(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 1333) (Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal à midi et un quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. Huveners rend compte des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Jean-Heeren Arends, capitaine au long cours, à Anvers, né à l’île de Juiste (Hanovre), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le conseil communal de Louvain présente des observations contre la proposition de loi sur les céréales signée par 21 députés, et demande l’adoption du projet transmis par le sénat, sauf les modifications relatives à l’orge et au seigle. »
« Plusieurs brasseurs et cultivateurs à Renaix demandent le rejet de ces deux propositions de loi. »
« Plusieurs brasseurs de Tournay demandent le rejet des propositions de loi sur les céréales et celles relatives à l’entrée du houblon. »
M. Savart-Martel – Je demanderai que cette requête soit renvoyée à la commission d’industrie et à la section centrale chargée de l’examen des propositions. C’est la marche que l’on a suivie pour les autres pétitions relatives aux mêmes objets.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs propriétaire de carrières de Soignies demandent que M. le ministre des travaux publics fasse mettre à leur disposition le matériel nécessaire pour écouler leurs produits. »
M. Sigart – Je proposerai de renvoyer cette pétition à la commission, avec demande d’un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le bourgmestre de la commune de Dalhem demande que tous les vétérinaires diplômés puissent exercer les droits réservés aux vétérinaires du gouvernement , par l’arrêté royal du 19 avril 1841, relatif à l’indemnité sur le fonds d’agriculture. »
« Même demande du bourgmestre de la commune de Mouland. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Herck, négociant à Waremme, réclame l’intervention de la chambre, pour obtenir l’indemnité qui lui revient du chef des pertes que lui a fait subir l’administration du chemin de fer, en retardant l’expédition de ses marchandises. »
- Même renvoi.
« Par divers messages, en date du 11 avril, le sénat informe la chambre qu’il a adopté les projets de loi concernant :
1° La libre entrée des machines ;
2° La réunion à la ville de Louvain d’une partie du territoire de la commune de Wilsele ;
3° L’ouverture d’un crédit au département des travaux publics, pour le remboursement des avances faites par la Société Générale, aux concessionnaires de la Sambre canalisée ;
4° L’ouverture d’un crédit au département des finances pour le payement des intérêts dus à la Société Générale, en exécution d’une transaction avec les anciens concessionnaires de la Sambre ;
5° L’ouverture d’un crédit au même département pour faire face à des dépenses restant à liquider sur les exercices antérieurs à 1844 ;
6° L’ouverture au même département, d’un crédit destiné au payement de créances dues à d’anciens employés du cadastre ;
7° L’acquisition de parties de biens enclavés dans le domaine de Tervueren ;
8° L’aliénation de biens domaniaux ;
9° L’érection des communes de Molen-Beersel et de Kinroy.
Le sénat informe également la chambre qu’il a pris en considération les 23 demandes en naturalisation ordinaire et rejeté celles des sieurs Colonius et Rutjes.
- Pris pour notification.
M. Savart-Martel dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à accorder au gouvernement un crédit supplémentaire pour payer les arrières de toelagen antérieurs à 1839.
M. Delehaye, au nom de la commission des naturalisations, présente plusieurs rapports sur des demandes de naturalisation, et un projet de loi tendant à accorder la grande naturalisation au sieur Behaegel.
Ces rapports et ce projet seront imprimés et distribués. Le jour de la discussion sera fixé ultérieurement.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Messieurs, j’ai demandé la parole pour vous entretenir de la question posée par l’honorable M. Brabant, et qui est conçue en ces termes : « L’infanterie sera-t-elle composée de 256 compagnies ? »
Messieurs, nous ne pouvons pas accepter la discussion sur cette question ainsi posée. Pour formuler le projet qui vous est soumis, nous avons dû faire aussi de notre côté une organisation complète ; de cette organisation complète, nous avons tiré les différents chiffres que nous vous avons présentés. Je dois demander à l’honorable M. Brabant qu’il veuille bien agir de la même manière. Le résultat de la solution affirmative de la question posée par l’honorable M. Brabant, ce résultat serait la suppression de 70 compagnies ; l’honorable membre trouve, comme vous, nécessaire de placer 3 officiers dans chaque compagnie ; sa proposition tend donc à la suppression de 210 officiers. Je prie l’honorable M. Brabant de bien vouloir poser son chiffre. Je ne cherche, du reste, nullement à me soustraire à une discussion sur l’utilité de la formation par 4, par 6 ou par 8 compagnies.
Nous vous avons proposé des éléments ; au moyen de ces éléments, comme j’ai déjà eu l’honneur de le dire, si les progrès de la tactique ou quelques circonstances particulières l’exigeaient, nous pourrions adopter telle organisation qui serait reconnue la plus favorable, nous pourrions adopter soit l’organisation par quatre compagnies, soit l’organisation par six ou par huit compagnies, suivant que nous le jugerions nécessaire. Si au contraire vous votiez le chiffre de 256 compagnies, ce chiffre serait arrêté pour toujours et nous serions liés.
Je prie donc, messieurs, de bien vouloir voter sur les propositions du gouvernement, et je demanderai à l’honorable M. Brabant de formuler son amendement de la même manière que nous avons formulé nos propositions.
M. Brabant – Je croyais avoir développé suffisamment, à la séance d’hier, le système présenté. Le gouvernement le connaît depuis très-longtemps, puisque c’est le système du rapport du budget de 1843.
Pourquoi ai-je proposé de poser la question de savoir combien il y aurait de compagnies ? C’est que la compagnie est le plus simple élément qu’on puisse faire entrer dans l’organisation de l'armée. J’ai dit comment les compagnies peuvent se répartir par bataillon ; j’aurais pu ajouter comment les bataillons peuvent se répartir par régiment. J’ai cru devoir poser le principe de la compagnie, parce que, s’il est un maximum sur lequel on soit à peu près d’accord, c’est la force de la compagnie. C’est celui que M. le maréchal Soult a présenté dans son rapport au roi sur l’ordonnance de 1841, et qu’il a développé aux chambres dans toutes les notes à l’appui du budget.
La question est très-simple ; on n’a pas besoin de chercher d’autres explications que celles que j’ai eu l’honneur de donner. Adoptera-t-on le système du gouvernement ou celui que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre ?
J’ai dit hier que je n’ai pas cherché l’économie quand même ; je l’ai établie par les différents systèmes qui peuvent se présenter ici. Si j’avais voulu l’économie quand même, j’aurais pu aller à un million en sus de ce qui vous est proposé.
Je prie la chambre de statuer sur la question, telle qu’elle a été posée hier ici, comme elle l’avait été dans le sein de la section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - J’ai eu l’honneur de vous dire que j’acceptais la discussion sur le terrain de la répartition du bataillon par compagnies. Il s’agit simplement de formuler l’amendement. Quoi que dise l’honorable M. Brabant de son système, j’y suis complètement opposé, je dois le combattre de toutes mes forces. Ici, l’honorable M. Brabant voudra bien admettre que je prends cette défense, en acquit de mes devoirs…
M. Brabant – J’en suis persuadé, général.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – De même que je ne conteste ni la droiture des intentions, ni les procédés loyaux de l’honorable M. Brabant. Je demande que la discussion ait lieu sur les 4 ou les 6 compagnies. Mais je demande aussi que l’amendement soit formulé en chiffres.
M. le président – M. le ministre de la guerre demande que la discussion porte, non pas sur le nombre des compagnies, mais sur le nombre des officiers.
M. Brabant – C’est ainsi que je l’entends. Mais il est impossible de formuler l’amendement avant que la chambre ait résolu la question.
M. de Chimay – Au début de la discussion générale, j’avais énoncé l’intention de laisser au gouvernement le soin de défendre les articles sur lesquels il se trouve d’accord avec la section centrale. Celui que nous discutons est toutefois d’une telle importance, son vote doit exercer une telle influence sur le reste de la loi, que je crois devoir ajouter quelques mots à ce que j’ai eu l’honneur de vous dire précédemment.
La solution affirmative de la question posée par mon honorable ami (page 1334) M. Brabant, détruit par sa base tout le système du ministre de la guerre. Il serait peut-être admissible, si on formait pour la première fois les rangs de l’armée, ou si nous agissions dans la seule prévention de la paix. La première se réfute d’elle-même, et la seconde se réfute par les termes du projet de loi et du rapport de la section centrale, qui, tous deux, en organisant l’armée pour la paix, prévoient les exigences de la guerre. Je crois avoir résumé, dans le rapport de la section centrale, les opinions décisives qui militent en faveur du fractionnement en six compagnies, et mon opinion personnelle est fixée quant à l’influence indispensable d’un cadre nombreux d’officiers en présence d’une organisation militaire qui renouvelle sans cesse les rangs de l’armée et les compose de jeunes soldats inexpérimentés. Je ne vous engagerai cependant pas, messieurs, à faire intervenir dans ce débat une polémique de détails sur lesquels vous voyez que les esprits les plus compétentes sont en parfaite dissidence.
Je ne vous parlerai plus, messieurs, de positions acquises, ni de ménagements à garder. Je comprends très-bien que de pareilles considérations, quelques sérieuses et respectables qu’elles soient d’ailleurs deviennent très-secondaires en présence des grands intérêts nationaux et permanents qui nous occupent. Quant à moi, j’ai assez de confiance dans le dévouement et le patriotisme de l’armée, pour être convaincu qu’elle se soumettrait sans murmures à de nouvelles réductions si elles étaient jugées indispensables. Non-seulement, messieurs, nous contestons l’opportunité et la convenance de ces réductions, mais nous pensons qu’elles pourraient, dans certaines circonstances, entraîner des embarras et des dangers réels pour la bonne organisation de l'armée et son efficacité en temps de guerre. En effet, messieurs, le gouvernement déclare et prouve que, même avec les cadres tels qu’il les propose, il aura à pourvoir au moment du danger, à 630 vacances.
Je ne veux pas entrer dans la discussion générale et revenir sur l’incident relatif au caractère de la loi, regardée par les uns comme établissant un maximum et par les autres comme imposant au gouvernement l’obligation formelle de toujours tenir le cadre au complet. Je dirai cependant que, dans les justes limites de ce qui est possible et raisonnable, la majorité de la section centrale a adopté cette seconde interprétation. Je pense, en effet, que c’est la seule qui offre au pays la juste compensation de ses lourds sacrifices en lui donnant l’assurance fondée et réelle que l’organisation normale de son armée, telle que nous allons la décréter, répondra, autant qu’on peut raisonnablement l’exiger, à toutes les nécessités, à toutes les éventualités. Je crois, messieurs, que dans une question aussi grave, la grande majorité de la chambre doit adopter l’argumentation très-logique et très-sage, développée par l’honorable M. de Brouckère, lorsqu’il s’est prononcé sur la responsabilité qu’il entendait laisser tout entière au gouvernement. C’est aussi la pensée, messieurs, qui a présidé en grande partie au travail de votre section centrale, et l’a engagée à respecter tous les principes d’organisation posés par le gouvernement. Je ne m’étendrai pas davantage, messieurs, sur ce point que je recommande à la sagacité et à la haute prudence de la chambre.
M. le colonel Claisse, commissaire du Roi – L’organisation de l’armée sur pied de paix doit être telle que la transition au pied de guerre puisse avoir lieu sans secousse, et que surtout l’armée se trouve, sous le rapport de l’instruction, de la discipline, de la tactique, de la force morale, en état de lutter avantageusement avec les armées des puissances qui seraient tentées de porter atteinte à l’intégrité du territoire et à l’indépendance nationale.
Tous les sacrifices faits pendant la paix, seraient évidemment en pure perte si l’armée ne satisfaisait pas à cette condition essentielle d’une organisation sérieuse, forte et bien entendue, ayant sa base dans la qualité aussi bien que dans la quantité relative de ses cadres, puisque ceux-ci doivent être d’autant plus nombreux que les soldats sont moins aguerris, moins expérimentés.
La question d’économie ne doit commencer que là où cessent les conditions que je viens de poser, et les réductions de cadres, en temps de paix, ne doivent pas descendre en dessous de ce que l’on prévoit pouvoir réorganiser sans inconvénient pour la marche régulière des divers services dans les corps constitués.
Il est généralement admis que les cadres de ceux-ci peuvent fournir à l’approche d’une guerre les éléments nécessaires pour la composition de corps de réserve, au moyen d’un certain nombre d’officiers devenus impropres à un service bien actif ; mais il y aurait danger réel à songer à créer un trop grand nombre de nouveaux emplois, et le nombre qui résulterait de l’éventualité d’une mise sur pied de guerre en Belgique, d’après le projet du gouvernement, semble avoir atteint les dernières limites du possible.
Il est d’ailleurs à observer que les ressources dont a, de tout temps, disposé l’armée, ont depuis quelque temps semblé vouloir lui faire défaut, et que des réductions nouvelles seraient loin de servir d’appât aux jeunes gens instruits, auxquels les arts, le commerce, l’industrie, etc., fournissent tant de moyens de se créer une carrière.
Les emplois à créer, pour passer au pied de guerre, doivent donc être en rapport avec les ressources en cadres subalternes ; et la citation faite par l’honorable M. Brabant, dans la séance d’hier, est loin de venir confirmer, d’une manière absolue, les conséquences qu’il a voulu tirer de ce qui est arrivé en 1830 et 1831.
Examinons si l’organisation sur le pied de paix, proposée par la section centrale de 1843 et reproduite aujourd’hui par l’honorable rapporteur, réunit ces conditions essentielles.
D’accord en cela avec la majorité de la section centrale, l’honorable membre admet les 16 régiments d’infanterie en projet, et c’est sur le fractionnement des bataillons que porte principalement la différence dans sa manière de voir ; selon lui, le bataillon serait de 4 compagnies ; selon nous, de 6.
Ainsi que l’a fait remarquer la notée insérée au rapport de la section centrale, nous opposons à l’exemple cité de la Russie, de la Prusse et de la Hollande, dont les bataillons sont fractionnés en 4 compagnies, l’Autriche, la Bavière, le Wurtemberg, la Sardaigne, le royaume de Naples, l’Espagne, la Belgique, etc.., qui en comptent 6. La France avait également, sous l’empire, des bataillons de 6 compagnies.
Nous insisterons, de plus, sur l’exemple qui nous a été donné depuis lors par cette puissance, en ce qu’elle a cru devoir porter le nombre de compagnies de 6 à 8, et certes nos soldats n’auront pas à rougir de la comparaison, si nous trouvons que ce qui a paru indispensable chez un peuple, brave par excellence, serait au moins et à un moindre degré utile chez nous.
Nous ajouterons, et ce d’après des documents auxquels nous croyons pouvoir ajouter toute foi, que des militaires, à même d’apprécier les avantages et les désavantages des deux systèmes, regrettent formellement, en Prusse et en Hollande, les résultats d’économie faites au détriment de la mobilité de leurs troupes, et nous dirons que, dans tous les cas, ni l’un ni l’autre gouvernement n’a été, jusqu’à ce jour, en mesure de faire d’une manière décisive, l’épreuve de l’excellence de leur système.
Nous ne suivrons pas l’honorable membre dans ses calculs d’hier, parce que, partant d’une base différente, nous devons nécessairement arriver à des résultats différents. Pour lui, le point de départ, comme unité de force, paraît être la compagnie ; pour nous, au contraire, et en cela nous sommes d’accord avec tous les auteurs militaires, l’unité de force est le bataillon. Or, si nous adoptions toutes les conséquences de son système, rien ne nous empêcherait de prendre, d’un côté, les 8 compagnies, et de l’autre les 250 hommes par compagnie, et nous arriverions, par ce moyen économique, à encadrer nos 60,000 hommes dans 30 bataillons, au lieu d’un nombre plus que double reconnu nécessaire. Je sais bien qu’en cela je fais violence à la pensée de l’honorable membre, mais je n’aurai néanmoins fait que suivre un exemple qu’il me fournit dans une autre circonstance, puisqu’il prend le nombre d’officiers là où existent les compagnies les plus nombreuses, et le nombre de soldats aussi là où ils sont les plus nombreux.
Nos bataillons de 400 hommes pendant 200 jours, c’est-à-dire pendant la période d’été ou de manœuvres, sont donc préférables aux bataillons de 300 hommes en tout temps, qui leur sont opposés, et que les hommes de garde et autres employés réduiraient habituellement à 200 au plus. Ce reproche est fait aux bataillons de six compagnies pendant la saison d’hiver, et nous sommes trop à même d’en apprécier toute l’importance pour ne pas chercher à y parer autant que possible à l’époque de l’instruction.
Quant au passage au pied de guerre, la question est de savoir si, avec les cadres de douze officiers par bataillon, dont on croit possible de se contenter sur le pied de paix, le gouvernement peut assumer la responsabilité d’un armement éventuel, et si l’honorable général dont on invoque l’opinion émise dans la commission des officiers généraux de 1842, consentirait à accepter cette responsabilité avec des ressources réduites à ces proportions.
Or, messieurs, l’honorable général parlait d’adjoindre un lieutenant aux compagnies existantes, c’est-à-dire aux compagnies de trois lieutenants et sous-lieutenants, et il proposait de porter le nombre de sergents à six au lieu de quatre, et celui des caporaux à douze. Par ce moyen, il se créait la possibilité de dédoubler les compagnies au moment de passer au pied de guerre, et le fond de la pensée de l’honorable général était bien positivement d’arriver à ce dernier résultat, c’est-à-dire de porter, au besoin, le nombre des compagnies à huit.
J’ajouterai, messieurs, que la question, mise depuis lors à l’étude dans l’armée, n’a produit, de la part des généraux et colonels d’infanterie, en faveur de la composition par quatre compagnies, que de bien rares adhésions, et ceux-ci même n’ont raisonné que dans l’hypothèse mentionnée précédemment, du dédoublement éventuel et de ressources proportionnées, sur le pied de paix.
Passant maintenant à une autre objection, j’aurai l’honneur de faire observer à la chambre que je ne puis admettre l’importance absolue attachée à la force numérique permanente des compagnies. La conservation des cadres en nombre suffisant et celle d’un plus grand nombre de soldats par compagnie constituerait, l’on ne peut en disconvenir, un avantage inappréciable pour l’instruction de l’armée. L’honorable général de Liem l’avait compris, et c’est dans ce but que le budget qu’il a eu l’honneur de présenter à la chambre en 1843, comportait de ce chef une majoration de 2,000 hommes ; mais votre vote sur l’infanterie ou plutôt les observations qui l’ont précédé, ont bien fait connaître la nécessité pour le gouvernement de se restreindre au plus strict nécessaire. M. le ministre actuel s’est donc vu dans l’alternative ou de sacrifier une partie indispensable des cadres pour conserver un plus grand nombre de soldats, ou bien de réduire le nombre de soldats aux besoins les plus impérieux du service, et certes, il n’avait pas à hésiter.
Quant au degré d’instruction rendu possible d’après le système en vigueur et dont le brave général Lamarque, entre autres, aurait voulu voir doter la France, ce degré d’instruction a été reconnu suffisant par les divers généraux qui se sont succédé au portefeuille de la guerre en Belgique, et je n’hésiterai pas à invoquer les impressions qu’un honorable membre de cette chambre a rapportées d’une visite faite au camp de Beverloo, lors de la dernière période de manœuvres, surtout que les convictions de l’honorable représentant avaient jusque-là été contraires à cet état de choses.
Il est donc satisfait à la condition essentielle d’une armée forte et nombreuse, en ce que les cadres suffisent pour le passage au pied d’observation de l’armée, et en ce que les soldats auront reçu une instruction suffisante pour s’acquitter dignement de l’importante mission que le pays (page 1335) sera en droit de leur confier, après tous les sacrifices imposés à l’état de paix.
Quant à ce qu’à ce qui a été dit au sujet de l’inconvénient que présentent les compagnies trop faibles dans les manœuvres journalières, je n’y vois pas de motif pour préférer le mode qui nous est présenté, mais bien au contraire pour le combattre.
Messieurs, tous les jours vous êtes à même de voir le régime d’élite au grand complet, les officiers de service exceptés ; eh bien, messieurs, les huit pelotons qu’il forme pour se rendre à la manœuvre, ne sont pas toujours commandés par des officiers, bien que, par régiment, nous comptions encore de 12 à 15 officiers de plus que l’organisation en projet, et bien que ce nombre dût rester supérieur d’un tiers à ce que vous propose l’honorable M. Brabant.
En France, où l’on manœuvre aussi par division, ne sont-ils pas obligés de former 8 pelotons de 7 compagnies, et conséquemment d’amoindrir les proportions de ces pelotons en hommes et en cadres ? Il est vrai que leur développement est plus grand là qu’ici, mais à qui la faute ? et n’accepterions-nous pas avec plaisir que le chiffre tant prôné de 80 hommes par compagnie, s’il ne s’agissait que d’opposer au désir bien légitime d’une belle armée, celui plus impérieux de commencer par assurer le nécessaire ?
Erreur, pour vider cette question de détail, je me permettrai de relever une erreur, involontaire sans doute, commise au sujet de l’effectif des chasseurs d’Orléans ou d’Afrique, effectif que l’on a dit être de 150 hommes. Je regrette de ne pas avoir l’ordonnance sous les yeux…
M. Brabant – La voici ; il n’y a qu’un sergent de plus.
M. Claisse, commissaire du Roi – Il n’y a en effet dans ces bataillons qu’un sergent par compagnie de différence. Mais je dois faire remarquer qu’il résulte du budget de 1844, que ces compagnies ont été conservées au même complet que celui des autres régiments. Je me suis donc servir d’un terme impropre, en parlant d’une erreur. J’étais sous l’impression de l’examen que j’avais fait du budget de 1844, et de l’assurance qui m’a été donnée qu’après avoir essayé de ce système, on avait été obligé de revenir au système en vigueur dans les autres corps.
Je ferai une autre observation qui est d’une grande portée, c’est que ces bataillons se recrutent tous de volontaires ; qu’ils sont destinés à un service spécial et non au service de la ligne que l’armée belge serait obligée de faire ; que les soldats sont dressés d’une manière particulière, qu’ils reçoivent une instruction appropriée à leur destination toute spéciale, et que ne reçoivent pas les autres corps ; qu’enfin les dispositions adoptées en France pour la création des bataillons, ne doivent pas nous servir de base.
Nous adoptons le chiffre de 50 hommes par officier subalterne, qui sert aux calculs de M. Brabant. Mais nous l’admettons, ainsi que cela existe dans presque toutes les armées de l’Europe, à raison d’un lieutenant ou sous-lieutenant pour 50 hommes.
Nous trouvons, il est vrai, en Hollande, 3 officiers de ce garde par 240 hommes, mais l’exemple est mal choisi ; car, si mes renseignements sont exacts, la Hollande, pendant qu’elle était, comme nous, sur le pied d’observation, a créé des officiers honoraires pris dans les académies, dans les universités, qui portaient à 5 le nombre des officiers par compagnie. Il en est de même en Prusse. Partout ailleurs, il y a deux lieutenants ou un lieutenant et un sous-lieutenant à raison de 50 hommes.
L’argument tiré de ces chiffres est donc sans valeur.
Une autre question qui a été soulevée, c’est celle relative au budgets de 1832 et de 1833. Je n’examinerai pas cette question en détail. Mais je suis en mesure de vous prouver que ce budget n’est pas sérieux, en ce sens qu’il a dû prendre l’armée dans l’état où elle était. Ainsi d’après ce budget, c’est un colonel qui remplit les fonctions d’inspecteur général et de commandant supérieur de l’artillerie.
Il en était de même dans les divers états-majors, et les sommes résultant de ces différences de positions ne laissent pas que d’atteindre un chiffre assez élevé.
Ensuite les cadres étaient faits pour une armée de 60,215 hommes, tandis que ceux en projet doivent suffire pour 76,000. Je ne pense donc pas qu’on puisse continuer à argumenter d’un budget fait pour un autre effectif, et dont les cadres n’avaient pas atteint le degré de progression auquel ils devaient arriver.
M. Pirson – Messieurs, en ce qui concerne l’arme de l’infanterie, nous nous trouvons en présence de deux systèmes différents. Dans les deux systèmes on maintient le même nombre de régiments ; et l’effectif des compagnies sur le pied de paix pendant les mois d’hiver est à peu près le même. Mais le fractionnement du bataillon est différent. dans le système proposé par la section centrale de 1843, ce bataillon est fractionné à 4 compagnies. Ce système a pour avantage d’avoir, en tout temps, un effectif de la compagnie un peu plus nombreux ; d’un autre côté, il présente l’inconvénient de ne pas avoir des cadres assez consistant, des cadres qui soient en proportion avec le nombre d’hommes à commander, des cadres qui soient en proportion avec le nombre d’hommes incorporés.
Dans le système du gouvernement, le bataillon est fractionné à six compagnies. La majorité de section centrale, majorité à laquelle j’appartiens, s’est prononcée pour le système du gouvernement. J’exposerai quelques-unes des considérations qui m’ont porté à donner la préférence au système du gouvernement sur celui qui a été proposé par la section centrale en 1843.
Messieurs, je commencerai par avouer que, de même que l’honorable M. Brabant, je reconnais que, dans le système du gouvernement, l’effectif des compagnies sur le pied de paix, pendant les mois d’hiver, est un peu faible. Je crois qu’il eût été préférable de conserver l’effectif qui avait servi de base au budget de la guerre de 1843, et j’ai vu avec regret les nouvelles modifications introduites par M. le ministre de la guerre, parce que ces modifications se résument dans une diminution de l’effectif des compagnies.
Cependant, messieurs, si en présence de la situation financière du pays, vous trouvez que des économies sont devenues nécessaires, les réductions doivent-elles porter sur les cadres, et nous mettre, à l’occasion, dans l’impossibilité d’encadrer convenablement l’armée, ou bien vaut-il mieux les faire peser sur l’effectif ? Telle est la question que M. le ministre de la guerre a résolue, tout en rendant compte des vœux d’économie exprimés par cette chambre, et sur laquelle je me permettrai d’émettre mon opinion.
Si vous admettez cette nécessité d’économie, je n’hésite pas non plus à reconnaître que la solution donnée par l’honorable général, aujourd’hui ministre de la guerre, est celle qui me paraît devoir être la moins désavantageuse aux intérêts de l’armée, et par conséquent aux intérêts du pays.
En effet, messieurs, il est très-difficile d’exercer des corps nouveaux au moment d’entrer en campagne, et improviser des cadres nouveaux est chose impossible. Les événements militaires de 1831 ne nous ont que trop prouvé cette impossibilité. Il faut donc conserver comme institution permanente des cadres offrant une consistance suffisante, tandis qu’on peut être plus facile pour l’effectif, parce que l’effectif étant plus mobile, allant et venant, ne présente pas une importance aussi sérieuse.
Avec le système de réduction qui vous a été proposé par la section centrale de 1843, je crois que, pour passer du pied de paix au pied de guerre, vous n’auriez que des cadres dépourvus de l’énergie et de l’aptitude nécessaire pour recevoir les anciens soldats et pour former les nouvelles recrues. Un pareil système ne vous donnerait par une bonne infanterie. Pour être fantassin, il ne suffit pas de connaître le maniement du fusil, et de savoir marcher au pas ; il faut avoir été façonné à tout ce qui constitue le service militaire. Or, messieurs, ce n’est pas avec des cadres aussi réduits ou avec des cadres improvisés qu’on pourrait rendre promptement les recrues propres aux exigences des divers services et leur apprendre le métier de soldat. Si vous conservez un bon cadre d’infanterie, il vous sera toujours facile d’augmenter, en peu de temps, la force de l’infanterie ; mais si vous adoptez un système sans consistance, un système où le cadre, par rapport au nombre d’hommes à commander, ne soit pas dans les proportions voulues et consacrées par l’expérience, vous aurez beau appeler votre réserve sous les armes, vous pourrez bien avoir de gros bataillons, mais vous n’aurez que des bataillons sans valeur militaire.
Il est encore, messieurs, une considération très-majeure qu’on ne doit pas perdre de vue, lorsqu’il s’agit de la fixation des cadres de l’infanterie, c’est l’augmentation d’importance qu’a donnée aux cadres de l’infanterie l’invention des armes à feu. Aujourd’hui, l’infanterie ne combat plus guère à l’arme blanche, que par exception ; le feu, au contraire, est devenu le principal moyen d’attaque et de défense. Il faut donc que les bataillons d’infanterie soient assez bien constitués pour qu’ils conservent leur formation au milieu du tumulte et du danger des combats, et c’est aux cadres qu’incombe le devoir de maintenir cette formation, et de prévenir le désordre.
Avant l’invention des armes à feu, les combats d’infanterie étaient des luttes corps à corps. Le mouvement, l’excitation, l’exaspération voilaient le danger. Mais aujourd’hui, il faut dans la froide impassibilité, attendre des coups que l’on ne peut ni éviter, ni parer ; il faut du sang-froid braver la mort et voir tomber ses camarades ; il faut, dans l’immobilité, entendre leurs gémissements et contempler leurs blessures souvent hideuses.
L’organisation actuelle de l’infanterie réclame donc des cadres plus formés et plus solides, des serre-files plus nombreux pour mieux encadrer la troupe et prévenir la fuite de ceux qui voudraient se soustraire au danger.
Et cependant, messieurs, d’après le projet d’organisation du gouvernement, le rapport entre le nombre d’officiers et soldats ne se trouve pas plus élevé que dans le temps des anciens. Que serait-ce donc, si vous adoptiez un système de cadres du genre de celui qui est proposé par la section centrale de 1843 ?
Les manipules des anciens Romains étaient composés de 4 officiers et de 120 hommes, ou d’un officier par 30 hommes ; d’après le projet du gouvernement, il y a 4 officiers pour 140 hommes, soit un officier pour 35 hommes ; le rapport entre le nombre des officiers et soldats se trouve donc moins élevé que du temps des Romains. Les turmes des anciens Romains comptaient 32 cavaliers et 2 officiers, ou 1 officier pour 16 cavaliers. D’après le projet du gouvernement, on vous propose 6 officiers pour 160 ou 180 cavaliers, soit 1 officier pour 25 ou 30 cavaliers. Vous le voyez encore le rapport entre le nombre des officiers et soldats se trouve encore moins élevé que du temps des Romains.
L’on ne peut contester, messieurs, que l’usage des armes à feu a fait augmenter l’importance des cadres de l’infanterie qui, répartis aux extrémités et derrière chaque peloton, doivent non-seulement diriger les soldats dans les manœuvres, mais encore les maintenir dans les rangs, quand le danger est grand. Aussi, l’on peut poser en principe que les bataillons d’infanterie seront bons, quand les cadres seront bien constitués ; qu’ils seront mauvais, quand les cadres seront mal constitués, et que la meilleure infanterie sera celle-là qui aura les meilleurs cadres.
Les dernières guerres nous offrent de nombreux exemples, à l’appui de ce principe. Je vous demanderai la permission de vous en citer un ou deux.
Dans la guerre contre l’Espagne, Napoléon avait donné à cette lutte une (page 1336) grande activité dès son début. Les Espagnols furent contraints de lever beaucoup de troupes, et leur infanterie se trouva presque entièrement constituée de cadres improvisés. Eh bien, messieurs, cette infanterie prouva dans plusieurs sièges qu’elle se distinguait par beaucoup de courage personnel, mais en rase campagne, elle ne put jamais tenir contre l’infanterie française. Pourquoi ? parce que l’infanterie espagnole avait été constituée avec de mauvais cadres, avec des cadres improvisés, peu aguerris, peu manœuvriers et n’inspirant aucune confiance aux soldats qui se sentaient pénétrés du sentiment de leur infériorité en présence de l’infanterie française. Tandis que dans la même guerre l’infanterie anglaise à Talavera, à Orcania, à Salamanque, à Vittoria, se distingua d’une manière toute spéciale ; ce qu’on doit attribuer en grande partie à la bonne qualité de ses cadres.
Dans les deux années qui précédèrent la chute de Napoléon, l’infanterie française avait beaucoup perdu de sa qualité. Pourquoi encore, messieurs ? Parce qu’après la malheureuse campagne de 1812, Napoléon avait perdu la plus grande partie de ses cadres, et qu’en 1813 et en 1814 il fut obligé de réorganiser son armée avec des cadres improvisé et non formés d’avance.
Il faut en convenir, la bonne qualité de l’infanterie réside principalement dans la qualité des cadres qui, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, se trouvent répartis aux extrémités et derrière chaque peloton, dirigent non-seulement les soldats dans les manœuvres, mais doivent encore les contraindre à garder leurs rangs et les forcer à faire leur devoir.
Ces considérations générales, messieurs, m’auraient déjà paru assez puissantes pour donner la préférence au système du gouvernement sur celui de la section centrale de 1843 qui pour passer du pied de paix au pied de guerre présenterait les plus graves inconvénients à cause de l’insuffisance des cadres ; mais la question du fractionnement du bataillon est venue encore renforcer mon opinion. Comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, dans le projet de la section centrale de 1843, le bataillon est fractionné à 4 compagnies ; dans celui du gouvernement à 6 compagnies. Voici encore quelques-uns des motifs qui me portent à penser que ce dernier fractionnement est le meilleur.
Parmi ces motifs, je mettrai en première ligne le rapport des généraux. La commission, composée sans doute d’hommes très-compétents dans la matière, doit être une autorité pour nous, et elle s’est prononcée pour le fractionnement à six compagnies.
Le lieutenant-général l’Ollivier, l’un des officiers généraux les plus distingués de notre armée et qui faisait partie de cette commission, a motivé son opinion principalement sur l’effectif du bataillon qui, dans tous les pays, est à peu près le même, car il ne varie guère qu’entre huit et neuf cents hommes. Il a envisagé le bataillon dans ses parties, sous le rapport du nombre d’hommes, à commencer par chaque individu gradé. Il a prouvé que le fractionnement en six compagnies était préférable, parce que le nombre d’hommes à commander par chaque individu gradé se trouvait plus en rapport avec l’intelligence et les facultés présumées de chacun de ces individus gradés, à commencer par le caporal.
Le général l’Ollivier a fait remarquer, en outre, que dans les formations en colonnes serrées par division, colonnes les plus usitées dans l’infanterie, le bataillon fractionné à 6 compagnies occupe une étendue beaucoup moins grande que lorsqu’il est fractionné en 4 compagnies, et qu’il en résultait nécessairement des alignements plus prompts et plus faciles, moins de flottement en marchant, moins de pertes de distances dans les marches de flanc, et enfin une plus grande facilité pour exécuter les changements de direction et obtenir une marche assurée.
Ces considérations, quelque secondaires qu’elles puissent vous paraître, sont de la plus grande importance pour tout homme qui a quelque notion de la tactique.
Aux motifs présentés par le général l’Ollivier, j’ajouterai que dans la plupart des pays le fractionnement à plus de quatre compagnies est adopté. Ainsi, en Autriche, le bataillon est fractionné en six ou huit compagnies, je crois ; dans le royaume de Naples et en Espagne en six compagnies. En France, il est fractionné en huit compagnies sur le pied de guerre, et en sept compagnies sur le pied de paix. En Angleterre, les bataillons sont fractionnées en dix pelotons ou compagnies.
Ainsi, dans tous les pays, on conserve sur le pied de paix, six, huit, jusqu’à dix capitaines, et les cadres de six, sept, jusqu’à dix compagnies.
Je n’ignore pas que dans d’autres pays qu’en Prusse et en Russie, le bataillon n’est fractionné qu’en quatre compagnies, mais je crois ce fractionnement beaucoup moins bon, pour ne pas dire défectueux.
En Prusse, le régiment se compose de trois bataillons, dont deux bataillons de mousquetaires et un bataillon de tirailleurs. Les bataillons de mousquetaires, étant divisés en quatre compagnies, n’ont pas, comme les nôtres, deux compagnies d’élite, une compagnie de grenadiers et une compagnie de voltigeurs. Ces compagnies, messieurs, sont destinées à faire le service de tirailleurs, services des plus importants.
Les bataillons prussiens, étant fractionnés à quatre compagnies, n’ont donc pas de compagnies d’élite pour faire le service de tirailleurs, mais le troisième rang est dressé à tirailler. Eh bien ! messieurs, l’expérience a prouvé que ce troisième rang, employé comme tirailleurs, n’offre ni l’homogénéité, ni l’élan d’une compagnie toute spéciale de tirailleurs, conduite et entraînée au combat par des officiers spécialement dressés à ce service.
Le troisième bataillon du régiment prussien, qui est un bataillon de tirailleurs, représente à proprement parler l’élément léger du régiment. Eh bien ! messieurs, très-souvent encore, à la guerre, il est arrivé qu’un bataillon de mousquetaires se trouvant détaché et séparé du bataillon de tirailleurs, devait soutenir un combat, et il en résultait que ce bataillon, privé de son élément léger, succombait à l’attaque d’un bataillon composé de six compagnies, dont quatre du centre et deux de tirailleurs. Aussi, dans les guerres de la révolution et celles qui ont succédé il a été observé que les bataillons prussiens de mousquetaires souffraient d’ordinaire beaucoup plus que les bataillons de tirailleurs, qui formaient un ensemble plus homogène.
Je tiens de bonne source que des officiers prussiens très-instruits sont loin de considérer leur fractionnement en quatre compagnies comme irréprochable ; ils le regardent même comme défectueux. Un militaire de mes amis m’a assuré tenir de la bouche d’un officier général prussien des plus capables, qui connaît parfaitement le maniement des troupes d’infanterie, que vraisemblablement ce point de leur organisation serait modifié à la première apparence de guerre.
Le général Foy, messieurs, dans son Histoire de la guerre de la Péninsule, attribue en partie les succès de l’infanterie anglaise au fractionnement de ses bataillons, encadrés par 2 compagnies de flanqueurs qui, dans l’attaque, débordaient le bataillon ennemi, ordinairement formé en colonne, et l’assaillaient à coup de fusil avant qu’il n’eût pu croiser le fer ou se déployer.
Le fractionnement du bataillon en 4 compagnies, quoique plus défavorables que celui en 6 compagnies, présente cependant moins d’inconvénients en Russie et en Prusse que dans tous les autres pays, parce qu’en Russie les soldats doivent servir pendant 20 années consécutives, et qu’en Prusse ils passent de l’armée permanente dans une landwehr, soumise encore à des exercices fréquents. Alors il est possible de dresser indistinctement tous les soldats au service de tirailleurs ; mais en Belgique, il ne pourrait en être de même. Je n’en dirai pas davantage. Ces considérations, jointes à celles qui se trouvent indiquées dans le rapport de la section centrale, me paraissent suffisantes pour établir que le fractionnement du bataillon à 6 compagnies, tel qu’il existe en Belgique, est préférable au fractionnement à 4 compagnies, et que notre système de recrutement nous fait une obligation de le maintenir.
Avant de terminer, messieurs, puisqu’il s’agit de vous prononcer sur le nombre des compagnies d’infanterie, je crois devoir dire quelques mots à propos de l’amendement proposé par M. le ministre de la guerre et ayant pour objet la création d’une compagnie sédentaire de sous-officiers.
Aujourd’hui, messieurs, le sort des sous-officiers que des infirmités corporelles contractées sous les armes rendent impropres au service actif et qui n’ont pas atteint le nombre d’années donnant droit à la pension, est des plus déplorables. Ces ma heureux, qui ont péniblement gagné leurs chevrons, sont le plus souvent congédiés impitoyablement sans qu’on leur assure de quoi se procurer un abri et un morceau de pain ; ou bien, si quelques-uns d’entre eux peuvent être conservés, c’est pour être placés dans des compagnies sédentaires où, pour vivre avec leurs familles, il ne reçoivent que la solde du simple fusilier.
L’institution des compagnies sédentaires avait eu pour but d’accorder une récompense à de bons et anciens services ; mais, en ce qui concerne les sous-officiers, comme la plupart d’entre eux ne peuvent être admis à faire partie des cadres de ces compagnies qui sont très-restreints, cette institution a manqué son objet. Elle les place dans une position tellement pitoyable, misérable, dégradante, qu’il est urgent de mettre un terme à un pareil état de choses.
Il ne faut pas perdre de vue que les sous-officiers sont l’âme des corps, qu’ils constituent la plus grande partie des cadres, qu’ils rendent les plus grands services, que vivant continuellement avec le soldat, ils sont l’un des rouages les plus utiles pour le maintien de la discipline et de l’esprit militaire. Ceux de notre armée, à quelques exceptions près, se distinguent par le bon esprit qui les anime, par leur bonne conduite, par leur conduite honorable. Aussi, j’en ai la conviction, messieurs, de même que votre section centrale, vous accueillerez favorablement la proposition de M. le ministre de la guerre concernant cette compagnie sédentaire de sous-officiers, parce qu’elle présentera déjà une amélioration de position pour cette partie si intéressante de l’armée qu’on ne saurait entourer de trop de considération.
Mais, messieurs, j’espère, que là ne se bornera pas la sollicitude du gouvernement pour les sous-officiers.
L’on ne saurait trop se préoccuper des moyens de les retenir sous les drapeaux. Pour y parvenir, il est indispensable de leur assurer certains avantages qui sont un encouragement pour eux et que les dédommagèrent de leurs pénibles travaux.
On ne peut se le dissimuler, sur le pied de guerre, et d’ici à longtemps encore telle que notre armée se trouve actuellement constituée, il y a peu de chance d’avancement pour nos sous-officiers.
Ce n’est pas cette perspective d’avancement si restreinte qui pourra les engager à supporter tout ce que l’état militaire a de pénible. Le dégoût naît de l’anéantissement de leurs espérances, aussi voyons-nous une grande partie de nos sous-officiers, dès que leur terme d’engagement est expiré, abandonner une carrière qui ne leur offre ni avenir, ni encouragement.
Cet état de choses a frappé notre section centrale, et il lui a paru qu’un moyen incontestable de rendre la position des sous-officiers plus tolérable, serait de leur donner la préférence pour certains emplois civils.
(page 1337) Il n’y a pas de doute que l’adoption d’un principe tendant à accorder aux officiers, sous-officiers et soldats, ayant, je suppose, de 10 à 20 ans de services, la préférence pour des emplois proportionnés à leur capacité, serait doublement avantageuse au pays tant sous le rapport moral que sous le rapport financier. L’adoption d’un pareil principe relèverait l’état militaire. On verrait une foule de jeunes gens signer des engagements volontaires pour s’assurer un sort ; l’armée y gagnerait de bons cadres et la conservation d’un bon esprit militaire, le pays une bonne armée et une grande économie, dans le chiffre des pensions militaires. Ces considérations ont engagé votre section centrale à exprimer dans son rapport un vœu qui, j’en suis persuadé, trouvera de l’écho dans cette enceinte, et qui, j’espère, ne restera pas stérile. Ce voeu, c’est que le gouvernement, dans les divers départements ministériels, réservent des emplois aux sous-officiers qui se seront distingués par leur bonne conduite et leur aptitude et qui manifesteront le désir de rentrer dans la vie civile.
Comme l’a dit l’honorable M. Delehaye, dans la discussion générale, on pourrait, avec quelque fondement, reprocher au gouvernement de ne pas honorer assez la profession des armes. Le gouvernement ne tient pas assez compte des services militaires qui sont cependant des services rendus à l’Etat, et par conséquent au pays tout entier. Les services militaires étant peu récompensés, les volontaires s’attachent peu à la vie militaire et ne songent qu’à quitter au plus vite une carrière qui ne leur présente aucune perspective d’avenir.
En Prusse, on comprend mieux l’importance de récompenser les services militaires. De 1823 à 1839, dans une période de 17 officiers années, 885 et 17,236 sous-officiers et soldats ont été placés dans les administrations civiles. Quels motifs peuvent donc s’opposer à ce qu’un semblable principe soit admis en Belgique ?
Pourquoi, dans l’administration des finances, les emplois de douanier, de préposé des accises, de gardes forestiers, ne seraient-ils pas donner de préférence aux anciens militaires ?
Pourquoi, dans l’administration du chemin de fer, les emplois de commissaire, d’adjoint-commissaire, de garde-convoi, de facteurs ne seraient-ils pas donnés à ceux qui ont pris du service dans l’armée ?
En ce qui concerne les employés des prisons, Monsieur le ministre de la justice a pris un arrêté qui porte déjà ses fruits. S’il était ici, je l’en remercierais pour l’armée.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Dans les douanes, les cadres sont, pour les trois-quarts, composés d’anciens militaires.
M. Pirson – Mais pourquoi n’y a-t-il pas d’arrêté ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il y en a un.
M. Pirson – Je regrette de ne pas l’avoir su.
Mais pour l’administration du chemin de fer, je me réfère à ce qu’a dit l’honorable M. Delehaye qui a parlé d’un arrêté aux termes duquel, passé 27 ans, on ne peut être admis dans cette administration. Je crois que de telles mesures sont nuisibles à la bonne constitution d’une armée. Si M. le ministre des travaux publics était présent, je l’engagerais à retirer cet arrêté et à en porter un autre analogue à ceux qui ont été pris par MM. Les ministres de la justice et des finances.
M. David – Que fera-t-on du personnel actuel ? Il ne faut pas que l’armée absorbe tout.
M. Pirson – Je ne le demande pas d’une manière absolue ; je ne demande qu’une préférence.
Revenant à la compagnie sédentaire des sous-officiers, je terminerai, messieurs, en vous disant que ma position personnelle ne m’ayant mis que trop souvent dans l’occasion de déplorer le sort malheureux réservé aux sous-officiers qui ont contracté des infirmités au service, sans avoir atteint l’âge pour la pension, je voterai l’adoption de l’amendement présenté par M. le ministre de la guerre, persuadé que l’institution de cette compagnie sera déjà une amélioration pour le sort de ces militaires.
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, vous me permettrez de dire deux mots du chiffre de l’armée sur pied de guerre ; ce chiffre a un rapport immédiat avec l’infanterie, car l’effectif de l’infanterie dépend nécessairement du chiffre général de la force de l’armée.
Je tiens à en parler, parce que j’ai une aversion réelle pour des calculs qui ne partent pas d’un base sérieuse.
La question la plus importante de toutes celles que soulève l’organisation de l’armée est, selon moi, le chiffre numérique de l’armée sur pied de guerre.
Le comité des généraux qui a été chargée en 1842 d’émettre une opinion sur les forces qu’exige la défense du pays, a fixé comme indispensable le chiffre de l’armée sur pied de guerre à 80,000 hommes.
Le gouvernement est du même avis, et je ne pense pas que la législature puisse assumer la responsabilité de le réduire.
Il semble donc inévitable de fixer le pied de guerre à 80,000 ; et cette fixation sera la suite inévitable de l’adoption du projet en discussion.
Mais je ferai remarquer à la chambre que, bien que la loi annuelle du contingent, mette huit levées de 10,000 hommes à la disposition du gouvernement, les lois qui règlent le recrutement sont loin de mettre huit fois dix mille hommes à la disposition de la défense du pays.
J’ai soutenu cette thèse, lors de la discussion du dernier budget de la guerre sans trouver de contradicteurs ; le rapport du comité des officiers généraux le prouve à la dernière évidence, et il établit que le gouvernement ne pourrait disposer en réalité, en cas de guerre, que de 55,000 hommes, y compris le corps hors ligne et les volontaires, qui ne comptent plus en déduction du contingent. En effet, messieurs, il est impossible de compter sur les deux plus jeunes levées. Ce qui s’est passé en 1833, d’après la déclaration du ministre de la guerre à cette époque, le prouve à l’évidence. On a voulu alors disposer de la plus jeune levée, et sur 12,000 hommes, 3 ou 4,000 rejoignirent avec peine leurs drapeaux ; les autres restèrent le long des routes et allèrent remplir les hôpitaux.
« Ainsi, disait la commission, le chiffre de 80,000 hommes, fixé par la loi pour le complet de guerre est une illusion… » Aussi résulte-il de son rapport qu’elle était convaincue de la nécessité d’être fixée sur le mode de recrutement de l’armée, en le considérant comme l’élément le plus essentiel pour la bonne organisation de l’armée, etc. Ce qui précède prouve donc que ceux d’entre nous qui se sont plaints de n’avoir pas à statuer avec tout sur une loi de recrutement, que j’envisage comme la base de l’organisation militaire, étaient du même avis que le comité des officiers généraux, qui est d’une grande autorité pour moi. Nous commençons donc par où nous devions finir. Mais puisque la chambre a consenti à suivre, d’après la proposition du gouvernement, ce mode de discussion, il faut bien le suivre ; mais je fais cette observation, afin de savoir positivement, si nous entrons dans la discussion des détails de chaque arme, avec la présomption que l’ensemble sur pied de guerre sera bien réellement de 80,000 hommes.
Je pense que cette assurance doit être acquise pour pouvoir discuter sur une base qui offre quelque solidité. Il va sans dire que la chambre aura ensuite à assurer la disponibilité bien réelle des 80,000 hommes.
La question, qui par son importance suit immédiatement celle-ci, est celle du fractionnement du total en diverses armes.
Le débat a commencé hier par l’infanterie. Une immense importance se rattache à la formation de l’infanterie. La cavalerie, l’artillerie, le génie ne sont qu’accessoires ; ces armes complètent le succès, elles ne le font pas ; c’est donc l’infanterie qu’il faut soigner, c’est à l’infanterie qu’il faut tout sacrifier, a dit une des célébrités militaires de l’empire. Quand dans les plaines de Lens, l’Espagne eût perdu ces vieilles bandes dont Henri IV avait dit devant Amiens : Avec cette infanterie je défierais l’univers ! l’époque de sa gloire fut passée sans retour. Et n’oublions pas de rappeler en passant que ces célèbres bandes se composaient en grande partie d’infanterie wallonne, de soldats belges.
Les pays les mieux constitués pour la défense et pour l’attaque m’ont toujours semblé ceux qui ont pris à tâche de se créer une bonne infanterie.
J’ai peu de confiance dans les armées qui se recommandent par une brillante cavalerie et qui négligent l’infanterie.
Le fractionnement du bataillon en compagnies est la base de la formation de l’infanterie ; pour qu’elle soit forte, la compagnie sur pied de guerre ne doit pas, selon moi, dépasser 125 hommes solidement encadrés.
C’est ce qui se pratique en France et en Angleterre, c’est là que je voudrais que mon pays prît ses modèles pour l’infanterie.
Mais sur pied de paix, il ne faut pas les réduire immodérément, et ce que je n’ai cessé de répéter, c’est que l’infanterie belge, réduite à des compagnies de 55 hommes cadres compris, n’a pas, comme l’a dit le comité des officiers généraux, la consistance convenable pour l’instruction et pour le service.
Aussi le comité a-t-il proposé d’en élever l’effectif à 75 hommes, effectif qui n’atteint pas même celui indiqué par le maréchal Soult, effectif jugé nécessaire, pour nos notabilités militaires, pour le service de garnison, auquel l’effectif actuel ne suffit qu’aux dépens de la santé du soldat, qui n’a généralement qu’une nuit de bonne sur trois.
Je vous avoue qu’il me semble étonnant que M. le ministre de la guerre ait pris la responsabilité de ne pas se rallier à ce chiffre, qui est le minimum où une compagnie peut être réduite.
Je conviens cependant que c’est là une des questions les plus difficiles à résoudre, parce que le chiffre du pied de paix est disproportionné avec celui du pied de guerre.
Il me semble que le meilleur moyen de la résoudre pour assurer à nos compagnies un effectif suffisant serait de fractionner le bataillon en 4 compagnies toujours maintenues à l’effectif de 90 hommes au moins avec 4 officiers ; en temps de guerre je doublerais le nombre des compagnies en les portant à 8 ; elles auraient chacune 125 hommes environ.
Je livre cette opinion à l’appréciation de la chambre, bien que je sois persuadé qu’elle n’a aucune chance de succès. Celle du gouvernement doit prévaloir, parce qu’il est plus fait pour vous inspirer confiance. J’ai cependant tenu à vous dire mon opinion ; j’ai cru que c’était mon devoir, parce que j’ai étudié la question, et je l’ai étudiée à cause de sa grande importance.
Je ne puis admettre la proposition de l’honorable M. Brabant, parce que sur pied de guerre le fractionnement en 4 compagnies les porterait à un effectif de 200 à 250 hommes, formation que j’envisage comme mauvaise, en tout pays, mais surtout dans un pays comme le nôtre, dont l’armée ne se compose que de jeunes soldats. Je me contenterai donc de poser à M. le ministre de la guerre les questions suivantes :
1° Par quelle autorité compte-t-il faire régler le temps du service réel de chaque homme ?
2° Combien de temps compte-t-il retenir sous les drapeaux, en temps de paix, les soldats d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie ?
Il me semble désirable que M. le ministre de la guerre nous donne quelques explications sur ces questions.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Messieurs, l’honorable préopinant vient de toucher quelques questions importantes, et je crois qu’il est nécessaire, pour la marche régulière de la discussion, que je donne immédiatement des explications à cet égard.
La première question est celle de la répartition de nos 80,000 hommes entre les différentes armes. Je n’ai pas encore fourni de détails sur ce point.
(page 1338) La deuxième question qui me paraît avoir été posée par l’honorable membre, est celle-ci : « Au moyen de nos lois de recrutement, aurons-nous ces 80,000 hommes ? Etablissez des calculs à cet égard. »
Une troisième question, qui a été posée également par l’honorable M. de Man d’Attenrode, est celle-ci : Comment réglerez-vous la durée du service actif ou du temps à passer sous les armes ? Je crois, messieurs, devoir vous faire observer que cette question se rattache au projet de loi sur la milice, et que nous avons déjà aujourd’hui assez de questions importantes à examiner, pour renvoyer celle-ci à la discussion de ce projet, dont la chambre est saisie. Je répondrai également plus tard en ce qui concerne l’effectif des compagnies.
J’examinerai d’abord ce qui est relatif à la répartition de l’effectif entre les différentes armes.
Nous avons précédemment établi, messieurs, que dans les conditions imposées à la force armée de la Belgique, il est impossible de réduire le chiffre de l’armée permanente au-dessous de 80,000 hommes.
Il s’agit maintenant de rechercher comment il importe d’employer et de répartir cet effectif.
En déduisant de ce chiffre de 80,000 hommes, 2,000 hommes pour les compagnies hors ligne et la gendarmerie, il reste 78,000 hommes à encadrer dans les différentes armes. L’armée en campagne ou destinée pour l’intérieur, doit, selon les éventualités, comme j’ai eu l’honneur de l’expliquer déjà, être composée de 40 à 50,000 hommes. Prenons un terme intermédiaire, même au-dessous de la moyenne, soit 43,000 hommes. Nous allons faire la répartition de ces 43,000 hommes entre les différentes armes.
Dans la composition d’une armée en campagne, on donne généralement pour proportion à l’infanterie les trois quarts de la totalité. Les trois quarts de 43,000 hommes font 31,000 hommes. Nous aurons donc en campagne 31,000 hommes d’infanterie, et il en restera 12,000 à répartir entre les autres armes.
D’après les projets qui vous sont soumis, messieurs, nous aurons, pour l’arme de la cavalerie, le cinquième du chiffre de l’infanterie à peu près, c’est-à-dire 6,600 hommes. Pour l’arme de l’artillerie, nous aurons 4,800 hommes (1/6 de l’infanterie) ; pour les troupes du génie, 600 (1/16 de l’infanterie), une compagnie par division.
Il restera 35,000 hommes pour la défense des forteresses. D’après les règles généralement établies et d’après les études particulières de la défense de chacune de nos forteresses, cet effectif doit se répartir comme suit, savoir :
30,000 hommes d’infanterie
600 hommes de cavalerie
3,600 hommes d’artillerie
1,000 hommes du génie
Total : 35,200 hommes
Ajoutons ces forces à celles qui composent l’armée en campagne, on trouvera pour notre armée, un total de
61,000 hommes d’infanterie
7,200 hommes de cavalerie
8,400 hommes d’artillerie
1,600 hommes du génie
Total : 78,200 hommes.
Examinons maintenant si les cadres des corps actuellement existants sont supérieurs à ces chiffres, et s’ils sont susceptibles d’être réduits.
Nos 65 bataillons d’infanterie, comptés à raison de 850 hommes, l’état-major du régiment compris, nous donnent un effectif de 56,644 hommes ; il nous restera 4,356 à répartir en 4 ou 5 bataillons de nouvelle création.
Ces 65 bataillons, dont 1/5 en infanterie légère et 4/5 en infanterie de ligne, forment nos 16 régiments d’infanterie, dont 1 d’élite à 5 bataillons, 3 régiments d’infanterie légère et 12 de ligne, chacun de 4 bataillons.
Quant à la cavalerie, dont les 2/3 doivent être en cavalerie légère et le 1/3 en cavalerie de réserve, les 7,200 hommes seront répartis en 30 escadrons, savoir : 24 de cavalerie légère et 6 de cavalerie mixte à 180 hommes, 5,400
Huit escadrons de grosse cavalerie à 160, 1,280.
Total : 6,600.
Il restera 520 hommes à répartir entre trois escadrons à créer, au moment de la guerre, au moyen des réserves ; ces escadrons pourront être employés à la défense des forteresses.
Quant au chiffre de l’artillerie en campagne, nous devons, dans une armée composée, en grande partie, de jeunes soldats, et destinés à combattre dans un pays de plaines, compter sur un minimum de 3 bouches à feu par 1,000 hommes d’infanterie et 4 par 1,000 hommes de cavalerie, ce qui fait pour 31,000 hommes d’infanterie 93, pour 6,600 hommes de cavalerie 27. Total : 120 bouches à feu ou 15 batteries à 8 bouches à feu.
La défense des forteresses exige en outre pour le transport et le service du matériel, pour les sorties et les opérations combinées des diverses garnisons, quatre batteries de campagne.
D’un autre côté, si l’on suppose que les forteresses soient occupées par une division entière et par des fractions de divisions, on devra compter qu’il nous restera trois divisions, environ en campagne.
Si, comme en Prusse, en Hollande, et dans différents autres pays, afin de rendre les batteries de campagne plus mobiles, on en retranche une partie des caissons de munitions, et particulièrement ceux qui sont destinés aux cartouches d’infanterie et de cavalerie, et que l’on réunisse ces fractions de batteries dans des parcs divisionnaires, on devra attacher à chacun de ces parcs une grande partie du personnel d’une batterie montée ; il faudra donc 22 batteries à cheval, montées ou de parc. Les 19 batteries montées ou à cheval existant déjà actuellement, les 3 batteries de parc devront être créées au moment de la guerre.
Calculant l’effectif d’après les considérations qui précèdent et se basant sur l’organisation projetée, on obtient :
4 batteries à cheval, 812
15 batteries montées, dont 6 de 12, 2,904
24 batteries de siècles, 3,600
1 compagnie de pontonniers, 195
4 compagnies du train destinées à atteler les voitures de l’équipage de ponts et du parc central, 572 ; total : 8,083.
Déduisant ce nombre du chiffre de 8,400, il reste 317 qui serviront le noyau pour former les trois batteries de parc ou des batteries de siège.
Les dix compagnies du génie formeront un effectif de guerre de 1,690 hommes.
Il résulte de ce qui précède que, dans le cas que nous avons supposé, l’effectif de 80,000 hommes devra, au moment de la guerre, être subdivisé entre les diverses armes comme suit :
1° En 70 bataillons d’infanterie, savoir :
49 de ligne, complètement organisés sur le pied de paix,
16 bataillons de réserve qui ne sont destinés à se réunir que sur le pied de guerre,
6 ou 7 à créer ;
2° en 38 escadrons de cavalerie existants déjà sur le pied de paix. 3 à créer ;
3° En 19 batteries à cheval ou montées et 24 batteries de siège, ce qui correspond au nombre actuel de nos batteries ; 3 batteries de siège ou de parc à créer ;
4° En 4 compagnies du train dont deux seulement seront maintenues sur pied de paix ;
5° En 10 compagnies du régiment du génie, qui se trouvent aujourd’hui organisées.
La formation actuelle de notre armée a donc été complétée d’après les bases de la défense du royaume et les véritables principes de l’organisation moderne des armées.
Je passe à la seconde question, à celle qui a été posée par l’honorable M. de Man.
Le tableau de situation catégorique de l’armée au 1er janvier 1845, présente un effectif de 62,352 hommes, répartis de la manière suivante, savoir :
Volontaires, 14,049
Miliciens de levées antérieures à 1837, 146
Miliciens de la classe 1837, 7,909
Miliciens de la classe 1838, 8,022
Miliciens de la classe 1839, 8,071
Miliciens de la classe 1840, 7,592
Miliciens de la classe 1841, 7,793
Miliciens de la classe 1842, 8,162
Miliciens de la classe 1843, 410
Miliciens de la classe 1844, 198
TOTAL : 62,352
Le nombre total d’engagés volontaires, en vertu de l’art. 171 de la loi de 1817 sur la milice, s’élève pour les huit classes à 6,247, on peut donc compter par chacune de ces classes 780, soit 800 engagés de cette catégorie.
Nous avons sous les armes 6 classes de milice, de 1837 à 1842 ; parmi ces levées, les trois premières, appartenant aux années 1837 à 1842 ; parmi ces levées, les trois premières, appartenant aux années 1837, 1838 et 1839, ont été de 12,000 hommes, ce qui donnait un total de 36,000.
Les 3 dernières ont été de 10,000 hommes, soit 30,000 hommes.
Total : 63,000 hommes.
A défalquer de ce chiffre pour chaque levée de 12,000 hommes, le contingent des communes cédées, 1,000 hommes, ce qui fait pour trois levées, 3,000
Reste, 63,000
Par suite des pertes éprouvées, cet effectif de 63,000 hommes est réduit aujourd’hui au chiffre de 55,098, composé de :
Miliciens, 48,303
Volontaires en vertu de l’art. 171, 6,247
Volontaires en vertu de l’art. 168, 548.
La perte totale est donc de 7,902 et forme par conséquent à peu près le 1/7 de la totalité des six classes.
Ces pertes résultent principalement :
1° Des réformés au corps ;
2° Des déserteurs à l’intérieur et à l’étranger ;
3° Des condamnés à la déchéance du rang militaire, etc.
Quand les 6 levées seront de 10,000 hommes, l’effectif total de ces levées sera de 60,000 hommes ; en déduisant 1/7 pour les pertes, il restera 51,500.
Si l’on calcule ce qui restera disponible des deux plus jeunes levées (1843 et 1844), au moment de leur appel sous les armes, en prenant pour terme de comparaison la levée de 1842, réduite de 10,000 hommes à 8,162, on trouvera que les deux classes citées en premier lieu, n’offriront de disponible, lors de leur incorporation, que 16,500 hommes environ, ce qui, joint aux 51,500, donnerait un total d’environ 68,000 ; ajoutant à ces classes de (page 1339) milice 7,000 volontaires, le total disponible de l’armée sera de 75,000 hommes.
Il nous faudra donc, pour compléter le contingent, 5 mille hommes, chiffre correspondant au chiffre variable (quant à la destination dans les différentes armes) dont j’ai eu l’honneur de vous entretenir. Ces cinq mille hommes, messieurs, ne figureront pas encore aux contrôles, mais les chambres les voteront sans aucun doute, lors de la mise sur pied de guerre, comme complément du contingent.
M. Brabant – Messieurs, je commence par déclarer que, dans le chiffre de 256 compagnies que je propose à la chambre de décréter, ne se trouvent pas comprises la compagnie des sous-officiers vétérans dont M. le ministre de la guerre a proposé la formation postérieurement à la présentation du projet de loi, ni les deux compagnies sédentaires, ni la division de discipline.
Messieurs, pour justifier la réduction du nombre des compagnies d’infanterie à 256, je vous ai cité l’opinion de M. le maréchal Soult. Je vais ici vous citer celle des généraux qui ont été chargés de l’examen de la question en 1842.
Un général disait à ses collègues :
« Cet effectif de compagnie se compose de :
1 sergent major,
4 sergents,
1 fourrier,
8 caporaux,
40 soldats,
2 tambours ou cornets.
Soit, 56.
« Et si l’on défalque des 40 soldats, les malades, les ordonnances, les détachés, etc., il en reste 30 pour faire le service de garnison.
« Cet effectif est généralement reconnu trop faible sous tous les rapports : si donc il est d’obligation de se limiter au chiffre de 18,944 hommes pour l’effectif, présent sous les armes, des seize régiments d’infanterie, il faut de toute nécessité, ou réduire le nombre des bataillons organisés, ou réduire le nombre des compagnies dans chaque bataillon. »
Un autre général disait :
« Les compagnies d’infanterie réduites, d’après le budget, à 55 hommes, n’ayant pas la consistance convenable pour l’instruction ni pour le service, il faut rechercher, dit M. le ministre » (ainsi, messieurs, il est probable que déjà l’honorable général de Liem, alors ministre de la guerre, était aussi d’avis que l’effectif de 55 hommes était insuffisant), « il faut rechercher, dit M. le ministre, si, en modifiant l’organisation du bataillon, on ne pourrait trouver le moyen de leur donner un effectif plus élevé. Parmi les désavantages qui résultent de l’état actuel des choses, il devient nécessaire, chaque fois que l’on veut exécuter l’école de bataillon, de réduire le nombre des divisions ou compagnies de six à quatre, afin qu’elles présentent un nombre d’homme suffisant. Eh bien, cette organisation, qui maintenant devient si souvent obligatoire, me paraît, si elle était rendue normale, de nature à atteindre le but que nous cherchons à atteindre, savoir celui de parvenir à donner plus de consistance aux compagnies, sans majorer le chiffre des obligations pour 1842. »
Messieurs, en présence de ces autorités on a été obligé d’augmenter l’effectif des compagnies. Mais quel effectif vous propose-t-on ? D’après le tableau des développements qui se trouve à la page 6 de l’annexe au projet de loi, la compagnie du régiment d’élite serait pendant l’hiver de 60 hommes et en été de 73 hommes. Dans le premier régiment de chasseurs, même composition. Dans les régiments de ligne, le 2e et le 3e chasseurs, la compagnie serait de 50 hommes pendant l’hiver et de 63 hommes pendant l’été.
Ainsi vous voyez, messieurs, que ce ne sont pas des conditions que j’établis ici ; je ne puis connaître les conditions du service ; je ne suis pas du métier ; mais je m’en rapporte à ceux qui savent le métier, qui ont grandi dans le métier et dont l’autorité doit avoir sur vous une très-grande influence.
On m’a reproché de n’avoir considéré que l’effectif de la compagnie et l’on a dit que l’élément actif était le bataillon. Je sais très-bien, messieurs, que l’élément actif est le bataillon ; mais le bataillon se compose de compagnies, et vous le voyez, j’ai devant moi quatre autorités qui commencent par l’effectif de la compagnie. Un général, dans la commission, est parti du point de vue du bataillon, a dit : « Le bataillon est l’élément actif ; c’est donc du bataillon que nous devons commencer à nous occuper ; voyez comment il doit être constitué ! et il n’a pas commencé par voir le nombre de compagnies, mais le nombre d’hommes qui devait composer le bataillon ; il le fixé à peu près à 990 hommes, et c’est par des considérations géométriques qu’il veut la fraction en 6 compagnies, au lieu de la fraction en 4 compagnies, comme un de ses collègues, également général d’infanterie, l’avait proposé.
Messieurs, je n’entrerai pas dans une discussion pareille. Il me faudrait un tableau et de la craie pour vous montrer qu’il n’y a pas de grande différence dans la portée de la voix d’un côté pour un bataillon développé en ligne sur 150 hommes ou bien pour un bataillon formé en colonne et n’ayant, en général, en profondeur que la moitié de la ligne de bataille.
Messieurs, il y avait une objection à faire contre mon système, c’était d’établir que l’on ne pouvait faire, en temps de paix, un bon service avec l’effectif que je propose. Quant au point de vue d’économie, il est certainement de mon côté. Eh bien, cette preuve, on ne l’a pas faite. On doit même reconnaître que la compagnie, composée comme j’ai l’honneur de le proposer, aurait une consistance plus forte, ferait un meilleur service. On devait établir que les cadres du pied de paix, tels que je les propose, ne pourraient pas recevoir, au cas où l’armée serait mise sur le grand pied de guerre, les développements qui lui sont nécessaires, et que je reconnais être nécessaires. On ne l’a pas fait.
On a dit : Il vous faut plus d’officiers ; il vous faut des cadres plus forts, parce que vous n’aurez que des recrues. Mais, messieurs, il me semble que nous avons affaire à autre chose qu’à des recrues. Tous nos hommes sont incorporés, personne ne reste en congé, ne reste en réserve, comme cela se pratique en France ; c’est-à-dire, à partir de la troisième année, la troisième classe de la milice se trouve incorporée ; ces miliciens sont obligés au service pendant quatre ans, et le gouvernement les retient sous les drapeaux aussi longtemps qu’il le juge nécessaire, et que les allocations du budget le lui permettent. Après cela, ils sont deux ans dans la réserve, et peuvent être appelés en cas de guerre. Or, messieurs, je ne pense pas que des soldats qui, pendant deux, trois ou quatre ans ont servi, sont encore des recrues.
Messieurs, je ne m’étendrai pas sur l’excursion historique d’un de mes honorables collèges et amis a faite dans les camps romains. Je pourrais dire là-dessus bien des choses, parce que j’ai beaucoup étudé et que j’étudie encore tous les jours ces questions. Mais je lui ferai observer que pendant très longtemps la légion romaine ne fut pas permanente, qu’elle était dissoute après une campagne et que chaque nouveau consul choisissait lui-même une nouvelle légion. Ce n’est qu’à la fin de la république, lorsqu’on a fait de grandes guerres en Afrique et en Asie et dans les Gaules que l’on a commencé à avoir des légions permanentes et qui avait un long service. Du reste, ce n’est pas la permanence qui donnait de bons soldats. César fait mention dans le premier livre de la Guerre des Gaules qu’un grand nombre de tribuns (et c’étaient le colonels d’alors) avaient été les premiers à mettre le trouble dans l’armée par crainte d’Arioviste.
Je m’en tiendrai là pour la divagation historique.
Je dis donc, messieurs, qu’on n’a pas établi qu’avec 256 compagnies, on ne pourrait pas arriver à mettre sur pied 60,000 hommes d’infanterie, chiffre que veut M. le ministre de la guerre dans le cas de déploiement de toutes nos forces, et que j’avoue avec lui être pour le moins nécessaire pour la défense de nos places.
Messieurs, une considération qui est importante quand il s’agit de constituer une armée, c’est de voir les services qu’elle doit rendre. Or, à mes yeux, le service le plus probable de notre armée sera de défendre nos places fortes ; et je crois, messieurs, qu’il pourra arriver des cas où nous devrons placer nos 80,000 hommes dans les places fortes, et que ce sera même le cas le plus fréquent de l’emploi de ces 80,000 hommes. Or, je dis qu’une troupe destinée à tenir garnison dans une place, à se battre derrière des parapets, ne doit pas être constituée avec des cadres aussi nombreux en officiers et sous-officiers, qu’une troupe destinée à tenir la campagne. Et cela s’explique très-bien. Une troupe disposée sur un front qui a jusqu’à 360 mètres ne peut pas certainement être surveillée aussi facilement. Ensuite, pourquoi cette surveillance ? C’est parce qu’il y a des mouvements très-grands, et que l’homme, lorsqu’il se trouve en rase campagne, est, malgré sa bravoure, toujours un peu plus entrepris et a besoin d’être soutenu davantage. Mais il n’en est pas de même lorsqu’on se place derrière un rempart, ou plutôt lorsqu’on n’a que des mesures de prévoyance à prendre ; car je crois que les efforts du pays pourront se réduire à cela.
Messieurs, je persiste donc, sauf pour les quatre compagnies dont j’ai parlé, la compagnie sédentaire des sous-officiers, les deux compagnies sédentaires et la division de discipline, à soutenir que le nombre de 256 compagnies est suffisant pour les besoins du service.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Messieurs, l’honorable M. Brabant vient de nous citer différentes propositions et différentes opinions, émanant des membres de la commission des généraux. J’ai déjà eu l’honneur de faire observer que, quand cette commission a été réunie, le budget de la guerre était de 29 millions et demi, qu’aujourd’hui, il n’est plus qu’à 28 millions et que nous avons été obligés de faire de fortes réductions. L’honorable major Pirson a dit que j’avais eu raison, lorsqu’il fallait faire des réductions, de ne pas les faire sur les cadres, de les faire de préférence sur l’effectif des troupes ; je me réfère à ce qu’a dit l’honorable major Pirson. Cela explique, messieurs, pourquoi je n’ai pas satisfait au vœu exprimé de porter les compagnies d’infanterie à 75 hommes.
Messieurs, je l’avoue, notre effectif n’est que de 50 hommes pendant l’hiver et de 63 hommes pendant l’été. Je justifierai tout à l’heure ces chiffres, j’indiquerai les nombreux inconvénients que nous avons évités en fixant l’effectif des compagnies de cette manière ; mais je compléterai d’abord les citations que l’honorable M. Brabant a faites du rapport de la commission des généraux.
Un des conclusions, de ce rapport, qui n’a pas été citée par l’honorable M. Brabant, est celle-ci :
« Qu’il serait d’une effet fâcheux de réduire d’un tiers les officiers des 49 bataillons de ligne, réduction qui résulterait de la formation par 4 compagnies. »
La commission, messieurs, dans les conclusions qu’elles a présentées, a (page 1340) énoncé en outre un avis positif en faveur du maintien de 6 compagnies dans ces 49 bataillons.
Je passerai à la citation que l’honorable membre a faite de l’opinion de l’illustre maréchal Soult. Le maréchal Soult est d’avis qu’il faut des compagnies fortes ; mais, messieurs, le maréchal Soult a encore émis un autre avis qu’il sera bon de rappeler ; le maréchal Soult est d’avis qu’en cas de guerre le bataillon doit être divisé en 8 compagnies et qu’en temps de paix il doit être de 7 compagnies, ce qui n’est pas conforme à la proposition de M. Brabant.
Je vais examiner maintenant tout ce qui concerne la formation par 4 compagnies et la formation par 6 compagnies.
Le rapport de la section centrale indique déjà que si l’on est, en général, d’accord sur la force que doit avoir un bataillon d’infanterie, il existe dans les différentes armées de l’Europe de nombreuses différences en ce qui concerne le nombre de compagnies dont il est formé. Ce nombre varie de 4 à 6, à 8 et même à 10. rechercher laquelle de ces substitutions pouvait le mieux convenir à notre armée, et nous nous sommes arrêté au nombre de 6 compagnies
Nous avons dû.
Nous venons exposer les motifs qui nous ont fait donner la préférence à cette organisation.
Lorsqu’une armée se compose de vieilles troupes aguerries, on peut, sans inconvénients, diminuer les cadres. Là, la valeur individuelle de chaque soldat, son expérience, son entente de la guerre peuvent jusqu’à un certain point suppléer au nombre des officiers et sous-officiers.
Mais dans les pays où les principes d’économie, en présence toutefois de la nécessité d’avoir des fortes réserves, établissent une grande différence entre l’effectif de paix et l’effectif de guerre ; dans ces pays où les levées anciennes doivent sans cesse faire place aux levées nouvelles, les cadres doivent nécessairement être plus nombreux ; il le faut en temps de guerre parce que de jeunes soldats ont surtout besoin d’être bien dirigés ; il le faut en temps de paix, parce que les recrues se succèdent annuellement et en grand nombre dans les régiments, et qu’il y a continuellement lieu de s’occuper de leur instruction.
Comme le changement que l’on propose a pour but direct la réduction de ces cadres, nous devons, pour les raisons qui précèdent nous y opposer, et au lieu de chercher ici nos exemples en Prusse, en Hollande, nous préférons continuer à suivre ceux de l’Autriche, de la Bavière, etc., et nous rapprocher des subdivisions anglaise et française.
Nous avons pris à cet égard l’avis de tous nos généraux, et chefs de corps de l’infanterie, et leur réponse a été presque unanime en faveur de l’organisation actuelle (15 contre 1). Cette déclaration nous a paru d’autant plus importante qu’elle émanait d’officiers ayant fait presque tous l’expérience des deux formations par 6 et par 4 compagnies.
Les renseignements que nous avons pu recueillir sur d’autres pays, nous ont appris également qu’en général les militaires expérimentés de l’armée des Pays-Bas regrettent beaucoup l’ancienne organisation des bataillons par six compagnies ; et il est certain qu’en Prusse et en Russie, il y a également un grand nombre de militaires instruits qui sont frappés des inconvénients de la formation par quatre compagnies.
Examinons de plus près ces différents inconvénients.
Notre bataillon étant de 840 hommes, si nous le divisions en quatre compagnies, chacune d’elle comptera 210 sous-officiers et soldats. Ce nombre est trop considérable pour que le capitaine puisse, d’une manière utile, exercer sa direction et sa surveillance. L’instruction, le bon ordre, la discipline, l’élan même doivent en souffrir.
Sous le rapport tactique, une division de 70 files sur trois rangs ou 105 files sur deux rangs, est évidemment hors de la portée du capitaine commandant.
La marche de la division et celle des pelotons devient flottante et irrégulière, les changements de direction sont difficiles, les déploiements éprouvent beaucoup de lenteur et manquent de précision. On oppose à cela que la formation du carré est plus régulière, mais je dois faire observer que cet avantage disparaît dès le moment où le bataillon est obligé de détacher une compagnie, cas qui se présente si fréquemment à la guerre : ainsi réduite, la colonne double ou simple par division devient un élément difforme qui perd la plupart des avantages de cette formation et ne se prête plus guère aux combinaisons ordinaires de la tactique. Ce désavantage ne se rencontre pas lorsque le bataillon est composé de 6 compagnies. Si l’on détache une compagnie, la bataillon ne perd qu’un 1/6e de sa force et il lui reste encore 5 divisions qui se prêtent à toutes les formations.
De ce que le carré formé par 6 compagnies offre deux côtés plus longs que les autres, il n’en résulte pas un grand inconvénient, et ce d’autant moins qu’il est le plus souvent possible de tourner l’une des grandes faces du côté vers lequel les feux pourront être plus utiles. Bien plus, avec 6 compagnies rien n’empêche de former également un carré régulier et ayant plus de consistance que celui par 4 compagnies, soit au moyen d’un doublement, soit en plaçant des pelotons dans les angles morts du carré et d’autres en réserve. La formation par 6 compagnies permet également mieux de couvrir le carré des tirailleurs.
Dans la marche en présence de l’ennemi, avec 6 compagnies, on peut mettre sur chacun des flancs de la colonne une compagnie en tirailleurs.
Avec la formation par 4 compagnies, il n’y a plus de possibilité de former des compagnies d’élite si utiles pour bien encadre un bataillon, pour fournir une bonne tête de colonne et pour donner l’élan quand il s’agit d’une action énergique.
La compagnie de 140 hommes, telle que nous la proposons, se décomposerait en 70 hommes par peloton, 35 par section, 17 à 18 par escouade ; or, toutes les subdivisions nous paraissent tout à fait en rapport avec l’étendue du commandement à donner au lieutenant, au sergent et au caporal. Là, les cadres peuvent avoir une action continuelle sur la troupe, et c’est là, je le répète, que nous devons rechercher dans une armée composée de jeunes soldats.
A l’appui de ce que j’ai déjà dit, qu’il me soit permis de lire ici l’extrait d’une lettre que m’a adressée sur ce sujet l’un des officiers généraux distingués de notre armée :
« J’ai servi pendant plusieurs années dans l’infanterie de la garde impériale. C’était le seul corps de l’armée française où la formation des bataillons à quatre compagnies, fût admise.
« Dans la vieille garde, ce système n’offrait évidemment aucun inconvénient. La plupart des simples soldats étaient d’anciens sous-officiers de la ligne ; aussi, je crois que les compagnies auraient marché au besoin sans cadre.
« Lorsqu’il fut question, au commencement de 1809, de former la nouvelle garde, l’on s’arrêta à la même organisation, mais il est bon de rappeler de quelles précautions fut entourée l’application de ce système.
« L’on forma, pour dresser les recrues, un cadre de vieille garde dans lequel on n’admit que 16 jeunes officiers sortis les premiers de la promotion de l’école militaire. J’étais du nombre et j’eus sous mes ordres 200 conscrits, 4 sous-officiers et 12 à 15 soldats vieille garde.
« Lorsque l’instruction fut assez avancée, on organisa les deux premiers régiments de jeune garde ; les soldats furent choisis parmi nos conscrits ; l’état-major, tous les capitaines et la moitié des lieutenants, tous les sous-officiers et caporaux sortaient avec avancement des vieux régiments de la garde ; les autres lieutenants étaient d’anciens élèves de l’école. Chaque compagnie comptait 5 officiers.
« Ces deux régiments, l’un de grenadiers, l’autre de chasseurs (plus tard tirailleurs et voltigeurs) entrèrent en ligne dans l’île de Lobau et assistèrent aux grandes affaires de la campagne d’Autriche de 1809. »
« En septembre 1811, nous reçûmes à l’armée d’Espagne, un nouveau régiment de la garde. C’était celui des gardes nationales. L’empereur l’avait formé de l’élite des gardes nationales du Nord, qui s’étaient distinguées à l’époque de l’attaque des Anglais contre la Zélande. Il n’y avait d’anciens militaires, dans ce régiment, que les officiers et très-peu de sous-officiers ; aussi fut-il organisé exceptionnellement sur le pied de six compagnies par bataillon, dont une de grenadiers et une de voltigeurs. Il me paraît évident que, si l’on avait pu le former avec les mêmes éléments que les autres corps d’infanterie de la garde, on n’eût pas recours à une anomalie très-saillante au milieu de régiments tous uniformément établis sur le pied de 4 compagnies.
« Ainsi, l’empereur, juge sans doute compétent, appliquait cette dernière formation uniquement à des troupes d’élite et dont les cadres étaient depuis longtemps éprouvés, mais il s’abstenait d’en faire usage, même pour un seul régiment englobé en quelque sorte dans sa garde. »
L’on oppose à notre système l’inconvénient qu’il y aurait d’entretenir sur le pied de paix des cadres trop considérables, en proportion du nombre de soldats qui se trouvent sous les drapeaux. L’on dit qu’avec 6 compagnies, l’effectif de la troupe ne porte que 50 hommes pendant l’hiver, 65 pendant l’été ; on compare cet effectif de notre pied de paix à celui qui existe dans d’autres armées, et l’on en conclut que notre organisation est vicieuse. Messieurs, quelque puissantes que soient les autorités que l’on évoque, je ne pense pas qu’elles puissent avoir de l’influence sur votre décision.
Les cadres, dit-on, sont disproportionnés avec l’effectif de la troupe mais, messieurs, cela provient-il de ce que nos cadres sont plus forts que ceux des autres armées, ou cela ne provient-il pas plutôt de l’infériorité de notre effectif général du pied de paix ? L’on n’a établi jusqu’ici de comparaison que pour l’un des éléments. Or, je pense que c’est précisément dans l’élément négligé que se trouve la principale différence.
Comparons, en effet, l’effectif de paix de notre infanterie avec son effectif de guerre, et nous verrons qu’ils sont entre eux environ dans le rapport de 1 à 3.
En France et dans d’autres pays, l’effectif de paix est loin d’être réduit dans une pareille proportion. En France, au-delà de la moitié de l’infanterie se trouve sous les armes sur le pied de paix ; c’est pour cela et parce que les réserves ne sont pas encore organisées que la compagnie, qui ne compte que 113 hommes sur le pied de guerre en compte encore 83 sur le pied de paix.
C’est par suite de l’application la plus étendue de notre système d’économie que le nombre de nos soldats sous les armes se trouve fortement réduit ; serait-il prudent, messieurs, de réduire nos cadres dans la même proportion ? Là est toute la question. Là se trouve le motif principal de notre refus d’accéder aux propositions que l’on vous soumet par amendement.
Vous l’avez vu plusieurs fois, messieurs, en huit jours nous pouvons réunir tous nos permissionnaires et porter nos régiments au complet, mais la question du cadre est bien différente.
L’art militaire, messieurs, a fait trop de progrès pour que l’on puisse prétendre d’improviser des cadres très-étendus au jour du besoin. Nous avons fait de ce chef toutes les réductions possibles ; il serait contraire à nos convictions et à nos devoirs d’en faire davantage.
En effet, messieurs, après avoir réduit nos bataillons de réserve à 2 compagnies, de 6 qu’ils comptaient d’abord, et après la suppression d’un officier par compagnie, le nombre de bons officiers d’infanterie est réduit à 1,193 pour nos 65 bataillons ; sur le pied de guerre, ce nombre doit être porté à 1,807 ; il en résulte une différence de 614 ; et comme le nombre de bataillons sera, au moment de la guerre, encore augmenté de 4 ou 5, il faudra ajouter (page 1341) à cette différence encore 100 officiers au moins ; il nous manquera donc, au moment de la guerre, 714 officiers d’infanterie, chiffre qui se réduira à 650 par la mise en activité des 64 capitaines et lieutenants de la section de réserve. Ainsi, au moment de la guerre, le nombre des officiers d’infanterie devra être augmenté de plus de moitié. Est-il possible dès lors, messieurs, d’étendre davantage nos réductions pour le pied de paix ?
Le nombre de compagnies que nous proposons de conserver est de 26 pour le régime d’élite, 20 pour tous les autres régiments, en tout 326. L’honorable M. Brabant vous propose de former les 16 régiments d’infanterie à 4 bataillons et chaque bataillon à 4 compagnies, total 256 compagnies, et comme il propose de conserver dans chaque compagnie le même nombre d’officiers, il suivrait une réduction de 70 compagnies et de 210 officiers.
Comme chaque officier ne peut avoir sous son commandement qu’un nombre limité d’hommes, il en résulte, ainsi qu’il est prouvé du reste par les organisations prussienne et hollandaise, que sur pied de guerre, un bataillon de 4 compagnies doit compter autant d’officiers qu’un bataillon de 6 compagnies. Nous voyons donc que, d’après la proposition de l’honorable M. Brabant, la différence entre le pied de paix et le pied de guerre serait augmentée du chiffre de 210 officiers que nous avons mentionné plus haut et serait par conséquent portée à 860 officiers.
Or, comme il importe de ne pas donner l’épaulette au hasard et de ne confier la conduite des soldats qu’à des officiers capables, nous le demandons, messieurs, serait-il possible qu’au jour donné, le cadre des sous-officiers et l’école militaire nous fournissent un aussi grand nombre de sujets.
Messieurs, une trop grande différence entre l’effectif des officiers sur le pied de guerre et sur le pied de paix, a encore un inconvénient majeur ; c’est cet inconvénient dont l’armée et le trésor de l’Etat se ressentent depuis 5 ans. Que faire au moment du passage au pied de paix, de ces centaines d’officiers qui dépassent l’effectif ordinaire ? Vous devrez toujours agir comme vous êtes disposés à le faire aujourd’hui, et donner à une partie de ces militaires une position de disponibilité. Mais ne serez-vous pas alors, comme en 1839, frappés de l’idée qu’au lieu d’en envoyer un trop grand nombre chez eux dans une position d’attente coûteuse pour l’Etat et sans utilité pour l’armée, il vaut mieux en retenir un certain nombre sous les armes, en tirer parti pour le service, et les mettre à même de poursuivre leur instruction militaire ?
Vous conclurez encore ici avec moi qu’il ne faut pas une trop grande différence entre les effectifs des officiers sur le pied de paix et sur le pied de guerre. Et comme ce dernier est établi d’après des principes fixés, et n’est plus susceptible de réduction, vous serez frappé de l’inconvénient qu’il y aurait à réduire davantage le pied de paix.
Sauf cette dernière considération, ce que nous venons de dire à l’égard des officiers peut s’appliquer aussi au cadre des sous-officiers, et nous en concluons en général qu’il ne faut pas établir une différence trop considérable entre les cadres du pied de paix et celui du pied de guerre en général.
On a beaucoup parlé, messieurs, de comparaison avec les autres puissances ; eh bien, le principe que je viens d’énoncer est généralement appliqué par elles.
Dans l’acte constitutif de l’armée de la Confédération Germanique, il est arrêté qu’en temps de paix chaque Etat doit conserver au grand complet le cadre des officiers du contingent et ne peut renvoyer en congé qu’un tiers en général des sous-officiers.
En France, le nombre d’officiers par compagnie est le même sur le pied de paix que sur le pied de guerre. Il en est de même en Prusse, en Hollande, en Bavière, en Autriche, etc. ; en Piémont, comme dans notre projet, il n’y a qu’une différence d’un officier, tandis que, d’après le projet de l’honorable M. Brabant, cette différence serait de deux officiers. Ceci, on le voit, dépasse toutes les limites adoptées.
Si l’on nous oppose les troupes de réserve, les landwehr, etc., je ferai observer que, d’après notre projet, notre réserve n’est également point encadrée sur le pied de paix.
Mais, dit l’honorable M. Brabant, votre compagnie n’a aucune consistance sur le pied de paix ; au lieu de 65 hommes, il faut la porter à 76. A cela je réponds que la compagnie n’est pas l’unité tactique de l’infanterie, cette unité, c’est le bataillon. Or, notre bataillon compte 400 hommes pendant la saison d’été, et 600 pour les troupes campées. Ces cadres sont insuffisants pour l’instruction de nos soldats et pour celle de nos cadres.
Je ferai observer qu’à ce point de vue, notre projet est bien supérieur à celui de l’honorable représentant. En effet, que fait-il en voulant augmenter l’effectif de nos compagnies, ne diminue-t-il pas celui du bataillon ? Il subdivise l’effectif présent en quatre bataillons au lieu de le répartir en trois, comme nous le faisons. Ainsi, notre effectif d’été qui est de 400 hommes, et celui d’hiver qui est de 300 ne seraient plus respectivement que de 300 et 215 si la préférence était donnée aux idées de l’honorable M. Brabant. Il est évident que de pareils bataillons n’offriraient pas assez de consistance, que le service en général et les manœuvres en souffriraient beaucoup. A cette objection, l’honorable membre répondra peut-être, qu’il prendra deux bataillons pour faire un bataillon de manœuvres ; mais, en ce cas, messieurs, l’honorable représentant ne sera-t-il pas de nouveau frappé de l’inutilité du personnel de ces nouveaux bataillons ? Ne sera-t-il pas tenté de dire : A quoi bon deux chefs de bataillon, deux adjudants-majors, huit capitaines, etc. pour faire manœuvrer un bataillon de quatre divisions ? cela d’ailleurs ne lèverait nullement les difficultés de tout genre qu’éprouveraient les bataillons détachés.
Ne serait-il pas imprudent d’ailleurs de ne considérer en temps de paix que comme un demi-bataillon ce qui doit faire un bataillon en temps de guerre. Le principe général admis n’est-il pas que chaque élément de l’armée doit conserver son existence pendant la paix ? Ne serait-il pas imprudent d’admettre pour système de confondre sans cesse ces éléments divers ? Ne perdrait-on pas tous les avantages de la fixité de formation, et notamment celui de fournir par un contact journalier, au chef l’occasion d’apprendre à connaître le soldat, et à celui-ci l’habitude de suivre l’impulsion des mêmes chefs, habitude qui contribue tant à la confiance mutuelle et au succès dans la guerre ?
On objecte qu’on ne trouve nulle part une compagnie aussi faible. A cela nous répondons que, d’après le budget néerlandais, on voit que la compagnie d’infanterie, sauf pendant quatre mois de l’année, est réduite à 60 hommes. Cette armée compte des miliciens qui ne viennent sous les armes que pendant trois mois de l’année.
Si nous examinons le budget de la Bavière, nous y voyons l’effectif de l’infanterie sur le pied de paix porté à 12,583 hommes, nombre qui, subdivisé entre 216 compagnies, donne un effectif de 56 sous-officiers et soldats.
On objecte que notre effectif en officiers sur le pied de paix est, en comparaison plus fort que celui de l’armée française. A cela nous répondons que quand on y regarde de près, la différence est bien petite. En effet, nous voyons dans le budget qu’en France, l’effectif des officiers d’infanterie est de 8,600, chiffre dont le 1/8 ne diffère pas beaucoup de celui de 1,193 que porte notre organisation.
Nous ferons observer d’ailleurs que la France n’a pas encore organisé ses bataillons de réserve, tandis que notre effectif contient du moins en partie du cadre de ces bataillons.
Mais ne perdons pas de vue qu’il s’agit ici de fixer le nombre des compagnies par bataillon et que c’est là qu’il faudrait établir la comparaison avec la France. Or, il faut le rappeler encore, le pied de guerre français est de 8 compagnies, celui de paix est de 7, et il est bien difficile de conclure de là que le nôtre doit être de 4 seulement.
Rappelons-le : admettre l’organisation par 6 compagnies, c’est prendre un chiffre inférieur à la moyenne de ceux qui sont admis dans les autres pays et qui, comme nous l’avons dit, varient de 4 à 6, à 8 et à 10. Or, nous l’avons dit aussi, avec une armée de jeunes soldats, ce serait plutôt vers le maximum que vers le minimum qu’il faudrait tendre.
M. le président – Si personne ne demande plus la parole, je déclarerai la discussion close.
Nous avons d’abord à nous prononcer sur la position de la question. Je prierai M. Brabant de bien vouloir dire, en restreignant l’infanterie à 256 compagnies, quel serait le nombre des officiers subalternes ?
M. Brabant – 886, M. le président.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je crois devoir faire observer que, d’après un amendement qui a été accepté par la section centrale, le chiffre du gouvernement doit être porté de 1,095 à 1,098, parce qu’il faut ajouter 3 officiers pour la compagnie de vétérans.
M. le président – Ainsi, le chiffre du gouvernement est de 1,098, celui de M. Brabant est de 886 ; ce chiffre formant amendement, je le mettrai le premier aux voix.
M. d’Huart – Il faut commencé par le chiffre le plus élevé.
La chambre, consultée, décide qu’elle votera d’abord sur le chiffre le plus élevé.
Le chiffre de 1,098 est mis aux voix par appel nominal.
65 membres sont présents.
1 s’abstient (M. de Man d’Attenrode).
45 adoptent.
19 rejettent
En conséquence, le chiffre de 1,098 officiers subalternes est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Cogels, Coghen, d’Anethan, de Baillet, de Chimay, de Decker, de La Coste, d’Elhoungne, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, Deprey, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Duvivier, Fallon, Goblet, Henot, Lejeune, Liedts, Maertens, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Van Volxem, Verhaegen, Wallaert et Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Brabant, Biebuyck, de Corswarem, David, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, de Meester, de Tornaco, Fleussu, Huveners, Lesoinne, Lys, Manilius, Osy, Pirmez, Sigart, Simons et Vanden Eynde.
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, je n’ai pas voté pour le système proposé par le gouvernement parce qu’il me semble contraire aux règles, qui constituent une bonne infanterie.
Je n’ai pas voulu voter contre, parce que je n’ai pas voulu entraver les moyens défensifs du pays, quelque défectueux qu’ils me parussent.
Je me suis en conséquence abstenu.
« Colonels, 16. » - Adopté.
« Lieutenants-colonels, 16 . » - Adopté.
« Majors, 66. »
La section centrale propose le chiffre de 50.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) déclare qu’il ne peut se rallier à la proposition de la section centrale.
Le chiffre du gouvernement est mis aux voix par appel nominal.
63 membres prennent part au vote.
59 adoptent.
24 rejettent.
(page 1342) En conséquence, le chiffre de 66 majors est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Cogels, d’Anethan, de Baillet, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, Deprey, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier, Fallon, Goblet, Henot, Lejeune, Lys, Maertens, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Van Cutsem, Van Volxem, Verhaegen, Wallaert, Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Brabant, Cogels, de Chimay, de Corswarem, Biebuyck, de Garcia de la Vega, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Tornaco, Fleussu, Huveners, Liedts, Malou, Manilius, Mast de Vries, Osy, Pirmez, Sigart, Simons, Thyrion, Vanden Eynde.
« Officiers subalternes, 256.
« Colonels, 7
« Lieutenants-colonels, 7
« Majors, 19. »
- Tous ces chiffres sont adoptés.
« § 1er. Etat-major
« Officiers subalternes, 14
« Colonels, 4
« Lieutenants-colonels, 5
« Majors, 5. »
Tous ces chiffres sont adoptés.
« Gardes d’artillerie. »
Le gouvernement en demande 29, et la section centrale en propose 24.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je me rallie à la proposition de la section centrale.
- Le chiffre 24 est mis aux voix et adopté.
« Commandant d’artillerie en résidence. »
Le gouvernement en demande 12, et la section centrale en propose 9
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je me rallie à la proposition de la section centrale.
- Le chiffre 9 est mis aux voix et adopté.
« § 2. Troupe
« Officiers subalternes, 209.
« Colonels, 4
« Lieutenants-colonels, 4
« Majors, 12. »
- Ces divers chiffres sont successivement adoptés.
M. le président – Nous passons à la section Génie.
M. Brabant – Il se présente, à l’occasion du génie, une question très-grave et sur laquelle nous n’avons pas les renseignements nécessaires, parce qu’on ne s’attendait pas à voir le vote marcher si vite aujourd’hui. Je prie la chambre de remettre la discussion à lundi (Oui ! oui !)
- La séance est levée à 3 heures et demie.