circonstance. Quant à moi, je voudrais qu'il y eût des chemins de fer pour 500 millions en Belgique, car il est évident que ces chemins de fer seraient une grande preuve de richesse et de prospérité et rapporteraient dans la proportion des fonds y employés.
Le chemin de fer belge rapporte aujourd'hui, messieurs, 5 p. c., et je ferai observer à l'honorable M. Eloy de Burdinne qu'il existe dans le pays pour 500 millions de routes, de canaux et de chemins vicinaux, qui ne rapportent pas un huitième pour cent au trésor ! Qu'on ne vienne donc plus mettre en parallèle le chemin de fer et les routes ordinaires de l'Etat, c'est un véritable anachronisme.
Je me bornerai, messieurs, à ces observations et je voterai pour le crédit demandé par M. le ministre des travaux publics, persuadé qu'un rejet dans l'occurrence serait un mal général pour notre railway national.
M. Desmet. - Je conviens, messieurs, avec l'honorable M. Eloy de Burdinne que le chemin de fer a coûté des sommes immenses, mais puisque maintenant les chemins de fer remplacent les routes ordinaires, il est juste d'en accorder à toutes les parties du pays, puisque toutes contribuent à la dépense de ces nouvelles voies de communication. Quand on a construit des routes pavées, on en a fait pour tout le monde ; ces routes n'ont duré qu'un siècle et 20 ans, car c'est en 1720 qu'on a fait la première route pavée, celle de Bruxelles à Gand ; maintenant, je le répète, on remplace ces routes par des chemins de fer et il faut aussi qu'on en fasse pour tout le monde, car sans cela ceux qui n'en obtiendraient pas, non seulement payeraient pour ceux qui en obtiennent, mais perdraient beaucoup, car ceux qui ont des chemins de fer ont le commerce et ceux qui n'en ont pas le perdent ; il y aurait là un privilège contraire non seulement au texte et à l'esprit de la Constitution, mais encore à tous les principes de justice et d'équité.
Je n'appuie donc pas les observations de l'honorable M. Eloy de Burdinne. Ce n'est pas moi qui ai entraîné le gouvernement dans cette dépense, mais puisqu'on y est entré, il faut que tout le pays en profile.
J'ai une autre observation à faire. La ville d'Alost n'a pas de chemin de fer, mais elle a en quelque sorte une station, qui se trouve à une certaine distance, c'est la station d'Audeghem.
Eh bien, messieurs, la ville d'Alost se plaint de ce que quelques convois seulement s'arrêtent à cette station ; je demande qu'ils s'y arrêtent tous.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, vous aurez peut-être été frappés comme moi du peu de bienveillance, de la méfiance même avec laquelle sont généralement accueillies les demandes de crédits destinées à achever nos chemins de fer. J'ai cherché à me rendre compte de cette circonstance, de cette impression, que je partage avec mes collègues, et qui ne résulte assurément d'aucune aversion pour cette grande et utile entreprise. Je crois qu'il faut attribuer ce peu de bienveillance à deux causes que je vais avoir l'honneur de vous indiquer.
D'abord le gouvernement, qui, depuis 1834, a obtenu, je pense, 170 millions de fonds pour établir les chemins de fer, n'a pas encore rendu un seul compte des sommes dépensées. Il me semble, cependant, messieurs, et vous serez sans doute de cette opinion, qu'il est plus que temps de présenter un compte détaillé, de soumettre les dépenses des chemins de fer à la sanction parlementaire, comme toutes les autres dépenses de l'Etat, de les faire régler par la loi.
Que résulte-t-il de cette situation, qui fait peser sur l'administration des travaux publics une grave responsabilité ? C'est que la majorité, qui vote les dépenses, est obligée de voter en aveugle. Et il est tout simple que l'on ne vote de cette manière qu'avec répugnance des sommes aussi considérables aux dépens des contribuables.
En effet tout en approfondissant les choses autant que j'ai pu le faire, il m'a été impossible d'y rien voir.
L'autre motif qui fait que les demandes, dont il s'agit, ne sont pas bien accueillies, c'est la manière dont les fonds des travaux publics s'administrent. Tous les ans la cour des comptes fait des observations sur cette administration. La cour est, plus qu'aucun autre corps, à même de savoir ce qui se passe, puisque toutes les demandes de payement passent par son intermédiaire.
Eh bien, messieurs, qu'avons-nous vu ? Le dernier cahier, du mois de février, et le cahier précédent nous révèlent encore des faits bien extraordinaires. Nous y voyons, par exemple, que le gouvernement a accordé à un entrepreneur une indemnité de plus de 31,000 fr., qui n'était nullement due si l'administration s'était conduite convenablement. (Voir page 59 du cahier d'observations de la cour des comptes sur le compte définitif de 1841.)
Voici, messieurs, en résumé c qui s'est passé :
En 1843 un entrepreneur fut déclaré adjudicataire, moyennant un rabais de 20 p. c. sur le prix du bordereau de la construction d'une gare avec bâtiments, etc. à la station du Nord à Bruxelles.
Le contrai imposait, entre autres conditions, à l'entrepreneur de commencer les travaux endéans les 15 jours qui suivraient l'approbation de l'adjudication, et de les avoir terminés pour le 12 décembre suivant.
Eh bien, que fit l'administration pour mettre l'entrepreneur à même de remplir ses engagements ? Elle ne lui transmit les plans qu'une année entière après la date de l'approbation de l'adjudication ; et quel a été (page 1987) le résultat de cette conduite inqualifiable ? C’est que l'entrepreneur a demandé une indemnité, basée sur ce que ses ouvriers étaient restés inactifs par le fait de l'administration.
L'article 5 du cahier des charges portait que : « La pierre de taille bleue proviendra des carrières de Soignies, d'Arquennes, des Ecaussines, de Maffles ou de toute autre, également au gré de l'administration. »
L'administration fit choix des pierres des Ecaussinnes, qui sont les plus chères.
Que fit l'entrepreneur ? Il se fonda sur la manière dont une virgule était placée pour prétendre que le gouvernement lui devait des indemnités pour avoir fait choix de la pierre des Ecaussines, qu'il n'avait pas eu le droit de lui imposer cette nature de pierre.
Cependant tout doute devait disparaître en présence de l'interprétation donnée à l'article 5 par le bordereau de prix, qui porte : « Le mètre cube de pierres bleues des carrières à désigner par l'administration, etc. »
Quel a été le résultat de la négligence de l'administration à fournir les plans, et des chicanes de l'entrepreneur ? C'est qu'un arrêté du 18 avril 1845 lui a accordé une indemnité de 12,000 fr. Mais ce n'est pas tout, ajoute la cour des comptes, l'entrepreneur ne se contente pas de ces 12,000 fr., il impose encore à l'administration, chose sans exemple jusqu'ici, de lui adjuger, moyennant une diminution de 6 p. c. sur le rabais offert lors de l'adjudication primitive, tous les travaux supplémentaires à exécuter pour terminer les constructions des bâtiments cl dépendances de la station du Nord. Ces travaux s'élèveront d'après le devis, à 177,706 fr. 67 c. ce qui constitue pour l'entrepreneur, un bénéfice réel de 10,662 fr. 40 c.
Une circonstance digne de remarque, ajoute la cour, c'est que l'on a entièrement abandonné l'entreprise primitive, car toutes les demandes de payement qui lui ont été adressées, ont été imputées sur les travaux supplémentaires, et cette manière d'opérer constitue une faveur accordée à l'entrepreneur au préjudice du trésor, en ce sens, qu'au lieu d'opérer le rabais de 26 p. c. sur les travaux restant à effectuer de l'entreprise primitive, on n'opère qu'au rabais de 20 p. c. sur les travaux supplémentaires ; or le montant de l'entreprise principale était de 395,000 et le sieur *** n'ayant exécuté de travaux que pour 255,392 40 il reste à exécuter de ce chef pour 139,607 60, ce qui donne encore à l'entrepreneur un bénéfice de 8,376 45.
Cependant l'administration avait le droit de contraindre l'entrepreneur à exécuter des travaux jusqu'à concurrence de la somme portée au devis d'après l'article 22 du cahier des charges.
C'est donc, dit en terminant la cour, plus de 31,000 fr. d'indemnité qu'a reçus l'entrepreneur !
Passons maintenant au cahier qui concerne l'exercice définitif 1840 (voir page 39) ; il s'agit ici d'indemnités accordées pour travaux résultant de dégâts occasionnés par les inondations sur la ligne de la Vesdre.
Les travaux du chemin de fer de la Vesdre furent adjugés séparément en 6 lots et soumis aux mêmes conditions.
L'article 64 du cahier des charges était conçu en ces termes : « L'entrepreneur devra, au commencement et à la fin des saisons, entamer et cesser les travaux aussitôt qu'il en sera requis, et prendre, pendant l'hiver ou le temps des crues, toutes les mesures nécessaires pour empêcher les dégradations.
« Il devra, au moment d'abandonner la maçonnerie, en disposer la surface supérieure de telle manière que les eaux de pluie ne puissent les dégrader ni passer dans les massifs.
« Il ne pourra prétendre à aucune indemnité pour mauvais temps, gelées ou crues même extraordinaires. »
Une inondation survint en mars 1842. Elle occasionna de grands dégâts. Les entrepreneurs réclamèrent, ceux des 1, 2 et 3 lots se pourvurent par voie judiciaire.
Un jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 2 janvier 1842 se fondant sur l'article 64, décida, que les frais résultant de ces dégâts étaient à la charge des entrepreneurs.
Cela n'empêcha pas l'administration de mettre à la charge de l'Etat les travaux exécutés tant en réparation des dégâts occasionnés par les inondations, que ceux destinés à les prévenir.
La cour des comptes en porte la dépense à fr. 678,214 46, à la page 42 de son cahier.
Ainsi, messieurs, veuillez le remarquer, quand une virgule donne à la prétention d'un entrepreneur un semblant de fondement, il obtient gain de cause. Mais il y a plus, il se fait donner, pour prix de ses chicanes sans doute, des faveurs, une diminution sur le rabais offert lors de l'adjudication. Et quand dans une autre circonstance les clauses du cahier des charges en faveur de l'Etat étaient incontestables, que l'autorité judiciaire les avait jugées telles, l'administration qu'entretient l'Etat, se prononce contre l'Etat.
L'Etat a toujours tort aux travaux publics, il suffit d'examiner ce qui se passe depuis 1834 pour s'en convaincre. Les entrepreneurs ont presque toujours gain de cause. Les peines comminées par les contrats en cas de non accomplissement des charges qu'ils imposent ne sont pas appliquées.
C'est ainsi, qu'un arrêté du 12 mais 1845 leur a fait remise à tous indistinctement des amendes qu'ils avaient encourues.
J'avoue que lorsque je vois de pareils faits, sur lesquels, en présence des explications de la cour des comptes, il ne peut rester de doute, c'est avec dégoût, avec défiance que je vote des fonds pour le chemin de fer ! Ce qui m'a porté, jusqu'ici, à voter les crédits demandés, c'est que chaque fois, on est venu nous promettre que le crédit qu'on demandait serait le dernier. Nous avons dit oui, afin de nous débarrasser d'un lourd fardeau : mais voilà que nous en sommes encore à nous demander, quand enfin nous verrons arriver celle clôture.
Je prie donc M. le ministre de vouloir nous déclarer formellement où nous en sommes. Je lui demanderai encore qu'il prenne l'engagement de déposer un compte détaillé de la dépense de construction catégorisée de manière à grouper chaque espèce de dépense mise en rapport avec les divers comptes financiers publiés par son département, et justifiés par les livres d'imputation.
Nous verrions ainsi mandat par mandat, entreprise par entreprise, ce qu'en définitive ont coûté nos chemins de fer au pays.
Le gouvernement ne peut se refuser à prendre cet engagement, car la Constitution l'y oblige. Les dépenses du chemin de fer doivent être régularisées comme les dépenses ordinaires du budget. J'espère donc que M. le ministre des travaux publics s'empressera de nous déclarer que ce compte sera incessamment déposé accompagné d'un projet de loi de règlement.
Je demande enfin qu'il donne l'assurance qu'à l'avenir les clauses des cahiers des charges ne soient pas interprétées d'une manière aussi partiale en faveur des entrepreneurs ; qu'on leur applique les peines comminées par les contrats en cas de non accomplissement de leurs engagements.
Je demande que les cahiers des charges soient rédigés avec plus de soin, qu'on laisse moins à l'imprévu. En effet, qu'est-ce qui arrive sans cesse ? Les agents des travaux forment des cahiers des charges tellement défectueux, qu'à peine les travaux sont-ils commencés, le gouvernement défait lui-même ce qu'il a fait et se livre à la merci des entrepreneurs.
Messieurs, de tels faits doivent paraître fort extraordinaires, et ne peuvent manquer d'inspirer des soupçons, alors qu'on entend dire continuellement, comme on le disait encore il y a un instant, que le corps des ponts cl chaussées est un des plus éclairés de l'Europe, et qu'il marche de pair avec les corps les plus distingués. Il me semble qu'au corps pareil devrait savoir rédiger un cahier des charges, établir des contrats. L'administration des chemins de fer, qui se compose de membres du corps des ponts et chaussées, doit en avoir quelque pratique d'après les millions qu'elle a dépensés.
Je ferai encore une demande à M. le ministre des travaux publics.
Plusieurs de nos honorables collègues ont témoigné la crainte que le crédit pétitionné ne serait pas suffisant. J'ai, à cet égard, adressé à M. le ministre des travaux publics une interpellation en section centrale. Sa réponse se trouve consignée au rapport. Il nous a déclaré que les fonds accordés précédemment réunis à ceux qu'il demandait aujourd'hui, suffiraient pour les travaux auxquels ils sont destinés ; que, toutefois, il n'aurait pas les fonds nécessaires pour achever la station de Bruxelles, qui a déjà coûté 800,000 fr., et à laquelle il manque une façade, et pour un travail beaucoup plus considérable, le doublement de la voie sur la ligne de Gand vers Ostende, où le doublement n'est fait que sur une très minime distance, de Passchendaele à Ostende, et sur la voie de Gand vers Courtray, où le doublement n'est encore fait que sur 14 à 15 kilomètres, sur la ligne vers Namur et celle de Landen à St-Trond.
Ces lignes demandent un doublement de voie de 191 kilomètres, qui coûterait au-delà de 8 millions de francs.
J'invite M. le ministre des travaux publies de bien vouloir prendre des engagements formels relativement aux demandes que je lui ai faites. J'espère qu'il ne s'y refusera pas, et je me plais à le dire à la chambre, je compte sur les engagements que prend M. le ministre des travaux publics. Les faits dont je me plains n'appartiennent pas à son administration, et l'on se dit généralement qu'il travaille à remédier aux abus, à empêcher qu'ils ne se reproduisent. Sa bonne volonté à cet égard, est, à ce qu'il paraît, très grande. Il est à regretter qu'elle vienne un peu tard, alors que ces immenses travaux sont terminés.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, le projet qui est actuellement soumis à la chambre, est assez simple, en ce qui concerne les doubles voies ; il s'agit d'abord de parfaire le crédit nécessaire à l'exécution des doubles voies autorisées en 1845. La chambre se ressouviendra que nous étions alors en présente de prix de matériaux bien inférieurs à ceux d'aujourd'hui. De là est résulté un déficit de plus d'un million, à concurrence duquel on demande aujourd'hui un crédit nouveau.
La question est aussi assez simple en ce qui concerne l'achèvement de la double voie sur la ligne du Midi. Aussi, les honorables préopinants qui ont présenté des observations critiques sur le projet, se sont-ils montrés disposés à allouer ce qui est demandé pour les doubles voies, en émettant l'opinion qu'il conviendrait d'ajourner le crédit d'un million pour dépenses complémentaires.
Cet ajournement serait regrettable, en ce sens que la somme demandée est due en partie, et que l'ajournement proposé entraînerait l'ajournement de payements dus immédiatement.
Dans ce million se trouve comprise une somme de 165,600 fr. nécessaire pour l'achèvement de la tranchée de Cumptich. Cet ouvrage est en cours d’exécution. Si on le continue activement, il sera terminé avant l'hiver, et il y aura nécessité absolue de faire face au payement.
Le million comprend encore les indemnités dues à un certain nombre de propriétaires avec lesquels il y a eu des procès pour dépréciation de propriétés. Ce sont ces circonstances qui ont fait retarder jusqu'à présent le payement de ces sommes, mais aujourd'hui les créances sont liquides, et il y a nécessité de les acquitter.
L'honorable M. de Brouckere s'est également élevé contre les dépenses (page 1988) de parachèvement qui, selon lui, se confondent avec les dépenses d'entretien.
Messieurs, il y a ici une distinction à faire. La dépense d'entretien est celle qui tend à maintenir la chose créée dans son état primitif ; mais les dépensés de parachèvement ont consisté généralement en modifications de travaux déjà exécutés. Par exemple, on a reconnu la nécessité d'augmenter l'inclinaison de certains talus, en vue de prévenir les éboulements. Les dépenses de ce genre ne sont pas des dépenses d'entretien. On avait cru pouvoir les éviter dans le principe ; lorsque l'expérience a fait reconnaître que des éboulements étaient à craindre, il a bien fallu modifier les profils sous lesquels les berges avaient été établies.
Je conçois que quelques membres de la chambre trouvent extraordinaire que dans certains cas les travaux soient faits, avant que le crédit soit demandé. Autant que ces honorables membres, je regrette ces irrégularités, mais il n'est pas toujours possible de les éviter, le service du chemin de' fer est dans des conditions spéciales. Ce service exige dans toutes ses parties une régularité parfaite. Il n'en est pas d'un chemin de fer comme d'une route ordinaire qui, mal entretenue, par exemple, est viable jusqu'à un certain point ; le chemin de fer doit toujours être dans un état de viabilité parfaite, et il y a toujours nécessité indispensable de faire sans délai tout ce qui est reconnu nécessaire à la marche sûre des convois.
Beaucoup de ces travaux de parachèvement sont exécutés ; ici encore l'Etat est engagé, et il y aurait de sérieux inconvénients à ajourner le crédit.
Je crois devoir faire remarquer à cet égard que nos lignes ouvertes les dernières, précisément celles qui ont présenté les plus grandes difficultés d'exécution, celles qui avaient le plus de travaux, celles qui ont été construites dans les conditions les plus défavorables, ont été ouvertes à la fin de 1843 ; c'est à la fin de cette année que la circulation s'y est trouvée établie, et c'est précisément l'expérience des transports sur ces lignes nouvelles, qui a démontré la nécessité de certains travaux qui n'avaient pas été compris dans les évaluations primitives. De là ces travaux de parachèvement.
Plusieurs membres ont désiré savoir si le crédit actuellement demandé serait le dernier. Comme j'ai eu l'honneur de le faire connaître à la section centrale, ce crédit est le dernier, si on entend se restreindre à ce qui est prévu aujourd'hui, si l'on entend laisser à simple voie les parties du chemin de fer comprises entre Gand et Passchendaele (longueur, 60 kilomètres), entre Gand et Courtray (44 kilomètres), entre Mouscron et Tournay (19 kilomètres), entre Landen et St-Trond (10 kilomètres), entre Godarville et Gosselies (21 kilomètres), entre Charleroy et Namur (37 kilomètres), ensemble 191 kilomètres.
Ces 191 kilomètres exigeraient pour doublement de voie une dépense d'environ 8,400,000 fr.
Pour ce qui est des stations, je pense que la dépense pourra être couverte au moyen du crédit voté par la loi du 15 avril 1845. Un crédit d'environ 5 millions a été ouvert par cette loi, et je crois qu'il y aura moyen de faire avec ce crédit les travaux prévus.
Lorsque les doubles votes seront complètes sur la ligne du Midi, nos chemins de fer auront une double voie sur environ deux tiers de leur développement ; un tiers restera à doubler.
L'honorable M. Eloy de Burdinne a paru se préoccuper beaucoup de la position que le chemin de fer fait au trésor de l'Etat. Je crois que cette position peut être regardée comme fort bonne. Si nous avons eu de l'imprévu dans nos dépenses, nous en avons eu aussi dans nos recettes. Bien que d'année en année, en établissant le chiffre du budget des voies et moyens, on ait toujours prévu une augmentation de recettes sur le chiffre de l'année précédente, depuis^ trois ans, les recettes du chemin de fer ont toujours dépassé les prévisions, comme le prouve l'état ci-après :
Année 1844 :
Sommes portées au budget des voies et moyens : fr. 10,600,000.
Recettes réelles : fr. 11,230,493 31 c.
Excédant des recettes réelles sur l'évaluation du budget des voies et moyens : fr. 630,493 31 c.
Année 1845 :
Sommes portées au budget des voies et moyens : fr. 11,300,000
Recettes réelles : fr. 12,403,204 55 c.
Excédant des recettes réelles sur l'évaluation du budget des voies et moyens : fr. 1,103,204 55 c.
Année 1846 :
Sommes portées au budget des voies et moyens : fr. 12,800,000
Recettes réelles (somme dont la rentrée est certaine d'après les recettes des sept premiers mois de l’année) : fr. 13,267,000.
Excédant des recettes réelles sur l'évaluation du budget des voies et moyens : fr. 467,000.
Total de l’excédant des recettes sur les prévisions pour trois années : fr. 2,200,697 86 c.
Au budget de 1847, nous portons un chiffre de 13,600,000 fr. au minimum, c'est-à-dire un chiffre supérieur de 3 millions à celui qui a été porté au budget des voies et moyens de 1844.
Ce qui résulte de là, messieurs, c'est qu'en trois années les recettes du chemin de fer se seront élevées de 3 millions, sans qu'aucune section soit venue se joindre à celles sur lesquelles la circulation était établie à la fin de 1843.
La situation peut donc être regardée comme bonne et comme fort bonne.
Je termine pour le moment, en insistant pour que la chambre veuille bien adopter la proposition du gouvernement, qui a obtenu l'appui de la section centrale.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. de Brouckere. - Je demanderai à la chambre la permission de lui soumettre quelques observations fort courtes. Je commencerai par dire, comme l'honorable M. de Man d'Attenrode que je rends parfaitement justice au zèle de M. le ministre des travaux publics. Je sais qu'il est fort laborieux, qu'il se donne beaucoup de peines pour détruire ce qu'il a trouvé d'irrégulier et de vicieux dans son département. Mais je vais vous dire toute ma pensée. M. le ministre, comme quelques-uns de ses prédécesseurs, subit l'influence d'une administration qu'il devrait diriger. J'ajouterai que, selon moi, la chambre rendrait un véritable service, non seulement au pays, mais à M. le ministre des travaux publics lui-même, en le rendant un peu plus fort contre cette administration qui devient trop puissante, et qui se croit omnipotente.
Les observations de M. le ministre des travaux publics me confirment dans la pensée que la chambre ferait une haute imprudence, se montrerait singulièrement inconséquente, si elle ne distrayait pas de la demande de 3,712,000 fr. la demande d'un million figurant sous le n°3 : je vais vous le prouver.
Il résulte des aveux de M. le ministre des travaux publics lui-même que le million dont il s'agit sous le n°3 est déjà dépensé en grande partie. Ainsi il en est de ce million comme des 633,000 fr. demandés par un autre projet. Dès lors, vous allez vous faire une question fort naturelle : Pourquoi n'a-t-on pas confondu les deux demandes dans le même projet ? La réponse est facile à donner : la chambre aurait été effrayée de voir que le département des travaux publics ait dépensé sans autorisation une somme de 1,600,000 fr. ; on a trouvé facile l'expédient de diviser la demande en deux. On n'a pas voulu vous effrayer en réunissant dans un même projet des dépenses de même nature, s'élevant ensemble à 1,655,000 fr., on les a divisées en deux ; je défie qu'on réponde à cela quelque chose de raisonnable.
La section centrale refuse, sauf à l'examiner quand les pièces relatives à ces dépenses seront produites, l'allocation de 633,000 fr. Voici les motifs péremptoires de son refus :
« D'après l'aveu du gouvernement, le crédit demandé est destiné à couvrir des dépenses accomplies, qui dépassent les crédits accordés ; il en est même une pour laquelle il n'a jamais été demandé de crédit.
« Il s'agit dès lors de s'assurer de l'urgence, de l'opportunité, de l'utilité de faits accomplis d'une manière irrégulière pour ne pas dire illégale, de les ratifier, de vérifier en quelque sorte un compte.
« Cette vérification exige la production de pièces justificatives nombreuses.
« Votre section centrale n'a pas le loisir de se les faire produire, de se livrer à un travail aussi compliqué, puisque la chambre va se séparer.
« Aussi n'a-t-elle pas cru pouvoir prendre la responsabilité de vous proposer la ratification de faits accomplis en dehors des lois de crédit, de donner son approbation à un mode de procéder, qui est subversif des garanties fondées par la Constitution en faveur du trésor public. »
Ces raisons parfaitement déduites et péremptoires s'appliquent au crédit d'un million comme au crédit de 633,000 fr. J'espère que la chambre qui ajournera tout à l'heure la demande de 633,000 fr., sauf l'exception proposée, prendra la même mesure pour le million. Faute de quoi, elle se montrerait inconséquente avec elle-même.
J'ai dit qu'au département des travaux publics on confondait les fonds destinés à la construction des routes et les fonds destinés à l'entretien.
Les explications de M. le ministre confirment ce que je viens de dire.
Je suppose une ligne, par exemple celle de l'Est, entièrement terminée. Mais au bout de 7 ou 8 ans, un ingénieur trouvera qu'un talus trop roide doit être adouci. Sur quoi croyez-vous qu'on prendra les fonds nécessaires pour l'exécution de ces travaux ? Sur les fonds de construction. C'est-à-dire que, dans 50 ans, il faudra encore un fonds de construction ; car à quelque époque qu'on arrive, sur des voies aussi importantes, il y aura toujours des modifications à faire. Ainsi il faudrait donner à perpétuité au ministère des travaux publics un fonds de construction. Ce système est absurde. Il existe seulement, je ne dirai pas au département des travaux publics, mais à l'administration du chemin de fer.
Je bornerai ici mes observations pour le moment.
Je crois avoir démontré à toute évidence que la chambre doit ajourner cette demande d'un million. Il n'y a pas plus d'inconvénient à cet ajournement qu'à celui que la chambre prononcera tout à l'heure.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je sais gré à l'honorable M. de Brouckere de la bonne opinion qu'il a exprimée à mon égard, en ce qui concerne mon désir d'améliorer les divers services qui me sont confiés et cela sans y épargner ma peine. Mais je regrette qu'il pense que je subis l'influence des administrations que j'ai à diriger. J'ai la prétention de diriger les administrations qui me sont confiées. L'expérience seule prouvera si j'y aurai rempli cette mission, ou si j'aurai manqué.
L'honorable membre pense que dans 50 ans on pourra encore demander des fonds pour parachèvement des lignes du chemin de fer. Je crois que c'est pousser le raisonnement à l'extrême ; je ferai remarquer que les travaux les plus importants sont relatifs aux lignes livrées les dernières à la circulation, dans des vallées montueuses.
L'honorable membre a pensé également qu'on avait proposé deux projets distincts, pour ne pas mettre en évidence le chiffre de 1,600,000 fr., affecté à des dépenses déjà faites. La division des propositions du gouvernement en deux projets, a une cause toute différente : elle tient à ce que la dépense que concerne un des projets doit, comme dépense (page 1989) d'entretien, être couverte par les ressources ordinaires du budget, tandis que l'autre projet embrasse des dépenses de première création, qui doivent être couvertes par des bons du trésor. Cette considération est la seule qui ait motivé la présentation de deux projets distincts.
Je puis affirmer, du reste, qu'il n'entre nullement dans ma pensée de rien dissimuler, ni de surprendre, en aucune circonstance, un vote de la chambre.
L'honorable rapporteur a demandé si j'avais l'intention de rendre compte de l'emploi des fonds du chemin de fer, d'après le mode qu'il a indiqué. J'ai prescrit un travail ; je le ferai poursuivre avec la plus grande activité. J'espère pouvoir le déposer dans les premiers mois de la session prochaine.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Dumortier. - Je voudrais bien savoir s'il entre dans les intentions de l'honorable M. de Brouckere de demander l'ajournement de l'allocation relative aux personnes qui ont été expropriées, et qui depuis 7 ou 8 ans n'ont pas touché l'indemnité à laquelle elles ont droit, indemnité qui devrait être préalable aux termes de la Constitution. Je ne puis croire que ce soit son intention.
M. de Brouckere. - C'est bien mon intention ; mais l'ajournement serait à un terme fort court ; car cette dépense serait comprise dans le budget des travaux publics et votée au commencement de la session prochaine, après qu'il en aurait été justifié à la chambre.
M. Dumortier. - Cela n'est pas admissible ; ces personnes n’ont que trop attendu. Il faut que cela ait un terme.
- La discussion est close.
La proposition de M. de Brouckere est mise aux voix et rejetée après deux épreuves.
« Art. unique. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit de3,712,960 fr. pour travaux au chemin de fer de l'Etat. Ce crédit sera provisoirement couvert au moyen de bons du trésor à émettre au fur et à mesure des payements à effectuer. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Voici le résultat du vote.
63 membres sont présents,
3 (MM. Eloy de Burdinne, Lys et Delfosse) s'abstiennent.
60 prennent part au vote.
56 votent pour l'adoption.
4 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Dolez, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, de Lannoy, Fleussu, Goblet, Henot, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Veydt, Zoude, Biebuyck, Brabant, Clep, Coppieters, David, de Foere, de Garcia, de Haerne, de la Coste, Delehaye, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmet, de Terbecq et Liedts.
Ont voté contre : MM. de Villegas, Savart, de Bonne et de Brouckere.
M. Eloy de Burdinne. - Je n'ai pas voulu voter contre le projet de loi, parce que je reconnais qu'il comprend des dépenses indispensables. D'un autre côté, je n'ai pas voulu l'admettre, parce qu'il comprend aussi des dépenses inutiles.
M. Lys. - Je n'ai pas voulu voter contre le projet de loi, pour ne pas retarder l'achèvement du chemin de fer. Je n'ai pas voulu voter pour, parce qu'il comprend des dépenses qui ne sont pas justifiées.
M. Delfosse. - Je n'ai pas voté contre, parce que les fonds demandés paraissent en grande partie nécessaires ; je n'ai pas voté pour, parce que je n'ai pas voulu sanctionner par mon vote les irrégularités qui ont été commises entre autres pour la tranchée de Cumptich.
M. Dumortier. - Messieurs, la commission que vous avez chargée d'examiner le projet de loi relatif à la liquidation de la pension du sieur de Ghouy, m'a chargé de vous présenter son rapport et je viens m'acquitter de ce devoir.
A l'époque où le canal de Mons à Condé était réuni au domaine public, le sieur de Ghouy fut nommé, par arrêté royal du 17 septembre 1817, administrateur du canal de Mons à Condé dont la perception se faisait alors au profit du trésor de l'Etat.
Depuis, le canal ayant passé à la province de Hainaut, le titulaire continua ses fonctions. Mais l'Etat ayant repris le canal, le gouvernement, par mesure d'économie, a cru devoir faire passer cette recette entre les mains des agents du domaine.
Dans cet état des choses, il a paru à votre commission qu'il y avait ici une question de justice à accueillir le projet qui vous est présenté, et elle a l'honneur de vous en proposer l'adoption.
M. de Brouckere. - A l'occasion de ce projet de loi, je demanderai à M. le ministre des finances, si son intention est de présenter un projet de loi tendant à consacrer les droits à la pension des employés de l'administration des eaux et forêts, qui, après avoir été au service de l'Etat, ont passé au service de la Société Générale pour favoriser l'industrie, et sont ensuite rentrés au service de l'Etat. M. le ministre m'a répondu qui jusqu'à présent il n'avait pas pris de résolution. Je me permettrai de lui dire qu'il y a de ces employés, car il s'agit d'employés tout à fait subalternes, d'employés à 800 fr. qui se trouvent dans une position excessivement pénible par suite de l'incertitude dans laquelle on les laisse.
Je prie M. le ministre de nous dire quelles sont ses intentions.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Cette question a plusieurs fois occupé la chambre. Il s'agit d'une dérogation à la loi sur les pensions ; avant de la faire, il faut se rendre compte des conséquences qu’elle peut avoir ; c'est là ce qui m'a arrêté.
Quand l'honorable membre a appelé, il y a quelques jours, l'attention de la chambre sur cette question, j'ai pris l'engagement, que je renouvelle, de présenter à la chambre soit un rapport, soit un projet de loi dans les premiers mois de la session prochaine.
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, il va être procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet de loi qui est ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à liquider, d'après les bases établies par la loi du 21 juillet 1844, la pension du sieur Henri-Joseph de Ghouy, ancien receveur principal des droits de navigation du canal de Mons à Condé. »
Voici le résultat du vote.
60 membres ont répondu à l'appel.
59 membres ont répondu oui.
1 membre, M. Zoude, a répondu non.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
M. le président. - M. le ministre a réduit sa demande de crédit à 400,220 fr. 28 c.
La section centrale propose de n'allouer que la somme de 160,378 fr. pour renouvellement de billes et de fer, et d'ajourner le surplus du crédit à la session prochaine.
La discussion est ouverte.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois devoir maintenir ma demande d'un crédit de 400,220 fr. 28 c, tel qu'il se trouve libellé dans la note que j'ai remise à MM. les membres de la chambre le 11 de ce mois. La demande primitive du gouvernement s’élevait à la somme de 633,917 fr. 12 c. ; mais en tenant compte des 'excédants disponibles dont il ne sera pas fait emploi, le crédit nouveau n'était en réalité que de 810,640 fr. 60 c. Dans cette somme les dépenses relatives au chemin de fer pour les exercices 1844, 1845 et 1846 étaient comprises pour 465,798 fr. 32, c'est-à-dire pour environ les neuf dixièmes. Cela tient précisément, ainsi que j'ai eu l'honneur de le faire connaître, à ce que le chemin de fer a des besoins qui ne peuvent pas être ajournés. On ne peut pas faire l'exploitation du chemin de fer à concurrence d'une somme déterminée et s'arrêter au moment où les fonds votés se trouvent absorbés.
Le problème à résoudre est celui de faire, de la manière la plus convenable, tous les transports qui se présentent pour être effectués. Sous ce rapport, le chemin de fer a des exigences qui se prêtent moins que celles d'autres services à une complète régularité financière. Cela est regrettable, et c'est, si l'on veut, une objection à faire à l'exploitation des chemins de fer par l'Etat.
Mais cette considération d'irrégularité ne doit pas déterminer la chambre à ne pas accorder ce qui est rigoureusement nécessaire. J'avais cru trouver un moyen de solution en modifiant la demande primitive du gouvernement de telle sorte que toutes les allocations pour le personnel, ainsi qu'une partie notable des crédits demandés pour le matériel, fussent ajournés ; de cette manière les diverses questions doivent se reproduire à la session prochaine et la chambre conserve toute liberté d'investigation..
Je crois devoir d'autant plus insister sur l'adoption de mon projet, que parmi les sommes pétitionnées il en est plusieurs exigibles dès maintenant. Pour ne citer qu'un seul fait, le gouvernement est débiteur du chef de fournitures de charbons qui ont été brûlés pour le service des convois en 1845.
L'Etat ne peut accepter cette position singulière, de recevoir dans ses caisses définitivement et sans restriction, les produits du chemin de fer et d'ajourner en même temps le payement de ce qu'il doit, par exemple à un exploitant de houillères, du chef de charbon consumé en 1845 et à l'aide duquel la recette de 1845 a été obtenue. C'est là une position qui serait blessante pour un particulier et qui est peu digne d'un gouvernement.
Ici, messieurs, je ne réclame nullement dans un intérêt de chef d’administration, je réclame ce que je crois nécessaire au point de vue des véritables intérêts de l'Etat.
L'honorable rapporteur a fait remarquer que le gouvernement demandait notamment un crédit pour un ouvrage exécuté d'une manière illégale et en dehors de toute autorisation législative.
Cet ouvrage, messieurs, est un batardeau construit dans le fossé de la place de Charleroy, au point où ce fossé communique à la Sambre. Ce batardeau était nécessaire pour maintenir la continuité du halage. Il a été exécuté à la demande du département des travaux publics par le département de la guerre ; il s'agissait d'une des dépendances des fortifications de Charleroy ; c'est ce qui a motivé (page 1990) l'intervention du génie militaire. Mais le département de la guerre a compté que l'ouvrage étant exécuté, le département des travaux publics en solderait la dépense. C'est à cette circonstance qu'il faut attribuer que ce batardeau a été construit en dehors d'une autorisation législative.
Aujourd'hui la somme est due ; le département de la guerre est même assigné devant les tribunaux ; il serait donc regrettable, spécialement pour cet objet, que l'ajournement fût prononcé.
Il en est de même, messieurs, pour les autres allocations dont je demande le maintien.
M. Lys. - Comme je viens d'en convenir tout à l'heure, messieurs, les travaux du chemin de fer ne peuvent pas toujours être calculés à l'avance ; il se présente souvent des dépenses accidentelles, des dépenses urgentes, et l'administration doit nécessairement prendre sur elle de faire les avances même sans l'autorisation des chambres législatives.
Aussi, messieurs, je dois témoigner mes regrets de ce que M. le ministre des travaux publics se borne à nous demander une somme de 160,375 fr. pour le renouvellement des billes et des rails sur le chemin de fer. Je suis surpris que le gouvernement se borne à nous demander une somme aussi faible ; car il est prévenu par les rapports mensuels des ingénieurs que la partie du railway de Malines à la frontière prussienne nécessitera une dépense considérable en renouvellement de billes et de rails.
Cette dépense, messieurs, ne peut être ajournée ; elle est de la plus grande urgence, parce que si l'on négligeait de faire ces réparations en temps opportun, il pourrait en résulter les plus graves accidents. L'événement arrivé dernièrement en France, est en quelque sorte pour nous un avertissement. On ne pourra pas me répondre que jusqu'à présent il n'y a pas eu d'accident grave sur le chemin de fer de Malines à la frontière prussienne. Il ne sera plus temps de faire les réparations nécessaires lorsqu'un accident sera arrivé ; il ne faut pas perdre de vue que le moindre accident qui aurait lieu sur cette ligne, pourrait présenter beaucoup plus de gravité que celui qui est arrivé en France.
La section centrale n'a pu se dispenser de le reconnaître. Elle n'a pas voulu assumer sur elle une responsabilité trop grande en refusant d'accorder les fonds jugés nécessaires par l'administration pour la viabilité de la route ; elle a accordé les 160,000 fr. dépensés par le gouvernement sans autorisation.
Je pense, messieurs, que M. le ministre des travaux publics contracte une grande responsabilité en ne venant pas demander un crédit pour le renouvellement des billes et des rails sur le chemin de fer de Malines à la frontière prussienne.
En effet, messieurs, vous savez que le malheur arrivé en France est attribué à ce que les rails n'étaient pas assez forts pour supporter des machines aussi pesantes. Or les rails qui se trouvent sur le chemin de fer de Liège à la frontière prussienne sont des rails qui ont été employés lors de la construction du chemin de fer. Vous sentez combien ils doivent être usés. Depuis que le chemin de fer est achevé, on le sait, il a fallu employer des locomotives beaucoup plus fortes sur cette partie du chemin de fer, que celles qui étaient primitivement employées ; nous avons dû en faire revenir d'Angleterre. Il n'y a pas de jour où sur la section de Liège à la frontière il ne circule au moins trois convois qui exigent non seulement une, mais deux de ces grosses locomotives.
Vous comprenez dès lors les dangers que présente la circulation sur des rails qui n'étaient pas destinés à supporter un poids aussi fort. Je crois de mon devoir de prévenir M. le ministre des travaux publics de la responsabilité qu'il prend sur lui en ne demandant pas les crédits nécessaires pour des réparations qui sont indispensables. Car j'ai vu par moi-même, lorsqu'on travaillait à remettre quelques billes, qu'elles étaient entièrement pourries. Nous avons donc à redouter que quelque accident n'arrive d'un moment à l'autre, et je ne saurais trop le répéter, l'accident de Fampoux ne serait rien en comparaison de celui qui pourrait arriver sur la section de Liège à Aix-la-Chapelle.
Je ferai remarquer, messieurs, qu'il serait peut-être possible d'employer les rails que l'on remplacerait sur cette section, dans d'autres localités où le transport des marchandises n'est pas aussi considérable. Mais, selon moi, c'est une très mauvaise économie que de ne pas faire des travaux qui doivent prévenir les plus graves accidents, et la responsabilité de M. le ministre est d'autant plus grande, que je crois pouvoir dire que chaque visite qui se fait du chemin de fer tend à montrer que le danger est imminent.
M. de Brouckere. - Messieurs, la section centrale a réduit la demande de crédit formée par M. le ministre des travaux publics de 632,917 fr. 12 c. à 160,378 fr., et je pense bien que la chambre ne se montrera pas plus facile que sa section centrale.
Ces 160,378 fr. ont pour objet le renouvellement des billes et des fers employés au railway de l'Etat. Je désire soumettre à cet égard quelques observations à la chambre et à M. le ministre lui-même.
Je vois au compte de 1844 que cette dépense, calculée à 200,000 fr., a présenté un excédant de 5,000 fr. En supposant que la moitié de la comme ait été employée pour le renouvellement des rails, coussinets, etc., il en résulte que 100,000 fr. ont suffi à l'entretien et au renouvellement des billes du railway pendant toute l'année 1841. La bille valait alors, si je ne me trompe, 5 fr. environ ; ce seraient donc 20,000 billes seulement qui auraient été renouvelées cette année-là.
La somme employée en 1845 pour le même objet, s'élève un peu plus haut, c'est à dire à 312,750 fr. 41 c. et cette année aussi, il y a eu sur cet article un excédant de 47,000 fr. environ. Vu l'augmentation du prix des bois, la somme employée suppose un renouvellement de 25,000 à 30,000 billes.
Il y a, si je suis bien informé, 7 à 800,000 billes au moins sur le chemin de fer de l'Etat, et je vous avoue qu'en songeant à la rapidité avec laquelle les bois pourrissent dans la terre je suis étonné d'apprendre qu'en 1844, on n'a renouvelé que le quarantième des billes. Je veux bien tenir compte des renouvellements précédemment opérés et de la construction nouvelle de quelques parties de la voie ; mais cependant le quarantième me semble une fraction par trop minime.
Mon étonnement augmente encore quand je vois à chaque instant travailler au remplacement des billes : il n'est pas un seul d'entre nous qui n'ait mainte fois remarqué sur toutes les sections les énormes amas de billes hors de service qui sont déposés le long de la voie ou dans les stations.
J'ai une nuire observation à présenter. On vous a demandé au budget de 1846 une somme de 290,000fr. pour l'acquisition de 58,000 billes calculées à 5 fr. ; aujourd'hui il s'agit de majorer cette somme et de la porter à 385,000 fr. parce que le nombre des billes doit être de 7,000 et qu'on en calcule le prix à 5 fr. 50 c. D'abord le chiffre de 7,000 billes pour l'entretien annuel me paraît beaucoup plus près de la vérité que celui de 20,000 ; c'est environ le dixième des billes employées, et bien que les traverses en chêne têtard ne durent pas 10 ans en moyenne, la construction récente de quelques sections permet de croire qu'il n'est pas encore nécessaire d'y opérer des remplacements ; mais je ne comprends pas, je l'avoue, les prix auxquels on a évalué ces traverses. J'ai relevé dans les journaux du mois de novembre dernier les chiffres d'une adjudication publique de 115,000 billes, adjudication qui a été faite par l'administration du chemin de fer.
J'ai vu que le prix le plus bas était de 4 fr. 95 par bille, pour 4 mille billes seulement à placer entre Malines et Louvain ; que 3,000 billes ont été adjugées à fr. 5-16, 2,000 à fr. 5-20, 2,000 à fr. 5-25, 8,000 à fr. 5-30 ; pour d'autres sections, les prix s'élevaient à fr. 5-38, à fr. 5-84 ; enfin 58,000 billes, plus de la moitié, ont été adjugées au-dessus de 6 fr. Sur ces 58,000 billes, 40,000 ont coûté plus de 6 fr. 50, et, parmi ces dernières, 32,000 ont été payées de 6 fr. 75 à 6 fr. 98. La moyenne de l'adjudication entière était, d'après mes calculs, de 6 fr. 28 c.
Comment s'expliquer dès lors, la demande qui nous est faite aujourd'hui et qui est basée d'abord sur 5 fr. puis sur 5 fr. 50 ? Je ne vois, messieurs, qu'une seule explication à cela, c'est que les 70,000 billes devraient toutes être renouvelées précisément sur les portions du chemin de fer où les adjudications du mois de novembre dernier ont eu lieu aux prix les plus bas ; mais cela me semble quelque peu extraordinaire, et je prendrai la liberté de prier M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner quelques explications à ce sujet.
Je dis que c'est le seul moyen d'expliquer la demande de 5 fr. et de 5 fr. 50 c. par bille, qui vous est faite ; car il n'y a pas lieu d'espérer une baisse sur les bois ; bien loin de là. Je crois qu'il eût été d'une sage prévoyance de demander un prix au moins aussi élevé que celui qui a été payé il y a dix mois.
J'ai pris des renseignements précis, qui prouvent que la valeur du bois s'est encore accrue depuis lors. Ainsi l'administration du chemin de fer de l'Etat a payé les billes, au mois de novembre dernier, dans la Flandre occidentale, aux prix de fr. 5 20 c, 5 30, 5 39, 5 75 et 5 fr. 84 c.
La compagnie élu chemin de fer de la Flandre occidentale qui, le 6 juin dernier, a mis en adjudication 38,000 billes, n'a pas obtenu d'offre au-dessous de 5 88 à 5 98, et l'ensemble de ces deux offres ne concernait qu'une très petite partie ; pour la totalité de l'adjudication le prix s'est élevé à 6 fr. On voit donc qu'une hausse notable a déjà eu lieu dans une des provinces où les prix s'étaient maintenus au taux le plus modéré et où il y a moins de chemins de fer nouveaux à construire que dans d'autres localités, par exemple, dans le Hainaut, le pays de Liège, la province de Namur.
Ce qui me paraît résulter de tout cela, messieurs, c'est que l'on n’apporte pas assez de franchise ou pas assez de lumières dans les comptes que l'on nous rend au sujet du chemin de fer. Je suis sans cesse préoccupé de cette pensée que le fonds de construction du chemin de fer, comme je l'ai dit tout à l'heure, sert souvent à couvrir des dépenses de pur entretien. Par des motifs dont je ne saurais me rendre compte, on préfère sans cesse grossir le débit de cette construction, construction vraiment interminable, je le répète, et présenter le compte de l'exploitation du chemin de fer de telle manière qu'il ait l'air de produire un revenu plus considérable que celui qu'il produit réellement. Non seulement cela est irrégulier, mais le sentiment qui porte l'administration à exagérer ainsi les produits réels du railway est tout à fait sans valeur : cette grande voie de communication a rapporté assez au pays en considération, en honneur, en services rendus au commerce et à l'industrie pour que la Belgique n'ait jamais à regretter les sommes qu'elle y a consacrées.
Ce n'est cependant pas une raison pour ne pas apporter un peu plus d'économie dans la gestion de ce grand établissement, et à ce point de vue la question du renouvellement des billes a bien sa gravité ; je crois que nous ne tarderons pas à nous en apercevoir ; nous le verrons, quand on nous rendra des comptes réels, et quand le fonds de construction ne sera plus là pour parer aux frais d'entretien.
Comment donc se fait-il qu'on n'ait pas cherché plus activement à pourvoir à la conservation des traverses ? Des essais ont été faits, soit avec des billes de fer, soit avec des billes de bois préparé. Quand, au sénat (page 1991) ou dans cette chambre, on a interrogé MM. les ministres sur les résultats de ces expériences, ils ont répondu qu'elles présentaient quelques doutes ; qu'il fallait attendre ; c'est encore la réponse qu'a faite M. le ministre des travaux publics à la section centrale.
Maintenant ces expériences sont, dit-on, renvoyées à l'une des nombreuses commissions créées par le département des travaux publics ; voulez-vous, messieurs, que je vous dise toute ma pensée à ce sujet ? Les expériences, les commissions, les atermoiements sont trois phases diverses d'une maladie constitutionnelle qui fait chaque jour plus de progrès ; cette maladie, c'est le désir immodéré d'éviter toute espèce de responsabilité ; on veut bien être fonctionnaire public, on veut bien en avoir les honneurs, en recueillir les avantages, mais on ne veut pas en supporter les charges ; on aime mieux que les finances de l'Etat souffrent, que le service aille médiocrement que de prendre la responsabilité qui s'attache à toute mesure nouvelle, à toute décision un peu hardie. Alors on a recours aux expériences ; les expériences sont renvoyées à des commissions ; mais les commissions, atteintes du mal général, donnent un avis vague qui conduit naturellement à l'atermoiement, c'est-à-dire, à ne rien faire.
Il y a au moins cinq ans, à ma connaissance, que certaines expériences sur les bois se continuent, ou bien sont censées se continuer ; c'est déjà quelque chose. Il me semble qu'en présence du peu de durée de quelques bois de chêne dont le cœur est pourri après 4 ou 5 ans, il y a lieu de tenir compte de procédés qui font durer le bois de hêtre tout autant, parce que le bois de hêtre coûte infiniment moins que le bois de chêne.
Mais outre cela, nous avons lu dans les journaux des procès-verbaux, faits en France, ayant un grand caractère d'authenticité, qui déclarent que les bois de hêtre et de charme préparés d'après le procédé Boucherie, sur lequel la section centrale a particulièrement appelé l’attention de M. le ministre, ont duré plus, non seulement que le bois de chêne avec son aubier, mais même que le cœur de chêne lui-même ; et les deux espèces de bois avaient été placées dans des conditions absolument identiques.
Il me semble que cela vaut la peine, d'être vérifié.
L'expérience, dit-on, se continue. Pourquoi le gouvernement n'en profite-t-il pas ? Evidemment dans les essais faits ici et dans l'expérience plus complète qui a été faite chez nos voisins, on doit trouver assez de garanties pour user en Belgique du bois ainsi préparé, lorsqu'il présente une économie considérable pour le trésor.
Je ne finirai pas sans rappeler que quelques observations ont été faites au sujet de l'emploi des billes de sapin du Nord sur un chemin de fer concédé. Le but de ces observations, que je n'examine pas au fond, était la protection due aux propriétaires de bois. Je ferai remarquer que dans la question soulevée par moi, cette protection serait assurée ; car il faut du bois vert pour user du procédé dont il s'agit et sur lequel la section centrale a appelé l'attention de M. le ministre ; seulement la protection passerait du bois de chêne au bois de hêtre et aux autres essences analogues ; et certes il n'y aurait pas grand mal, parce que le chêne est arrivé à des prix tellement élevés que d'ici à quelque temps, il sera impossible de l'employer.
Je demande donc que M. le ministre des travaux publics veuille bien s'expliquer, et sur la petite quantité de traverses renouvelées en 1844 et 1845, et sur le prix trop bas auquel il a estimé, selon moi, les traverses à renouveler en 1846, et enfin sur ses intentions relativement à l'emploi des billes de fer et des billes de hêtre préparées par le procédé Boucherie.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, l'on a fait pour l'entretien du chemin de fer, en 1846, des marchés de billes qui s'élèvent à une somme de 385,470 fr. Ces marchés, qui comprennent 70,000 billes, ont été conclus à des prix différents et assez variables. C'est sur la somme de 385,000 fr. qu'est basée la demande de crédit supplémentaire pour billes en 1846. Cette base me paraît tout à fait exacte ; elle me semble ne pouvoir donner lieu à aucune espèce de contestation. Le besoin me semble parfaitement établi.
Pour ce qui est des billes employées en 1844 et 1845, je suis pour le moment dépourvu des renseignements nécessaires pour répondre d'une manière pertinente à l'interpellation de l'honorable préopinant ; mais je crois que ces renouvellements, relativement restreints, ont tenu à la cause que l'honorable membre a lui-même indiquée, c'est-à-dire la construction récente d'un assez grand nombre de nos lignes : l'avenir nous imposera la nécessité de renouvellements plus considérables, il ne faut pas en douter.
Pour ce qui est des billes préparées par le procédé Boucherie, ou des billes en fer, la question n'a pas été négligée ; elle a été traitée d'une manière très approfondie dans un mémoire de l'ingénieur Mans, inséré dans le tome IV des Annales des travaux publics. Ce rapport établit que les billes en fer ne peuvent pas coûter, pour être d'un emploi utile, plus de 2,22 fois le prix de la bille en chêne. A ces conditions les billes en fer n'offriraient actuellement aucun avantage, elles auraient l'inconvénient très sérieux d'amener le gouvernement à immobiliser dans nos voies un capital énorme, capital qui perdrait une certaine portion de sa valeur, si l'on parvenait à trouver des procédés de préparation des billes en bois entièrement satisfaisants.
L'emploi actuel de billes en fer ne me semble donc pas être chose conseillable. Pour ce qui est des billes préparées d'après le procédé Boucherie, on en a mis en œuvre dès 1841 ; on en a employé deux séries sur la ligne de l’Ouest, l'une à Wetteren, l'autre à Melle. Les billes placées à Wetteren se sont bien maintenues, mais celles placées à Melle n'ont pas duré plus que d'autres billes de même essence, non préparées. Cette expérience n'est donc pas de nature à déterminer le gouvernement à faire un large emploi de billes ainsi préparées.
J'apprécie autant que l'honorable membre toute l'importance de la conservation des billes. La nécessité de forts renouvellements de billes, d'ici à quelques années, sera le côté faible de nos chemins de fer. J'ai demandé à M. le ministre des travaux publics de France, tous les renseignements que possède l'administration française sur cette question ; mais je ne puis trop le dire, la question est très grave, il vaut mieux chercher à la résoudre d'une manière convenable et satisfaisante, que de le faire promptement.
M. Osy. - Je n'aurais pas pris la parole dans cette discussion si M. le ministre ne venait pas de combattre la proposition de la section centrale. Tous les rapporteurs des sections ont proposé à la section centrale d'ajourner les dépenses proposées, sauf la somme nécessaire pour renouvellement de billes et fer pendant l'année courante et d'allouer à cet effet la somme de 160,378 fr.
Je vous laisse à apprécier, si quand on nous convoque pour examiner la convention avec les Pays-Bas, il est convenable de venir nous demander des crédits supplémentaires de 600,000fr., pour des exercices remontant au-delà de 1844. Je vous demande comment il eût été possible au rapporteur le plus zélé, d'examiner les nombreux détails que contient le projet de M. le ministre des travaux publics. Aucune section, sauf une, n'a examiné les détails de ce projet de loi, de manière que je suis persuadé que la chambre votera l'ajournement proposé par la section centrale.
Si, contre mon attente, l'ajournement n'était pas adopté, je fais, dès à présent, la proposition de renvoyer le projet à l'examen des sections.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, j'ai à vous expliquer la conduite de la section centrale, car je crains qu'elle ne soit accusée d'inconséquence. En effet, elle vous a proposé l'adoption du million destiné à payer les dépenses arriérées du chemin de fer, puis elle propose l'ajournement de la plus grande partie du crédit qu'on vous demande en ce moment. J'ai à vous expliquer ce qui a déterminé la section centrale, pour vous démontrer qu'elle n’a agi de la sorte que par des motifs fort sérieux.
Elle a accordé le million parce qu'il concerne des dépenses extraordinaires qui, il faut l'espérer, ne se reproduiront pas. Elle a proposé l'ajournement des dépenses dont il s'agit maintenant, parce que ce sont des dépenses ordinaires, des dépenses d'administration qui doivent revenir tous les ans. Il lui a semblé qu'adopter de semblables propositions sans un examen approfondi, sans pièces justificatives, ce serait encourager le gouvernement à venir demander des crédits semblables dans les derniers moments des sessions.
J'ai entendu, avec regret, M. le ministre nous dire que ces dépenses, qui avaient excédé les crédits, étaient une conséquence inévitable de l'exploitation d'un chemin de fer par le gouvernement.
Il semblerait donc que l'administration des chemins de fer se propose de continuer à marcher comme par le passé. Il me semble qu'il est impossible que la chambre admette cela. Je reconnais que l'exploitation d'un chemin de fer peut donner lieu à quelques dépenses imprévues, mais elles ne doivent pas être aussi considérables ; et quand des circonstances semblables se présentent, le gouvernement doit s'empresser de les faire régulariser par la chambre, ce qui d'ailleurs lui est très facile, puisque nous sommes réunis les deux tiers de l'année. La chambre ne consentira pas, j'en suis persuadé, à autoriser des dépenses les yeux fermés, sans savoir ce qu'elle fait ; la chambre ne voudra pas encourager le gouvernement à venir, à la fin des sessions, demander la ratification de dépenses semblables.
La section centrale a eu à peine le temps de parcourir superficiellement les rares développements produits par le gouvernement, et les investigations lui ont déjà démontré la nécessité d'un examen plus sérieux.
Nous avons remarqué une dépense de 700 fr. pour un banquet aux ouvriers lors de la pose d'une première pierre.
Ce n'est pas au gouvernement à payer une dépense semblable ; si on l'a déjà fait, c'est un abus qui a passé inaperçu dans des crédits globaux. Nous ne pouvons pas ratifier une dépense semblable.
Il y a une demande de crédit pour le matériel de l'administration centrale, voici comment la dépense est justifiée à la page 5.
« 1. Matériel de l’administration centrale» Somme demandée : fr. 11,080-09. (Voir l'état n° 20.)
« En 1845, les traitements d'une partie du personnel de l'administration centrale, payés précédemment sur le fonds spécial de construction des chemins de fer, furent reportés à charge du chapitre premier, article 2, du budget (personnel de l'administration centrale).
« Par suite de cette régularisation d'imputation, les dépenses de matériel afférentes au personnel dont il s'agit, ne purent plus être imputées sur le fonds de construction des chemins de fer, mais durent être reportées à charge de l'allocation du chapitre premier, article 3 (matériel).
« Cette dernière allocation, ayant été votée sans majoration correspondante à cette augmentation de dépense, devait nécessairement devenir insuffisante.
« C'est ce qui a donné lieu au déficit de fr. 11,080-00. »
Il semblerait d'après cette note que cette dépense a été faite pour le matériel du personnel de l'administration ; en examinant les détails nous (page 1992) trouvons d'un côté 512 fr. pour bougies et plus loin 1,045 fr. pour huile et bougies. Il est impossible que les employés qui ont passé du service de la construction des chemins de fer à l'administration centrale aient eu besoin d'autant de bougies. Je vois ensuite 118 fr. de chaudronneries, quel usage les employés peuvent-ils faire d'articles de ce genre ? Il y a pour 596 fr. de sonnettes ! (Hilarité !) Je remarque aussi les articles :
Brosses, fr. 353 36 c.
Clous, fr. 283 38 c.
Tapisserie, fr. 840 54 c.
Transport de terre, etc., tout cela pour les employés de l'administration centrale !
Mais, messieurs, cet emploi n'est pas justifié d'une manière sérieuse, et je ne conçois pas comment le gouvernement n'a pas craint de motiver cet article comme il l'a fait. Il y a là une apparence de surprise que je ne veux pas approfondir davantage, il me suffit de l'avoir indiquée à la chambre. Ma sincérité m'a poussé à dire toute ma pensée.
Il est d'autres dépenses extraordinaires par leur élévation, et que rien ne justifie.
C'est ainsi qu'à l'article 2, « Administration générale. Chemin de fer. Exercice 1845 », on a dépensé, sans adjudications, en sus du crédit alloué, qui était de 140,000, 32,751 fr. 80 c., pour impressions, papiers d'impressions, fournitures de bureaux.
Et ce chiffre du déficit n'est pas définitif.
Votre section n'a pu, faute de temps, approfondir le mérite des dépenses, ni entrer dans les détails ; mes paroles contribueront, j'espère, à vous engager à adopter les propositions de la section centrale, dont je suis l'organe. S'il en était autrement, il deviendrait inutile de voter les budgets.
Au commencement de la session, nous passons, aux frais du contribuable, des séances entières pour obtenir une réduction de quelques milliers de francs.
Après cela, consentiriez-vous à ce qu'en une séance de deux heures, te gouvernement récupère le terrain conquis avec bien des peines, et fasse sanctionner des dépenses accomplies, s'élevant à 4 ou 5 cent mille francs, sans vérification possible ? C'est que vous ne permettrez pas. Car ce serait rendre inutile, je le répète, le vote des budgets et les garanties salutaires qu'assure la spécialité des articles ; car ce serait agir contrairement à l'article 116 de la Constitution, qui veut que la cour des comptes veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé. Il va de soi que le gouvernement est obligé d'observer scrupuleusement cet article, et que nous sommes ici pour le faire respecter.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois devoir revenir sur les observations que j'ai déjà présentées.
En vue de réserver le plus grand nombre de questions, j'ai réduit moi-même la demande de 633,917 fr. à 400,220 fr. Ce qui résulte de là, c'est que la plupart des questions qui pourraient être posées à l'égard de ce crédit, se reproduiront dans la discussion du budget.
J'ai ajourné tout ce qui tient au personnel.
En ce qui est du matériel, je me suis borné à la somme nécessaire pour payer les créances exigibles.
Ces créances sont l'obstacle à l'ajournement proposé par la section centrale.
L'honorable M. Osy a demandé que la question fût de nouveau renvoyée à l'examen de la section centrale. C'est renouveler sous une autre forme la proposition d'ajournement ; car il est incontestable que la chambre ne sera pas réunie dans quelques jours. Si l'on ne vote pas le crédit aujourd'hui, il ne sera voté que la session prochaine. Et alors les créanciers de l'Etat demeureront en présence de créances exigibles dont ils ne pourront obtenir le recouvrement.
Quant à ce qui concerne le matériel de l'administration centrale du ministère, je ferai observer que les divers objets cités par l'honorable rapporteur n'ont pas été acquis spécialement pour le service des bureaux. Nous avons au budget des travaux publics, comme aux budgets des autres départements, une allocation pour le matériel. Cette allocation embrasse des objets de nature diverse. Lorsqu'elle est absorbée, les créances non payées et reconnues légitimes doivent nécessairement trouver leur imputation sur des crédits supplémentaires. C'est ainsi que certaines dépenses étrangères au service des bureaux, mais appartenant par leur nature au matériel du ministère, n'ayant pu être payées sur l'allocation portée au budget, il a fallu les comprendre dans la demande de crédit supplémentaire actuellement en discussion.
- La discussion est close.
L'ajournement à la session prochaine pour le crédit demandé, sauf pour la somme de 160,378 fr., est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Il est alloué au département des travaux publics un crédit supplémentaire de cent soixante mille trois cent soixante et dix-huit francs (160,378 fr.) destiné à l'article 5, « Renouvellement de billes et de fers », chapitre III, « Chemin de fer », paragraphe 2, « Service de l’entretien des routes et stations (exercice 1846). »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 52 membres qui prennent part au vote.
La discussion est ouverte sur l'amendement suivant présenté par M. le ministre des finances :
« Article unique. Par modification au tarif des douanes, les droits d'entrée et de sortie sur les marchandises désignées ci-après, sont établis conformément au tableau suivant :
(Note du webmaster : ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
M. Lebeau. - Messieurs, il peut paraître étrange qu'on vienne s'opposer à une pareille proposition. Mais je dois faire remarquer que cette proposition préjuge un principe. C'est un nouveau pas fait dans le système prohibitif, et il s'agit d'une des prohibitions les plus odieuses en principe, d'une prohibition à la sortie.
Et pourquoi, messieurs ? Pour favoriser qui ? Quelles sont les industries qui réclament ? Combien y en a-t-il ? Quelle est leur importance ? Sur ce point nous n'avons pas de renseignements.
Je prie la chambre de se mettre en garde contre la facilité avec laquelle, dans la situation où nous nous trouvons, au moment de nous séparer, elle voterait une sorte de principe, une progression nouvelle dans un système qui était naguère condamné même au banc des ministres.
S'il y avait nécessité absolue de voter ce projet de loi, si le sort de quelques industries en dépendait d'une manière évidente, je concevrais que la majorité de la chambre se ralliât à la proposition qui lui est faite. Mais il s'agit de voter en aveugle, sans instruction préalable, et peut-être d'empêcher l'industrie de quelques malheureux, en frappant un produit qui est en quelque sorte l'industrie des chiffonniers des campagnes, si je puis me servir de cette expression.
J'appelle sur ce point l'attention de la chambre, non pour faire rejeter, mais pour faire ajourner la proposition qui lui est faite.
J'en demande donc formellement l'ajournement.
M. de La Coste. - Messieurs, je ne m'opposerais pas à l’ajournement, si la délibération n'avait été déjà plusieurs fois différée, Le rapport a été présenté avant que nous ne nous fussions séparés. La chambre aurait pu dès cet instant s'en occuper. Elle a préféré discuter d'autres affaires.
(page 1993) Messieurs, la fabrication à laquelle les substances dont il s'agit sont nécessaires, sera immédiatement statée, si l'ajournement est prononcé. Je me suis rendu dans cette fabrique de prussiate de potasse il y a huit ou dix jours, et je me suis assuré que déjà, en attendant la décision de la chambre, la fabrication avait été suspendue, que par une circonstance particulière on avait pu remettre en fabrication, je crois, 200 kilog. de cornes et sabots, mais qu'après cette opération qui ne sera qu'une expérience, on statera jusqu'à ce que la législature y ait statué.
Certainement, messieurs, si la chambre ne se trouvait pas à même dès à présent de résoudre la question, et si une insistance de ma part faisait naître une préoccupation défavorable, je serais forcé de me réunir à la proposition d'ajournement. Mais, j'ai encore l'espérance que les quelques détails dans lesquels je vais entrer suffiront pour vous donner tout apaisement.
Messieurs, s'il s'agissait seulement, comme l'a dit l'honorable M. Lebeau, de nous engager de plus en plus dans la voie des prohibitions, de nous écarter de plus en plus du système de liberté commerciale, que je crois être le seul vrai en principe général, sauf les exceptions qu'il réclame, alors je regarderais la mesure proposée comme étant d'une grande importance et comme méritant une mûre délibération. Mais il n'en est rien.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de corriger une véritable anomalie, et de la rectifier, non pas dans un sens prohibitif, mais plutôt dans un sens modéré.
Lorsqu'on a livré à la consommation la chair des animaux, il reste d'une part la peau, de l'autre les os, les cornes et les sabots. Eh bien, jusqu'au moment où cette industrie, qui est véritablement très belle, a paru dans le pays, les cornes et les sabots étaient à peu près confondus avec les os ; c'est elle surtout qui les en a fait soigneusement distinguer et en a porté la valeur presque au double de celle des os. Or, tandis que les os payent 5 fr. à la sortie, les cornes et les sabots ne payent pas même 50 centimes.
Mais, messieurs, ce n'est point là l'application d'un principe, du grand principe de la liberté commerciale, c'est tout simplement une inconséquence, et, si ce n'était pas une inadvertance de la législature, j'oserais l'appeler une absurdité. Quoi ! Les cornes et les sabots, matière nécessaire à l'industrie, ont une valeur à peu près double des os, et vous les soumettez à un droit dix fois moindre à la sortie !
Que l'honorable M. Lebeau me permette de le lui dire, c'est précisément là un des cas où les partisans de la liberté du commerce sont le moins opposés aux mesures restrictives, et en voici un exemple qui, à la vérité, présente une grande différence avec la question qui nous occupe, mais dont par là même je ne puis tirer qu'un argument a fortiori.
Sir Robert Peel, que l'on cite à tout moment à propos du système de liberté commerciale, n'a pas hésité à frapper de droits de sortie les charbons, pour favoriser l'industrie anglaise. Messieurs, c'est ce que je n'approuve pas, et il n'y a pas, je le répète, de similitude dans les deux cas ; à différence même est immense. En effet, en frappant le charbon à la sortie, vous restreignez la production et vous faites du tort au producteur sans faire même peut-être du bien à l'industriel. Ici, au contraire, il s'agit de déchets dont le droit ne saurait restreindre la production ; à qui faites-vous du tort ? Est-ce à l'éleveur de bestiaux ? Mais j'ai fait peser en ma présence des sabots pris au hasard sur un tas, et j'ai trouvé qu'ils pesaient 1 1/2 kil. Eh bien, ajoutez-y le poids des cornes, et vous trouverez 2 kil. à 2 kil. 1/2. Que le prix des 100 kil. de cornes et sabots augmente de 5 fr. par 100 kil., c'est pour le propriétaire de bétail un gain de 10 à 12 c. 1/2 par tête, et c'est pour la fabrication une perte de 32 1/2 fr. par 100 kil., ce qui revient au bout de l'année à des sommes considérables. Cela suffit, messieurs, pour rendre cette fabrication, qui est nouvelle, qui a besoin d'encouragements, impossible dans le pays.
Ainsi, messieurs, la question, fort intéressante à ce point de vue, ne me paraît pas avoir, sous d'autres rapports, les grandes proportions qu'on a a voulu lui donner. Elle me paraît très simple, et je crois que la chambre pourrait adopter le projet de loi sans difficulté.
M. Osy. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Lebeau, qu'il est inutile de mettre un droit de sortie très élevé sur les cornés et les sabots, alors que nous nous proposons de réduire à presque rien les droits d'entrée.
Si vous n'aviez pour l'industrie indigène que les cornes et les sabots du pays, je concevrais la proposition qui vous est faite ; mais le commerce nous en introduit considérablement. Si vous connaissiez le nombre d'arrivages des pays de production, vous reconnaîtriez que jamais l'industrie indigène ne manquera de cornes et de sabots.
Ainsi, messieurs, je dis que mettre un droit de sortie considérable sur cet objet, c'est nuire aux éleveurs de bétail et que l'industrie n'a rien à perdre à ce que le droit soit très modéré. Je proposerai de réduire le droit de sortie, de 8 fr. à 3 fr.
Je profite de cette circonstance pour rappeler que non seulement le commerce d'Anvers, mais encore les tanneries réclament pour un objet analogue, c'est-à-dire pour les cuirs. Une commission de la chambre a proposé de modifier la loi des droits différentiels que nous avons votée il y a deux ans, et nous avons prouvé à toute évidence qu'une erreur a été commise dans cette loi en ce qui concerne les cuirs et les peaux. Ainsi que nous l’avons expliqué à plusieurs reprises, un navire américain arrivant du pays de production, de la Plata, payé 3 fr. 50, tandis que le navire américain venant de Boston, qui n'est pas un pays de production, ne paye que 2 fr. ; le navire français arrivant de la Plata paye 3 fr. 50 ; ce n'est pas là favoriser les relations directes, c'est favoriser les relations indirectes.
Eh bien, messieurs, je suis très étonné qu'on s'occupe d'un objet aussi minime que celui dont il s'agit en ce moment, alors que les tanneries, industrie si importante qui doit soutenir une si forte concurrence de la part des tanneries du Zollverein, alors que cette industrie ne peut pas obtenir justice. Je demande formellement si M. le ministre des finances prend l'engagement d'examiner la question et de nous présenter un projet de loi à l'ouverture de la session prochaine s'il reconnaît que nous avons raison.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je prends volontiers l'engagement d'examiner et même de résoudre, s'il est possible, les questions qui ont été recommandées à mon attention par MM. Vandensteen, David et Osy, mais je tiens à réduire à sa véritable proportion la question qui nous occupe en ce moment.
Il ne s'agit pas de déroger à la loi des droits différentiels. La loi des droits différentiels règle d'après des bases uniformes les droits d'entrée et les droits de sortie. La commission d'industrie a proposé de modifier la base et le taux du droit de sortie ; j'ai cru qu'il était nécessaire d'avoir la même base pour l'entrée et pour la sortie, et dès lors j'ai proposé d'établir aussi pour l'entrée le droit au poids, mais je n'ai fait pour l'entrée que traduire en quelque sorte le chiffre établi par la loi des droits différentiels.
Quant au droit de sortie, loin d'introduire dans la législation un principe nouveau, nous ne faisons que réparer une erreur et sanctionner un principe que domine toute la législation.
En effet, des droits de sortie élevés sur certaines matières premières, lorsque l'intérêt de l'industrie exige qu'elles soient conservées dans le pays, sont le droit commun de toute notre législation ; tout à l'heure on en a cité des exemples.
Ainsi je ne crois pas du tout qu'en établissant le droit de 8 fr. on introduirait un principe nouveau ; ce serait bien plutôt le redressement d'une erreur et la consécration d'un principe qui existe dans notre tarif de douanes.
M. Osy. - Je me suis trompé, messieurs, en présentant mon amendement. La loi des droits différentiels fixe le droit à 3 fr. par 100 fr., c'est-à-dire, à 3 p. c. de la valeur ; mais aujourd'hui M. le ministre des finances change tout à fait le système des droits d'entrée et de sortie, il les établit par 100 kil. ; or un droit de 8 fr. par 100 kil. sur un objet d'aussi peu de valeur est un droit entièrement prohibitif ; je substitue donc le chiffre de 50 centimes à celui de 3 fr. que porte mon amendement.
M. Lebeau. - Si l'on veut un exemple du danger de la précipitation avec laquelle on nous demande de voter une loi semblable, c'est précisément l'explication que vient de donner l'honorable M. Osy. On vous présente un projet de loi tellement élaboré qu'il fixe un droit de sortie de 8 fr., non pas sur 100 fr. mais sur 100 kil., qui valent, je pense, 18 fr. C'est une révolution dans cet article du tarif ; c'est une disposition dont la chambre ne connaissait pas du tout la portée. L'honorable M. Osy, beaucoup plus familiarisé que moi avec les questions de tarif, s'y était lui-même trompé, au point qu'il a été obligé de faire descendre son amendement, de 3 fr. à 50 centimes.
Je dois contester le principe émis par M. le ministre des finances qu'il faut restreindre la sortie des matières nécessaires à l'industrie ; car s'il en était ainsi, il n'y aurait pas de raison pour ne pas prohiber la sortie des lins, matière première de l'une de nos industries le plus importantes. Je pourrais en dire autant des houilles, et l'exemple choisi tout à l'heure par l'honorable M. de La Coste est bien malheureux, puisque l'application d'un droit sur la sortie des houilles, faite par sir Robert Peel, a soulevé des réclamations si vives que cet homme d'Etat, qui ne recule pas facilement devant les obstacles, a cru devoir diminuer d'abord puis rayer lui-même cette entrave.
Je dis, messieurs, qu'il y a autre chose ici qu'une misérable question de cornes et de sabots de bétail ; que c'est presque une question de principe, à savoir si nous ferons encore un nouveau pas dans le système restrictif. Sans cela j'aurais honte d'insister autant sur ce point. Je ne demande pas cependant qu'on tranche la question, je demande seulement qu'on l'ajourne. Je ne veux pas non plus exagérer les considérations d'humanité que j'ai exposées à la chambre ; je répète, cependant ; qu'il s'agit ici d'une ressource pour quelques pauvres campagnards. Si vous parcourez, messieurs, le plat-pays, vous verrez une foule de malheureux qui s'occupent à recueillir ces objets que l'on voudrait frapper d'un impôt si considérable, dans l'intérêt, non pas d'une industrie, mais d'une seule fabrique.
M. David. — Messieurs, M. le ministre des finances m'a donné à entendre, dans une séance précédente, qu'il n'avait pas étudié à fond la question des tanneries, question dont on s'occupe fort rarement dans cette enceinte, et qui n'en est pas moins pour cela une des industries les plus importantes dans le royaume, et même dans tous les pays du monde.
M. le ministre des finances a bien voulu me promettre d'examiner cette grave question. Il paraîtrait, d'après ce qu'il vient de dire, qu'il se propose de présenter un projet de loi à la législature : mais je lui ferai observer qu'il n'est pas du tout nécessaire ici de faire une loi, d'une interprétation de la loi des droits différentielles. L'article « cuirs » rentre dans la catégorie de dispositions réglementaires à prendre par le gouvernement.
Il me semble que M. le ministre des finances, si souvent averti par les réclamations du port d'Anvers et de tous les tanneurs du royaume, aurait dû depuis longtemps arrêter ces dispositions réglementaires, en ce (page 1994) qui concerne les cuirs qui nous viennent de la Plata et de toutes les contrées qui n'ont pas de pavillon et que j'ai certes citées à satiété. Ce grave intérêt peut donc être immédiatement réglé par le gouvernement, sans l'intervention de la législature. Il ne faut qu'un arrêté royal.
La question a de l'importance, non pas seulement à l'entrée par le droit différentiel, mais encore à la sortie. Lorsqu'on s'est occupé récemment du traité avec la Hollande, où, pour le dire en passant, le droit sur l'article « cuirs » est moins réduit que celui sur tous les autres articles dont la négociation s'est occupée, je faisais observer que la réduction de 10 fl. à 8 fl. des Pays-Bas, que nous avions obtenue sur les cuirs tannés de la Hollande était comblée par le droit différentiel élevé qu'on fait payer aux tanneurs belges sur la matière première. J'attends, du reste, avec confiance, la décision que prendra, sans doute, pendant l'intervalle de la session, M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il y a deux espèces d'interprétation qui sont quelquefois demandées au gouvernement, les unes sont conformes à l'esprit et à la lettre de la loi, les autres leur paraissent contraires. Je ne devrais pas rétrograder beaucoup dans l'histoire de nos discussions pour trouver des exemples de la seconde espèce d'interprétation. Quoi qu'il en soit, j'ai dit que j'examinerais s'il y a lieu de se borner ici à prendre une disposition réglementaire, ou s'il est nécessaire de présenter une loi.
Je m'étonne que l'honorable M. Osy ait dû faire subir à son amendement une si subite transformation ; je ne puis me l'expliquer que par une erreur : l'honorable membre aura oublié de lire le rapport de la commission, car la commission s'est bornée à proposer un droit de sortie, en prenant pour base un droit de 8 fr. par 100 kil.
M. de Roo. - Messieurs, j'appuie l'ajournement. La chambre n'a pas les renseignements nécessaires pour résoudre la question. On demande en quelque sorte la prohibition des cornes brutes. La chambre sait-elle la quantité de cornes qui entrent dans le pays ? Sait-elle la quantité de cornes employée par la fabrique en faveur de laquelle on voudrait établir une prohibition ? Je suis persuadé que cette fabrique n'emploie pas la centième partie des cornes qui entrent dans le pays. Ce serait de nouveau envoyer dans les ports étrangers les cargaisons qui arrivent aujourd'hui à Anvers.
Ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'adopter l'ajournement.
- L'ajournement est mis aux voix par appel nominal ; 46 membres seulement sont présents ; il n'est pas pris de décision.
M. le président. - Comme il était entendu qu'on s'ajournerait aujourd'hui, et comme dès lors une convocation pour demain n'aurait sans doute pas de résultat, je propose de nous ajourner indéfiniment. (Oui ! oui !)
- La séance est levée à 4 heures.