(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 416) M. Huveners fait l'appel nominal à 1 heure.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Huveners présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur Ghilain, ancien sous-lieutenant, atteint d'une ophtalmie qu'il a contractée au service, demande une pension. »
M. Castiau. - Je propose le renvoi de cette pétition à la commission avec demande d'un prompt rapport. Une décision semblable a été prise par la chambre sur des pétitions de même nature. Je demanderai également que la pétition du conseil communal de Brugelette qui sollicite un secours pour un milicien atteint d'ophtalmie soit renvoyée à la commission avec invitation de faire un prompt rapport, car je crois qu'on a prononcé un simple renvoi.
M. le président. - Cette pétition a été renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre.
M. Castiau. - Alors je demande qu'on en agisse de même à l'égard de la pétition dont on vient de faire l'analyse.
M. Rodenbach. - J'appuie ce renvoi.
- Le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre est ordonné.
« L'administration communale de Brasménil prie la chambre d'accorder une pension au sieur Velain, ancien milicien atteint d'une ophtalmie qu'il a contractée au service. »
M. Rodenbach. - J'appuierai le renvoi de cette pétition comme de la précédente à la section centrale, chargée de l'examen du budget de la guerre. Je l'appuierai d'autant plus que lorsque ces deux militaires ont quitté l'armée, ils avaient déjà été traités pour ophtalmie par les médecins militaires ; la maladie avait donc été contractée à l'armée ; la cécité est ensuite devenue complète ; et quand ils se sont adressés au ministre, le ministre a répondu qu'ils n'avaient pas de droit à la pension, parce qu'ils n'avaient pas réclamé pendant qu'ils étaient au service. Cependant il y a des documents qui prouvent que la maladie a été contractée au service ; aujourd'hui ils sont aveugles.
- Le même renvoi est ordonné.
« Le sieur De Ceuninck, lieutenant pensionné, prie la chambre de lui faire restituer la somme retenue sur sa solde depuis le 1er janvier 1840 jusqu'au 1er novembre 1841. »
- Même renvoi.
« Les commissaires de police de Péruwelz et de Leuze demandent un supplément de traitement pour ceux de ces magistrats qui exercent les fonctions de ministère public près le tribunal de simple police. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la justice.
M. Osy. - Je ferai observer qu'il y a dans le rapport, à la page 8, une erreur d'impression. Au lieu de 1,312,300, il faut lire 1,309,300 et pour le chiffre total, 1,324,500 au lieu de 1,327,300 fr.
M. de Garcia. - Messieurs, la direction des affaires commerciales a été détachée du département de l'intérieur pour être attribuée au département des affaires étrangères. Mon intention n'est pas de critiquer cette mesure ; loin de là, je la crois utile, mais le gouvernement n'aurait-il pas dû profiter de cette circonstance pour amener des économies dans l'administration centrale des affaires étrangères ? C'est la question que je veux adresser au gouvernement. La direction des consulats se rattache aux affaires commerciales ; cependant, en ramenant au département des affaires étrangères les affaires du commerce, on en a fait une direction distincte ; je demanderai à M. le ministre si, dans l'intérêt des économies qu'on doit chercher à apporter dans tous les services, on ne pourrait pas fondre la direction du commerce et la direction des consulats en une seule direction qui serait qualifiée : « Direction du commerce et des consulats. » Cette fusion, je pense, ne pourrait être que dans l'intérêt des affaires. Selon moi, les affaires commerciales et les affaires consulaires sont intimement liées, et il serait peut-être avantageux qu'elles marchassent de front et qu'elles fussent traitées dans une même division ; l'intérêt commercial pourrait gagner des avantages dans cette mesure, et nous y trouverions une économie. Je prie M. le ministre de nous donner quelques explications sur ce point.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable préopinant n'a pas désapprouvé la mesure qui a réuni les affaires commerciales au département des affaires étrangères. En effet, cette mesure était dans les vœux de la chambre, vœux qui avaient été manifestés plusieurs fois depuis quelques années ; mais l'honorable membre croit qu'il eût été possible de ne faire qu'une seule direction des deux divisions du commerce et des consulats et d'opérer ainsi une économie assez notable. Je ferai remarquer que les attributions des deux directions dont je viens de parler sont complétement distinctes.
Mon intention est de donner à chacune d'elles la dénomination qu'elles ont reçue en France ; l'une aurait le titre de direction du commerce intérieur, l'autre celui de direction du commerce extérieur et des consulats. La première a dans ses attributions toutes les affaires de commerce intérieur, les questions de tarif de douane, questions distinctes de celles qui sont traitées dans la direction du commerce extérieur et des consulats. La première réunit les éléments du travail dont la seconde doit faire usage dans les négociations commerciales ; il est dès lors nécessaire que ces deux divisions existent séparément, parce que l'une contrôle utilement l'autre. La direction qui est chargée des affaires commerciales intérieures est naturellement plus préoccupée des nécessités industrielles, tandis que la direction du commerce extérieur doit être plus spécialement préoccupée des nécessités diplomatiques. Cette double tendance d'idées est utile, et c'est au ministre à les concilier.
Je crois que nous devons suivre l'exemple de la France, qui a admis cette séparation entre le commerce intérieur, qui comprend les questions de tarif, les intérêts industriels, et le commerce extérieur qui comprend les relations avec l'étranger.
Les attributions des deux divisions sont distinctes ; il est impossible de les confondre sans nuire aux besoins du service.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 84,200. »
La section centrale propose une réduction de 8,700 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, lors de la présentation du budget, j'avais proposé une augmentation de 10,700 francs pour l'administration centrale. Le membres de la chambre, à l'inspection du tableau qui se trouve annexé au rapport de la section centrale, ont pu se convaincre qu'une grande inégalité de condition existait relativement aux traitements entre les employés du ministère des affaires étrangères et ceux des autres départements.
Depuis plusieurs années, ces anomalies avaient été signalées dans les rapports de la section centrale. Mais la chambre avait cru devoir attendre que des mesures d'ensemble fussent présentées par le gouvernement pour régulariser ces diverses positions. Mon intention, en proposant cette augmentation, n'a pas été de régulariser la position des fonctionnaires au département des affaires étrangères, car par l'inspection du tableau dont j'ai déjà parlé on pourra se convaincre que ce n'est pas 10,700 fr. qu'il faudrait pour élever les traitements de mon département au niveau de ceux des autres départements, mais 15 ou 20 mille fr. J'ai tenu compte des circonstances au milieu desquelles nous nous trouvons, j'ai voulu aller au-devant des objections qui pouvaient être faites. J'ai cru être très modéré en demandant 10,700 fr.
Cependant, en présence des observations faites en section centrale, et respectant les circonstances difficiles créées par la crise dans les subsistances, j'ai voulu me restreindre au strict nécessaire, et j'ai consenti en section centrale à réduire ma demande à 6 mille francs.
De ces six mille francs, la section centrale n'a cru devoir n'en allouer que deux mille ; elle s'est trouvée partagée pour les quatre autres mille francs.
Je crois qu'il me sera assez facile de justifier d'une manière complète l'augmentation de six mille francs que je crois devoir maintenir.
Lorsque je suis entré au département des affaires étrangères, le secrétaire de cabinet de mon honorable prédécesseur avait été nommé par lui chef de bureau à la direction politique. J'ai donc cru devoir le remplacer et j'ai nommé un secrétaire particulier pour lequel je demande un traitement de deux mille francs.
Le secrétaire nommé chef de bureau a remplacé un premier commis qui avait quitté le département et dont le traitement ne s'élevait qu'à 1,500 fr. Il était à la veille d'être nommé chef de bureau lui-même. La moitié du traitement de ce fonctionnaire a servi à augmenter le traitement d'un chef de légation qui, depuis longtemps remplit des fonctions importantes à la division des consulats et n'avait qu'un traitement provisoire de 700 fr. L'autre moitié a servi aux gratifications qu'on donne à la fin de l'année, en vertu du règlement organique de 1842.
Je crois nécessaire de dire quelques mots relativement au secrétaire particulier des affaires étrangères, parce qu'une discussion sur cet objet a été soulevée il y a quelques jours ; chacun comprendra que s'il y avait des doutes relativement à l'utilité d'un cabinet dans les ministères, ces doutes ne pourraient pas exister pour le département des affaires étrangères. Les membres de la chambre comprendront qu'aux affaires étrangères l'institution d'un cabinet est une nécessité de service. A côté de la correspondance officielle avec les agents diplomatiques, une correspondance confidentielle doit souvent s'établir. Les négociations, avant d'être soumises au travail régulier des bureaux, doivent être quelquefois précédées d'un travail préparatoire et confidentiel ; d'un autre côté, les dépêches transmises par nos agents diplomatiques sont quelquefois d'une nature tellement délicate, (page 417) qu'on ne pourrait les livrer en des mains nombreuses et au hasard des indiscrétions de bureau. Il est indispensable d'avoir au département des affaires étrangères un cabinet confidentiel, parce que les attributions de ce département sont, de leur nature, confidentielles.
Les objections qu'on a faites dans les précédentes séances, relativement au cabinet des ministres, sont d'une nature telle qu'elles ne s'appliquent en aucune manière au département des affaires étrangères.
En effet, quelles sont les craintes que l'on a manifestées ? On a paru craindre que le cabinet d'un ministre ne fût transformé en un bureau politique, où les questions de nominations seraient traitées à un point de vue de politique inférieure, en dehors des influences administratives régulières. Ces craintes, je ne veux pas examiner jusqu'à quel point elles sont fondées dans l'esprit de quelques honorables membres. Je ne les partage pas ; mais il est évident que ces craintes on ne peut les concevoir au sujet du cabinet du département des affaires étrangères, où l'on ne s'occupe jamais d'aucune question de personnel, où l'on ne traite que des questions extérieures.
Usant du même droit que tous mes prédécesseurs, j'ai donc cru pouvoir donner un successeur au secrétaire particulier de mon prédécesseur, nommé chef de bureau.
Je crois que ces motifs paraîtront à la chambre assez concluants pour qu'elle ne refuse pas le chiffre modeste de 2,000 fr. que je demande ; ce chiffre a été admis par la section centrale à la presque unanimité.
Il me reste à justifier le chiffre de 4,000 fr., à l'égard duquel la section centrale s'est trouvée partagée.
Mille francs doivent servir à porter à 2,000 fr. le traitement du chef de bureau, nommé par mon prédécesseur ; or la chambre sait que le traitement normal d'un chef de bureau est de 3,000 fr. minimum, et qu'il s'élève quelquefois à 4,000 fr. Ainsi, le traitement de 2,000 fr. ne correspond pas à la fonction que cet employé remplit ; il doit être considéré comme provisoire et insuffisant.
Les 3,000 fr. dont il me reste à faire la justification sont destinés à donner des traitements de 1,000 fr. chacun, à trois commis au département des affaires étrangères qui remplissent depuis 4 ou 5 ans des fonctions importantes et indispensables, sans aucun traitement.
La chambre sait que, pour remplir des fonctions au département des affaires étrangères, il faut des études spéciales, des connaissances plus générales et plus variées que dans la plupart des autres départements.
Je citerai un exemple.
Un des fonctionnaires pour lesquels je demande un traitement est docteur en droit et en lettres, il a passé ses deux examens de doctorat avec la plus grande distinction. Voilà près de cinq ans qu'il remplit gratuitement des fonctions qui exigent un travail difficile et très assidu. Ce jeune homme, qui n'a pas de fortune personnelle suffisante, a fait des sacrifices considérables pour parfaire ses études. La chambre veut-elle l'astreindre à un travail gratuit pendant la 6ème année ?
Ce que je viens de dire de ce fonctionnaire est en général applicable aux deux autres.
Remarquez, messieurs, que le cadre du personnel est tellement restreint que les chances d'avancement sont beaucoup moindres que dans les autres départements. Je n'ai pas, comme mes collègues aux départements des travaux publics, des finances et de l'intérieur, la ressource des fonctions en province. Les fonctionnaires qui ne se destinent pas à la carrière diplomatique n'ont donc presque aucune chance d'avancement.
Dans les autres départements, le surnumérariat ne dure souvent qu'un ou deux ans maximum. Les fonctionnaires dont je viens de parler remplissent une espèce de surnumérariat depuis 4 ou 5 ans ; il est impossible qu'on les condamne pour l'avenir à une position aussi pénible ; ils devront renoncer à une carrière sans espérance pour eux.
La section centrale a été sous l'influence d'un autre genre d'objection : elle a voulu forcer le gouvernement à présenter un arrêté organique destiné à régulariser toutes les positions dans les départements ministériels. Chacun sait quelles difficultés se sont opposées à la réalisation de ce projet, ici comme en France et ailleurs.
On comprend toute la difficulté de soumettre à une règle uniforme les employés des divers départements ministériels, où les attributions sont distinctes et où les mêmes grades ne représentent pas toujours les mêmes fonctions et le même travail.
J'ajouterai une réflexion, c'est que le département des affaires étrangères serait extrêmement intéressé à voir un tel arrêté adopté ; car le département des affaires étrangères sortirait ainsi de la position d'anomalie où il se trouve.
Tandis que les traitements des fonctionnaires du département des affaires étrangères sont, dans les autres pays, élevés à un taux supérieur à celui des autres départements, ici les traitements de ces fonctionnaires sont dans des conditions marquées d'infériorité. Notre intérêt serait qu'un arrêté régularisât la position des fonctionnaires au département des affaires étrangères. Ce département verrait la position de tous ses fonctionnaires améliorée.
Il est impossible qu'en attendant cet arrêté la chambre maintienne une position que je me permettrai de qualifier de peu convenable et de peu juste.
Je me résume.
Je n'ai pas, en proposant cette augmentation de 6,000 fr., voulu régulariser les positions ; car pour cela ce n'est pas 6000 fr., c'est 15,000 fr. qu'il eût fallu pétitionner. Je demande cette somme, parce qu'elle me paraît indispensable ; si je ne l'avais pas cru, je me serais bien gardé de m'exposer à un rejet qu'une discussion récente peut faire prévoir.
M. Osy, rapporteur. - Nous savons par le tableau joint au rapport que ce sont les employés du département des affaires étrangères qui sont le moins payés. Mais la section centrale, en refusant l'augmentation de 4,000 fr. demandée pour les employés de ce département, a voulu engager le gouvernement à porter des arrêtés organiques qui établissent autant que possible l'uniformité dans les traitements des emplois de tous les ministères. Il est vrai que les employés du département des affaires étrangères étant le moins payés, il y aurait pour eux quelque chance d'augmentation d'après ce que vient de dire M. le ministre. Mais la section centrale a raisonné autrement ; elle entend que l'on prenne pour type les traitements du département des affaires étrangères, et qu'on réduise ainsi les dépenses au fur et à mesure des vacatures. Je crois ce système beaucoup plus logique que celui de M. le ministre des affaires étrangères. C'est dans cet ordre d'idées que la section centrale a refusé l'augmentation de 4,000 fr.
J'espère que la marche que je propose sera suivie dans le règlement à faire. J'engage le gouvernement à ne pas suivre la marche ouverte ; car il est probable qu'on aurait tous les ans des votes négatifs sur les budgets, comme on en a eu hier sur le budget des finances.
L'augmentation des 2,000 francs pour traitement d'un secrétaire particulier a paru tellement fondée à la section centrale, qu'elle propose d'allouer cette somme.
M. le ministre demande, en outre, 4,000 francs. S'il ne retire pas cette proposition, je demanderai la division. On voterait d'abord sur les 2,000 fr., ensuite sur les 4,000 francs.
M. Orts. - Je ferai à M. le ministre des affaires étrangères une interpellation extrêmement simple ; il dit que, depuis 1830, il y a toujours eu au département des affaires étrangères un secrétaire particulier ; je voudrais savoir si ce secrétaire était rétribué sur le budget. (M. le ministre des affaires étrangères fait un signe affirmatif.) Alors, je ne conçois pas l'augmentation de 2,000 francs. Que ce secrétaire reçoive ce qu'ont reçu tous ses prédécesseurs depuis 1830.
J'ai demandé cette explication, parce que je suis résolu à suivre, pour le département des affaires étrangères et pour les autres ministères, le même principe qui m'a guidé lors de la discussion des demandes d'augmentation de traitements pour les employés du département des finances. J'ai reculé devant la rigueur de l'application de ce principe, dans la discussion du budget des finances, pour une seule catégorie, pour 35 employés du timbre ayant le modique traitement de 6 à 9 cents francs et pour lesquels on demandait une augmentation de 3,500 francs, soit 100 francs pour chacun d'eux. Sauf dans des cas exceptionnels de cette nature, je tiendrai au principe. Je crois que le seul moyen de mettre le gouvernement en demeure de réaliser la promesse qu'a faite le ministère précédent d'organiser, par arrêtés royaux, les différentes administrations ministérielles, c'est de tenir bon, c'est d'être fermes.
Cette organisation est d'une exécution difficile, nous a dit M. le ministre des affaires étrangères. Je n'admets pas de fin de non-recevoir de cette nature. Je n'en reconnais qu'une seule : c'est celle qui résulte de l'impossibilité. Je n'irai pas jusqu'à dire avec un grand homme, que le mol impossible n'est pas français ; je le crois très français. Ce qui est impossible, on ne peut l'exiger. Mais quant à ce qui n'est que difficile, lorsqu'on a eu quatre, cinq ou six ans pour réaliser des promesses d’exécution, il me paraît qu'un moment doit arriver où l'on ne recule plus. Cependant ce moment est encore attendu. On soulève des difficultés cette année-ci ; si nous admettons cette excuse, on en soulèvera d'autres l'année prochaine. Je tenais à déclarer quels étaient mes motifs d'opposition. C'est en vertu d'un principe que je m'oppose à toute augmentation, et non par suite d'une opinion que je pourrais avoir sur telle ou telle catégorie d'employés, sur tel ou tel ministère. Sous ce rapport je ne crois pas devoir faire de distinction entre les ministères.
M. Veydt. - Indépendamment des considérations que les honorables préopinants viennent de faire valoir, il en est encore une autre.
Dans cette opposition systématique de ma part, jusqu'à ce que nous obtenions du ministère une organisation administrative complète, il y a un sentiment d'intérêt pour les fonctionnaires et les employés eux-mêmes. Les bons fonctionnaires doivent désirer que cette organisation administrative, qui fait l'objet des vœux de la chambre, soit décrétée le plus tôt possible, afin de leur assurer des garanties d'avancement et d'avenir qui leur manquent aujourd'hui.
Quant aux autres considérations que M. le ministre a fait valoir pour démontrer que les employés de son département sont moins rétribués que ceux des autres ministères, qu'ils ont moins de perspective de se placer, qu'on en exige des connaissances spéciales, je reconnais qu'elles sont parfaitement fondées. Je pense que lorsqu'il y aura une organisation générale, la chambre sera disposée à les prendre en considération. Mais à moins d'être inconséquents avec nous-mêmes, après les votes que nous avons émis lors de la discussion du budget des finances, à moins de faire croire que nous voulions nous montrer hostiles à M. le ministre des finances, favorables aujourd'hui à M. le ministre des affaires étrangères, nous ne pouvons nous départir du principe que la chambre a adopté à une si grande majorité ; nous ne pouvons avoir deux poids et deux mesures.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l’honorable préopinant perd de vue que, dans la plupart des départements ministériels, des arrêtés organiques existent et déterminent les cadres du personnel et les règles d'admission et d'avancement. La question qu'il reste à résoudre, c'est de voir s'il est possible de soumettre à des règles uniformes et fixes la position des fonctionnaires, le taux de leurs traitements (page 418) dans les divers départements ; question excessivement grave, question controversée et en Belgique et ailleurs.
En France, où cette question est aussi agitée, on a essayé de la résoudre ; on n'y est pas parvenu. L'année dernière, des arrêtés ont paru ; mais ces arrêtés ont maintenu les différences de positions entre les fonctionnaires des divers départements ministériels ; on a reconnu l'impossibilité de les soumettre à des règles uniformes.
Ainsi, ce que désire l'honorable M. Veydt existe, en grande partie du moins. Mais doit-on, en attendant la régularisation d'un principe que je regarde comme plus ou moins irréalisable ou tout au moins comme rencontrant de très grandes difficultés, laisser subsister ce que j'appelle des anomalies aux dépens d'un seul département ?
Mais veuillez remarquer, messieurs, et je réponds ici à l'honorable M. Osy, que cette question qu'on a soulevée n'a pas d'application relativement à la demande que je soumets à la chambre. Je ne demande pas à la chambre de régulariser les positions des employés du département des affaires étrangères. Si cette question vous était présentée, je comprendrais parfaitement que la chambre se refusât à accorder une majoration d'allocation destinée à élever le taux des traitements au niveau de ceux des employés des autres départements. Mais je ne réclame rien de semblable. Je propose une augmentation pour des faits spéciaux que j'ai fait connaître à la chambre.
Ainsi, je renouvelle mon observation et j'attire l'attention de la chambre sur ce fait spécial : faut-il que les trois commis dont je viens de parler, que ces trois fonctionnaires qui, depuis quatre ou cinq ans remplissent des fonctions importantes au département des affaires étrangères, et dont le travail est indispensable, continuent à les remplir gratuitement pendant une cinquième et une sixième année ? J'ai trop de confiance dans les sentiments de justice des honorables membres de la chambre, pour croire qu'au nom d'un principe abstrait, pour se conformer à une espèce de parti pris, on se refuse à être juste. Les principes doivent fléchir devant certaines applications.
En ce qui concerne le secrétaire particulier, l'honorable M. Osy demande s'il y a toujours eu au département des affaires étrangères un secrétaire particulier. Si ma mémoire est fidèle, cette fonction a toujours été remplie. L'honorable membre a ajouté que si ce secrétaire avait une position rétribuée, un traitement nouveau est inutile. Messieurs, j'ai expliqué tout à l'heure les faits tels que je les avais trouvés lorsque je suis arrivé aux affaires. Le secrétaire particulier de mon prédécesseur avait été nommé chef de bureau ; il avait remplacé un commis de première classe qui avait quitté le département et qui n'avait qu'un traitement de 1,500 fr. Le traitement du commis de première classe a servi en partie à augmenter celui d'un secrétaire de légation, fonctionnaire ancien au département, et qui n'avait qu'un traitement de 700 fr.
La fonction de secrétaire particulier était donc vacante ; le budget ne me permettait pas d'en nommer un ; c'est pour régulariser cette situation que l'allocation vous est demandée.
M. de Tornaco. - Plusieurs honorables préopinants ont déclaré qu'ils avaient l'intention de ne pas s'écarter du principe qu'ils ont admis dans la discussion du budget des finances. C'est aussi mon intention, et c'est ce qui m'a fait demander la parole.
D'après la décision de la section centrale, nous devrions voter 2,000 fr. pour le secrétaire particulier de M. le ministre des affaires étrangères. La chambre n'a pas voulu admettre de secrétaire particulier pour le chef du département des finances, et je ne vois aucune raison qui milite en faveur du département des affaires étrangères.
M. le ministre des affaires étrangères vous a dit tout à l'heure que les relations secrètes, les relations confidentielles nécessitent plutôt un secrétaire particulier à son département qu'à tout autre.
Il y a au contraire, selon moi, un motif de plus qui s'oppose à l'admission d'un secrétaire particulier au département des affaires étrangères ; ce motif est que (la chambre sera généralement, je crois, d'accord sur ce point) le ministère des affaires étrangères nécessite moins de travail que les autres départements, que celui des finances en particulier. Ainsi, lorsque vous avez refusé un secrétaire particulier au chef de ce dernier département, à plus forte raison devez-vous le refuser au chef du département des affaires étrangères.
Messieurs, la chambre, en rejetant toutes les augmentations de traitement qui ont été proposées par M. le ministre des finances, n'a pas seulement été guidée par le désir de contraindre le ministère à porter des arrêtés réglant la position des fonctionnaires ; elle a été guidée par une considération supérieure, à mes yeux ; elle a été guidée par le désir de faire des économies, de ne faire cette année aucune dépense nouvelle, autre que celles qui seraient nécessitées par notre situation même.
Messieurs, on dit que ces économies sont minimes, qu'elles sont de peu d'importance. Cependant veuillez considérer que si la chambre persiste jusqu'à la fin de la session dans la ligne de conduite qu'elle a adoptée, nous parviendrons à réaliser une économie considérable. Que la chambre veuille bien songer aussi à tout le bien que l'on peut faire avec 1,000 ou 2,000 fr. dans ces communes éloignées dont le ministère s'occupe, je crois, fort peu, que beaucoup de monde malheureusement oublie et où les besoins sont les plus réels et les plus pressants.
J'insiste donc pour que la chambre persiste dans la voie où elle est entrée, et je propose, en outre, la suppression des 2,000 francs demandés pour le secrétaire particulier.
M. Lys. - Je regrette que des surnuméraires se trouvent depuis si longtemps au ministère des affaires étrangères sans avoir obtenu d'emploi. Cependant il ne faut pas perdre de vue que les fonctions de surnuméraires sont gratuites et que si vous votez le chiffre que demande M. le ministre, vous créerez une nouvelle classe d'employés.
D'ailleurs, il y a des administrations où l'on reste surnuméraire beaucoup plus longtemps. Je citerai l'administration de l'enregistrement, où l'on reste souvent six et sept ans surnuméraire avant d'obtenir un emploi. Il faut donc aussi accorder des traitements aux personnes qui ont trois ou quatre ans de surnumérariat. Mais de cette manière vous augmenteriez considérablement le chiffre du budget.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je n'ajouterai plus que quelques mois en réponse aux honorables préopinants.
D'abord je ferai une observation à l'honorable M. de Tornaco ; je ne pense pas qu'il ait été de l'intention de la chambre, en refusant à mon honorable collègue M. le ministre des finances, les 3,000 fr. qu'il demandait, de supprimer la fonction de secrétaire particulier au département des finances. Je ne sais si tel a pu être le motif déterminant pour quelques membres ; mais tel n'a pas été certainement le motif invoqué par tous. Je fais cette réserve en passant.
L'honorable M. de Tornaco a trouvé, contrairement aux observations que j'avais émises, qu'un cabinet particulier était moins nécessaire au département des affaires étrangères qu'aux autres départements. Je vous avoue que je ne puis admettre les observations de l'honorable préopinant. J'ai démontré qu'en supposant fondées les objections que l'on avait faites dans les séances précédentes, ce que je n'admets pas, elles étaient complétement étrangères au département à la tête duquel je suis placé. Ainsi le cabinet particulier au département des affaires étrangères n'est pas du tout un cabinet où des questions personnelles, des questions de politique intérieure sont traitées ; le travail ne concerne que les questions de politique extérieure. Or, n'est-il pas évident que la plupart de ces questions sont d'une nature toute confidentielle ; que dans les rapports entre le gouvernement et les agents diplomatiques, il est indispensable qu'un certain nombre de pièces ne soient pas soumises, avant le temps opportun, à l'examen des bureaux, afin d'éviter les indiscrétions possibles.
L'honorable M. de Tornaco a dit qu'au ministère des affaires étrangères, le travail est moins important qu'il ne l'est dans d'autres départements. Je ferai remarquer d'abord que le travail est considérablement augmenté au département des affaires étrangères par l'adjonction à ce département des affaires du commerce qui, dans d'autres pays, constituent un ministère séparé.
Mais en supposant même que le travail du département, considéré dans son ensemble, soit moins considérable, le travail de cabinet y est important, par les raisons que j'ai exposées tout à l'heure.
L'honorable M. Lys a fait remarquer qu'au département des finances, les employés sont astreints quelquefois à un surnumérariat pendant un temps plus considérable encore que celui que j'ai indiqué.
Je répondrai à l'honorable membre que la position est loin d'être la même ; au département des finances comme à celui des travaux publics, comme à celui de l'intérieur, il y a une administration nombreuse dans les provinces et par conséquent les fonctionnaires de ces administrations ont de grandes chances d'avancement en perspective, ils ont de nombreux échelons administratifs à monter, tandis qu'au département des affaires étrangères les jeunes gens qui ne se destinent pas à la carrière diplomatique n'ont presque aucune chance d'avancement.
En effet, messieurs, pour que les employés du département des affaires étrangères puissent obtenir de l'avancement, il faut qu'il y ait des vacatures dans l'administration centrale.
Les fonctionnaires dont j'ai parlé tout à l'heure ne sont pas des surnuméraires, ce sont des commis de troisième et de quatrième classe ; ils remplissent, non pas seulement des fonctions d'expéditionnaires, mais des fonctions qui exigent de l'intelligence et des études préalables.
J'espère encore que la chambre, tout en voulant maintenir le principe dont on a parlé et que je suis le premier intéressé à voir appliquer un jour, que la chambre, tout en voulant respecter ce principe, le fera fléchir devant des faits particuliers.
M. de Tornaco. - Messieurs, le ministre des affaires étrangères a paru ne pas me comprendre en ce que j'ai dit qu'il y a moins de raisons pour admettre un secrétaire particulier à son département que pour en admettre un au département des finances. Cependant, je crois avoir été fort clair. J'ai dit qu'il y a une raison de plus pour ne point admettre un secrétaire particulier au département des affaires étrangères, parce qu'il y a dans ce département moins de travail que dans les autres. Je n'ai pas du tout fait allusion aux idées qui ont été émises précédemment sur les inconvénients des secrétariats particuliers des ministres ; je me suis borné à prétendre que le travail est moins considérable au département des affaires étrangères, et je maintiens cette opinion, malgré l'adjonction des affaires commerciales.
Voilà ce que j'ai prétendu, et je persiste dans cette expression de ma pensée.
J'ajouterai, messieurs, que M. le ministre des affaires étrangères pourrait fort bien employer à son secrétariat particulier un de ces nombreux attachés à son département, qui ont, je crois, très peu de chose à faire.
M. de Garcia. - Messieurs, la discussion actuelle porte sur deux points : accordera-t-on 2,000 francs pour un secrétaire particulier ? Accordera-t-on 4,000 fr. pour salarier des employés inférieurs qui jusqu'à ce jour ont travaillé sans aucune espèce de rémunération ? Quant au secrétaire particulier de M. le ministre des affaires étrangères, je suis fâché de ne pas pouvoir accorder les fonds qui sont demandés à cet effet ; ce qu'a dit M. le ministre pour obtenir ces fonds prouve qu'il est indispensable (page 419) des divers départements ministériels. Sans doute, le ministre des affaires étrangères n'est pas resté jusqu'à ce jour sans secrétaire particulier. Dès lors on doit supposer que les fonds destinés à le salarier ont été divertis. Que ce fait ait été posé par le ministre actuel ou par ses prédécesseurs, peu importe, il doit encourir la censure et la réprobation de la chambre. Je désire prévenir ces inconvénients et, je dirai plus, ces abus. C'est pour arriver à ce résultat que je demande un arrêté organique qui règle les attributions de chaque fonctionnaire et ses droits à la rétribution.
J'ai demandé tout à l'heure à M. le ministre s'il ne serait pas utile de réunir la direction des consulats à celle des affaires commerciales ; malgré les explications données par M. le ministre, je persiste à croire que cette réunion serait avantageuse sous le double rapport de l'économie et de la bonne gestion des affaires. Dans les économies qu'on pourrait faire de ce chef, il sera facile de trouver le traitement du secrétaire particulier.
Au surplus, M. de Tornaco vient d'indiquer à M. le ministre le moyen de se procurer un secrétaire particulier. Qu'il prenne en cette qualité dans son département un des directeurs les moins occupés. Certes le secrétaire particulier d'un ministre des affaires étrangères doit avoir une grande discrétion, mais les directeurs de ce département doivent, je pense, posséder au même degré cette qualité.
Je vous avoue, messieurs, que je refuserais à regret les 4,000 fr. demandés pour rétribuer des employés inférieurs. Ces employés travaillent depuis 5 ou 6 ans sans rétribution ; ce sont des hommes qui ont passé des examens avec beaucoup de distinction, ce sont des hommes de capacité et qui se trouvent chargés de beaucoup de travail, partant j'estime qu'ils devraient être salariés convenablement.
M. de Theux. - Je n'ai demandé la parole, messieurs, que pour répondre à l'observation faite par l'honorable M. de Garcia sur la réunion de la direction du commerce et de la direction des consulats. A mon avis, cette réunion serait une très grande faute. La direction du commerce a des attributions tellement importantes qu'il faut que son attention ne soit point distraite par d'autres affaires. Je dirai même qu'il est très difficile à la direction du commerce de suffire à ses attributions qui sont extrêmement délicates et compliquées. Si l'on y ajoutait tous les détails des consulats, le directeur du commerce deviendrait insuffisant pour remplir ses fonctions.
Lorsque les départements de l'intérieur et des affaires étrangères étaient réunis en mes mains, j'ai senti la nécessité, non seulement de maintenir la direction du commerce isolée, mais en outre, de créer la direction des consulats, car c'est moi-même qui ai créé cette direction.
Il n'y avait qu'un simple employé, d'un rang inférieur qui était chargé des affaires des consulats, et c'est alors un honorable membre, qui siège actuellement dans cette chambre, qui a rempli, le premier, les fonctions de directeur des consulats.
J'en appelle aux souvenirs de cet honorable membre et je lui demande s'il jugeait que ses attributions dussent être réunies à celles de la direction du commerce. Il y a, selon moi, beaucoup de danger pour un ministre des affaires étrangères chargé des affaires du commerce, à s'engager légèrement dans les questions commerciales. Il est indispensable qu'au moins ces questions soient examinées d'abord par la direction des consulats et en second lieu par la direction du commerce. De cette manière il s'établit une discussion dont jaillit souvent la lumière et qui empêche le ministre de s'égarer. Si les choses ne se passaient pas ainsi, je blâmerais ouvertement la réunion du commerce au département des affaires étrangères. Lorsqu'autrefois le commerce était au département de l’intérieur, il s'établissait une correspondance entre ce département et celui des affaires étrangères, et souvent il s'établissait en outre sur la même question une correspondance avec le ministère des finances. Je pense que ce triple examen n'avait rien d'exagéré. La même chose existe encore aujourd'hui par le fait de la séparation des deux directions du commerce et des consulats, et j'espère bien que M. le ministre des affaires étrangères ne consentira jamais à la réunion qui lui a été indiquée.
En ce qui concerne le crédit demandé pour les employés, il me semble que la décision prise par la chambre relativement au budget des finances, donne peu d'espoir de voir allouer le chiffre demandé par le gouvernement ; mais quant à moi, je voterai certainement l'augmentation qui est adoptée par la section centrale.
J'ai entendu faire quelques observations sur l'existence d'un secrétaire particulier d'un ministre ; je dis que lorsqu'un ministre demande un secrétaire particulier, on ne peut pas raisonnablement lui refuser les fonds nécessaires pour ce service. Il existe dans tous les départements une correspondance qui doit être faite par un secrétaire particulier. Vous n'exigerez pas, sans doute, que le ministre tienne lui-même note de toutes les lettres qu'il reçoit, et rédige lui-même les réponses qui doivent y être faites. C'est là un travail qui serait tout à fait au-dessous de la position d'un ministre et auquel il ne pourrait suffire qu'au préjudice des affaires générales. A ce point de vue ce serait une véritable niaiserie que d'engager un ministre à faire lui-même sa correspondance.
M. Rogier. - Messieurs, j'éprouve le besoin de dire quelques mots sur le caractère du vote que je me propose d'émettre dans cette circonstance et qui sera conforme en principe à celui que j'ai émis lorsqu'il s'agissait du budget des finances. Ce vote contraire à l’augmentation des crédits destinés aux traitements des employés, n'a rien d'hostile à l'administration ni aux employés. J'ai toujours été d'opinion, sur quelques bancs de la chambre que je siégeasse, qu'il fallait faire aux employés de l’administration un sort qui les attachât à leur position et qui les empêchât de se jeter dans d'autres carrières qui leur offriraient plus d'avantages. Je crois qu'un bon système d'économie pour l'Etat, consiste à avoir, un bon système d'administration, d'avoir de bons employés. Or, pour avoir de bons employés, il faut bien les rétribuer. Voilà mon principe je n'en dévie pas. Mais je vois dans le vote que j'ai émis et peut-être aussi dans celui de plusieurs de mes honorables amis, je vois pour le gouvernement la nécessité d'exécuter l'engagement qu'il a pris, à plusieurs reprises, d'arriver à l'organisation stable de l'administration, d'y arriver sinon par une loi, au moins par un arrêté royal. Cet engagement a été pris notamment, d'une manière formelle, par M. le ministre des finances, l'année dernière.
Ces arrêtés d'organisation, réglant les conditions d'admission et d'avancement, seraient vus avec plaisir, j'en ai la conviction, par les employés eux-mêmes, j'entends par les bons employés. De pareils arrêtés doivent être désirés aussi par les ministres, car ils les mettraient à l'abri d'obsessions de tout genre auxquelles, malgré toute leur fermeté de caractère, ils sont parfois contraints de céder.
M. le ministre des affaires étrangères vient de dire que de pareils arrêtés organiques étaient irréalisables ; je crois qu'il a eu tort de faire cette déclaration ; une semblable organisation n'est pas irréalisable : elle a été opérée récemment en France ; les ministres français avaient été forcés d'arriver à cette organisation, par les mêmes moyens coercitifs que la chambre semble disposée à employer aujourd'hui à l'égard du ministère.
Voilà dans quel sens j'émettrai un vote en cette circonstance. Ce que j'ai fait, non sans quelque regret, lors de la discussion du budget du département des finances, je crois devoir le faire encore en ce moment ; si j'agissais autrement, je serais inconséquent. Pour le budget des affaires étrangères, comme pour les autres budgets, c'est un vote coercitif que j'émets. Je n'entends pas, d'ailleurs, me prononcer contre toute augmentation de traitement ; chaque fois qu'il me sera prouvé qu'une augmentation de traitement est nécessaire, pour assurer la bonne administration du pays, quels que soient les ministres qui la demandent, je la leur accorderai ; car, avant tout, il faut satisfaire aux besoins de l'administration du pays.
M. de Corswarem. - Messieurs, ainsi que l'honorable M. Rogier, je ne suis guidé, dans cette circonstance, par aucun sentiment hostile, ni envers aucun de MM. les ministres, ni envers aucun de leurs employés ; c'est simplement dans un but d'économie que j'ai voté contre les augmentations de dépenses, proposées dans le budget du ministère des finances, et que je voterai contre la plupart des augmentations de dépenses demandées pour le service des autres départements.
Je trouve d'abord qu'il est inopportun de demander des augmentations dans un moment où au moins les trois quarts de la nation sont dans une très grande gêne, et où une autre partie est dans la misère la plus affreuse.
J'ai craint, ensuite, messieurs, que l'augmentation de crédit, proposée dans le budget du ministère des affaires étrangères pour l'année 1846, ne fût un premier pas vers des dépenses plus considérables. En effet, dans la note jointe au budget, M. le ministre dit lui-même que les augmentations réclamées ne suffiront même pas pour porter les traitements de ses employés au taux de ceux de leurs collègues dans les autres départements ministériels. Ceci me fait craindre que le ministre ne vienne demander plus tard des crédits suffisants pour porter les traitements de ses employés au chiffre de ceux de leurs collègues des autres ministères.
En jetant un coup d'œil sur le tableau joint au rapport de la section centrale, on voit que cette mesure entraînerait une dépense très considérable. C'est ainsi que le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, jouissant d'un traitement de 8,400 fr., devrait obtenir une augmentation de 600 fr. pour avoir un traitement égal à celui de son collègue du ministère des travaux publics. C'est ainsi encore que chaque directeur du ministère des affaires étrangères qui n'a que 6,000 fr., devrait recevoir 1,000 fr. de plus, pour être mis sur le même pied que les directeurs des, ministères de l'intérieur, des finances et des travaux publics. Chaque chef de division du ministère des affaires étrangères qui touche 3,300 francs, aurait à recevoir une majoration de 2,700 fr., pour être assimilé aux chefs de division du département des finances et de celui des travaux publics. Les chefs de bureau du ministère des affaires étrangères ont un maximum de 3,000 francs, tandis que les chefs du bureau du ministère de la guerre ont au maximum un traitement de 4,200 fr. ; il faudrait donc augmenter de 1,200 francs le traitement des chefs de bureau des affaires étrangères. Les sous-chefs de bureau n'ont que 1,200 fr. au département des affaires étrangères, les mêmes employés ont 2,700 fr. au département de la guerre ; pour mettre les employés des deux départements sur la même ligne, il faudrait plus que doubler le traitement des sous-chefs de bureau du ministère des affaires étrangères. Il en est de même pour presque tous les employés du département des affaires étrangères, comparés à leurs collègues des autres départements, hormis l'huissier de cabinet et le concierge.
C'est pour ces motifs que je ne voterai que le chiffre proposé par la section centrale.
M. Mercier. - Messieurs, je comprends qu'on puisse critiquer l'existence d'un cabinet particulier qui absorberait les attributions des divisions d'un département ministériel ; je conviens que les affaires alors se traiteraient moins régulièrement et avec moins de maturité dans le cabinet particulier que dans les divisions où se trouvent les spécialités. Mais, messieurs, est-ce pour former un tel cabinet que M. le ministre des affaires qu'une loi organique établisse l'ordre des attributions des fonctionnaires (page 420) étrangères demande un crédit de 2,000 fr. ? S'il s'agissait de créer un cabinet, destiné à traiter des affaires importantes, un crédit de 2,000 fr. ne suffirait pas ; il faudrait demander 10 ou 15,000 fr. Mais il n'est pas possible, selon moi, qu'on refuse à M. le ministre des affaires étrangères la faible allocation de 2,000 fr. pour un employé de confiance chargé de rédiger sa correspondance particulière.
Messieurs, on a dit que c'était comme moyen coercitif qu'on refusait certaines augmentations de crédit demandées pour le personnel des ministères. Mais ce ne seront pas les ministres qui souffriront du rejet de ces augmentations ; ce sont les affaires du pays qui en subiront la fâcheuse influence.
Par exemple, j'ai la conviction intime que le service du département des finances se ressentira du rejet de l'augmentation de 10,000 francs qui avait été demandée pour l'administration des contributions directes, douanes et accises. Je sais que les employés supérieurs de cette administration sont accablés de travail. La chambre a exprimé le désir qu'on révisât la loi de la contribution personnelle, la loi des patentes, et celle sur les débitants de boissons ; la chambre a émis également le vœu qu'on fît une nouvelle loi sur les sucres et qu'on révisât aussi la loi des successions. Mais comment veut-on que des employés, déjà absorbés par le travail courant, puissent se livrer à l'étude de tant de projets ? Mon expérience me donne la conviction que la décision, prise par la chambre, sera très fatale aux affaires du pays.
Toutefois, en ce qui concerne le secrétaire particulier, il y a une différence entre le département des finances et celui des affaires étrangères. M. le ministre des finances, eu égard au nombre de ses employés, peut opérer assez facilement quelques mouvements qui lui permettent de trouver au moins deux ou trois mille francs, non pour un secrétaire de cabinet, mais pour un homme de confiance qu'il a à côté de lui ; tandis qu'au département des affaires étrangères, où le personnel est très restreint, la même facilité n'existe pas, et le chef de ce département peut se trouver dans un grand embarras, s'il n'a pas cette faible allocation à sa disposition.
M. de Tornaco. - Messieurs, l'honorable M. de Theux s'est servi tout à l'heure d'une expression qui sonne assez mal à mes oreilles. Je désire expliquer à la chambre que je n'ai pas entendu proposer une niaiserie.
L'honorable M. de Theux vous a dit, messieurs, que si l'on voulait obliger M. le ministre des affaires étrangères à rédiger lui-même toutes ses dépêches, ce serait une niaiserie.
Je suis parfaitement d'accord, sauf l'expression, avec l'honorable M. de Theux ; ce n'est pas non plus mon intention d'imposer au ministre la rédaction de toutes ses pièces ; il est bien entendu que les pièces qui n'ont aucune importance sont rédigées par des attachés ou d'autres employés du ministère des affaires étrangères ; il ne manque point à coup sûr de fonctionnaires capables d'expédier cette besogne. Quant aux pièces importantes, il est clair que le ministre ferait bien de s'en charger exclusivement ; il est peut-être même assez fâcheux qu'il ne le fasse pas toujours ; s'il en était ainsi, nous ne verrions pas parfois des pièces de la plus haute importance rédigées de deux manières différentes.
M. de Theux. - Messieurs, j'ai parfaitement bien compris que l'honorable M. de Tornaco n'entendait pas imposer à M. le ministre des affaires étrangères, la rédaction de toutes les pièces de son département ; sinon, il aurait fallu supposer que l'honorable membre n'a pas l'intelligence que nous lui connaissons. Il est évident que tout ministre, de quelque aptitude au travail qu'il fût doué, serait dans l'impossibilité absolue de rédiger toutes les dépêches de son département. Je vais plus loin, je n'admets pas même ce que suppose l'honorable préopinant, à savoir que le ministre serait obligé de rédiger lui-même toutes les pièces importantes. Je dis qu'un ministre qui agirait ainsi, serait un homme coulé au bout de peu de semaines. Un ministre qui entend les affaires, confère avec les chefs des diverses divisions, et après leur avoir communiqué sa pensée, les charge de la rédaction à laquelle il met ensuite la dernière main. Voilà comment se fait le travail dans les ministères. Il faudrait n'avoir aucune idée de travail, pour supposer que les choses puissent se passer autrement.
Je répète que ce serait une niaiserie de demander que le ministre se charge lui-même de rédiger les réponses aux lettres particulières qu'il reçoit ; je n'entends point par là déverser un blâme quelconque sur ceux des membres de cette chambre qui peuvent avoir une opinion contraire à la mienne ; mais je dis que c'est là un travail tellement matériel qu'il doit être abandonné à un secrétaire particulier, et que le ministre ne pourrait d'ailleurs s'en charger qu'au détriment des affaires générales de l'Etat.
J’avais demandé la parole pour faire quelques observations en réponse à celles que l'honorable M. de Corswarem a faites. Cet honorable membre pense qu'il s'agit, dans le règlement futur sur l'organisation de chaque département ministériel, d'admettre des dispositions en quelque sorte uniformes, allouant les mêmes traitements aux mêmes titres. Dans mon opinion, il faut un règlement d'administration pour chaque département en particulier, car, veuillez le remarquer, aux mêmes titres, dans des départements différents, ne correspond pas la même étendue de travail ; les titres ont été créés plus ou moins arbitrairement ; mais il ne s'ensuit pas que les mêmes grades doivent avoir le même traitement dans tous les départements. Il résulterait de cette uniformité des irrégularités choquantes dont l'existence se révélerait bientôt par les réclamations qui nous arriveraient de toutes parts.
En résumé, je pense donc que chaque département ministériel doit adopter un règlement d'administration générale qui le concerne spécialement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Plusieurs honorables membres me dispensent de revenir sur les observations qui ont été émises en ce qui concerne le secrétaire particulier. Je veux seulement répondre quelques mots à l'honorable M. Rogier. Cet honorable membre ne m'a pas compris quand j'ai dit que je considérais l'arrêté royal organique dont on a parlé comme irréalisable. J'avais voulu dire que je considérais comme presque irréalisable un arrêté royal organique destiné à établir des règles uniformes pour les traitements, l'admission aux fonctions et l'avancement pour tous les départements ; c'est là une opinion qui a été soutenue dans cette enceinte.
Les ministres sont plus intéressés que personne, et les hauts fonctionnaires ont le même intérêt, à voir toutes ses questions soustraites à l'instabilité des discussions parlementaires.
J'ai fait la remarque que plusieurs départements ministériels étaient déjà organisés par arrêté royal ; et l'intention formelle de mes collègues, comme la mienne, est d'amener la régularisation de toutes les positions par arrêté royal. J'ajouterai que le département des affaires étrangères y est plus particulièrement intéressé, parce que les anomalies pèsent surtout sur lui. Mais faut-il, en attendant que les intentions du ministre puissent être réalisées, se refuser à faire droit à des réclamations qui reposent sur des faits positifs que personne ne peut nier ? J'aurais été étonné que l'honorable M. Rogier eût combattu les allocations que je demandais, car en 1840 il avait reconnu la nécessité de la création d'un cabinet…
M. Rogier. - Dès 1832 !
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - … en lui donnant des attributions très étendues, que d'autres membres appelleraient peut-être des attributions absorbantes ; il avait non seulement un secrétaire particulier, mais un ou deux attachés au cabinet. Je suis loin d'en faire un objet de blâme. Mais je m'attendais à ne pas rencontrer d'opposition de sa part en ce qui concerne ce chiffre.
Je voulais seulement ajouter une observation quant à l'autre chiffre. Je reconnais que le moment n'est pas favorable pour demander des augmentations, c'est pour cela que je n'ai pas élevé bien haut mes prétentions.
L'honorable M. de Corswarem a cru que l'intention du ministre était de demander des augmentations d'année en année, pour élever les traitements de son département au niveau de ceux des autres départements. Telle n'est pas mon intention ; et je l'aurais, que la chambre serait là pour m'arrêter. Il ne faut pas, par cette crainte d'avenir que la chambre est maîtresse de ne pas laisser réaliser, consacrer une injustice dans le présent.
Lors de la discussion du budget des finances, la plupart des membres ont fait remarquer qu'ils auraient désiré pouvoir augmenter les traitements des employés subalternes, dont ils trouvaient les appointements insuffisants, et qu'ils s'opposaient précisément à l'augmentation des traitements de ce qu'on appelait l'état-major, pour trouver dans ces économies le moyen d'être équitable envers les employés de rang moins élevé.
Je ne demande rien pour l'état-major, mais je réclame une légère majoration pour ces employés subalternes à l'égard desquels de si excellentes intentions ont été manifestées. Du reste, quel que soit le sort réservé à l'allocation qui concerne ces employés, j'ai cru remplir un devoir en la demandant à la chambre. J'ai rempli un devoir que je regarde comme un acte de réparation et de justice administrative. C'est à la chambre à remplir le sien.
M. Delfosse. - Je ne comprends pas l'insistance de M. le ministre. D'après ce qui s'est passé à la dernière séance, il doit reconnaître la nécessité de céder à la volonté de la chambre. Elle ne veut pas d'augmentation de traitement cette année. M. le ministre des affaires étrangères vous dit que l'intention qu'elle a exprimée, c'est qu'on fasse porter des réductions sur les états-majors, mais qu'on augmente les traitements des petits employés. Je ferai observer qu'au département des affaires étrangères, il n'y a guère de petits employés, qu'il n'y a que de l'état-major, car les petits employés de ce département sont des fils de bonne famille ; car, comme on vous l'a dit, ils ont fait des études longues et dispendieuses. Si je citais les noms de ces jeunes gens, ce que je ne ferai pas, parce que cela ne convient pas, la chambre verrait que leur fortune leur permet très bien de se passer de l'augmentation de traitement qu'on demande pour eux.
M. Fleussu. - Quand il s'agit de traitements de petits employés, c'est toujours avec répugnance que je m'oppose à ce qu'on leur fasse un sort convenable. La chambre a manifesté l'intention de forcer le gouvernement à organiser les bureaux du ministère. Il est bien vrai de dire que cette organisation ne devra pas être la même pour tous les départements ; mais chacun pourra présenter de dispositions propres au ministère qui le concerne. C'est donc pour entrer dans cette voie que la chambre a refusé des majorations en faveur de malheureux ouvriers, car dans la dernière discussion, il s'agissait des employés du timbre, de véritables ouvriers, et nous avons montré une sévérité qui me répugnait.
Quand il s'agit de jeunes gens de bonne famille, irez-vous vous départir de cette voie ? Si vous le faisiez, ne dirait-on pas que vous avez deux poids et deux mesures ; que vous maltraitez les ouvriers, que vous ne faites rien pour eux, mais que quand il s'agit de jeunes gens de bonne famille, de vos propres intérêts, car vous avez l'espoir de faire entrer vos fils dans la diplomatie, vous faites une exception à votre sévérité. Il ne faut pas avoir deux poids et deux mesures, il faut persévérer dans le système rigoureux dans lequel vous êtes entrés.
Quand on parle de la création de secrétaire particulier, je voudrais voir les ministres plus d'accord entre eux.
M. le ministre de l'intérieur, en arrivant, a trouvé un secrétaire particulier en titre ; il l'a supprimé parce qu'il a voulu que les choses se fissent franchement dans les bureaux, par le secrétariat général ; pourquoi n'en serait-il pas de même au département des affaires étrangères ? Nous pouvons, dit-on, avoir des secrets aux affaires étrangères. M. le ministre n'est-il pas sûr de ses employés ? Le secrétaire général, les directeurs ne sont-ils (page 421) pas tenus à autant de discrétion que le secrétaire particulier ? Ou il y a eu un secrétaire particulier au département des affaires étrangères, ou il n'y en a pas eu ; s'il y en a eu un, je demande sur quoi on prenait son traitement ; si c'était un chef de bureau, que M. le ministre fasse comme ses prédécesseurs, qu'il prenne un chef de bureau.
Nous avons passé les temps que j'appellerai politiques de la diplomatie, sans qu'on réclamât d'augmentation ; nous avons fait les traités qui ont constitué la Belgique, et c'est maintenant que sa diplomatie est en repos, que nous n'avons plus que la guerre de tarif avec la Hollande, qu'on vient demander des augmentations pour le département des affaires étrangères ! Persistez, messieurs, dans la voie dans laquelle vous êtes entrés, sinon vous serez accusés d'avoir deux poids et deux mesures. Je voterai ici comme je l'ai fait à propos du budget des finances.
M. de La Coste. - J'ai expliqué les motifs qui m'ont porté à rejeter une partie des augmentations demandées au budget du département des finances. Si j'agissais différemment à l'égard du budget des affaires étrangères, sans motifs spéciaux bien indiqués, mon vote deviendrait un vote personnel contre M. le ministre des finances. Telle ne peut être ma pensée ; dans l'application des principes que j'ai posés, j'ai agi avec peu de rigueur ; ma main hésite quand il s'agit de frapper. C'est ainsi que j'ai voté en faveur des employés du timbre, quoi que sans succès. Mais, répondant à l'honorable M. Delfosse, je dirai qu'aussi peu nous devons être guidés par quelque esprit de faveur à l'égard des personnes qui sont dans une position sociale plus élevée, aussi peu nous devons nous laisser conduire par un sentiment contraire.
Aux yeux du gouvernement, il ne doit pas y avoir, dans les fonctions publiques, des pauvres et des riches, des personnes d'un rang élevé et des personnes d'un rang inférieur ; il ne peut y avoir que de bons ou de mauvais employés, des hommes instruits ou ignorants, des hommes capables ou non de rendre des services. Si l'on partait d'autres principes, on tomberait dans des injustices manifestes. L'homme qui peut avoir quelque fortune, s'il se rend utile, a droit que son labeur soit récompensé comme tout autre. L'injustice n'existerait pas seulement sous ce rapport ; nous pouvons être mal informés de la situation de ceux dont nous nous occupons, c'est ce qui arrive notamment ici, car on me dit que parmi les employés dont il s'agit, il y en a qui ne sont nullement dans la position de fortune que suppose l'honorable M. Delfosse. Je ne cite cette circonstance que pour montrer que nous suivrions un guide qui nous égarerait si nous voulions entrer dans de pareilles considérations.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - L'honorable préopinant a paru penser qu'il y avait divergence d'opinion entre mon honorable collègue, le ministre des affaires étrangères, et moi, sur la nécessité ou l'inutilité d'un cabinet particulier ; j'aurai l'honneur de faire cette observation que si le département de l'intérieur peut se passer de cette espèce de cabinet particulier, c'est que la nature de ses attributions est telle, qu'il en doit à chaque instant un compte au pays, à la chambre, et que, par conséquent, toutes les affaires que traite le ministre de l'intérieur, sont et doivent être régulièrement instruites dans chacune des divisions que la chose concerne.
Le ministre des affaires étrangères, au contraire, a pour premier devoir, dans l'intérêt de la bonne direction des affaires, la discrétion et souvent le secret. Voilà pourquoi, messieurs, dans ce département, un secrétaire particulier est indispensable.
A l'étranger, messieurs, un ministre des relations extérieures a non seulement un secrétaire particulier pour préparer et minuter les projets de réponses, de mémoires aux gouvernements étrangers, les projets de traités, pour jeter, en un mot, les premières bases d'un travail qui est ensuite soumis aux ministres ; mais il a un second employé particulier attaché à son cabinet, un second secrétaire qui, pour mettre la responsabilité du ministre à l'abri de toute surprise et le mettre à même de rendre compte de la direction qu'il a donnée aux affaires, analyse toutes les pièces secrètes, entrantes et sortantes ; car il est impossible qu'un ministre des affaires étrangères puisse se rappeler toutes les dépêches qu'il reçoit, toutes celles qu'il écrit.
La prudente direction des affaires étrangères est, à mes yeux, impossible, si l'on prive le ministre d'un secrétaire qui soit à même non seulement d'écrire, comme le disait l'honorable M. de Theux, les lettres particulières, mais de rédiger même, et de rédiger promptement et habilement les notes et les mémoires que le ministre revoit ensuite.
Messieurs, nous avons eu tout récemment un exemple de l'impérieuse nécessité d'avoir à côté de soi un homme qui puisse rendre de pareils services. Vous avez tous entendu la lecture d'un rapport qui doit vous avoir frappés par la netteté des idées, par la précision et la clarté du langage. Eh bien, messieurs, il a fallu que mon honorable collègue passât des nuits à écrire lui-même pour que ce mémoire fut prêt et pût vous être lu. Que s'il avait eu a côté de lui un secrétaire particulier, capable de résumer ses idées, il n'eût eu qu'à revoir le projet, et non à le minuter de sa propre main.
Dans des circonstances extraordinaires, le ministre peut se charger d'un travail aussi fatigant. Mais que les affaires se multiplient, que les négociations se croisent, et vous ne pourrez pas exiger du ministre des travaux de ce genre qui finiront par le tuer, à moins que vous ne vouliez le tuer.
- La discussion est close.
M. le président. - Le chiffre de 79,500 francs, demandé par M. le ministre, étant le plus élevé, je le mets le premier aux voix.
Plusieurs membres. - L'appel nominal !
Il est procédé au vote par appel nominal sur le chiffre de 79,500 fr.
61 membres répondent à l'appel nominal.
16 votent pour le chiffre.
44 votent contre.
1 (M. de Garcia) s'abstient.
En conséquence, le chiffre de 79,500 fr. n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM. de Sécus, de Terbecq, de Theux, Dolez, Dubus (Bernard), Dumont, Lejeune, Liedts, Mercier, Pirson, Vilain XIIII, Zoude, d'Anethan, Dechamps, de Chimay et de Man d'Attenrode.
Ont voté le rejet : MM. de Roo, Desmet, de Tornaco, Devaux, Eloy de Burdinne, Fleussu, Henot, Huveners, Kervyn, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Orban, Orts, Osy, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Thienpont, Thyrion, Van Cutsem, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Anspach, Biebuyck, Cans, Castiau, Clep, David, de Baillet, de Bonne, de Breyne, de Corswarem, de Haerne, de la Coste, Delfosse, d'Elhoungne, de Meer de Moorsel, de Meester, de Naeyer et de Renesse.
Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. de Garcia. - Messieurs, après le rejet des crédits qui avaient été pétitionnes pour certains fonctionnaires du département des finances, je n'ai pas cru pouvoir voter pour le chiffre demandé par M. le ministre.
- Le chiffre de 75,500 fr. proposé par la section centrale, est mis aux voix par appel nominal.
61 membres prennent part au vote.
32 se prononcent pour l'adoption.
29 pour le rejet.
En conséquence, le chiffre de 75,500 fr. est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Dolez, Dubus (Bernard), Dumont, Fallon, Henot, Huveners, Kervyn, Lejeune, Liedts, Mercier, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Simons, Van Cutsem, Vilain XIIII, Zoude, d'Anethan, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de la Coste, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel et de Meester.
Ont voté le rejet : MM. de Roo, de Tornaco, Devaux, Eloy de Burdinne, Fleussu, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Orts, Sigart, Thienpont, Thyrion, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Anspach, Biebuyck, Cans, Castiau, Clep, David, de Bonne, de Breyne, de Garcia de la Vega, Delfosse, d'Elhoungne, de Naeyer et de Renesse.
« Art. 3. Frais des commissions d'examen : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Pensions accordées et à accorder à des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 12,800. »
- Adopté.
« Art 5. Secours à des fonctionnaires ou veuves de fonctionnaires, à des employés ou veuves d'employés, qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Ports et affranchissements concernant la correspondance à l'intérieur, abonnement aux journaux belges, fournitures de bureau, impressions, achat de livres et de cartes, reliures, éclairage, chauffage, entretien des locaux, du mobilier, etc. : fr. 37,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Achat de décorations de l'Ordre de Léopold : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Autriche : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Confédération germanique : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 3. France : fr. 60,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Grande-Bretagne : fr. 80,000. »
M. Castiau. - Des explications ont été promises sur cet article.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Comme je suis personnellement intéressé dans la question, M. le ministre des affaires étrangères veut bien me céder la parole.
Messieurs, s'il est une qualité que les chambres belges estiment avant toutes les autres dans un homme politique, c'est la franchise et la droiture. En conséquence, messieurs, et prisant moi-même ces qualités au-dessus de toutes les autres, je vous dirai franchement quelle est ma position dans mes rapports avec la légation de Londres.
Ministre de l'intérieur, j'ai l'honneur de déclarer à la chambre que je n'ai point cependant présenté mes lettres de rappel à la cour d'Angleterre. Je ne les ai pas présentées, messieurs, parce que le fait seul de cette présentation m'eût fait perdre à la cour d'Angleterre la position que le bénéfice du temps donne seul à un diplomate. Cette position d'ancienneté n'est pas indifférente, messieurs, dans la carrière diplomatique. Je l'ai acquise par quinze années de séjour à Londres.
(page 422) En arrivant dans un ministère dont la durée n'est jamais certaine pour qui que ce soit, je n'ai pas fait de la conservation de ma position A Londres une condition à mes collègues. Mais il leur a paru si naturel de ne pas me remplacer avait que le sort du ministère fût décidé, que cette question n'a pas même été soulevée entre nous. Si elle l'eût été, messieurs, j'aurais dit à mes collègues ce que je dis aujourd'hui à la chambre.
J'aurais pu agir autrement et avec mes collègues et avec la représentation nationale, et éviter ainsi toute discussion sur la mission de Londres. J'aurais pu, messieurs, comme cela se pratique quelquefois, m'entendre avec un des membres du corps diplomatique ou avec un prétendant à la position de Londres ; et le nombre en augmente considérablement depuis 1830 ; j'avais peu de concurrents à cette époque. J'aurais pu, dis-je, m'entendre avec l'un d'eux, et, de concert avec le gouvernement, faire en sorte qu'un successeur fût envoyé immédiatement en Angleterre, avec cet engagement de sa part que, dès qu'un vote de la chambre ou une autre circonstance aurait déterminé ma retraite, mon successeur,, qui n'aurait occupé la place qu'ad intérim., aurait eu la bonté de me la céder. Mais c'eût été là une position peu nette, peu franche, et que je n'eusse pu prendre en outre qu'aux dépens du trésor.
J'ajouterai, messieurs, que c'eût été une injustice envers mon premier, secrétaire de légation.
Le premier secrétaire de légation à Londres occupe ces fonctions depuis huit à dix ans. Il importe, dans la carrière diplomatique, que les jeunes gens qui ont acquis de l'expérience dans les affaires sous la direction de leur chef puissent avoir une occasion de déployer leurs talents et jouissent quelquefois de l'avantage de remplir, ad intérim et provisoirement, les fonctions de chargé d'affaires. C'est ainsi que les secrétariats de légation sont une espèce de pépinière où se forment les ministres résidents.
L'injustice, dans le cas présent, eût été d'autant plus grande envers M. Drouet (et j'en appelle ici au témoignage de mon honorable collègue), que mon secrétaire de légation montre, dans la direction des affaires qui lui sont maintenant confiées, une véritable capacité.
Que si, messieurs, l'urgence des affaires exigeait la présence à Londres d'un diplomate d'un rang plus élevé, je viendrais, avec la même franchise dont j'use aujourd'hui, déclarer quel serait le parti que je prendrais.
J'aurais dans ce cas à examiner, après avoir pris les ordres du Roi, si ce diplomate doit être le ministre de l'intérieur, qui irait reprendre sa position et son rang d'ancienneté à la cour auprès de laquelle il n'a pas cessé d'être accrédité ; car, je le répète, je n'ai pas présenté mes lettres de rappel, j'ai eu des raisons politiques même pour ne pas le faire, et cette détermination produit dans ce moment pour le trésor une économie à laquelle la chambre ne sera pas indifférente dans les circonstances actuelles.
M. Delfosse. - Je fais le plus grand cas de la franchise et je sais beaucoup de gré à M. le ministre de l'intérieur de celle qu'il vient de montrer. Cependant je ne puis approuver les raisons à l'aide desquelles il a cherché à expliquer la détermination qui a été prise. Je comprends le désir que M. le ministre de l'intérieur peut avoir de ne pas se former la position brillante qu'il avait à Londres, et dans laquelle, je dois le reconnaître, il a rendu des services incontestables. Mais, messieurs, il est une chose qui doit nous guider avant tout, c'est l'intérêt du pays. Cet intérêt doit dominer le désir des fonctionnaires quelque estimables qu'ils soient, quelques services qu'ils aient rendus.
Toutes les raisons de M. le ministre de l'intérieur sont détruites par une observation bien simple ; les fonctions de ministre plénipotentiaire à Londres sont-elles utiles ? Si elles sont utiles, elles ne doivent pas demeurer vacantes.
Je ne suis pas de ceux qui désirent que le ministère actuel ait une longue durée. On connaît mon opinion ; je l'ai suffisamment expliquée. Mais il y a beaucoup de membres de cette chambre qui paraissent le désirer. Ces honorables membres, qui sont les amis du ministère et qui désirent qu'il ait de la durée, ne veulent sans doute pas que pendant tout ce temps, qui sera long si leurs vœux se réalisent, les fonctions de ministre plénipotentiaire à Londres restent vacantes.
Si l'on me dit que le temps est passé où ces fonctions étaient utiles et que dans les circonstances actuelles où toutes les grandes difficultés politiques sont aplanies, un chargé d'affaires peut suffire ; je le veux bien, mais alors il faut réduire l'allocation portée au budget.
Pour moi, il n'y a pas de transaction possible. Je place l'intérêt du pays avant tout. Si les fonctions de ministre plénipotentiaire à Londres sont utiles, votons l'allocation qui nous est demandée, mais que, dans ce cas, on nomme à ces fonctions. Si elles ont cessé d'être utiles, qu'on les supprime, et qu'on réduise l'allocation.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, a répondu d'avance à la seule objection que l'honorable M. Delfosse vient de faire. Mon honorable collègue vous a dit que s'il arrivait que des intérêts graves dussent être traités à Londres, il aurait à choisir entre sa position de ministre en Belgique et sa position de ministre à Londres.
Messieurs, l'honorable M. Delfosse a ajouté que les fonctions de ministre plénipotentiaire à Londres étaient utiles ou ne l'étaient pas ; que si un chargé d'affaires pouvait suffire, il ne demandait pas mieux, mais qu'alors il fallait regarder cette position comme suffisante d'une manière permanente.
Messieurs, je citerai un fait qui répond directement à l'observation de l'honorable M. Delfosse et qui concerne une grande puissance voisine. Pendant dix-huit mois, l'ambassadeur de France à Londres a été absent de son poste et a rempli, dans l'intervalle, ses fonctions à la chambre des pairs ; le poste à Londres a été occupé par un secrétaire, M. de Jarnac. En France, messieurs, on n'a pas considéré comme un inconvénient d'agir ainsi, alors cependant qu'une affaire très grave, concernant des intérêts majeurs de la France se traitait à Londres, la question du droit de visite.
C'est le chargé d'affaires, M. de Jarnac, qui a traité en l'absence du titulaire de l'ambassade de France.
Ainsi, messieurs, en France on n'a pas été arrêté par des objections semblables à celle qui a été présentée par l'honorable M. Delfosse, quoique la France eût à défendre à Londres des intérêts bien plus graves que ceux que la Belgique peut avoir à y défendre en ce moment. Aucune question de ce genre, concernant les intérêts belges, ne se traite actuellement à Londres, et si une circonstance se présentait où la présence à Londres d'un diplomate de premier rang serait nécessaire, M. le ministre de l'intérieur aurait alors à faire le choix que la nécessité n'indique pas en ce moment.
M. Delfosse. - M. le ministre des affaires étrangères nous dit, que si les circonstances l'exigeaient, il serait pourvu à la nomination d'un ministre plénipotentiaire à Londres ; mais, messieurs, les circonstances peuvent être telles que la présence d'un ministre plénipotentiaire soit nécessaire au moment même où elles surgissent. Il pourrait arriver que l'absence de notre ministre plénipotentiaire, dans un tel moment, causât un grand dommage au pays.
Les intérêts du pays peuvent souffrir, non seulement de ce qu'un ministre plénipotentiaire ne soit pas à son poste, mais même de ce qu'il n'ait pas eu le temps de bien connaître la cour auprès de laquelle il est accrédité. Qui sait si les événements qui viennent de se produire en Hollande n'auraient pas pu être prévenus, si notre ministre plénipotentiaire, à La Haye, avait eu plus de temps pour préparer et suivre les négociations !
Loin de moi la pensée de dire la moindre chose contre ce diplomate ! Je rends toute justice à son zèle et à son mérite, mais on doit bien reconnaître qu'il aurait pu avoir plus d'influence à La Haye, s'il y avait été depuis un temps plus long.
Si nous avons ou si nous devons avoir des rapports importants avec les gouvernement anglais, je dis qu'il est essentiel que nous ayons là quelqu'un qui soit capable et qui veille constamment à nos intérêts ; sans cela, faisons une économie en réduisant l'allocation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je ne prends point la parole pour défendre ma position personnelle. J'ai posé nettement la question devant la chambre ; la chambre comprendra qu'il eût été indigne de moi d'user de détours et de faux fuyants dans cette circonstance. Je crois avoir, comme l'a reconnu l'honorable membre, rendu quelques services à Londres ; la position que j'y occupe est, je pense, utile au pays.
Je ne ferai plus qu'une seule observation, c'est que la position dans laquelle je. me trouve en ce moment n'est pas nouvelle : déjà la confiance du ; Roi m'a appelé, pendant que je remplissais les fonctions d'envoyé extraordinaire à Londres, à d'autres missions ; j'ai eu une mission spéciale en Portugal ; et, pendant toute sa durée, c'est-à-dire pendant une année tout entière, j'ai conservé le caractère de ministre ; car alors, pas plus qu'aujourd'hui, à Londres je n'ai présenté mes lettres de rappel. Il ne s'est élevé alors au sein de la représentation nationale aucune objection contre cette position. Le premier secrétaire de légation à Londres a rempli, pendant mon absence, les fonctions de chargé d'affaires. Ma mission en Portugal se fût peut être prolongée davantage, si, les négociations avec la Hollande ayant été reprises à la conférence, je n'eusse reçu l'ordre de reprendre immédiatement ma position d'envoyé extraordinaire à Londres.
M. Devaux. - Messieurs, je voterai pour le chiffre demandé ; mais je désire qu'on ne donne pas à mon vote un sens qu'il n'a pas, et que n'aura probablement pas non plus celui de beaucoup d'autres membres. M. le ministre vient de nous donner des explications qui ne disent pas tout à fait autant que ce qu'on avait déclaré à la section centrale.
Je lis en effet, dans le rapport de la section centrale, que M. le ministre a donné les explications suivantes :
« Les intentions du gouvernement sont de laisser le poste de Londres vacant pendant le temps que le titulaire remplira les fonctions ministérielles en Belgique. »
Je ne me plaindrai pas, messieurs, de ce que M. le ministre de l'intérieur n'ait pas présenté immédiatement ses lettres de rappel. M. le ministre de l'intérieur voulait d'abord, disait-il, s'assurer du sort du ministère, et tout le monde sait que le sort du ministère n'était pas sans présenter quelque incertitude. M. le ministre de l'intérieur était d'ailleurs nouveau dans la chambre, nouveau dans le ministère ; beaucoup d'hommes et de choses du pays lui étaient inconnus ; il avait besoin de s'assurer du terrain, de savoir s'il y avait plus ou moins de chances de succès pour l'essai ministériel qu'il venait tenter. Il est assez dans l'humaine nature qu'un ministre, dans cette position, prenne quelques précautions ; tous les dévouements ne vont pas jusqu'à l'oubli des intérêts personnels. Les faits qui le prouvent sont assez communs pour que je n'eusse pas pris la parole si l'on n'avait pas été plus loin. Je remarque cependant que, lors de la discussion de l'adresse, M. le ministre avait manifesté d'autres intentions ; voici ce qu'il disait dans cette discussion :
« On vous a parlé du désir de conserver des positions, d'ambitions personnelles, de complaisance envers le premier des pouvoirs, afin de se bien placer dans son esprit. Ah ! messieurs, si ces indignes et ignobles calculs avaient quelque influence sur mes actions ; s'il ne s'agissait que de se maintenir dans un poste élevé, je n'avais qu'un mot à dire pour ne point paraître dans cette enceinte et pour occuper, à l'heure qu'il est, une position d'autant plus belle que je l'avais conquise, et que je la remplissais avec honneur, en représentant, avec quelque dignité, je pense, et le Roi et le pays. Certes, si je n'eusse été animé que par l'ambition, c'est cette position que (page 423) j'aurais conservée ; si je n'eusse été guidé que par l'intérêt personnel et par ces misérables considérations, dans lesquelles l'honorable préopinant va chercher les motifs de ma conduite, ce n'est pas sur ces bancs que je me trouverais, c'est à Londres que je serais encore.
« Qu'a-t-il fallu pour que j'abandonnasse ce que d'autres, peut-être, auraient conservé à ma place ? Il a fallu le sentiment d'un grand devoir à remplir. » (Séance du 18 novembre.)
Vous voyez, messieurs, qu'à cette époque l'intention de M. le ministre de l'intérieur était d'abandonner son poste à Londres, d'en faire le sacrifice ; aujourd'hui il n'abandonne plus rien, il ne fait plus de sacrifice, il croit plus prudent de tout conserver. Il a probablement eu ses raisons de prudence, pour changer de résolution ; je ne les examinerai point, et encore une fois, si la déclaration faite à la section centrale n'était pas conçue en termes aussi absolus, je n'aurais pas pris la parole. Je ne demande pas que M. le ministre de l'intérieur soit remplacé immédiatement, mais je ne puis pas consentir à ce que mon vote en faveur de l'allocation soit considéré comme une approbation de la résolution annoncée par le gouvernement, de tenir le poste de Londres vacant aussi longtemps que M. Van de Weyer remplira les fonctions ministérielles ; de deux choses l’une : ou le gouvernement est sûr à l'avance que M. Van de Weyer ne sera ministre que très peu de temps ; on aurait l'intention préconçue, de ne faire qu'un cabinet temporaire, une espèce d'expédition ministérielle ; M. le ministre de l'intérieur, momentanément détaché pour remplir une mission extraordinaire auprès du gouvernement et des chambres, je ne puis admettre, de la part du gouvernement, une pareille hypothèse, ni surtout l'approuver. Un ministère doit être pris au sérieux, tout au moins par le gouvernement, il ne peut pas être un entr'acte de la diplomatie.
Quand on remplit des fonctions diplomatiques à Londres, on peut être temporairement envoyé en mission à Lisbonne ou ailleurs, mais on ne devient pas chef d'un département ministériel par mission extraordinaire.
Si la présence de M. Van de Weyer n'a pas ce caractère dans l'intention du gouvernement, si elle rentre dans la règle générale et dans les principes sérieux d’administration régulière d'un pays, alors le gouvernement ne peut préjuger les limites de sa durée ; il faut qu'il admette qu'elle peut durer plusieurs années, 6 ou 8 ans, dix ans même ; il y aurait une extrême inconvenance envers le pays, envers l’administration, à vouloir qu'un poste diplomatique reste ainsi indéfiniment vacant, au profit d'un homme, comme une propriété particulière ; ce serait là l'intérêt personnel dans toute sa franchise, je l'avoue, mais que la franchise ne parvient pas à rendre édifiant.
Je ne conteste pas les services rendus par M. Van de Weyer ; mais dans notre temps on ne fait pas d'une fonction publique une propriété personnelle. Où en serions-nous s'il en était ainsi ? Nous en serions revenus à cet âge de l'histoire où les grandes charges publiques étaient devenues viagères, en attendant qu'elles devinssent héréditaires. Je crois que nous n'en sommes pas là.
J'ai, messieurs, quelque droit de parler ainsi, parce que je suis de ceux qui, depuis l'origine, ont soutenu ici l'utilité de donner à nos diplomates de quoi se faire dans le monde où ils vivent une position considérée et influente. Mais M. Van de Weyer vient fournir les plus grands arguments à ceux qui ne voulaient pas tant faire pour notre diplomatie. En effet, si les postes diplomatiques les plus importants peuvent rester vacants et abandonnés a des secrétaires pendant 6, 8,10 ans, l'utilité des chefs de légation plus coûteux se trouve singulièrement réduite. Ainsi pourra-t-on dire désormais : Supprimons les ministres plénipotentiaires permanents, et si une circonstance grave se présente, on pourra nommer un diplomate en mission extraordinaire ; ce sera beaucoup plus économique.
Nous avons vu quelquefois des ministres laisser vacantes des places qu'ils venaient de quitter ; mais c'était à l'intérieur du pays, temporairement et ils étaient convenablement remplaces pendant leur absence. C'est d'ailleurs pour prévenir des irrégularités de ce genre, que la loi des pensions a réglé d'une manière exceptionnelle le sort des ministres qui se retirent : c'est un coussin destiné à adoucir les chutes ministérielles.
Il n'est pas aussi doux que nos plus belles positions diplomatiques. Mais la loi a voulu qu'on s'en contentât, il faut bien que les ministres acceptent l'égalité entre eux.
Je le répète, messieurs, je n'aurais pas fait ces observations sans la déclaration si absolue qui est consignée dans le rapport de la section centrale. Déclarer en quelque sorte un poste diplomatique la propriété d'un individu m'a paru une chose exorbitante, et j'ai voulu en repousser la responsabilité tout en votant pour l'allocation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je ne pose pas, messieurs, le principe que vient de combattre l'honorable préopinant, et il y a, dans la généralité de ses expressions, une position que je ne pourrais ni accepter ni défendre.
Vous sentirez, messieurs, que je me trouve devant la chambre, non dans une position embarrassante, mais délicate. J'abandonne à l'appréciation équitable de la chambre, l’examen de la question de savoir si, en acceptant une position ministérielle en Belgique, j'ai eu en vue mes intérêts personnels. Au moment où je parle, messieurs, tout mon établissement à Londres existe encore tel qu'il était avant mon départ, et doit nécessairement rester sur le même pied. Je suis, à cet égard, dans une position toute autre que celle de la plupart des membres du corps diplomatique. Je ne veux pas entrer ici dans des calculs qu'il ne convient ni à moi de vous communiquer, ni à la chambre d'entendre. Mais je crois être personnellement connu de la plupart d'entre vous ; vous le savez, j'ai prouvé en toute circonstance que ce ne sont pas des considérations de calcul qui ont dicté mes résolutions et que j'ai toujours sacrifié mes intérêts particuliers aux intérêts du pays. Je le répète, je m'en rapporte, à cet égard, messieurs, à votre sentiment de justice et à l'appréciation que vous avez pu faire de mon caractère personnel.
M. David. - Messieurs, d'après la réponse que M. le ministre des affaires étrangères a faite à une demande de la sixième section, je ne puis déterminer le chiffre que touchera à Londres M. Drouet, pendant l'absence du chef de la légation...
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Cette indemnité a été fixée par arrêté royal.
M. David. - S'il y a un arrêté, je me bornerai à demander si, indépendamment de son traitement ordinaire de 10,000 francs, M. Drouet jouit intérimairement du sixième de la somme allouée pour la légation...
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Oui.
M. David. - Ainsi, le remplaçant du chef de la légation belge à Londres touche maintenant 23,300 francs, savoir 10,000 francs (traitement fixe), et 13,300 francs (indemnité temporaire).
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 80,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Pays Bas, 50,000 fr. »
M. de Tornaco. - Messieurs, la chambre se rappelle que le chef de la légation belge à La Haye a été changé, aussi bien que celui de la légation belge à Berlin.
Aucun motif n'existait pour opérer ce changement. Le seul motif apparent qu'on pût découvrir, c'était la nécessité de faire place à un ministre qui venait de quitter le portefeuille.
Je ne veux pas examiner la signification politique de cet acte, je ne veux pas non plus donner le moindre caractère de personnalité à ces observations. M. le ministre de l'intérieur vient de vous dire qu'il n'est pas indifférent de conserver son rang dans la diplomatie étrangère. Je demanderai à un honorable ministre s'il y a une différence entre le rang des diplomates à Berlin et à La Haye, et celui des diplomates à Londres. S'il n'est pas indifférent de conserver son rang à Londres, il ne doit pas être indifférent non plus de le conserver à Berlin et à La Haye. Ce rapprochement vous fait voir, messieurs, qu'il y a dans le gouvernement deux poids et deux mesures, je crois que cela est d'une évidence palpable.
Messieurs, je n'ai pas pu me dispenser de critiquer les changements qui ont eu lieu à Berlin et à La Haye, parce que je pense que de pareilles mutations ne doivent être opérées que très rarement. Un diplomate n'est pas tout d'abord à même de remplir les services qu'il doit rendre, ce n'est qu'après un certain séjour auprès du gouvernement auprès duquel il est accrédité, qu'il acquiert les connaissances qui lui sont nécessaires.
Non seulement, messieurs, il n'existait pas de motif plausible pour changer ces deux diplomates, mais si mes renseignements sont exacts, on n'a pas fait usage, à leur égard, des procédés que réclament des fonctionnaires dans cette position : si mes renseignements sont exacts, on leur a signifié leur changement, et on leur a donné quinze jours pour se déplacer.
Messieurs, ce n'est pas ainsi qu'on doit traiter des fonctionnaires, quand on veut en attendre zèle et dévouement. D'après ce fait et celui qui se passe concernant la légation de Londres, il faut reconnaître qu'on fait une singulière position aux jeunes gens qui entrent dans la carrière de la diplomatie. Voici la perspective qu'ils ont : d'un côté, ils ne peuvent pas aspirer aux postes les plus élevés, parce que, paraît-il, il y a une tendance à se les inféoder ; d'un autre côté, s'il leur arrive d'obtenir un poste de ministre à l'étranger, il leur est réservé d'être traités de la manière la plus fâcheuse, c'est à-dire qu'on ne leur accorde pas même les égards qu'on accorde souvent à des fonctionnaires d'un ordre inférieur. Je le répète, messieurs, cette manière de traiter les fonctionnaires, outre qu'elle est injuste, est aussi peu propre à stimuler leur zèle et leur dévouement. Je désire que le gouvernement profite de ces courtes observations.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, s'il est une attribution essentielle au gouvernement, c'est bien celle de choisir ses agents, et surtout ceux qui doivent le représenter à l'étranger. Le contrôle des chambres ne peut aller jusqu'à discuter le mérite de tels ou tels choix individuels, ou la convenance de tels ou tels déplacements ; ces déplacements peuvent avoir des causes dont l'appréciation appartient au ministre seul, dont les archives du département ont seules le secret. Ces causes peuvent être d'une nature très délicate, et concerner parfois les gouvernements étrangers auprès desquels les agents sont accrédités. Et l'on veut que l'on discute à la tribune, devant ces gouvernements étrangers, les causes de tel ou tel déplacement, la convenance de telle ou telle nomination ! Cela n'est pas possible, messieurs ; c'est là renverser toutes les idées reçues, et je manquerais complétement à mes devoirs, si je suivais l'honorable membre sur ce terrain tout personnel. Ce que je puis affirmer, c'est que, si je pouvais faire connaître à la chambre les motifs qui ont guidé le gouvernement dans les nominations auxquelles l'honorable préopinant a fait allusion, il me serait très facile de démontrer que ces motifs sont purement d'ordre administratif et d'intérêt général ; qu'il n'y a eu ni disgrâce, ni mauvais procèdes pour personne. Mais je le répète, je ne veux pas suivre l'honorable préopinant sur le terrain où il a voulu m'entraîner, et où des questions personnelles devraient être discutées. La chambre ne peut pas l'exiger : l'attaque serait permise, mais la défense ne le serait pas.
M. Osy, rapporteur. - Je ferai seulement ici une observation générale. Je vois avec regret que chaque fois qu'un poste de ministre à l'étranger devient vacant, on le donne à un homme politique qui n'est pas dans la carrière diplomatique. C'est décourager notre diplomatie. C'est dans ce sens que j'appuie les observations de l'honorable M. de Tornaco. Je pense qu’il est de toute justice que quand un poste devient vacant, le choix tombe de (page 424) préférence sur ceux qui sont dans la carrière depuis un plus ou moins grand nombre d'années, et non pas sur des hommes politiques qu'une révolution ministérielle a renversés.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'observation de l'honorable préopinant manque ici complétement d'application. Le haut fonctionnaire auquel il fait allusion, avait appartenu au corps diplomatique. Ainsi ce n'est pas un homme politique qu'on a fait entrer d'emblée dans le corps diplomatique, mais il avait fait partie de ce corps, et il l'avait honoré, comme il a honoré les autres fonctions qu'il a occupées, par l'activité et le remarquable talent qu'il y a déployés.
M. Osy, rapporteur. - Il est vrai que la personne à laquelle j'ai voulu faire allusion a déjà fait partie du corps diplomatique ; mais c'est précisément à l'époque où elle est entrée dans la carrière que j'ai voulu remonter. Le fonctionnaire dont il s'agit n'était pas dans le corps diplomatique, quand il a été nommé pour la première fois ministre plénipotentiaire ; il était antérieurement secrétaire du ministère des affaires étrangères, puis ministre à portefeuille. Mais ceux qui doivent avoir la préférence sont ceux qui, depuis 1830, sont réellement dans la diplomatie ; il s'en trouve, depuis cette époque, qui n'ont reçu aucun avancement. Je puis citer un chargé d'affaires qui pendant deux ans a été accrédité à Francfort comme chef de mission, et qui, à l'heure qu'il est, n'est pas encore replacé.
M. de La Coste. - Messieurs, il serait sans doute à désirer que dans toutes les carrières l'avancement eût lieu hiérarchiquement. Les fréquentes mutations dans le ministère amènent certainement une perturbation dans l'application de ce principe, que je voudrais voir observer plus religieusement. Mais, ainsi que l'a dit M. le ministre des affaires étrangères, l'honorable M. Nothomb n'était pas étranger à la diplomatie. Si j'ai pris la parole c'est que, quoique n'ayant pas toujours approuvé les mesures que défendait ce ministre, je verrais avec regret que, dans cette enceinte, il fût attaqué lorsqu'il en est absent ; et je pense que l'honorable M. Osy lui-même doit reconnaître que M. Nothomb est un des hommes qui dans la carrière diplomatique peut, l'occasion se présentant, rendre le plus de services au pays.
M. Verhaegen. - Je ne demande pas la parole pour prendre part au débat qui vient de s'élever, mais parce que je tiens à dire que c'est au grand détriment du pays qu'on ouvre des places pour caser les ministres tombés. Il ne s'agit pas seulement de déplacement de ministres plénipotentiaires, de chargés d'affaires, d'avancement de rang dans la diplomatie ; par le besoin de caser un ministre qui tombe, on arrive à donner des pensions à d'anciens gouverneurs pour pouvoir donner sa place à un ministre. Puisque l'occasion se présente, je ferai cette remarque, qu'on a fait sortir de sa place un gouverneur à qui on a donné, je ne sais pourquoi, une pension de 6,000 fr., afin d'ouvrir une place et, au moyen d'une mutation, de caser encore un ministre tombé. Je ne comprends pas la nécessité, quand un ministre tombe, de placer les anciens ministres.
- L'article 5 est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Italie : fr. 40,000. »
M. Delfosse. - Je désire savoir de M. le ministre des affaires étrangères, s'il sait ce qui s'est passé au sujet de la fondation Darchis à Rome. On sait que Darchis était un Liégeois qui a fondé un établissement à Rome pour ses compatriotes ; cet établissement a été perdu pour nous pendant la révolution française et sous l'empire.
Après les événements de 1814, l'ambassadeur des Pays-Bas à Rome fit des réclamations qui furent accueillies par le gouvernement pontifical ; l'établissement nous fut rendu, et depuis 1825 il a été sans interruption ouvert à des artistes liégeois qui y étaient envoyés par la députation permanente ; mais il paraît que le gouvernement pontifical aurait fait naître, en dernier lieu, des difficultés auxquelles on était loin de s'attendre ; il aurait refusé d'admettre les derniers artistes envoyés à Rome par la députation permanente ; je prie M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien nous donner des explications sur ce point.
M. Orts. - Je ferai à M. le ministre une semblable interpellation relativement à l'institution Jacobs qui fut fondée à Bologne en 1650. En vertu du testament du fondateur, orfèvre à Bruxelles, les héritiers fiduciaires ont constamment administré les biens de cette fondation ; anciennement, c'était la corporation des orfèvres de Bruxelles qui nommait les boursiers au collège Jacobs à Bologne, mais par suite de la suppression des corps de métiers, un arrêté du roi Guillaume avait investi l'administration communale de Bruxelles de ce droit de nomination. Les choses se passaient ainsi depuis plusieurs années, lorsqu'il y a environ deux ans le gouvernement pontifical fit des difficultés sur l'administration de ces héritiers fiduciaires ; il a prétendu que c'était à lui seul qu'on devait rendre compte de l'administration des biens, et il a refusé de reconnaître à l'autorité communale de Bruxelles le droit de nomination aux bourses. Ces prétentions ont fait l'objet d'une correspondance entre l'administration communale de Bruxelles et M. le ministre de l'intérieur, au département duquel ressortit cette administration ; M. le ministre de l'intérieur en a référé à son collègue M. le ministre des affaires étrangères ; je le prierai de vouloir bien nous dire à quel point est arrivée la négociation concernant cette affaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, effectivement, des difficultés ont été élevées par le gouvernement pontifical relativement à la fondation Darchis à Rome. Le gouvernement pontifical a interprété le testament, qui est rédigé en latin, de telle sorte que, de fait, les artistes liégeois seraient, dorénavant, exclus au profit des élèves en droit et en théologie. Le gouvernement belge n'a pas adopté cette interprétation. Il soutient que les seuls exclus sont les artistes dans les arts mécaniques.
Une autre difficulté soulevée porte sur la question de savoir à qui appartient de droit l'administration de la fondation, et quelle part doit être réservée au gouvernement pontifical. Cette négociation a subi certaines lenteurs ; pour obvier à ces lenteurs, et sur les réclamations très vives du gouvernement belge, le préfet des études à Rome a été chargé d'ouvrir des conférences spéciales avec l'envoyé belge pour s'entendre sur cet objet. Je puis assurer qu'aucun effort n'a été et ne sera négligé pour faire prévaloir nos justes prétentions à cet égard.
Quant à l'institution Jacobs, j'ai rappelé cette affaire à notre ministre à Rome ; je n'ai pas de nouvelles récentes ; de sorte que je n'ai point de renseignements précis à donner à l'honorable député de Bruxelles ; mais il peut être convaincu que cette question n'est pas perdue de vue par le gouvernement.
M. Delfosse. - Je ne comprends vraiment pas que l'on puisse soulever aujourd'hui des doutes sur l'interprétation du testament. Voilà vingt-trois ans qu'il est exécuté conformément à un arrêté pris par le roi Guillaume, sans que la cour de Rome ait fait la moindre observation. Il serait vraiment étrange que la cour de Rome se montrât plus difficile pour nous, qui lui donnons tant de sujets de satisfaction, qu'elle ne l'a été pour le gouvernement hollandais. Je prends acte de la promesse que M. le ministre des affaires étrangères vient de faire de porter son attention sur ce point, et j'espère qu'il la tiendra.
- L'article 6 est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Prusse : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 8. Etats-Unis : fr. 25,500. »
- Adopté.
« Art. 9. Turquie : fr. 40,000. »
M. Veydt. - Je ne veux pas proposer de réduction sur cet article. Mais la section centrale nous apprend que la légation de Turquie est composée de 5 personnes, du ministre dont les appointements sont de 29 mille francs, du secrétaire qui a 6 mille francs et du premier drogman qui a 5 mille francs, ce qui fait 40 mille francs. Mais il y a, en outre, le chancelier, dont le traitement est de 4 mille francs, et le deuxième drogman, donc le traitement est de 3 mille francs, qui sont payés sur le chapitre des traitements et indemnités consulaires. En réalité, cette légation nous coûte 47 mille francs. Je demanderai s'il n'y aurait pas plus de régularité à porter sous la rubrique légation de Turquie toute la somme que coûte cette légation, 47 mille francs, et de réduire de la différence de 7 mille francs le chapitre des traitements consulaires.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Ces explications ont été données déjà les années précédentes. L'honorable membre sait les motifs pour lesquels on a un chancelier en Turquie ; cela tient aux usages locaux de ce pays ; on sait qu'en Turquie le gouvernement n'exerce aucune juridiction sur les étrangers. Le chancelier a des fonctions de consul et des fonctions toutes particulières ; il est notaire, officier de l'état-civil et même huissier, parce que, je le répète, aucune juridiction n'est exercée là sur les étrangers. La nomination du titulaire a permis de ne pas créer de consul rétribué ; c'est le chancelier qui fait les rapports spéciaux sur les affaires commerciales, qui sont attribuées aux consuls rétribués. Il est assez peu important que ce chiffre soit porté au chapitre des consulats ou à celui des légations. Il avait semblé que les fonctions du chancelier et du deuxième drogman étaient consulaires.
M. Veydt. - Ces fonctions sont mixtes. Je propose de porter à 47 mille francs le chiffre de la légation de Turquie et de réduire de 7 mille francs l'article unique du chapitre III.
- L'article 8 avec le chiffre de 47 mille francs est mis aux voix et adopté.
« Bavière (pour mémoire) »
- Adopté.
« Art. 10. Brésil : fr. 21,000. »
M. Osy. - Messieurs, j'ai vu avec regret que, pendant un an, le poste du Brésil a été vacant. Vous savez que c'est là un poste des plus intéressants sous le rapport des intérêts de la Belgique. Depuis dix-huit mois, l'Angleterre n'a plus de traité avec le Brésil, et nous aurions pu y obtenir des avantages commerciaux. Je demanderai à M. le ministre si l'agent qui y est maintenant détaché des Etats-Unis restera définitivement au Brésil afin que nous nous efforcions au moins de regagner le temps perdu.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, le chargé d'affaires au Brésil a présente ses lettres de créance en cette qualité. Ainsi, aux yeux du gouvernement brésilien, il occupe des fonctions définitives.
La question de savoir quel rang il occupe dans la diplomatie belge, est une question différente et qu'il est inutile de traiter ici. Il arrive très souvent qu'un agent diplomatique remplit à l'étranger des fonctions supérieures au rang qu'il occupe dans le corps diplomatique de son pays. Du reste, l'agent dont je parle est d'une capacité reconnue ; ses services ont été appréciés aux Etats-Unis, et le gouvernement a tout lieu de croire qu'il lui rendra les mêmes services au Brésil.
M. Dumortier. - Je ne veux point faire une question personnelle mais je désirerais savoir si l'agent auquel on vient de faire allusion est celui qui est resté pendant un an sans remplir sa mission. Il n'y a pas longtemps, de vives réclamations se sont élevées contre cet agent qui, au lieu de se rendre à son poste, est allé faire une excursion à Paris, ce que le gouvernement a appris en quelque sorte par hasard.
Comme l'a dit l'honorable M. Osy, il n'est point, dans les pays étrangers à l'Europe, de poste plus important que celui du Brésil, parce que c'est la nation avec laquelle nous pouvons le plus facilement lier des relations commerciales. Tous les jours on exprime le désir d'avoir des exportations (page 425) dans les contrées lointaines, eh bien, il n'est pas de nation qui consomme plus de produits européens que le Brésil, et il n'est aucune nation qui ait plus de produits à exporter en Europe. Il n'est donc point de pays avec lequel nous puissions faire un traité plus avantageux aux deux parties. Nous n'avons point de colonies, et par conséquent point de privilèges à accorder. Nous pouvons donc recevoir les produits américains avec avantage et nul pays ne se présente plus favorablement, sous le rapport du peu de temps qu'il faut pour la traversée. Or, notre marine étant fort restreinte, il importe que nous traitions avec ces pays qui présentent cette condition, aûn que nous puissions faire deux expéditions pour une. Le gouvernement doit donc faire les plus grands efforts pour arriver à la conclusion d'un traité avec le Brésil.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - C'est précisément parce que le gouvernement a compris l'importance des relations avec le Brésil et l'utilité de conclure un traité avec cette puissance, que la nomination du titulaire actuel a eu lieu.
L'honorable M. Dumortier a parlé d'un fait dont je ne veux pas entretenir la chambre, mais sur lequel les renseignements obtenus par l'honorable membre ne sont pas exacts. Le membre du corps diplomatique qui avait été nommé chargé d'affaires à Rio a été atteint en Europe d'une maladie grave, qui l'a empêché de se rendre en temps à son poste. De là est résultée pour le gouvernement la nécessité de mettre cet agent en disponibilité, et c'est à cause de l'intérêt puissant que nous avons à ne pas laisser nos relations avec le Brésil interrompues, que le gouvernement a envoyé dans ce pays un autre agent diplomatique, dont le zèle et la capacité sont reconnus. Du reste, messieurs, j'ajouterai qu'un diplomate brésilien d'un rang élevé se trouve depuis un certain temps en Europe, et que le gouvernement s'est empressé de se mettre en rapport avec cet agent venu en Europe dans le but de contracter des arrangements commerciaux avec diverses puissances. Le gouvernement s'est mis en rapport avec cet envoyé brésilien dans le but de hâter la conclusion d'arrangements commerciaux dont nous comprenons toute l'importance.
- Le chiffre de 21,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Danemark : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Espagne : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 13. Grèce : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Villes libres et hanséatiques : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 15. Portugal : fr. 15,000. »
— Adopté.
« Art. 16. Sardaigne : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Suède, 15,000. »
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures 1/2.