(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 471) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une heure un quart. La séance est ouverte.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. de Villegas fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Derin, aubergiste et charcutier à Gand, demande l'autorisation d'exhausser d'un étage le corps de bâtiment qu'il possède dans le rayon de la citadelle. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des membres du bureau de bienfaisance de Boussu demandent des mesures de protection en faveur du sucre indigène. »
« Même demande des membres du conseil communal de Boussu. »
-Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants de Lichtervelde prient la chambre de modifier la circonscription cantonale des deux justices de paix de Thourout et d’en fixer les chefs-lieux à Thourout et à Lichtervelde »
M. Rodenbach. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif aux circonscriptions cantonales, avec invitation de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Renesse, retenu chez lui par suite de la perte de sa belle-mère, demande un congé de quinze jours.
- Accordé.
« Art. 1er. Le gouvernement fixera, chaque année, l'époque de l'ouverture et celle de la clôture de la chasse, dans chaque province ou partie de province.
« La clôture aura lieu le même jour dans tout le royaume.
« Néanmoins, la chasse à la bécasse, dans les bois et forêts, restera ouverte jusqu'au 15 avril, et celle au gibier d'eau, sur les fleuves, rivières, dans les lacs, étangs, marais et marécages, ne sera prohibée que du 1er mai au 1er août. »
Le gouvernement se rallie au premier paragraphe de cet article et demande la suppression des deux autres.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - En proposant la suppression du troisième paragraphe de l'article premier, on a reconnu la nécessité de modifier la rédaction du paragraphe premier, et de dire : « Le gouvernement fixera chaque année les époques de l'ouverture et celles de la clôture de la chasse. »
M. Thyrion. - Je dois faire connaître à la chambre les motifs qui ont déterminé la section centrale à adopter le paragraphe 2 de l'article premier, dont la suppression est proposée par M. le ministre de l'intérieur et qui statue que la chasse sera close le même jour dans tout le royaume.
La section centrale était convaincue que le meilleur moyen d'empêcher le braconnage était d'interdire le colportage et la vente du gibier, lorsque la chasse est close.
Cependant elle était singulièrement frappée des inconvénients très réels, et des réclamations nombreuses, auxquels l'exécution d'une semblable disposition donne lieu dans un pays voisin.
On conçoit, en effet, tout ce qu'il y a de désagréable, pour un chasseur, de ne pouvoir rapporter chez lui, où la chasse est close, le gibier qu'il a tiré dans un département voisin où la chasse était ouverte.
On conçoit aussi tout ce qu'il y a de fâcheux dans des poursuites exercées souvent contre des personnes très honorables, pour le simple fait d'avoir rapporté, dans leur famille, un gibier légalement tué dans un département voisin.
Il a semblé à la section centrale qu'il serait utile, qu'il serait convenable, de diminuer, autant que possible, les occasions de ces poursuites, et c'est pour atteindre ce but qu'elle a proposé de fermer la chasse, à la même époque, dans toutes les provinces.
On sait, messieurs, que les chasseurs ne se bornent pas à chasser dans la province de leur résidence ; ils ont ailleurs des amis, des propriétés, et souvent l'approche de l'époque de la clôture de la chasse, donne lieu à des réunions nombreuses ; on veut terminer dignement la campagne.
Si la chasse est fermée dans le Brabant, l'habitant de Bruxelles ou de Nivelles ira chasser sur ses propriétés qui sont situées dans la province de Namur, et il ne pourra résister à la tentation de rapporter son gibier. Alors des réclamations, des poursuites, des plaintes, des criailleries.
C'est ce que la section centrale a voulu éviter, autant que la chose était en son pouvoir.
En fermant la chasse, en même temps, dans toutes les provinces, ces inconvénients n'auront pas lieu.
Je ne vois pas, d'ailleurs, que cette mesure puisse présenter le moindre inconvénient.
Il est vrai que la loi actuelle, que la loi de 1790, permet au gouvernement de fermer la chasse à des époques différentes, pour les diverses provinces, mais il ne faut pas perdre de vue que, dans cette loi de 1790, une telle disposition était nécessaire.
Cette loi n'avait pas pour objet la conservation du gibier, mais bien la conservation des récoltes. Elle avait été conçue uniquement dans l'intérêt de l'agriculture. Aussi, le gouvernement d'alors n'usait-il du droit de fermer la chasse que quand l'intérêt de l'agriculture l'exigeait.
Or, dans un pays aussi étendu que la France, et pour rester dans l'esprit de la loi, il était nécessaire que la chasse fût fermée dans les départements du Midi beaucoup plus tôt que dans les départements du Nord. Voilà pourquoi la loi de 1790 permettait au gouvernement de fermer la chasse dans un département à une époque moins avancée de l'année que dans un autre département.
C'était pour ne pas s'écarter de l'esprit de la loi, que le gouvernement français ne fermait jamais la chasse dans les départements belges avant le mois de mars ; et en effet, avant le mois de mars, nos récoltes n'ont besoin d'aucune protection contre les chasseurs.
Aujourd'hui, messieurs, il n'en est plus de même ; c'est au mois de janvier que la chasse est ordinairement fermée dans toutes les provinces ; dans les unes, quelques jours plus tôt ; dans les autres, quelques jours plus tard. Au mois de janvier, il n'y a pas de récolte sur pied ; il est impossible de nuire à l'agriculture. Ainsi, ce n'est pas dans l'intérêt de l'agriculture que le gouvernement ferme aujourd'hui la chasse, c'est tout simplement dans l'intérêt de la propagation du gibier. Cet intérêt étant le même partout, je ne vois pas pourquoi la clôture de la chasse n'aurait pas lieu partout aussi le même jour.
Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, messieurs, il y a pour cela un très bon motif. On diminuera pour les chasseurs les occasions de commettre des contraventions, et l'on évitera ainsi des poursuites correctionnelles, toujours fâcheuses lorsqu'elles n'ont pas pour objet des faits qui intéressent essentiellement l'ordre public.
Voilà, messieurs, quelles ont été les intentions de la section centrale. Je crois que ses motifs sont solides, et je ne pense pas que M. le ministre de l'intérieur puisse en présenter d'aussi sérieux à l'appui de l'amendement qu'il propose.
Je voterai donc pour le paragraphe de la section centrale.
M. d’Huart, ministre d’Etat. - L'honorable préopinant vient de faire quelques objections à la suppression du deuxième paragraphe de l'article premier de la section centrale, motivées sur ce que, s'il y avait des différences dans les époques de clôture de la chasse, il pourrait s'ensuivre quelques inconvénients qu'il a signalés. Ces objections ne me semblent pas compatibles avec la disposition même présentée par la section centrale, qu'appuie cependant M. Thyrion. En effet, pour être conséquent, il faudrait aussi fixer l'ouverture de la chasse le même jour dans toutes les provinces, et on ne comprend pas comment il serait possible que logiquement on critiquât la faculté qui serait laissée au gouvernement de fermer la chasse à des époques différentes dans les diverses provinces, quand on ne l'oblige pas à l'ouvrir le même jour partout.
En effet, si on peut ouvrir la chasse à des époques différentes, on pourra chasser dans une province, tandis qu'on ne le pourra pas dans une autre, et tous les inconvénients présentés par rapport à la clôture se retrouvent pour l'ouverture. Ce serait donc poser une inconséquence dans la loi, si on disait que la clôture de la chasse devra nécessairement, rigoureusement avoir lieu le même jour dans tout le royaume et si, d'autre part, on laissait au gouvernement la liberté d'ouvrir la chasse à des jours différents dans les diverses provinces.
Je dis qu'on ne peut pas faire autrement que de laisser liberté pleine et entière au gouvernement ; car il y a une telle différence entre l'état d'avancement de la récolte dans nos provinces, qu'il n'y aurait pas en réalité de chasse aux perdreaux dans les provinces des Flandres et du Brabant, si on devait prendre pour l'ouverture de la chasse une époque moyenne, ou bien attendre celle où la chasse pourrait être ouverte sans dommage dans les provinces où les récoltes sont le moins avancées, notamment sur la rive droite de la Meuse et de la Sambre. Il faut laisser cela comme par le passé à la disposition du gouvernement qui, au surplus, ne ferme pas, de même qu'il n'ouvre pas, la chasse arbitrairement suivant son bon plaisir, mais qui consulte à cet effet les députations provinciales, reçoit leur avis et se dirige en conséquence.
Ne perdez pas de vue non plus, messieurs, qu'en décidant formellement que la clôture de la chasse sera prononcée partout le même jour, vous traiteriez avec deux poids et deux mesures vos concitoyens. Ainsi, sur la rive droite de la Meuse.et de la Sambre, où l'on ouvre la chasse trois semaines plus tard que dans d'autres provinces, les chasseurs jouiraient du droit de chasser pendant un mois de moins à peu près que ceux des autres provinces, et cette différence ne serait justifiée par rien. Sans admettre d'une manière absolue l'observation de l'honorable membre, que la fixation de la fermeture de la chasse a pour objet la conservation du gibier, je dirai que, pour (page 472) la reproduction de celui-ci, il y a une grande différence entre les diverses parties de la Belgique à cause de la différence de climat.
Le gibier se reproduit trois semaines ou un mois plus tard dans le Luxembourg et les autres parties du pays où le climat est le plus froid, que dans le Brabant, la province d'Anvers ou les Flandres.
Ainsi, la clôture de la chasse le même jour, dans tout le royaume, serait une mesure injuste pour certaines parties du pays, et, comme je viens de l'établir, sans aucune espèce d'utilité, sous le rapport de la conservation du gibier.
Remarquez encore, messieurs, que la disposition concernant la clôture de la chasse doit se coordonner non seulement avec la condition d'une conservation bien entendue du gibier, mais cette clôture doit se combiner en outre avec les exigences raisonnables de l'agriculture.
Dans les provinces où le sol est le plus fertile, où la végétation est le plus hâtive et le terrain compacte ou humide, on pourrait laisser chasser sans causer du dégât aux semailles durant le mois de février, après les gelées et les grandes pluies, tandis que dans d'autres parties du pays, élevées, froides et où la terre est légère et sèche, ce dégât n'est pas à craindre.
Je crois avoir rencontré les différentes considérations développées par l'honorable M. Thyrion pour la fixation d'une époque uniforme de la clôture de la chasse. S'il trouve, je le répète, qu'il y aurait des inconvénients à ce que la chasse ne fût pas fermée le même jour dans tout le royaume, il doit reconnaître que les mêmes inconvénients existeraient par rapport à l'ouverture de la chasse, fixée à plusieurs époques. Or, il admet comme utile l'ouverture de la chasse à des époques différentes, donc il doit admettre la même disposition, quant à la clôture, puisque des raisons d'utilité et même de justice réclament cette conséquence logique.
Quant au troisième paragraphe de ce même article premier, dont la suppression a été également proposée par le gouvernement, il est bien clair que cette suppression se justifie sur ce que le gouvernement doit conserver, pour les localités où il y a du gibier d'eau ou des bécasses, la faculté de prolonger les délais pour cette chasse d'oiseaux de passage, selon que l'état de la saison le réclamera ; il ne convient pas que la loi détermine rien d'absolu à cet égard, puisque l'appréciation dépend d'une chose essentiellement variable.
M. le président. - Pour le cas où le troisième paragraphe serait maintenu, M. de Breyne propose de substituer aux mots : « ne sera prohibée que du 1er mai au 1er août, » ceux-ci : « sera fermée le 15 avril. »
M. de Breyne. - Je ferai d'abord une observation sur ce que vient de dire M. d'Huart. Cet honorable membre, si je l'ai bien compris, soutient que la chasse ne doit pas être fermée à la même époque dans toutes les provinces du royaume. Je suis d'accord avec mon honorable collègue M. Thyrion ; mais je voudrais que la chasse pût se fermer dans toutes les provinces à la même époque.
En admettant le principe posé par l'honorable M. d Huart, que ferons-nous avec la disposition qui défend la vente du gibier ? Dans telle province où la chasse sera ouverte, il sera permis de manger du gibier ; dans telle province limitrophe où elle ne l'est pas encore, il sera interdit d'en manger.
Ayant ainsi répondu à l'honorable M. d'Huart, je viens à mon amendement ; je ne l'ai proposé que pour autant que celui de M. le ministre de l'intérieur ne serait pas adopté.
Je crois que dans les dispositions d'une loi nous devons simplifier autant que possible. Je vois qu'il y a déjà dans le projet de loi cinq époques différentes. Il y a l'époque de l'ouverture de la chasse, l'époque de la fermeture ; l'époque du 15 avril pour la fermeture de la chasse du gibier d'eau ; l'époque du 1er mars ; l'époque du 1er août. Pour simplifier, je propose de décider que la chasse au gibier d'eau sera fermée le 15 avril ou le 1er mai ; je ne tiens pas à l'une de ces dates plutôt qu'à l'autre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Si l'on fixait pour la chasse à la bécasse une date déterminée par la loi, cela présenterait les mêmes inconvénients que pour la chasse ordinaire. La chasse à la bécasse est subordonnée, comme toute autre chasse, à des conditions de saison. La bécasse est un oiseau voyageur ; sa pérégrination est essentiellement subordonnée au temps, au climat. Si vous déterminez une époque fixe pour chasser la bécasse, vous pourrez l'exposer à la destruction, au retour de la pérégrination annuelle. A cette époque, les bécasses sont accouplées. Si vous en permettez la chasse, vous nuisez à l'intérêt du chasseur, à la reproduction du gibier. Il faut donc laisser au gouvernement le soin de déterminer l'époque de la chasse de la bécasse et ne point fixer une date dans la loi même.
M. de Garcia. - J'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. Thyrion. Ce qu'a dit l'honorable M. d'Huart rendra ma tâche extrêmement facile.
L'honorable M. Thyrion a attaqué la disposition proposée par le gouvernement, qui diffère de celle de la section centrale, en ce que celle-ci fixe une seule époque pour l'ouverture de la chasse dans tout le royaume.
L'honorable M. d'Huart a fait observer, avec raison, que s'il peut y avoir des inconvénients à ne pas fixer à une même date, pour tout le royaume, l'ouverture de la chasse, il y a les mêmes inconvénients à ne pas fixer à une date uniforme celle de la clôture de la chasse.
L'honorable M. Vandensteen m'interrompt constamment en me faisant des signes de dénégation, et en me criant : Non, non... Qu'il se donne la patience, qu'il écoute et il pourra me répondre.
Messieurs, quels sont les inconvénients qu'on vous a présentés contre l'ouverture de la chasse, à des dates différentes, dans les diverses provinces ? On dit qu'on pourrait manger du gibier dans une province, tandis que cette faculté serait interdite dans une province limitrophe. Si vous tuez du gibier, vous ne pourrez le transporter dans une province où la chasse n'est pas ouverte.
Je conviens que cela peut quelquefois être désagréable au chasseur. Mais en vérité, messieurs, est-ce là un inconvénient bien sérieux ? Le plaisir de la chasse n'est pas le plaisir de manger, et j'avoue que je ne conçois pas la gravité de l'inconvénient de manger le gibier où il a été tué. Ce ne sera qu'une conséquence naturelle et simple de la loi. Passant à d'autres objections faites contre les dispositions de la loi en projet, on a dit qu'il y avait une différence entre l'esprit de la loi actuelle et l'esprit de la loi de 1790 : cette dernière n'aurait été faîte que sous l'influence de l'intérêt général, et celle que nous discutons, uniquement dans l'intérêt de la chasse. Cette assertion, car ce n'est qu'une opinion, ne me paraît ni vraie, ni exacte. Je pense que dans la loi belge, nous ne voulons pas plus oublier les intérêts de l'agriculture que le législateur de 1790.
C'est dans cet intérêt qu'il faut des époques différentes pour l'ouverture de la chasse dans les diverses provinces. Quant à moi, je le déclare, messieurs, je veux que la loi protège non seulement le gibier, mais encore les récoltes et les produits de la terre.
M. de Mérode. - Parce ce qu'on doit nécessairement subir un inconvénient, ce n'est pas un motif pour le doubler. D'ailleurs, quel inconvénient y aurait-il à fermer la chasse le même jour dans tout le pays ? Dans certaines provinces on aurait pendant quinze jours de moins le plaisir de la chasse ; eh bien, le gibier serait d'autant plus protégé. Ces provinces retrouveraient, d'un côté, ce qu'elles perdraient de l'autre.
Je suis frappé de l'inconvénient qu'il y a à provoquer des délits qu'on peut éviter. C'est pourquoi j'appuie la proposition de la section centrale.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - J'ai demandé la parole pour faire observer que si l'on supprime le deuxième paragraphe de l'article premier, il ne s'en suivra pas que le gouvernement ne pourra clore la chasse le même jour dans toutes les provinces. Le gouvernement reste entièrement libre à cet égard, et s'il lui est démontré qu'il puisse fermer la chasse le même jour dans tout le royaume, il le fera nonobstant la suppression du deuxième paragraphe de l'article en discussion.
Ainsi, messieurs, quoique dans la section centrale, je me fusse rallié à la proposition qui avait été faite d'introduire dans l'article premier les deux derniers paragraphes, je crois qu'il n'y a pas le moindre inconvénient à adopter la suppression qui vous est proposée par le gouvernement. Celui-ci restera complétement libre d'examiner s'il y a nécessité de clore le même jour dans tout le royaume, où s'il y a des motifs majeurs, que nous ne pourrions peut-être pas apprécier dès maintenant, de ne pas clore en même temps dans toutes les provinces.
La section centrale que j'avais l'honneur de présider, avait aussi introduit le troisième paragraphe dans l'article, parce qu'il lui paraissait important qu'il y eût clôture de la chasse en ce qui concerne les bécasses et le gibier d'eau. Vous savez que sous la législation actuelle on peut chasser pendant toute l'année à cette espèce de gibier. La section centrale avait surtout en vue de favoriser sa reproduction. Eh bien, le gouvernement prendra en sérieuse considération l'expression du désir de la section centrale, et il y aura aussi clôture pour cette espèce de gibier ; l'appréciation de l'époque seulement lui restera.
Ainsi, messieurs, par la suppression des deux paragraphes, il n'y aura pas pour le gouvernement prohibition de ne pas clore le même jour et de ne pas fixer une époque de clôture en ce qui concerne les bécasses et le gibier d'eau. C'est simplement une appréciation qui lui sera laissée au lieu de l'inscrire dans la loi.
M. Orban. - Je regrette que l'on ait fait disparaître du projet de la section centrale la disposition qui fixe la fermeture de la chasse à une époque uniforme pour tout le royaume, car je ne me suis jamais rendu compte de l'usage contraire suivi par le gouvernement.
L'on a allégué en faveur de cette suppression, que la chasse n'étant pas ouverte partout en même temps, l'on ne pourrait fixer la clôture pour toutes les provinces à la fois, sans préjudice pour celles où elle s'ouvre en dernier lieu, attendu que l'on y aurait moins de temps pour se livrer au plaisir de la chasse, et en faisant cette observation l'on avait particulièrement en vue le Luxembourg.
Je crois que l'intérêt des chasseurs luxembourgeois, leur intérêt bien entendu, qui consiste à ce que le gibier devienne plus nombreux, exigerait au contraire que la chasse n'y restât pas ouverte, après l'époque fixée pour sa fermeture dans les autres provinces.
Les retards mis à clore la chasse dans cette province sont une des causes les plus préjudiciables à la multiplication du gibier. C’est particulièrement pendant les mois de janvier et de février que l'on procède à sa destruction. C'est alors qu'ont lieu ces battues aux lièvres et ces chasses à la neige, qui sont si peu dignes du véritable chasseur.
Sous le rapport de la conservation du gibier, l'époque de la clôture de la chasse est bien plus importante que celle de son ouverture. Le lièvre commence à se multiplier dans les derniers jours de janvier, et l'on ne peut continuer à le chasser après cette époque sans faire un tort immense à sa propagation.
Ainsi, dans l'intérêt même des chasseurs de ma province, je voudrais que l'on n'y retardât pas la fermeture de la chasse et qu'elle y fût fixée comme partout ailleurs.
A ces inconvénients que je viens de signaler vont venir se joindre ceux qui naîtront de la loi actuelle et qui sont si non plus graves, au moins plus (page 473) frappants. Conçoit-on en effet qu'il soit permis de vendre, de transporter du gibier dans une province et que dans la province voisine ce fait devienne un délit passible de peines assez graves. Que le transport par la diligence d'une pièce de gibier d'Arlon à Bruxelles, soit permis jusqu'à moitié chemin et devienne un délit pour le reste du voyage ?
Mais, dit-on, vous ne pouvez éviter cet inconvénient, puisqu'il résulte déjà de ce que la chasse ne s'ouvre pas partout en même temps. L'on a répondu à cela qu'il n'en était pas moins utile de réduire le mal autant que cela était possible. Quant à moi, messieurs, j'irai plus loin ; je dirai qu'il dépend du gouvernement de le faire disparaître à peu près totalement. Il dépend de lui, en effet, de fixer l'ouverture de la chasse d'une façon à peu près uniforme. Les époques fixées pour les différentes provinces diffèrent de dix à quinze jours à peine. En la retardant de cinq ou six jours pour quelques-unes et en l'avançant d'autant pour les autres, et certes il n'y aurait pas à cela grand inconvénient, l'on arriverait au résultat que j'ai indiqué.
L'honorable M. d'Hoffschmidt a allégué en faveur de la suppression de l'article que le gouvernement avait le droit de clore la chasse quand il le jugeait convenable, qu'il pouvait par conséquent, s'il le jugeait utile, la fixer à une seule époque pour tout le pays. Je répondrai à cela qu'il a toujours eu cette faculté et que c'est l'usage qu'il en a fait, qui m'engage à ne pas m'en rapporter à lui en cette matière, pour laquelle, il n'a pas, je l'avoue, toute ma confiance. Ne l'a-t-on pas vu retarder démesurément l'époque de clôture, l'année dernière, alors que la neige qui a couvert la terre jusqu'à la fin de février exposait les lièvres et les perdreaux à une destruction presque complète ?
J'insiste donc fortement en faveur de la disposition proposée par la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Il y aurait sans doute pour le gouvernement une singulière facilité à adopter une date uniforme pour l’ouverture et la fermeture de la chasse. En général, l'avantage qui frappe le plus, c'est l'uniformité en toutes choses. On croit que lorsqu'elle est établie, cette uniformité est une règle qui satisfait à tout. Messieurs, l'uniformité peut être quelquefois un très grand abus, et elle le serait dans cette circonstance.
L'ouverture comme la fermeture de la chasse n'est pas un acte arbitraire du gouvernement. Il ne procède pas à ces mesures d'après son bon vouloir ou d'après l'opinion arbitraire qu'il peut se former. Si le gouvernement ouvre à une certaine époque dans une province, à une époque différente dans telle autre, il ne le fait jamais qu'après avoir consulté les députations permanentes, et cette mesure est prise conformément à leur avis. Les députations permanentes sont les protectrices-nées des intérêts de leurs provinces, et le gouvernement, tout à fait désintéressé dans la question, ne consulte que les besoins généraux.
Il en est de même, messieurs, de la fermeture de la chasse. La fermeture de la chasse n'est pas un acte arbitraire du gouvernement. Il consulte peur la fermeture comme pour l'ouverture de la chasse les mêmes besoins.
Il est un fait que je suis bien aise de signaler moi-même à l'attention de l'honorable préopinant, c'est que si des réclamations sont faites à cet égard, elles ont presque toutes pour objet de demander au gouvernement de prolonger la chasse et d'accorder aux chasseurs, dans certaines provinces, un temps plus long que celui qu'ils avaient obtenu dans les années antérieures. Les réclamations qui sont parvenues au gouvernement sont émanées de plusieurs députations permanentes.
L'honorable préopinant a parlé de l'existence de la neige comme d'une des saisons sur lesquelles on devrait s'appuyer pour fermer plus tôt la chasse. Mais, messieurs, le gouvernement, si la neige tombait à foison et pendant un long espace de temps, sur toute la surface du pays, aurait toujours le droit d'interdire la chasse pendant ce temps. Il n'ira pas prendre une mesure exceptionnelle pour cette province où la neige peut subsister pendant quinze jours ou trois semaines, au détriment de toutes les autres provinces où la neige ne tomberait pas. Le législateur ne statue point dans l'intérêt d'une localité, mais dans l'intérêt général. Si la neige était assez abondante pour que le gibier fût exposé partout à une destruction générale, il serait loisible au gouvernement de prendre telle mesure qu'il jugerait nécessaire à la conservation du gibier.
M. le président. - La parole est à M. de Brouckere. (La clôture ! la clôture !)
M. de Brouckere. - Si la chambre veut clore la discussion, je renoncerai volontiers à la parole.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je mets aux voix l'article premier par paragraphes.
- Le paragraphe premier, rédigé comme l'a proposé M. le ministre de l'intérieur, est mis aux voix et adopté.
Le paragraphe 2 est ensuite mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Le paragraphe 3 est mis aux voix ; il n'est pas adopte.
En conséquence, l'article premier se composera du premier paragraphe.
« Art. 2. Il est défendu de chasser, en quelque temps et de quelque manière que ce soit, sur le terrain d'autrui, sans son consentement, à peine d'une amende de 50 fr. envers la commune et d'une indemnité de 15 fr. envers le propriétaire ou locataire de la chasse, et sans préjudice de plus grands dommages et intérêts, s'il y a lieu.
« L'amende et l'indemnité seront portées respectivement à 60 fr. et à 50 fr. quand le terrain sera clos de murs et de haies. »
Le gouvernement a présenté l'amendement suivant :
« Il est défendu de chasser, en quelque temps et de quelque manière que ce soit, sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit, sous peine d'une amende de 50 fr.. sans préjudice de dommages-intérêts, s'il y a lieu.
« L'amende sera portée à 100 fr. quand le terrain sera clos de murs ou de haies. »
M. de La Coste. - Messieurs, comme l'ont déjà fait plusieurs orateurs, je conviens que je ne suis point chasseur ; j'ai été accusé un jour d'avoir abattu un perdreau, mais je n'en crois rien. Cependant, messieurs, des chasseurs de l'arrondissement de Louvain, qui forment une société, présidée par un avocat distingué de cette ville, m'avaient adressé des observations relativement au projet de loi. Je regrette de ne point avoir ces observations sous les yeux, les ayant confiées au rapporteur de notre section, qui n'est plus membre de cette chambre. Voici cependant, si ma mémoire ne me trompe point, celle de ces observations qui présentait le plus d'importance ; ces MM. pensaient qu'il y avait une différence à faire, quant à la gravité des délits ; qu'autre chose était le délit d'un véritable braconnier, et autre chose la distraction d'un chasseur passant momentanément sur la propriété d'autrui. Ceci pourrait fournir une arme à l'honorable M. Castiau, qui s'adressait naguère à la conscience des chasseurs pour savoir si tous n'était pas un peu braconniers ; mais, quant à moi, j'y vois une observation très juste et très sérieuse, et cela me conduit à demander s'il ne faudrait pas laisser une certaine latitude au juge dans l'application de l'amende. En effet, il y a un défaut d'harmonie entre cette loi, quant aux pénalités, et les derniers chapitres du Code pénal ; toutes les dispositions de ces chapitres laissent une latitude au juge, qui apprécie les circonstances. Je vois ici, au contraire, une amende inflexible qui s'applique indistinctement à tous les cas. Je ne me propose pas de faire une motion formelle dans une matière à laquelle je suis fort étranger, mais je soumets ces réflexions à MM. les ministres et à la chambre.
M. de Garcia. - L'article 2 du projet de loi attribue la moitié de l'amende aux communes. Le même projet attribue une partie de l'amende au propriétaire. Le projet du gouvernement anéantit cette disposition sous ce double rapport. C'est-à-dire que la commune n'aurait plus aucune part dans les amendes et que le propriétaire n'aurait qu'une action civile en dommages-intérêts.
Jusqu'à ce moment je ne puis m'expliquer les changements apportés aux dispositions de la loi de 1790. Ces dispositions avaient un double but d'utilité. Elles étaient favorables au revenu communal et à l'application de la loi. La répression du braconnage formait un revenu et une ressource pour la commune.
Je demande donc au gouvernement les motifs qui l'ont porté à dévier ainsi des principes de la loi de 1790, principes qui selon moi devaient dans la loi ancienne comme dans la loi nouvelle assurer sa plus parfaite exécution.
L'indemnité en faveur du propriétaire est aussi supprimée, il ne lui est laissé qu'une action en dommages-intérêts. Mais je le demande, que peuvent être, en justice réglée, des dommages-intérêts de chasse ? Que vous ayez tué un lièvre sur le champ de votre voisin, celui-ci pourra-t-il établir la quotité du dommage ? Je ne le pense pas ; car on pourra toujours prétendre que le lièvre qui était sur votre champ n'est pas par cela même votre propriété, que jusque-là, il n'appartient à personne, et qu'il rentre dans la catégorie des choses qu'en droit romain on appelait res nullius. Le gibier, en effet, ne nous appartient que quand nous l'avons saisi. Ainsi, il est vrai de dire qu'en refusant au propriétaire une partie de l'amende, vous lui refusez tous dommages-intérêts.
Je crois donc que la législation de 1790 avait agi avec sagesse en accordant au propriétaire une amende fixe à titre de dommages-intérêts.
Evidemment, en vertu de la loi actuelle, le propriétaire ne pourra jamais obtenir de dommages-intérêts qu'à titre des dégâts faits dans ses récoltes ; il ne peut en être autrement en présence des principes de droit généralement admis.
J'espère que le gouvernement voudra bien nous faire connaître les raisons qui l'ont conduit à déroger ici à la loi de 1790, sous le rapport des amendes attribuées aux communes et aux propriétaires. Je désire qu'elles soient satisfaisantes.
M. le président. - M. Verhaegen propose à l'article 2 une disposition additionnelle ainsi conçue :
« Pourra être considéré comme ne tombant pas sous l'application de cet article le fait du passage des chiens courants sur l'héritage d'autrui, lorsque ces chiens seront à la poursuite d'un gibier lancé sur la propriété de leurs maîtres, sauf l'action civile en cas de dommages. »
M. Verhaegen. - J'envisage, ainsi que je l'ai dit dans une précédente séance, le droit de chasse comme un droit inhérent à la propriété. Je l'envisage aussi au point de vue de la conservation des fruits.
En partant de cette base, je me suis demandé s'il ne faut pas accorder le même droit de chasse à tout propriétaire, sans égard à l'étendue du terrain qu'il possède.
Messieurs, il est, dans certaines provinces, tel petit propriétaire qui possède quelques bonniers de terre, et qui a un ou deux chiens courants, il ne chasse pas au fusil, mais s'il trouve un lièvre ou tout autre gibier sur sa propriété, il le lance au chien courant ; le chien courant, lancé, poursuit le gibier sur d'autres propriétés, un passage de ce chien sur des propriétés voisines doit-il nécessairement être considéré comme un délit de chasse ? Je ne conteste pas qu'il puisse, dans certains cas de ce genre, y avoir lieu à répression ; je demande seulement qu'on ne force pas les tribunaux à considérer le passage d'un chien sur d'autres propriétés comme constituant nécessairement un délit de chasse.
(page 474) Puisqu'on appelle la chasse un plaisir, je veux en laisser l'exercice à tout propriétaire, ne possédât-il que quelques bonniers de terre. Tel est le but de mon amendement.
Me dira-t-on peut-être que la mesure que je propose est une mesure aristocratique, en ce qu'elle tend à favoriser les chasses à courre avec des meutes nombreuses ? Mais je vous prie, messieurs, de remarquer que la disposition laisse une faculté au juge, et que, par conséquent, on examinera, d'après les circonstances, si certaines chasses à courre doivent ou ne doivent pas être réprimées ; en effet, je ne dis pas dans mon amendement : Ne sera pas considéré comme un délit, je me borne à dire : Pourra ne pas être considéré comme un délit, et j'ajoute :« Sauf les dommages intérêts, s'il y a lieu. » Car si, dans la poursuite du gibier, un dommage est causé par un grand ou par un petit propriétaire, il faut qu'il soit réparé.
D'ailleurs, je sens le besoin de le dire, je ne veux pas interdire les grandes chasses, les chasses à courre, pas plus que les petites chasses. Il faut être juste envers tout le monde, Ceux qui chassent à courre payeront les dommages s'ils en occasionnent, comme ceux qui chassent au fusil. Les habitants des campagnes n'ont pas eu jusqu'à présent à formuler des plaintes spéciales à l'égard des chasses à courre.
Ma proposition, je le répète en terminant, tend à favoriser la chasse du petit propriétaire, mais elle n'interdit pas les grandes chasses. Dans tous les cas, les tribunaux apprécieront les circonstances.
M. le président. - Voici un nouvel amendement proposé par M. de Corswarem.
« Le chasseur qui foulera des fruits appartenant à autrui, ou les laissera fouler par un chien, sera puni d'une amende de 16 à 50 fr., sans préjudice de dommages-intérêts, s'il y a lieu, à moins que les fruits foulés ne soient de la nature de ceux auxquels le passage d'un homme ne cause aucun préjudice. »
M. de Corswarem. - Messieurs, vous avez du comprendre, à la simple lecture de mon amendement, qu'il est tout à fait en faveur de la conservation des fruits de la terre. Tous les ans, des cultivateurs se plaignent partout que des chasseurs viennent fouler aux pieds leurs moissons. Ordinairement, ce préjudice est causé aux cultivateurs les plus pauvres. Tout cultivateur, propriétaire de chevaux, commence par labourer ses propres terres ; ses fruits ayant été semés les premiers sont récoltés les premiers ; mais les cultivateurs pauvres, qui n'ont pas de chevaux, sont obligés d'attendre que ceux qui en ont aient fait leurs semailles pour faire les leurs. Ainsi, les semailles des pauvres cultivateurs, faites beaucoup plus tard que celles des cultivateurs, propriétaires de chevaux, donnent une moisson qui n'est mûre qu'après les moissons dont les semailles ont eu lieu plus tôt. C'est donc presque toujours dans des champs d'avoine, de sarrasin, de tabac, de chanvre et d'autres fruits tardifs, appartenant à des pauvres, que se commettent les dégâts.
Il est vrai que ceux qui sont victimes de ces dégâts, peuvent réclamer des dommages-intérêts ; mais pour réclamer cette indemnité, ils doivent se constituer partie civile : or, c'est une faculté dont ne peuvent pas user de très petits propriétaires, des ouvriers, de pauvres gens.
M. le président. - Voici un amendement présenté par M. Jonet.
Après ces mots : « Sans le consentement du propriétaire et de ses ayants droit, » M. Jonet propose d'ajouter ceux-ci : « Et du propriétaire des fruits. »
Ensuite, après ces mots : « sous peine d'une amende de 50 fr., » M. Jonet propose d'ajouter ceux-ci : « et d'une indemnité de 10 francs, en faveur du propriétaire des fruits. »
M. Jonet. - Messieurs, je disais avant-hier que j'avais vu dans la loi une tendance à favoriser les grands propriétaires au préjudice des petits, et même au préjudice du cultivateur. L'article 2 du projet m'en donne une première preuve, j'en trouverai une deuxième dans l'article 3.
Quant à l'article 2, on propose de dire :
« Il est défendu de chasser sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit. »
Je me demande pourquoi l'on ne fait pas aussi quelque chose en faveur du propriétaire des fruits. Est-ce que le propriétaire du fonds est tellement maître d'une terre qu'il a mise en culture entre les mains d'un autre qu'il puisse, sans le consentement de celui-ci, permettre à un tiers ou se permettre à lui-même de venir chasser dans les récoltes du fermier ? Il y a là quelque chose qui blesse l'équité.
S'il faut une permission pour chasser sur les biens d'autrui, il ne faut pas seulement exiger la permission du propriétaire du fonds, mais il faut encore avoir la permission du propriétaire de la récolte. Celui qui chasse dans une récolte sans la permission du propriétaire de la récolte, devrait être puni plus sévèrement que celui qui chasse sur un fonds libre avec ou sans la permission du propriétaire.
Je voudrais donc qu'on dit : « Sans la permission du propriétaire, de ses ayants droit et du propriétaire des fruits. »
Voilà le premier but que j'ai recherché par mon amendement.
Voici le second but que je veux atteindre par cette disposition.
Je trouve dans la loi de 1790 une disposition qui est favorable aux propriétaires des fruits. Elle porte :
« Il est défendu à toutes personnes de chasser en quelque temps et de quelque manière que ce soit, sur le terrain d'autrui, sans son consentement, à peine de 20 livres envers la commune du lieu... »
Quant à l’amende au profit de la commune, amende dont on a demandé le maintien, je ne conçois pas bien sur quoi elle est basée ; pour moi, je ne vois pas la nécessité de cette indemnité.
La loi de 1790 ajoutait :
«.....et d'une indemnité de dix livres envers le propriétaire des fruits, sans préjudice de plus grands dommages-intérêts, s'il y échoit. »
On peut donc chasser au préjudice des droits d'un propriétaire des fruits ; eh bien, dans ce cas, la loi de 1790 avait fixé au profit du propriétaire des fruits une indemnité de 10 livres, avec la réserve d'une indemnité plus forte, s'il y avait lieu. Je demande aussi que cette indemnité au profit du propriétaire des fruits soit prononcée. Si vous ne fixez pas d'indemnité, la disposition devient nulle. En effet, un cultivateur n'ira pas faire un procès à un chasseur pour avoir 5, 6 ou 10 francs. Il n'ira pas non plus se constituer partie civile pour un objet aussi minime, avec la chance de payer tous les frais du procès, s'il n'obtient pas gain de cause.
Je voudrais donc qu'on maintînt au profil du propriétaire de la récolte l'indemnité de 10 livres, sans préjudice à une indemnité plus forte pour dommages-intérêts, s'il y a lieu. C'est le second objet de mon amendement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, il me semble que le caractère de l'amendement qui vient de vous être proposé, est tel qu'en voulant protéger les propriétaires des fruits, on porte en réalité atteinte à la propriété. Le propriétaire qui se réserve le droit de chasse accorde au fermier sa terre à des conditions plus onéreuses ; il en résulte que le propriétaire des fruits se trouve ainsi indemnisé en quelque sorte à l'avance du tort que la conservation du droit de chasse en faveur du propriétaire peut lui avoir causé. Je pense donc que, dans l'intérêt du propriétaire des fruits, l'honorable M. Jonet porte atteinte à la propriété même.
M. d'Huart, ministre d’Etat. - Messieurs, les divers amendements qui sont présentés, appartiennent à des ordres d'idées tout à fait différents. Ainsi, l'amendement de l'honorable M. Jonet ne se rattache nullement à celui qui a été déposé par l'honorable M. Verhaegen. Je crois donc que, pour la facilité de la discussion, il faudrait examiner séparément chaque amendement. (Assentiment.)
J'ai seulement demandé la parole pour prier l'honorable M. Verhaegen de donner une explication sur son amendement ; l'honorable membre, si je ne me trompe, ne parle que du passage des chiens ; il ne parle pas du passage des chasseurs ni des chevaux ; j'ai entendu quelques membres exprimer des craintes sur les conséquences de l'amendement ; ils pensent à tort que, dans la chasse à courre, les propriétés d'autrui pourraient être impunément traversées par les chasseurs et par les chevaux.
M. Verhaegen. - Messieurs, tout ce qui constitue un fait de chasse par lui-même ne se trouve pas compris dans mon amendement ; mon amendement ne se rattache qu'à des faits accessoires à la chasse. Ainsi un individu trouve un lièvre sur sa propriété ; il lance son chien à la poursuite du lièvre, mais lui reste en place, il n'accompagne pas son chien sur la propriété du voisin ; c'est à ce cas que s'applique mon amendement.
Ceux qui veulent faire une exception, quant aux chiens lévriers, présenteront un amendement spécial, nous l'examinerons ; pour le moment, je ne m'occupe ni des lévriers, ni des hommes, ni des chevaux, mais seulement des chiens courants poursuivant le gibier qu'un propriétaire fait lever sur son fonds et qui s'élance sur des fonds voisins.
M. Vanden Eynde. - Je pense que, pour arriver à une solution quant à la disposition de l'article 2, il y a lieu d'établir une discussion séparée sur chacun des amendements.
Je crois ensuite qu'il serait nécessaire d'établir une discussion sur l'article 2, tel que le propose la section centrale avec l'amendement du gouvernement, car la section centrale propose une amende de 50 fr. au profit de l'Etat, et une indemnité de 15 fr. envers le locataire ou le propriétaire de la chasse. Le gouvernement supprimant cette indemnité, il vaudrait peut-être mieux discuter les principes que l'article de la section centrale et les divers amendements.
Je propose donc qu'on discute, soit des questions de principe, soit séparément les divers amendements.
M. de Garcia. - On demande de discuter d'abord des principes, mais pour discuter des principes, il faut avant tout les connaître, il faut les poser. Selon moi, il y aurait plus de méthode, plus de logique à prendre les amendements les uns après les autres ; chacun d'eux repose sur le même principe ; ce ne sont que des modifications. M. le président pourrait faire choix de celui qui s'écarte le plus du projet du gouvernement pour le discuter le premier, et de cette manière je pense qu'on avancerait la besogne et qu'on arriverait beaucoup plus facilement à résoudre les questions qui nous sont soumises par les divers amendements.
M. Vanden Eynde. - J'ai demandé qu'on procédât par question de principe. Je voudrais qu'on posât la question de savoir si on condamnera le délinquant concurremment à une amende en faveur de la commune ou du trésor, et à une indemnité en faveur du propriétaire du terrain ou locataire de la chasse, et en faveur du propriétaire des fruits, comme le propose l'honorable M. Jonet. Le gouvernement propose d'infliger une amende de 50 fr. au délinquant, la section centrale propose de fixer l'amende à 50 fr. et d'accorder une indemnité de 15 fr. en faveur du propriétaire ou du locataire de la chasse. Voilà les questions de principe.
Y a-t-il lieu d'infliger en même temps une amende au profil du trésor et une indemnité en faveur du propriétaire du terrain ou du locataire de la chasse ou propriétaire des fruits, comme le portait la loi de 1790 ? Ces questions discutées, on pourra s'occuper successivement des amendements proposés par les honorables membres. C'est, selon moi, la marche la plus régulière, la plus logique.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Il me semble que ce que propose l'honorable préopinant, c'est la discussion d'un des amendements soumis à la chambre. Ce qui avait été proposé par un honorable membre me (page 475) paraissait plus régulier ; c'était de procéder à l'examen successif des amendements en laissant à M. le président l'appréciation de l'ordre dans lequel les amendements seraient soumis à la chambre.
M. de Brouckere. - L'ordre que vient d'indiquer M. le ministre de l'intérieur est très logique. Il y a des amendements qui se rattachent à l'article que nous discutons et qui doivent être discutés en même temps que l'article. Quant aux amendements de MM. Verhaegen et de Corswarem, ce sont des dispositions additionnelles que nous devrons discuter après.
J'avais demandé la parole pour proposer de s'occuper d'abord de l'article du gouvernement modifié par la section centrale et des amendements qui s'y rattachent, et en second lieu des dispositions qui sont additionnelles.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Deux amendements ont été proposés à l'article 2 : d'abord la proposition du gouvernement qui élève l'amende à 50 fr. et supprime l'indemnité au profit du propriétaire ou locataire de la chasse, et, en second lieu, la proposition de M. Jonet qui, outre le consentement du propriétaire ou locataire de la chasse, exige le consentement du propriétaire des fruits, et stipule, en sa faveur, une indemnité, sans préjudice de plus grands dommages et intérêts, s'il y a lieu.
M. de Brouckere. - J'avais demandé la parole sur l'amendement de M. Verhaegen ; je me réserve de la prendre quand il sera en discussion. Quant à celui de M. Jonet, tel qu'il est proposé, il ne peut pas être adopté par la chambre. Je crois qu'il faut laisser le propriétaire libre d'agir, quant au droit de chasse qui est inhérent à la propriété, comme bon lui semble. Le propriétaire, en louant sa terre, peut louer son droit de chasse ; dans ce cas, tout préjudice causé au locataire propriétaire de la chasse lui donnera droit à une indemnité ; si, au contraire, il est reconnu que le propriétaire s'est réservé le droit de chasse, soit pour lui, soit pour ceux auxquels il voudrait le déléguer, le fermier n'a plus aucun droit, sinon celui de réclamer des dommages-intérêts, si on porte un préjudice réel à sa propriété, aux fruits de la terre.
De sorte que la disposition proposée par M. Jonet serait en même temps fâcheuse et inutile ; fâcheuse en ce qu'elle limiterait le droit de propriété, inutile en ce que le propriétaire des fruits conserve sans cela son droit à des dommages-intérêts, comme tout particulier auquel on porte préjudice.
M. de Garcia. - J'ai dit, messieurs, que je ne comprenais pas pourquoi le gouvernement, dans son projet, avait supprimé l'amende prononcée au profit de la commune.
L'honorable M. Jonet a dit, de son côté, qu'il ne s'était jamais rendu compte de cette amende portée au profil de la commune. Qu'il me soit permis de faire connaître les raisons qui me semblent avoir dirigé le législateur français dans cette disposition de la loi de 1790.
Généralement les délits de chasse sont commis dans les communes rurales, les gardes champêtres surtout sont chargés de les constater. Ces agents de la force publique sont payés par la commune. C'était à titre d'indemnité de frais de police faits par la commune, qu'une partie de l'amende était attribuée à la caisse communale, cela me paraît tout à fait rationnel, et je pense que cet ordre de choses devait être maintenu dans la loi actuelle. Une disposition semblable n'est pas unique ; toutes les contraventions aux règlements de police communale fournissent des exemples d'amendes au profit des communes.
C'est le même esprit qui a inspiré les mêmes dispositions pour l'attribution des amendes. Partie des amendes de chasse doivent revenir à la caisse communale, parce que la commune surtout paye les agents qui font la police de la chasse. C'est tellement rationnel que je n'ai pas compris pourquoi le gouvernement avait supprimé cette disposition de l'ancienne loi.
Le gouvernement n'a pas expliqué davantage le motif qui l'avait déterminé à supprimer l'indemnité ou plutôt l'amende qui était prononcée au profit du propriétaire. Je me réserve de présenter quelques considérations sur ce point lorsque nous arriverons aux amendements qui se rattachent plus directement à celle partie de la loi.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. de Garcia a demandé pourquoi le gouvernement a supprimé le payement de l'amende au profit de la commune et le payement de l'indemnité en faveur du propriétaire. Messieurs, la loi de 1790 n'est plus en harmonie avec les dispositions de notre législation actuelle. D'après le Code pénal, les seules amendes établies au profit de la commune sont les amendes encourues pour contraventions de simple police. Mais, d'un autre côté, certaines obligations sont imposées à la commune, en regard des avantages que le versement des amendes peut lui procurer. Les communes doivent en effet entretenir dans la prison les individus condamnés du chef de contravention de simple police.
Si donc elles reçoivent un avantage résultant des amendes, elles supportent des frais assez considérables pour l'entretien des condamnés.
Quand une commune est intéressée à la répression d'un délit qui a porté préjudice à ses propriétés, cette commune, aux termes du décret du 18 juin 1831, est considérée comme partie civile ; elle est alors passible de tous les frais en cas d'insolvabilité des condamnés, elle doit faire les avances nécessaires pour les poursuites, et néanmoins, dans ce cas, elle ne touche pas les amendes ; pourquoi donc, en matière de délit de chasse qui ne constitue pas une lésion des intérêts communaux, la commune jouirait-elle du privilège qui ne lui est pas accordé dans le cas que je viens de citer ? Quand il s'agit d'un délit de chasse, c'est le trésor qui fait les avances ; par une conséquence naturelle, il doit profiter, suivant la règle commune, des amendes prononcées ; le délit de chasse n'est ni un délit communal, ni un délit rural, rien ne me semble donc justifier le maintien du principe de la loi de 1790. Il y a plus, il fallait mettre les dispositions de la loi en harmonie les unes avec les autres.
Or, la section centrale elle-même s'est prononcée dans l'article 3 pour le système d'après lequel aucune partie des amendes n'est attribuée aux communes ; c'est ce système que nous adoptons par l'article 2, parce qu'il nous paraît juste et conforme aux principes de la législation actuelle.
J'ajouterai un autre motif, tiré d'un fait posé par le gouvernement. Le projet de loi sur le régime pénitentiaire, présenté l'an dernier, contient une disposition d'après laquelle le gouvernement serait chargé de l'entretien de toutes les catégories de détenus ; et d'après laquelle toutes les amendes, même celles de simple police, seront dorénavant perçues au profit du trésor. Le gouvernement ayant adopté ce principe n'a pas cru devoir en dévier.
Quant à l'indemnité en faveur du propriétaire des fruits, nous n'avons pas cru devoir laisser subsister cette disposition.
L'indemnité n'est presque jamais payée parce que pour l'obtenir il faut se constituer partie civile. Or, la constitution de partie civile entraîne des dépenses plus considérables que l'indemnité de 15 francs, proposée par la section centrale pour le propriétaire.
Et dès lors nous avons pensé qu'il convenait de supprimer une disposition qui ne recevait presque jamais d'application, et était contraire au principe d'après lequel une indemnité ne peut être due que quand il y a dommage.
L'amende que la section centrale portait avec l'indemnité à 45 fr. était donc de fait réduite à 30 fr. ; puisque la somme de 15 fr. assignée comme indemnité n'était presque jamais payée.
Avec la disposition, telle que nous la proposons, l'individu lésé peut, s'il le juge convenable, se constituer partie civile pour obtenir réparation du dommage qui lui a été causé ; mais s'il n'a ressenti aucun dommage, il ne pourra toucher aucune indemnité.
Voilà, messieurs, les motifs qui ont déterminé le gouvernement à changer le système de la loi de 1790, je pense que ce changement obtiendra votre assentiment.
J'ajouterai un mot en réponse à l'observation présentée par M. de Garcia. Cet honorable membre a dit que la commune, si une partie des amendes lui était attribuée, serait intéressée à l'exécution de la loi. Mais je puis difficilement supposer que les autorités communales aient besoin d'un stimulant pour remplir leur devoir ; et s'il pouvait en être autrement, ne faudrait-il pas le même stimulant pour une foule d'autres délits, dont la répression importe plus, sans doute, que la répression des délits de chasse ? Dans tous les cas, ce serait plutôt le zèle des gardes champêtres qu'il faudrait stimuler, mais alors on adopterait le système de l'attribution des amendes aux gardes qui auraient constaté la contravention ; système dangereux en présence de la disposition d'après laquelle foi est due à leurs procès-verbaux ; le danger de ce système qui place les gardes entre leur conscience et leur intérêt ne nous a pas permis de l'adopter, et nous fait préférer le principe introduit dans l'article 2, et qui est, je le répète, en harmonie avec le système général du Code.
M. de Saegher. - J'ai demandé la parole pour appeler l'attention de la chambre sur une question assez grave soulevée à l'occasion de l'amendement de l'honorable M. Jonet.
Pour combattre cet amendement, l'honorable ministre de l'intérieur soutient qu'il porte atteinte à la propriété ; car, dit-il, le propriétaire qui loue son bien en se réservant le droit de chasse, le loue à meilleur compte. Par conséquent, ce serait porter préjudice au propriétaire que d'accorder au fermier le droit de donner une permission de chasser.
Dans le cas spécial que l'on indique, aucune difficulté ne peut surgir à cet égard. Mais que sera-ce si le propriétaire n'a pas réservé son droit de chasse, si le contrat de bail ne contient aucune disposition sur ce point ? C'est lorsque se présenteront les difficultés, c'est alors qu'il s'agira d'examiner la question de savoir ce qu'on entend par les ayants droit.
Sur cette question, les auteurs et la jurisprudence sont loin d'être d'accord. J'entends dire devant moi que la question est décidée dans les auteurs ; mais, je le répète, les auteurs et la jurisprudence sont loin d'être d'accord ; je pourrais citer plusieurs auteurs dont les ouvrages ont paru depuis peu d’années et qui professent des opinions diverses relativement à la question spéciale du droit de chasse ; en France, il est vrai, il est de jurisprudence aujourd'hui que c'est le propriétaire qui a le droit de chasse ; mais en Belgique la chose n'est pas si claire. Il n'y a pas unanimité. Il y a des arrêts récents ; entre autres, si je ne me trompe, un arrêt du commencement de 1845, où il est décidé qu'en l’absence de tout bail le droit de chasse appartient au fermier, comme au propriétaire.
Je ne me prononce ni pour l'un, ni pour l'autre système. Je dis seulement qu'il y a divergence, qu'il y aura des difficultés plus grandes ; que les procès deviendront plus fréquents sur cette question après l'adoption de la loi qui nous est soumise, par suite de l'importance plus grande que cette nouvelle loi donnera au droit de chasse.
Je crois qu'il convient de rédiger l'article 2, de manière qu'il ne puisse y avoir aucune difficulté sur la question de savoir quelles sont les personnes dont le consentement enlevé au fait de chasse le caractère de délit ou de contravention.
Qu'on accorde le droit de chasse au propriétaire seul, je le veux bien ; mais dans l'état actuel de la jurisprudence, je crois qu'il vaudrait mieux (puisque nous voulons faire une loi meilleure que celle qui nous régit) poser le principe dans la loi même, afin d'éviter le plus de contestations possible.
M. Fleussu. - J'avais demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. de Garcia demander pour la deuxième fois par quel motif le gouvernement s'opposait à ce qu'une partie des amendes comminées par la loi (page 476) fût attribuée aux communes. L'honorable membre m'a évité la peine de lui répondre ; car il a donné lui-même la raison de différence. D'après la loi de 1790, c'était la municipalité qui infligeait la peine ; c'est devant elle que le délit était poursuivi ; tandis que maintenant c'est le tribunal correctionnel qui inflige la peine, tous les frais de poursuite sont à la charge du gouvernement qui n'obtient pas toujours des condamnations ; ensuite, quand il obtient des condamnations, il ne recouvre pas toujours les frais de poursuites.
Pour établir une juste compensation, il convient que la totalité des amendes soit acquise au trésor public.
Je dirai deux mots sur l'amendement de l'honorable M. Jonet.
Il est vrai, comme on l’a dit, que la question de savoir si c'est au propriétaire ou au fermier qu'appartient le droit de chasse est controversée chez les auteurs et dans la jurisprudence. Cependant, d'après le dernier état de la jurisprudence en France, ce droit appartient au propriétaire.
C'est également le système de la loi. Si l'on veut rester conséquent avec ce principe, il ne faut pas que le fermier fasse obstacle au, droit du propriétaire, sauf dans le cas où celui-ci voudrait lui causer quelque dommage. Dans ce cas, le fermier aurait raison de réclamer des dommages-intérêts.
Pour rester dans l'esprit de la loi, vous ne pouvez adopter l'amendement de l'honorable M. Jonet.
Vous aurez remarqué qu'il y a augmentation de peine ; la loi de 1790 ne comminait qu'une amende de 10 fr., le projet l'élève à 50 fr. Cette aggravation de peine est plutôt apparente que réelle ; car indépendamment de l'augmentation de la valeur monétaire, s'il y a augmentation de l'amende, je crois que la confiscation de l'arme n’est pas maintenue.
D'après la disposition du projet du gouvernement, « l'amende sera portée à 100 fr., quand le terrain sera clos de murs ou de haies. » Il y avait une disposition analogue dans la loi de 1790. Mais il fallait que l'enclos fût attenant à une habitation. Je comprends que dans ce cas on double la peine.
C'était aussi ce qu'avait fait la loi de 1790, et c'est par inadvertance, je présume, qu'on n'a pas reproduit cette disposition dans la loi nouvelle.
Je propose donc de combler cette lacune en disant : « L'amende sera portée à 100 francs quand le terrain sera clos de murs ou de haies, et attenant immédiatement à une habitation.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je dois relever une erreur qu'a commise l'honorable M. Fleussu relativement à la confiscation de l'arme. Je ne sais quel sera le sort de cette disposition, mais l'article 8 renferme la disposition que l'honorable M. Fleussu croyait avoir été supprimée.
M. de Tornaco. - Messieurs, je regrette beaucoup que M. le rapporteur ne soit pas présent et que la section centrale n'ait pas désigné un de ses membres pour le remplacer. Je le regrette, messieurs, parce que je trouve l'article 2 qu'elle nous a proposé bien préférable à celui qui nous est présenté par le gouvernement.
Tout à l'heure l'honorable M. de Garcia vous à fait valoir des motifs en faveur de l'attribution d'une partie de l'amende à la commune où le délit aura été constaté. Je partage entièrement sa manière de voir sur ce point. Je suis partisan du maintien de cette allocation, et je trouve que jusqu'à présent on ne s'y est opposé par aucun argument sérieux.
Le but que nous devons désirer atteindre, est que la loi soit exécutée. Or, il est constant que si vous accordez aux communes une partie des amendes, les administrations de ces communes seront plus intéressées à faire agir les gardes champêtres qui, comme tout le monde le sait, sont fort indolents, et il me paraît juste que la commune qui fera les plus grands grais de la surveillance de la chasse ait une bonne part du produit des amendes.
J'insisterai également pour le maintien de l'indemnité en faveur des propriétaires. L'honorable M. Jonet vous a fort bien dit, que cette indemnité, qui peut être indifférente pour les grands propriétaires, ne l'est pas pour les petits.
On a dit que les petits propriétaires seraient assujettis à des dépenses trop élevées pour pouvoir réclamer l'indemnité. Je crois, messieurs, et un honorable membre développera probablement cette opinion, que l'indemnité devrait être allouée d'office.
Du reste je dois ajouter que j'ai encore d'autres motifs de maintenir l'indemnité, et ceux-là, je l'avoue, ne sont pas en harmonie avec l'opinion de l'honorable M. Jonet. Je pense que l'indemnité doit être accordée, non pas pour le dommage que l'on fait à la propriété, mais pour le dommage que l'on fait à la chasse. cette opinion, messieurs, n'est pas une opinion reçue, mais malgré cela, je crois qu'elle est saine. Cette opinion (que le gibier n'appartient à personne, qu'il appartient au premier occupant), est, à mon avis, mal fondée ; elle repose sur l'ignorance où l'on est, quant aux mœurs et aux habitudes du gibier. Pour vous faire bien comprendre ce que je veux dire, je vous citerai un exemple. Personne ne doute que les pigeons appartiennent au propriétaire du pigeonnier ; je suis d'accord sur ce point, je crois, avec l’honorable membre qui siège devant moi. Pourquoi les pigeons appartiennent-ils au propriétaire du pigeonnier ? C'est parce que les pigeons reviennent toujours à leur logement.
Cependant, messieurs, le propriétaire d'un champ peut tuer les pigeons qui viennent sur ce champ. Eh bien, messieurs, il en est parfaitement de même de tout le gibier que nous possédons dans notre pays (sauf les bêtes fauves). Ainsi le lièvre, le lapin, la perdrix et autre gibier qui a pris naissance dans votre bois, revient toujours dans ce bois, comme le pigeon revient toujours au pigeonnier. Malgré la chasse qu'où leur fait, ils se tiennent toujours au lieu de leur naissance ou aux lieux circonvoisins. Dans le fait, c'est ordinairement le propriétaire de ces lieux qui se les approprie définitivement, comme il fait des pigeons, malgré leurs excursions momentanées.
Je tenais, messieurs, à émettre cette pensée, parce que je crois que l'opinion qui s'est établie sur le gibier, dans le droit, dans la jurisprudence, est le résultat d'une erreur sur la nature des chasses, sur les mœurs du gibier.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, il est d'autres considérations que celles qui vous ont été présentées, qui ont déterminé le gouvernement à ne pas accorder à la commune l'amende qu'elle percevait autrefois, et à ne pas l'autoriser à donner une partie de cette amende aux gardes. Cette marche avait cet inconvénient que l'on récompensait le garde par la constatation d'un délit ou déterminé. Le gouvernement a pensé, messieurs, qu'il serait beaucoup plus sage, beaucoup plus utile d'accorder à ces agents des gratifications pour la constatation, non pas de tel délit en particulier, mais d'un certain nombre de délits. Or le gouvernement, dans l'intérêt de l'agriculture, accorde des gratifications de 5 ou de 10 fr., soit en raison du nombre de délits constatés, soit aux agents qui, dans l'exercice de leurs fonctions, ont déployé le plus d'activité, d'intelligence et de zèle.
Je crois que ce mode général de récompenser les agents et la constatation des délits, a un caractère beaucoup plus utile et plus moral que celui qui a été défendu par l'honorable préopinant.
M. le président. - La parole est à M. Van den Eynde.
M. Vanden Eynde. - M. le ministre de la justice et l'honorable M. Fleussu ont présenté les considérations que je voulais faire valoir.
M. Osy. - Messieurs, je désire présenter quelques observations sur l'amendement de l'honorable M. Fleussu.
Cet honorable membre a cru que c'était par oubli que l'on n'avait pas dit dans le second paragraphe de l’article en discussion que le terrain clos de murs ou de baies devrait être à proximité d'une habitation. Je crois, messieurs, que ce n'est pas sans motifs que l'on n'a pas inséré cette condition dans l'article, et je déclare que, quant à moi, je ne pourrais l'adopter.
Messieurs, lorsqu'un propriétaire, pour garantir un terrain, pour être assuré que l'inviolabilité de ce terrain sera aussi respectée que celle de son domicile, en opère la clôture au moyen d'un mur ou d'une haie, je dis que cette clôture doit être respectée, que le terrain soit éloigné ou soit à proximité d'une habitation. Je vois là un hommage rendu au droit de propriété. Un propriétaire doit toujours être libre de clore son terrain et d'exiger que cette clôture soit respectée. Je tiens au mot « clore, » parce qu'il emporte l'idée que tout est fermé.
Comme personne, messieurs, n'avait encore combattu l'amendement de l'honorable M. Fleussu, j'ai cru devoir déclarer que je m'y opposerais.
M. de Breyne. - Je ferai une simple observation sur le mot « clôture. » On parle de clôtures par un mur ou par une haie ; mais dans la Flandre, et particulièrement dans le district que j'habite, il y a beaucoup de clôtures par un simple fossé.
M. Jonet. - Messieurs, malgré les observations par lesquelles M. le ministre de l'intérieur a combattu mon amendement, je ne suis pas convaincu que le droit de propriété doive aller aussi loin qu'il l'a prétendu. Quand un propriétaire exploite lui-même, il fait de son champ tout ce qu'il veut. Mais quand il accorde à un autre par un bail la jouissance de son bien, je crois que le tiers doit avoir cette jouissance pleine et entière et par conséquent qu'il ne doit pas appartenir au propriétaire de permettre la chasse dans ce bien qui peut contenir des récoltes, sans porter préjudice aux droits du tiers. Cependant comme je prévois que cette première partie de mon amendement a peu de chances de succès, je la retire, en tant que je demandais le consentement du propriétaire de la récolte.
Mais je persiste dans la seconde partie de mon amendement. Je demande que l'individu qui aura chassé sur une terre cultivée qui ne lui appartient pas, soit condamné de plein droit à une indemnité de 10 fr. Je dis de plein droit pour que la condamnation soit prononcée d'office.
Je ne suis pas d'accord avec M. le ministre de la justice qu'il faille, pour obtenir cette indemnité, se constituer partie civile. L'indemnité est ici fixée par la loi ; ce n'est pas le juge qui doit la fixer. Je crois donc que les tribunaux correctionnels qui auraient reconnu l'existence du délit, devraient pouvoir accorder d'office cette indemnité. Si cela ne résulte pas des termes de la loi, je demande que cela y soit dit formellement.
On m'a répondu, messieurs, que le tort fait aux récoltes était insignifiant ; que le délit dont je parlais se commettait rarement. Messieurs, je connais un peu la campagne, et je puis déclarer que j'ai vu souvent chasser dans des récoltes. Quand la chaise est ouverte, il existe souvent encore beaucoup de récoltes sur pied. On a cité les pommes de terre. Je conviens que le tort dans une terre plantée de pommes de terre ne peut être considérable. Mais on chasse dans les avoines. Non seulement on y envoie les chiens, mais les chasseurs eux-mêmes les traversent, et il en résulte un tort quelquefois assez considérable pour le propriétaire.
Non seulement ou chasse dans les avoines, mais aussi dans les féveroles, dans les fourrages, et quand on traverse des fourrages, on y produit un dégât considérable
J’insiste donc pour la seconde partie de mon amendement.
M. de Theux. - Je demanderai à l'honorable M. Jonet s'il ne trouverait pas a propos qu'on différât la discussion de son amendement jusqu'à ce qu'en s'occupe de l'amendement de l'honorable M. de Corswarem. Il me semble que les deux amendements tendent au même but, et dès lors il conviendrait de les discuter ensemble.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Il n'y a qu'un inconvénient (page 477) à procéder de cette manière, c'est que la discussion qui vient d'avoir lieu, et qui est à peu près épuisée, va se reproduire lorsqu'on s'occupera de nouveau de l'amendement de M. Jonet. Il me semble qu'on pourrait se prononcer dès à présent sur cet amendement.
M. Jonet. - Je pense, en effet, qu'il y a quelques rapports entre l'amendement de M. de Corswarem et le mien, et je ne serais pas fâché qu'on les discutât en même temps.
M. de Corswarem. - Messieurs, d'honorables membres qui ont en cette matière plus de pratique que moi, m'ont fait observer que la rédaction de mon amendement laissait quelque chose à désirer. Je demanderai donc la permission d'y substituer la rédaction suivante :
« Le chasseur qui foulera ou laissera fouler par un chien le champ d'autrui garni de céréales, de plantes oléagineuses, de tabac ou de trèfle à graine, mûrs ou près de leur maturité, sera puni d'une amende de 16 à 50 francs, sans préjudice de dommages-intérêts en faveur du propriétaire des fruits. »
M. le président. - M. Jonet consent-il à ce que la discussion de son amendement soit jointe à celle de l'amendement de M. de Corswarem ?
M. Jonet. - C'est comme la chambre le désire, mais je déclare que je n'abandonne pas mon amendement.
M. de Garcia. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Jonet n'est en quelque sorte que le renouvellement de ce qui existait dans la loi de 1790 ; seulement M. Jonet dit que son intention est que l'indemnité soit allouée d'office, et que, s'il y a des doutes à cet égard, il demandera qu'on le dise dans la loi. Quant à moi, messieurs, je désire ce que veut M. Jonet ; mais pour arriver à ce résultat il faut que la loi prononce, car aujourd'hui les tribunaux n'appliquent pas la disposition comme l'honorable membre voudrait qu'elle fût appliquée.
Maintenant, l'amendement de M. Jonet a-t-il un rapport direct avec celui de l'honorable M. de Corswarem ? Je ne le pense pas. Ce dernier n'atteint réellement qu'un délit de foule, et ce délit est puni par le code pénal et par la loi du 28 septembre 1791. Dès lors je ne comprends pas comment on veut punir ce délit commis par un chasseur autrement qu'il ne l'est dans les cas ordinaires. Le délit de foule et de dévastation des récoltes, prévu par l'article 477 du code pénal et par d'autres dispositions de loi, le serait encore par la loi qui nous est soumise : il y aurait ainsi évidemment deux lois sur la même matière. Je vous avoue, messieurs, que je ne comprendrais pas une législation semblable.
- La proposition de M. de Theux, tendant à ce que l'amendement de M. Jonet soit discuté en même temps que celui de M.de Corswarem, est mise aux voix et adoptée.
M. d'Huart. - Personne de vous n'ignore que dans certaines parties du pays on a exécuté la loi de 1790 avec une telle rigueur qu'il était presque impossible de chasser au chien d'arrêt. C'est ainsi que, dans l'arrondissement de Charleroy, des chasseurs étaient déclarés en contravention lorsqu'ils passaient avec le fusil dans un champ de pommes de terre, ou dans un champ de trèfle, c'est-à-dire où ils ne pouvaient faire aucun dommage ; le chasseur était puni, dans ce cas, d'après la loi de 1790, même pour avoir chassé sur son propre champ. Ceci, messieurs, avait amené une foule de vexations contre les propriétaires ; eh bien, je ne crains pas de le dire, la proposition de l'honorable M. de Corswarem rétablirait les choses dans un état tout aussi rigide et intolérable, la chasse serait en réalité interdite au chien d'arrêt et je vais le démontrer.
M. le président. - L'amendement de M. de Corswarem n'est pas encore en discussion.
M. d'Huart. - Je le croyais, M. le président ; je renonce à la parole tout en exprimant le regret d'avoir, à mon insu, commencé à empiéter sur une discussion qui n'était pas encore ouverte et dans laquelle je reviendrai régulièrement quand le moment sera venu.
- La discussion est close sur l'article 2 et sur les amendements.
L'amendement de M. Fleussu est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté avec les amendements présentés par M. le ministre de l'intérieur.
- La discussion est ouverte sur les amendements de MM. Verhaegen, de Corswarem et Jonet.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Dans la rapidité avec laquelle les amendements se sont succédé, et qui a constitué une espèce de chasse aux amendements, il a été bien difficile au ministère de saisir toute la pensée des auteurs de ces propositions ; c'est ainsi que je ne sais pas bien comment dans la pratique on pourrait exécuter l'amendement de l'honorable M. de Corswarem.
Si j’en ai bien compris les termes, il y a entre cet amendement et celui de l'honorable M. Verhaegen une contradiction flagrante. Ensuite, il y a dans les termes mêmes un tel vague que son adoption livrerait trop à l'arbitraire les moyens de constater les délits.
La chasse même deviendrait impossible, si l'on acceptait cet amendement, que je considère d'ailleurs comme inutile en présence de notre législation,
J'abandonne cette observation à l'appréciation de la chambre. Elle me semble prouver tout d'abord qu'il est impossible que la chambre admette des amendements ainsi conçus.
M. de Brouckere. - Messieurs, l'amendement qui a été présenté par l'honorable M. Verhaegen, me paraît parfaitement juste, et si juste que je suis convaincu que, dans le silence de la loi, les juges l'appliqueraient, en lui donnant le sens que l'amendement de l'honorable membre tend à lui donner d'une manière précise.
En effet, messieurs, il est impossible de soutenir que le simple passage d'un chien sur l'héritage d'autrui constitue par lui-même un délit. Il serait presque absurde de consacrer un semblable principe dans la loi.
Mais il est des cas où le passage du chien sur l'héritage d'autrui doit constituer un délit. Ainsi, par exemple, pour m'expliquer plus clairement, un chasseur se rend avec des chiens courants sur sa propriété ; cette propriété est tellement limitée, qu'il lui est impossible de se livrer à l'exercice de la chasse, sans que ses chiens soient forcés de parcourir le terrain d'autrui. Je dis, moi, que cet homme se met en contravention avec la loi ; il est venu chasser avec l'intention de chasser sur le terrain d'autrui : il y a contravention. Mais un autre chasseur qui possède de grandes propriétés se rend avec ses chiens sur ses propriétés qui suffisent pour constituer une chasse à courre ; accidentellement un de ses chiens s'éloigne de lui, et traverse le champ d'autrui, irait-on considérer ce fait comme une contravention à charge du chasseur, et lui infligera-t-on une amende ? Je dis que cela serait souverainement injuste. Tout ce qu'on peut prétendre avec raison, c'est que le chasseur sera responsable du dégât qu'aura commis son chien, en traversant le champ d'autrui, contre sa volonté. C'est là le principe que veut consacrer l'amendement de l'honorable M. Verhaegen. (Interruption.)
L'honorable M. Verhaegen m’interrompt pour me dire que telle n'est pas la portée de son amendement ; que lui, au contraire, veut favoriser les petits propriétaires. Je lui demanderai si, par hasard, il entend que le propriétaire d'un hectare ou d'un demi-hectare, par exemple, pourra se livrer à l'exercice de la chasse à courre. Si l'on adoptait un pareil principe, on autoriserait le braconnage dans la loi.
Ce n'est pas ainsi que l'on doit entendre l'amendement de l'honorable M. Verhaegen ; il doit être interprété en ce sens, qu'il ne peut y avoir de délit que dans le cas où il y aurait volonté de commettre un délit ; que le propriétaire qui se livre à l'exercice de la chasse à courre et qui a des propriétés suffisantes, pour que cet exercice soit possible, sans qu'on doive aller sur le terrain d'autrui ; que ce propriétaire, dis-je, ne doit pas être puni, parce qu'un de ses chiens se sera éloigné de lui plus que le propriétaire ne le désirait ; mais par contre il faut qu'on punisse l'homme qui se livre à l'exercice de la chasse à courre, avec intention de faire chasser ses chiens sur le terrain d'autrui.
M. Mast de Vries. - Je viens aussi appuyer l'amendement de l'honorable M. Verhaegen, mais non par les mêmes motifs qu'a fait valoir l'honorable préopinant.
Je dis que si vous n'adoptez pas cet amendement, la chasse devient impossible.
Il n'y a peut-être pas en Belgique six propriétaires qui aient assez de terrain, pour pouvoir garantir que leurs chiens qui forcent un lièvre, par exemple, ne s'éloignent pas de leurs propriétés, pour aller sur celles de leurs voisins. Ainsi, le rejet de l'amendement équivaudrait à une prohibition de la chasse.
Quant à l'amendement de l'honorable M. de Corswarem, je ne puis pas l'admettre dans le sens qu'on vient de lui donner. Il est malheureusement vrai que, lorsque la chasse est ouverte, une partie de la récolte se trouve encore sur le terrain. Il est vrai aussi que cette partie appartient le plus souvent aux gens les moins fortunés, aux personnes qui n'ont pas le moyen de faire la récolte immédiatement après que les fruits de la terre ont acquis leur maturité.
Il y a un moyen d'obvier à cela ; et si ce n'était la grande quantité d'amendements dont la chambre est déjà saisie, j'en pourrais, comme chasseur, proposer un, de nature à porter remède à cet état de choses.
Des membres. - Proposez-le.
M. Mast de Vries. - C'est de la chasse à courre que proviennent les dégâts dont on se plaint. Eh bien, qu'on dise, dans la loi, que la chasse à courre ne pourra avoir lieu qu'un mois après l'ouverture de la chasse. Alors il n'y a plus de récoltes dans les champs.
Je fais donc une proposition dans ce sens.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, je ne verrais aucun inconvénient à adopter cette proposition ; mais déjà le gouvernement est investi de l'autorité suffisante pour déterminer, au moment où il fixe l'ouverture de la chasse, l'époque à laquelle la chasse à courre aura lieu.
M. Mast de Vries. - D'après cette explication, je retire mon amendement.
M. de La Coste. - Messieurs, je ne sais pas si l'amendement de l'honorable M. Verhaegen est tout à fait nécessaire. D'après le projet ministériel, ainsi que d'après les derniers amendements, le passage des chiens courants sur la propriété d'autrui ne pourra être puni comme un délit de chasse qu'à la demande du propriétaire.
Or, entre les propriétaires, il doit exister de certains ménagements, une certaine courtoisie : on ne fera guère poursuivre que lorsqu'il y aura véritablement délit.
Mais si nous adoptons l'amendement de M. Verhaegen, comme ce sera pour ainsi dire le juge qui fera la loi, il est extrêmement important que la discussion fixe bien le but et la portée de celle-ci.
Messieurs, comme on l'a déjà dit, il y a des distinctions à faire. L'honorable M. Verhaegen se préoccupe surtout des petits propriétaires ; si je l'ai bien compris, il a supposé un individu qui posséderait un petit coin de terre, sur ce coin de terre un lièvre, et en outre un chien, et qui mettrait son chien à la poursuite de son lièvre. Il est évident que ce propriétaire ne peut se livrer au plaisir de la chasse, qu'en poussant ce lièvre sur le terrain d'autrui.
(page 478) Quant à moi, je crois bien qu'il ne faudrait pas se prêter a ce genre de divertissement de la petite propriété. Voici, en effet, ce qui se passe :
On loue, par exemple, un boqueteau qui se trouve au milieu d'une commune, où la chasse est bien gardée ; et permettez-mot d'ajouter en passant que la chasse est gardée à la demande des cultivateurs, qui n'aiment pas à voir leurs terres livrées aux braconniers ; eh bien, au milieu d'une chasse gardée, un chasseur ou une association de chasseurs loue un boqueteau, et de là comme d'une citadelle, les locataires lancent leurs chiens courants dans toute la chasse gardée.
Voici un autre cas. La chasse bien gardée est entourée d'autres communes où elle ne l'est pas. Alors les braconniers viennent se placer à la limite, lancent leurs chiens dans cette chasse, et attendent le gibier au passage pour l'abattre.
Je sais que cela ne tombe pas dans les termes de l'amendement de M. Verhaegen, mais c'est là l'abus qu'il faut prévoir ; et dans le cas où l'on adopterait son amendement, il faut qu'il soit entendu que ces cas sont punissables.
Je crains néanmoins qu'il ne soit extrêmement difficile de savoir quand un lièvre abattu sur le terrain d'autrui, poursuivi par un chien courant, a été levé sur la chasse gardée où il a été abattu, ou sur la petite propriété qui a été louée au chasseur ou à une réunion de chasseurs.
Si l'amendement est adopté, il faut bien abandonner cette appréciation au juge ; mais il était nécessaire que notre discussion lui servît de guide. Du reste, je conçois qu'il est intéressant, avantageux même pour certaines localités, qu'on y favorise la chasse à courre, qui ajoute aux moyens d'existence des habitants, par les dépenses qu'elle occasionne.
Je ne m'oppose pas à l'amendement, mais je désirerais que la rédaction en fût bien méditée. En prenant la parole j'ai eu pour but d'en fixer le sens par les observations que j'ai faites, qui, j'espère, ne seront contredites par personne.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je ferai remarquer d'abord que la rédaction proposée par l'honorable M. Verhaegen est textuellement puisée dans la loi française où je lis : « Pourra ne pas être considéré comme un délit de chasse, le fait du passage des chiens courants sur l'héritage d'autrui, lorsque ces chiens seraient à la suite d'un gibier lancé sur la propriété de leurs maîtres, sauf l'action civile, s'il y a lieu, en cas de dommage. »
Le juge, en l'absence d'une dispositions, pouvait apprécier le fait et le caractériser suivant les circonstances ; mais en introduisant cette disposition dans la loi, on a voulu empêcher que le passage d'un chien courant sur l'héritage d'autrui ne fût ipso facto considéré comme un délit.
Il y a des choses qui vont d'elles-mêmes, sans les dire, mais elles ne vont que mieux en les disant dans la loi.
Cette discussion a eu l'avantage d'égayer la chambre française comme elle a égayé la nôtre. Plusieurs membres ont fait l'observation qu'il était impossible à un chasseur de tenir son chien par la queue. C'est l'expression dont on s'est servi.
M. Desmet. - J'appuie l'amendement de M. Jonet, ainsi que celui de M. de Corswarem. Le but du projet est de diminuer le braconnage. Il est constant que le chasseur qui chasse sur le terrain d'autrui sans en avoir obtenu la permission, fait acte de braconnage. Le fermier qui le trouvera doit avoir le droit de le dénoncer, car le propriétaire qui n'est pas sur les lieux, ne peut pas l'attraire en justice. On doit donc admettre l'amendement de M. Jonet. L’amendement de M. de Corswarem doit être adopté aussi dans l'intérêt du cultivateur.
M. le ministre de l'intérieur a cru que l'amendement de M. de Corswarem était une nouveauté. Cela existe aujourd'hui dans deux endroits de notre législation.
L'article 471 du code pénal défend à tout individu n'étant ni propriétaire, ni usufruitier, ni locataire, ni fermier, ni jouissant d'un terrain ou d'un droit de passage ou qui n'étant agents ni préposes d'aucune de ces personnes, d'entrer et de passer sur aucun terrain ou sur partie de ce terrain s'il est préparé ou ensemencé. Votre loi de 1790 contient la même disposition. La seule différence, c'est que M. de Corswarem a indiqué les fruits de récoltes tandis que l'article du code pénal comme celui de la loi de 1790 est général. Il n'y a donc là aucune nouveauté et c'est une disposition nécessaire dans l'intérêt de l'agriculture.
M. le ministre de l'intérieur, répondant à l'observation de M. Mast de Vries, a dit : Nous pourrons réglementer cela par arrêté. Oui, pour ce qui concerne la chasse à courre avec meute, mais non pour ce qui concerne les dommages que les chasseurs ordinaires peuvent causer à l'agriculture ; pour cela, c'est la loi qui doit disposer. J'appuierai donc les deux amendements. Cependant, je ne sais pas si M. de Corswarem n'aurait pas mieux fait de prendre la rédaction de la loi de 1790, qui dit simplement qu'avant toute récolte et après les semis, on ne peut pas parcourir les champs pour chasser. Les terres ensemencées que le chasseur parcourt en éprouvent un grand dommage.
Je demanderai une explication sur un autre point. Comme il est défendu de chasser sans permis de port d'armes sur le terrain d'autrui hors de l'ouverture de la chasse, je demanderai si cependant il n'est pas permis de chasser en tout temps dans l'enclos attenant à mon habitation. A moins que le ministre ne dise que c'est sous-entendu, comme la loi ne le dit pas, je déposerai un amendement. Car il faut nécessairement excepter de l'interdiction, les jardins potagers attenant aux habitations. Quoi! je ne pourrais pas prendre, tuer un gibier dans mon jardin ! le garde champêtre viendrait dans mon habitation verbaliser! Cette faculté de tuer du gibier dans son jardin a toujours existé, elle existe dans la loi française. L'amendement que je propose a pour but de la maintenir, c'est la reproduction de l'article 2 de la loi française. La loi serait évidemment dirigée contre le droit de propriété, si m voulait verbaliser contre celui qui aurait tué un lièvre dans son jardin.
M. le président. - Voici l'amendement que M. Desmet a déposé :
« Le propriétaire ou possesseur peut chasser ou faire chasser en tout temps sans permis de chasse dans ses possessions attenant à une habitation et entourées d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins. »
M. de Saegher. - J'ai déposé un amendement dans les mêmes termes au commencement de la séance.
Plusieurs voix. - Cela se rapporte à l'article 3.
M. le président. - C'est parce que l'amendement de M. de Saegher se rapportait à l'article 3 que je n'en avais pas donné lecture quand il a été déposé.
Voici la dernière rédaction de l'amendement de M. Jonet :
Après les mots « 50 fr., » il propose d'ajouter « et d'une indemnité de 10 fr. en faveur du propriétaire, sans préjudice dédommages et intérêts, s'il y a lieu. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - J'avais demandé la parole sur la première partie des observations de M. Desmet, lorsque cet honorable membre a dit que l'amendement de M. de Corswarem n'était pas nouveau, qu'en conséquence j'avais eu tort de le blâmer. L'honorable membre n'a pas bien compris la portée de mon objection. Je n'ai pas dit que cet amendement fût nouveau ; mes observations n'ont porté que sur la rédaction d'une partie de cet amendement. Nous n'avons pas proposé de mesure à cet égard, parce que les articles 471 et 473 du Code pénal accordent une protection suffisante au cultivateur en cas de destruction de récoltes par les chasseurs. Mes observations ne portaient nullement sur le principe de l'amendement que nous avons rappelé dans l'exposé des motifs ; mais, je le répète, si la proposition, ainsi que l'a formulée l'honorable préopinant, était adoptée, toute espèce de chasse serait impossible.
Comme l'amendement de M. Desmet est ajourné jusqu'à l'examen de l'article 3, je n'aborderai pas maintenant la partie de ses observations qui s'y rapporte.
M. Verhaegen. - On a tellement dénaturé mon amendement que je ne le reconnais plus ; bientôt même je serai tenté de le répudier en présence des interprétations qu'on lui donne.
Il est de fait que je ne l'entends pas comme l'honorable M. de Brouckere, car il irait contrairement au but que je me suis proposé. Je ne l'entends pas non plus comme l'a entendu l'honorable M. de la Coste, qui probablement ne m'a pas compris, car je n'ai pas voulu faire une chasse au microscope. Il ne s'agit pas d'un petit bout de terrain où, avec un petit chien, on irait chasser un petit lièvre ; il ne s'agit pas de cela ; car cela se réduirait à une très petite plaisanterie. Je présente mon amendement comme ayant quelque chose de très sérieux.
J'ai considéré le droit de chasse comme inhérent à la propriété. Je veux que le droit soit égal pour tous, le même pour le petit comme pour le grand propriétaire. Par petit propriétaire je n'entends pas celui qui n'a qu'un petit coin de terre, même un bonnier ; mais celui qui a quelques bonniers ; celui-là peut avoir un ou deux chiens courants et s'amuser tout aussi bien que les grands propriétaires qui ont des meutes considérables ou chassent au fusil. Il ne faut pas enlever à ce petit propriétaire le plaisir de chasser au chien courant. Dans certaines provinces, cela se fait ; il y avait tout à l'heure auprès de moi un collègue de la province de Namur qui me disait que là on chasse avec certains chiens courants, des chiens bassets qui restent dans un cercle étroit. Maintenant, moi qui ai désiré que tout propriétaire pût jouir du droit de chasse, je ne veux pas d'exagération ; on disait tout à l’heure derrière moi : La chasse est à tout le monde ; je n'ai pas dit cela, puisque je rattache le droit de chasse au droit de propriété. Pour moi, tout le monde, c'est tout propriétaire petit ou grand, ou le locataire, quand le propriétaire ne s'est pas réservé le droit de chasse.
Je désire que tous puissent user du droit de chasse, que ce soit avec un ou deux chiens courants, avec un fusil ou autrement. Ce serait impossible si l'on considérait comme un délit pour le maître le fait du chien qui poursuivrait le gibier sur la propriété d'autrui. Je veux laisser au juge à décider s'il y a ou non délit d'après les circonstances.
Si un braconnier veut invoquer le bénéfice de mon amendement, ce sera vainement ; le juge, appréciant les circonstances, le condamnera. Je n'ai donc pas peur du braconnier.
Je n'ai pas peur non plus des grandes chasses à courre. On a parlé d'aristocratie ; mais ce mot ne me fait pas peur. Si de grands propriétaires veulent faire des chasses à courre, je ne m'en effraye pas. Je ne veux pas plus enlever le droit de chasse aux grands propriétaires qu'aux petits propriétaires. Ici encore, je laisse toute latitude au juge qui, si un dommage est causé, l'appréciera, et qui prononcera d'après les circonstances.
M. de Garcia. - Au point de vue sérieux, comme vient de le dire l'honorable M. Verhaegen, je partage complétement les pensées qu'il vient d'émettre et je voterai avec plaisir l’amendement qu'il nous a soumis.
L'honorable membre entend que chacun, grand ou petit propriétaire, ait le droit de chasser. Ce système est le mien, et s'il ne formait la base fondamentale de la loi que nous discutons, je ne pourrais lui donner mon appui et je la rejetterais de mon vote.
Les tribunaux, dit-on, n'auront pas, dans l'amendement présenté par l’honorable membre, les éléments nécessaires pour apprécier les faits, pour distinguer s'ils sont ou non punissables. Je ne puis partager cette manière de voir. Toujours en matière de délits les tribunaux doivent apprécier l'intention qui accompagne un fait, et dans l'espèce la loi les saisit formellement de cette appréciation.
(page 479) Il est évident que si un chasseur se faisait un plaisir continu de lancer du gibier à l'extrémité de sa propriété et uniquement pour ravager la chasse de son voisin, cette circonstance et d'autres pourront se constater et que dans ce cas les tribunaux feront une juste application de la loi, en puni sent le chasseur dont les chiens seraient pris chassant sur la propriété d'autrui.
Je n'en dirai pas davantage sur cet amendement qui a mon entier assentiment et qui aura mon vote.
Puisqu'on convient de discuter simultanément l'amendement de l'honorable M. de Corswarem, qu'il me soit permis d'ajouter quelques mots. Ce dernier amendement, je le repousse de toutes mes forces, et l'on doit le reconnaître, cette proposition a beaucoup plus de rapport à la police rurale qu'à la police de la chasse, l'on pourrait même dire qu'elle est complétement étrangère à la matière que nous traitons.
Les contraventions que veut réprimer l'honorable membre sont prévues par des lois d'un ordre différent et sont notamment réprimées par diverses dispositions du code pénal et de la loi du 23 septembre 1791, que les tribunaux appliquent tous les jours.
En législation, plus qu'en aucune matière il faut conserver de l'ordre et de la méthode. En confondant les matières, on courra risque de n'en régler aucune convenablement.
Or, l'amendement de M. de Corswarem me paraît complétement étranger à la loi qui nous occupe ; dès lors je pense qu'il doit être rejeté.
Un autre motif de rejeter cet amendement, c'est qu'il pourrait amener de la confusion et de l'embarras dans l'application des dispositions de lois existantes sur les délits de foule, de destructions et dévastations des récoltes.
Au surplus, messieurs, si les lois sur la police rurale sont insuffisantes, et quant à moi, je pense que cette matière doit être révisée, il viendra un moment où l'on pourra utilement s'occuper de la proposition de l'honorable député de Hasselt ; mais aujourd'hui nous devons éviter de confondre les principes et les dispositions de deux lois bien distinctes.
Bien que la loi de la chasse et les lois sur la police rurale aient certains rapports entre elles, nul ne peut disconvenir pourtant, qu'on ne pourrait réunir la discussion de ces deux matières, sans amener la confusion dans les débats de la loi en discussion. Par ces considérations, j'engage la chambre à écarter purement et simplement l'amendement de l'honorable M. de Corswarem.
M. de Corswarem. - Tout ce qu'on a dit contre mon amendement m'a donné la certitude qu'il est très utile. Cependant si celui de l'honorable M. Jonet est accepté, je pourrais peut-être alors retirer le mien, parce que la disposition proposée par cet honorable membre tend à attribuer d'office une indemnité au cultivateur dont les fruits ont été foulés. C'est le seul but que je veux atteindre.
Je suis loin de trouver, comme M. le ministre de l'intérieur, que les termes dont je me suis servi, seraient trop vagues. Quand je dis celui qui foule des fruits mûrs ou près de leur maturité, j'emploie les expressions dont se sert la loi, et qui servent à distinguer les fruits sur champ, au moment de l'ouverture de la chasse, de ceux qui proviennent de semailles postérieures et qui ne sont ni mûrs, ni près de leur maturité, pendant que la chasse est ouverte. Il n'y a donc aucun vague, aucune élasticité. Ces expressions sont très précises.
M. le ministre trouve aussi que je laisse beaucoup trop à l'arbitraire dans l'appréciation du délit. Mais la loi de 1790 laissait bien plus à l'arbitraire ; elle dit « avant toutes récoltes. » J'ai trouvé ces expressions beaucoup trop vagues. C'est pourquoi j'ai précisé certaines récoltes.
On me dit que j'ai omis le sarrasin dans l'énumération que comprend mon amendement ; mais j'ai employé le mot céréales qui comprend bien évidemment le sarrasin.
Je suis tout à fait de l'avis de l'honorable M. Verhaegen, que le chien à la poursuite d'un lièvre lancé doit pouvoir le poursuivre sur le terrain d'autrui. Mais l'honorable M. Verhaegen pense-t-il qu'il doit pouvoir le poursuivre à travers les moissons d'autrui ? J'admets le système de l'honorable membre, lorsqu'il n'y a aucun préjudice porté à personne. Mais lorsque les récoltes sont sur pied, c'est inadmissible.
Quant aux objections de l'honorable M. d'Huart, on dirait en vérité que je les connaissais, lorsque j'ai présenté mon amendement. Il a dit que le tribunal de Charleroy condamnait les chasseurs trouvés dans tout champ de trèfles quelconque, un autre qui était sur sa propriété ; or, d'après mon amendement le chasseur n'est punissable que s'il est dans des trèfles en graines, sur le terrain d'autrui et dans des fruits appartenant à autrui.
M. de Saegher. - Je ferai une simple observation relative à l'amendement de l'honorable M. Verhaegen. Il me paraît impossible de l'admettre, si on le considère de la manière que le comprennent la plupart des honorables membres qui ont pris la parole. En effet, si l'on adopte l'opinion de ces membres, l'amendement est inutile ; car il ne fait exception que pour un fait qui ne constitue pas un délit de chasse, qui ne rentre pas dans la disposition de l'article 2 du projet. Cet article ne punit que le fait de chasse uni à l'intention. Or l'amendement ne comprend qu'un fait accidentel, indépendant de la volonté du chasseur, et qui, par conséquent, ne constitue pas de délit.
Le juge donc, qui ne peut appliquer l'article 2 qu'au délit de chasse, ne l'appliquera pas au fait qui ne constitue pas le délit. L'amendement est donc inutile sous ce rapport.
Sous un autre rapport, l'amendement est dangereux, car il est à craindre que les braconniers ne prennent texte de cet article pour se tirer d'affaire devant les tribunaux, en invoquant le texte en leur faveur. Telle serait, selon nous, la conséquence de l'amendement interprété, non dans le sens de l'honorable auteur de l'amendement, mais dans le sens dans lequel l'on compris la plupart des orateurs qui s'en sont occupés.
Cet amendement est emprunté à la loi française, mais la loi française lui donne une portée toute différente de celle que veut y attacher l'honorable M. Verhaegen ; compris de la manière que l'explique cet honorable membre, il constitue une véritable organisation du braconnage. Il est impossible de méconnaître que si l'on pouvait chasser comme l'entend l'honorable M. Verhaegen, il n'y eût de nombreux abus. Ce serait évidemment favoriser le braconnage.
M. Dubus (aîné). - Il me sera impossible d'adopter l'amendement de l'honorable M. de Corswarem dans les termes dans lesquels il est présenté. Cet amendement aurait pour résultat de créer un délit nouveau. Il a le tort d'être un amendement improvisé dont nous n'avons pas pu peser les expressions, et dont l'application donnerait lieu à de graves inconvénients et même à des injustices criantes.
Quant à l'intérêt privé des propriétaires des récoltes auxquels un préjudice aurait été porté, cet intérêt est sauf, parce que ces personnes ont toujours l'action civile qu'ils peuvent porter devant les tribunaux. Ainsi, sous ce rapport, il n'y a pas d'injustice. Mais la partie publique devrait poursuivre toutes les personnes auxquelles s'appliquerait la disposition. Il arriverait qu'une personne serait poursuivie, quoiqu'elle n'ait eu nullement l'intention de commettre un délit. Ainsi il suffirait que le chien d'un chasseur eût été dans un champ de céréales, pour que le chasseur fût traîné devant le tribunal correctionnel, et condamné à une amende.
Je dis, messieurs, qu'il n'est pas de chasseur, si attentif qu'il soit, à qui cela ne puisse arriver. Si le chien poursuit une pièce de gibier blessé, et si cette pièce de gibier se réfugie dans un champ garni de céréales, le chien y pénétrera. Le chasseur aurait beau faire ; il ne pourrait l'empêcher d'y pénétrer. Eh bien ! dès lors ce chasseur sera déclaré coupable devant un tribunal correctionnel.
Que l'on porte une disposition par laquelle il sera défendu de chasser dans un champ garni de céréales, de plantes oléagineuses, etc., et que pour sanction on punisse celui qui, au mépris de cette disposition, aura chassé dans des champs garnis de pareilles récoltes, je pourrai donner mon assentiment à un pareil article.
Mais il n'en est pas de même de l'article mis en ce moment en discussion, article dont l'exécution pourrait donner lieu à de graves inconvénients. Il n'y a pas de délits, messieurs, sans intention. Or, ici, il y aurait presque toujours délit sans intention, et malgré même l'intention bien formelle d'éviter le fait qui donne lieu au délit.
Quant à l'amendement de l'honorable M. Verhaegen, on peut le considérer comme inutile, dès qu'on l'interprète dans un sens raisonnable. Car, entendu dans un sens raisonnable, il ne fait que poser une règle que le magistrat adopterait, encore que l'amendement ne fût pas introduit dans la loi. A coup sûr, dès qu'un chien de chasse vient à parcourir le terrain voisin de celui qui appartient au chasseur, par accident, cet accident n'est pas un délit et les magistrats ne considéreront pas cet accident comme un délit.
Mais je crains que cette disposition n'ait été introduite pour être appliquée dans un autre cas que celui où il n'y aurait véritablement qu'un accident. Les premières explications de l'honorable M. Verhaegen étaient tout à fait dans ce sens. Il a débuté par dire que c'était en faveur des petits propriétaires qu'il présentait son amendement, en faveur des propriétaires d'un, de deux ou de trois hectares. Mais il est évident que le propriétaire d'un, de deux ou de trois hectares, qui voudra chasser au chien courant, enverra nécessairement son chien sur le terrain voisin. L'honorable M. Verhaegen a beau dire qu'il suppose un chien basset qui reste dans un cercle étroit. Je ne me paye pas de ces raisons. Car il ne s'agit pas de rechercher dans quel cercle on tiendra le chien ; le chien, nous le savons tous, suivra le lièvre. Or, le lièvre ne se tiendra pas dans un cercle étroit, il parcourra plusieurs bonniers de terre et le chien courra à suite.
Je répète donc, messieurs, que cet amendement, entendu dans un sens raisonnable, me paraît inutile, et je craindrais, en l'adoptant, d'appuyer les motifs sur lesquels l'honorable M. Verhaegen l'a lui-même appuyé.
M. de Theux. - Messieurs, je ne présenterai que quelques courtes observations.
Les amendements présentés par l'honorable M. Jonet et par l'honorable M. de Corswarem ne me paraissent pas suffisamment mis en rapport avec les autres dispositions de la législation, et je craindrais d'innover quelque chose en cette matière, en attendant qu'il soit statué ultérieurement sur les préjudices que les chasseurs causent aux récoltes. Car je reconnais qu'il se trouve très fréquemment des chasseurs, grands propriétaires même, qui ne respectent pas suffisamment les récoltes des cultivateurs. Mais la loi que nous discutons offre déjà une garantie nouvelle dans la plupart des cas. Ainsi, si le cultivateur est en même temps propriétaire du champ, il est libre de dénoncer le délit au procureur du roi et d'indiquer le témoin qui a vu fouler sa propriété, pour que le procureur du roi soit obligé de poursuivre et d'appliquer l'amende de 50 fr. Si le cultivateur n'est pas propriétaire du champ, il lui reste une ressource encore, et pour autant que ma mémoire soit fidèle, il lui suffira, dans ce cas, de porter plainte devant le juge de paix et de réclamer des dommages-intérêts. Il y aura seulement lieu d'examiner si, dans un cas semblable, il conviendrait de porter l'indemnité au double. C'est une question à examiner dans une autre circonstance.
Mais, je le répète, je ne veux rien innover, parce que je craindrais d'adopter des dispositions qui ne fussent pas en harmonie avec la législation.
(page 480) - La discussion est close.
Les amendements de M. Jonet et de M. de Corswarem sont successivement mis aux voix et rejetés.
L'amendement de M. Verhaegen est adopté.
M. Mast de Vries. - Je suppose qu'il est convenu que l'ouverture de la chasse au chien courant aura lieu à une autre époque que celle au chien d'arrêt.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - C'est entendu.
- La séance est levée à quatre heures trois quarts.