(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 505) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une heure et quart, et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
Le même secrétaire présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur Jauffred, marchand détaillant et cultivateur, établi au camp de Beverloo, réclame l'intervention de la chambre contre une disposition du département de la guerre, en vertu de laquelle sa baraque pourrait être démolie d'un moment à l'autre. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Kreglinger et Foulon, vice-président et secrétaire de l'association commerciale et industrielle d'Anvers, demandent une prompte révision de la loi sur les sucres. »
M. Osy. - Messieurs, on a renvoyé hier une requête de même nature à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. Je demande que la même décision soit prise pour la pétition dont il vient de vous être fait l'analyse.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Dans la séance d'hier, la chambre a adopté un nouvel article ainsi conçu :
« Il ne sera permis de chasser dans les domaines de l'Etat qu'en vertu d'une adjudication publique. »
Il a été entendu que M. de Garcia pourrait proposer une disposition additionnelle à cet article, s'il croyait qu'il y avait lieu.
M. de Garcia. - Messieurs, cet amendement, comme je l'ai indiqué, présente des circonstances très délicates. Je crois donc qu' il doit se faire avec la circonspection qu'il comporte ; et s'il n'a pas lieu incontinent, je pourrai, dans tous les cas, le faire au second vote de la loi.
M. Dumortier. - Messieurs, il a été convenu que l'on pourrait présenter un amendement à l'article adopté hier. Arrivé hier à l'instant du vote, j'ai déclaré l'intention d'user de ce droit, et je crois qu'il est nécessaire d'user de la faculté que la chambre a laissée dans cette circonstance afin de remédier à ce que le vote d'hier pourrait avoir de fâcheux.
La chambre, messieurs, a voulu deux choses en ce qui concerne la chasse dans les domaines de l'Etat. Elle a d'abord voulu que les employés du gouvernement ne puissent plus abuser de ces domaines comme ils le faisaient par le passé, et elle a admis une disposition, afin de consacrer cette pensée. D'un autre côté, la chambre a aussi voulu retirer, s'il était possible, quelques revenus de la chasse dans les domaines de l'Etat, et c'est ce qui a donné naissance au vote d'hier. Toutefois une réserve a été faite, et c'est cette réserve dont je viens faire usage, afin que cet amendement n'ait pas pour portée de priver la Couronne du droit dont elle jouit.
Il me semble, messieurs, que nous devons réserver à la Couronne le droit de chasse, comme cela a lieu dans tous les pays constitutionnels, et tout au moins les grandes forêts appartenant au domaine de l’Etat. C'est ici, messieurs, permettez-moi l'expression, une question de royauté, de dignité de la Couronne ; c'est pour nous surtout une question de convenance et de devoir. Il est incontestable que dans tous les pays constitutionnels, il existe des chasses réservées à la Couronne. La chasse est comme inséparable de la Couronne, et nous ne devons ais admettre une disposition qui enlèverait ce délassement à notre dynastie.
J'entends que l'on va peut-être m'objecter qu'accorder la chasse dans les grandes forêts de l'Etat à la Couronne, ce serait une augmentation de la liste civile, et par là une disposition inconstitutionnelle. Ici, messieurs, je puis vous parler assez pertinemment, parce qu'en 1831, c'est moi qui ai eu l'honneur d'être rapporteur de la section centrale qui avait examiné le projet de loi sur la liste civile.
On pourrait croire qu'il s'agit ici d'une augmentation de la liste civile. Je dis qu'il n'en est rien, et la preuve en est bien simple. Lorsqu'en 1831, nos honorables collègues, MM. Osy, Delehaye et moi avec quelques autres collègues, nous avons présenté une loi pour régler la liste civile de S. M. le Roi actuel, nous n'avons introduit dans cette loi ni allocation de domaines à la liste civile, ni disposition en ce qui concerne la chasse dans les domaines de l'Etat. Cependant, dans la section centrale ces deux questions ont été agitées. On a cru qu'on ne pouvait affecter de domaine à la liste civile, parce que, nous trouvant alors en présence de la somme énorme que la Belgique devait payer à la Hollande par suite du traité des 24 articles, on avait pris la résolution de vendre les domaines, afin de faire ainsi face à une partie de cette lourde charge.
La question de chasse dans les domaines de l'Etat a aussi été examinée dans le sein de la section centrale, et comme rapporteur, je puis vous dire ce qui s'est passé. On a considéré comme inutile de parler dans la loi du droit de chasse laissé à la Couronne, parce que le roi des Pays-Bas avait toujours usé, en vertu des lois de 1790 et sans qu'aucune disposition, à cet égard, se trouvât dans la loi sur la liste civile, du droit de chasser dans les grands domaines de l'Etat. Or, nous disions : Nous venons de fonder une monarchie de notre choix, et certainement nous ne voulons pas faire à la monarchie, sortie de la révolution, une position moindre que celle qu'avait faite le pays au roi dont nous venions de nous débarrasser avec l'assentiment unanime de la nation. Dans cet état de choses, nous avons cru inutile de parler de la question de chasse qui se trouvait réglée et par les usages, et par les lois de 1790.
Au reste, messieurs, l'allocation de certains domaines à la Couronne pour y chasser, n'entraîne pour elle aucun avantage, mais entraîne une aggravation de charges. J'ajouterai qu'enlever à la Couronne, par suite de la disposition que vous avez votée hier, tous les domaines dont elle avait la jouissance comme chasse, ce ne serait pas augmenter la liste civile, mais que ce serait, si l'on voulait considérer ce droit de chasse comme un avantage pécuniaire, réduire la liste civile, ce que personne de nous ne voudrait certes proposer.
Du reste, il ne s'agit pas ici d'un avantage pécuniaire, mais d'un usage qu'on réserve, dans tous les pays, à la Couronne. et cela est nécessaire. Nous avons, messieurs, une jeune dynastie qui, dans quelques années, aura besoin de s'adonner au plaisir de la chasse. Car la chasse est le plaisir des princes. Voudrions-nous que la dynastie que nous avons créée de nos mains, allât demander à quelque grand seigneur le droit de chasser sur ses terres ? Cela ne serait ni digne de la nation ni digne de la Couronne ; cela ne serait pas convenable dans un pays comme le nôtre ; personne de vous, messieurs, ne le voudrait. Qui de nous ne serait pas blessé de voir notre dynastie réduite à un tel rôle, alors qu'il nous est si facile de conserver au Roi et à nos Princes des droits dont ils jouissent dans tous les pays constitutionnels ?
Je crois donc, messieurs, qu'il est nécessaire, surtout en présence de la disposition votée hier, de réserver à la Couronne le droit de pouvoir chasser dans les trois principales de nos forêts, celle de Soignes, celle de Saint-Hubert et celle d'Hertogenwald, ainsi que dans les petites parties qui avoisinent le domaine royal d'Ardennes.
La chasse dans ces forêts ne pourrait d'ailleurs se louer avantageusement. Car qui voudrait louer une chasse de 5 à 6,000 hectares ? Evidemment ces forêts ne peuvent convenir qu'à un souverain, et il n'est personne qui voudrait s'imposer une charge aussi considérable.
Vous avez voulu hier, comme je le disais en commençant, poser deux principes : le premier, c'est d'empêcher les abus commis par les employés de l'Etat qui usaient à leur profit de la chasse dans les domaines de l'Etat. Vous avez porté un remède à cet abus et vous avez bien fait. Le second, (page 506) c'est de retirer quelques profits pour le trésor, de la chasse dans les domaines de l'Etat.
Or les chasses qui se loueront avec avantage, seront nécessairement celles des bois d'une médiocre étendue, celles des bois de 3, 4 ou 500 hectares. Mais je ne pense pas qu'on puisse songer à louer la chasse dans une forêt comme celle de Soignes qui contient 7,000 hectares. Au reste, je le répète, lors même qu'il y aurait des sociétés qui se présenteraient pour louer ces chasses, il est des devoirs, il est des convenances que l'on ne doit pas oublier, et c'est à nous, représentants de la Belgique qui a fondé sa dynastie, c'est à nous qu'il appartient de montrer que nous sentons toute l'étendue de ces devoirs et de ces convenances, et de ne laisser penser ni au pays ni à l'étranger que nous sommes indifférents à la haute considération dont doit jouir chez nous la royauté.
J'ai donc l'honneur de proposer, de concert avec l'honorable M. de Garcia, un amendement ainsi conçu :
« Néanmoins, la chasse dans les forêts de Soignes, de St-Hubert et d'Hertogenwald, ainsi que dans les propriétés de l'Etat, avoisinant le domaine d'Ardennes, est réservée à la Couronne. »
- Cet amendement est appuyé.
M. Castiau. - Messieurs, il avait été convenu qu'on ajournerait l'examen de cette question au second vote. J'en appelle à la loyauté des membres de cette chambre. Lorsqu'on a interpellé l'honorable M. de Garcia, il a demandé quelques jours pour réfléchir à la rédaction de son amendement et il a alors été convenu qu'on en ajournerait la discussion au vote définitif.
M. de Garcia. — Je dois reconnaître l'exactitude de ce que vient de dire l'honorable M. Castiau. Du reste, en signant l'amendement de l'honorable M. Dumortier, je n'ai eu qu'un but, c'est qu'il fût bien entendu que cet amendement ferait l'objet des délibérations de la chambre. Je ne m'oppose pas à ce qu'il ne soit discuté qu'au second vote, et je suis persuadé que l'honorable M. Dumortier se ralliera à ma manière de voir ; je désire que mes collègues puissent toujours, sur toutes les matières, délibérer avec entière connaissance des faits.
M. Dumortier. - Nous ne pourrions pas au second vote introduire un amendement dans ce sens, le règlement s'y opposerait. Mais en le votant maintenant, la discussion se représentera naturellement au deuxième vote.
M. le président. - Au second vote on peut présenter tous les amendements fondés sur les amendements introduits au premier vote.
M. Lejeune. - On veut remettre au second vote la discussion de l'amendement qui vient d'être présenté. Parce qu'un membre s'est réservé le droit de présenter un amendement au second vote, s'ensuit-il qu'il soit défendu à un autre membre d'en présenter dès à présent ? Le règlement ne s'y oppose pas.
L'honorable M. Dumortier présente aujourd'hui cet amendement ; rien ne s'oppose à ce qu'on s'en occupe aujourd'hui ; la question se représentera au deuxième vote par cela même que c'est un amendement. Je ne trouve donc aucun inconvénient à ce qu'on le discute dès à présent.
M. de Tornaco. - Je demande positivement la remise de la discussion de l'amendement qui vous est soumis, au second vote. Cet amendement est conçu en termes tels qu'il est impossible de le mettre en discussion. En effet, il porte : « Néanmoins la chasse dans les forêts de Soignes, de St.-Hubert et d'Herlogenwald, ainsi que dans les propriétés de l'Etat avoisinant le domaine d'Ardennes est réservée à la Couronne. »
Ces expressions : « les propriétés de l'Etat avoisinant le domaine d'Ardenne, » sont extrêmement élastiques, tellement vagues qu'elles ne peuvent pas faire partie d'une disposition législative. Il faut que l'on ait des données certaines pour connaître la portée de la proposition. Je crois que l'auteur de l'amendement reconnaîtra que sa proposition ne peut pas être discutée telle qu'elle est conçue. J'insiste pour que la discussion en soit renvoyée au second vote.
M. Vanden Eynde. - Je demande qu'on discute immédiatement l'amendement proposé par l'honorable M. Dumortier. Hier, lorsque j'ai voté pour l'amendement de l'honorable M. Delehaye, je ne l'ai fait que parce qu'on avait annoncé un amendement, ayant pour but de réserver à la Couronne le droit de chasser dans certains domaines de l'Etat. Si je n'avais pas eu foi dans la promesse faite qu'un sous-amendement dans ce sens serait présenté et discuté aujourd'hui, je n'aurais pas voté pour l'amendement de l'honorable M. Delehaye.
Je crois qu'il y a un motif plausible pour discuter cet amendement dès à présent.
Il est probable que quand nous aurons à voter sur l'ensemble de la loi, nous devrons y introduire quelques modifications pour mettre les divers articles en corrélation.
Il vaut donc mieux discuter maintenant cet amendement pour voir s'il n'y aura pas lieu d'y faire quelque changement au second vote.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si on discutera immédiatement l'amendement de MM. Dumortier et de Garcia.
M. Dubus (aîné). - Je demande la parole pour un rappel au règlement. Je voudrais que la chambre examinât si, quand un de ses membres présente un amendement au premier vote, elle a le droit d'en renvoyer l'examen au second vote.
Je crois que cela peut avoir lieu quand l'auteur de l'amendement y consent ; mais quand il insiste pour que la discussion ait lieu immédiatement ; on n'est pas fondé à le renvoyer au second vote.
M. le président. - Je n'aurais pas consulté la chambre sur le renvoi de l'amendement au second vote si déjà, à la fin de la dernière séance, on n'était pas à l'article 6, un membre ayant fait la réserve qu'il était entendu qu'on pourrait présenter au second vote un sous-amendement dans le sens de celui dont il s'agit.
- La chambre consultée décide qu'on discutera immédiatement l'amendement présenté par MM. de Garcia et Dumortier.
M. de Garcia. - Messieurs, M. de Tornaco a présenté quelques considérations qui méritent d'attirer l'attention de la chambre. Ces considérations avaient pour objet de faire préciser les forêts qui environnent le domaine d'Ardenne. Je pense que M. le ministre des finances pourrait nous donner quelques éclaircissements à cet égard. S'il n'en était pas ainsi, j'appuierais le renvoi au second vote de l'examen de l'amendement soumis à la chambre par M. Dumortier et par moi.
De cette manière, la chambre connaîtra toute la portée de l'amendement sur lequel elle est appelée à se prononcer.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai fait dresser trois états, l'un des bois domaniaux déjà affermés aujourd'hui, l'autre dont le droit de chasse n'est pas affermé ; enfin l'état des bois réservés. Cette distinction, qui paraîtra subtile au premier abord, est très naturelle.
Indépendamment des motifs que j'ai donnés contre la proposition adoptée à la séance d'hier, il en est une autre qui m'avait échappé. D'après la loi votée par la chambre, il doit être aliéné des domaines de l'Etat à concurrence d'une somme de 10 millions. La chambre comprendra qu'il eût été contraire aux intérêts de l'Etat de louer la chasse de tous les domaines, même de ceux dont la vente est prochaine. La location de la chasse, si l'on veut ménager tous les intérêts, doit être faite pour un terme assez long. La propriété dont la chasse serait ainsi louée serait plus ou moins dépréciée si on la mettait en vente.
La contenance des bois domaniaux dans lesquels la chasse est louée est de 6,515 hectares, le montant de la location est de 1,760 francs. Je cite ce fait pour que la chambre ne se fasse pas illusion sur la portée financière du vote qu'elle a émis hier. J'ai eu sous les yeux ce matin l'adjudication négative de 804 hectares dont la mise à prix avait été de 60 fr. Personne ne s'est présenté. Il s'agissait du bois du bois de Luchy dans la province de Luxembourg.
Après l'adjudication un soumissionnaire a offert ce prix de 60 fr., qui a été accepté. Cela fait 7 centimes et une fraction par hectare. Ainsi pour 6,505 hectares dont la chasse a été louée en vertu d'adjudications publiques faites avec concurrence depuis un certain nombre d'années, car ce fait dont je parle est de 1838, on a obtenu 1,760 fr.
L'état des biens domaniaux dont la chasse n'est pas affermée s'élève à 10 mille hectares.
L'état des domaines réservés est de 19,976 hectares. Dans ce dernier état se trouvent 4,386 hectares de la forêt de Soignes, la forêt de St.-Hubert et la forêt d'Hertogenwald qui est de 6,671 hectares.
Je vois par les mêmes états, et ici je réponds directement à l'observation de l'honorable M. de Garcia, que les propriétés domaniales situées dans la province de Namur, j'ignore, celles qui avoisinent le domaine d'Ardenne, sont d'une très faible étendue. Ainsi le bois dont la contenance est la plus forte est de 204 hectares, c'est celui de St.-Remy, canton de Rochefort ; les autres sont de 150, 100, 136, 190 hectares. Il résulte de là que la portée de l'amendement en ce qui concerne les propriétés de l'Etat avoisinant le domaine d'Ardenne n'est pas indéfinie, qu'elle est, au contraire, très restreinte.
M. Verhaegen. - Je crois que nous avons tous la même intention : le but de l'amendement qui a été adopté dans la séance d'hier ne peut être douteux pour personne, et la proposition présentée par MM. Dumortier et de Garcia, sous forme de sous-amendement, n'y est nullement contraire. Seulement je désire savoir si le droit de chasse dans les forêts indiquées dans l'amendement est uniquement réservé à la Couronne, c'est-à-dire s'il esl bien entendu que ce droit ne pourra pas être délégué à d'autres. Si on l'entend ainsi, je donnerai mon approbation au sous-amendement.
M. Dumortier. - J'avais demandé la parole pour rencontrer l'objection de l'honorable M. Verhaegen. J'ai dit en termes exprès que la chasse dans les biens domaniaux énumérés dans l'amendement, serait réservée à la Couronne. Autre chose est de réserver la chasse pour la Couronne, autre chose est de la réserver pour des agents forestiers.
M. Desmet. - Pas de restriction !
M. Lys. - Je ne m'oppose nullement, messieurs, au sous-amendement présenté par l'honorable M. Dumortier ; mais je ne puis laisser sans réponse ce que cet honorable député a dit, sur le produit présumé de la location du droit de chasse, dans nos grandes forêts. Nous n'avons pas besoin, messieurs, de considérer comme de peu de valeur, le droit que nous voulons reconnaître en faveur de la Couronne, pour examiner au fond le sous-amendement présenté ; car pour moi ce n'est pas là le motif qui m'engage à l'adopter.
Il reste certain pour moi, que la location du droit de chasse dans nos grandes forêts, produirait une somme assez considérable, et que les forêts trop considérables pourraient être divisées en plusieurs lois, pour la mise en location publique, si cette division était nécessitée dans l'intérêt du trésor.
M. Delfosse. - Je voudrais qu'il fût fait mention au procès-verbal de la déclaration de l'auteur de l'amendement, que le droit de chasse qu'il veut réservera la Couronne, dans quelques forêts domaniales, ne pourrait pas être délègue.
M. Dumortier. - J'adopte le principe posé par l'honorable M. Delfosse. Qu'est-ce que nous voulons ? Que les agents du domaine ne se servent pas des domaines de l'Etat comme des leurs. Cependant il ne faut pas insérer de disposition limitative, en voici le motif. Il peut arriver qu'un (page 507) souverain étranger vienne en Belgique en visite, et que la Couronne veuille, en son honneur, monter une partie de chasse ; si vous insérez dans l'article une disposition limitative, la Couronne ne pourrait pas organiser la partie de chasse dans les domaines de l'Etat dont vous lui réservez la chasse, ce qui n'est pas dans l'intention de l'honorable M. Delfosse. Par ces motifs je pense qu'il faut laisser l'article tel qu'il est proposé.
M. Orban. - Si vous réservez à la Couronne le droit de chasse dans certains domaines de l'Etat, vous lui donnez également le droit d'en disposer. Seulement le gouvernement ne peut autoriser personne, ne peut autoriser qui que ce soit à chasser dans les domaines réservés à la Couronne.
M. Delfosse. - Ne faisons pas intervenir le Roi dans ce débat ; il ne s'agit pas ici du Roi, mais des ministres. Les ministres ont jusqu'à présent accordé le droit de chasse dans les forêts domaniales à quelques privilégiés, c'est un abus que nous avons voulu faire cesser en votant pour l'amendement de M. Delehaye et qui pourrait reparaître si le droit que l’on veut réserver à la Couronne pouvait être délégué. Que le Roi puisse chasser dans quelques forêts domaniales avec sa suite, soit ; que les souverains qui viendraient le visiter puissent chasser aussi, soit encore. Mais qu'au moins il ne soit plus permis à MM. les ministres de disposer du droit de chasse en faveur de quelques privilégiés. Je demande que MM. les ministres s'expliquent formellement sur ce point.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, la proposition votée dans la séance d'hier porte que personne ne pourra chasser dans les forêts domaniales si ce n'est en vertu d'une adjudication publique. Telle est la règle. Quelle est l'exception ? Quelle en est la portée ? C'est de réserver à la Couronne le droit de chasse dans certaines forêts. En rapprochant la règle de l'exception, l'on voit clairement que le droit de délégation, que l’on craint de voir exercer par les ministres, est proscrit d'avance. Le droit de chasse, dans toute son étendue, n'est réservé qu'à la Couronne.
M. de Brouckere. - Je voulais parler précisément dans le même sens. La chambre paraît reconnaître à l'unanimité qu'il y a convenance d'abandonner à la Couronne le droit de chasse dans certaines forêts à déterminer. Eh bien, s'il y a convenance dans cet abandon, il y aurait inconvenance à le limiter ; la confiance de la chambre doit être entière lorsqu'elle fait un semblable abandon.
Il est évident que le droit de chasse n'appartiendra plus ni au ministre, ni aux employés du ministère. Le droit de chasse est abandonné à la Couronne, et, je le répète, il y aurait quelque chose de bizarre à désigner comment la Couronne usera ou n'usera pas de ce droit.
M. Verhaegen. - Mais, messieurs, nous sommes tous d'accord. Nous aussi, nous voulons réserver à la Couronne le droit de chasse dans certaines forêts désignées, mais nous désirons que le vote d'hier conserve son effet, c'est-à-dire, que le droit que nous accordons à la Couronne seule ne puisse pas être délégué à d'autres, soit particuliers, soit fonctionnaires publics. Je crois que c'est bien de cette manière que tout le monde entend la chose. (Oui, oui.)
- L'amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
M. Castiau. - Messieurs, j'ai combattu le projet de loi sur la chasse. J'en ai combattu le principe, les résultats et les tendances. Ma conviction n'est pas changée depuis la discussion des articles. Quelques-unes des dispositions de détail, loin d'améliorer la loi, en ont encore aggravé le caractère. Je n'avais pu donner mon approbation qu'à une seule de ses dispositions, celle que vous aviez adoptée dans la séance d'hier ; mais vous venez de la renverser et de l'anéantir aujourd'hui. Il n'y aura donc pas, dans toute cette loi, une seule disposition que je puisse adopter. Je devrais me résigner et l'abandonner à son sort. Cependant, puisque la majorité veut renverser la législation de 1790 sur la chasse et promulguer une loi nouvelle, je dois supposer qu'elle veut une législation complète et réglant les principaux intérêts de la chasse. Je ne puis donc me dispenser de lui signaler l'inexplicable lacune que renferme le projet qui lui est soumis. C'est le silence gardé sur ce qui est relatif au permis de port d'armes et de chasse.
Puisqu'on s'occupait dérégler la chasse, comment fallait-il débuter ? En réglant l'exercice du droit de chasse. C'était le point de départ de toute notre nouvelle législation, et c'est en tête de la loi que devaient figurer les dispositions relatives au permis de chasse. Qui pouvait chasser ? A quelles conditions l'exercice de la chasse serait-il autorisé ? Sera-ce un droit ou un privilège ? Telles étaient évidemment les premières pensées qui se présentaient à l'esprit, en s'occupant de la codification de la chasse.
Le projet de loi ne dit pas un mot de cette matière. Que penser de cet étrange silence de la section centrale ?
Ce silence n'est pas le résultat de l'irréflexion. Des sections avaient, en effet, signalé la lacune sur laquelle j'appelle votre attention. Elles avaient exprimé le vœu que la loi comprît dans ses dispositions ce qui était relatif au permis de chasse.
Et comment la section centrale a-t-elle répondu à cet appel et à la manifestation de ce vœu ? La section centrale voulait, suivant ses expressions, rédiger une loi complète et nationale. J'ai vu le moment où elle aurait annoncé le projet de promulguer une loi européenne. Et la section centrale qui voulait cette loi complète et nationale, ne s'occupe pas même des dispositions qui dominaient toute la matière. Pourquoi ? Parce que la nécessité d'une innovation en cette matière ne lui était pas démontrée.
La nécessité d'une innovation sur ce point ne lui est pas démontrée ! Mais le rapporteur de la section est jurisconsulte. Il connaît ou il doit connaître les débats qui se sont élevés sur la légalité des décrets impériaux qui règlent en ce moment encore le permis de chasse. Il doit savoir que les jurisconsultes les plus éminents se sont divisés sur cette question et que, malgré les décisions des tribunaux, des dispositions qui ont été aussi énergiquement attaquées à leur début, peuvent paraître aujourd'hui encore d'une légalité douteuse C'est cette position anormale qu'il fallait régulariser en faisant trancher le doute par la loi et en mettant les décrets impériaux en harmonie avec les exigences de notre nouveau droit public.
La nécessité de régler cette matière ne vous est plus démontrée ! Mais vous oubliez donc les doctrines ministérielles sur le droit de chasse ! Vous oubliez donc que le ministère a voulu faire de ce droit un privilège intolérable ! Vous oubliez donc qu'il a voulu en dépouiller la majorité des citoyens, pour en faire hommage aux grands propriétaires ! Vous oubliez donc, enfin, la fameuse circulaire de 1842, qui réservait le droit de chasse aux propriétaires de cent hectares de terrain ! et c'est en présence de cette circulaire et de ces tendances que vous venez déclarer qu'il n'y a rien à faire ! Est-ce que, par hasard, vous seriez disposés à adhérer aux dispositions de cette circulaire ?
Cette circulaire subsiste. Elle n'a pas été révoquée. Je ne sais si elle le sera. Des interpellations nombreuses et pressantes ont été adressées sur ce point à M. le ministre de l'intérieur, et jusqu'ici il a éludé avec une rare habilité la réponse qui lui était demandée.
M. le ministre m'annonce qu'il a fait sa profession de foi sur ce point dans l'une des séances de la chambre. C'est probablement pendant mon absence, car je ne me rappelle pas ce fait. Du reste, comme la matière en vaut la peine, je crois pouvoir maintenir mon interpellation et engager M. le ministre à s'expliquer de nouveau. On ne peut trop réprouver, on ne peut assez flétrir les tendances de la circulaire de M. Nothomb !
Qui nous dit que, malgré la réprobation de M. le ministre, ces tendances ne reparaîtront pas ? Qui nous dit que les doctrines de l'ancien ministre de l'intérieur sur le permis de chasse ne seront pas reprises par le successeur de M. Van de Weyer ? Plaçons donc notre confiance et nos garanties dans la loi qui seule est immuable, et non dans les hommes qui se succèdent si rapidement au banc ministériel.
Consentirez-vous, messieurs, je vous le demande, consentirez-vous à laisser dans les mains du gouvernement la faculté de délivrer des permis de chasse, de l'accorder aux uns, de le refuser aux autres, d'en faire, en un mot, un privilège, une faveur ministérielle ? Est-il donc besoin de vous signaler les conséquences de cet arbitraire ?
Demain peut-être on ressuscitera cette odieuse circulaire de 1842 qu'on n'ose plus avouer aujourd'hui. Les propriétaires de cent hectares de terrain jouiront seuls du privilège de la chasse. Tous nos chasseurs qui battent aujourd'hui des mains à l'adoption de la loi, se préparent, je dois les en prévenir, un immense désappointement. Les 300,000 francs, produit des ports d'armes, vont bientôt s'évanouir ; cette imposante légion de dix mille chasseurs qu'on a fait apparaître dans la discussion, ne comptera bientôt plus que quelques vétérans privilégiés, et le moment approche où le plaisir de la chasse ne sera plus permis dans ce pays qu'aux éligibles au sénat.
Et qui vous garantit, messieurs, qu'on n'ira pas su delà des dispositions de la circulaire de 1842 ? qui vous dit que les exigences qui se sont révélées avec tant d'énergie et d'insistance en 1815, ne reparaîtront pas plus énergiques encore dans quelques années ? Qui vous dit qu'on ne restituera pas indirectement, à l'aide du permis de chasse, le privilège de la chasse à ses antiques propriétaires ?
Un mot d'une grande portée vient d'être prononcé par M. Dumortier. La chasse, a-t-il dit, est un plaisir de prince. Le mot est heureux ! le mot est joli ! Ce mot produira des merveilles ! Il donnera lieu à d'inévitables commentaires, d'autres s'en empareront. On prétendra que si la chasse est un plaisir de prince, elle est aussi un plaisir de gentilhomme, et que le port d'armes ne convient pas à des mains roturières. Il faudra donc, pour obtenir la faveur d'un permis de chasse, soumettre la demande à l'avis de la chambre héraldique.
Et pensez-vous que la politique, qui se mêle à tout, ne finira pas par se mêler aux questions de chasse et de permis de chasse ? Le permis de chasse ne pourrait-il pas devenir un moyen d'influence électorale ? Quel parti tirerait un ministre habile de ce privilège exorbitant de disposer de toute la chasse dans le pays et d'en réserver le monopole à ses partisans et à ses créatures ?
Tous ces inconvénients, qui vont inévitablement se révéler avec une loi qui donnera une nouvelle excitation à la passion et au privilège de la chasse, me font désirer d'enlever au gouvernement cette arme dangereuse, et de placer dans d'autres mains le droit de statuer sur les demandes de permis de chasse.
Je ne vois en ce moment que les députations permanentes qui puissent, dans l'ordre de nos institutions administratives, succéder au privilège du gouvernement. C'est donc en leur faveur que je viens d'abord réclamer le droit d'accorder les autorisations de chasse.
El cependant, comme l'arbitraire est dangereux et m'épouvante dans quelques mains qu'on le place, je ne veux pas même accorder aux députations le droit absolu que possède aujourd'hui le gouvernement. J'exige donc d'autres garanties et ces garanties, comme toujours, c'est à la loi qu'il faut laisser le soin de les déterminer.
Je viens donc vous demander de régler dans la loi les conditions de la délivrance des permis de chasse. Aujourd'hui, tout est livré à l'arbitraire ; tout peut dépendre du favoritisme ministériel. Cet état de choses est intolérable. La chasse n'est pas un privilège ; c'est un droit. Qu'on en règle donc l'exercice. Qu'on détermine dans quels cas et à quelles conditions il a lieu et surtout, si l'on veut créer des incapacités et des indignités, que la loi seule et non l'arbitraire de l'homme les détermine.
Tel est le but des dispositions additionnelles que je viens soumettre à notre examen.
Et pour ne pas vous épouvanter de ce mot effrayant d'innovation qui a été (page 508) prononcé par l'organe de la section centrale, je dois vous prévenir que les dispositions que je vous présente ont été prises presque textuellement dans la nouvelle loi française sur la chasse.
J'en fais même l'aveu à ma honte, sur ce point, je n'ai pas osé aller aussi loin et me montrer aussi généreux que cette loi. J'ai craint les dispositions de la majorité, et pour faire accueillir mes dispositions, j'ai cru devoir me montrer plus sévère que la loi française elle-même, pour la délivrance des permis de chasse.
Après cette explication, vos scrupules, je le pense, disparaîtront. Vous faites en ce moment, messieurs, une véritable loi de contrefaçon. Vous avez copié textuellement et servilement la loi française. A part une seule exception, vous en avez adopté les dispositions les plus rigoureuses. Eh bien ! soyez conséquents et ne rejetez pas maintenant les seules dispositions de la loi française qui aient un caractère de justice et d'intérêt général.
Quoi qu'il arrive, j'aurai rempli un devoir en vous demandant de régler enfin par la loi tout ce qui est relatif au droit de chasse.
Voici, messieurs, les dispositions que je crois devoir soumettre à votre examen :
(L'honorable membre donne lecture de ces articles.)
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, je répondrai d'abord à quelques observations générales qui vous ont été faites par l'honorable préopinant relativement au caractère que nous avons voulu donner à cette loi. L'honorable membre vous l'a présentée comme si, tout en nous |rendant coupables d'un délit de contrefaçon, nous eussions voulu en faire une œuvre éminemment nationale, voire même européenne. Telle n'a pas été la prétention, ni du gouvernement, ni de la section centrale. Le gouvernement, comme la section centrale, a puisé dans les législations antérieures toutes les dispositions dont l'application pouvait être utile au pays. C'est, pour un gouvernement comme pour une assemblée, un devoir de s'éclairer de l'exemple d'autrui ; et, pour ma part, je me rendrai volontiers coupable de semblables délits de contrefaçon, qui tendraient à introduire dans mon pays des dispositions législatives utiles.
L'honorable préopinant a été surpris de voir que, malgré l'invitation de plusieurs sections, la section centrale ne s'était pas occupée des permis de port d'armes.
En cela, je pense que la section centrale a été déterminée à peu près par les mêmes considérations qui ont empêché mon prédécesseur de compléter la loi sous ce rapport, à savoir qu'aucun abus grave ne s'était présenté, qu'aucune réclamation fondée n'avait été faite contre la délivrance des permis de port d'armes.
Messieurs, nous vivons dans un gouvernement de publicité et de réclamation. Si, dans le refus ou dans l'octroi des permis de port d'armes, le gouvernement s'était laissé entraîner par des acceptions de personnes, soyez-en bien convaincus, la presse et la tribune législative auraient retenti des réclamations des parties lésées. La section centrale, voyant donc qu'aucune réclamation légitime ne s'élevait d'aucune part, a pensé que l'état actuel des choses pouvait être maintenu sans inconvénient. A cette occasion, l'honorable préopinant a soulevé la question de savoir si les décrets et arrêtés, en vertu desquels le gouvernement accorde encore des permis de port d'armes, étaient légaux ou non. Il a contesté la légalité de ces décrets et de ces arrêtés, et il a cité, à ce sujet, un jurisconsulte français qui partage l'opinion qu'il a lui-même émise à cet égard.
Messieurs, je conçois qu'un doute pareil eût pu s'élever en France ; mais en Belgique cette question est décidée depuis longtemps. Il y a deux arrêts de la cour de cassation qui ont reconnu la légalité de ces actes. Toutes les années, on a porté au budget la somme provenant de l'octroi des permis de port d'armes, et par conséquent la législature a donné sa sanction à l'application des lois et arrêtés dont il s'agit.
L'honorable préopinant, frappé surtout de la tendance qu'on a attribuée à une circulaire de mon prédécesseur, a fait ressortir la nécessité de faire régler par des dispositions législatives ce qui est actuellement abandonné à la seule action du gouvernement. Je dois, messieurs, pour rendre justice à mon prédécesseur, entrer dans quelques développements à l'occasion de cette circulaire,
L'honorable préopinant ignore probablement que cette circulaire a fait l'objet d'une correspondance fort active, et que mon prédécesseur a eu soin d'en expliquer le sens dans une lettre postérieurement adressée à tous les gouverneurs. Le sens de la première circulaire avait été mal compris ; on avait donné au contenu de cette circulaire une extension et quelquefois une application dont elle n'était pas susceptible. Voici, messieurs, dans quels termes est conçue la seconde circulaire, datée du 28 août ; la première l'était du 16 du même mois.
« Bruxelles, le 28 août 18il.
« M. le gouverneur,
« Ma circulaire, en date du 16 de ce mois, 2°div., n° 23410, ayant été mal interprétée par un de MM. vos collègues, je lui ai donné quelques explications sur le sens qu'il faut attacher aux instructions que j'ai prescrites. J'ai l'honneur de vous adresser une copie de la lettre que je lui ai écrite à ce sujet pour le cas où les observations qu'elle contient puissent vous être utiles.
« Le ministre de l'intérieur, Nothomb. »
Voici la lettre dont il est question ci-dessus :
« Bruxelles, le 24 août 1842.
« M. le gouverneur, « Les observations contenues dans votre lettre du 18 de ce mois me portent à croire que vous avez mal interprété le sens et le but de ma circulaire du 16 août courant.
« Je vous ai invité, M. le gouverneur, à ne délivrer de permis de port d'armes qu'au propriétaire d'un terrain suffisant pour former une chasse ou bien au porteur de permissions de chasse sur une étendue de terrain d'une centaine d’hectares dans la même commune ou les environs.
« Il y a donc deux catégories de chasseurs : la première sont les propriétaires auxquels vous pouvez délivrer des permis, sans qu'il vous soit tracé de limites, pour le terrain dont ils doivent être propriétaires. Ce soin doit être laissé entièrement à votre appréciation, sans cependant que vous puissiez regarder comme propriétaire d'une chasse celui qui ne posséderait que quelques parcelles de terre.
« A l'égard de la deuxième catégorie, celle des porteurs de permission, il a bien fallu déterminera peu près l'étendue de terrains sur lesquels ils devraient pouvoir exercer leur droit de chasse. Le chiffre de cent hectares environ qui a été posé, ne doit pas cependant être pris dans son acception rigoureuse ; c'est à vous à juger, M. le gouverneur, en faveur de quelles personnes vous pouvez réduire ce taux. »
(Et en effet, la justesse de ces observations doit frapper tous les esprits, et mon prédécesseur a eu raison de renfermer dans ces limites le permis de port d'armes.)
« Au reste, il importe, M. le gouverneur, de ne pas perdre de vue le but dans lequel ces instructions vous ont été adressées. Elles tendent à empêcher que des gens qui ne possèdent aucune propriété, ne se livrent à la chasse et au braconnage, au détriment des contribuables dont les droits de propriété doivent être respectés. »
J'avais à cœur, par respect pour la vérité, d'expliquer ces actes de mon prédécesseur, de donner à la chambre, par une lecture textuelle de la deuxième circulaire, le véritable sens de la première.
Je n'ai donc pas, comme l'a dit l'honorable préopinant, désavoué les actes de mon honorable prédécesseur. J'ai seulement dit que je ne subordonnerais pas le permis de port d'armes à la propriété ou à la possession de cent hectares, que la circulaire de mon prédécesseur avait été mal comprise, qu'elle avait été expliquée, que ces explications je les admettais, et que dans la pratique elle n'avait pas les inconvénients dont le principe général pouvait être susceptible.
Les faits étant ainsi rectifiés, les intentions du gouvernement, de mon prédécesseur et de la section centrale étant bien comprises, la chambre comprendra aussi quels motifs nous ont déterminé à ne pas compliquer la loi actuelle de nouvelles dispositions. La loi avait pour but (j’ai déjà eu l'honneur de le dire plusieurs fois) de prévenir le braconnage, de conserver le gibier, et de faire respecter les récoltes.
Les permis de port d'armes étant soumis à une législation qui ne présente aucun inconvénient grave, et contre laquelle aucune réclamation ne s'est élevée, le gouvernement a voulu renfermer la loi dans les strictes bornes que je viens d'indiquer.
Y a-t-il lieu de revenir sur cette législation de 1810 et de 1812, qui est parfaitement légale chez nous, dont la légalité est au-dessus de toute atteinte ? C'est une question dont la chambre est juge, et qu'elle aura à examiner à propos de la proposition qui vient d'être déposée sur le bureau.
Pour ma part, je préfère que l'action du gouvernement soit réglée par la loi, plutôt que d'être livrée à l'arbitraire. Je n'aime pas entre mes propres mains l'exercice illimité d'un droit quelconque, fût-ce celui de décider arbitrairement si tel citoyen pourra ou non être porteur d'un port d'armes. Mais je ne partage pas l'opinion de l'honorable préopinant qui, voulant entourer l'exercice d'un droit de toutes les garanties possibles, croit qu'il est préférable de substituer à la responsabilité du gouvernement celle des corps constitués.
Je pense, au contraire, que, soit que l'on maintienne l'état actuel des choses, c'est-à-dire la législation de 1810 et de 1812, légalisée par arrêté du prince souverain, soit que la chambre consente à examiner et à discuter la proposition de l'honorable préopinant, la législature restera convaincue qu'il y aura une garantie plus grande dans la responsabilité du gouvernement que dans l'action des corps constitués.
D'après ces considérations, la chambre sera convaincue que nous ne reculons pas devant la discussion de ces propositions. Cependant par respect pour l'opinion de la section centrale, par respect pour l'usage constant, basé sur une législation qui a trente ans et plus d'existence, je crois qu'il serait bon de poser à la chambre une question préalable, celle de savoir si en l'absence d'abus graves, en l'absence de toute réclamation, il ne convient pas de laisser subsister l'état actuel des choses, et si nous ne pourrions pas renvoyer à une époque ultérieure l'examen de la question de savoir si les permis de port d'armes seront assujettis à de nouvelles dispositions législatives.
M. Savart-Martel, rapporteur. - En qualité de rapporteur de la section centrale, je crois devoir répondre quelques mots à mon honorable collègue préopinant.
La section centrale n'a pas cru devoir préciser au gouvernement les cas où il pourrait refuser le permis de chasse. Elle a cru devoir s'abstenir pour le motif que vient de développer M. le ministre de l'intérieur ; inutile de les répéter en ce moment. Il était même douteux que son mandat s'étendît jusque-là, bien qu'il soit vrai que la section ait eu l'intention de faire sur la chasse une loi aussi complète que possible. Il lui a paru, ou du moins il a paru à la majorité, qu'il valait mieux laisser au gouvernement la responsabilité qu'il encourt à cet égard.
C'est par erreur que l'on conteste la légalité des décrets de 1810 et 1812, non seulement parce que le sénat conservateur n'a point critiqué ces décrets dans les délais de droit, mais parce que les budgets français, comme (page 509) nos budgets nationaux, ont constamment porté, au profit de l'Etat, l'impôt résultant du port d'armes de chasse. Il y a plus, une loi portée en 1822, sous notre précédent gouvernement, a formellement appliqué ce décret. Aussi, en France comme dans notre pays, la jurisprudence est établie en faveur de ces dispositions du chef de l'Etat, et l’on y repousse l'opinion d'un auteur d'ailleurs recommandable, M. Toullier.
La circulaire de M. Nothomb, dont on s'est plaint, a aussi occupé la section ; mais avec la circulaire postérieure, qui la modifie singulièrement, on l'explique au moins ; mais, je le répète, les circonstances ne nous ont point paru suffisantes pour décharger le gouvernement de sa responsabilité, responsabilité d'autant plus grave que, d'après le Code pénal, le refus de port d'armes est une peine.
Quant à moi, messieurs, je ne refuserai point de discuter les articles additionnels que propose l'honorable préopinant. Cependant j'avoue que je ne saurais admettre qu'on refusât le permis de chasse au citoyen qui aurait été condamné pour une simple contravention de police.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. de Tornaco. - Je regrette que la chambre ne m'ait pas permis de présenter mes observations à l'appui de la proposition de l'honorable M. Castiau. Ces observations avaient un but différent de celui de l'honorable M. Castiau, et un but qui rentre dans la justice et l'équité. Je voulais établir la nécessité de faire payer les permis de port d'armes pour la chasse autre que celle au fusil.
M. Desmet. - L'amendement est trop long, trop important pour être apprécié à une simple lecture. Je demande qu'il soit imprimé, et que la discussion en soit renvoyée à demain.
M. de Mérode. - On pourrait laisser M. de Tornaco présenter ses observations.
M. Dubus (aîné). - L'amendement de l'honorable M. Castiau n'ayant été examiné ni par les sections, ni par une section centrale, il serait peut-être opportun d'en faire une loi spéciale qui pourrait être soumise à ce examen. La proposition est assez complexe pour exiger un examen spécial.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Les observations da l'honorable préopinant rentrent précisément dans la question que j'ai présentée. La chambre entend-elle renfermer la discussion dans l'examen du projet de loi qui lui est soumis et qui a pour objet la répression du braconnage, la protection des récoltes et la reproduction du gibier ? C'est, je pense, ce qu'elle doit faire. Aussi je propose la question préalable sur la proposition de l'honorable M. Castiau, en indiquant l'état actuel des choses, c'est-à-dire que l'exécution des lois sur la matière n'a donné lieu à aucun abus grave, à aucune réclamation. Je ne sais donc pas pourquoi la chambre, procédant seulement à l'examen de la loi qui lui est soumise, ne renverrait pas à une époque ultérieure l'examen d'une autre question, celle de savoir si le port d'armes doit être soumis aux conditions déterminées par l'honorable membre.
M. de Brouckere. - Je désirerais savoir si l'on entend discuter aujourd'hui la proposition de M. Castiau, ou en renvoyer la discussion à un autre jour, on bien enfin la renvoyer aux sections, comme le propose l'honorable M. Dubus. Si la discussion continue, je demanderai la parole pour démontrer que l'amendement de l'honorable M. Castiau irait directement contre son but.
M. de Mérode. - Je demande la parole.
M. le président. - Je rappellerai à l'honorable membre qu'il ne peut parler que sur la clôture.
M. de Mérode. - Je voudrais que l'on clôturât toute cette discussion de manière à n'en plus parler, car nous n'en finirons jamais.
M. Lesoinne. - Avant de clôturer la discussion, il vaudrait mieux laisser parler M. de Tornaco qui a une espèce de sous-amendement à présenter.
- La clôture est mise aux voix, l'épreuve est douteuse, en conséquence la discussion continue.
M. de Tornaco. - Je n'abuserai pas du hasard qui me donne la parole ; je serai bref.
Le proposition de l'honorable M. Castiau a un très bon côté, c'est celui de soulever une question qui n'a jamais été examiné ni dans la chambre, ni dans la section centrale. Je ne veux pas en faire un reproche à la section centrale ; mais il est positif qu'elle n'a pas examiné la question. Un chasseur qui chasse au lévrier, qui chasse à courre, ou qui met des lacets, doit-il chasser sans payer un permis de chasse ? Doit-il jouir de ce privilège ? Voilà une question qui n'a pas été examinée et que je voudrais voir examiner et résoudre, à propos de la loi sur la chasse ; car si elle n'est pas examinée à cette occasion, elle ne le seia jamais.
Comme ayant contribué à obtenir la loi sur la chasse, je tiens à ce qu'elle soit utile et productive. Je crois qu'elle sera utile au point de vue fiscal ; je pense qu'elle peut être très utile si l'on introduit dans la loi une proposition dans le sens de celle de l'honorable M. Castiau, qui aura pour résultat d'imposer à tout chasseur un permis de port d'armes.
Je crois que les conditions auxquelles sera soumise la délivrance du port d'armes seront mieux réglées par la loi que si elles sont laissées au caprice de l'administration.
En conséquence de ces observations, je me joins à l'honorable M. Desmet pour demander que la proposition de l'honorable M. Castiau soit renvoyée à une autre séance.
M. le président. - A l'occasion de la demande de clôture, trois propositions ont été faites. M. le ministre de l'intérieur a proposé la question préalable, M. Desmet l'ajournement à demain et M. Dubus aîné le renvoi aux sections.
M. de Brouckere se lève.
M. Vanden Eynde. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Puisqu'il y a une proposition de disjonction, il est inutile de continuer la discussion au fond.
M. le président. - La question préalable ayant la priorité, je prie les orateurs de se renfermer dans la discussion de cette question.
M. de Garcia. - Je conçois parfaitement l'ordre dans lequel on veut renfermer la discussion : cependant, je ne conçois pas que l'on disjoigne la discussion des trois questions que vient de rappeler M. le président, car elles sont connexes. Je conçois que l'on vote séparément sur la question préalable, sur la disjonction et sur le fond ; mais il est impossible de parler sur la question préalable et sur la disjonction sans traiter la question du fond.
On a fait une sorte de reproche à la section centrale de ne pas s'être occupée de la question des permis de port d'armes ; je le regrette. Je faisais partie de la section centrale, mais le projet ne parlait pas de cette question et la section centrale n'a pas jugé à propos d'improviser une loi sur les permis de port d'armes.
Quant à moi, je partage l'opinion de l'honorable M. de Tornaco. Je crois qu'il doit être stipulé dans la loi que celui qui chasse autrement qu'au fusil...
M. Vanden Eynde. - Je demande la parole.
M. de Garcia. - L'honorable membre qui m'interrompt veut-il me rappeler qu'on discute la question préalable ? Je le sais ; mais, comme je l'ai fait remarquer, il est impossible de traiter cette question sans aborder la discussion du fonds. Je pense, avec l'honorable M. de Tornaco, que celui qui chasse sans fusil, qui chasse à courre, qui chasse au lévrier doit payer une redevance à l'Etat.
Je ne m'oppose donc pas à l'examen de la proposition de l'honorable M. Castiau. Au contraire, je crois qu'elle contient des conditions utiles, mais je désire qu'elle soit examinée séparément. Si je ne me prononce pas pour qu'elle soit comprise dans la loi actuelle, c'est que le temps nous presse ; et que j'ai la conviction que la matière est susceptible d'un examen sérieux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - La discussion sera simplifiée, par la déclaration que je fais que je me rallie à la proposition de l'honorable M. Dubus. En conséquence, je demande que la proposition de l'honorable M. Castiau soit renvoyée aux sections.
M. de Tornaco pourra y ajouter les propositions qu'il vient de développer ; la chambre sera saisie de ce projet de loi spécial ; elle pourra s'en occuper immédiatement après la discussion du projet de loi actuel.
M. Delfosse. - Je voulais faire remarquer qu'il est impossible d'adopter la question préalable, et le ministre ayant retiré cette proposition, je n'ai plus rien à dire.
M. Vanden Eynde. - L'honorable M. de Garcia qui, comme moi, faisait partie de la section centrale, a blâmé cette section de ne pas s'être occupé du permis de port d'armes. S'il trouvait que les raisons qui ont été alléguées tout à l'heure par M. le ministre de l'intérieur et par l'honorable M. Savart, raisons qui ont déterminé la section centrale, n'étaient pas concluantes, il pouvait se rendre dans le sein de la section centrale et lui présenter des observations pour la faire revenir de cette résolution.
M. de Garcia. - Je n'ai demandé la parole que pour déclarer qu'il n'y a rien d'exact, absolument, rien, dans les reproches que l'honorable M. Vanden Eynde suppose que j'ai adressés à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi. La chambre peut juger par les paroles que je viens de prononcer.
Du reste, j'avoue qu'après les premières séances de la section centrale, je n'ai plus jugé à propos de m'y rendre.
- La chambre consultée adopte la proposition de l'honorable M. Dubus aîné. En conséquence la chambre ordonne l'impression et la distribution des propositions de MM. Castiau et de Tornaco et les renvoie à l'examen des sections.
La chambre passe à l'article 6 ainsi conçu :
« Art. 6. (projet de la section centrale.) Les peines et indemnités mentionnées dans la présente loi, seront appliquées cumulativement à celui qui aura commis des délits de chasse de plusieurs natures. »
« Art. 6. (projet du gouvernement.) Les peines mentionnées dans la présente loi seront appliquées cumulativement a celui qui aura commis des délits de chasse de plusieurs natures.
« Les amendes seront portées au double dans le cas où l'un des délits prévus aux articles ci-dessus aura été commis après le coucher et avant le lever du soleil, ou bien par des employés de douanes, gardes champêtres ou forestiers, gendarmes, gardes particuliers. »
M. Henot. - La première partie de l'article 6 contient une disposition qui déroge au droit commun, et qui n'obtiendra mon assentiment pas à moins d'être justifiée par de puissants motifs.
De hautes considérations de justice et d'humanité ont fait inscrire la défense du cumul des peines dans les législations de différents peuples ; la législation française a constamment consacre cette défense, et on en trouve des traces dans le Code pénal d'Autriche, et dans celui du royaume de Prusse.
On a toujours reconnu qu'en subissant la peine la plus forte, le coupable expiait tous les crimes, ainsi que tous les délits passibles, non seulement d'une peine d'une moindre gravité, mais encore ceux qui étaient réprimés par une peine de la même nature ; il a toujours paru qu'une seule peine suffisait, et que les autres seraient une rigueur inutile.
(page 510) La défense du cumul de peines existe aussi en Belgique ; elle est formellement inscrite au Code d'instruction criminelle dont l'article 365 porte in terminis « qu'en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée. ».
S'il a paru inhumaine et d'une rigueur excessive, de faire peser plus d'une peine sur un individu qui aurait commis différents crimes ou délits quel que grave que fût l'atteinte qu'ils auraient portée à la société, et si, guidé par ces motifs, on a reconnu qu'elle trouverait une réparation suffisante dans l'application de la peine la plus forte, ne doit-on pas reconnaître aussi qu'il serait bien plus rigoureux encore de refuser à une personne qui se serait rendue coupable de quelques délits de chasse, une faveur qui est concédée même aux plus grands criminels ?
Comment, messieurs, un individu qui serait déclaré coupable d'un crime emportant la peine de la réclusion, d'un autre crime réprimé par dix années de travaux forcés, et enfin d'un troisième crime puni de vingt années de la même peine, expierait tous ces forfaits en subissant seulement la peine la plus fort et et un malheureux qui serait convaincu d'avoir, par exemple, chassé en temps prohibé, d'avoir fait usage d'un lacet, et d'avoir vendu une caille, ne serait pas libre en payant une amende de cent francs qui est la peine la plus élevée ? Cet infortuné, que le besoin aura peut-être poussé à son action, ne trouvera aucune grâce ; chacune de ses peccadilles devrait être réprimée par une peine séparée, et la société ne serait satisfaite qu'à moins d'une condamnation : 1° à 50 francs d'amende pour fait de chasse en temps prohibé ;2° à une autre amende de 100 francs pour usage d'un lacet, et 3° a une troisième amende qui pourrait également s'élever à 100 francs pour le fait de vente d'une caille, et qu'à moins encore, remarquons-le bien, d'être jeté dans les prisons s'il est hors d'état d'acquitter ces peines pécuniaires ? C'est là, messieurs, j'en ai l'intime conviction, un résultat auquel vous ne prêterez pas facilement la main, et qui serait cependant la suite nécessaire de la disposition qu'on nous propose.
Si des raisons majeures, si des motifs exceptionnels réclamaient le cumul des peines en matière de chasse, il faudrait bien se résoudre à l'autoriser ; mais il n'en est rien, et les motifs allégués par le gouvernement à l'appui de sa proposition,. ne sont nullement de nature à le faire admettre.
On a prétendu justifier l'exception en alléguant qu'elle tendait à consacrer le système admis par les tribunaux d'appliquer la peine séparément et cumulativemeut pour chaque délit de chasse.
Pour que ce motif eût une portée, il aurait fallu établir que les tribunaux avaient reconnu que les raisons qui ont fait admettre la défense du cumul des peines dans la législation ne pouvaient s'appliquer aux délits de chasse, et certes, ce n'est pas là ce que la jurisprudence a consacré.
Pourquoi, d'après la jurisprudence actuelle, des peines séparées ont-elles dû atteindre jusqu'ici chaque délit de chasse ? C'est d'abord parce qu'il a paru que le principe de l'article 365 du code d'instruction criminelle n'était pas applicable aux délits prévus par les lois particulières en vigueur au moment de sa mise à exécution, et ensuite, parce que la loi de 1790, prononcent une amende au profit de la commune du lieu où le fait de chasse a été perpétré, on ne pouvait admettre qu'il fut entré dans la pensée du législateur de réduire d'autant plus les droits des communes, que le délinquant aurait commis un plus grand nombre de contraventions.
Ce n'est donc pas, comme on le voit, parce que les considérations d'humanité qui ont dicté la disposition de l'article 365 ne militent pas en matière de chasse, ni parce que la nature de ce délit s'opposerait à son application, que les tribunaux ont cumulé les peines, mais simplement parce que les délits de chasse étaient réprimés par des lois particulières antérieures au code d'instruction criminelle, et parce qu'une disposition spéciale de la loi de 1790 faisait présumer que l'intention du législateur avait été d'autoriser le cumul.
Mais, qu'on veuille bien le remarquer, dès que la loi nouvelle sera discutée, elle sera nécessairement postérieure au Code d'instruction criminelle, et le premier motif sur lequel les décisions des tribunaux sont basées viendra à cesser ; il cessera surtout lorsqu'on aura inséré la défense du cumul des peines dans cette loi nouvelle, et cette défense étant portée, on ne pourra plus dire, comme sous l'empire de la loi de 1790, que l'intention présumée du législateur aurait été d'autoriser le cumul, et de cette manière les motifs allégués par les tribunaux n'existent plus.
Ne perdons pas de vue, d'ailleurs, que les dispositions nouvelles qui ont été admises ne prêtent déjà plus à la présomption qui a servi de base aux décisions judiciaires, puisque ces dispositions n'accordent pas, comme la loi de 1790, les amendes aux communes, mais qu'elles les prononcent au profit de l'Etat.
En conséquence des considérations qui précèdent, je voterai contre la disposition qu'on nous propose, à moins qu'on n'établisse qu'en matière de chasse, il faille s'écarter d'une règle que des considérations d'humanité ont fait admettre pour tous les délits et pour tous les crimes, quelle que fût leur gravité.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Henot a critiqué la disposition en discussion, en disant qu'elle dérogeait au droit commun. cette disposition, messieurs, déroge à une disposition du code d'instruction criminelle, mais elle est conforme au droit commun, en ce sens que toutes les lois spéciales sont cumulativement appliquées à chaque contravention.
L'honorable M. Henot nous a dit qu'il ne pourrait admettre le cumul des peines s'il ne lui était pas démontré qu'en matière de chasse, il fallait faire use exception à ce qui a lieu en matière pénale ordinaire. Je pense, messieurs, qu'il ne sera pas difficile de faire cette démonstration à l'honorable membre.
Un individu est surpris commettant un délit de chasse. On dresse contre lui un procès-verbal, et le garde, en le dressant, déclare au chasseur qu'il est en contravention. Si le système du non cumul des peines est admis, il en résultera que ce même chasseur contre lequel un procès-verbal a été dressé, pourrait impunément continuer à chasser jusqu'au moment où il serait traduit devant le tribunal correctionnel, c'est-à-dire qu'en payant une amende de 50 fr., il pourrait chasser pendant un mois et plus. J'ajoute que le même chasseur, s'il a en outre chassé sans permis de port d'armes, ne pourra, dans le système de M. Henot, encourir aucune peine de ce dernier chef.
Il me semble, messieurs, que ces seules considérations suffisent pour prouver jusqu'à la dernière évidence, qu'il est indispensable de maintenir, quant aux délits de chasse, le cumul des peines. Proscrivez ce cumul, il n'y aura plus de justice ; l'individu qui n'aura commis qu'un seul délit sera puni aussi sévèrement que celui qui en aura commis un grand' nombre ; et, ainsi, la crainte de la peine n'arrêtera plus aucun contrevenant après un premier délit constaté.
En matière ordinaire, messieurs, le même danger n'existe pas. Si un individu, après avoir commis un vol par exemple, allait en commettre un second avant d'être traduit devant les tribunaux, le pouvoir judiciaire est armé d'une autorité suffisante pour mettre un terme à cette continuation de délits ; il ferait arrêter le coupable. Mais en matière de chasse où il n'y a pour peine principale qu'une amende, il est impossible d'avoir recours au moyen de l'arrestation préventive.
Il me semble donc, messieurs, qu'il existe quant aux délits de chasse des considérations graves auxquelles l'honorable M. Henot a fait appel, pour faire admettre le cumul des peines.
L'honorable membre, en invoquant les dispositions du Code d'instruction criminelle et du Code pénal, nous a dit : Un individu aura commis plusieurs faits dont l'un peut lui faire encourir la peine de la réclusion, les deux autres, la peine des travaux forcés à temps ; et il se trouvera dans la même position que celui qui n'aura commis qu'un seul crime.
Mais, messieurs, la réponse est facile ; elle se trouve dans la latitude que le législateur a laissée au juge, entre le maximum et le minimum des peines. Dans la circonstance à laquelle l'honorable membre a fait allusion, le juge pourrait condamner au maximum de la peine, c'est-à-dire à 20 ans de travaux forcés, tandis que dans le cas de la perpétration d'un seul crime, il pourra ne condamner qu'à 5 années de la même peine.
Ainsi, en matière ordinaire, l'inconvénient que présente le non cumul des peines, disparaît d'abord devant la faculté d'arrêter l'individu au moment où il commet un second délit ; cet inconvénient trouve ensuite un deuxième remède dans le pouvoir de graduer les peines et d'appliquer, le cas échéant, le maximum autorisé par la loi.
En matière de délits de chasse, au contraire, il n’y a, pour la plupart des cas, qu'une amende fixe, sans possibilité d'arrestation préventive.
La jurisprudence, messieurs, est d'accord avec mes paroles. Les peines prononcées par les lois spéciales sont toujours cumulativement appliqués. Je pense que ce point ne sera pas contesté. par les honorables membres de cette chambre qui, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, ont fait souvent l'application des lois spéciales.
Quant aux délits de chasse, il y avait une raison de plus pour appliquer ce cumul des peines ; il était obligatoire, en vertu du décret du 4 mai 1812, dont l'article final dit en termes formels, que les dispositions de ce décret seront appliquées, sans préjudice de l'application des dispositions de la loi de 1790. Ainsi le législateur de 1812 avait lui-même reconnu la nécessité d'ordonner le cumul des peines, en matière de chasse, et ce cumul n'a jamais fait question, je pense, devant les tribunaux. Dans une foule d'autres lois spéciales ce cumul est également ordonné.
Je pourrais citer à la chambre différentes dispositions dans ce sens. Je mentionnerai notamment le décret de 1806, relatif à la police du roulage. Ce décret dit positivement que chaque contravention sera frappée d'une peine séparée ; et, s'il en était autrement, l'individu qui aurait commis une contravention, pourrait en commettre impunément tous les jours jusqu'à ce qu'il fût traduit en justice.
Il y a donc lieu, messieurs, d'admettre la disposition qui vous est proposée. ; il serait possible d'y apporter quelques modifications. On pourrait, exiger, par exemple, pour qu'une nouvelle peine pût être prononcée, qu’il y eût eu constatation préalable de la première contravention. Cela serait conforme à ce que la loi française a établi en cette matière. Avec cette modification j'espère que la disposition obtiendra l’assentiment de la chambre, y compris I adhésion de M. Henot.
M. de La Coste. - Messieurs, si la modification que M. le ministre de la justice vient d'indiquer n'avait pas lieu, il n'aurait pas entièrement résolu, selon moi, l’objection soulevée par l'honorable M. Henot. Car la réponse de M. le ministre s'applique plutôt à des délits successifs qu'à des délits qui auraient eu lieu simultanément. Or, l'article tel qu'il est rédigé, pourrait atteindre aussi cumulativement des délits simultanés.
Ceci, messieurs, me conduit à l'observation que je voulais vous soumettre, et qui ne concerne guère que la forme, la rédaction de l'article en discussion.
D'après l'amendement introduit à l'article 4 par l'honorable M. de Breyne, il est défendu de chasser pendant la nuit. Si nous conservons l'article 6 tel qu'il est, après avoir adopté l'amendement de l’honorable M. de Breyne, vous trouverez que celui qui aura commis un délit de chasse, qui, par exemple, aura fait usage de lacets pendant la nuit, sera d'abord punissable d'une amende de 100 fr. pour avoir chassé pendant la nuit, secondement d'une pareille amende de 100 fr., pour avoir fait usage de lacets. Il y aurait (page 511) donc, pour le même acte, cumulation de peines. Mais ensuite il arrivera encore, ce que personne ne peut vouloir, que cette double amende serait doublée de nouveau, en vertu du paragraphe 2, parce que les amendes seront portées au double dans le cas où l'un des délits prévus aux articles ci-dessus aura été commis après le coucher et avant le lever du soleil.
Voilà, messieurs, une anomalie, un défaut d'harmonie auxquels il devra nécessairement être porté remède, soit maintenant, soit au second vote, par un changement de rédaction.
M. Orts.- Messieurs, la discussion soulevée par l'honorable M. Henot sur l'art. 6, me paraît pouvoir donner lieu à une solution qui peut-être mettra tout le monde d'accord. Je ferai remarquer qu'en substituant aux mots « seront appliquées, » ceux-ci : « pourront être appliquées, » et j'en fais la proposition formelle, toute objection tombe.
Il ne s'agit pas effectivement, comme l'a fort bien fait observer l'honorable M. de la Coste, de délits successifs, mais il s'agit de délits qui auraient été commis simultanément. Ainsi je suppose un individu qui chasse sans port d'armes sur un terrain d'autrui, en temps prohibé ; il y a là une combinaison de trois délits dans le même fait.
Il pourrait se faire que le cas fût tellement peu grave, que le juge trouvât trop sévère d'être forcé à cumuler les peines. Abandonnez cela à son appréciation, et soyez persuadés qu'il sera le plus grand approbateur de ce que vous aurez fait, c'est-à-dire qu'il vous rendra grâce peut-être un jour de lui avoir laissé la faculté de ne pas devoir cumuler les peines.
Il me paraît donc que par mon amendement on fait droit à toutes les exigences.
M. Henot. - Différents motifs nouveaux ont été allégués par l'honorable ministre de la justice pour justifier le cumul des peines en matière de chasse, mais ces motifs ne sont pas plus de nature à nous faire dévier de la règle générale qui défend ce cumul, que ceux qui ont été invoqués précédemment.
M. le ministre a soutenu, en premier lieu, que le principe de l'article 365 du Code d'instruction criminelle ne serait consacré que dans les lois générales ; mais s'il en était même ainsi, ce que je ne puis admettre, il n'en résulterait pas qu'il faudrait persévérer dans cette voie, parce que l'humanité réclame la défense du cumul des peines comminées par une loi spéciale, tout aussi bien que de celles prononcées par une loi générale.
L'organe du gouvernement a prétendu ensuite, que si l'on n'autorisait pas le cumul des peines, les individus qui auraient commis un premier délit de chasse, seraient portés à en commettre d'autres, puisqu’ils seraient assurés d'avance qu'une seule peine pouvait les atteindre.
Je ne me dissimule pas la force de cette objection, mais elle ne peut modifier en rien l'opinion que j'ai sur la nécessité de défendre le cumul, parce qu'il est un moyen fort simple d'éviter l'inconvénient qu'on signale ; ou pourrait, en effet, tout en défendant le cumul des peines, autoriser les tribunaux à s'écarter de cette défense pour le cas où un individu contre lequel une première contravention de chasse aurait été déclarée, se serait permis d'en commettre encore d'autres.
Mon honorable contradicteur a soutenu encore que l'individu qui aurait chassé sans permis de port d'armes ne serait pas puni plus sévèrement, par l'application du système que je défends, que celui qui aurait chassé muni d'un pareil permis ; mais, nous le demandons, serait-ce là un motif pour rejeter d'une manière aussi absolue qu'on le propose, la règle qui prescrit le cumul lorsqu'il est évident que le résultat que l'on signale pourrait être évité en exceptant de la défense du cumul les peines portées par le décret de 1812 sur les permis de port d'armes de chasse ?
Il a prétendu encore que la loi que nous discutons, n'établissant pas de maximum et de minimum dans les peines, les tribunaux n'auraient pu les graduer d'après les différentes positions des inculpés, et qu'avec la défense du cumul, il aurait été dans la nécessité de punir de la même peine un individu qui aurait chassé deux fois sur le terrain d'autrui, et celui qui n'aurait commis ce délit qu'une seule fois.
Mais, qu'on veuille bien le remarquer, ce résultat ne serait pas dû à la circonstance que la défense du cumul des peines ne saurait être étendue aux délits de chasse, mais tout simplement à un vice de la loi qui est soumise à nos délibérations, vice que nous pouvons faire disparaître au second vote en fixant un maximum et un minimum à toutes les peines qu'elle commine, de sorte que cet état de choses ne doit pas être un obstacle à ce qu'on sanctionne la défense du cumul des peines dans la loi qui nous occupe.
M. le ministre de la justice m'a objecté enfin que dans le décret de 1812 on avait reconnu la nécessité du cumul des peines en matière de chasse ; je me permettrai de lui répondre que l'autorisation de cumuler n'est pas inscrite dans cette loi, et qu'elle n'a été induite que des termes de l'article 4 qui prescrit l'exécution des dispositions de la loi de 1790 concernant la chasse, indépendamment des peines prononcées pour le délit de port d'armes ; ensuite, qu'en admettant même qu'en 1812 le législateur français ait pu autoriser le cumul contre lequel je m'élève, il a changé de système aujourd'hui, puisque dans la loi nouvelle sur la chasse, il a formellement inscrit la défense du cumul des peines.
Je pense avoir rencontré toutes les objections qui m'ont été faites, et que la nécessité de proscrire le cumul des peines ne sera plus douteuse pour personne ; toutefois si la chambre estime que la défense de ce cumul ne peut être inscrite dans la loi d'une manière absolue, je me contenterai de la disposition présentée par l'honorable M. Orts.
M. Fleussu. - Ce qu'il faut, messieurs, pour assurer l'exécution de la loi, la répression du braconnage, ce n'est pas tant de comminer des peines fortes, que de faire en sorte que, dans tous les cas, une peine quelconque soit infligée aux délinquants. Je crois que les premières observations de M. Henot, combinées avec celles de M. le ministre de la justice sont de nature à mériter toute l'attention de la chambre. Il y a, messieurs, une grande différence à faire, selon moi, entre le chasseur qui, de bonne foi, se trouve sur le terrain d'autrui, croyant ne pas faire, par là, de la peine au propriétaire, croyant même être sûr de son consentement, et celui qui vagabonde dans les campagnes. Je crois que le magistrat devrait être autorisé à n'infliger que la peine la plus forte à celui qui, agissant avec cette bonne foi dont je viens de parler, aurait parcouru plusieurs terrains, et commis ainsi plusieurs délits successifs, avant d'avoir été mis en contravention. Mais si, après qu'un procès-verbal aura été dressé contre lui, un individu s'obstine à chasser sur le terrain d'autrui, cet individu me semble devoir être puni beaucoup plus sévèrement. Si l'observation première de M. Henot était admise dans toute sa généralité, on pourrait commettre des délits de toute espèce, pendant un temps assez long, avec la certitude de ne subir pour toute peine qu'une amende de 50 fr. Or, il est beaucoup de chasseurs qui payeraient volontiers 50 fr. pour pouvoir, pendant quelques jours seulement, chasser sur toutes les terres quelconques.
Ainsi, messieurs, pour tous les délits commis par un chasseur avant qu'il ait été averti, je voudrais que le juge eût la faculté de n'infliger qu'une seule peine, la peine la plus forte ; mais pour le braconnier qui, même après avoir été mis en contravention, s'opiniâtre dans le délit, court de propriété en propriété, souvent même dans l'intention de vexer le propriétaire, pour celui-là, je n'admets point d'excuse et je voudrais que le juge dû toujours lui appliquer cumulativement les peines qu'il aurait encourues.
D'après ces considérations, messieurs, j'aurai l'honneur de vous présenter un amendement ainsi conçu :
« Dans le cas de conviction de plusieurs délits, le juge pourra n'appliquer que la peine la plus forte. Néanmoins tous les délits postérieurs à une première constatation seront punis cumulativement. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, j'adhère en tous points à l'amendement de l'honorable M. Fleussu. Je crois que de cette manière il est répondu aussi à une des objections faites par l'honorable M. de la Coste. En effet, messieurs, lorsqu'un même procès-verbal aura constaté un délit de chasse de nuit et un délit de chasse au filet, le juge aura la faculté d'appliquer les deux peines ou de n'en appliquer qu'une et il agira à cet égard suivant les circonstances, suivant la moralité et les antécédents du délinquant. Mais si de nouveaux délits sont commis après une première mise en contravention, alors le juge devra appliquer cumulativement les peines comminées contre ces délits.
Il est cependant une observation que je dois faire sur l'amendement de M. Fleussu. M. Fleussu emploie simplement le mot « délits, » » sans dire : délits prévus par la présente loi » ; l'honorable membre ne croit-il pas qu'il serait convenable de compléter sous ce rapport sa rédaction ? Je crois ensuite qu'il faudrait ajouter aussi : « sans préjudice, le cas échéant, à l'application du décret du 4 mai 1812. »
M. Fleussu. - Je n'ai pas dit : « prévus par la présente loi, » parce que c'eût été, comme on le dit en termes de palais, pro subjecta materia. Il est évident que nous ne stipulons que pour les délits prévus par la présente loi.
Je n'ai pas parlé du décret de 1812, parce que cette question est tenue en suspens par le renvoi aux sections de la proposition de M. Castiau.
Du reste, je ne m'oppose pas à ce qu'on fasse les deux additions indiquées par M. le ministre de la justice.
M. Savart-Martel. - Sans m'expliquer, en ce moment, sur l'amendement de l'honorable M. Fleussu, je dois appeler l'attention de la chambre sur la circonstance que, si l'on maintient l'article 2 tel qu'il a été voté par la chambre, l'indemnité que la loi de 1790 accordait de plein droit au propriétaire est supprimée. En n'accordant qu'une seule amende, on pourrait chasser pendant 21 heures sur une propriété illégalement, et n'encourir qu'une amende, sans aucun dommage-intérêt, si aucun tort physique n'existe.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il est bien entendu, messieurs, que, d'après les principes de la loi, l'individu qui aurait parcouru dix propriétés, par exemple, sans y causer aucune espèce de dégât, n'aurait aueune aggravation à supporter de ce chef ; nous avons précisément demandé la suppression de l'indemnité de 15 fr., parce qu'il nous a semblé qu'il serait peu logique d'allouer une indemnité à celui qui n'aurait éprouvé aucun dommage. Mais si celui qui a été mis en contravention pour avoir chassé sur la propriété d’autrui a commis des dégâts, alors il devra être condamné, indépendamment de l'amende revenant au trésor, à payer des dommages-intérêts aux différents propriétaires dont il aura lésé les intérêts, et ces propriétaires, pour obtenir des indemnités, ne seront pas dans une position nouvelle, car, d'après la loi de 1790, les propriétaires ne pouvaient toucher les 10 livres sans se constituer partie civile.
M. de La Coste. - Je demanderai de nouveau à M. le ministre de la justice de bien vouloir examiner s'il n'y a pas un véritable double emploi ou tout au moins un défaut complet d'harmonie entre l'article 4 tel qu'il est adopté et le paragraphe 2 de l'article dont nous nous occupons. Si le juge peut, outre la peine comminée contre le délit, appliquer l'amende de 100 fr. parce que le délinquant a chassé pendant la nuit, il n'est pas possible que la peine soit encore doublée à cause de cette même circonstance que la délit a eu lieu après le coucher et avant le lever du soleil. Il y a, en tout cas, un vice évident de rédaction dans le paragraphe 2 combiné avec l'amendement de M. de Breyne. En effet, puisque ce paragraphe s'applique à tous les délits, il s'applique également au délit d'avoir chassé pendant la nuit, et dès lors l'amende comminée contre ce délit devrait également être doublée ; eu un mot, la chasse pendant la nuit serait d'abord constituée en délit, puis en circonstance aggravante de tout délit de chasse et ainsi de ce fait lui-même puisqu'il est considéré comme délit.
(page 512) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'observation de l'honorable M. de La Coste me paraît juste ; mais il serait facile de parer à l'inconvénient qu'il signale, en ajoutant au paragraphe 2 de l'article 6, que ce paragraphe n'est pas applicable à l'article auquel l'honorable membre a fait allusion. Le délit d'avoir chassé pendant la nuit constitue en effet un délit par lui-même, et ne peut recevoir aucune aggravation d'une circonstance sans laquelle le délit lui-même n'existerait pas.
M. Vanden Eynde. - A la première lecture de l'amendement de M. de Breyne, il semble en effet que le paragraphe 2 de l'article 6 est de nature à présenter quelques difficultés, mais je crois qu'il serait dangereux d'adopter une modification à l'improviste et je proposerai de laisser les choses dans l'état ou elles se trouvera, jusqu'au second vote. Nous pourrons alors examiner dans leur ensemble les différentes dispositions qui auront été admises et voir si un changement est nécessaire.
Je ferai une autre observation, puisque j'ai la parole. Le deuxième paragraphe de l'article 6 dit que les amendes seront portées au double ; je crois que le mot « amendes » devrait être remplacé par le mot « peines, » car après les articles qui comminent des amendes, il en est d'autres qui, en cas d'insolvabilité, punissent les délinquants de la peine de l'emprisonnement. Je crois donc que, pour éviter toute difficulté, il faudrait substituer le mot « peines » au mot « amendes. » Je propose cette modification.
M. de La Coste. - Je m'en rapporterai aux réflexions que fera M. le ministre de la justice ; je le prierai de préparer une rédaction convenable d'ici au second vole.
Quant à la proposition que vient de faire l'honorable M. Vanden Eynde, je suppose qu'il n'a pas l'intention d'appliquer le paragraphe 2 de l'article 6 a l'emprisonnement, car alors l'emprisonnement pourrait être porté à 4 mois.
M. Vanden Eynde. - Je fais ma proposition précisément pour que le paragraphe 2 s'applique aussi bien à l'emprisonnement qu'à l'amende.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je pense, messieurs, que l'amendement de M. Vanden Eynde n'est pas nécessaire ; et, entendu comme l'honorable membre l'explique, je crois qu'il n'est pas admissible. Il me paraît difficile en effet de porter la peine jusqu'à un emprisonnement de 4 mois. Mais je pense que l'amendement n'est pas nécessaire, parce que, s'il est indispensable de dire que les amendes seront portées au double, cela provient de ce que les amendes sont fixes, tandis que, quant à l'emprisonnement, il y a pour le juge une latitude de six jours à deux mois.
M. Henot. - Avant de pouvoir émettre un vote sur la disposition finale de l'article 6, j'éprouve le besoin de demander une explication au gouvernement ; d'après cette disposition, les tribunaux devront appliquer le double de chaque amende lorsque l'un des délits prévus par la loi qui est en discussion, aura été commis après le coucher et avant le lever du soleil, ou bien par des employés de douanes, gardes champêtres ou forestiers, gendarmes ou gardes particuliers ; quand il s'agira d'appliquer les peines comminées par les articles 2, 3 et 4, les tribunaux ne rencontreront aucune difficulté, parce que ces peines ne comportent pas un maximum et un minimum ; mais il me semble qu'il n'en sera pas de même quand ils devront faire l'application de la peine prononcée par l'article 5 ; cet article prononçant en effet une amende de 16 à 100 francs, je demanderai au gouvernement si, dans son intention, le double de cette peine s'élèvera a 32 francs qui est le double du minimum, ou bien à 200 fr. qui est le double du maximum ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, il est évident que la peine pourra être portée à 200 francs. La latitude accordée par l'article 5 va jusqu'à 100 francs ; l'article 6 permettant de porter la peine au double, autorise donc la condamnation à une amende de 20.) francs.
- Personne ne demandant plus la parole, la chambre passe au vote.
L'amendement proposé par M. Fleussu est mis aux voix et adopté. Il remplacera le premier paragraphe de l'article 6.
L'amendement, tendant à remplacer dans le second paragraphe, le mot « amende » par le mot « peine, » est mis aux voix et n'est pas adopté.
Le second paragraphe de l'article 6 est mis aux voix et adopté.
L'ensemble de l'article 6, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 7 Chacune de ces différentes peines sera doublée en cas de récidive. Elle sera triplée, s'il survient une troisième contravention, et la même progression sera suivie pour les contraventions, le tout dans le courant de la même année. »
M. Orts. - C’est par inadvertance, sans doute, qu'on a mis dans l'article 7 le mot « contravention, » au lieu du mot de « condamnation. » La récidive ne résulte, en effet, que de condamnations ; je demande donc qu'on substitue le mot « condamnation » au mot « contravention. » (Appuyé ! appuyé !)
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Orts a raison de proposer la substitution du mot « condamnation » au mot « contravention. » L'article 7 a été copié par la section centrale littéralement dans la loi de 1790. Celle locution du législateur d'alors s'explique par cette considération, que le Code criminel n'existait pas au moment où cette loi de 1790 a été promulguée.
J'ai maintenant une suppression à proposer dans l'article 7. L'article se termine ainsi : « le tout dans le courant de la même année. »
Il faut donc avoir commis le second délit dans la même année, pour se trouver en état de récidive. Un individu qui aura commis un délit le treizième mois après une première condamnation sera condamné à une peine moins forte que celui qui, quelques jours auparavant, se sera rendu coupable d'un semble délit. Je ne vois pas les motifs de cette limite. Je dirai plus, cette limite n'est pas admise en matière de délits et de crimes par les lois ordinaires, elle n'existe que pour les contraventions de simple police, et je le conçois, à cause du peu de gravité de ces contraventions.
Mais ici il s'agit de faire une loi qui inspire une terreur salutaire aux braconniers, il est donc indispensable de les laisser sous l'empire de la récidive pour une durée illimitée.
Je demande, en conséquence, la suppression de ces mots « le tout dans le courant de la même année. » D'ailleurs, cela fera cadrer cette disposition avec les principes généraux du code d'instruction criminelle.
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, je mets aux voix l'amendement proposé par M. Orts, et qui consiste à substituer le mot « condamnation » au mot « contravention. »
- Cette substitution est adoptée.
M. le président. - M. le ministre de la justice propose de supprimer, à la fin de l'article, les mots « le tout dans le courant de la même année. »
- Après une double épreuve par assis et levé, on passe à l'appel nominal.
64 membres ont répondu à l'appel.
5 membres (MM. Rogier, Verhaegen et de la Coste se sont abstenus.)
46 ont répondu non.
15 ont répondu oui.
En conséquence, les mots « le tout dans le courant de la même année » sont maintenus dans l'article 7.
Ont répondu oui : MM. d'Anethan, Dechamps, de Corswarem, de Garcia, de Muelenaere, de Sécus, d'Hoffschmidt, Fallon, Fleussu, Goblet, Lange, Malou, Orts, Van Cutsem et Vilain XIIII.
Ont répondu non : MM. Anspach, Biebuyck, Castiau, Clep, de Baillet, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, de Chimay, de Foere, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Roo, de Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, Dubus aîné, Dumortier, Henot, Huveners, Lejeune, Lesoinne, Lys, Mast de Vries, Orban, Pirmez, Pirson, Rodenbash, Savart, Sigart, Simons, Vanden Eynde, Vandensteen, Veydt, Wallaert et Zoude.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Rogier. - Je me suis abstenu parce que je n'étais pas présent à la discussion.
M. Verhaegen. - Je n'ai pas compris la portée de la proposition qui est sans limites.
M. de La Coste. - L'observation de M. le ministre m'a paru juste en ce qu'il importait peu que la seconde contravention eût lieu dans l'année désignée par le même millésime, mais d'un autre côté, il me semblait qu'il aurait fallu indiquer un délai quelconque. Dans cet état de choses, je me suis abstenu.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je demande la parole pour présenter un nouvel amendement. Je pense être encore en droit de le faire.
Plusieurs voix. Non ! non ! Il y a eu clôture !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - On a voté sur un amendement que j'ai proposé, il est rejeté, j'en propose un autre.
M. d’Elhoungne. - On a voté le délai d'un an. Le paragraphe a été mis aux voix.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Le dernier paragraphe portait que pour qu'il y eût récidive la contravention devait avoir été commise dans le courant de la même année. J'ai proposé de retrancher ce paragraphe, de ne pas fixer de délai ; cette proposition n'a pas été adoptée, je propose maintenant le délai de cinq années ; par ce délai il sera satisfait aux considérations qui probablement ont motivé le rejet de ma première proposition, considérations que j'aurais désiré voir présenter avant le vote. La chambre aura craint sans doute les aggravations successives, elle a craint que ces aggravations fussent sans limites ; sans cette crainte, je ne comprendrais pas le rejet de ma proposition.
Je crois donc rentrer dans les intentions qui ont dicté la résolution de la chambre, en proposant un délai endéans lequel les délits devront être commis pour entraîner la peine de la récidive, je propose de fixer ce délai à cinq années.
M. Delfosse. - D'après l'article 41 du règlement, la discussion porte en même temps sur les articles et sur les amendements qui s'y rapportent. L'amendement présenté par M. le ministre de la justice ayant été mis aux voix, c'est que la discussion était close, elle était close, non seulement sur l'amendement, mais aussi sur l'article. Aucun amendement ne pouvant être présenté après la clôture de la discussion, le nouvel amendement de M. le ministre de la justice n'est plus recevable.
M. le président. - La discussion n'a pas été formellement close. Aucun orateur n'ayant plus demandé la parole, j'ai mis aux voix la substitution du mot « condamnation » au mot « contravention. » Ensuite, j'ai consulté la chambre sur la suppression du dernier membre de l'article, cette suppression a été rejetée.
M. le ministre propose un nouvel amendement, on lui conteste le droit de présenter cet amendement, je vais consulter la chambre.
M. d’Elhoungne. - Je dois appuyer les observations présentées par mon honorable ami M. Delfosse. Quand la chambre a été appelée à voter sur l'amendement de M. le ministre, quelle était la question qu'il y avait à résoudre ? L'article portait qu'il n'y aurait récidive que quand la première condamnation aurait été encourue endéans l'année. M. le ministre a demandé la suppression de cette partie de l'article. J'ai alors interpellé (page 513) M. le ministre pour lui demander quel délai il proposait de substituer, il m'a répondu : Aucun !
Ainsi la question était de savoir si on établirait le délai d'une année ou si on n'en fixerait pas du tout. La chambre a décidé qu'elle adoptait le délai d'une année. On ne peut pas maintenant proposer un délai de 5 années. Il serait absurde...
M. le président. - Vous n'avez pas la parole sur le fond.
M. d’Elhoungne. - Je continue sur la forme, je renvoie M. le ministre à l'article du code pénal qui dit qu'il n'y a récidive en matière de contravention, que quand une première condamnation a été encourue endéans l'année.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Les observations de l'honorable M. d'Elhoungne sont d'accord avec celles que j'ai présentées moi-même. Le code d'instruction criminelle ne fixe pas de délai pour la récidive ; quand il s'agit de délits, il n'en pose que pour les contraventions. Or comme les faits punis par la loi sont des délits, la conséquence est qu'il ne devait pas y avoir de délai pour la récidive, si l'on suit les principes du code d'instruction criminelle.
J'avais présenté la même observation que l'honorable membre, mais je m'en étais servi pour appuyer ma proposition.
Je pense qu'il n'y a pas eu de vote sur la question de savoir si le délai endéans lequel la contravention devait être commise pour constituer la récidive, serait d'une année.
La chambre ne s'est prononcée que sur la suppression de tout délai. Cette proposition a été rejetée. Je crois avoir le droit de sous-amender ma première proposition et de demander la fixation d'un délai quelconque plus étendu que celui qu'a fixé la loi de 1790.
M. Delfosse. - Si l'on veut violer le règlement, je n'ai rien à dire, mais le règlement est clair.
Aux termes du règlement, la discussion devait porter à la fois sur l'article et sur les amendements qui s'y rapportaient, la chambre avait le droit de décider qu'une autre marche serait suivie, elle avait le droit de décider qu'une discussion spéciale serait ouverte sur l'amendement de M. le ministre de la justire, mais elle ne l'a pas fait ;on est donc resté dans les termes du règlement.
Il est bien vrai que M. le président n'a pas déclaré formellement que la discussion était close, mais la clôture de la discussion résultait dece qu'il n'y avait plus d'orateur inscrit ; elle est résultée, en outre, de ce que l'amendement a été mis aux voix. A moins qu'on ne veuille accorder à M. le ministre de la justice la faveur exceptionnelle de se placer au-dessus du règlement, il faut bien que son amendement soit rejeté comme tardif.
M. de Garcia. - La question dont il s'agit est tout à fait sans importance. C'est une question de règlement. On a soumis deux amendements à la chambre, on a voté sur ces amendements, mais a-t-on déclaré que la discussion était close sur l'article de la loi ? Evidemment non. Que d'ordinaire cela se fasse ainsi, je l'admets. Mais ce qui se fait d'ordinaire n'a pas été fait en cette circonstance. Dès lors je ne vois pas pourquoi on persiste à défendre à M. le ministre de faire maintenant sa proposition ; ceci me paraît d'autant plus inconcevable qu'il pourra la faire au second vote, cet article n'étant qu'un amendement.
- La chambre consultée décide que la discussion est close.
L'article 7 est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Dans tous les cas, les armes avec lesquelles la contravention aura été commise, seront confisquées, sans néanmoins qu'il soit permis de désarmer les chasseurs. »
M. de Villegas. - La section centrale propose la reproduction de l'article 5 de la loi de 1790, c'est-à-dire de prononcer dans tous les cas la confiscation des armes, soit que la chasse ait eu lieu en temps prohibé, ou non prohibé, avec ou sans permis de port d'armes de chasse, soit sur son terrain, soit sur le terrain d'autrui.
Je crois qu'en équité celle aggravation de peine ne peut pas être appliquée à tous les cas indistinctement. Il est évident qu'on ne peut pas mettre sur la même ligne le fait d'avoir chassé en temps prohibé et sans permis de port d'armes de chasse et celui d'avoir été chassant sur le terrain d'autrui en temps non prohibé et avec son permis de port d'armes de chasse.
On chasse quelquefois sur le terrain d'autrui sans le savoir, surtout dans une contrée où la division des propriétés est grande. Si la bonne foi dans laquelle on verse ne peut pas toujours faire échapper le chasseur à la peine principale, du moins il ne faut pas y joindre la peine de la confiscation du fusil. Une autre considération mérite ici sa place : Le fait d'avoir chassé sur le terrain d'autrui ne constitue pas un délit au même degré que celui, par exemple, d'avoir chassé ou en temps clos ou sans port d'armes, puisque le parquet ne doit poursuivre que sur la plainte du propriétaire ou de son ayant droit.
Vous savez, messieurs, que c'est le plus souvent ou une récrimination, ou une rivalité de chasse qui donnent naissance à cette plainte. Ne pourrait-on pas formuler un amendement dans le sens de tempérer la rigueur de la los de 1790, et dire : « à l'exception du cas prévu par le paragraphe premier de l'article 2, les armes seront confisquées, etc. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je répondrai aux observations de l'honorable préopinant par la loi même. L'article 2 prononce pour le fait de chasse sur le terrain d'autrui une amende de 50 francs, et pour le fait de chasse en temps prohibé une amende de 50 francs également. Ainsi, le législateur a mis les deux délits sur la même ligne.
Pourquoi donc faire une différence, quant à la confiscation de l'arme ?
L'honorable M. de Villegas allègue à l'appui de son opinion qui, dans le cas de l'article 2, il peut y avoir bonne foi. Mais dans ce cas y aura-t-il condamnation ? Cela est au moins douteux en présence d'un arrêt de la cour d'appel de Liège qui a déclaré ne pouvoir être passible des peines comminées par la loi de 1790 un chasseur, qui après avoir pris de nombreuses précautions pour bien connaître les limites dans lesquelles il pouvait chasser, avait franchi ces limites par suite de renseignements erronés.
Je pense que les motifs invoqués par l'honorable M. de Villegas, ne suffisent pas pour faire adopter son amendement.
Je ferai observer que dans l'article 8 qui n'est que la reproduction de la loi de 1790, il faut substituer le mot délits au mot contraventions.
M. Orts. - Je viens vous proposer la suppression totale de l'article. Cette proposition vous paraîtra étrange peut-être ; mais lorsqu'on est au courant de ce qui se passe dans la pratique, notamment dans les greffes des tribunaux de police correctionnelle, on a la conviction que la confiscation de l'arme est dérisoire.
Le chasseur ne peut être désarmé ; je rends hommage à ce principe qui est maintenu dans la loi.
Celui qui commet des délits de chasse (les trois quarts du temps c'est un braconnier ou un individu coutumier des faits de braconnage) a soin d'acheter de vieux fusils, qui arrivent au greffe du tribunal correctionnel et qui sont vendus, lorsque l'on vend les pièces de conviction. Ainsi l'on a vu le même fusil représenté jusqu'à trois fois. Trois fois il avait été racheté et confisqué de nouveau. Messieurs, ces faits sont notoires. Il y a dans les greffes une quantité de vieux fusils qui ne valent pas le poids du fer. Cette disposition est donc illusoire. En la supprimant, vous ne ferez pas disparaître la pénalité, car la confiscation de l'arme est une plaisanterie ; mais en la supprimant, vous aurez une garantie de plus qu'on ne désarmera pas le chasseur.
M. de Garcia. - Ce que vient de dire l'honorable M. Orts est parfaitement exact. Celle confiscation de l'arme n'a réellement pas de portée, on produit toujours la même arme au tribunal comme pièce de conviction. Ces armes, toujours revendues, reparaissent sans cesse.
Je crois qu'il vaudrait mieux, comme le propose l'honorable M. Orts, supprimer la confiscation de l'arme qui ne représente qu'une idée abstraite ; car en réalité ce n'est pas une peine. La considération qu'a fait valoir M. Orts, qu'on préviendra ainsi toute tentative de désarmement, est déterminante. J'appuie donc la proposition ; je demande que la confiscation de l'arme soit abolie.
M. de Villegas. - Je crois, contrairement à l'opinion de M. Orts, qu'il faut maintenir dans la loi, avec l'exception que j'ai proposée de principe de la confiscation des armes. Ce maintien est nécessaire dans l'intérêt de la répression du braconnage. Quant à ce qui a été avancé par l'honorable M. Orts relativement à la facilité d'admettre au greffe des fusils de chasse qui sont en mauvais état ou qui y sont représentés, après avoir été vendus une première fois, je ferai observer que les choses ne se passent pas partout ainsi, d'autant moins que les instructions émanées de l'administration financière ordonnent la destruction des fusils confisqués, lorsque leur valeur est insignifiante. Je pense que l'administration fait sagement en ordonnant cette destruction. C'est pour empêcher les braconniers d'acheter à vil prix des fusils de chasse.
Quant à mon amendement, j'avoue que M. le ministre de la justice n'a fait valoir aucune considération de nature à modifier mon opinion. Qu'ai-je dit, en effet ? Qu'il ne faut pas mettre sur la même ligne le fait d'avoir été trouvé chassant sur le terrain d'autrui et celui d'avoir chassé en temps clos et sans permis de port d'armes de chasse. Dans ce dernier cas, je veux la confiscation de l'arme, et dans le premier je m'oppose à l'aggravation de cette peine. Ma proposition sera, je l'espère, accueillie par la chambre.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - On combat la disposition de l'article en discussion comme inutile et comme étant en général éludée. Cela ne me paraît ni tout à fait exact, ni conforme aux faits ; lorsqu'un garde fait convenablement son procès-verbal, il doit y consigner le signalement de l'arme.
A différentes reprises, j'ai vu dans les greffes des tribunaux de première instance, lorsque j'appartenais au ministère public, refuser des fusils, parce qu'ils n'étaient pas conformes à l'arme décrite dans le procès-verbal. Dans ce cas, le délinquant doit consigner une somme de 50 fr. En supprimant la confiscation de l'arme, on rendrait la loi moins sévère que celle de 1790 ; car si les amendes sont augmentées, elles ne le sont pas de manière à compenser la suppression de la confiscation représentée par une amende de 50 fr., quand on ne reproduit pas l'arme.
Pour que la représentation du fusil avec lequel on a chassé soit assurée, il faut donc que le garde donne le signalement de l'arme, qu'il indique, par exemple, si c'est un fusil à un coup ou à deux coups, à percussion, ou à pierre, etc., etc., qu'il donne en un mot tous les signes particuliers auxquels on pourra reconnaître l'arme.
Si l'arme représentée n'a pas les caractères décrits, le greffe du tribunal ne pourra l'accepter. Il me paraît donc nécessaire de maintenir cette disposition, qui, jusqu'à présent, n'a donné lieu à aucun des inconvénients signalés.
Je ne connais pas d'exemple de gardes ayant cherché à désarmer des chasseurs. Aussi, ce n'est pas à l'occasion de tentatives de désarmement que des crimes ont élé commis ; les gardes connaissent la défense de la loi et la respectent, et les attentats qui ont été commis sur les gardes, ne l'ont été que pour empêcher la constatation même du délit.
(page 514) Je répète qu'il y a lieu, d'après moi, de maintenir une disposition qui n'a donné lieu à aucun inconvénient, et qui, convenablement appliquée, peut donner une sanction très efficace à la loi en contribuant à faire disparaître le braconnage ; quel moyen en effet plus propre à atteindre ce but que d'ôter au braconnier le moyen de commettre des délits en le privant de son arme ?
Si, dans un but de prudence et contrairement aux principes généraux, on a défendu de saisir l'arme d'un braconnier, il ne faut pas déroger à ces principes, en ce qui concerne la confiscation de l'arme qui peut s'opérer sans danger.
M. Savart-Martel, rapporteur. - Messieurs, il est assez généralement admis qu'en matière de crimes ou de délits, l'instrument qui sert à commettre le crime est saisi et confisqué. Je ne vois pas pourquoi, dans le cas actuel, nous contreviendrions à la règle générale.
On nous dit qu'on abuse de la loi. Mais ce n'est pas là un motif auquel on doive s'arrêter ; car on peut donner des ordres aux parquets pour qu'on ne permette plus aussi facilement qu'on l'a fait jusqu'ici d'éluder la loi. Il ne faut pas oublier, messieurs, que les amendes fixées par la loi actuelle sont très peu élevées. Je crois donc que nous devons maintenir l'article en discussion.
Messieurs, on n'a pas combattu l'amendement de l'honorable M. de Villegas, et je ne suis pas, quant à moi, éloigné d'admettre l'exception qu'il propose. J'attendrai, du reste, les observations ultérieures qui seront faites.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je demande la parole pour déclarer que je me rallie à l'amendement de M. de Villegas.
M. de Garcia. - Messieurs, je persiste à croire que la confiscation de l'arme est chose inutile et dangereuse, et les observations de M. le ministre ne font que me confirmer dans cette opinion. Il pense qu'un chasseur n'est sensible qu'au désarmement ; mais croyez-vous que lorsqu'il sera obligé de résenter son arme pour qu'on en fasse la description, il sera moins sensible ?
Admettre une pareille supposition, serait, selon moi, se tromper grossièrement.
Messieurs, j’ai une autre considération à présenter. On invoque la loi ancienne, et on dit que la disposition en discussion n'en est que la reproduction. Mais la loi ancienne prononçait une amende contre celui qui ne rapportait pas l'arme décrite dans le procès-verbal ; or ici il n'est rien dit à ce sujet dans la loi, et dès lors la disposition ne contient qu'une idée abstraite Sans application positive, on n'y dit pas que celui qui ne rapportera pas l'arme encourra une peine.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est dit dans le décret de 1812.
M. de Garcia. - Lors même qu'il en serait ainsi, et je conteste l'exactitude de l'objection, je persiste à croire que le plus souvent on ne laissera pas prendre le signalement de l'arme, et qu'on ne rapportera qu'une arme sans valeur.
On dit, messieurs, que dans toutes les matières correctionnelles et criminelles la confiscation de l'objet qui a servi à commettre le délit, a ordinairement lieu. Cela est vrai, mais dans ces cas la police a le droit de saisir. Lorsqu'il s'agit d'une contravention en fait de poids et mesures, lorsqu'on s'est servi de poids et mesures qui ne sont pas jaugés, qui ne sont pas contrôlés par l'agent du gouvernement, on prononce aussi la confiscation ; mais c'est parce que les employés sont autorisés à se saisir de ces poids et mesures dans le moment même.
Il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit d'armes de chasse. Aussi je maintiens que leur confiscation est inutile et dangereuse.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, je crois que le braconnier est à peu près comme le chasseur, qu'il tient essentiellement à son arme et que la confiscation de cette arme est la peine la plus sévère qu'on puisse lui infliger. C'est aussi un moyen de le dégoûter de rentrer dans l'exercice de sa profession illégitime.
Je crois donc que le maintien de la confiscation du fusil est indispensable, et que si le braconnier ne veut pas que l'identité de l'arme soit constatée, il soit au moins assujetti à la peine comminée par le décret de 1812, et condamné à l'amende de 50 fr.
M. Savart-Martel, rapporteur. - J'allais précisément proposer un amendement par lequel le chasseur devrait payer l'amende de 50 fr., si l'identité de l'arme n'était pas constatée. De cette manière le braconnier aura intérêt à faire constater son arme, s'il juge qu'elle ne vaut pas 50 fr.
M. Lesoinne. - Messieurs, le but avoué de la loi, c'est la conservation du gibier. Or, le braconnier détruit beaucoup plus de gibier, à l'aide de bricoles, de lacets et de filets qu'avec un fusil. Vous allez donc prononcer la peine la plus forte contre celui qui détruit le moins de gibier. Cela n'est pas logique.
M. Orts. - Messieurs, je maintiens ma proposition tendant à la suppression de l'article. Mais si cette suppression n'était pas adaptée, prenez-y garde, celui qui ne reproduirait pas l'arme dont il s'est servi, ne serait pas condamné à une amende de 50 fr., à moins que vous ne le disiez dans l'article même. J'ai entendu faire allusion au décret de 1812 ; mais il ne s'agit pas, dans ce décret, des délits de l'espèce ; il s'agit du fait de chasser sans permis de port d'armes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - L'honorable M. Savart a très bien compris la portée de l'observation, et il présente un amendement pour y faire droit.
M. Savart-Martel, rapporteur. - Voici l'amendement que j'ai l'honneur de présenter, sauf rédaction :
« Le refus de laisser constater le signalement du fusil sera puni d'une amende de 50 fr. »
Plusieurs membres. - A demain.
M. le président. - Voici un article additionnel présenté par M. de Garcia.
« Les militaires poursuivis à raison de délits prévus par la présente loi seront soumis à la juridiction ordinaire. »
- Les amendements seront imprimés et distribués.
M. le ministre des finances (M. Malou) présente un projet de loi tendant à accorder au département des finances, pour l'exercice 1845, un crédit supplémentaire de 60,000 fr. pour le service des pensions.
- Ce projet sera imprimé et distribué. Il est, sur la proposition de M. le ministre des finances, renvoyé à la section centrale, qui a examiné le budget des finances.
- La séance est levée à 4 heures et demie.