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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 mars 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 1070) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners fait l’appel nominal à une heure.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs propriétaires de maisons, qui forment la rue Verte et la rue Thérésienne, à Bruxelles, prient la chambre de réclamer du ministre des travaux publics, les explications qu’elle lui a demandées sur leur pétition tendant au rétablissement d’une communication directe entre la rue Verte et la place du Palais ».

M. de Garcia – Messieurs, ce n’est pas la première fois que des pétitions relatives au même sujet que celle dont on vient de vous faire l’analyse vous ont été adressés.

L’année dernière et les années précédentes encore, des habitants de Bruxelles ayant des propriétés dans les rues Verte et Thérésienne, ont réclamé du gouvernement une mesure relativement à une rue dont ils ont été privés. Cette rue, vous le savez, était la rue Héraldique, et unissait les rues Verte et Thérésienne au parc et à la place qui se trouve devant le palais.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il a examiné ces réclamations. Car il me paraît inutile de renvoyer la pétition à la commission des pétitions, qui a déjà fait un rapport sur cet objet et qui même a appuyé, je crois, les droits des pétitionnaires. Je voudrais que M. le ministre nous dise s’il pense qu’on pourra prendre des mesures dans l’intérêt des pétitionnaires dont les propriétés ont diminué de valeur par suite de la suppression d’une communication importante.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, il y a dans la question soulevée par l’honorable M. de Garcia deux choses : la construction d’une rue qui aurait pour effet d’isoler le palais, afin de rétablir l’ancienne communication qui existait entre les rues Verte et Thérésienne et le parc. Il y a ensuite une autre question : c’est celle de l’indemnité.

Relativement à la première, des projets ont été faits par l’ingénieur en chef chargé des constructions civiles. Mais jusqu’à présent, aucune détermination n’a pu être prise. Le gouvernement a rencontré d’assez graves difficultés pour exécuter ces projets.

Relativement à la question d’indemnités, je n’ai trouvé dans les archives du département aucune trace de renseignement. C’est d’ailleurs là une question à faire décider par les tribunaux. Si les propriétaires qui se croient lésés ont des indemnités à réclamer, soit de la ville, qui a dû approuver les plans, soit du gouvernement, c’est un litige judiciaire sur lequel je ne puis me prononcer.

M. de Garcia – Je demanderai, messieurs, que la pétition soit renvoyée directement à M. le ministre des travaux publics, puisque des requêtes semblables ont déjà été examinées par la commission des pétitions qui vous a fait rapport sur ce point.

M. Delfosse - Le règlement s’oppose au renvoi direct à M. le ministre des travaux publics. Je demande que la pétition soit renvoyée à la commission des pétitions.

- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions.


« Les propriétaires fonciers du pays dit de Herve, demeurant à Liége, se plaignent d’une circulaire de M. le ministre des finances, qui interdit la circulation du beurre pendant la nuit.

Mêmes plaintes des habitants de la commune de Hombourg et de celle de Moresnet »

M. Delfosse – Messieurs, cette pétition se rattache au fait sur lequel (page 1071) l’honorable M. Lys a interpellé hier M. le ministre des finances. M. le ministre nous a dit qu’il s’occupait des mesures à prendre pour faire cesser les plaintes fondées des cultivateurs du canton d’Aubel. Je pense donc qu’il y aura lieu de demander un prompt rapport sur cette pétition ; sans cela, il se pourrait qu’elle ne fût connue de M. le ministre des finances qu’après qu’une décision aurait été prise par lui.

M. Lys – Messieurs, la pétition dont il vient de vous être fait l’analyse, a le même but que la motion d’ordre que j’ai faite hier. On exige maintenant des cultivateurs des formalités qui sont extrêmement gênantes. Ils doivent quelquefois se rendre à plusieurs lieues pour aller chercher des passavants ; ils ne peuvent transporter que telle quantité.

Ajoutez à ces tracasseries les malheurs dont sont frappés les cultivateurs pour toutes les maladies épizootiques, et vous comprendrez que le mécontentement devient de plus en plus grand, lorsque, dans des moments malheureux, on vient vous tracasser par des formalités inutiles.

J’appuie donc la proposition de l’honorable M. Delfosse.

- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.


« Le conseil communal de Jodoigne présente des considérations sur l’utilité d’un chemin de fer de Namur à Tirlemont par Perwez et Jodoigne ».

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants du canton de Laroche demandent une loi qui assure la répression du braconnage.

« Même demande des propriétaires du canton de St-Trond. »

M. Jadot – A l’occasion de cette pétition qui a été remise par moi sur le bureau de la chambre, je demanderai au gouvernement s’il entre dans son intention de présenter, dans le courant de cette session, une loi sur la chasse.

En présence des réclamations qui surgissent de toutes parts et qui signalent la destruction du gibier par le braconnage, il est difficile de croire que le gouvernement n’ait pas reconnu la nécessité de réprimer un délit d’autant plus punissable qu’il est plus fréquent dans la saison où la chasse est prohibée, que dans celle où elle est permise.

Je prie l’un des ministres ici présent de vouloir bien nous dire ce que le gouvernement se propose de faire.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je répondrai à l’honorable membre que le gouvernement s’est occupé de l’objet dont il vient de parler, et qu’il entre dans ses intentions de présenter dans un très-bref délai, avant la fin de la session, un projet de loi sur la chasse.

M. de Renesse – Messieurs, j’ai été chargé de déposer sur le bureau une pétition signée par un grand nombre de propriétaires et chasseurs du canton de St.-Trond, qui réclament une nouvelle législation sur la chasse, devenue d’autant plus urgente que le braconnage prend chaque année plus d’extension. Déjà en France, les méfaits du braconnage ont fait modifier récemment les dispositions de la loi du 30 avril 1790, et une nouvelle loi est venue porter un remède aux abus et aux délits de chasse ; cette nouvelle législation française pourrait nous servir de base pour changer les dispositions impuissantes, en matière de répression du braconnage, et surtout pour prohiber la vente du gibier pendant la durée de la clôture de la chasse, moyen qui nous paraît être le plus efficace pour empêcher le braconnage.

En appuyant la demande des pétitionnaires, j’ai l’honneur de prier M. le ministre de l’intérieur de vouloir présenter, dans un bref délai, le projet de loi sur la chasse qu’il nous a annoncé dans une précédente séance, afin que ce projet puisse être examiné et voté dans la session actuelle.

M. d’Hoffschmidt – Messieurs, je demanderai que le gouvernement nous présente, dans le courant de cette semaine, si c’est possible, un projet de loi contenant des mesures répressives du braconnage. Je regrette qu’il n’en fût pas ainsi. Car si l’on attend encore quelque temps pour la présentation de ce projet, évidemment il ne pourra être discuté dans cette session, ce qui serait fort regrettable, en présence de toutes les réclamations qui nous arrivent pour obtenir des mesures plus répressives.

L’insuffisance des dispositions actuelles sur la chasse est généralement reconnue. Je demande donc au gouvernement de nous présenter son projet de loi le plus tôt possible ; cela est tout à fait indispensable, et j’appuie, par conséquent, les observations qui vous ont été présentées par les honorables préopinants.

M. Rodenbach – Messieurs, je me joins à mes honorables collègues pour demander une loi répressive du braconnage. Mais l’un des honorables préopinants a demandé que la loi française sur la chasse servît de base. Je n’engage nullement, quant à moi, le ministère à nous proposer ici la loi française ; car cette loi a été ridiculisée dans presque toute l’Europe. Il ne faut donc pas qu’elle serve de base ; nous devons avoir une bonne loi belge.

- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport est adopté.


« Plusieurs raffineurs de sucre à Gand, demandent, en attendant la révision complète de la loi sur les sucres, que les 4 dixièmes à payer au trésor soient réduits à 2 dixièmes et que le rendement soit porté à 65 pour sucres lump, mélis et candi ».

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions concernant la législation des sucres.


« Plusieurs propriétaires de terrains cédés au gouvernement pour la construction de la 1re section du canal de Campine, réclament l’intervention de la chambre pour obtenir le payement du prix de leur cession ainsi que des intérêts dont il doit leur être tenu compte aux termes du code civil. »

M. Huveners – Messieurs, les signataires de la pétition, dont je viens de vous présenter l’analyse, ont cédé au gouvernement différentes parcelles de terre, pour la construction du canal de la Campine ; il y aura bientôt deux ans que le gouvernement est en possession, et plusieurs d’entre eux n’auraient pas encore reçu le prix de la cession.

Les pétitionnaires se plaignent en outre de ce que le gouvernement, contrairement à la loi, refuse les intérêts du prix de la vente jusqu’au payement du capital.

Tout en appelant l’attention de M. le ministre des travaux publics sur l’objet de la pétition, je demanderai qu’elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur De Ghouy, receveur de la navigation dans le Hainaut, prie la chambre d’allouer au budget des travaux publics, la somme nécessaire pour lui accorder une pension ».

M. Dumortier – Dans la séance de samedi, j’ai eu l’honneur d’entretenir la chambre de la réclamation du sieur De Ghouy, ancien receveur du canal de Mons à Condé. J’ai eu l’honneur d’établir que le pétitionnaire se trouve dans une position très-fâcheuse par suite de la reprise du canal. Il réclame une pension à laquelle il a toute espèce de droit.

Je prierai donc la chambre de vouloir bien ordonner le renvoi de la pétition à la commission, avec demande d’un prompt rapport.

Je me réserve d’ailleurs de réitérer ma demande d’explications sur cette question, lorsque nous en serons à l’article du budget qui concerne les pensions accordées par le département des travaux publics. J’en préviens M. le ministre des finances afin qu’il veuille bien alors écouter mes observations.

- La pétition est renvoyée à la commission avec demande d’un prompt rapport.

Projet de loi portant le budget du département des travaux publics de l’exercice 1845

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chemin de fer et postes

Discussion générale

La discussion continue sur l’ensemble du chap. IlI « Chemins de fer et postes ».

M. Rodenbach – Messieurs, lorsqu’on demande la construction d’un chemin de fer qui doit coûter au gouvernement, je conçois que le gouvernement procède avec une sage lenteur, car lorsque nous avons voté le principe de l’établissement d’un chemin de fer en Belgique, nous avons demandé que le chemin de fer payât le chemin de fer, c’est-à-dire que le revenu de cette voie de communication pût couvrir les intérêts et l’amortissement du capital employé à sa construction. Mais, messieurs, lorsqu’on demande une concession, alors il me semble que le gouvernement pourrait prendre une décision plus prompte. Il y a plusieurs années qu’on a demandé la concession d’un chemin de fer au centre de la Flandre occidentale et qui devait passer à Aeltre, à Thielt, à Roulers et à Ypres. Voilà neuf mois qu’on étudie ce tracé et jusqu’à présent on n’est encore qu’à mi-chemin.

Je désirerais savoir quelles sont les causes de cette excessive lenteur.

Le chemin de fer dont il s’agit ne peut nuire en rien au chemin de fer de l’Etat, il ne ferait aucune concurrence à la ligne de l’Etat. D’un autre côté, il ne doit rien coûter au gouvernement ; on ne demande aucune espèce de subside.

M. David – Messieurs, l’honorable ministre des travaux publics a dit hier qu’il avait présenté dans son compte-rendu le chiffre de 3 ¾ p.c., comme produit net du chemin de fer. Je vous avoue qu’après avoir fait de nouvelles recherches, je n’ai pas trouvé ce renseignement dans les tableaux fournis par M. le ministre. Cependant j’aurais désiré qu’il s’en fût expliqué, puisque l’honorable M. Eloy de Burdinne conteste le chiffre de 144 millions fourni par M. le ministre, comme celui de la dépense totale du chemin de fer ; c’est ce chiffre qui a servi de base à mes calculs, et si l’honorable M. Eloy de Burdinne avait raison, lorsqu’il porte la dépense du chemin de fer à 160 millions, il est évident qu’alors nos calculs seraient erronés. Il est possible que la dépense totale s’élève à 160 millions, si l’on tient compte d’une foule de frais, tels que ceux des emprunts, par exemple ; mais je crois que pour apprécier les revenus du chemin de fer, il ne faut avoir égard qu’au capital réellement dépensé.

Je désirerais d’autant plus que M. le ministre des finances voulût bien s’expliquer sur le chiffre de la dépense faite pour le chemin de fer ; je le désirerais d’autant plus, que M. le ministre des finances a laissé échapper cette observation, que le chemin de fer serait en déficit de 3 millions. Cela me paraît impossible, alors même qu’on admettrait le chiffre de 160 millions posé par l’honorable M. Eloy de Burdinne.

L’honorable M. Eloy de Burdinne nous a dit que lorsque le chemin de fer serait entièrement achevé, il coûterait 300 millions. S’il en était ainsi, messieurs, vous concevez qu’alors les revenus ne seront pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Si le chemin de fer devait coûter 300 millions, sans que les revenus suivissent la même progression, nous aurions considérablement erré dans nos prévisions, et je ne crois pas, messieurs, qu’il en soit ainsi.

L’honorable M. Eloy de Burdinne a dit : Je crains que le chemin de fer de Namur à Liége, et celui de Jurbise à Tournay, ne portent un grand préjudice au chemin de fer de l’Etat. En ce qui concerne le chemin de fer de Liége à Namur, il est évident que la crainte de l’honorable membre n’est pas fondée, mais elle pourrait l’être relativement au chemin de fer de Tournay à Jurbise. Je reconnais toute l’utilité de ce chemin de fer, mais je crois qu’il devrait être construit par le gouvernement ; parce qu’il se trouve au milieu de toutes les lignes de l’Etat. Je crois que l’on commettrait une faute capitale en le laissant faire par concession.

L’honorable M. Eloy de Burdinne prétend que c’est le commerce étranger qui a gagné à l’établissement de notre chemin de fer. Messieurs, si vous consultez les tableaux du mouvement des voyageurs pour l’année 1844, vous verrez qu’à la station de Bruxelles, le nombre des voyageurs à été de 4,364,000 tandis qu’à la station de Herbesthal, il n’a été que de 9,400 (page 1072). Or, on peut considérer le chiffre de la station de Bruxelles comme représentant le nombre des voyageurs indigènes, tandis que le chiffre de la station de Herbesthal représente jusqu’à un certain point le nombre des voyageurs étrangers.

L’honorable M. Eloy de Burdinne a établi une comparaison entre la dépense que faisait autrefois une famille anglaise pour traverser la Belgique et celle que cette famille fait aujourd’hui ; il a dit qu’autrefois la dépense était de 1,000 fr. tandis qu’elle n’est plus que de 300 fr. Il n’y a qu’une chose à répondre à cela, messieurs, c’est qu’au lieu d’une famille qui voyageait autrefois, on peut dire sans exagération qu’il y en a maintenant 100. Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que, il y a quelques années, il n’existait, pour ainsi dire, aucun bateau à vapeur entre la Belgique et l’Angleterre et qu’aujourd’hui il existe plusieurs services qui se font concurrence. Cela prouve bien, je pense, l’accroissement considérable qu’a pris le mouvement des voyageurs.

Quant aux marchandises, les tableaux fournis par M. le ministre prouvent que la presque totalité des transports consistent en marchandises de l’intérieur ; que, jusqu’à présent, les importations et les exportations ne sont entrées que pour une très-faible part dans le mouvement des transports par le chemin de fer.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je crois devoir présenter quelques observations sur les appréciations faites par l’honorable membre relativement au tantième des revenus du chemin de fer. Il a demandé dans quelle partie de son rapport mon honorable collègue des travaux publics a dit que les revenus nets du chemin de fer dépassent 3 ¾ p.c. ; je le lui indiquerai, c’est à la page 45 du compte-rendu.

Messieurs, il est à observer que dans ces calculs on n’a pas tenu compte des excédants des dépenses sur les recettes, qui ont amené les résultats de chaque année. Or, pour bien apprécier quel est le tantième pour cent du rapport du chemin de fer, il faudrait ajouter chaque année au capital le déficit des années précédentes. La dépense, comme on le sait, se compose des frais d’administration et des intérêts des emprunts. Si l’on ne porte pas d’une manière exacte la proportion du revenu du chemin de fer, c’est-à-dire l’intérêt du capital employé.

Du reste, nous devons nous mettre en garde contre toute fausse appréciation soit en atténuant, soit en exagérant le rapport du chemin de fer ; ne perdons pas de vue qu’il produit d’autres avantages que son revenu direct ; il concourt sous d’autres rapports à la prospérité publique ; mais si l’on ne considère que l’excédant des dépenses sur les recettes, nous n’arrivons pas à la proportion de 3 ¾ p.c. du capital dépensé.

M. David – Je demanderai à M. le ministre des finances quel serait le montant exact du capital employé à la construction du chemin de fer.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je pourrais faire des recherches sur ce point et donner le chiffre exact.

(p. 1115) M. Lys – Messieurs, les observations que j’ai à vous présenter n’ont pas un rapport direct avec le chapitre en discussion, mais beaucoup d’analogie. Ces observations, messieurs, concernent nos 4000 actions du chemin de fer rhénan. Il est certain que nous n’avons fait cette acquisition que dans l’intérêt de notre chemin de fer. Déjà l’année dernière je vous ai présenté ces observations, et M. le ministre des travaux publics a trouvé exacts les faits que j’ai rapportés. M. le ministre n’y a pas répondu, et le motif de son silence se trouvait dans ce qu’il aurait pu compromettre les intérêts belges. Il nous disait alors que ses observations seraient intempestives dans ce moment.

Depuis ce temps, M. le ministre a gardé le silence. Cependant je ne puis pas plus longtemps tarder de renouveler mes observations parce que d’ici au mois de juin prochain elles arriveraient trop tard.

Vous savez, messieurs, qu’en 1839 les finances du chemin de fer rhénan étaient dans une pénible situation ; c’est alors que le chemin de fer rhénan s’adressa à la Belgique. Il avait créé 16,500 actions de 250 thalers chacune et on n’avait versé sur ces actions que 20 p.c. La situation des finances du chemin de fer rhénan exigeait que toute la somme fût versée. On exigeait donc le versement des 80 p.c. restants.

Trois maisons de banque de Cologne possédaient 4000 actions du chemin de fer rhénan, et elles déclarèrent qu’elles perdraient les 20 p.c. versés plutôt que de payer les 80 p.c. qu’on leur demandait. Cette résolution mettait pour ainsi dire le chemin de fer rhénan dans l’impossibilité de continuer ses travaux. Aussi leurs envoyés à Bruxelles déclarèrent formellement que la jonction du chemin de fer d’Aix-la-Chapelle à la frontière belge n’aurait pas lieu, si la Belgique ne faisait l’acquisition des 4000 actions dont il s’agit.

La Belgique, messieurs, décida qu’elle ferait l’acquisition des 4000 actions, et pour cela elle devait payer 3,750,000 fr. Mais la Belgique calcula que, lors des premiers travaux d’un chemin de fer, les produits ne sont pas ordinairement très-avantageux, et pour se mettre à couvert pendant les premières années, elle retint les intérêts depuis 1840 jusqu’au 30 juin 1843. Ainsi la Belgique, au lieu de payer 3,750,000 fr., ne paya en réalité aux banquiers de Cologne que 3,349,600 fr.

Chaque action de 250 thalers, soit 937 fr. 50, donne un intérêt annuel de 12 thalers et 1/2, ou 46 fr. 87 ½. Je ferai remarquer que l’encaisse, fin de 1843, au lieu de présenter 46 fr. 87 ½ à payer aux actionnaires, ne présentait réellement que 4 fr. 20 c. Ce calcul s’établit facilement en prenant la recette de 1843. Cette recette a été de 326,312 thalers, et la dépenses de 162,260 thalers ; restait donc en boni 163,946 thalers.

(p. 1072) Il fallait alors payer les intérêts des actions de priorité. Ces intérêts comportaient une somme de 143,750 thalers. Il ne restait en 1843 pour les actions primitives, que 20,196 thalers, ce qui donnait 4 fr. 20 pour chaque action.

Les trois maisons de Cologne dont les actions nous avaient été cédées, vinrent soutenir que le premier semestre de 1843 devait leur être payé intégralement. La gestion du chemin de fer rhénan était confiée à onze directeurs. De ces onze directeurs, dix déclaraient positivement qu’il ne s’agissait pas de fonds en caisse pour l’exercice de 1843, qui était loin d’avoir produit de quoi payer l’intérêt des actions. Le onzième directeur voulait qu’on payât les intérêts de ces actions et la chose est fort naturelle ; le onzième directeur était le chef de l’une des trois maisons de banque dont il s’agit. Il se fondait sur ce que l’art. 19 des statuts portait qu’on payerait l’intérêt à 5 p.c. aux actionnaires chaque année. Les dix autres directeurs disaient : « Quand nous avons dit dans les statuts qu’on payerait un intérêt de 5 p.c. aux actionnaires qui formaient la masse de la société, il est certain que nous supposions qu’il y aurait des fonds en caisse pour payer cet intérêt, car jamais les personnes qui font un contrat, ne peuvent stipuler qu’on imputera le payement des intérêts sur le capital ».

Et c’est là cependant ce que voulait le onzième directeur, malgré l’avantage que nous avions fait aux maisons de Cologne, avantage qui consistait à leur avoir fait éviter une perte de 7 à 800,000 fr. On venait à la fin de 1843, demander à la caisse l’intérêt du premier semestre de 1843.

Ainsi, la précaution que nous avions prise d’escompter les intérêts jusqu’au 30 juin 1843, tombait à rien, si la société devait être responsable de ces intérêts, si elle devait prendre sur le capital les intérêts dont il s’agit, quand le revenu de l’année n’y avait pas suffi.

Les dix directeurs tenaient donc ferme ; ils reconnaissaient la générosité de la Belgique et ils soutenaient qu’il n’y avait pas lieu d’engager l’avenir, de ruiner pour ainsi dire la société rhénane.

Que fit alors le gouvernement belge ? On croirait que le gouvernement aurait jugé nécessaire de soutenir les dix directeurs qui ménageaient nos intérêts avec tant de délicatesse ; que le gouvernement tâcherait de faire exclure le onzième directeur, qui s’opposait à ce que les intérêts de la Belgique fussent gérés convenablement ; mais il n’en est rien, le gouvernement belge a fait tout à fait le contraire ; il a envoyé à Cologne, en 1843, deux commissaires chargés d’un singulier mandat : ils devaient soutenir la réélection des dix directeurs qui nous étaient favorables, et ils devaient empêcher en outre la sortie du onzième directeur qui nous était opposé.

Avec un pareil mandat, nos deux envoyés ont fait absolument ce qui s’appelle de l’eau claire, c’est-à-dire qu’ils ont obtenu un résultat tout à fait contraire aux intérêts de la Belgique. Les dix directeurs ont été réélus, mais voyant que le onzième était aussi maintenu, ils ont dit : Nous ne pouvons pas nous soutenir dans cette administration, puisque nous ne consentirons jamais à ce que la Belgique soit dupe des engagements qu’elle a contractés, à notre sollicitation.

Ainsi, messieurs, les intérêts de trois maisons de banque de Cologne furent seuls protégés, et ceux de la Belgique sacrifiés, et cela en vertu d’un mandat de nos députés qui devaient appliquer les 1,000 voix, acquises à la Belgique, à faire maintenir dans ses fonctions M. Salomon Oppenheim.

Malgré cette circonstance, l’un des dix directeurs qui nous étaient favorables, tâcha de sauver encore, au profit de la Belgique, un trimestre d’intérêt, et il fit la transaction dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture :

« Fait à Cologne, le 20 novembre 1843.

« Entre la direction du chemin de fer rhénan, représentée par son fondé de pouvoir M. d’Ammon, demeurant à Cologne d’un part et les trois maisons de banque : 1° J.D. de Hersta, 2° Sal Oppenheim J.V.C., 3° P.H. Stein.

« Établis en cette ville, d’autre part, il a été arrêté la convention suivante :

« Considérant que lesdites maisons de banque, sur un contrat passé entre elles et la direction du chemin de fer rhénan, en date du 28 octobre 1839 (page 1073), fondent des prétentions à des payements d’intérêts, lesquels ne sont pas reconnus de la direction. Les parties contractantes, afin d’obvier à tous les différends qui pourraient s’élever, soit entre elles, soit vis-à-vis du gouvernement belge, à propos des mêmes prétentions, se sont entendues ainsi qu’il suit :

« Les trois maisons de banque recevront d’avance un pour cent et un quart des intérêts qui seront payés dans la suite pour l’année 1843, et spécialement de la partie de ces intérêts qui tombera sur les 4000 actions vendues au gouvernement belge ; elles recevront donc en autres termes la quatrième part du coupon, ainsi que les intérêts de cinq pour cent pour l’époque du 1er janvier jusqu’au 31 mars 1843.

Les trois maisons de banque renoncent, par contre, en faveur du gouvernement belge à leurs prétentions relativement au restant des intérêts dus jusqu’au 30 juin 1843 de ces quatre mille actions.

« Cette convention ne sera valable qu’autant qu’elle soit ratifiée par S. Exc. M. le ministre des finances à Bruxelles.

« Fait comme ci-dessus en quatre exemplaires qui ont été signés par les parties contractantes à chacune desquelles il a été remis un exemplaire.

(Signés) VON AMMON, J.D. HERSTALL, SAL. OPPENHEIM. J.V.C., J.H. STEIN“

En vertu de cette transaction, les trois maisons de Cologne se contentaient d’un trimestre d’intérêt et la Belgique recevait les trois autres trimestres. Au lieu de perdre la moitié, nous ne perdions qu’un quart. Eh bien, nous ne voyons pas que la Belgique ait ratifié jusqu’ici cette convention, et cependant d’après des délibérations ultérieures, les intérêts de 1843 sont pris sur les revenus des années 1844 et 1845. Il était cependant de l’intérêt de la Belgique de ratifier tout de suite la convention ; elle sauvait au moins par là un trimestre d’intérêt. Et remarquez que d’après la délibération du conseil ce trimestre doit être payé le 5 juin prochain. Ainsi si la Belgique ne s’empresse pas de ratifier cette transaction, elle perd trois mois de plus. Ces trois mois comportent une somme de 47,000 fr., la perte sera alors le double de cette somme, soit 94,000 fr.

Ainsi, grâce à la négligence apportée dans la gestion de nos intérêts, la Belgique verra les trois maisons de banque dont il s’agit, recevoir aujourd’hui six mois d’intérêt pour 1843 ; si la transaction n’est pas ratifiée, ce payement, messieurs, annulera la précaution prise de retenir le montant des intérêts jusqu’au 30 juin 1843, ou faussera le contrat que nous avons fait en 1840.

Et savez-vous que la Belgique recevra en 1844 et en 1845 ? On a porté au budget de 1844 et à celui de 1845 une somme de 200,000 fr. en recette, soit 400 mille francs pour les deux années ; eh bien, pour 1844, vous ne recevrez pas un centime, et pour 1845, vous recevrez tout au plus un ½ p.c.. ces renseignements résultent de ce qui suit.

En 1844, la recette totale se monte à thalers (530,000)

Dépenses qui ne sont pas connues encore, mais qui s’élèveront au moins à (265,000)

A déduire les intérêts des actions de propriété (143,750)

Soit Net produit de 1844 (121,350)

10 p.c. pour le fonds de réserve (12,135)

Restant pour les intérêts de 1843 (109,215)

En 1845, la recette totale peut s’élever, au plus haut, à (650,000)

Les dépenses à (325,000)

Intérêts des actions de priorité (143,750)

Reste (181,250)

Retenue pour la réserve de 10 p.c. (18,125)

Resterait en 1845 (163,125)

En 1843, il restait (20,196)

En 1844 (109,215)

Ensemble 1843 à 1845 (292,536)

Les intérêts pour l’an 1843 des actions primitives portent (225,000)

Il resterait donc tout au plus pour les actionnaires en 1845 (67,536). Environ 1 ½ p.c.

De ces calculs, il résulte, que vous ne recevrez rien pour 1844 et que 200,000 fr. doivent disparaître de votre budget des voies et moyens, et vous n’aurez qu’un et demi pour cent en 1845, au lieu de cinq p.c. Ce résultat est la suite du mandat donné par le gouvernement à ses représentants, de ne pas éloigner de la direction du chemin de fer rhénan, le chef d’une des trois maisons de Cologne intéressées dans la question, et par suite, de ne rien faire pour maintenir les dix autres directeurs qui s’étaient montrés favorables à la Belgique, c’est-à-dire, à ce que la justice exigeait. Car on ne me dira pas qu’il fallait maintenir dans l’administration un homme qui prétend pour se faire payer des intérêts, alors qu’il n’y a pas de bénéfices, anticiper sur les bénéfices futurs ou prendre sur le capital au détriment des intérêts belges. Vous n’autoriseriez pas dans votre pays la constitution d’une société dont les statuts permettraient d’employer le capital à payer des intérêts, et vous donnez à vos représentants l’ordre de maintenir dans l’administration du chemin de fer rhénan un homme qui prétend interpréter de cette façon, et dans son intérêt, les statuts de la société rhénane.

Il est certain que si le gouvernement avait donné un mandat positif aux fonctionnaires qui le représentaient dans l’assemblée des actionnaires, il aurait fait maintenir dans la direction les 10 membres qui avaient défendu nos intérêts et M. Salomon Oppenheim en aurait été éloigné. M. le ministre des travaux publics, dans sa réponse de l’année dernière, me disait : « Cette question n’est pas résolue. Le gouvernement belge qui n’avait que de la gratitude à témoigner à la direction tout entière, ne pouvait accepter la mission de prendre parti contre le onzième directeur, qu’on voulait révoquer, ou contre les dix directeurs, dont quelques-uns voulaient maintenir la démission ».

Le gouvernement, ajoutait-on, ne pouvait prendre part au conflit fâcheux qui avait surgi dans l’administration du chemin de fer rhénan.

Quelle était donc cette querelle ? Il n’y en avait pas d’autre que celle qui avait rapport à nos intérêts. Or, les dix directeurs ne voulaient qu’une chose, c’était qu’on ne prit pas sur l’avenir pour payer les intérêts de 1843 ; ils entendaient l’article 19 des statuts, comme il devait l’être. Quand on dit que 5 p.c. d’intérêts seront payés aux actionnaires, c’est pour autant que les bénéfices le permettent. S’il en était autrement, les trois maisons de Cologne n’auraient pas perdu un centime en capital et intérêts, nous leur aurions évité une perte de 700 à 800,000 francs et nous entrerions en jouissance, avec une dette pour l’avenir ; cette dette n’a d’autre source qu’un avantage direct fait aux maisons cessionnaires, et en effet, messieurs, ce que l’on devait faire en 1843, on l’a fait en 1844. En 1843, les fonds manquaient, on les trouva dans l’avenir ; on pouvait faire de même en 1844, mais non, on fait en 1844 ce que l’on aurait dû faire en 1843, et pourquoi ? Parce que les intérêts des maisons cessionnaires sont à couvert, elles ont réussi à faire mettre à charge de la Belgique, les intérêts de 1843 pour les faire entrer dans leur caisse.

Nous devions, dit-on, les mêmes remerciements aux onze directeurs ; mais le onzième directeur est précisément celui qui, contre ses collègues, avait soutenu l’opinion qui devait faire entrer dans ses caisses six mois d’intérêt au détriment de la Belgique. On prétend que nous devions les mêmes égards aux uns qu’aux autres, qu’il fallait rétablir la paix dans l’administration du chemin de fer rhénan. Mais la paix n’a été troublée qu’à propos de vos intérêts.

Les dix directeurs avaient déclaré qu’ils ne consentiraient jamais à ce qu’on payât 5 p.c. d’intérêt aux actionnaires, quand les produits ne présentaient pas un et demi p.c. de bénéfice. La question du payement des intérêts à 5 p.c. pour 1843 est chose consommée, c’est un fait accompli ; mais je dirai au ministère : Vous pouvez encore au moyen d’une transaction que vous auriez dû ratifier depuis longtemps, car la délibération est prise depuis le mois de mai, vous pouviez, dis-je, au moyen de cette transaction, éviter une perte de 1 ¼ p.c. Il est urgent de la ratifier, et en effet, si vous laissez arriver le 5 juin, il sera trop tard. Je déclare que je rends le ministre responsable de cette perte.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je laisserai à M. le ministre des travaux publics le soin d’expliquer comment la question dont il s’agit n’est pas purement financière, et qu’il s’y rattache des considérations administratives d’une très-haute importance. Quant à la question financière, elle se résume en un chiffre de 47 mille francs, formant le quart de l’intérêt annuel des actions acquises par le gouvernement belge ; l’abandon de ce quart de la part des vendeurs fera l’objet du projet de convention dont a parlé l’honorable M. Lys ; je ferai observer à cet égard que, par un arrêt récent de la cour de Cologne, il a été décidé qu’aussi longtemps que des modifications ne seraient pas faites aux statuts primitifs des sociétés, l’intérêt établi par ces statuts doit être payé intégralement aux actionnaires, et au besoin prélevé sur le capital lui-même. Or, la décision de l’assemblée générale des actionnaires, porte que les intérêts de 1843 seront complétés au moyen des bénéfices de 1844 ; prendre les intérêts sur le capital ou sur les bénéfices de l’avenir, c’est, en résultat, la même chose pour les actionnaires.

Depuis lors des modifications ont été apportées aux statuts, c’est-à-dire qu’au lieu d’intérêt on ne distribuera plus que des dividendes jusqu’à concurrence des bénéfices réalisés ; mais ces modifications n’ont été introduites qu’au commencement de 1844 ; elles n’ont pu avoir d’effet rétroactif ; quant à l’arrêt de la cour de Cologne, il est conforme aux prétentions de beaucoup d’actionnaires, qui soutiennent que les intérêts devaient être payés intégralement aussi longtemps qu’il n’en serait pas décidé autrement pour l’avenir par l’assemblée générale des actionnaires. Dans un intérêt de conciliation, le banquier intéressé dans la vente des quatre mille actions, qui était l’un des directeurs de la société, avait consenti à se dessaisir de la moitié des intérêts du premier semestre de 1843, et avait signé une convention conçue dans ce sens. Le gouvernement a voulu, avant de ratifier cette convention, attendre que le but que s’était proposé ce banquier fût atteint, c’est-à-dire que la conciliation fût opérée entre les différents directeurs. C’est ce qui n’a pas eu lieu. J’ajouterai que le gouvernement n’avait pas connaissance de l’arrêt de la cour de Cologne, à l’époque où cette convention lui a été offerte. Si la convention n’a pas été ratifiée jusqu’à ce jour, c’est qu’il reste à examiner encore si des considérations de délicatesse et de loyauté ne doivent pas le déterminer à y renoncer.

L’honorable membre a demandé ce qui avait été touché pour 1843, et ce qui sera reçu en 1844. Ceci importe peu à la question, car, quelle que soit la somme à toucher pour 1843-1844, l’objet du débat ne peut consister que dans la somme de 47 mille francs. Nous n’avons rien touché, parce que le bénéfice de 1844 ne sera déterminé que dans l’assemblée des actionnaires qui aura lieu au mois de mai prochain, pour arrêter les comptes de 1844. Le trésor recevra alors ce qui lui revient dans le deuxième trimestre de 1843, et en même temps sa part de bénéfice de 1844.

(page 1074) Telles sont les considérations que j’avais à faire sur la question financière ; quant aux détails de l’ordre administratif, ils sont mieux connus de mon collègue M. le ministre des travaux publics ; je lui laisserai le soin de les exposer à la chambre.

(page 1115) M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – M. le ministre des finances vient de vous donner des explications sur la question financière, celle qui concerne l’intérêt des actions du chemin de fer rhénan. Pour le gouvernement, il faut le dire, la question financière n’était pas la principale dans le conflit qui s’est élevé dans l’administration rhénane.

Cette question est délicate, car il s’y mêle des noms propres et il est difficile de discuter de semblables questions à la tribune.

Cependant je crois pouvoir dire, on peut en avoir la preuve dans les mémoires qui ont été publiés à l’occasion du dissentiment entre les membres de l’ancienne direction, que la question de l’intérêt des actions n’était qu’accessoire, je n’oserais pas dire le prétexte ; c’était un conflit d’influence de localité. C’est ainsi que ce conflit est considéré dans les provinces rhénanes. On n’y considère ce conflit qui avait divisé l’administration rhénane, que comme une lutte d’influence entre Cologne et Aix-la-Chapelle. Que demandaient les dix directeurs au gouvernement belge ? de leur prêter son influence pour expulser le onzième directeur qui, il faut bien le reconnaître, avait rendu avec toute l’administration rhénane de grands services lors de la création du chemin de fer rhénan qui est le prolongement du chemin de fer belge.

Le gouvernement avait intérêt à opérer la conciliation avant tout. Il n’avait qu’à se louer de l’ancienne direction ; il aurait voulu la reconstituer par son influence, mais cette reconstitution est devenue impossible, à moins que le gouvernement se prêtât à cette mesure extrême qui consistait à expulser un membre qui était censé représenter spécialement dans l’administration l’intérêt colonais. Que serait-il arrivé si le gouvernement belge avait consenti à donner les mains à une pareille lutte ? que serait-il arrivé si l’intérêt colonais s’était trouvé froissé de l’expulsion du membre qui était censé le représenter ? Veuillez remarquer que ce membre avait l’appui du conseil supérieur de l’administration, cela a été prouvé lors des réunions du conseil qui ont précédé les dernières assemblées générales.

Le gouvernement belge, qu’a-t-il fait en donnant le mandat que ses agents avaient à remplir ? C’était un mandat de conciliation. Son but était de reconstituer l’ancienne direction rhénane, parce que nous n’avions eu qu’à nous louer des rapports que nous avions eus avec cette direction.

Mais enfin cette direction était divisée, affaiblie. L’administration du chemin de fer rhénan était complètement désorganisée.

L’intérêt belge, gouvernemental, qui devait primer sur l’intérêt financier, exigeait que l’on constituât une administration unitaire, forte, à la place d’une administration affaiblie. Voilà le côté administratif, politique de la question. C’est à ce point de vue que le gouvernement s’est placé. Le résultat a prouvé que le gouvernement avait bien fait.

L’administration rhénane a été reconstituée sur d’excellentes bases. Les hommes qui la composent sont des hommes d’influence, d’activité, d’intelligence. Cette administration est forte comme l’était la première.

Un fait ne doit pas être perdu de vue ; un emprunt était nécessaire pour l’exécution de la double voie, sans laquelle le transport des marchandises vers le Rhin eût été très-difficile. Cet emprunt, on n’était pas parvenu à le (p. 1116) réaliser, malgré bien des efforts ; il est réalisé depuis la reconstitution de l’administration du chemin de fer rhénan ; c’est là un premier résultat obtenu.

Si le gouvernement n’avait pas tenu la conduite qu’il a suivie, je ne pense pas que ce résultat eût été atteint. C’est le côté administratif de la question.

Mon honorable collègue vous a expliqué à quel point de vue le gouvernement s’est placé sous le rapport financier.

(page 1074) M. Lys – M. le ministre des finances n’a pas contesté la transaction dont j’ai parlé mais il n’a pas dit s’il comptait la ratifier. Elle doit l’être avant le 5 juin. Si l’on attend plus longtemps, on ne pourra plus la ratifier. On ne nous dit pas ce qu’on fera à cet égard.

On dit que c’est par des motifs de délicatesse, de loyauté que l’on n’a pas ratifié plus tôt. Mais quels peuvent être ces motifs ? Je ne vois pas quelle indélicatesse il peut y avoir à accepter une chose qu’on nous offre, pour laquelle on a stipulé en notre nom, qui a été volontairement consentie. En effet les trois maisons de Cologne ont déclaré qu’elles borneraient leurs prétentions à trois mois d’intérêt pour l’an 1843, abandonnant les neuf ans à la Belgique. Quel motif de délicatesse peut vous empêcher d’accepter, puisque vous sauveriez à la Belgique une somme de 47 mille fr. ? Je demande une réponse ; car il s’agit ici d’un intérêt réel pour le pays. Remarquez que la Belgique est dans une situation toute particulière. Les autres actionnaires ne perdront rien ; ils ont touché les intérêts de 1843, qui ont été prélevés sur les bénéfices éventuels de 1844 et 1845 ; mais la Belgique n’est pas dans cette position ; elle a voulu être sûre des intérêts jusqu’au 30 juin 1843 ; elle n’a pas entendu prendre sur les années 1844 et 1845 pour payer les intérêts de 1843. Il n’y a donc pas ni indélicatesse ni déloyauté à accepter ce que l’on a fait en votre nom.

M. le ministre des travaux publics a dit qu’il y avait eu des difficultés dans l’administration du chemin de fer. Il s’agit des difficultés entre les députés de Cologne et les députés d’Aix-la-Chapelle. Mais je remarque au nombre des députés qui ont donné leur démission, plusieurs députés de Cologne, et je citerai M. Von Ammon qui a fait la transaction au nom de la Belgique et qui fait partie de la Cour royale de Cologne ; les députés démissionnaires soutenaient les intérêts de Cologne, comme ceux d’Aix-la-Chapelle, et je le répète, la division qui existait n’avait rapport qu’aux intérêts de la Belgique.

Je ne puis trop le répéter, il n’existe dans cette affaire que l’intérêt de trois maisons de Cologne, qui font passer dans leurs caisses des fonds qui n’existaient pas dans l’actif de la société et qui nécessairement sont ainsi versées au détriment de la Belgique seule.

On nous dit : Vous le voyez, cette personne qu’on voulait expulser a été maintenue ; mais pourquoi en a-t-il été ainsi ? parce que le ministère a jeté dans la balance en faveur de cette personne nos 1,000 voix sur 4,000. Quand nous donnons ces voix en faveur d’une personne qu’on veut expulser, il est évident que nous la maintenons au détriment des dix autres directeurs. Ainsi, c’est la Belgique qui a maintenu dans l’administration celui qui voulait s’assurer à nos dépens le payement du premier semestre 1843.

Je crois avoir le droit de demander, parce que l’intérêt de la Belgique est ici en cause, si l’on ratifiera cette convention, assez à temps, et de manière que la Belgique ne paye pas plus qu’elle ne doit payer, la transaction réduisant de moitié ce payement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Pour bien comprendre la question traitée par l’honorable membre, il faut se reporter à l’époque de la vente des actions. Les banquiers qui ont vendu les actions pouvaient-ils supposer alors que les intérêts ne seraient pas payés intégralement ? Qu’on se rappelle qu’en 1839 les sociétés anonymes acquittaient les intérêts, lors même qu’ils n’étaient pas réalisés en bénéfices ; plus tard, les statuts de la plupart d’entre elles ont été modifiés ; des assemblées générales d’actionnaires ont décidé que les intérêts ne seraient payés que jusqu’à concurrence des bénéfices réels. On peur admettre qu’il est au moins douteux qu’au moment de la vente, il soit entré dans les prévisions du gouvernement et des actionnaires de la société du chemin de fer rhénan que les intérêts pourraient ne pas être touchés intégralement jusqu’au 1er juillet 1843 par ceux qui opéraient la vente. Il y a donc, quoi qu’en ait dit l’honorable membre, une question fort délicate à apprécier par le gouvernement belge qui ne peut se laisser dominer par la seule considération étrangère.

Je le répète, le but principal qui a motivé la transaction offerte était une réconciliation entre les différents directeurs de l’administration du chemin de fer. C’est ce résultat que nous désirons tous obtenir. Il dépend de nous d’approuver cette convention. Mais il est permis de douter qu’on ferait ainsi un acte de bonne administration. La question n’est pas définitivement résolue. Elle fera encore l’objet d’un sérieux examen.

M. de Garcia renonce à la parole.

M. Osy – Tout en reconnaissant que l’on ne doit pas négliger ici l’intérêt financier, je pense comme M. le ministre des travaux publics, que l’intérêt administratif doit avoir la priorité. C’est surtout dans cet intérêt que nous devons employer l’influence que nous donnent nos actions dans l’administration du chemin de fer rhénan.

Ce qu’a dit l’honorable M. Lys est très-exact. Si, en 1843, lorsqu’il y a eu des difficultés dans la direction, nous n’avions usé de notre influence et de nos mille voix, nous n’aurions pas vu cette désorganisation, dont on s’est plaint.

Il est vrai qu’il y avait une lutte dans la direction. Il s’agissait d’expulser une personne. En la soutenant, nous avons fait tomber dix très-utiles à la société. Nous avons le désordre dans l’administration.

Je regrette d’autant plus ce qui est arrivé, que si, en 1843, nous avions mis notre influence dans la balance, nous aurions été sur un meilleur pied que nous ne sommes maintenant avec la société rhénane. C’est ce que j’ai appris, lors de la réunion d’octobre, par des députés d’Aix-la-Chapelle et de Cologne (malheureusement, ces derniers étaient en très-petit nombre) avec lesquels je me suis entretenu. Nous aurions pu par notre intervention faire cesser cette désunion entre ces deux villes qui entrave tout, qui est cause que nous n’avions pu jusqu’ici faire adopter un tarif modéré et définitif que réclame le commerce.

J’engage M. le ministre des travaux publics à chercher à obtenir ce tarif ; il est nécessaire dans l’intérêt de la Belgique et des provinces rhénanes.

M. Sigart – Je dois me plaindre de l’inexécution de deux dispositions relatives au chemin de fer, l’une appartenant à une loi, l’autre à une convention avec un gouvernement voisin.

Il y a quelque temps, nous avons voté une loi sur la police des chemins de fer. Un de ses articles défend de planter des arbres à une certaine distance du railway. Si les agents du gouvernement s’étaient contentés de respecter les anciennes plantations particulières, ce qu’on peut presque considérer comme droits acquis, je n’aurais pas grand’chose à dire, mais ils vont plus loin ; ils plantent eux-mêmes. C’est ainsi, messieurs, que le gouvernement enseigne le respect des lois.

J’espère, messieurs, qu’il m’aura suffi de signaler ce fait pour que M. le ministre des travaux publics y porte très incessamment remède.

L’autre inexécution dont j’ai à me plaindre, se rattache à un article d’une convention faite avec la France, en 1843, si je ne me trompe. Lorsque notre chemin de fer atteignit la frontière française une commission mixte fut instituée à l’effet de régler certaines difficultés internationales. Une convention intervint, et un des articles de cette convention supprima les formalités de passeports pour le département du Nord, d’une part, et pour les provinces des Flandres et du Hainaut, d’autre part, et leur substitua des cartes à délivrer par les administrations communales. J’aurai voulu citer le texte de la convention ; je l’ai cherché dans le Moniteur et je l’ai cherché en vain. Peut-être est-ce de ma faute, mais je crois plutôt que c’est celle du gouvernement qui n’est pas grand ami de la publicité.

La disposition dont je parle, est exécutée du côté de la France, mais elle ne l’est pas du côté de la Belgique.

J’ai beaucoup applaudi, messieurs, à une mesure dont l’esprit me semblait tout à fait en harmonie avec ce qu’on attend des chemins de fer. Ceux-ci facilitent les relations en diminuant les distances ; celle-là en abaissant les frontières : la mesure me semblait si libérale qu’elle me causait plus que de l’étonnement ; elle allait peut-être inquiéter ma conscience politique.

Je me demandais si je n’étais pas injuste dans mes soupçons à l’égard du gouvernement. Heureusement, le gouvernement, pour me tranquilliser, n’a pas exécuté la convention.

Je demanderai à M. le ministre de m’expliquer ses motifs.

M. Fallon – Messieurs, je prends la parole pour appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics sur l’extrême irrégularité du service des voyageurs sur la ligne du Midi. Je ne doute pas du zèle et des bonnes intentions de M. le ministre pour assurer l’ordre et la régularité dans les divers services de son département. Mais les fais prouvent qu’il est bien peu convenablement secondé par ses agents.

Le terme normal du trajet de Bruxelles à Namur est de 4 heures à 4 heures et quart. Aujourd’hui ce terme normal n’est plus tout à fait exceptionnel. Il faut, pour faire le trajet 5 heures et même jusqu’à 6 heures, de sorte qu’indirectement la malle-poste de Bruxelles à Namur, qui n’exige précisément que le même prix de transport, fait une concurrence très-nuisible au chemin de fer, parce que cette malle-poste ne met que 5 heures et demie pour faire le trajet de Bruxelles à Namur.

(page 1075) Il arrive, messieurs, qu’à telle saison, il faut attendre un quart d’heure, qu’à telle autre il faut attendre une demi-heure ; et une demi-heure, c’est une perte considérable, c’est la perte d’un parcours de 4 lieues.

Je sais que M. le ministre pourra m’objecter la difficulté de faire concorder exactement les croisements. Mais il me semble que la perspicacité de nos ingénieurs pourrait se hausser au point de trouver une combinaison telle, qu’il ne fût pas nécessaire de perdre autant de temps. Si l’expérience prouve que nous devons attendre à Jurbise une demi-heure ou un quart d’heure, il me semble qu’il est un moyen facile de faire coordonner les croisements : c’est de faire partir les convois de Mons une demi-heure ou un quart d’heure plus tôt, ou de faire partir les convois de Bruxelles une demi-heure ou un quart d’heure plus tard.

Je sais, messieurs, que ces inconvénients disparaîtront après l’exécution de la seconde voie. Mais d’ici là il se passera beaucoup de temps. Je prie donc M. le ministre, en attendant, et surtout à l’occasion de la nouvelle période de printemps dont il devra s’occuper incessamment, de vouloir aviser aux moyens d’éviter ces irrégularités continuelles dans le services des voyageurs. Je l’en prie d’autant plus, qu’il y a réellement injustice pour nos travailleurs, pour nos journaliers, qui font le sacrifice de prendre un waggon pour aller à Namur ; arrivant à la station de Namur une heure trop tard, on leur fait payer à l’entrée de la ville une taxe qui équivaut à un pain, qu’en arrivant à temps à cette station, ils auraient économisé pour leur famille.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ne pense pas que l’irrégularité dont on se plaint quelquefois pendant la saison d’hiver, dans l’organisation des convois sur la ligne du midi, puisse être, en quoi que ce soit, attribuée à la négligence de l’administration. Mais il ne faut pas oublier, et l’honorable membre a pris soit de le faire remarquer lui-même, que la ligne du Midi, sur laquelle d’énormes transports ont lieu, et surtout des transports de marchandises, n’est qu’à une simple voie. Il s’opère sur la ligne du Midi par jour, de 6 heures du matin jusqu’à la dernière heure du soir, 21 croisements. Il est impossible, messieurs, d’arriver à une coïncidence parfaite et mathématique, en opérant 21 croisements sur une ligne de cette étendue.

Pendant l’hiver, vous le savez, il y a souvent des irrégularités qui ont pour cause la saison même. Il y a beaucoup de lenteur dans les convois, surtout lorsqu’ils sont nombreux. Messieurs, depuis quelques temps il y a eu nécessité pour le gouvernement de faire des transports de houille très-considérables et il a fallu organiser de nouveaux convois spéciaux de marchandises, qui doivent trouver leurs places entre les convois réguliers de voyageurs et de marchandises, tels qu’ils étaient organisés précédemment.

Je l’ai déjà dit, l’année dernière, l’administration a fait sur la ligne du Midi un véritable tour de force d’exploitation, dont il n’y a aucun exemple sur d’autres chemins de fer.

Je crois donc, messieurs, qu’il est impossible d’éviter, toujours pendant la saison d’hiver, ces défauts de coïncidence qui ont lieu à quelques points de croisement. Du reste, messieurs, c’est pour mettre un terme à ces inconvénients qui sont fâcheux, je le reconnais, que j’ai saisi la chambre d’un projet de loi pour demander les moyens de doubler surtout la voie du Midi, où les transports prennent tous les jours dune nouvelle extension.

L’honorable M. Rodenbach a entretenu la chambre du projet de chemin de fer de Roulers à Ypres. Messieurs, plusieurs études ont été faites ; plusieurs dont les études sont en projet depuis longtemps, il y a en concurrence le projet de Mouscron à Ypres par Menin. Dans la discussion sur les canaux et les rivières, plusieurs honorables membres représentant les intérêts de ces localités, ont parlé du projet de canal de la Lys à l’Yperlée. Tous ces projets ont plus ou moins un but identique. Le gouvernement doit donc, dans l’examen des études qui se font, pouvoir combiner les avantages et les inconvénients de chacun de ces projets. Du reste, ces études ne sont pas complètes ; le gouvernement les examinera aussitôt qu’elles lui seront fournies.

L’honorable M. Sigart a entretenu la chambre de deux points de détail, sur lesquels je ne suis pas en mesure de lui donner des explications.

Ainsi, relativement à l’exécution d’une des clauses de la convention passée entre l’administration française et le gouvernement belge, celle relative aux passeports, les passeports n’étant pas dans les attributions du département des travaux publics, mais dans les attributions du département de la justice, je n’ai aucun renseignement à lui fournir. Du reste, je ferai profit de ses observations, et je les communiquerai à M. le ministre de la justice.

Aucun fait ne m’a été signalé qui pourrait me faire croire que le règlement sur la police des chemins de fer n’a pas été strictement exécuté à l’égard des plantations qui doivent être faites à une certaine distance du railway. Je prendrai des renseignements à cet égard. Si l’honorable membre avait à m’en indiquer, je pourrais examiner jusqu’à quel point ils sont fondés.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, l’honorable M. David a cherché à réfuter les arguments dont je me suis servi hier pour soutenir un fait que je regarde comme fondé.

Dans la séance d’hier, j’ai dit que le chemin de fer donnait au trésor un déficit de 3 à 4 millions. L’honorable M. David, ne partageant pas mon opinion, a prétendu que cette grande entreprise donnait à l’Etat 3 ¾ p.c. du capital engagé. Je persiste, messieurs, dans mes calculs, et je crois être à même de démontrer toute leur exactitude.

L’honorable M. David a fait à la vérité des interpellations au gouvernement pour connaître exactement quelle était la sommes dépensée pour la construction des railways en Belgique. Cette question a paru ne pas être résolue. Mais il y a quatre ans environ que cette question a été discutée dans cette chambre. J ‘ai avancé alors, et j’ai soutenu que déjà à cette époque le chemin de fer coûtait 202 millions. J’ai appuyé mes allégations sur des chiffres que, ni le gouvernement, ni l’honorable M. David, ni d’autres n’ont contestés. Ils sont donc encore à vérifier ; si l’honorable M. David veut se donner la peine de cette vérification, il en trouvera les éléments dans mes discours d’alors.

Depuis quatre ans, messieurs, on a beaucoup fait de dépenses nouvelles dont le capital exige des intérêts.

Si nous fixons, messieurs, l’intérêt des capitaux employés tant directement qu’indirectement à 10 millions, et si nous évaluons la dépense d’exploitation au chiffre pour lequel elle figure au budget, c’est-à-dire à 6 millions, nous arriverons à 16 millions de dépense pour le chemin de fer. Or le chemin de fer rapporte 12 millions, et si vous ôtez ces 12 millions de 16 millions, il reste bien 4 millions de déficit.

Comme l’a fort bien dit l’honorable M. Rodenbach, lorsque nous avons décidé l’exécution d’un chemin de fer, on était persuadé qu’il produirai l’intérêt du capital employé et un fonds d’amortissement ; on en avait même subordonné la construction à cette condition ; et la grande frayeur des industriels et des commerçants était que le gouvernement ne tirât parti du chemin de fer pour en faire un revenu de l’Etat. Eh bien, messieurs, nous avons pu nous convaincre depuis lors que les défenseurs de l’industrie et du commerce ne doivent nullement craindre de voir ces prévisions se réaliser. Bien au contraire, tous les ans le déficit a augmenté.

J’ai avancé que, lorsque le chemin de fer sera achevé, il coûtera à l’Etat 300 millions. Eh bien, messieurs, d’après ce que l’honorable ministre des travaux publics vous a dit dans la séance d’hier, vous devez reconnaître que nous sommes loin d’avoir terminé les travaux : cette année on vous demande déjà 11 millions ; l’année prochaine on vous demandera peut-être autant. Connaît-on, d’ailleurs, les événements qui peuvent survenir et qui entraîneront l’Etat dans des dépenses extraordinaires ? Je le répète donc, messieurs, vous ne terminerez pas le chemin de fer qui est aujourd’hui en exploitation sans arriver à une dépense d’au moins 300 millions ;

Ah ! je me rappelle très-bien encore que, lorsque nous avons discuté le projet de l’établissement du chemin de fer, il n’était question que d’une dépense de 40 millions ; à cette époque j’ai défié le gouvernement d’exécuter les travaux projetés alors avec moins de 100 millions de francs. On m’a accusé d’exagération, d’incapacité ; eh bien, messieurs, malheureusement, j’ai très-bien prévu, et l’événement a prouvé que j’avais quelque capacité dans l’évaluation des travaux à faire.

Dans la séance d’hier, j’ai fait remarquer que le chemin de fer est bien plus avantageux aux étrangers qu’aux régicoles ; j’ai dit qu’avant l’établissement du chemin de fer, une famille anglaise dépensait 1,000 fr. pour traverser la Belgique et qu’aujourd’hui, avec moins de 300 fr., cette famille peut aller d’Ostende à Aix-la-Chapelle.

L’honorable M. David m’a répondu qu’il y a aujourd’hui 100 familles qui voyagent pour une qui voyageait avant l’établissement du chemin de fer. Mais vous le savez tous, messieurs, celui qui veut prouver trop, ne prouve rien. Qu’il y ait aujourd’hui plus de familles anglaises qui traversent la Belgique qu’il n’y en avait autrefois, je le crois ; mais qu’il y en ait 100 pour une, c’est ce que je n’admettrai certainement pas. Mais, messieurs, alors même qu’il y en aurait 100 pour une, quel avantage en résulterait-il pour le pays ? Lorsque 100 familles passent sur le chemin de fer, elles payent la taxe du chemin de fer ; eh bien, malgré cela, le chemin de fer est encore en déficit de 3 ou 4 millions. Autrefois, lorsque ces familles voyageaient en poste, elles s’arrêtaient en route et dépensaient de l’argent non pas au profit du gouvernement, mais au profit de l’industrie et du commerce. Aujourd’hui, plus un sou n’est dépensé de cette manière, à l’exception de quelques petits pains que l’on achète à Ostende, et, en été, de quelques cerises que l’on achète en passant par Louvain.

Messieurs, je comprends parfaitement que le commerce et l’industrie fassent toutes les démarches possibles, pour obtenir que les marchandises soient transportées à bon marché ; mais c’est à nous, messieurs, de voir si, pour faire voyager à bon marché le commerce et l’industrie, si pour transporter les étrangers à bon marché, nous devons puiser tous les ans trois ou quatre millions dans la poche des contribuables et précisément de ceux qui ne profitent nullement du chemin de fer.

En résumé, messieurs, je demanderai à M. le ministre si son intention est de faire produire au chemin de fer la rente intégrale, y compris l’amortissement, l’entretien et les frais d’exploitation, en un mot de faire en sorte qu’à l’avenir on ne vienne plus prélever 3 ou 4 millions sur les contribuables pour favoriser le transport des marchandises et des voyageurs par le chemin de fer. Si M. le ministre ne prend pas cet engagement, je me trouverai forcé de voter contre le budget ou au moins de m’abstenir, comme je l’ai fait à peu près tous les ans depuis l’établissement du chemin de fer.

M. de Roo – M. le ministre des travaux publics a répondu à M. Rodenbach, mais il me paraît ne pas avoir bien compris l’honorable membre. Il est vrai que des études ont été faites relativement à un chemin de fer à construire au centre de la Flandre occidentale et destiné à relier non seulement Ypres et Mouscron, mais toutes les villes commerçantes et industrielles de la Flandre occidentale au chemin de fer de l’Etat, soit par Aeltre, soit par le chef-lieu de la province ; des études paraissent avoir été faites également pour opérer un changement dans la direction du chemin de fer actuel, des plans ont été dressés, des tracés ont été faits, des jalons ont été posés dans toutes les directions, à tel point que les cultivateurs n’osaient (page 1076) plus ensemencer leurs terres, ce qui leur a causé beaucoup de dommages. Il n’est pas possible qu’on ait fait tous ces frais sans un but déterminé. Je demande que le gouvernement s’explique catégoriquement, qu’il nous dise s’il a l’intention de faire le chemin de fer dans la Flandre occidentale, s’il a l’intention de rectifier le chemin de fer, si une concession a été accordée ou demandée, pour faire un nouveau chemin de fer dans la direction indiquée ; si la société qui aurait demandé la concession a offert au gouvernement des conditions acceptables, ou bien si le gouvernement se propose de faire la rectification lui-même.

Je prie M. le ministre des travaux publics de bien vouloir répondre à ces questions, afin que l’on sache à quoi l’on doit s’en tenir et à qui s’adresser pour réclamer des dommages-intérêts soufferts.

M. de Naeyer – Messieurs, ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire dans d’autres circonstances, dans ma manière de voir, l’œuvre de nos chemins de fer est loin d’être achevée. Ce vaste réseau de chemins de fer qui couvre, en grande partie, notre territoire, est un progrès immense dans l’industrie qui a pour objet de franchir les distances, d’opérer le mouvement des personnes et des choses. Mais, suivant une loi en quelque sorte constante dans la marche de la civilisation, ce progrès immense, tout en satisfaisant de grands besoins, est venu encore créer des besoins nouveaux. Aussi, messieurs, nous avons vu depuis peu surgir une foule de projets, projets éminemment utiles et qui ont pour objet de relier à notre capitale, de relier entre eux tous nos grands centres de population et de production manufacturière et agricole. L’utilité de ces projets a été comprise par l’opinion publique, dont l’instinct est toujours admirable ; déjà nous avons vu affluer même les capitaux étrangers pour l’exécution de ces nouvelles voies de communication. Et je dirai : honneur à ces capitalistes belges et étrangers qui viennent aider ainsi à l’ouverture de nouvelles voies de communication ; honneur à ces hommes qui cherchent à s’enrichir par des efforts bien louables puisqu’ils tendent à enrichir en même temps le pays, en augmentant et améliorant ses moyens de production ; qu’ils soient les bien venus parmi nous ceux qui témoignent aussi hautement leur fortune au développement des nombreux éléments de prospérité dont la divine Providence a doté notre beau pays !

Messieurs, je ne passerai pas en revue toutes les nouvelles lignes de chemin de fer, toutes les nouvelles voies de communication qui ont occupé l’opinion publique depuis quelques temps. Le gouvernement nous a soumis, un projet de loi, qui a pour objet de satisfaire à quelques-uns de ces besoins nouveaux dont je viens de parler ; mais, je dois le dire, ce projet a mécontenté une partie notable du pays, non pas à cause de ce qu’il contient, mais à cause de ce qu’il ne contient pas. Quant à moi, je ne viendrai jamais, dans cette enceinte, faire la guerre aux travaux qui sont réellement d’utilité publique. J’ai une trop haute opinion de l’utilité de nouvelles voies de communication pour vouloir combattre les projets qui seront présentés à cet égard, seront conçus avec sagesse et avec une véritable entente des intérêts du pays, et lorsque j’aurai d’ailleurs la conviction que le mode d’exécution proposé est celui qui est le plus en harmonie avec les intérêts du trésor public. Je me bornerai toujours à réclamer dans ces circonstances, comme dans toutes les autres, l’application du principe de la justice distributive, en admettant d’ailleurs, à ce grand principe qui doit former la base de la conduite d’une administration vraiment nationale, les exceptions commandées et justifiées par les circonstances.

Permettez-moi maintenant, messieurs, de vous entretenir pendant quelques instants du beau et magnifique projet dont le gouvernement est saisi depuis quelques temps par la régence de la ville d’Alost, et qui a pour objet de rétablir en quelque sort l’ordre de choses créé par la nature en reliant l’arrondissement d’Alost, en reliant les deux Flandres par une voie de communication directe à la capitale.

Quels sont les motifs, messieurs, qui me déterminent à appuyer de toutes mes forces ce grand et magnifique projet ? Est-ce parce qu’il est utile à mon arrondissement ? Je dirai : Oui, parce que, sous ce rapport, il est de mon devoir de vous faire apprécier l’influence favorable qu’il exercera sur des intérêts précieux, même au point de vue de l’utilité générale, dont la défense m’est spécialement confiée, mais est-ce uniquement parce qu’il est utile à mon arrondissement ? Je dirai : Non, car s’il s’agissait d’une proposition favorable, si l’on veut, au plus haut point aux intérêts des localités que j’ai l’honneur de représenter, mais qui ne s’harmonisait pas avec les intérêts généraux du pays, qui ne serait pas revêtue d’un caractère bien prononcé d’utilité nationale, je le dis avec franchise, je n’élèverais pas la voix pour l’appuyer dans cette enceinte, fidèle au serment que j’ai prononcé en prenant place dans cette honorable assemblée. Je veux être avant tout le représentant de la nation. Jamais je ne me laisserai subjuguer par des intérêts de localité, au point de leur sacrifier l’intérêt général. Je veux conserver toute mon indépendance parlementaire ; je suis à la disposition de mes commettants, lorsqu’il s’agit d’examiner leurs vœux, leurs réclamations et leurs propositions ; sous ce rapport, je m’efforcerai toujours d’être leur serviteur et en quelque sorte leur esclave, suivant la doctrine sublime de l’Evangile ; mais quand il s’agira de me prononcer sur la suite qu’il convient de donner à ces vœux, à ces réclamations, à ces propositions, soit auprès du gouvernement, soit au sein de la représentation nationale, alors je n’entends subir d’autre influence que celle de mes convictions, alors j’entends être maître absolu de moi-même, parce que je me trouve dans le domaine de ma conscience, parce qu’alors il m’est impossible de reconnaître à qui que ce soit le droit de m’imposer une règle de conduite, aussi longtemps que j’aurai l’honneur de siéger dans cette enceinte, ce sera à la condition de jouir de la plus entière liberté de mon vote et de la plus entière liberté de ma parole.

C’est donc avec une entière indépendance, messieurs, que je viens défendre et appuyer le plus dont il s’agit. Je le défends et je l’appuie de toutes mes forces : 1° à cause des grands avantages qui doivent en résulter pour la ville et l’arrondissement d’Alost, qui ont été trop longtemps négligés et auxquels il est juste d’accorder enfin une éclatante indemnité en réparation du préjudice que le chemin de fer leur a fait subir ; 2° à cause des avantages incontestables qui doivent en résulter pour les deux Flandres dans leurs relations avec la capitale, avantages qui exerceront par conséquent une influence éminemment favorable sur la prospérité de la capitale elle-même ; 3° à cause des avantages les plus éminents qu’il offre au point de vue des relations qu’il importe tant de multiplier de nos provinces flamandes avec nos provinces méridionales, la province de Namur, la province de Hainaut et même la province de Luxembourg. Enfin, en quatrième lieu, à cause des grandes facilités qu’en recevront nos relations internationales avec la France et avec l’Angleterre.

Voilà les grands caractères d’utilité du projet dont je viens vous parler. Je vais avoir l’honneur d’entrer dans quelques développements sur les différents points que je viens d’indiquer ; mais j’éprouve le besoin de faire avant tout un appel à l’indulgence de la chambre, le temps m’ayant fait défaut, pour examiner la question avec tous les soins et avec toute la maturité qu’elle comporte.

Messieurs, la régence de la ville d’Alost a fait distribuer aux membres de la représentation nationale un mémoire qui mérite de fixer toute notre attention. Je n’abuserai pas de vos moments en répétant ici, en détail, les considérations très-puissantes qui y sont exposées en faveur de l’établissement de la nouvelle voie de communication qui nous occupe ; ces considérations, lues et appréciées avec maturité, ne peuvent manquer d’exercer une influence prépondérante sur les convictions de mes honorables collègues. La situation de la seconde ville d’une de nos plus importantes provinces y est dépeinte sous des couleurs bien sombres, mais malheureusement trop vraies, par des magistrats graves et connus par la modération de leurs opinions. En effet, il n’y a qu’un cri dans le pays, c’est que l’arrondissement d’Alost c’est que la ville d’Alost ont tout perdu par la construction de notre chemin de fer de l’ouest. A tout moment j’entends retentir autour de moi ces tristes, ces désolantes paroles. Ces paroles, elles sont proférées par des hommes étrangers à la localité sacrifiée ! Oui, dans la Belgique tout entière lorsqu’il est question de l’atteinte portée à certains intérêts par notre railway, Alost a le triste privilège d’être cité en première ligne, d’être cité comme l’exemple le plus frappant. Mais ce qui me fait saigner le cœur, ce qui fait naître à tout moment dans mon esprit l’impression la plus pénible, c’est la comparaison que je suis si souvent amené à établir entre la situation actuelle de la ville d’Alost et l’état florissant de cette localité si importante, avant la construction de notre railway. En effet, cette ville, autrefois si animée, autrefois un des principaux centres de notre commerce intérieur, dotée de communications si faciles, si suivies, si nombreuses avec les localités les plus importantes du pays, traversée chaque jour par 30 à 40 voitures publiques, se trouve maintenant dans l’isolement le plus déplorable ; le chemin de fer est venu la retrancher, en quelque sorte, de la Belgique et la paralyser, si je puis m’exprimer ainsi, dans son existence, trop semblable en cela à ces membres qui font encore partie du corps, mais qui, par une cause quelconque, ne participent plus au mouvement de vie qui circule dans les artères ? Or, je vous le demande, messieurs, la justice et l’intérêt du pays n’exigent-ils pas que l’on fasse cesser enfin cet étant contre nature ?

Chaque fois que j’ai élevé la voix dans cette enceinte en faveur de l’arrondissement d’Alost, j’ai eu la consolation de recevoir des témoignages de sympathie d’un grand nombre de membres de la chambre, des membres les plus influents, de plusieurs anciens ministres ; tous m’ont dit que la cause que je plaidais est celle de la justice et du bon droit ; tous m’ont encouragé à persévérer dans mes efforts. J’ai donc l’intime conviction que, tous, dans votre impartialité, vous saisirez avec empressement et avec bonheur l’occasion qui se présente, d’accorder à l’arrondissement et à la ville d’Alost une réparation éclatante du préjudice qui lui a été causé, alors surtout que vous pouvez le faire en favorisant en même temps au plus haut degré les intérêts généraux du pays, en reliant de nouveau la ville d’Alost par une voie de communication directe, d’un côté à la capitale du pays et de l’autre au chef-lieu de la Flandre orientale. En la replaçant ainsi dans la position qu’elle occupait autrefois et que la nation elle-même lui avait assignée, non-seulement vous remplirez une devoir de justice et d’équité nationale, vous travaillerez encore, messieurs, d’une manière efficace à la prospérité du pays, car en tirant cette localité si importante de l’isolement dans lequel elle est reléguée, c’est la mettre à même de développer les nombreux éléments de prospérité, les grands et puissants intérêts qui y sont aujourd’hui en souffrance, développement qui ne peut manquer de contribuer au bien-être de la Belgique toute entière ; à cet égard, il est de mon devoir d’entrer dans quelques développements pour faire apprécier à cette honorable assemblée la grande importance agricole, industrielle et commerciale de l’arrondissement qui n’a fait l’honneur de m’envoyer dans cette enceinte.

D’abord le chef-lieu de notre arrondissement compte une population de près de 15 mille habitants. Le budget de ses dépenses annuelles s’élève en moyenne à fr. 140,000. N’est-il pas vrai que déjà sous ce rapport il dépasse en importance plusieurs de nos chefs-lieux de provinces. Alost est d’ailleurs le siège de nombreuses industries, on y compte des fabriques de chapeaux, des brasseries, des tanneries très-importantes. Cette ville est renommée encore pour la fabrication des huiles. Avant la construction du chemin de fer, elle présentait peut-être le plus beau marché d’huiles du (page 1077) pays entier ; mais cet avantage comme tant d’autres lui a été enlevé par notre railway ; des fabriques de fils et de fils retors qui occupent près de 1000 ouvriers y sont établies. On y rencontre deux fabriques d’indiennes, qui procurent du travail à près de 300 ouvriers, qui ont été obligés d’ériger à grands frais des succursales dans la capitale, à cause de la difficulté des communications résultant, pour la ville d’Alost, de la construction du chemin de fer. Ces détails, ces renseignements, qu’il me serait si facile de multiplier, suffiront sans doute, messieurs, pour vous convaincre que la ville d’Alost a des titres incontestables à votre bienveillance, à votre protection, à raison des industries importantes qui s’exercent dans son sein. Vous parlerai-je maintenant de son commerce si cruellement lésé par le déplacement violent de ses voies de communication établies depuis des siècles ? C’est surtout dans ses relations commerciales que la ville d’Alost a reçu en quelque sorte une atteinte mortelle, par la construction du railway ; ces relations, entravées de mille manières et rompues en très-grande partie, ont perdu peut-être plus de la moitié de leur importance. Mais la nation elle-même a tellement destiné Alost à servir d’intermédiaire pour les échanges de produits entre les Flandres et les autres provinces, qu’aujourd’hui que cette ville est violemment privée de presque tous les avantages que lui attribuait sa situation topographique, un mouvement commercial considérable continue néanmoins à s’opérer en son sein. C’est ainsi que son marché de céréales, alimenté par les nombreuses communes environnantes où la production agricole réalise de grands résultats, occupe toujours un rang très-distingué parmi tous les marchés des Flandres ; il résulte encore de documents officiels que je tiens sous la main, que l’on vend encore hebdomadairement au marché d’Alost 700 à 900 pièces de toiles ; en outre, que, pendant les trois derniers mois de l’année 1844 et les deux premiers mois de l’année actuelle, par conséquent en cinq mois de temps, on a constaté au poids de la ville le pesage de 947,941 kilogr. de houblon qui sont destinés en grande partie à être expédiés en pays étranger ; enfin, qu’on y a constaté également le pesage de 260,098 kilogr. de beurre qui s’exportent aussi en pays étranger pour une partie considérable et surtout en Angleterre.

Ces quelques données statistiques vous prouvent, messieurs, que notre commerce, tout en s’amoindrissant considérablement par les obstacles de toute nature qui lui ont été suscités, a été sauvé cependant d’une ruine complète, grâce au génie actif, grâce à l’énergie persévérante de nos courageux concitoyens, qui ont été soutenus jusqu’ici dans cette lutte pénible par la confiance que le jour de la justice nationale ne tarderait pas à luire pour eux. Messieurs, je viens de toucher à des intérêts extrêmement graves, des intérêts bien dignes de vos plus vives sympathies, et cependant je ne vous ai parlé jusqu’ici (et encore d’une manière incomplète), que de notre chef-lieu d’arrondissement. Si vous voulez bien jeter vos regards sur tout l’arrondissement d’Alost, vous y trouverez encore établis dans cinq ou six localités autres que le chef-lieu, des marchés hebdomadaires et des foires très-importantes pour la vente du bétail et de tous les produits agricoles ; vous y trouverez la ville de Grammont ayant une population de près de 8,000 âmes et renommée pour la fabrication des huiles, pour la fabrication des dentelles et pour plusieurs autres industries qui s’exercent dans son sein ; vous y trouverez un autre centre important d’une population de 5,000 âmes, la ville de Ninove qui a acquis une réputation séculaire pour la fabrication des fils, et pour la fabrication des huiles ; en outre, l’arrondissement d’Alost vous offrira 78 à 80 communes rurales qui sont aussi le siège de nombreuses établissements d’industries agricoles, telles que tordoirs, distilleries et brasseries ; il vous offrira, en outre, une population de près de 140 mille âmes, population active, courageuse, morale, adonnée en général aux travaux de l’agriculture, se livrant en même temps à l’industrie linière, en luttant avec énergie contre la décadence dont cette industrie, antique gloire des Flandres, est atteinte depuis quelques années ; enfin, l’arrondissement d’Alost vous offrira une contrée éminemment importante sous le rapport de ses exploitations agricoles, d’un sol rendu fécond à force de sueurs et de dépenses, mais qui, à l’aide d’amendements que de bonnes voies de communications permettraient d’opérer, est susceptible encore de rétribuer les pénibles travaux du laboureur par une rémunération plus abondante. Enfin, il est une dernière observation qui mérite d’ailleurs votre attention, dans une question surtout qui peut toucher aux intérêts du trésor, c’est que les impôts que nous payons annuellement s’élèvent bien haut puisque les sommes que nous avons versées dans les caisses de l’Etat depuis la révolution doivent être évaluées peut-être à plus de 40 millions, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous l’annoncer dans une autre circonstance. Or, que nous ont valu tant de sacrifices que nous a valu cette part si large que nous avons prise aux charges publiques ? Nous avons contribué de cette manière dans une proportion très-forte à la construction de ce vaste réseau de chemins de fer, qui a eu pour résultat de nous dépouiller des avantages que notre position naturelle, que notre position topographique semblait nous garantir pour toujours, et nous reléguer dans cet isolement déplorable qui fait notre malheur, et qui devrait entraîner notre ruine si la justice du pays n’était pas là pour venir à notre secours en nous accordant l’indemnité qui nous revient à tant de titres. Lorsqu’on tient compte des considérations que je viens de développer, n’est-il pas vrai de dire que l’arrondissement d’Alost a une importance à peu près égale à celle de plusieurs de nos provinces, surtout sous le rapport des revenus perçus au profit du trésor. Cependant ce que coûte au gouvernement l’administration du pays d’Alost est réellement insignifiant en comparaison des frais d’administration très-considérables qu’entraîne nécessairement toute une province. Dès lors élevons-nous donc ici une réclamation exagérée, lorsque nous vous demandons tout à la fois au nom de la justice et au nom de l’intérêt général du pays, qu’une contrée importante par son agriculture, par ses industries, par ses éléments de commerce, par ses ressources naturelles, très-importante aussi par les impôts énormes qu’elle paye, une contrée située au cour même du pays, et cependant isolée en quelque sorte de la Belgique par le défaut de communications appropriées à ses besoins et cela en vertu d’une mesure administrative, obtienne enfin la réparation du tort qui lui a été infligé et soit reliée au mouvement de nos chemins de fer, afin qu’en participant directement aux bienfaits de cette admirable voie de communication, elle puisse, par le développement de ses éléments de prospérité, augmenter aussi la prospérité du pays tout entier ?

Avant de terminer cet ordre de considération, qu’il me soit permis, messieurs, de vous citer les belles paroles prononcées il y a quelques jours par l’honorable M. Fallon, qui font à juste titre autorité dans cette enceinte surtout lorsqu’il s’agit de questions de justice et d’équité. Cet honorable membre s’exprimait en ces termes : « Lorsque pour cause d’utilité publique un préjudice est causé, l’équité veut une compensation. Elle la veut surtout lorsque la compensation est de nature à profiter aux intérêts généraux du pays. » Or, voilà bien la position dans laquelle se trouve l’arrondissement d’Alost. Un préjudice immense a été causé par une mesure administrative, cela est reconnu par tout le monde, cet aveu se trouve dans toutes les bouches, et quels sont les motifs qui ont déterminé le gouvernement à agir de la sorte à notre égard ? La construction de nos chemins, des motifs d’utilité publique que le gouvernement considérait alors de cette manière. Eh bien, l’occasion vous est offerte de nous accorder enfin une compensation pour un préjudice que nous endurons depuis tant d’années ; et par le plus heureux concours de circonstances, il se fait que cette compensation présente aussi des avantages immenses au point de l’utilité générale, de la prospérité générale du pays ; dès lors notre demande doit être infailliblement accueillie. Nous en avons pour garant l’esprit de notre constitution, la justice et l’impartialité des chambres. Quant aux caractères d’utilité générale, ils se présentent réellement en foule dans le magnifique projet que je viens appuyer devant vous. Déjà j’ai eu l’honneur d’en faire ressortir un qui consiste en ce que vous tirerez de l’isolement de grands, de nombreux, de puissants intérêts qui souffrent, qui sont aujourd’hui compromis dans leur essor, à défaut d’une voie de communication appropriée à leurs besoins, mais qui, devenus libres, dans leur développement, répandront aussi une action bienfaisante sur le bien-être général du pays ; mais il est d’autres avantages qui portent avec eux un caractère d’utilité publique plus prononcé encore, parce qu’ils agissent d’une manière plus générale, plus étendue sur la prospérité du pays. Mais avant de développer ce nouvel ordre, je crois devoir décrire très-sommairement le projet dont je vous parle, en ce qui concerne sa direction et son tracé.

Dans ma manière de voir, la nouvelle communication prendrait son origine sur le chemin de Gand à Termonde à la station de Wetteren, et elle se dirigerait de là sur la ville d’Alost, en passant par la belle commune de Lede. A partir d’Alost, elle suivrait la vallée de la Dendre sur une distance d’une demie-lieue environ ; elle suivrait ensuite la vallée d’un courant d’eau nommé Belle-Beke et cela jusqu’au village de Zellick, en se rapprochant autant que possible de la commune d’Assche ; enfin, de Zellick, la route se dirigerait sur Bruxelles vers la station du Midi. La nouvelle voie de communication, en adoptant cette direction, pourrait avoir une longueur d’environ 36 à 37 kilomètres, depuis son origine à Wetteren jusqu’à la station de Bruxelles ; il y aurait deux ouvrages d’art à construire et peu de difficultés sérieuses de terrain à surmonter ; la dépense ne saurait donc être effrayante. L’avantage du tracé que je propose (bien provisoirement, cela s’entend) serait, à mon avis, considérable pour le pays d’Alost. La route passerait au cœur même de cet important arrondissement, et cela en s’éloignant, autant que possible, de la ligne de Gand à Malines et en se rapprochant, dans la même proportion, de plusieurs grands centres de population, et notamment les chefs-lieus des cantons de Ninove, de Grammont, de Sotteghem et de Herzeele. Une station à établir entre Derderleeuw et Erembodegem deviendrait un affluent très-important pour toutes les relations des cantons que je viens de citer avec les villes de Bruxelles, Gand et Anvers. Cependant, en ce qui concerne le tracé, je dirai franchement que mes idées ne sont pas définitivement arrêtées. Je n’ai pas la sotte prétention de vouloir empiéter sur le domaine des hommes de l’art. Si on me propose une direction plus utile, qui serait de nature à desservir des intérêts plus importants et plus nombreux, mon Dieu, je m’y rallierai avec le plus grand plaisir ; car il est d’ailleurs évident, que cette nouvelle direction plus utile, viendrait donner une nouvelle force et une nouvelle vigueur aux arguments que je développe en ce moment.

J’aborde maintenant l’examen des avantages que les deux Flandres doivent retirer de la nouvelle voie de communication dans leurs relations avec Bruxelles ; sous ce rapport, l’utilité peut être résumée en ces termes : vous rapprochez Gand, vous rapprochez les deux Flandres en général de la capitale du pays, en diminuant de cinq à six lieues la distance qui les sépare actuellement, et si l’on tient compte des retards qui ont toujours lieu à Malines, station de quadruple coïncidence, vous arriverez à ce résultat : que la durée de chaque voyage de notre Manchester vers Bruxelles, de même que la durée de chaque voyage de nos populations flamandes vers Bruxelles, sera abrégée d’une heure et souvent d’une heure et demie ; par conséquent de deux heures, et quelquefois de trois heures, quand on compte l’aller et le retour. Or, je dis que cet avantage a une portée immense ; il résultera de l’exécution de notre projet, que Gand se trouvera, pour ses relations avec Bruxelles, à peu près de la même manière qu’Anvers aujourd’hui, et les villes de Bruges et de Courtray viendront prendre la place que (page 1078) Gand occupe maintenant. Quand le chemin de fer de Bruxelles vers Wetteren par Alost sera établi, il ne faudra pas plus de temps pour venir de Bruges et de Courtray à Bruxelles, qu’il n’en faut aujourd’hui pour se rendre de Gand dans la capitale, et ici j’interrogerais volontiers les honorables collègues des deux Flandres en général, c’est-à-dire du tiers du pays, sur l’importance du résultat que nous avons en vue. Une économie de deux à trois heures pour chaque voyageur, économie qui peut être réalisée bien souvent dans le cours d’une année, je l’avoue franchement, ce serait bien peu de choses pour des Chinois qui trouvent le bonheur suprême dans l’immobilité ; mais c’est beaucoup, c’est immense en Belgique ; c’est beaucoup, c’est immense pour un peuple essentiellement actif, pour un peuple commerçant et industriel.

Messieurs, veuillez prendre un moment en considération les relations déjà si multipliées, qui existent aujourd’hui entre les Flandres et la capitale du pays. Je crois que le mouvement annuel des voyageurs, des Flandres vers Bruxelles et vice-versa ne reste guère au-dessous de 200,000 voyages. Voilà donc 200,000 à 250,000 heures par an, que nous vous proposons d’économiser dans l’intérêt du pays ; et quelles heures ? En général, des heures précieuses, des heures productives pour la prospérité du pays, les heures d’hommes chargés des intérêts les plus graves, les heures de commerçants et d’industriels ; les heures d’hommes qui doivent si souvent compter leurs temps par minutes, qui le considèrent, à bon droit, comme le premier, le plus indispensable de tous les capitaux. Or, ces avantages que je viens d’énumérer, en ce qui concerne nos provinces flamandes, doivent contribuer également à la splendeur, à la gloire, à la prospérité de Bruxelles, par conséquent du pays tout entier, car ce qui intéresse la capitale, messieurs, intéresse directement tout le pays.

Messieurs, impossible de nier, ce me semble, qu’il y ait une utilité incontestable à rapprocher, autant que possible, tous nos centres de population de la capitale, en faisant disparaître les distances. Si, sous ce rapport, on pouvait faire en sorte que la Belgique entière ne formât plus qu’une seule ville, mais on réaliserait en quelque sorte le beau idéal, on atteindrait le plus haut degré de perfection ; les Belges auraient ensemble des relations journalières, ils apprendraient à se connaître, ils apprendraient à s’aimer et à s’estimer mutuellement, et cette estime, cet amour seraient une base inébranlable de notre nationalité ; tous les intérêts belges seraient confondus comme ceux d’une même ville, toutes les forces du pays seraient constamment groupées dans un même faisceau, unies et compactes.

L’honorable M. de Man, qui veut bien m’interrompre, n’a pas besoin de me faire observer que c’est là le beau idéal, un état de perfection qu’on n’atteindra jamais ; c’est ce que j’ai eu l’honneur de dire le premier : mais dans la pratique que devons-nous faire, messieurs ? Ne devons-nous pas nous efforcer toujours d’avancer sans relâche vers la perfection, alors même que nous sommes bien convaincus de l’impossibilité de l’atteindre. Or, il est clair comme le jour qu’en ce qui concerne la consolidation de notre nationalité, qu’en ce qui concerne les progrès de la civilisation belge, nous faisons un pas immense chaque fois que nous resserrons les liens qui doivent unir toutes les parties de la Belgique entre elles, en rapprochant ainsi successivement les distances qui séparent les Belges et qui les empêchent de se connaître et pas conséquent de s’estimer et de s’aimer mutuellement. Sous ce rapport, je ne crains pas de le dire, notre projet est digne des méditations de nos hommes d’Etat.

Messieurs, j’arrive maintenant aux avantages considérables que le pays retirera de la construction de la nouvelle voie de communication au point de vue des facilités extraordinaires qu’elle apportera dans les relations des deux Flandres et même d’une partie considérable du Brabant avec la province de Namur, avec la province du Luxembourg, avec la contrée si importante de l’Entre-Sambre-et-Meuse, avec quatre arrondissements de la riche province du Hainaut. Ici, je ne puis m’empêcher de vous parler aussi du chemin de fer de Jurbise ; non, certes, pour combattre l’utilité de ce projet qui a toutes mes sympathies ; mais pour démontrer que le nôtre a une utilité analogue, que les deux projets, loin de s’exclure mutuellement, ont besoin de se prêter un mutuel secours pour atteindre un but commun, que tous deux, considérés isolément sont incomplets, insuffisants, au moins comme lignes de jonction entre nos provinces flamandes et nos provinces méridionales. Maintenant en ce qui concerne leur utilité relative même sous ce seul point de vue, je ne serais jamais le premier à la provoque, je considérerais une telle discussion même comme fâcheuse, cependant je ne la redouterais pas si je n’avais en vue que de faire adopter le projet que je défends.

Messieurs, vous avez tous connaissance d’un travail extrêmement remarquable qui a été fait par M. l’ingénieur Desart à l’appui du chemin de fer de Jurbise. Cet habile ingénieur, que je n’ai pas l’honneur de connaître personnellement, mais pour les talents duquel je ne puis m’empêcher de professer une profonde estime, parce que j’ai étudié son œuvre, envisage la question des chemins de fer d’une manière en quelque sorte neuve ; il a réduit, si je puis m’exprimer ainsi, en axiomes, les principes qui doivent servir à l’appréciation du mouvement qui s’opère sur notre railway. M. Desart a porté spécialement ses investigations sur nos lignes de chemin de fer du midi et de l’ouest dans leurs rapports avec les lignes qui sont en voie d’exécution en France, de Douai à Valenciennes, et de Douai à Lille, et il présente à cet égard des observations qui sont dignes de fixer toute notre attention. Il dit : Lorsque les deux lignes, combinées avec nos lignes du midi et de l’ouest, formeront un vaste polygone dont les côtés seront de Bruxelles à Mons, de Mons à Valenciennes, de Valenciennes à Douai, de Douai à Lille, de Lille à Gand, de Gand à Malines, de Malines à Bruxelles, où il y a une solution de continuité pour le transport des voyageurs, qu’il évalue, pour compléter son polygone, à un parcours de 45 kilomètres, soit neuf lieues. Le périmètre de ce polygone, d’après l’état de choses indiqué ci-dessus, est de 357 kilomètres.

La construction du chemin de fer de Jurbise aurait pour objet d’inscrire un polygone plus restreint dans ce polygone si vaste, de desservir de cette manière de nombreuses localités qui échappent à l’action de l’autre. La construction de la ligne de Gand vers Bruxelles par Alost a une destination analogue. Il y aurait encore une fois, un nouveau polygone inscrit qui, combiné avec celui résultant de la ligne de Jurbise à Tournai, réduirait le périmètre à 123 kilomètres et desservirait à son tour de nombreux intérêts, de nombreuses localités que les deux autres laissent en souffrance. A ce premier point de vue, le caractère analogue est déjà frappant entre les deux lignes de communication qui nous occupent.

L’ingénieur dont je viens de parler, nous dit encore, et avec vérité, que nos lignes du midi et de l’ouest, combinées avec les lignes françaises, présentent sur notre territoire surtout, deux mouvements très-graves : le premier résultant de la solution de continuité, par suite de l’établissement de deux stations à Bruxelles ; le deuxième inconvénient, résultant de ce que, dans l’état actuel des choses, ce vaste périmètre de 357 kilomètres qui traverse un grand nombre de villes d’une importance commerciale très-considérable, n’est raccordé nulle part en Belgique. Or, pour faire disparaître ces deux mouvements également graves, il faut construire le chemin de fer de Jurbise et celui de Gand par Alost.

Par le chemin de fer de Jurbise, vous obtenez un raccordement par lequel vous arrivez à un polygone complètement belge ; vous n’êtes plus obligés d’emprunter le territoire français ; c’est un des grands caractères d’utilité du chemin de fer de Jurbise. Mais vous laissez subsister l’autre inconvénient, celui qui consiste dans la solution de continuité entre la station du Midi et celle du Nord ; pour le faire disparaître, il faut adopter le projet que je vous propose, qui est destiné à établir une ligne de communication de Gand arrivant directement à la station du Midi, et à cette occasion je ne puis m’empêcher de faire remarquer que l’objection que j’ai entendu faire par des personnes qui n’avaient pas étudié la question et qui consiste à dire que notre ligne ferait en quelque sorte double emploi avec celle de Gand par Termonde et Malines, que cette objection, dis-je, est dénuée de tout fondement.

En effet, la ligne par Termonde, est dirigée vers l’est ; elle est destinée, d’après le but même de sa création, à desservir les relations avec la province de Liége et avec l’Allemagne ; la ligne projetée par Alost est dirigée vers le midi ; elle est destinée principalement (et sous ce rapport sa direction est admirable) à desservir les relations avec la capitale et les provinces méridionales, le Hainaut, Namur, le Luxembourg. Ici donc encore une fois nous ne faisons la guerre à personne ; nous vous présentons, messieurs, un projet d’une utilité spéciale, nous vous présentons une nouvelle ligne de communication, qui est destinée à rendre des services spéciaux, que la ligne de Termonde et la ligne de Jurbise seront toujours impuissantes à rendre, par la nature même des choses, d’une manière conforme aux exigences de la prospérité générale.

Dans le travail dont je suis obligé de vous parler souvent, parce que la question y est envisagée sous toutes ses faces, on a fait ressortir le résultat vraiment fâcheux de cette solution de continuité entre les deux stations. C’est ainsi que M. Desart démontre à la dernière évidence, par des chiffres puisés à des sources officielles, auxquelles il n’y a absolument rien à répondre, que les relations, entre les provinces méridionales d’un côté, et les Flandres de l’autre, ne sont desservies que d’une manière réellement insignifiante, par notre chemin de fer, dans l’état actuel des choses. Cependant tout homme qui a étudié la situation respective de nos provinces méridionales et de nos provinces flamandes, doit demeurer profondément convaincu qu’il devrait exister entre ces provinces des relations extrêmement nombreuses, extrêmement importantes et susceptibles de développements auxquels il est impossible d’assigner des limites, par cela même que leurs produits sont dissimilaires, en forment ainsi des éléments naturels et durables d’un commerce éminemment utile de part et d’autre. En effet, dans nos Flandres, nous avons besoin des charbons, des pierres à bâtir et à payer, des fers, des verreries, de la chaux et de plusieurs autres produits dont nos provinces wallonnes sont si richement dotées. D’un autre côté, nos toiles, nos fabricats de cotons, nos fils, plusieurs de nos produits agricoles et autres peuvent trouver un placement utile et réciproquement avantageux dans ces mêmes provinces méridionales. Il est donc évident, messieurs, que les deux catégories de provinces dont je m’occupe en ce moment, et qui forment plus de la moitié de la Belgique sont réellement faites pour traiter ensemble.

Il importe donc à la prospérité de la Belgique toute entière de multiplier, de faciliter, d’encourager, d’étendre de toutes les manières les relations commerciales, les relations d’hommes et d’affaires ; et il est vrai de dire que notre chemin de fer, tel qu’il existe aujourd’hui, laisse en souffrance un immense intérêt national par cela même qu’il est en quelque sorte nul, comme M. Desart l’a fort bien démontré en ce qui concerne les relations dont je viens de vous parler ; je dis, messieurs, qu’il y a même ici en cause un intérêt de notre nationalité belge ; car en faisant en sorte que les habitants des provinces wallonnes et des provinces flamandes traitent plus souvent ensemble, aient entre eux des relations plus nombreuses et en quelque sorte journalières, vous resserrerez ainsi les liens qui les unissent déjà à cause de leur dévouement commun envers la même patrie.

Messieurs, lorsqu’il fut question de construire un embranchement destiné à relier Namur au système général de nos chemins de fer, nous autres Flamands nous avons si bien compris l’intérêt immense qu’il y a pour notre (page 1079) province à avoir une communication aussi directe, aussi facile que possible avec les provinces méridionales et notamment avec la province de Namur, que notre conseil provincial a voté des adresses au gouvernement pour le prier de diriger l’embranchement dont il s’agit sur Tirlemont. Ces démarches, je le reconnais, étaient déterminées par des intérêts flamands, mais ces intérêts se confondaient cependant avec les intérêts du pays.

Veuillez, s’il vous plaît, messieurs, me faire le plaisir de me suivre maintenant pendant quelques instants sur la carte du travail dont je vous ai parlé ; c’est le meilleur moyen de raisonner sur des bases certaines, incontestables, et de faire sauter aux yeux, si je peux m’exprimer ainsi, la nécessité de construire le chemin de fer d’Alost, si vous voulez, ainsi que l’intérêt du pays l’exige impérieusement, que les relations les plus nombreuses des provinces méridionales avec les provinces flamandes soient utilement desservies par votre railway.

En effet, si je pars de Deynze pour arriver à Braine-le-Comte, je n’aurai à faire, par la ligne projetée passant à Alost, qu’un parcours de 99 kilomètres, savoir : 18 + 50 + 15 + 16 = 99 ; en prenant le chemin de fer de Tournay à Jurbise, j’aurai à faire un parcours de 124 kilomètres, savoir : 26 5 + 7 + 19 + 48 + 13 +6 = 124. Mais la différence est bien plus considérable encore lorsqu’on prend Gand pour point de départ, et veuillez remarquer que cette observation, en ce qui concerne la station de Gand, s’applique également à toute la ligne de Gand à Ostende, par conséquent non-seulement à toute la Flandre orientale, mais même à la moitié à peu près de la Flandre occidentale. En effet, par la construction du chemin de fer passant à Alost, il n’y aura plus entre Gand et Braine-le-Comte qu’une distance de 81 kilomètres, tandis que par la ligne projetée de Tournay à Jurbise, vous aurez à parcourir, entre Gand et Braine-le-Comte, une distance de 142 kilomètres. La différence ici est énorme, et elle prouve, de la manière la plus évidente, que le chemin de fer passant à Alost, est d’une impérieuse nécessité si vous voulez faire desservir par votre railway les relations des trois quarts des provinces flamandes avec toutes les localités des provinces méridionales qui affluent à la station de Braine-le-Comte, c’est-à-dire avec une partie de la province de Luxembourg, avec toutes la province de Namur, de l’Entre-Sambre-et-Meuse, avec les arrondissements de Charleroy et de Thuin et même avec l’arrondissement de Soignies, et je dois faire remarquer ici qu’en ce qui concerne toutes les localités si importantes que je viens de citer en dernier lieu, le chemin de fer de Tournay à Jurbise n’apporterait aucune amélioration à l’état de choses actuel ; en effet, entre Gand et Braine-le-Comte, il y a à parcourir, par Tournay et Jurbise, une distance de 142 kilomètres ; or, en faisant même entrer en ligne de compte la situation de continuité résultant des deux stations de Bruxelles (ce qui n’est pas exact cependant en ce qui concerne les marchandises), on trouve également entre Gand et Braine-le-Comte par Termonde et Malines, un parcours de 142 kilomètres ; encore une fois, la nécessité de la ligne d’Alost est démontrée clair comme le jour, si l’on veut remédier à l’inconvénient qui existe actuellement et qui laisse en souffrance des intérêts très-nombreux et très-importants.

Messieurs, nous arrivons encore à un résultat analogue en ce qui concerne l’arrondissement de Mons ; ici Jurbise serait le premier point commun entre les deux lignes dont il s’agit d’apprécier l’utilité, relative seulement au point de vue spécial qui nous occupe en ce moment, or de Gand à Jurbise par Tournay, il y aurait un parcours de 123 kilomètres, et de Gand à Jurbise, par Alost, il n’y aurait qu’un parcours de 100 kilomètres. Ici l’utilité du projet que j’ai l’honneur de défendre saute également aux yeux. Permettez-moi de fixer encore un moment votre attention sur les résultats vraiment extraordinaires et vraiment étonnants qui se réaliseront par la construction du chemin de fer d’Alost, il arrivera alors que l’habitant de Namur pourra en un seul jour se rendre à Ostende, y séjourner pendant plusieurs heures et rentrer le soir dans ses foyers. La même observation s’applique a fortiori à tous les points intermédiaires ; elle s’appliquera également à tout l’Entre-Sambre-et-Meuse, lorsque cette contrée si intéressante, qui a devant elle un si bel avenir, sera reliée au réseau général de notre railway par la voie ferrée dont nous avons autorisé dernièrement la construction.

Autre résultat en ce qui concerne l’arrondissement de Mons, en quittant la ville de Mons le matin, le commerçant pourrait parcourir toute la ligne des chemins de fer jusqu’à Ostende, s’arrêter pendant quelque temps dans son parcours au moins dans deux localités différentes, et retourner le soir dans la ville qu’il a quittée le matin. Je ne vous communiquerai pas pour le moment les calculs incontestables que j’ai établis pour justifier ces résultats, afin de ne pas fatiguer votre attention ; je les communiquerai bien volontiers à ceux qui croiraient devoir révoquer en doute la possibilité de ce que j’avance. Je n’ai donc rien exagéré, messieurs, en vous disant que la nouvelle voie de communication dont nous vous proposons de décréter la construction offre les plus grands avantages, au point de vue des relations entre les provinces méridionales et des provinces flamandes.

Je dirai maintenant, messieurs, quelques mots de nos relations internationales.

Ce chemin de fer, par Alost, présente encore sous ce rapport d’immenses avantages ; et d’abord en ce qui concerne les relations de l’Angleterre avec la capitale, parce que les mêmes avantages que j’ai signalés tout à l’heure en ce qui concerne la ville de Gand, et toutes les Flandres, se font remarquer également pour les relations avec l’Angleterre. Cela est tellement vrai qu’il paraît qu’aujourd’hui on n’a pas encore trouvé le moyen de faire en sorte que les habitants de Bruxelles puissent arriver en un seul jour à Londres, au moins pendant la saison d’hiver ; eh bien, il m’a été assuré par un agent de la compagnie anglaise chargée de l’exploitation de la ligne à vapeur entre Douvres et Ostende, que quand notre chemin de fer sera fait, on atteindra ce but. Alors, en toutes saisons, l’habitant de Bruxelles pourra en un seul jour se rendre à Londres.

Vous voyez donc, pour ne citer que ce seul fait, que nos relations avec l’Angleterre seront beaucoup plus favorisées.

Ensuite, vous aurez encore un autre avantage que vous avez réalisé par l’établissement de deux stations à Bruxelles. Votre but a été de forcer, en quelque sorte, les étrangers à séjourner dans la capitale. Eh bien, en attirant vers Bruxelles les voyageurs de l’Angleterre, qui sont d’intention de prolonger leur voyage vers l’Allemagne, comme la ligne par Alost aboutira à la station du Midi, vous les engagerez aussi, pour peu qu’ils aient quelque velléité de visiter la capitale, à s’y arrêter. Aujourd’hui il est des voyageurs venant de l’Angleterre et allant en Allemagne, qui ont bien quelque désir de voir notre capitale, mais qui continuent directement leur voyage, parce que pour venir à Bruxelles, ils seraient obligés de faire un détour, de se détourner de leur route.

Messieurs, pour nos relations avec la France, nous obtenons par notre chemin de fer d’Alost, des avantages bien plus considérables encore.

On vous a déjà fait remarquer que nous avions en ce moment une concurrence redoutable à craindre de la part des lignes françaises, de la ligne de Lille à Douai, et de Douai à Valenciennes, et que peut-être les voyageurs de Lille et des lignes affluentes à Lille abandonneraient la ligne de Gand et se rendraient à Bruxelles en prenant les lignes de Lille à Douai et de Douai à Valenciennes, et ne parcourraient ainsi le railway belge que depuis Quiévrain jusqu’à Bruxelles, c’est-à-dire, sur une distance de 80 kilomètres ; tandis que le parcours actuel depuis Mouscron jusqu’à Bruxelles par Gand et Malines est de 132 kilomètres, donc il y aurait là une perte pour le trésor belge, à raison d’un parcours de 52 kilomètres par chaque voyageur ; et ces craintes ne sont pas dénuées de fondement parce qu’il n’existe actuellement en faveur de la ligne des Flandres qu’une différence de parcours de 13 kilomètres ; différence assez peu importante et que l’administration française cherchera peut-être à compenser par une baisse de tarifs afin d’attirer les voyageurs sur ses lignes.

C’est pour éviter en partie cet inconvénient, messieurs, que la ligne de Jurbise a été conçue. En effet, lorsqu’elle sera construite, le parcours de Lille à Bruxelles, ne sera que de 135 kilomètres. On aura donc, sur la ligne française, un avantage de 27 kilomètres.

Mais par la construction de notre ligne, vous obtenez un avantage bien plus considérable encore ; car votre n’aurez plus entre Lille et Bruxelles, en passant par Gand et Alost, qu’un parcours de 123 kilomètres, donc avantage considérable de 39 kilomètres, ou près de 8 lieues, sur les lignes françaises, et avantage aussi de 11 à 12 kilomètres sur la ligne de Jurbise.

Je ne prétends pas, messieurs, que nous attirerons par là tous les voyageurs au préjudice de la ligne de Jurbise ; cela dépendra beaucoup de la manière dont le service sera organisé. Je demande, quant à moi, qu’une partie prenne la direction de Jurbise. Mais il n’y aura aussi aucun inconvénient à ce que nos provinces flamandes soient visitées par l’étranger ; il ne se formera pas là une opinion défavorable de la Belgique : les Flandres constituent une partie très-importante du pays, que nous ne devons pas rougir de faire voir aux étrangers ; je dirai même que nous pouvons leur montrer ces provinces, si peuplées, si actives, avec un certain orgueil. Je désire, pour ma part, que la Belgique entière soit parcourue en tous sens par les étrangers ; ils apprendront de cette manière à connaître le pays, et la Belgique toute entière ne peut que gagner à être connue.

Messieurs, je ne prolongerai pas ces observations, car je crains d’avoir abusé déjà de l’indulgence que j’ai réclamée en commençant ce discours ; mais je pense que tout le monde conviendra maintenant que je ne suis pas venu défendre ici un intérêt purement local, un intérêt de clocher, si je puis m’exprimer ainsi, mais un projet qui intéresse au plus haut point la prospérité du pays, et qui doit procurer de nombreux avantages, en ce que vous remplirez une dette du pays par la réparation d’un préjudice immense causé à une contrée importante de la Belgique, réparation que vous désirez tous, j’en suis certain, et que la justice du pays réclame depuis si longtemps ; avantages, en ce que vous retirerez de l’abandon dans lequel il se trouve aujourd’hui relégué l’arrondissement d’Alost, qui renferme de nombreuses ressources dont le développement, possible alors, ne peut manquer de contribuer à la prospérité générale du pays ; avantages considérables, en ce que vous rapprocherez le tiers de vos populations de la capitale du pays ; avantage immense par les facilités que vous apportez aux relations entre les provinces du Luxembourg, de Namur et du Hainaut et les deux Flandres ; avantages, encore, au point de vue de nos relations avec l’Angleterre et la France. Or, faudrait-il reculer devant quelques sacrifices pour réaliser un projet qui porte avec lui des caractères aussi frappants, aussi palpables d’utilité publique ? Mais de telles dépenses, loin d’être désastreuses, seraient amplement compensées par le développement du bien-être et de la prospérité de la Belgique.

Cependant je vais vous rassurer à cet égard. J’espère pouvoir démontrer que cette ligne de chemin de fer n’entraînera que des sacrifices insignifiants, peut-être aucune perte réelle pour le trésor. Je crois, messieurs, que tout le monde sera satisfait de cette démonstration, si je parviens à établir trois points, d’abord que les nouveaux revenus que le chemin de fer par Alost procurera au trésor, couvriront les intérêts du capital nécessaire à sa construction ; en second lieu qu’ils couvriront les frais de son exploitation, et en troisième lieu qu’ils couvriront la diminution qui pourra en résulter pour les produits d’autres lignes. Si je parviens à prouver ces trois points, je crois que vous serez tous satisfaits et que personne ne pourra plus s’opposer (page 1080) à la construction de la ligne que je réclame. Car si par cette construction nous faisons chose éminemment utile sans grever le trésor, quels motifs peut-on alléguer pour la refuser ?

Cette démonstration, messieurs, je crois pouvoir la faire. Cependant mes études sous ce rapport ne sont pas complètes. Je sais où trouver les renseignements ; mais je ne les ai pas sous la main ; je crois d’ailleurs que le moment n’est pas venu d’entrer dans ces détails. Je me bornerai donc à vous dire sur quelles bases j’appuierai mes calculs.

Je calculerai les revenus du nouveau chemin de fer d’après le mouvement nouveau de voyageurs et de marchandises, qu’il doit amener et qui aura pour point de départ et d’arrivée Alost et les nouvelles stations intermédiaires. Ce sera certainement là un produit tout à fait nouveau, et qui ne peut porter aucune atteinte sensible à la circulation actuellement existante sur le chemin de fer. J’ajouterai que cette première source de revenus sera très-féconde.

En second lieu, le chemin de fer en question procurera encore des revenus considérables au trésor, en desservant les relations entre les provinces méridionales et les provinces flamandes ; c’est encore ici un mouvement nouveau qui, loin de diminuer en aucune manière les produits de nos lignes actuelles, aura pour résultat d’augmenter considérablement les revenus d’une grande partie de la ligne du Midi et les lignes déjà établies dans les Flandres. M. Desart, dans son mémoire que je suis obligé de citer si souvent, a apprécié les résultats financiers que pourrait réaliser le chemin de Jurbise en desservant les relations qui nous occupent en ce moment ; il a laissé de côté dans ses calculs ce qui serait perçu de ce chef sur le parcours de la nouvelle ligne ; il n’a tenu compte que de l’augmentation de recettes qu’on réalisera sur les lignes des Flandres et du midi, et par des calculs qui me paraissent très-sagement établis, il obtient une sommes annuelle de 561,000 francs au profit du trésor (voir page 27). Or, si ces calculs sont vrais en ce qui concerne la ligne de Jurbise, il faut les admettre aussi pour le chemin de fer d’Alost, et cela en vertu des arguments que nous avons fait valoir plus haut.

Je trouve encore une troisième source de nouveaux revenus pour le trésor, dans l’augmentation des voyageurs des Flandres vers la capitale et vice-versa, qui résultera nécessairement de l’établissement de la nouvelle voie de communication, et par cela même qu’elle diminuera les distances, et qu’elle abrégera la durée des voyages. En effet, c’est une loi constante que, toutes autres conditions égales, le nombre de voyageurs augmente à peu près dans la même proportion que le temps nécessaire pour faire le voyage diminue. Enfin, il est une quatrième considération dont je tâcherai de préciser les résultats financiers, je veux parler des économies qui pourront être réalisées en ce qui concerne les frais d’exploitation et surtout de locomotion nécessaires pour opérer aujourd’hui le mouvement des voyageurs entre le Flandres et la capitale. En effet, pour fixer le prix des places, on ne fait pas entrer aujourd’hui en ligne de compte le détour par Malines ; par conséquent, les tarifs actuels pourront être maintenus sur la nouvelle ligne, de manière que le trésor percevra sur chaque voyageur la même somme qu’aujourd’hui. Or, non-seulement le nombre de ces voyageurs augmentera considérablement, mais les frais de transport seront moindres parce que le parcours à faire sera diminué de 26 kilomètres.

C’est de cette manière, messieurs, que je prouverai, que sans aucun sacrifice sérieux, sans aucune dépense de quelque importance, vous obtiendrez les avantages que le chemin de fer dont je viens de parler est destiné à produire.

Je terminerai, messieurs, en invitant M. le ministre des travaux publics à faire instruire le projet en question avec toute la célérité possible et à ordonner immédiatement des études sérieuses. Je n’ai certainement pas de conseils à donner sous ce rapport à M. le ministre, mais il me semble que si M. l’ingénieur Desart, qui a fait un travail bien remarquable sur un projet analogue, était chargé de faire les études dont il s’agit, alors surtout que les calculs, les devis estimatifs, les évaluations de revenus, doivent se faire pour la nouvelle ligne d’Alost presque d’après les mêmes données que pour la ligne de Jurbise, on arriverait en peu de temps à un projet complet.

M. David – Messieurs, je ne reviendrai pas sur la question de l’élévation du capital qui a été employé à la construction du chemin de fer, et que conteste l’honorable M. Eloy de Burdinne. L’honorable ministre des finances vient de nous dire qu’il ferait des recherches exactes et qu’il nous soumettrait le véritable montant de ce capital ; qu’ainsi il pourrait nous dire quel a été le revenu exact du chemin de fer. Mais lors même que le capital employé s’élèverait à 160 millions, le revenu sera toujours de 3 ½ p.c. au moins.

Je ne reviendrai pas sur cette question, messieurs, jusqu’à ce que M. le ministre des finances nous ait donné des renseignements positifs.

Messieurs, nous sommes profondément en désaccord, il faut en convenir, avec l’honorable M. Eloy de Burdinne en matière de chemin de fer. Hier, lorsque j’ai seulement prononcé le mot d’agriculture, l’honorable membre a demandé immédiatement la parole pour me rétorquer, et soutenir que l’agriculture n’obtenait aucun avantage du chemin de fer.

Et savez-vous, messieurs, ce qu’a dit à l’appui de son opinion l’honorable M. Eloy de Burdinne ? Il vous a dit : « Le cultivateur qui vend son blé à un spéculateur à la station du chemin de fer, vend moins cher que quand il vendait directement au consommateur de la ville ». En vérité, messieurs, je n’ai pas voulu d’abord répondre à un pareil argument. Evidemment, si telle est l’opinion de l’honorable membre, il n’a pas même besoin de chemins vicinaux. Il n’a qu’à vendre son blé chez lui, puisqu’il l’y vend mieux, et il n’a qu’à donner à tous les cultivateurs le conseil d’en faire autant. Mais messieurs, lorsque le cultivateur est arrivé, avec son blé, à la station de Bruxelles, par exemple, n’a-t-il pas la grande concurrence devant lui ? Est-il obligé de donner son grain au premier spéculateur qui se présente ? Mais il rencontre une immense concurrence pour l’achat, et cette concurrence, il ne l’a pas chez lui, puisqu’il doit attendre qu’on vienne lui acheter son grain.

L’honorable M. Eloy de Burdinne vous dit ensuite qu’on pouvait, quand il n’y avait pas de chemin de fer, ramener des engrais chez soi au moyen de charrette et du malheureux petit cheval qu’on avait à sa disposition. Ainsi, aujourd’hui que vous avez un chemin de fer, il n’est pas possible à un cultivateur de ramener chez lui des engrais ? Je vous demande si l’on peut invoquer de pareils arguments à l’appui d’une opinion. Je vous demande, messieurs, si l’agriculture ne devrait pas préférer le chemin de fer à un chemin vicinal ou à une chaussée, pour le transport de ses engrais.

Messieurs, je suis complètement en désaccord avec l’honorable M. Eloy de Burdinne sur les moyens de faire produire les chemins de fer : l’honorable membre voudrait élever les tarifs ; moi, au contraire, je voudrais les abaisser. Je voudrais pour en finir qu’on pût un jour instituer une commission, dont M. Eloy de Burdinne fût président et que cette commission eût la faculté d’élever les tarifs aussi haut qu’elle le jugerait convenable ; je voudrais qu’on pût faire pendant un an, l’essai d’un semblable tarif, on verrait alors si ce sont les tarifs modérés, les tarifs raisonnables ou les tarifs exagérés qui donnent les revenus les plus élevés ? De cette manière la question serait bientôt tranchée, et elle le serait définitivement.

Je vois encore, messieurs, que l’honorable M. Eloy de Burdinne m’a attribué la pensée de mettre le chemin de fer en actions. Je ne sais pas en vérité où l’honorable membre est allé puiser une idée semblable.

M. Eloy de Burdinne – Je n’ai pas prêté à l’honorable membre la pensée de mettre le chemin de fer en actions, j’ai dit seulement que si telle avait été son intention je n’aurais pas pris la parole pour détruire les arguments qu’il avait fait valoir.

M. David – L’honorable M. Eloy de Burdinne a dit encore une chose assez dure, c’est que mes principes tendraient à faire prendre de l’argent dans la poche du contribuable pour faire voyager les hommes et les choses à très-bon compte. Si à mon tour je voulais être sévère, je pourrais dire que les principes de l’honorable membre tendent à faire renchérir le pain, la nourriture du pauvre pour permettre au propriétaire de percevoir des fermages plus élevés.

- La clôture est demandée.

M. Fallon – Je désirerais dire deux mots.

M. d’Elhoungne – L’honorable M. de Naeyer vient d’appeler l’attention de la chambre et du gouvernement sur un projet d’une très-haute importance pour la pays. Il me paraît peu convenable de clore la discussion avant que M. le ministre des travaux publics ait pu donner des explications qui nous apprennent quelle est l’opinion du gouvernement sur ce projet.

- La clôture est mise aux voix ; elle n’est pas prononcée.

M. Fallon – Messieurs, en signalant tout à l’heure l’irrégularité du service des voyageurs sur la ligne du Midi, j’ai reconnu que l’une des causes de cette irrégularité est l’absence d’une deuxième voie, mais cette cause n’est pas la seule ; il en existe une qu’il serait, ce me semble, facile de faire disparaître : le principal obstacle à la régularité du service existe à Tubise ; c’est là que nous devons attendre le convoi de Mons ; il me semble qu’il n’y aurait aucune espèce d’inconvénient à faire attendre le convoi de Mons à Braine-le-Comte. De cette manière, il y aurait bien moins de retard. Je crois que le croisement entre le convoi de Namur et celui de Bruxelles devrait également avoir lieu à Braine-le-Comte : ce serait là un moyen de faire marcher le service beaucoup plus régulièrement.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ne crois pas devoir répondre au discours de l’honorable M. de Naeyer, qui s’est borné à émettre des observations sur un projet tout nouveau, celui qui tendrait à mettre en relation directe Bruxelles et Gand, par Alost. Aucune étude n’a encore été faite à l’égard de ce projet, on a seulement demandé au gouvernement de vouloir le faire instruire. L’honorable M. de Naeyer, qui paraît avoir étudié la question avec beaucoup de soin, a donné son appréciation à lui, sur les résultats industriels et commerciaux que ce chemin de fer devrait amener, sur l’influence qu’il devrait exercer sur les produits des autres lignes. Mais c’est là l’appréciation de l’honorable membre. Le gouvernement devrait avoir les études devant les yeux pour pouvoir se prononcer. Cependant je ferai une seule observation. La question est extrêmement grave. C’est la question de savoir s’il faut que la capitale devienne le centre effectif des chemins de fer, au lieu de laisser ce centre à Malines comme l’a voulu la loi de 1834. Le projet dont parle l’honorable M. de Naeyer, devrait avoir inévitablement le lendemain un complément, ce serait de faire un chemin de fer direct entre Bruxelles et Louvain. C’est là une question très-grave. Il s’agirait de savoir si le gouvernement doit s’occuper immédiatement de corriger le tracé primitif, s’il ne doit pas auparavant améliorer l’organisation actuelle. Messieurs, il est clair que le chemin de fer de l’Ouest, de Malines au point de jonction, que cette ligne placée entre le chemin de fer du pays de Waes et le chemin de fer proposé par l’honorable M. De Naeyer, il est clair que cette ligne serait complètement abandonnée. Je ne connais qu’un seul genre de transports qui puissent lui rester, ce sont les voyageurs étrangers venant d’Ostende et se dirigeant vers la ligne de l’Est. Encore est-ce là une question.

Si cette rectification doit se faire un jour, je n’hésite pas à dire qu’elle doit se faire par le gouvernement. Le gouvernement ne pourrait pas déposséder la ligne actuelle au profit d’une compagnie ; si elle devait être dépossédée elle ne pourrait l’être qu’au profit du gouvernement lui-même.

(page 1081) Je me borne à ces seules observations ; elles n’ont d’autre but que de démontrer que la question est extrêmement grave. Je ne suis pas à même en ce moment de suivre l’honorable M. de Naeyer dans les observations très détaillées qu’il a présentées.

Messieurs, je ne pense pas non plus devoir répondre aux observations de l’honorable M. Eloy de Burdinne. L’honorable M. Eloy de Burdinne, et il l’a déclaré, s’est franchement constitué, depuis 1834, l’adversaire des chemins de fer, à telles enseignes que lui, qui n’a pas l’habitude de faire de l’opposition systématique, s’est prononcé constamment contre les budgets des travaux publics. Je crois qu’il serait utile de revenir sur les considérations auxquelles je me suis déjà livré plusieurs fois relativement aux avantages industriels, commerciaux et politiques du chemin de fer, et relativement aux revenus indirects qu’il procure au trésor. Ces considérations, M. Eloy de Burdinne les connaît comme moi ; elle ne l’ont pas converti, et je crois que l’on ferait des efforts inutiles pour le convertir, en reproduisant ces considérations.

L’honorable membre m’a demandé si je m’engageais à faire produire au chemin de fer l’intérêt et l’amortissement du capital employé à sa construction. Messieurs, je puis prendre l’engagement de faire mes efforts pour introduire toutes les améliorations possibles dans le système d’exploitation du chemin de fer, d’adopter les tarifs qui me paraîtront les plus productifs ; d’apporter le plus d’économie possible dans les frais d’exploitation. Voilà l’engagement que je puis prendre et que je prends ; et comme je l’ai dit à la chambre, j’ai l’espoir que le temps n’est pas éloigné où l’excédant des recettes du chemin de fer sur les dépenses suffira pour couvrir, ou à très-peu de chose près, l’intérêt du capital employé.

M. d’Elhoungne – Je n’ai que très-peu d’observations à présenter à la chambre en réponse à ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics. Il n’entre pas plus dans ma pensée que dans celle de l’honorable M. De Naeyer d’exiger de M. le ministre qu’il émette immédiatement son opinion sur la nécessité et les moyens d’exécuter la ligne du chemin de fer dont l’honorable député d’Alost nous a entretenu, mais il doit être dans les vœux de tout le monde que la question soit examinée le plus tôt possible ; je voudrais, pour ma part, que pour donner satisfaction à de très-légitimes exigences, M. le ministre voulût bien prendre l’engagement de faire procéder sans retard à l’étude des questions que soulève l’exécution de cette ligne de chemin de fer.

Messieurs, le premier point qui se présentera à décider est celui de savoir si l’Etat exécutera cette nouvelle ligne ou si on en fera la concession à une compagnie. M. le ministre des travaux publics semble incliner dès à présent pour la construction par l’Etat ; mais il pourrait se faire qu’un examen plus approfondi de la question lui fît adopter un autre avis. Il se pourrait également que la chambre, consultée par M. le ministre eût une opinion contraire, et qu’ainsi cette ligne dût en définitive être construite par une compagnie.

C’est là, messieurs, le côté urgent de la question ; car si la ligne dont il s’agit doit être construite par une compagnie concessionnaire, nous ne pourrons assez nous presser ; il devient alors de l’intérêt de la Belgique de profiter du mouvement extraordinaire, de l’espèce de fièvre, qui porte les capitaux vers la construction de chemins de fer. Il est à craindre que ce mouvement ayant été exagéré et pouvant l’être tous les jours davantage, il n’occasionne une réaction fâcheuse, une réaction telle qu’il ne se présenterait plus de compagnie alors que le gouvernement et les chambres auraient décrété en principe la concession de la ligne si importante et si avantageuse sur laquelle nous fixons votre attention.

D’un autre côté, l’honorable M. De Naeyer a démontré à M. le ministre des travaux publics que dans la plupart des membres de cette assemblée, le chemin de fer entre Wetteren et Bruxelles est en corrélation nécessaire avec le chemin de fer de Jurbise à Tournay. Ce sont là deux questions nécessairement connexes : la solution de l’une est intimement liée à la solution de l’autre. Or, la première est instruite, et par conséquent il y a urgence et très-grande urgence d’instruire aussi la seconde.

Je me résume donc, messieurs, en priant M. le ministre des travaux publics, de faire immédiatement l’instruction et les études de la ligne dont il s’agit, afin qu’il puisse sans délai apporter à la chambre l’opinion du gouvernement.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – C’est là aussi mon intention. Le gouvernement doit évidemment faire étudier les projets qui lui sont soumis.

M. de Roo – Je prierai l’honorable ministre des travaux publics de bien vouloir répondre non-seulement à moi, mais aussi à l’honorable M. Rodenbach.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je pense avoir répondu à l’honorable M. Rodenbach. Il s’agit d’études qui sont en voie d’instruction dans la Flandre occidentale. J’ai annoncé à la chambre que ces études n’étaient pas complètes, que lorsqu’elles le seront, le gouvernement serait à même d’examiner la question, mais que maintenant je ne pouvais donner aucun renseignement positif, parce que je n’avais pas été saisi officiellement des moyens d’examiner la question.

M. Rodenbach – Messieurs, on s’occupe en effet d’études, mais je dois dire qu’on ne fait pas ces études d’une manière sérieuse, elles marchent avec une telle lenteur que je suis porté à croire que ce n’est qu’un simulacre d’études : depuis neuf mois que l’on travaille, on n’est pas encore arrivé à la moitié. Si celui qui demande la concession n’a pas les capitaux nécessaires pour fournir le cautionnement, eh bien, qu’on écarte sa demande ; il se présentera peut-être alors d’autres concessionnaires qui seront à même de mener l’entreprise à bonne fin. Si, au contraire, le demandeur actuel est un concessionnaire sérieux, alors pourquoi cette lenteur dans les études ? Il s’agit d’un projet qui offre toutes les chances de succès et dont l’exécution serait très-utile au pays. Il n’y a dans le centre de la Flandre occidentale ni chemins de fer, ni canaux, ni rivières. Que M. le ministre des travaux publics examine attentivement la question : son honorable prédécesseur s’est rendu sur les lieux, et il a reconnu, en présence des autorités, qu’il y a beaucoup à faire pour la Flandre occidentale. J’ignore si M. le ministre actuel connaît les localités, mais, s’il ne les connaît pas, je l’engage à s’y rendre et à bien voir ce qu’il y a à faire pour la Flandre occidentale ; il n’y a rien dans cette province, et cependant M. le ministre l’a complètement oubliée dans le projet de loi pour lequel il nous demande 12 millions pour des travaux d’utilité publique.

M. Meeus – Messieurs, dans la séance d’hier, l’honorable M. Coghen a appelé l’attention de M. le ministre des travaux publics sur deux points que je regarde comme très-importants, et je ne sache pas que M. le ministre ait répondu. L’honorable M. Coghen s’est plaint de l’insuffisance du matériel du chemin de fer. Dans le moment actuel cette insuffisance est telle qu’elle a porté un préjudice notable à plusieurs établissements industriels. Je citerai pour exemple la société de Couillet qui, faute de matériel, se trouve, depuis un mois, dans l’impossibilité d’expédier les fontes qu’elles a vendues depuis longtemps. Il en est résulté que l’usine a dû chômer. Vous comprenez, messieurs, combien il est important, et pour les intérêts du chemin de fer et pour ceux de l’industrie belge, que semblable chose ne se renouvelle pas.

L’honorable M. Coghen a également appelé l’attention de M. le ministre sur les graves inconvénients qui peuvent résulter de ce que le chemin de fer du Midi passe à niveau sur les chemins de fer précédemment concédés du bas et du bas Flénu et de St-Guislain. Les habitants de ces localités sont tellement effrayés des dangers réels qui existent, qu’ils pétitionnent en ce moment pour que le gouvernement amène un changement dans l’état de choses actuel. Je citerai encore un fait à l’appui de mon opinion : Il est à ma connaissance qu’il n’y a pas bien longtemps, le préposé chargé de faire les signaux ayant fait le signal un peu trop tard et le convoi du gouvernement arrivant d’un côté tandis que celui du haut Flénu arrivait de l’autre, le conducteur s’est trouvé dans l’impossibilité d’arrêter ; il passa malgré l’ordre donné, ses waggons se déraillèrent et sans le concours d’une circonstance heureuse les plus grands malheurs auraient eu lieu, car au moment où le convoi du gouvernement arrivait on est parvenu à force de bras d’hommes à jeter les waggons hors des rails. Supposez un temps brumeux comme nous en avons souvent dans notre pays ; supposez la deuxième voie faite ; réfléchissez à l’extension que le commerce du charbon prend tous les jours, et vous conviendrez qu’il est essentiel que le gouvernement prenne des mesures pour empêcher qu’il n’arrive des malheurs qu’il serait trop tard de déplorer, quand ils seraient arrivés. Le gouvernement doit prendre à temps toutes les précautions nécessaires, pour prévenir de semblables catastrophes. C’est parce que M. le ministre des travaux publics n’a pas répondu hier aux deux interpellations de l’honorable M. Coghen, que je me permets de lui demander quelques explications.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, j’avais répondu en partie aux explications demandées par l’honorable M. Coghen, sur l’insuffisance du matériel ; j’ai fait observer que le gouvernement était complètement de l’opinion des honorables membres, puisqu’il avait présenté un projet de loi dans le but d’augmenter le matériel qui est vraiment insuffisant.

Il ne faut pas oublier non plus que ce grand mouvement de transports n’est pas normal, il est dû, en partie du moins, à la fermeture des canaux et rivières pendant cet hiver rigoureux, fermeture qui a fait refluer sur les lignes du chemin de fer une partie des transports qui, ordinairement, prenaient ces voies navigables. C’est là un inconvénient momentané.

Messieurs, l’attention du gouvernement a été portée sur les dangers qui existent sur la ligne de Mons à Quiévrain. En Belgique, dès l’origine des chemins de fer, on a admis le système des passages des routes à niveau pour les chemins de fer, système qui est complètement répudié en France et en Angleterre. Mais il est vrai de dire que le croisement perpendiculaire du chemin de fer de l’Etat et de ceux du Flénu, qui sont en pentes continues jusqu’au canal où ils aboutissement, présente un danger permanent, et le gouvernement est dans l’intention d’y remédier dans un très-bref délai. L’honorable M. Meeus le sait, il y a des contestations judiciaires qui ont amené certains retards dans l’instruction de cette affaire. Maintenant les pourparlers sont terminés, et je pense être bientôt à même de prendre une détermination dont je reconnais l’urgence.

- La discussion générale est close sur le chap. IlI

On passe aux articles.

Section I. Chemin de fer
Administration générale
Article premier

« Art. 1er. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 216,000. »

M. Verhaegen – Un arrêté du 8 avril 1843 avait organisé le département des travaux publics et avait fixé les appointements des fonctionnaires attachés à ce département, mais bientôt ce arrêté a été considéré comme non avenu, et certains traitements ont été plus que doublés au moyen d’allocations, d’indemnités, à titre de frais de bureau, de frais de tournées, de séjour, etc.

(page 1082) C’est un abus qui se rencontre dans plusieurs administrations et que plus d’une fois j’ai signalé à votre attention. Il est d’autant plus grave qu’en ce qui concerne l’administration des chemins de fer, qu’il prend sa source dans un arrêté de M. le ministre des travaux publics du 15 mars 1842, d’après lequel les suppléments de traitements ou d’indemnités ont été prélevés, en partie, sur les fonds alloués pour « construction des chemins de fer ».

Cet arrêté est ainsi conçu :

« Le ministre des travaux publics,

« Sur la proposition de M. l’inspecteur-général des ponts et chaussées, du 15 février dernier, n°15878,

« Arrête :

« Art. 1er. Le mode de liquidation sur états, aujourd’hui en usage, pour le remboursement des frais de déplacement des inspecteurs des ponts et chaussées est supprimé.

« Est également supprimé le supplément de traitement, deux mille huit cents francs (2,800 fr.) dont jouissaient ces fonctionnaires, aux termes de l’arrêté ministériel du 31 mars 1838.

« Art. 2. Il est, par contre, alloué aux inspecteurs divisionnaires une sommes annuelle de six mille francs (6,000 fr.), à titre d’indemnité, pour frais de route et de séjour, frais de bureau, feu, lumière et tous autres frais généralement quelconques.

« Art. 3. Au moyen de cette allocation, ces fonctionnaires devront faire face à toutes les obligatoires, tant ordinaires qu’extraordinaires, résultant des fonctions qui leur sont confiées.

« Il n’y aura pas lieu à indemnité, sur états, que pour les voyages spécialement prescrits par le ministre des travaux publics en dehors de ceux prévus par les instructions et règlements généraux.

« Art. 4. La somme de six mille francs ci-dessus fixée, sera imputée, par moitié, sur l’allocation du personnel des ponts et chaussées et sur les fonds de construction des chemins de fer.

« Art. 5. Les dispositions qui précèdent recevront leur application à partir du 1er janvier de l’année courante.

« Expédition du présent arrêté sera adressée, etc.

« 15 mars 1842.

« Signé : DESMAISIERES »

C’était donc un véritable détournement des fonds de la destination qui leur avait été donnée par la loi du budget, « frais de construction des chemins de fer ».

L’honorable M. Dechamps, loin de mettre fin à cet abus, l’a sanctionné par de nouveaux arrêtés, et les dispositions qui existaient, avant son entrée au ministère, dans les appointements des fonctionnaires de même grade sont devenus plus criantes encore.

Les frais d’administration du chemin de fer sont énormes : ils sont de 53 fr. 19 47/100 pour cent dans lesquels le personnel participe à raison de 9 fr. 23 pour cent si l’on tient toutefois pour exact le chiffre demandé par le budget pour traitements et indemnités, soit 1,042,125 fr., aucune autre administration n’entraîne des frais aussi considérables.

Qu’il me soit permis d’entrer à cet égard dans quelques détails :

Au budget des dépenses, tit. VII, chap. IlI, sect. 1er, chemins de fer, on lit :

« Art. 1er. Administration générale : fr. 362,000. »

Dans l’état de développements, cette somme est divisée comme suit :

A. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés, etc. (216,000)

B. Main-d’œuvre, travaux, fournitures, etc. (146000)

Somme égale à celle ci-dessus (362,000).

« Art. 2. Services des routes et stations : fr. 1.579,125. »

Dans l’état de développements cette somme est divisée comme suit

A. Traitements et indemnités des fonctionnaires (122,125)

B. Main-d’œuvre, travaux, fournitures, etc., (1,097,000)

C. Renouvellement des billes et fers (360,000)

Somme égale à celle ci-dessus (1,579,125)

« Art. 3. Service de la locomotion et de l’entretien de matériel : fr. 2,912,000. »

Dans l’état de développement cette somme est subdivisé ainsi qu’il suit :

A. Traitements des fonctionnaires, etc. (127,000)

B. Main-d’œuvre, travaux, fournitures, etc., (2,785,000)

Somme égale à celle-ci-dessus (2,912,000)

« Art. 4. Service des transports : fr. 951,500. »

Dans l’état de développements, cette somme est subdivisée ainsi qu’il suit

A. Traitements et indemnités des fonctionnaires, employés, gardes-convois, etc. (378,500)

B. Main-d’œuvre, travaux, indemnités pour pertes, etc., (532,000)

Somme égale à celle ci-dessus (951,500)

« Art. 5. Frais de perception : fr. 206,500. »

Cet article est divisé dans l’état de développement comme suit :

A. Traitements des fonctionnaires et employés, etc. (198,700)

B. Loyers des locaux (7,800)

Somme égale à celle ci-dessus (206,500).

Le budget général des dépenses de l’administration des chemins de fer s’élève ainsi à fr. 6,010,925, répartis :

A. Appointements, indemnités aux fonctionnaires et employés, etc., (1,042,125)

B. Main-d’œuvre, travaux, fournitures, etc. (4,968,800)

Somme égale (fr. 6,010,925)

Au budget des voies et moyens, les produits des chemins de fer sont évalués à 11,300,000 fr.

D’où il résulte que les frais d’administration soit de 53 fr. 19 c. 47/100 pour cent dans lesquels le personnel participe à raison de 9 fr. 23 c. pour cent, si comme nous l’avons dit, on se borne au chiffre mentionné dans le budget des dépenses pour traitements et indemnités des fonctionnaires et employés, etc., soit 1,042,125 fr.

Mais ce chiffre doit encore être augmenté de toutes les imputations faites sur certaines allocations spéciales et qui constituent de véritables détournements de fonds.

Nous avons vu tantôt d’après l’arrêté de l’honorable M. Desmaisières du 15 mars 1842, certaines indemnités avaient été prises sur les fonds de construction des chemins de fer ; eh bien, l’honorable M. Dechamps a suivi la voie qui lui avait été tracée par son prédécesseur, nous pouvons même dire que sous son administration les abus ont été et plus nombreux et plus graves.

Cinq arrêtés de M. le ministre des travaux publics en date du 24 juin 1844, accordant des indemnités à certains fonctionnaires supérieurs, méritent de fixer l’attention de la chambre ; souvent ces indemnités doublent les appointements, et elles sont imputées sur des fonds spéciaux.

Le premier arrêté porte :

« Le ministre des travaux publics

« Vu l’art. 21 de l’arrêté royal du 8 avril 1843 ;

Sur la proposition de M. le directeur des chemins de fer en exploitation ;

« Arrête :

« Article unique. Les indemnités pour frais de bureau, de déplacement et de séjour, d’après l’importance des services, sont allouées par l’exercice 1844 aux fonctionnaires et employés ci-après désignés attachés au service des transports, à l’administration des chemins de fer en exploitation, savoir

« Appointements fixes – noms et prénoms –grades – sommes allouées pour 1844

« 6,000 - . . . ., - inspecteur, - 4,000

« 3,500 - . . . ., - contrôleur, - 1,500

« 2,600 - . . . ., - contrôleur-adjoint, - 1,900

« 2,700 - . . . ., - id., - 1,800

« 1,200 - . . . ., - conducteur chef de station, - 700

« 2,000 - . . . ., - 1er chef-garde, - 300

« 1,920 - . . . ., - chef-garde, - 380

« Expédition du présent arrête sera adressé à M. le directeur de l’administration des chemins de fer en exploitation, qui est chargé d’en assurer l’exécution, et à la cour des comptes pour information.

« Bruxelles, le 24 juin 1844

« A. DECHAMPS »

Ces indemnités sont imputées sur l’article 6 du chap. IlI de la loi du budget, et ainsi les fonds sont détournés de leur véritable destination.

Le second arrêté est ainsi conçu :

« Le ministre des travaux publics

« Vu l’art. 21 de l’arrêté royal du 8 avril 1843 ;

« Sur la proposition de M. le directeur des chemins de fer en exploitation ;

« Arrête :

« Article unique. Les indemnités pour frais de bureau, de déplacement et de séjour, d’après l’importance des services, sont allouées par l’exercice 1844 aux fonctionnaires et employés ci-après désignés attachés au service de locomotion, à l’administration des chemins de fer en exploitation, savoir

« Appointements fixes – noms et prénoms – grades – sommes allouées pour 1844

« 10,000 - . . . ., - inspecteur en chef, - 2,000

« 3,800 - . . . ., - ingénieur de 1er cl., - 3,700

« 3,200 - . . . ., - id. de 2e classe, - 2,500

« 3,200 - . . . ., - id., id. – 2,500

« 3,200 - . . . ., - id., id. – 2,500

« . . . . . - . . . ., - id. de 3e cl. f.f. de 2e cl., - 2,500

« 6,000 - . . . ., - chef des ateliers, - 500

« 2,000 - . . . ., - sous-ingénieur, - 2,000

(p. 1083) « 2,000 - . . . ., - sous-ingénieur, - 1,600

« 2,000 - . . . ., - id., - 1,000

« 2,000 - . . . ., - conducteur de 2e classe,, - 1,000

« 1,200 - . . . ., - id. de 3e classe, - 300

« Expédition du présent arrête sera adressé à M. le directeur de l’administration des chemins de fer en exploitation, qui est chargé, etc.

« Bruxelles, le 24 juin 1844

« A. DECHAMPS »

Ces indemnités sont imputées sur l’art. 6, « Matériel » du chap. IlI et ainsi encore une fois les fonds sont détournés de leur véritable destination..

Le troisième arrêté porte :

« Le ministre des travaux publics

« Vu l’art. 21 de l’arrêté royal du 8 avril 1843 ;

« Sur la proposition de M. le directeur des chemins de fer en exploitation ;

« Arrête :

« Article unique. Les indemnités pour frais de bureau, de déplacement et de séjour, d’après l’importance des services, sont allouées par l’exercice 1844 aux fonctionnaires et employés ci-après désignés attachés au service de l’entretien des routes et dépendances, à l’administration des chemins de fer en exploitation, savoir

« Appointements fixes – noms et prénoms –grades – sommes allouées pour 1844

« 3,200 - . . . ., - ingénieur de 2e classe, - 2,800

« 3,200 - . . . ., - id. 3e cl. f..f. 2e cl. – 1,800

« 3,200 - . . . ., - « « ., - 1,800

« 2,000 - . . . ., - sous-ingénieur, - 1,200

« 2,100 - . . . ., - surveillant principal. – 900

« 2,100 - . . . ., - 900

« 2,100- . . . ., - 900

« 1,800 - . . . ., - surveillant de 1re classe, - 900.

« Expédition du présent arrête sera adressé à M. le directeur de l’administration des chemins de fer en exploitation, qui est chargé, etc.

« Bruxelles, le 24 juin 1844

« A. DECHAMPS »

Ces indemnités sont imputées à l’art. 3 du chap. IlI « Services de la locomotion et de l’entretien du matériel », donc ces fonds sont détournées de leur véritable destination.

Voici le quatrième arrêté :

« Le ministre des travaux publics

« Vu l’art. 21 de l’arrêté royal du 8 avril 1843 ;

« Sur la proposition de M. le directeur des chemins de fer en exploitation ;

« Arrête :

« Article unique. Les indemnités pour frais de bureau, de déplacement et de séjour, d’après l’importance des services, sont allouées par l’exercice 1844 aux fonctionnaires et employés ci-après désignés attachés à l’administration centrale des chemins de fer en exploitation, savoir

« Appointements fixes – noms et prénoms –grades – sommes allouées pour 1844

« 5,200 - . . . ., - ingén. 1re classe f.f. d’ingénieur en chef, - 3,300

« 5,200 - . . . ., - ingénieur en chef, - 2,300

« 6,000 - . . . ., - inspecteur, - 1,500

« 6,000 - . . . ., - « . – 1,500

« 2,000 - . . . ., - ingénieur de 2e classe, – 2,500

« 3,500- . . . ., - contrôleur, - 1,500

« 2,700 - . . . ., - contrôleur-adjoint, - 800

« 2,400 - . . . ., - chef de bureau, - 900

« 2,100 - . . . ., - vérificateur, - 900

« 2,200 - . . . ., - 900

« 2,600 - . . . ., - 900

« 1,800 - . . . ., - surveillant de 1re classe, - 900

« 1,800 - . . . ., - « - 900

« Expédition du présent arrête sera adressé à M. le directeur de l’administration des chemins de fer en exploitation, qui est chargé, etc.

« Bruxelles, le 24 juin 1844

« A. DECHAMPS »

Ces indemnités sont imputées sur l’art. 1 du chap. IlI, donc encore détournement des fonds de leur destination.

Enfin, le cinquième arrêté porte :

« Le ministre des travaux publics

« Vu l’art. 21 de l’arrêté royal du 8 avril 1843 ;

« Sur la proposition de M. le directeur des chemins de fer en exploitation ;

« Arrête :

« Article unique. Les indemnités pour frais de bureau, de déplacement et de séjour, d’après l’importance des services, sont allouées par l’exercice 1844 aux fonctionnaires et employés ci-après désignés attachés au service des constructions et bâtiments de l’administration des chemins de fer en exploitation, savoir

« Appointements fixes – noms et prénoms –grades – sommes allouées pour 184

« 3,800 - . . . ., - ingén. 1re cl., ponts et chaussées, - 3,700

« 2,600 - . . . ., - sous-ingénieur adjoint, - 1,200

« 2,000 - . . . ., - sous-ingénieur des ponts et chaussées, - 1,000

« 2,600 - . . . ., - sous-ingénieur adjoint. – 1,000

« 3,800 - . . . ., - architecte, – 3,200

« 3,000- . . . ., - Id - 1,500

« 3,000 - . . . ., - Id - 800

« 3,000 - . . . ., - conducteur adj. de 1re cl., - 600

« - . . . ., - conducteur de 1er cl., ponts et chaussées, - 2,00

« - . . . ., - id. 2e cl. id., - 1,000

« - . . . ., - surveillant principal - 900

« - . . . ., - aide-surveillant, - 300

« Expédition du présent arrête sera adressé, etc.

« 24 juin 1844

« Signé : DECHAMPS »

Dix-sept millions, produit de l’emprunt du 29 septembre 1842, avaient été mis à la disposition du gouvernement pour être employés exclusivement à la construction des chemins de fer, et cependant nous voyons que sur cette somme ont été imputées les indemnités accordées à certains fonctionnaires. Cet abus est beaucoup plus grave encore que ceux que nous avons signalés jusqu’à présent, et tout cela échappe au contrôle de la chambre des comptes !!

Ainsi, indépendamment des sommes portées au budget pour appointements et indemnités aux fonctionnaires et employés des chemins de fer se montant à 1,042,125 francs, plusieurs autres sommes sont allouées par les arrêtés ministériels dont nous n’avons pu, jusqu’à présent, nous procurer que quelques-uns.

Une chose étrange et que l’on ne peut s’expliquer, c’est que M. le ministre ne demande, par le budget, pour le traitement des fonctionnaires employés et gens de service de l’administration centrale du ministère que fr. 143,650, tandis que l’administration du chemin de fer, qui en réalité n’est qu’une division appartenant au ministère des travaux publics, comme les ponts et chaussées, a besoin d’un personnel qui coûte à l’Etat la somme exorbitante de fr. 216,000.

Le député de Marche, l’honorable M. Jadot, nous a fait connaître cette énigme dans son opuscule intitulé : Un mot sur la comptabilité générale de l’Etat, et c’est avec raison qu’il se récrie contre les prodigalités de l’administration des chemins de fer. M. Jadot attribue en grande partie ce surcroît de dépenses aux indemnités dont nous parlions tantôt et qui doublent le plus souvent les traitements des fonctionnaires et employés du chemin de fer, et en effet n’est-il pas ridicule de voir qu’un chef de division appartenant à l’administration centrale du chemin de fer jouisse d’un traitement, y compris ses indemnités, de 8,500 à 9,000 fr., alors que le fonctionnaire du même grade à l’administration centrale du ministère des travaux publics n’est rétribué que de 6,000 fr. ?

Ces observations ne prouvent-elles pas à la chambre qu’il y a nécessité, comme je l’ai dit et répété dans d’autres circonstances, d’organiser par une loi le service, les attributions et les appointements des employés de tous les départements ministériels sans permettre au ministère de jamais y déroger sous quelque prétexte que ce puisse être.

J’ai établi que les frais d’administration du chemin de fer se montent en total à 53 fr. 16 c. 47/100 p.c. dans lesquels entre le personnel pour 9 fr 25 c. p.c. sans tenir compte toutefois des indemnités allouées à quelques fonctionnaires par des arrêtés inédits et imputées sur certains fonds spéciaux ; je vais maintenant établir des comparaisons avec l’administration des contributions, douanes et accises, et celle de l’enregistrement et des domaines.

Les prévisions de recettes confiées à l’administrations des contributions, douanes et accises sont portées au budget des voies et moyens pour une somme de fr. 65,086,050 et les dépenses figurent au budget pour 8,759,480.

Cette somme se décompose entr’autres :

A. Traitements des fonctionnaires et employés de l’administration centrale, (140,000)

B. Traitements des employés, service actif (872,500)

C. Remise et indemnités aux comptables, (1,710,000)

D. Traitements des employés service actif (contributions) (201,200)

E. Id. (douanes) (3,950,200)

F. Id. (accises) (759,900)

G. Id. de la garantie (43,860)

H. Id. des poids et mesures (52,100)

I. Id. avocats de l’administration (35,670)

Total des appointements et indemnités fr. (8,065,430)

(page 1084) répartis entre 6,286 personnes, non compris les préposés aux recettes qui prélèvent 1,710,000 fr.

Les frais d’administration générale des contributions, douanes et accises sont de 13 fr. 45 c. 58/100 p.c., et le personnel coûte environ 12 fr. 40 c. pour cent.

On comprend l’énormité de ce chiffre en raison du nombre considérable d’employés qui s’élèvent à plus de 8,000 en y comprenant les receveurs.

Le budget des voies et moyens présume les recettes confiées à l’administration de l’enregistrement et des domaines comme s’élevant à fr. 31,611,500. Il évalue les dépenses à 1,826,490.

Dans cette somme se trouve compris, entre autres :

A Traitements des fonctionnaires et employés de l’administration centrale (84,000)

B Traitements des employés en province (356,290)

C Traitements du timbre (51,200)

D Traitements des domaines (76,300)

E Traitements des agents forestiers (243,600)

F Traitements et remises des receveurs (849,000)

Total des appointements et remises fr 1,660,390

Les frais d’administration générale sont de fr. 5-77 80/100 pour cent, et le personnel coûte environ fr. 5-25 pour cent.

Les frais d’administration de l’enregistrement et des domaines égalent, à peu près, les frais des administrations particulières. Dès lors, ne conviendrait-il pas de réunir à l’administration des domaines celle financière des chemins de fer, alors surtout que le chemin de fer est une propriété de l’Etat, un domaine public dont la gestion rentre exclusivement dans ses attributions.

L’honorable M. Jadot a fait ressortir tous les vices de notre rouage financier, et il est plus que temps que l’on arrive à une régularité qui permette l’exécution de l’art. 115 de la Constitution. Il faut que tous ceux qui manient les deniers de l’Etat tiennent leur mandat du ministre des finances et soient soumis à la juridiction de la cour des comptes.

Un projet de loi sur la comptabilité de l’Etat a été présenté à la chambre, mais ce projet est incomplet en ce que beaucoup de choses restent à régler par des arrêtés. M. Jadot a indiqué les vices du système actuel ; puisse son travail servir de base à la rédaction d’un autre projet qui renferme le tout !

M. Desmaisières – L’honorable M. Verhaegen avait déjà dit l’année dernière qu’il trouvait un abus dans l’arrêté royal, relatif au personnel des chemins de fer, que j’aurais contre-signé. Je lui ferai observer de nouveau que dans le personnel du chemin de fer, comme dans celui de toute administration, il y a quatre choses à considérer : la nomination, le nombre d’employés de chaque grade, la fixation du traitement fixe, et la fixation des indemnités variables, si la nature des fonctions le demande. Avant l’arrêté qu’a critiqué si amèrement l’honorable M. Verhaegen, il existait un arrêté royal de 1834, qui donnait au ministre les pouvoirs les plus étendus, non-seulement pour la fixation des indemnités variables, mais pour la nomination du personnel et la fixation du nombre d’employés de chaque grade et de leur traitement fixe. Par l’arrêté qui j’ai contre-signé, il a été mis fin aux pouvoirs du ministre, en ce qui concerne les trois derniers points ; le nombre d’employés de chaque grade se trouve déterminé par l’arrêté royal lui-même ; la nomination ne peut plus avoir lieu, si ce n’est pour les employés d’un ordre très-inférieur, qu’avec l’intervention du roi, et la fixation des traitements fixes est également déterminée par l’arrêté royal lui-même. Il ne reste plus que les indemnités variables qui varient suivant la position du fonctionnaire, position qui est toujours déterminée par le ministre ; et encore, ces indemnités variables sont-elle réduites aux indemnités de déplacement et de séjour. Ainsi, cet arrêté a diminué les abus si tant est qu’il y en eût dans l’arrêté royal de 1834, puisque le pouvoir illimité qu’avait le ministre quant au nombre d’employés, à leur nomination et à la fixation des traitements fixes aussi bien que des indemnités variables, a été réduit à la seule fixation des indemnités de déplacement et de séjour.

- La séance est levée à 5 heures moins un quart.