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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 5 mars 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 969) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners fait l’appel nominal à une heure.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le Sieur Crame, concessionnaire de la route de Châtelet à Chatelineau, et Bertier, principal actionnaire de la route de Charleroy à Florenne, présentent des observations contre la demande de concession des chemins de fer de Couillet à Oret et de Florenne à Moulin ».

- Renvoi a la commission des pétitions


« Plusieurs membres du conseil communal d’Autryve demandent qu’on fasse cesser le cumul qui existe dans cette commune entre les fonctions de secrétaire et de juge de paix ».

M. Delehaye – Messieurs, les pétitionnaires forment la majorité du conseil communal d’Autryve. Ils se plaignent d’une nomination qui constitue une véritable contravention à la loi. Quoiqu’ils soient en majorité, il leur a été impossible de se faire rendre justice, malgré tout le fondement de leur réclamation. Ils se trouvent donc obligés d’avoir finalement recours à la chambre.

Comme la législature est surtout intéressée, messieurs, à ce que la loi soit exécutée, je demanderai que la commission des pétitions soit invitée à nous faire un prompt rapport sur cette requête, afin de faire disparaître le fait dont on se plaint.

Il s’agit, je le répète, d’une incompatibilité déterminée par la loi et qui exige que les juges de paix ne remplissent pas des fonctions administratives. Malgré les réclamations réitérées de la majorité du conseil communal d’Autryve, il paraît qu’on veut maintenir le juge de paix de cette commune dans ses fonctions de secrétaire.

- Le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport, est adopté.


« Le conseil communal d’Alost soumet à la chambre un mémoire qui a pour objet la construction du chemin de fer de Bruxelles, par Alost et Wetteren, sur Gand ».

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Saint-Trond demande la construction du chemin de fer de Saint-Trond à Hasselt. »

« Même demande des bourgmestres des communes du canton de Saint-Trond ».

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de Hasselt.


M. Kervyn, retenu cher lui par une indisposition, s’excuse de ne pas pouvoir assister à la séance.

- Pris pour notification.

Rapports sur des pétitions

M. Zoude, au nom de la commission des pétitions, fait rapport sur les pétitions suivantes :

« Les sieurs Pirquin, Watelet, Bouchot-Seresia et Lebrun, fermiers de barrières sur la route de Namur à Dinant, demandent de pouvoir cesser les baux au 1er avril prochain ».

A la manière dont cette pétition est rédigée, votre commission doit déclarer qu’il n’y a pas lieu à délibérer ; en effet, les pétitionnaires disent que le roulage de Namur à Dinant est anéanti, parce que le sel et les écorces sont placés dans la catégorie des marchandises de première classe sur le chemin de fer, et, en outre, parce que le transport par eau est plus économique que par le roulage.

Mais il en a toujours été ainsi, quant au transport de Namur à Dinant par la Meuse.

Si les pétitionnaires ont voulu parler du roulage direct de Dinant à Louvain, qui doit être réellement en souffrance, parce que le prix du transport par le chemin de fer de Louvain à Namur, par Bruxelles et Charleroi, est moins élevé que par le roulage en ligne directe, leur réclamation pourrait paraître fondée ; mais alors il faudrait accorder le même dégrèvement aux fermiers des barrières de Louvain à Namur.

Toutefois, il est à remarquer que les pétitionnaires se sont rendus adjudicataires de barrière le 1er janvier 1844 ; donc, à une époque où le chemin de fer de Namur était en activité depuis assez longtemps, et lorsqu’il était connu que le transport par railway était et serait toujours moins élevé que par le roulage.

Par cette seule considération, votre commission estimerait qu’il n’y a pas lieu à accueillir la demande des pétitionnaires ; mais elle s’y détermine encore par une autre considération c’est qu’on ne doit s’adresser à la chambre qu’après que les autres voies ont été épuisées et que ce n’est que sur le refus de faire justice qu’on peut recourir à la chambre ; or, il ne conste nullement qu’une réclamation semblable aurait été adressée aux autorités compétentes.

C’est pour ce motif que votre commission propose le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

M. Brabant – Messieurs, à la première lecture de cette pétition, qui est rédigée dans un sens assez ambigu, j’avais cru aussi que les pétitionnaires demandaient une augmentation de tarif pour le transport des écorces par le chemin de fer. Mais en la lisant attentivement, j’ai vu qu’ils ne réclamaient qu’une réduction de fermage ou la remise en adjudication de leurs barrières, à cause du transport des écorces par la Meuse, transport qui avait lieu autrefois par le roulage.

La commission des pétitions objecte que ces barrières ont été mises en adjudication après le 1er janvier 1844. Mais ce n’est que longtemps après le 1er janvier 1844, ce n’est qu’au mois d’avril, que les écorces ont été rangées dans la première classe des tarifs du chemin de fer ; et c’est alors qu’il s’est fait un transport très considérable de cette denrée par le railway. Il est de fait qu’aujourd’hui toutes les écorces hachées arrivent de Dinant par la Meuse, tandis qu’elles se transportaient par voitures, et se rendent au débarcadère du chemin de fer, pour y être chargées. Je ne pense pas qu’il passe encore aujourd’hui un seul chariot d’écorces sur la route de Dinant à Namur.

Je crois donc que la pétition est fondée : et bien qu’il ne conste pas que les pétitionnaires se soient d’abord adressés à M. le ministre des travaux publics, je crois qu’il n’y a pas d’inconvénient à ce que la chambre veuille bien renvoyer leur requête à ce haut fonctionnaire.

M. de Garcia – Messieurs, après les observations qui viennent d’être présentées par mon honorable collègue, il ne me reste que très peu de choses à dire.

S’il s’agissait, messieurs, d’accorder directement une indemnité, je considérerais aussi cette pétition comme non fondée. Mais que demandent les concessionnaires ? Ils demandent qu’on résilie les baux en présence des modifications qui ont été établies pour le transport des écorces, modifications qui ont porté un grave préjudice au roulage et, par suite, aux tenant-barrières qui avaient contracté leurs baux avant la variation des tarifs.

Il est évident, messieurs, qu’on rentre ici dans les principes de justice. Car de quoi s’agit-il ? Il s’agit simplement de résilier un bail. Et on ne peut craindre de poser en cela un précédent fâcheux, puisque cette mesure n’est provoquée que par une circonstance extraordinaire, par un fait posé par le gouvernement, qui sciemment diminue considérablement les frais de transport de certaines marchandises par le chemin de fer.

Messieurs, je n’ajouterai que ce peu de mots à ce que vous a dit l’honorable M. Brabant, et j’appuie la demande de renvoi à Monsieur le ministre des travaux publics qui, je l’espère, voudra bien prendre en considération les faits relatés dans la pétition.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ne m’oppose pas au renvoi à mon examen de la pétition dont il s’agit. J’ai cependant besoin de faire remarquer à la chambre que le principe adopté pour le fermage des barrières, c’est que ce fermage constitue un forfait absolu, que, par conséquent, les fermiers de barrière, lors des adjudications, doivent examiner les chances bonnes ou mauvaises, et les événements possibles, et que jamais on n’a admis dans mon département qu’il y eût droit à une résiliation par suite d’une réduction qui pourrait être apportée par une raison quelconque dans les recettes des barrières adjugées.

Si, messieurs, par la considération que le gouvernement aurait placé les écorces dans la première classe du tarif de chemin de fer, que cette mesure aurait fait baisser les transports sur une route quelconque, il y avait lieu à indemniser ou à consentir une résiliation de bail pour les fermiers de barrières, il en résulterait, messieurs, que le chemin de fer ayant opéré une grande perturbation dans le mouvement sur les routes ordinaires, il y aurait lieu à indemniser tous les fermiers de barrières, et, je dois déclarer que je suis saisi d’une foule de réclamations du même genre pour des motifs différents.

C’est là une considération grave, qu’on ne doit pas perdre de vue. Il est possible, messieurs, que, dans le cas actuel, il y ait des raisons tellement particulières que la résiliation puisse être accordée. Il y a quelques précédents pareils ; mais ces précédents sont rares et ils reposent sur des faits spéciaux et graves. Je me réserve donc d’examiner la pétition. Mais le principe adopté est que le fermage des barrières constitue un forfait absolu, et qu’en général il n’y a pas lieu à résiliation, par suite d’une chance mauvaise, qu’un fermier aurait eu à encourir.

M. Zoude, rapporteur – Messieurs, je dois justifier les conclusions de la commission. Il a été adopté depuis longtemps en principe, que la chambre n’était pas un bureau de poste, il y avait lieu de passer à l’ordre du jour toute pétition qui n’aurait pas d’abord été adressée aux autorités compétentes. Or, il est constant que les pétitionnaires ne se sont adressés à aucune autorité.

C’est par ces motifs que la commissions des pétitions vous propose le dépôt de la pétition au bureau de renseignements.

- Le renvoi à M. le ministre des travaux publics, proposé par M. Brabant, est adopté.


M. Zoude, rapporteur – « Les sieurs Portmans, Goyens et de Hertoge, fermiers de barrières, réclament l’intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef des pertes qu’ils ont subies par suite de l’établissement du chemin de fer ».

Le cahier des charges imposait aux pétitionnaires l’obligation de payer un douzième du prix annuel de l’adjudication sans qu’ils puissent différer ce payement ; soit à titre d’indemnité, de perte ou pour toute autre cause : n’ayant pas satisfait à cette condition, une contrainte fut décernée contre eux et l’opposition qu’ils y firent fut déclarée non recevable par jugement du tribunal de Louvain, en date du 18 mai 1843, mais sans préjudice à l’action qu’ils pourront intenter, du chef d’indemnités, pour la perte essuyée pour le fait de l’administration.

M. le ministre ne contesta pas le droit que peuvent avoir les réclamants, et il déclara, dans la séance du 15 janvier 1844, que la demande des fermiers des barrières était fondée en équité mais qu’il ne croyait pas au gouvernement le pouvoir suffisant d’y faire droit.

Le moment de la discussion du budget présentait à M. le ministre l’occasion de s’expliquer à la chambre, sur le droit des réclamants, votre commission à l’honneur de vous proposer de lui faire le renvoi de la pétition.

M. de Theux – Messieurs, je partage en principe l’opinion émise par le ministre des travaux publics, que l’adjudication des barrières constitue un forfait absolu et que, de même que les tenant-barrières ne paient rien de plus, si des circonstances favorables viennent augmenter les transports, de même ils n’ont pas droit à réclamer une diminution des fermages lorsque que par des circonstances imprévues, les transports viennent à diminuer.

Ce principe, je crois qu’il est juste, et qu’il doit être maintenu en règle générale. Cependant, dans la circonstance présente, il y a quelque chose qui milite particulièrement en faveur des adjudicataires, c’est que leur contrat a été passé, en quelque sorte, immédiatement avant l’établissement des transports par le chemin de fer ; de manière qu’ils n’ont et aucunement la jouissance qu’ils avaient espérée, que la perte a été immédiate, et pour toute la durée de leur bail.

Il y a même une circonstance de plus : c’est qu’il semble que l’administration du chemin de fer, au moment où l’on adjugeait les barrières, était déjà occupée à organiser les transports qui ont causé aux adjudicataires un si grand préjudice.

D’après ces circonstances, je crois pouvoir recommander cette affaire à un nouvel examen de M. le ministre des travaux publics.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi relatif à la construction du canal de Turnhout

Motion d'ordre

M. Delfosse – L’honorable M. Dubus nous a présenté, dans la séance de samedi, le rapport sur le canal de la Campine, et la chambre a décidé que la discussion de ce rapport aura lieu entre les deux votes du budget des travaux publics.

Je demanderai à la section centrale, dont l’honorable membre a été l’organe, si elle ne sera pas bientôt prête à nous soumettre aussi son rapport sur les autres travaux compris dans le même projet de loi ; je veux parler du chemin de fer de Tournay à Jurbise, de St-Trond à Hasselt, et du canal de Liége à Maestricht.

La section centrale doit sentir qu’il est très urgent que ce rapport soit présenté ; d’après toutes les probabilités, la session ne sera plus d’une longue durée et un retard de quelques jours dans la présentation du rapport pourrait avoir pour résultat un retard d’une année dans les travaux.

Nous n’avons pas fait la moindre opposition au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, nous avons voté sans répugnance pour ce chemin de fer qui nous enlève un débouché important pour le donner au district de Charleroy, parce que nous avions foi dans la justice de la chambre, parce que nous étions convaincus, comme nous le sommes encore, que la chambre n’hésitera pas à nous accorder la compensation dont le gouvernement a reconnu la nécessité.

J’espère que la section centrale voudra bien prendre en considération les courtes observations que je viens de lui soumettre, et qu’elle mettra dans son travail toute l’activité possible.

M. le président – Messieurs, la section centrale s’est réunie aussitôt qu’il lui a été possible et a mis toute célérité dans l’examen du projet.

Des rapports vous ont déjà été faits sur une partie de l’art. 1er ; j’espère que d’ici deux ou trois jours vous aurez un rapport sur une autre partie.

Quant au canal latéral à la Meuse, la section centrale a chargé son président d’engager M. le ministre des travaux publics de se rendre demain au sein de la section centrale pour donner des explications. Il m’est impossible de dire si elle terminera demain l’examen de cette partie du projet.

En ce qui concerne l’article du projet relatif au chemin de fer de Jurbise, il faut attendre que les travaux de la section centrale sur l’art. 1er soit terminé, avant qu’elle s’occupe de l’art. 2.

Projet de loi prorogeant au 1er mai 1846 l'article premier de la loi du 12 avril 1835, concernant les péages du chemin de fer

Dépôt

Projet de loi prorogeant au 1er avril 1847 la loi sur les concessions de péages

Dépôt

Projet de loi relatif à la fixation du tarif des voyageurs et des bagages sur le chemin de fer

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, j’ai présenté hier et je dépose aujourd’hui sur le bureau un projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à continuer la perception des péages du chemin de fer ; c’est une loi de prorogation ordinaire ; et un second projet de loi relatif à la fixation du tarif des voyageurs et des bagages sur le chemin de fer.

L’un de ces projets a un caractère d’urgence ; c’est celui de prorogation générale ; il n’amènera probablement pas de discussions. Je demande donc que la chambre veuille bien en ordonner le renvoi à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics, et qui pourra nous faire son rapport dans un court délai. La discussion de ce projet est urgente, car le terme est expiré depuis quelques jours.

Quant au projet de loi relatif au tarif des voyageurs, comme l’objet est beaucoup plus important, la chambre désirera probablement que l’examen en soit fait par les sections.

J’ai un troisième projet de loi à présenter : c’est celui sur la prorogation des concessions de péages ; je pense aussi que la section centrale du budget des travaux publics pourra être saisie de son examen. C’est un projet de loi qui probablement n’entraînera pas non plus de longs débats, et il est essentiel que la chambre puisse s’en occuper dans un bref délai.

- Le projet de loi relatif à la prorogation de la loi concernant la perception des péages du chemin de fer et celui relatif à la prorogation de la loi sur les concessions de péages sont renvoyés à l’examen de la section centrale du budget des travaux publics.

Le projet de loi relatif à la fixation du tarif des voyageurs et des bagages sur le chemin de fer est renvoyé à l’examen des sections.

Motion d’ordre

Droit de barrières

M. Delehaye – Il y a deux mois, messieurs, j’ai demandé, dans l’intérêt de l’agriculture, pour laquelle on manifeste tant de sympathie, un prompt rapport sur une pétition d’un grand nombre de cultivateurs qui se plaignaient de la taxe qu’ils sont obligés de payer aux barrières les plus rapprochées de la ville. Je désirerais que ce rapport nous fût présenté sans autre retard, car je pense que pour faire droit aux réclamations, une loi sera nécessaire, et il me semble que cette loi devrait être votée dans la section actuelle. Vous avez déjà exprimé trop de sollicitude pour l’industrie agricole pour ne pas faire droit à ma demande.

M. de Saegher – Je suis chargé du rapport sur la pétition dont il s’agit. Ce rapport est prêt depuis plusieurs jours mais jusqu’ici la commission n’a pu se réunir. Je ferai en sorte que le rapport puisse être présenté dans la séance de demain.

Projet de loi portant le budget du département des travaux publics de l’exercice 1845

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration générale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000 »

– Adopté.

Article 2

« Article 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 143,650 »

M. David – Je viens, messieurs, vous présenter quelques observations concernant l’art. 2 du chap. Ier : « Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service, s’élevant à 143,650 fr. ».

A l’occasion du chiffre que je viens de citer, je remarque que M. le ministre des travaux publics avait émis le vœu de voir majorer ce chiffre d’une somme de 35,520 fr., pour que tout le personnel actuel du ministère des travaux publics fût porté au budget de son département.

J’ai remarqué avec étonnement que M. le rapporteur de la section centrale a dit : « que la section centrale ne pensait point pouvoir faire cette proposition à la chambre, parce que ce serait donner des titres et une position définitive à certains employés qui ne sont placés que provisoirement. »

Je ne sais où la section centrale a puisé ces renseignements ; mais, si je suis bien renseigné, la section centrale est complètement dans l’erreur, quant à ce qui concerne la position des employés qui ont été payés jusqu’ici par simple mesure d’imputation sur le fonds spécial. Aucun de ces employés n’est placé temporairement ; ils sont tous attachés au département des travaux publics, au même titre et par les mêmes nominations que ceux de leurs collègues qui sont déjà portés au budget, et ce sans aucune différence. Ils sont tous nommés soit par arrêté royal, soit en vertu d’arrêtés ministériels. Presque toutes ces nominations datent du première ministère de M. Nothomb ; un ou deux seulement, du ministère de M. Rogier.

Je prierai donc, au besoin, MM. les anciens ministres des travaux publics, Nothomb, Rogier et Desmaisières, de déclarer s’il a été dans leurs intentions de ne donner que des positions temporaires aux personnes qu’ils ont appelées au département, et, si, parmi ces personnes, ils ont établi des différences. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, dans le cas où mes assertions seraient contestées, de vouloir nous fournir l’état nominatif de tous les fonctionnaires de son département, indiquant la date d’entrée des divers fonctionnaires ou agents à son département, leur rang et ancienneté dans l’administration publique ; car, j’en suis certain, la chambre ne voudrait pas être la cause d’une injustice, d’une méprise involontaire.

L’on verra, par ce tableau, que la plupart de ceux que l’on dit ne posséder qu’une position provisoire, sont les plus anciens, au moins en ce qui concerne les divisions du chemin de fer ; qu’ils datent tous, à l’exception d’un (page 971) ou deux, comme je viens de le dire, de l’organisation de ces divisions sous M. Nothomb, et qu’ils ont ainsi déjà fait leurs preuves dans les administrations successives de quatre ministères différents. Déjà presque tous ont obtenu des marques de satisfaction, des récompenses de l’honorable ministre actuel, M. Dechamps. Et cependant c’est à ces mêmes employés que l’on voudrait disputer aujourd’hui leur position effective au département.

Loin de moi, messieurs, de voir dans ce fait une idée de catégorie ou de favoritisme. Je ne puis y découvrir autre chose, que la section centrale a été mal renseignée.

Je crois donc devoir prier la chambre d’accueillir la demande de M. le ministre des travaux publics, tendant à porter tout le personnel actuel de son ministère au budget.

Je crois devoir attirer l’attention de l’assemblée sur un fait essentiel : c’est que les 33,520 fr. qui doivent être reportés au budget, et qui ainsi ne figureront plus d’une manière anormale et tout à fait irrégulière sur les fonds destinés à l’établissement des chemins de fer, ne concernent pas exclusivement la division des chemin de fer en construction, mais qu’elle se trouve répartir sur divers autres services du département.

La division de construction, substituée par l’arrêté du 1er mars, à la division des travaux et du matériel du chemin de fer ne comporte, dans l’état actuel, que 18,000 fr. environ sur les 33,520 dont il est question.

Refuser au ministre des travaux publics sa demande, ce sera non-seulement commettre une grave injustice à l’égard des employés du ministère, mais ce sera entraver, même empêcher complètement l’établissement de tout contrôle quelconque de la part du ministère sur les opérations de chemin de fer, tant en recette qu’en dépense, et c’est cependant ce que nous demandons tous avec une si vive instance !

Les 35,520 fr. dont il est question, représentant les traitements et salaires des agents déjà employés au ministère, ce sera au ministre à voir si l’établissement du contrôle supérieur des recettes et de la statistique du chemin de fer qui jusqu’ici n’existaient pas au ministère, n’exigeront point une plus forte augmentation.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – En effet, messieurs, depuis l’arrêté du 1er mars, que j’ai pris, et qui réorganise l’administration des chemins de fer au département des travaux publics, il est devenu essentiel de rétribuer les fonctionnaires de l’ancienne division de construction, non plus sur le fonds spécial, mais sur l’art. 2 du budget. Comme le dit l’honorable M. David, lors de l’organisation des bureaux du département, en 1838 et 1840, l’administration des chemins de fer a été divisée en deux grandes sections. Les attributions de ces deux divisions du chemin de fer ont pu varier, on a pu même adopter, à l’égard de la division de construction, un système d’imputations spéciales, c’est-à-dire rétribuer les employés de cette division sur le fonds de construction ; mais toujours les employés ont été considérés comme appartenant au département ; depuis l’origine, il a été dans l’intention de tous mes prédécesseurs de continuer à les attacher au département des travaux publics. Seulement il a eu différences manières de répartir les attributions ; ces différentes manières s’expliquent par les faits, qui se sont présentés. Ainsi, lorsque l’honorable M. Desmaisières, en 1842, a transformé une partie des divisions du chemin de fer en division des chemins de fer en construction, c’est parce que la construction des chemins de fer avait pris une très-grande extension, c’était pendant les travaux de la Vesdre. A la même époque, et antérieurement surtout, l’exploitation n’avait pas pris le développement qu’elle a pris depuis.

Aujourd’hui, messieurs, j’ai cru, à cause de la situation même des choses qu’il fallait en revenir aux principes de l’arrêté organique de 1840, qui admet, pour l’administration du chemin de fer, deux grandes divisions, dont l’une est la division des transports, la division de l’exploitation proprement dite, la division commerciale, la division des résultats, et dont l’autre est la division des travaux et du matériel. C’est là, messieurs, la division logique, et c’est celle qui a été admise en 1840. Je ne propose donc pas une innovation, je propose seulement d’en revenir aux principes admis antérieurement, et je pense que la situation des choses exige maintenant les dispositions de l’arrête que j’ai pris à cet égard.

L’honorable M. David vient de vous le dire, messieurs, il y avait des lacunes dans l’administration des chemins de fer, au département des travaux publics, relativement à l’exploitation des chemins de fer. Ces lacunes existaient surtout en ce qui concerne la comptabilité des recettes, la statistique, la comptabilité-matière, au point de vue du contrôle que le département des travaux publics doit nécessairement exercer sur l’administration de nos chemins de fer. C’est dans un but de bonne administration que l’arrêté du 1er mars a été pris. Cet arrêté n’a rencontré aucune observation critique ; au contraire, l’honorable M. David a bien voulu en faire l’éloge. Je crois qu’il produira des résultats heureux, mais pour qu’il reçoive exécution, il est nécessaire qu’une somme de 35,520 fr. soit ajoutée au chiffre des traitements des fonctionnaires et employés. Ce ne serait pas là une augmentation, ce serait seulement un changement d’imputation, cette somme serait payée sur les fonds du budget, au lieu d’être payée, comme elle l’a été jusqu’à présent, sur le fonds spécial de construction.

M. Mast de Vries, rapporteur – Messieurs, l’arrête du 1er mars régularise la position des employés du chemin de fer ; mais cet arrêté, la section centrale n’en avait aucune connaissance lorsqu’elle a examiné le budget. Nous avons donc dû agir comme nous l’avons fait, c’est-à-dire demander que les employés dont il s’agit fussent encore payés sur le fonds de construction ; nous avons dû le demander pour ne pas changer la position de ces employés. Aujourd’hui, M. le ministre propose de porter leur traitement au budget ; je n’ai pas de raison pour m’opposer à cette proposition ; je crois que l’arrête régularise tout à fait la matière, mais je ferai remarquer que ce n’est pas une somme de 35,520 fr. qui doit être portée au budget de cette année, ce n’est qu’une somme de 30,000 fr., car les deux premiers mois ont été payés sur le fonds de construction. Il ne faut donc plus porter que la somme nécessaire pour les dix derniers mois, c’est-à-dire les 5/6 de la somme totale, soit 30,000 fr. De cette manière, il serait satisfait à l’observation de l’honorable M. David, et tout serait régularisé.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’observation de M. le rapporteur est très-exacte, et je me rallie à sa proposition, qui consiste à ajouter 30,000 fr. au chiffre demandé à l’art. 2. Ce chiffre serait donc de 173,650 fr.

- Le chiffre de 173,650 fr. est mis aux voix et adopté.

Articles 3 à 6

« Art. 3. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage et menues dépenses : fr. 22,000 »

– Adopté


« Art. 4. Annales des travaux publics : fr. 9,000 »

- Adopté


« Art. 5. Ameublement de l’hôtel du ministre : fr. 6,400 »

- Adopté


« Art. 6. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et employés de l’administration centrale : fr. 8,000 »

- Adopté

Chapitre II. Ponts et Chaussées; canaux, rivières et polders; ports et côtes; bâtiments civils; personnel des ponts et chaussées

Section I. Ponts et chaussées
Discussion générale

M. Lange – Sans doute, messieurs, vous allez m’accuser d’être fastidieux, mais à qui la faute ? Vous décrétez une loi, et le gouvernement n’en présente pas le projet, si impatiemment attendu, et depuis quand !

Dès le 6 mars 1831, le congrès national décréta qu’une loi déterminerait définitivement la classification des routes.

Une loi postérieure du 18 mars 1833, comme le décret du congrès national, faisait une obligation expresse au gouvernement de présenter aux chambres, un projet de loi à cet égard, puisqu’on y lit, article 4 : « Une loi déterminera ultérieurement la classification des routes ».

Si nous recourons au rapport de l’honorable M. de Jaegher, fait dans la séance du 2 mars 1838, au nom de la commission spéciale sur le nouveau projet de loi relatif à la taxe des barrières, nous y lirons : « Votre commission n’a d’abord pas pu confondre la classification des routes avec la loi qui détermine le taux de la taxe. Cette classification doit faire l’objet d’une loi spéciale, tout à fait indépendante qu’elle est de l’impôt ».

M. le ministre de travaux publics, M. Nothomb, invité, dans votre séance du 8 mars 1838, à faire connaître à la chambre s’il partageait l’opinion de la commission sur ce point, s’est exprimé en ces termes : « Je suis d’accord avec la commission que la classification des routes, à laquelle le gouvernement doit procéder, comme il y est obligé par l’un des lois du 18 mars 1833, est indépendante de la taxe qui est uniforme sur toutes les routes, quelle que soit la classe à laquelle elles appartiennent. »

En résume, le principe fut consacré en 1831, sanctionné de nouveau, s’il en était besoin en 1833, reconnu formellement encore en 1838 ; à quoi donc attribuer ce long retard de la part du gouvernement, à nous présenter un projet de loi sur la classification des routes ?

Ecoutons les organes du pouvoir :

Dans la séance du 8 mars 1838, l’honorable M. Nothomb, nous disait : « Lorsque le gouvernement aura recueilli toutes les données statistiques dont il a besoin et qui sont loin d’être rassemblées aujourd’hui, il procédera à cette classification.

« C’est une mesure qu’un de mes prédécesseurs a tentée, il y a quatre ans ; mais il a été reconnu alors que les renseignements étaient loin d’être complets.

« En ce moment, il y a un grand nombre de routes en cours d’exécution, d’autres ont encore été décrétées cette année ; et ce ne sera probablement que l’année prochaine qu’on pourra songer à l’étude définitive de la classification des routes. »

En 1839, ce même ministre, répondant à la députation permanente du conseil provincial du Hainaut, qui réclamait que la classification des routes ordonnées par l’art. 3 du congrès national du 6 mars 1831 et l’article 4 de la loi du 18 mars 1833, eût lieu le plus tôt possible, s’exprimait en ces termes : « Ce travail, fort délicat en lui-même, n’est pas encore arrivé à un degré de maturité tel qu’il soit possible qu’il puisse être soumis à la législature dans le cours de la présente session ».

En effet, la session de 1839 à 1840 s’est écoulée sans présentation de projet de loi.

Poursuivons :

Dans la séance du 21 février 1842, l’honorable M. Desmaisières répondit à ma réclamation : « La chambre comprendra que la classification des routes n’ayant jamais été déclarée urgente, je n’ai pu m’en occuper, vu le peu de temps que j’ai l’honneur d’être au ministère des travaux publics, où j’ai beaucoup d’autres occupations de toute espèce.

« Je porterai mon attention sur cet objet le plus tôt possible ».

(page 972) Dans cet état de choses, arrive l’avènement au ministère des travaux publics de l’honorable M. Dechamps ; je crois voir arriver en même temps la présentation d’un projet de loi sur la classification des routes : point ! Sur mes observations, l’honorable M. Dechamps, dans la séance du 21 février 1844, nous tint ce langage : « Si le gouvernement ne s’est pas occupé de la loi sur la classification des routes attendue depuis le Congrès, la raison en est simple : la loi du 1er mai 1834 a décrété l’établissement des chemins de fer en Belgique ; eh bien ! le gouvernement a compris que le chemin de fer pouvait bouleverser tout l’ancien système de classification de nos routes.

« Les routes de 1er classe, devenues des routes parallèles au chemin de fer, n’ont plus qu’une importance accessoire. Ainsi, les routes de Bruxelles à Anvers, à Gand, à Liége, sont précisément maintenant les routes abandonnées, les routes de second ordre ; tandis que les routes qui, dans l’ancien système, figuraient à la 2e et à la 3e classe, et qui sont maintenant transversales et affluent au chemin de fer, sont transformées en routes de le classe.

« Ainsi, l’honorable M. Lange, comprendra, jusqu’au moment où nous sommes arrivés, jusqu’au moment de l’achèvement du réseau des chemins de fer, il était impossible au gouvernement de déterminer la classification des routes ».

De son côté, M. le ministre comprit que l’établissement des chemins de fer décrété par la loi du 1er mai 1834, quoique devant exercer quelque influence sur le système de classification des routes, ne pouvait cependant y faire obstacle, puisque le chemin de fer était en construction à la date du 30 avril 1836, époque de la promulgation de la loi provinciale qui, dans son art. 78, confirma les dispositions de l’art. 3 du décret du congrès, du 6 mars 1831 et de l’art. 4 de la loi du 18 mars 1833, puisqu’il y est dit : « Le classement des routes provinciales et de l’Etat est réglé par la loi, sur l’avis préalable des conseils provinciaux ».

M. le ministre compris aussi qu’au moment où nous sommes arrivés, il y a moins de motifs qu’en 1836 pour retarder la présentation de ce projet de loi, puisque notre système de chemin de fer est complet ; aussi s’empressa-t-il d’ajouter :

« Je reconnais qu’aujourd’hui cette possibilité existe ; aussi, j’ai mis ce travail à l’étude. J’ai demandé un projet complet sur la classification des routes, en prenant le réseau du chemin de fer comme base de cette classification.

« Cette question est entourée de beaucoup de difficultés, et l’on comprendra que le travail que j’attends n’a pu être confectionné jusqu’ici ».

Un an et plus s’est écoulé depuis lors ; j’aime donc à croire que M. le ministre des travaux publics possède aujourd’hui tous les éléments nécessaires à la présentation d’un projet de loi depuis trop longtemps attendu et qui, en conciliant tous les intérêts, doit faire la juste part de chacun, selon son droit, dans la répartition des fonds destinés à l’entretien, à l’amélioration et à la construction des routes pavées et empierrées.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Effectivement, d’après le décret du 6 mars 1831, le gouvernement a le devoir de présenter à la législature une loi sur la classification des routes. L’honorable M. Lange vient de reproduire les motifs sur lesquels je me suis appuyé, en dernier, pour faire comprendre l’impossibilité où s’est trouvé le gouvernement de réaliser le vœu du congrès, le chemin de fer ayant amené une perturbation dans le système des routes, telle route de 1er classe n’ayant plus que l’importance d’une route de 2ème classe, telle route provinciale ayant acquis, comme affluent d’un chemin de fer, l’importance d’une route de 1re classe. Ce travail était donc très-difficile avant l’achèvement du chemin de fer, avant de connaître son influence sur les routes des différentes classes. J’ai promis à la chambre de faire instruire soigneusement cette question. Je l’ai fait : le conseil des inspecteurs m’a présenté un travail complet sur une nouvelle classification de routes, prenant pour base le chemin de fer de l’Etat. Ce travail a exigé beaucoup de soin et d’études ; il m’a été remis, il y a peu de temps ; il a été longuement médité, il me reste à l’examiner mûrement de mon côté ; mais avant que je puisse présenter à la législature un projet de loi de classification des routes, je dois obtenir l’avis préalable des conseils provinciaux. Aux termes de l’art. 78 de la loi provinciale, « Le classement des routes provinciales et de l’Etat est réglé par la loi, sur l’avis préalable des conseils provinciaux ». Mon intention est donc de soumettre aux conseils provinciaux, dans leur session prochaine, le travail des ponts et chaussées. Quand un avis me sera parvenu, je serai en mesure de me prononcer sur l’utilité de la présentation du projet de loi réclamé par plusieurs membres.

M. Lange – M. le ministre des travaux publics convient que déjà, depuis 1831, un projet de loi devait être présenté. Pour différer cette présentation, il a allégué, je dois le reconnaître, cette raison que le chemin de fer devait exercer quelque influence sur la classification des routes. Mais toujours est-il que, l’année dernière, M. le ministre nous promettait un projet de loi, puisqu’à cette époque, disait-il, il attendait le travail de la commission qu’il avait nommée.

M. le ministre des travaux publics me répondait, à la date de février 1844, et je devais penser que, du mois de février 1844 au mois de juillet de la même année, époque à laquelle les conseils provinciaux s’assemblent, les renseignements auraient pu être demandés et recueillis de la part de M. le ministre des travaux publics.

Aujourd’hui, on vient seulement de recevoir le rapport de la commission ; il faut, dit-on, l’examiner mûrement, et ce ne sera que l’année prochaine qu’un projet de loi pourra être présenté ; et pour quel motif ? Pour le motif que vous invoquez vous-même, dit M. le ministre. D’après la loi provinciale, les conseils provinciaux doivent être consultés pour la classification des routes.

M. le ministre aurait pu ajouter que les conseils provinciaux ne s’assemblent que le premier mardi de juillet de chaque année ; mais puisque la loi de la classification des routes est réclamée partout à cor et à cris, puisqu’elle doit concilier tous les intérêts, je me permettrai de faire observer à M. le ministre des travaux publics que, d’après la loi provinciale, les conseils provinciaux peuvent être assemblés extraordinairement. (Oh ! oh !). Cet objet est assez important pour que cette mesure soit prise.

J’appelle, du reste, l’attention de M. le ministre sur ce point, et j’espère que ce sera le dernier terme, si tant est qu’on doive attendre jusqu’à l’année prochaine.

M. Lesoinne – Messieurs, j’ai quelques observations à présenter à M. le ministre des travaux publics sur un objet assez important.

La manière dont on a appliqué l’art. 7 du titre 28 de l’ordonnance de 1669, relativement aux chemins de halage, a donné lieu à beaucoup de contestations et de procès avec le gouvernement. La législation sur la largeur à donner aux chemins de halage est assez incertaine ; c’est une servitude, mais cette servitude est comprise, par certains fonctionnaires de l’Etat, d’une manière plus ou moins absolue. Par exemple, la largeur de 9 mètres 75 centimètres, fixée par l’ordonnance que je viens de rappeler, est évidemment exagérée pour certaines localités. Aussi, la législation postérieure, celle de 1808, a attribué à l’administration la faculté de restreindre cette largeur.

L’art. 4 de cette loi porte :

« L’administration pourra, lorsque le service de la navigation n’en souffrira pas, restreindre la largeur des chemins de halage, et notamment quand il y aura antérieurement des clôtures, haies, murailles ou travaux d’art ou des maisons à détruire ».

Et MM. C. de Brouckere et Tielemans, dans le répertoire d’administration et du droit administratif de la Belgique, s’expriment ainsi sur les chemins de halage :

« 1. Le sol des chemins de halage ne cesse point d’appartenir aux propriétaires riverains ; et par conséquent, ils ont seuls le droit d’en tirer à leur profit tous les avantages qui ne sont pas incompatibles avec l’exercice de la servitude. Ainsi, ils peuvent faucher et recueillir les herbes qui y croissent. Ainsi encore, s’il était reconnu que la rivière n’est navigable que pendant quelques mois de l’année, ils pourraient cultiver et ensemencer la partir du chemin qui, dans cette hypothèse, ne serait pas temporairement nécessaire au trait des chevaux, sauf à laisser libre l’espace de dix pieds qui est nécessaire au public dans tous les temps. »

Les chemins de halage ne sont pas considérés et ne peuvent pas être considérés comme grand’routes de l’Etat. Or, au lieu d’adoucir cette législation, qui est déjà assez rigoureuse pour les propriétaires riverains, on est venu poser des bornes sur le terrain même de ces propriétaires, pour marquer les distances de halage.

Je voudrais donc que le gouvernement procédât à la révision de cette législation, et qu’on fixât enfin la position des propriétaires riverains. Naturellement on doit sacrifier l’intérêt privé à l’intérêt général, mais il faut que la nécessité en soit parfaitement démontrée. La révision de la loi aurait pour résultat d’éviter au gouvernement beaucoup de tracasseries, beaucoup de procès qui ne sont pas tous jugés à son avantage.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je répondrai à l’honorable préopinant, quand nous arriverons à l’article spécial « Canaux et rivières ».

M. Malou – Messieurs, je ne comprends pas bien l’utilité de la motion que l’honorable M. Lange a faite les années antérieures et qu’il reproduit aujourd’hui.

S’il s’agissait de donner aux provinces des routes réellement accessoires, peu fréquentes et peu productives, je crois que l’honorable membre renoncerait très-volontiers à sa motion ; je ne puis donc voir dans cette proposition que le désir, bien légitime sans doute, au point de vue où l’honorable membre se place, de faire attribuer aux provinces une partie des revenus des routes réellement utiles, des routes de grande communication, revenus qui, dans l’état actuel des choses, profitent à la généralité du pays.

Puisque M. le ministre des travaux publics s’occupe de la classification des routes, je l’engage beaucoup à ne pas diminuer les recettes qui tournent au profit de tous, pour doter certaines provinces de communications qui aujourd’hui profitent au fonds commun des barrières.

La classification des routes a fait l’objet d’une mesure temporaire de la part du congrès ; c’est une loi que le congrès a faite, mais ce n’est pas une disposition constitutionnelle. Depuis lors on s’est occupé en réalité de la classification des routes, et si mes souvenirs sont fidèles, cette classification résulte de l’un des tableaux annexés à l’une des lois relatives aux barrières, et qui portent la date du 18 mars 1833. De là résulte la classification des routes ; si la question devait se reproduire, j’insisterais très-vivement pour qu’elle fût résolue au point de vue de l’intérêt général.

M. de Brouckere – Messieurs, je me permettrai de dire, à l’occasion de la motion faite par l‘honorable M. Lesoinne, que l’on s’occupe de la question qu’il a soulevée ; qu’elle fait en ce moment l’objet d’un examen particulier de la part de l’administration provinciale et que celle-ci ne tardera pas probablement à achever un rapport à M. le ministre des travaux publics. Il est vrai de dire que des plaintes se sont manifestées de divers côtés. Je ne prétends pas qu’elles soient fondées, mais il suffit qu’elles aient surgi pour qu’elles deviennent l’objet d’un examen attentif.

M. de Tornaco – Messieurs, lorsqu’on jette un coup d’œil sur les voies de communication de la province de Liége, et qu’on les compare aux voies de communications dont jouissent les autres provinces, on est péniblement (page 973) surpris de reconnaître l’infériorité de la province de Liége, sous ce rapport.

La province de Liége n’a pas un seul canal. Le beau fleuve qui la traverse dans toute sa longueur est d’une navigation difficile et souvent interrompue. Plusieurs rivières qui parcourent une partie notable de son territoire et qui pourraient être rendues navigables, sont dans une sorte d’abandon ; et quant aux routes, la province de Liége n’en a pas la moitié autant que chacune des autres provinces du royaume.

Le gouvernement des Pays-Bas avait été frappé de cette situation de la province de Liége. Aussi, à peine s’était-il assis, que déjà il s’occupait de doter la province de Liége de moyens de communications de la plus haute importance.

Parmi ces moyens de communication, je me bornerai à citer le canal de la Meuse-et-Moselle, la route de Tirlemont à Stavelot et le canal latéral de la Meuse. Le canal de Bois-le-Duc devait, comme chacun le sait, aboutir à la ville de Liége.

Les événements, peut-être aussi l’indifférence du pouvoir, ont mis obstacle à l’exécution ou à l’achèvement de ces utiles travaux. Quoi qu’il en soit, il est temps que la province de Liége sorte enfin de la situation exceptionnelle où elle se trouve sous le rapport des voies de communication. Elle aurait lieu de se plaindre amèrement, si le gouvernement ne cherchait pas à réparer les longues années qui ont été perdues.

Bien que ma confiance dans le gouvernement ne soit pas des plus robustes, je dois pourtant dire que depuis la présentation du projet de loi concernant le canal de la Meuse, j’ai conçu quelqu’espérance pour la province de Liége. C’est aussi guidé par cette espoir, que je viens me permettre de recommander à la sollicitude de M. le ministre des travaux publics quelques-uns des travaux qui me paraissent le plus urgents.

Il est une route qui est attendue avec une vive impatience dans la province de Liége, c’est la route qu’on a appelée d’Entre-Meuse-et-Ourthe. Cette route doit traverser une contrée qui forme environ le quart de la province de Liége et dans laquelle il ne se trouve pas un seul chemin vicinal qui soit praticable.

Les habitants de cette contrée sont tout disposés à faire de grands sacrifices pour obtenir des voies de communication, ce qui le prouve, c’est qu’ils ont déjà souscrit en faveur de la route d’Entre-Meuse-et-Ourthe, et cela pour le parcours de 25 kilomètres seulement, une somme qui dépasse 100 mille fr. Ce qui donne surtout de l’importance à ce projet de route et doit hâter son exécution, c’est qu’il doit, pour ainsi dire, servir de point central des communications de la contrée qu’il traversera. Tant que cette route ne sera pas construite, il sera impossible de faire aucun travail de voie vicinale dans l’Entre-Meuse-et-Ourthe.

Je prie M. le ministre de ne pas perdre de vue cette observation et de vouloir bien activer les travaux relatifs à cette route. J’espère aussi que le gouvernement se montrera généreux et qu’il fera quelques sacrifices pour doter de cette importance communication une contrée dont les habitants sont peu favorisés par la fortune.

Une autre route sur laquelle j’appellerai aussi l’attention de M. le ministre des travaux publics est celle de Tirlemont à Stavelot. Le projet a été conçu sous le gouvernement des Pays-Bas ; je crois qu’il date de 1822. On construisit alors la section de Tirlemont à Huy, et, en 1837, la province décida la construction de la partie de Huy à Stavelot.

Les deux extrémités de la route projetées ont été construites, mais la partie centrale a été, pour ainsi dire, oubliée ; du moins, on ne s’en occupe pas. Cependant, la partie intermédiaire de cette route est la plus nécessaire, car elle doit mettre en communication les riverains des deux côtés de l’Ourthe, qui, une partie de l’année, ne peuvent nullement communiquer entre eux. Les habitants de Stavelot n’ont pas de route pour se rendre à Huy, qui est le chef-lieu de leur arrondissement. Ils se trouvent dans une position singulière : d’un côté, le gouvernement ne veut pas accéder à leur vœu, si souvent exprimé en tendant à être détachés de l’arrondissement de Huy, et il ne leur donne pas de moyen de se transporter au chef-lieu d’arrondissement. J’engagerai M. le ministre à faire cesser cet état de choses. La route dont il s’agit est d’une utilité incontestable.

Je terminerai en demandant à M. le ministre s’il ne pourrait pas nous dire où en est l’affaire du canal de Meuse-et-Moselle.

M. Rodenbach – Messieurs, je pense que depuis notre révolution on a fait en Belgique plus de routes et de canaux qu’on n’en avait fait depuis plusieurs siècles ; car il y a je crois quatre cents lieues de pavé qui ont été achevé depuis 14 à 15 ans. Je pense que la province de Liége, dont l’honorable préopinant vient de parler, n’a pas à se plaindre de la part qu’elle a eue dans la distribution des travaux publics. Les routes des autres provinces, notamment des Flandres, ont été faites aux frais des provinces. Ce sont les provinces qui ont fait les immenses routes qu’on remarque dans les Flandres et notamment dans la Flandre-Occidentale. Le gouvernement n’a contribué en rien à leur construction. Si les communes des autres provinces veulent aussi faire des routes sans subsides, elles le peuvent, rien ne les en empêche. Ce n’est pas que je trouve que la province de Liége n’ait pas de raison de réclamer certaines routes pavées. Cependant, si nous jetons un coup d’œil sur cette province, nous trouvons que de grands sacrifies ont été imposés aux contribuables dans l’intérêt de cette province. Rien que pour le chemin de fer, huit lieues ont coûté quatre millions par lieue, c’est-à-dire 32 millions. Voilà une somme énorme qui a été dépensée dans la province de Liége. Tous les ans, depuis plusieurs années, nous voyons figurer 200 mille francs pour travaux à faire à la Meuse. C’est toujours dans l’intérêt de la province de Liége. Cette province n’a donc pas à se plaindre. En général, peut-être néglige-t-on trop les routes pavées pour s’occuper exclusivement du chemin de fer.

Je dirai que dans le centre de la Flandre occidentale, on n’a ni canaux ni rivières. J’ai réclamé un petit canal agricole, celui du Mandel, qui ne coûterait pas plus de 400 mille francs et pour lequel la ville de Roulers a voté 100 mille francs ; jusqu’ici je n’ai rien pu obtenir.

Nous avons dans notre district une route pavée, celle d’Iseghem à Roulers, qui rapporter jusqu’à 8 p.c. J’ai demandé qu’on l’élargît, qu’on la portât à 4 mètres au lieu de trois, pour faire cesser les accidents fréquents qu’occasionne sa dimension actuelle ; je ne puis l’obtenir ; malgré les promesse des deux précédents ministres des travaux publics, on n’a encore rien fait.

Je crois que notre province a moins à se féliciter de la part qu’on lui a faite dans la distribution des travaux publics, que la province de Liége. Dans le projet de travaux proposés à la chambre qui ne s’élèvent pas à moins de 12 millions, il n’y a rien pour le centre de la province de Flandre occidentale. On est toujours assez mal accueilli quand on vient réclamer pour sa localité ; cependant quand on voit qu’elle est complètement oubliée, on doit pouvoir élever la voix en sa faveur.

J’ai quelques autres observations à présenter, mais j’attendrai que nous en soyons au chapitre relatif aux plantations.

M. Pirmez – Les réclamations que l’on fait pour obtenir la classification des routes sont toutes naturelles ; certaines localités, certaines provinces avaient des routes dont les produits étaient considérables ; le gouvernement a absorbé les routes, comme il a absorbé d’autres intérêts. Il n’est pas étonnant que l’honorable M. Lange insiste pour qu’on en vienne à cette classification qui servirait de base à la répartition des produits, car c’est une réparation qu’il demande, puisque le Hainaut en tirait un produit notable. Autrefois, ces routes n’appartenaient pas à la société belge, car nous ne formions pas une société, nous formions différentes provinces dont les routes étaient des propriétés particulières. Depuis la révolution, le gouvernement s’est emparé de ces routes, comme il a absorbé une foule d’autres intérêts, mais il doit s’opérer une réaction contre cet esprit d’absorption.

Nous demandons la classifications des routes comme une restitution d’un avantage qui nous appartenait et que l’on nous a enlevé.

M. Savart-Martel – Puisqu’on parle en ce moment des routes du Hainaut, je dois rappeler un fait certain ; c’est que toutes les routes du Hainaut, ou du moins presque toutes, ont été construites non point par les anciens gouvernements, mais par la localité même. On nous a dépouillés sans nous rembourser la moindre chose, sans bourse délier ; or, on ne peut ainsi prendre et retirer le bien d’autrui ; voilà ce qu’on oublie souvent quand il s’agit de la province du Hainaut.

Laissez-nous nos routes, nous les entretiendrons, car elles vous produisent près de deux millions, dépenses déduites.

M. Lys – Je viens vous parler, messieurs, de la route de Verviers à Francorchamps, qui a été décrétée, et que M. le ministre nous annonce être en construction. Les travaux de certaine partie de cette route sont en effet adjugés depuis le mois d’août dernier. D’après le cahier des charges, le terrain devait être livré à l’entrepreneur au 1er novembre, et je dois lui dire que jusqu’à présent, non-seulement aucune emprise de terrain n’a été faite, mais l’administration n’a même prévenu aucun propriétaire.

Ce retard est préjudiciable pour l’Etat, par l’augmentation qui résultera dans le prix des terrains, lorsqu’il y aura des labours et des semis achevés, augmentation que l’on aurait pu éviter, si l’administration avait exécuté les clauses du cahier des charges.

Je dirai encore à M. le ministre que le conseil communal de Verviers doit avoir adressé des plaintes au gouvernement, motivées sur ce que les travaux ne sont pas en pleine activité. Si ce rapport ne lui était pas arrivé, je me fais ici l’écho du conseil communal.

Je parlerai maintenant de la route de la Planck, qui doit mettre le marché d’Aubel en communication avec le Limbourg hollandais. Aujourd’hui cette route est devenue d’autant plus nécessaire, qu’on laisse aussi entrer les grains du Limbourg par Moulan ; sans cela, on pourra attribuer, plus tard, au défaut de grains, pour le marché d’Aubel, ce qui ne serait dû qu’au défaut de communication.

Remarquez, messieurs, que ce n’est pas ici une faveur que je réclame, c’est un acte de justice ; et en effet, les communes fournissent avec les souscriptions volontaires une somme de 30,000 fr. et la province, une somme de 30,500 fr. Or, d’après les prévisions, l’Etat n’aurait à fournir que pareille somme de 30,500 fr. C’est là la contribution ordinaire qu’on exige des communes et des provinces. La commune d’Aubel a mis son contingent à son budget de 1845 ; les fonds de la province sont aussi disponibles ; en faisant les emprises en ce moment, le prix en diminuerait, car on pourrait encore planter les haies nécessaires pour les enclos.

Cette route d’Aubel à la Planck fait prolongement de la route de l’Etat, qui relie à la grand’route de Liége à Aix-la-Chapelle. La construction est convenue depuis quelques temps entre la Belgique et la Hollande, si mes renseignements sont exacts, les travaux sur le territoire hollandais sont déjà en activité ; il est, par suite, nécessaire qu’ils soient de même entrepris sur le territoire de la Belgique ; il s’agit dès lors de remplir des engagements internationaux.

M. de Garcia – Chaque année, quand nous arrivons au chapitre « Routes » du budget des travaux publics, on voit surgir une masse de réclamations pour obtenir le concours de l’Etat pour l’exécution de routes empierrées qui manquent dans beaucoup de localités. Quant à moi, je ne ferai pas de réclamation spéciale pour la province qui ma envoyé dans cette enceinte ; j’ai confiance dans la justice de M. le ministre, et je me flatte qu’il satisfera, autant que possible, aux besoins de ces localités. Mais il est une considération (page 974) qui domine toute cette matière. Si l’on n’augmente pas le subside pour la construction de routes nouvelles, je n’hésite pas à dire qu’il est impossible de pourvoir aux besoins les plus urgents. Si, pour le présent exercice, nos finances ne permettent pas une augmentation au chapitre des routes, je demanderai que M. le ministre propose, au prochain budget, un subside plus considérable, car les réclamations proviennent de l’insuffisance du fonds alloué pour cet objet. Il est impossible qu’avec ce subside, on satisfasse aux besoins qui se manifestent de toutes parts. Il suffit d’entendre les réclamations qui émanent des représentants de toutes les provinces, pour rester convaincu que le subside est insuffisant.

On a dépensé des sommes considérables pour les chemins de fer, les canaux et les rivières. Je désirerais qu’au département des travaux publics on s‘occupât sérieusement de doter le pays de routes empierrées qui manquent presque partout. Lorsque tout le pays a concouru aux dépenses considérables des chemins de fer et des canaux, tout le pays doit concourir à donner à toutes les localités un accès facile à ces grandes communications. Or, ce but est loin d’être atteint et laisse beaucoup à désirer.

Nous avons, en fait de pierres empierrées, des voies de grande communication ; mais elles ne sont pas suffisamment reliées. La plupart de nos grandes communications, souvent parallèles ou arrivant au même but que nos chemins de fer, ont perdu beaucoup de leur importance ; généralement elles ne sont pas reliées entr’elles, et pour leur rendre une certaine importance et quelqu’utilité, il faudrait des routes transversales.

J’appelle l’attention de M. le ministre sur ces observations. Si cette année on ne peut accorder un subside plus considérable, je désirerais qu’au moins on l’augmentât l’an prochain. En effet, messieurs, et c’est presqu’incroyable, le subside qui figure au budget pour les routes empierrées n’est guère que le quart de ce qui figure au budget pour les chemins vicinaux, et est beaucoup en-dessous de ce que les communes et l’Etat consacrent à la petite voirie.

Cependant l’importance des routes est bien autrement grande. Leur construction diminuerait les charges des communes, et si le pays était doté, comme il devrait l’être de routes utiles et d’affluents avantageux vers les canaux, les chemins de fer et les rivières, les communes n’auraient plus à faire que des bouts de chemins vicinaux peu dispendieux pour y arriver, et l’on donnerait ainsi la vie et un développement complet à toutes les branches de la richesse nationale. J’insiste donc de nouveau, et avec instance, pour que l’an prochain le subside soit augmenté pour le complément des routes empierrées.

M. de Renesse – J’appuie les observations de l’honorable M. de Garcia. Il est beaucoup de localités qui n’ont pas obtenu de routes depuis 1830, quoiqu’elles aient réclamé depuis longtemps des subsides pour améliorer leurs moyens de communication. Dans le Limbourg, plusieurs routes sont entièrement délaissées. Nous avons une route qui se dirige du Brabant et d’Anvers par Tongres vers l’Allemagne, qui, depuis, 1830, et surtout depuis 1839, est entièrement délaissée. D’autres relations commerciales doivent donc se former. C’est par ce motif que plusieurs localités du Limbourg ont réclamé une route de Tongres vers Visé. D’autres localités réclament des routes dans d’autres directions. Jusqu’ici le gouvernement n’a pas fait droit à ces réclamations parce que les fonds sont trop minimes, surtout depuis que l’emprunt de 6 millions est entièrement absorbé, emprunt qui avait pour objet la construction de routes pavées.

Je crois que, dès l’année dernière, plusieurs de mes honorables collègues, et même les sections, avaient demandé que l’on augmentât la somme pour construction de routes pavées et empierrées. Cette augmentation pourrait mettre le gouvernement à même de faire droit aux réclamations de localités qui n’ont rien obtenu, et qui ont été froissées par le chemin de fer ; car le chemin de fer qui doit se construire dans le Limbourg, d’après le projet du gouvernement, doit porter préjudice à un arrondissement qui déjà a été sacrifié en 1839, et qui n’a jamais rien obtenu.

Je demande que M. le ministre examine si, l’an prochain, ou même cette année, il n’y aura pas moyen d’augmenter le crédit, et de satisfaire aux réclamations des localités qui n’ont rien obtenu depuis un grand nombre d’années.

M. d’Hoffschmidt – Je viens aussi appuyer les observations très-judicieuses de l’honorable M. de Garcia. Il importe que les routes de première classe qui traversent les provinces soient reliées entre elles. Nous en avons la preuve manifeste dans le Luxembourg. Avec les 2 millions qui ont été accordés, on a créé dans le Luxembourg, des routes éminemment utiles. Mais ces routes livrées à elles seules n’ont pas toute l’utilité qu’elles auraient si elles étaient reliées par des routes transversales. C’est ce qui manque entièrement dans notre province. Ainsi, des routes dont j’ai déjà parlé l’année dernière, et qu’on peut appeler agricoles, à cause de leur utilité pour l’agriculture ; des routes qui partiraient du centre de l’Ardenne, et aboutiraient au terrain calcaire, offriraient le moyen de se procurer l’amendement qui leur manque. Une route, par exemple, de Bastogne à St-Hubert traverserait des localités qui n’ont aucune voie de communication, et serait très-avantageuse pour cette contrée ; aussi elle est depuis longtemps réclamée par toutes les populations. Il est probable que si le gouvernement ne vient pas en aide à la province, cette voie de communication restera longtemps sans être faite. La province de Luxembourg s’est cependant imposé les sacrifices les plus onéreux pour ses voies de communication. Elle a voté à ce titre 29 centimes additionnels à la contribution foncière, tandis que dans les autres provinces il n’y a que 6 ou 7 centimes additionnels provinciaux. Vous devez concevoir qu’une telle charge ne peut se perpétuer, que le conseil provincial devra bien alléger les contribuables. Je demande que l’Etat vienne en aide à la province de Luxembourg, par des subsides plus forts que ceux qui lui sont accordés. Sans cela, les routes décrétées dans cette province n’obtiendront pas le degré d’utilité dont elles sont susceptibles.

On a dépense en Belgique, depuis peu d’années, plus de 200 millions pour les voies de communication ; on nous demande encore 12 millions pour l’exécution de travaux publics dans plusieurs provinces. Dans de telles circonstances on ne doit pas croire être quitte envers le Luxembourg, parce que, comme conséquence de la loi sur les chemins de fer, on lui a, par une sorte de compensation, accordé deux millions pour ses voies de communication. Mais il faut, pour parvenir à y construire des routes nouvelles, que le gouvernement majore le crédit pour relier elle entre les communications de cette province et pour faire fructifier ainsi celles qui y existent déjà.

J’engage donc, avec les honorables préopinants, M. le ministre des travaux publics à examiner si, l’an prochain, il ne pourra pas augmenter ce crédit du fonds des barrières.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. de Garcia a appelé l’attention de la chambre sur l’insuffisance du fonds des routes. Cette observation est exacte, mais la situation financière exige qu’on use de réserve et de ménagement même pour des dépenses utiles.

En présence des réclamations qui s’élèvent chaque année dans les chambres, pour obtenir la construction de routes nouvelles, il est évident que la somme portée au budget est insuffisante. Cependant, il faut remarquer que si l’on devait faire droit à toutes les réclamations qui ont surgi, si l’on additionnait toutes les sommes nécessaires pour faire droit à des exigences très-légitimes au point de vue des intérêts locaux, on arriverait à une somme tellement exorbitante que le montant de plusieurs budgets ne pourrait y suffire.

Depuis quelques années, le gouvernement est dans une mauvaise situation relativement aux constructions de routes. Ainsi, d’une part, le produit des barrières, où le gouvernement trouvait ses voies et moyens, a baissé dans une proportion assez considérable depuis la construction du chemin de fer. Cette construction du railway fait diminuer la circulation sur les routes parallèles au chemin de fer. Cependant, ce résultat ne sera pas définitif. Ce qui est arrivé en Angleterre arrivera vraisemblablement en Belgique ; le mouvement se déplace des routes parallèles, il se porte sur les routes transversales, sur les affluents du chemin de fer.

A l’adjudication des barrières, en 1844 et 1845, cette baisse, qui s’était manifestée depuis quelques années, a semblé devoir s’arrêter. D’un autre côté, la somme pour l’entretien des routes va grossissant d’année en année, à mesure qu’on met à l’état d’entretien les sections de routes nouvelles que l’on achève. Mais le gouvernement espère cette année trouver une ressource sans devoir recourir à des demandes d’allocation. Cette ressource, il la trouvera dans les économies qui résulteront du nouveau bail d’entretien. En 1832 un bail de 6 ans pour l’entretien des routes a été approuvé ; il expire le 1er mai de cette année. Dans les conditions qui avaient été stipulées pour ce bail, d’après le cahier des charges, on exigeait un entretien, pour ainsi dire, de luxe, qui n’est plus en rapport avec la situation d’un assez grand nombre de routes où la circulation a considérablement diminué. Le cahier des charges pour le bail nouveau est rédigé d’après les besoins nouveaux qui se sont produits, et il amènera dans les frais d’entretien une diminution assez considérable qui profitera au fonds destiné à la construction de routes nouvelles et à l’allocation des subsides.

L’honorable M. de Tornaco s’est plaint de ce que la province de Liége avait, depuis quelques années, sinon été abandonnée par le gouvernement, en ce qui concerne les travaux publics, du moins avait été négligée, et qu’elle n’avait pas reçu un contingent équitable dans la répartition des subsides.

Messieurs, je rappellerai à l’honorable membre que l’année dernière, sur l’exercice 1844, le gouvernement à commencé la construction de la route de Verviers à Francorchamps, la route de Dolhain à la forêt d’Hertogenwald, et qu’il a accordé un subside assez considérable pour le redressement de la montage d’Ivoz.

Je me suis mis en rapport avec M. le gouverneur de la province de Liége, comme je le fais avec toutes les autres provinces ; afin de nous entendre sur la meilleure répartition possible des fonds qui sont mis à la disposition du gouvernement. Déjà je suis en mesure de prendre une décision pour la construction d’une route entre le pont du Val-Benoît et le pont de Chénée. Je pense que l’ordonnance royale paraîtra bientôt et que les travaux pourront commencer aussitôt que la saison le permettra.

Les routes entre Meuse et Ourthe, dont a parlé l’honorable M. de Tornaco, figurent aussi parmi celles qui les premières devront être construites dans la province de Liége.

Messieurs, les routes entre Meuse et Ourthe se partagent en deux catégories : les routes qu’on appelle longitudinales et les routes dites transversales. Je pense qu’il faut donner la priorité à la construction de la route longitudinale partant du Val-Benoît et se dirigeant vers Holy. Le projet de cette communication est en instruction et je ferai en sorte que cette instruction permette de commencer l’exécution de cette route qui doit être construite avec l’aide des fonds de l’Etat, de la province et des localités intéressées.

Mais, messieurs, il ne faut pas oublier que le gouvernement n’a à sa disposition, pour répartir entre les diverses provinces, qu’une somme de 900,000 fr. à peu près. Il ne faut pas que l’on exige que le gouvernement consacre à quelques provinces les fonds qu’il doit répartir entre toutes d’une manière équitable. La province de Liége, je viens de le démontrer, est loin de se trouver dans l’abandon dont M. de Tornaco a parlé.

(page 975) L’honorable M. Lys s’est plaint de ce que la route de Verviers à Francorchamps n’était pas encore en voie d’exécution. Messieurs, je pense que la seule raison à en donner, c’est que la saison d’hiver très-rigoureuse rend le commencement de ces travaux complètement impossible. Du reste, je prendrai note des observations de l’honorable membre. L’intention du gouvernement est de hâter l’exécution de ce projet qui est décidé.

Quant à la route d’Aubel à la Planck, le projet est en instruction. J’ai reçu le rapport du conseil des ponts et chaussées ; son avis est qu’il faut considérer cette route comme devant être construites par la province avec des subsides du gouvernement et des communes intéressées. L’administration provinciale de Liége persiste à vouloir considérer cette route comme devant être construite par l’Etat avec des subsides provinciaux. C’est une question qui est en instruction, que j’examinerai, et sur laquelle aucune décision n’est prise. Du reste, je ne pourrais promettre aucune allocation sur l’exercice 1845, pour l’exécution de cette route, parce que la somme destinée à la province de Liége a reçu une autre destination.

M. Lys – Je demande la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable comte de Renesse a de nouveau attiré l’attention du gouvernement sur l’exécution de la route de Tongres à Visé. Messieurs, vous savez que dans la province de Limbourg, plusieurs routes importantes sont en voie d’exécution. La route de St-Trond à Herck-la-Ville, celle de Hechtel à Maeseyck, celles de Hasselt à la Meuse et de Hasselt à Beeringen sont en cours d’achèvement. Cependant en présence des réclamations de la ville de Tongres, réclamations que je considère comme très fondées, j’ai ordonné, l’année dernière, des études par les ingénieurs en chef de la province du Limbourg et de la province de Liége, pour amener une construction plus économique. Cette route, d’après les devis primitifs, devait coûter une somme de 640,000 fr. pour un parcours de 2 à 3 lieues. Le gouvernement a chargé les ingénieurs d’examiner s’il ne serait pas possible de trouver un tracé et un mode d’exécution plus économiques.

Messieurs, ces projets me sont parvenus depuis peu de temps. Je me suis empressé d’ordonner l’enquête d’après les règlements sur la matière, et j’espère que la route de Tongres à Visé pourra recevoir un commencement d’exécution dans le cours de l’exercice 1845. J’ai réservé une somme dans la répartition des fonds pour que cette exécution puisse commencer dans le courant de cette année.

L’honorable M. d’Hoffschmidt a entretenu la chambre de l’importance qu’il y aurait en général à relier les grandes routes de l’Etat par des routes transversales. Messieurs, je partage entièrement son opinion. Mais ces routes transversales revêtent, pour la plupart, un caractère provincial. La plupart doivent être construites par les provinces, auxquelles le gouvernement accordera des subsides.

Pour le Luxembourg, messieurs, la chambre le sait, deux millions ont été consacrés à des constructions de routes. Les routes à construire à l’aide de ces deux millions ont été déterminées par le gouvernement, de concert avec la province, et les économies qui ont été obtenues dans les adjudications et qui, je l’espère, s’accroîtront encore, ont permis au gouvernement de décréter une route industrielle, la route des ardoisières, la route de Bertrix à Ste-Cécile, dont l’importance est connue des honorables députés du Luxembourg.

Mais la route agricole de Sibret à St-Hubert n’est pas une route qui pourra être construite par l’Etat, à moins que les économies obtenues sur les routes à exécuter à l’aide des deux millions ne soient assez considérables pour en rendre l’exécution possible par l’Etat. Cependant la route de Barvaux à Xhoris aurait un droit de priorité sur celle de Sibret dont je reconnais du reste toute l’utilité.

Mais l’administration provinciale de cette province a pris une décision par laquelle elle concentre ses principales ressources sur la construction de voies de communication vicinales. Or, par cette décision, les routes provinciales semblent ajournées, et les subsides à accorder par l’Etat à la province concerneront en majeure partie le département de l’intérieur, qui a la voirie vicinale dans ses attributions.

Pour que mon département pût intervenir dans la construction de la route à Sibret, il faudrait que la province fît dresser le projet, et témoignât de l’intention de l’exécuter comme route provinciale.

Il ne me reste plus, messieurs, qu’à répondre à une interpellation de l’honorable M. Rodenbach relativement à la route de Roulers à Iseghem. Il demande que cette route soit élargie. Mais, messieurs, cette route est une route provinciale, et l’administration provinciale jusqu’ici n’a pas saisi le gouvernement d’une demande dans le sens de celle que vient de faire l’honorable M. Rodenbach.

Cette route, au moins d’après le rapport du conseil des ingénieurs, n’a pas une bien grande importance ; plusieurs routes des Flandres, qui n’ont que 3 mètres et même 2 mètres 50, ont une importance aussi grande. Du reste, je ne veux pas me prononcer sur ce point. J’attendrai que l’administration provinciale saisisse le département des travaux publics, d’une demande relativement à l’élargissement de cette route, en indiquant la somme qu’elle veut y consacrer.

M. Lys – M. le ministre vient de nous dire que, d’après l’avis des ingénieurs, la route d’Aubel à la Planck devrait être une route provinciale. Je ne comprends pas, messieurs, cet avis des ingénieurs.

Il y avait une route provinciale qui reliait Aubel à la grand’route de Liége à Aix-la-Chapelle, et il y a deux ou trois ans que cette route provinciale a été déclarée route de l’Etat. Il s’agit aujourd’hui de prolonger cette même route, qui ne va que jusqu’à Aubel, et de la continuer jusqu’à la Planck, distante, je crois, d’Aubel, d’une lieue et demie. Je vous demande sur quoi peuvent se fonder MM. les ingénieurs, pour vouloir qu’on considère comme route provinciale le bout de route à faire, tandis que l’autre partie, qui est beaucoup plus grande, a été déclarée route de l’Etat. Vous voyez donc, messieurs, que cet avis de MM. les ingénieurs n’est nullement fondé.

Je le répète, messieurs, il y a convention entre la Belgique et la Hollande, relativement à cette route, et si mes informations sont exactes, la Hollande a déjà commencé la construction de la partie de la route qui doit faire suite à la route belge. Il y a donc urgence.

M. le ministre nous dit qu’il n’y a pas de fonds disponibles sur l’exercice de 1845 ; eh bien, les communes fournissent 30,000 fr., la province fournit 30,000 fr., voilà 60.000 fr. dont le gouvernement peut disposer ; qu’il emploie cette somme en tout ou en partie, aux travaux à faire en 1845 et qu’il impute ensuite sur l’exercice de 1846, les 30,000 fr. qui forment la part de l’Etat et qui pourront servir au parachèvement de la route.

M. d’Hoffschmidt – M. le ministre des travaux publics n’a pas contesté l’utilité des routes transversales dont nous avons parlé tout à l’heure; mais il prétend que les frais de construction des ces routes doivent être supportés exclusivement par les communes et les provinces. Je reconnais que les provinces, et même les communes, peuvent être appelées à contribuer aux frais de route aussi peu importante sous le point de vue des intérêts généraux du pays ; mais cela ne doit point exclure le subside que le gouvernement accorde en pareille circonstance. M. le ministre des travaux publics a dit qu’il serait disposé à accorder un secours à la province de Luxembourg pour les routes de cette catégorie dans le cas où des fonds resteraient disponibles sur les 2 millions qui ont été votés en faveur de cette province ; mais, messieurs, alors même que ce fonds de 2 millions serait absorbé, il faudrait encore que le gouvernement accordât des subsides à la province sur le fonds des barrières, comme on l’a fait précédemment. Si la chambre a voté une somme de 2 millions pour indemniser le Luxembourg de ce qu’on lui refusait le chemin de fer qui lui avait été promis, ce n’est pas une raison pour que cette province soit plus maltraitée sous le rapport des subsides accordés pour les routes.

Aussi, messieurs, pour la route de Sibret à St-Hubert, la province et les communes que cette route traversera, doivent être appelées à intervenir dans la dépense ; mais je crois que l’Etat doit intervenir également ; il le doit d’autant plus que M. le ministre reconnaît l’utilité de cette voie de communications moins importante que les routes de première classe ; il doit venir en aide aux communes et aux provinces pour la construction de ces routes, lorsque l’utilité en aura été constatée ; sans cela, dans des contrées pauvres comme l’Ardenne, il y aurait impossibilité de le exécuter.

M. de Villegas – J’ai demandé la parole, messieurs, pour répondre quelques mots à ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics. Il me paraît que la justice distributive tant prônée par l’honorable chef de ce département, n’a pas toujours présidé à la répartition des subsides accordés pour constructions de route ; et que ses paroles sont contraires aux actes administratifs.

Pour vous en convaincre, messieurs, il suffit de jeter les yeux sur les tableaux des engagements pris par le gouvernement pour l’année courante. Vous y verrez, par exemple, chose vraiment étonnante, que pour la Flandre occidentale, une somme de 457,000 fr. est allouée, que 170,000 fr. sont accordés au Limbourg, tandis que la Flandre orientale, une des provinces les plus importantes du pays et qui fournit largement dans les impôts de l’Etat, surtout dans la contribution foncière, à cause de sa richesse agricole, n’obtient qu’une somme de 30,000 fr. ! augmentée, il est vrai de 80,000 fr. ; mais c’est pour pavage à l’intérieur de la ville de Gand ; la partie rurale de la plus belle province de la Belgique ne reçoit que 30,000 fr. Voilà ce que M. le ministre des travaux publics appelle de la justice distributive. C’est vraiment incroyable !

M. de Man d’Attenrode – Messieurs, puisque chacun vient recommander au gouvernement la construction d’une route agricole, je me crois obligé d’en signaler une au gouvernement, qui a une importance plus grande, et que ma position me met à même de connaître.

Par arrêté du 25 mars 1840, le gouvernement a fait construire une chaussée de Hannut par Landen à la route de Tirlemont à St-Trond.

D’après l’exposé des motifs de cet arrêté, cette communication était destinée à établir une jonction entre les nouvelles routes de la Hesbaye et les routes du Limbourg.

Un arrêté royal a approuvé la construction d’une route provinciale de Dormael à Léau ; cette route commence en quelque sorte au point où celle de Hannut vient d’aboutir.

Voici l’exposé des motifs :

« Considérant que cette route destinée à être prolongée vers Haelen établira une communication directe entre les provinces de Brabant, de Liége et de Limbourg ;

« Considérant qu’elle sera utile à l’industrie, au commerce et à l’agriculture, etc. »

Messieurs, tous ces motifs sont des plus fondés ; mais voilà que cette communication s’arrête à Léau, et il me semblerait utile d’achever ce qui a été commencé.

Le pays qui se trouve entre Léau et Diest offre une puissance de production des plus remarquables ; mais des chemins impraticables, où il est impossible de passer même à cheval dans la saison des pluies, mettent obstacle au développement de ces richesses

J’appelle donc l’attention de M. le ministre des travaux publics sur ce canton, qui n’a besoin que d’un peu d’appui pour devenir des plus florissants (page 976). Je le prie d’examiner la question de savoir s’il ne conviendrait pas que l’Etat continuât l’œuvre qu’il a commencée, c’est-à-dire la communication entre les provinces de Brabant, de Liége et du Limbourg. Je me borne, pour cette année, à demander des études sur cet objet.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, l’année dernière, j’ai demandé à M. le ministre des travaux publics s’il n’avait pas perdu de vue la construction d’une route, ou plutôt le prolongement d’une route déjà construite, à partir de Hannut vers Saint-Trond. M. le ministre m’a dit qu’il y avait des contestations, que cette route était l’objet d’une enquête, et qu’il se déciderait dans un temps rapporté. Jusqu’à présent, aucune décision n’est intervenue. Cependant, l’objet est très-important.

M. le ministre m’a dit, l’année dernière, que cette route serait parallèle au chemin de fer ; elle est, en effet, parallèle au chemin de fer depuis Landen jusqu’à Saint-Trond ; mais il s’agit de mettre Namur en rapport avec différentes localités du Limbourg ; et remarquez, messieurs, que lorsqu’on arrive à Landen avec des voitures, on ne peut pas mettre ces voitures sur le chemin de fer pour les faire transporter à Saint-Trond et pour les faire arriver de là dans les différentes localités auxquelles elles sont destinées.

Je désirerais savoir quelles sont les intentions de M. le ministre des travaux publics relativement à cette route.

M. de Garcia – L’honorable M. de Burdinne vient d’appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics sur une route inachevée jusqu’à présent. Les observations de cet honorable collègue méritent toute l’attention du gouvernement et je m’empresse de venir les appuyer. Messieurs, il faut se reporter à l’idée qu’il a fait décréter la route dont il s’agit. Cette route devait aller de Namur vers Hasselt, et traversant un pays essentiellement agricole, desservir les intérêts majeurs de l’industrie sur deux points importants, et sur tout sur Hasselt, dont les distilleries les plus renommées de notre pays forment un grand centre de consommation pour les céréales de cette contrée fertile.

Le seigle, entre’autres, devait trouver, au moyen de cette route, un débouché très-avantageux. Voilà, messieurs, l’idée première qui a fait décréter la route dont il s’agit ; je puis même dire que tous les propriétaires entre Namur et Hannut ont été appelés à faire des sacrifices considérables pour la construction de cette route, et certainement ils n’ont fait ces sacrifices que dans la pensée que la route serait prolongée jusqu’aux environs de Hasselt. A ce point de vue, il y aurait donc manque de bonne foi envers ceux qui n’ont fait des sacrifices considérables, qu’en vue de l’achèvement complet de cette grande communication.

J’appuie donc les observations de l’honorable M. Eloy de Burdinne, et je me joins à lui pour demander à M. le ministre des travaux publics s’il a pris un parti à l’égard du prolongement de cette route.

Je sais qu’il existe des contestations sur la ligne à suivre à partir de Hannut ; je demande que le gouvernement s’occupe de mettre un terme à ces contestations ; car la route telle qu’elle existe aujourd’hui est une véritable impasse.

M. Rodenbach – MM., si je suis bien informé, la route de Roulers à Ingelmunster, qui n’a que trois mètres de largeur, a été construite par le gouvernement. C’est le gouvernement qui a fait, à cet égard, une convention avec la province et les communes. M. le ministre des travaux publics dit que cette route n’est pas très-importante. Eh bien, MM., c’est la toute la plus fréquentée de toute la province ; ce qui le prouve, c’est qu’elle rapporte environ 10 p.c. Si le gouvernement pouvait faire souvent des conventions pour de semblables routes, certes il n’aurait qu’à s’en applaudir.

Il est donc certain, MM., que cette route a été construite par le gouvernement ; elle l’a été en vertu d’une convention faite par l’honorable M. Nothomb, mais alors même que ce serait une route provinciale, il n’en faudrait pas moins l’élargir, car il y arrive des malheurs ; c’est, je le répète, la route la plus fréquentée de la province et une route de cette importance devrait avoir au moins quatre mètres de largeur. Or, elle n’en a que trois.

M. Dumortier – Messieurs, à l’occasion de la discussion du budget du département des travaux publics, il est d’usage que chaque localité fasse remarquer ce qui reste à faire chez elle, et surtout qu’elle fasse valoir ses droits. A l’exemple de mes honorables collègues, je prendrai la confiance d’adresser une observation à M. le ministre des travaux publics ; c’est au sujet d’une commune qui, par suite de la construction des travaux publics, se trouve dans la position la plus fâcheuse.

Je veux parler de la commune de Leers-Nord ; elle se trouve aujourd’hui enclavée entre la frontière française, le canal de l’Espierre et le chemin de fer. Les habitants peuvent à peine sortir de cette espèce d’île ; leurs terres sont inondées, et depuis quelques années, ils réclament du gouvernement des améliorations qui les remettent dans la position où ils étaient, avant les constructions que je viens de rappeler et qui ont été faites dans l’intérêt général. La commune de Leers-Nord s’est soumise à l’intérêt général, mais on ne peut pas exiger que cette localité soit à jamais sacrifiée.

Je demanderai donc que le gouvernement veuille bien s’occuper des intérêts d’une commune qui se trouve dans une position si précaire, par suite de constructions qui ont été exécutées dans l’intérêt de tous ; je pense que le gouvernement ne sera pas toujours insensible à la voix de la raison sur ce point-là (On rit).

M. Vanden Eynde – Messieurs, puisque tout le monde réclame pour sa paroisse, je me permettrai d’adresser quelques observations à M. le ministre des travaux publics, relativement à certaines promesses qu’il a faites, lors de la discussion de son budget pour l’année 1844.

J’ai parlé, l’année dernière, d’une route qui est décrétée depuis longtemps, et qui doit relier Tirlemont à Aerschot. Par suite du retard qu’éprouve la construction de cette route, plusieurs localités, qu’elle doit traverser, se trouvent absolument dans la position de la commune de Leers-Nord, dont a parlé l’honorable M. Dumortier. Ses habitants sont dans une espèce d’île, c’est un territoire qui n’a pas d’issue ; pendant six ou sept mois de l’année les chemins y sont impraticables, même avec des chevaux.

L’année dernière, M. le ministre des travaux publics nous a appris que le génie militaire s’opposait à la construction de la route, mais qu’une commission d’ingénieurs civils et d’ingénieurs militaires avait été nommée, pour examiner les motifs, soit pour, soit contre la construction de la route.

Je désirerais savoir où en sont les travaux de la commission.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, l’honorable M. Eloy de Burdinne m’a demandé quelle était l’intention du gouvernement à l’égard de la route de Hannut à St-Trond.

Messieurs, l’honorable M. de Garcia vient de vous le dire, la route de Namur à Hannut a été construite dans la pensée de la prolonger jusqu’à Hasselt. Cette route devait donc desservir les grands intérêts agricoles de cette contrée, elle devait amener les céréales du pays de Namur vers Hasselt qui, par ses distilleries, est un centre de consommation de céréales.

Messieurs, de longues contestations ont eu lieu relativement au tracé à adopter. L’un de ces tracés se dirigeait directement de Hannut vers Saint-Trond par Gingelom, l’autre se dirigeait vers la station de Landen, et le chemin de fer de St-Trond devait, dans ce dernier cas, servir de prolongement la route.

Le tracé direct de Hannut à St-Trond coûterait la somme considérable d’un demi-million de francs, tandis que le tracé vers Landen ne coûterait que 200,000 francs. Jusqu’à présent on n’a réuni, comme concours pour le tracé direct, qu’une somme d’environ 40,000 fr. ; or, comme la dépense totale de la route doit s’élever à 500,000 fr., il est évident que ce concours serait insuffisant pour amener la construction d’une route dont je reconnais l’importance. Mais, depuis que le gouvernement a proposé de prolonger le chemin de fer de St-Trond jusqu’à Hasselt, la situation des choses n’est plus la même ; il me paraît que mieux vaut diriger le tracé vers Landen, tracé qui ne doit coûter que 200,000 fr., et formerait, avec le chemin de fer du Limbourg, une communication continue et facile de Namur à Hasselt, par Hannut et Landen.

Le conseil provincial de Liége, qui a été appelé à examiner cette question dans la session dernière, ne s’est prononcé, en faveur du tracé de Hannut vers Saint-Trond, que dans l’hypothèse que le prolongement du chemin de fer n’aurait pas lieu vers Hasselt ; mais il a reconnu que si le prolongement du chemin de fer avait lieu, la direction de la route de Hannut vers Saint-Trond perdait l’importance qu’elle pouvait avoir. Du reste, cette question n’est pas encore complètement instruite. Elle est subordonnée à la décision que prendra la chambre sur le chemin de Saint-Trond à Hasselt.

L’honorable M. de Villegas a soutenu que le gouvernement n’avait pas appliqué les règles de justice distributive dont j’avais parlé, et que la Flandre orientale s’était trouvée mal partagée dans la répartition du fonds des routes.

Je conviens que, depuis quelques années, la Flandre orientale est entrée pour une somme moins considérable que certaines autres provinces dans la distribution du fonds des routes ; mais, comme je l’ai déjà fait remarquer l’année dernière, cette répartition doit avoir lieu surtout d’après les besoins de chacune des provinces et l’utilité respective des routes en projet. Telle province a un système de routes presque complet, tandis que d’autres provinces sont dépourvues de voies de communication. Le Luxembourg et le Limbourg se trouvaient réellement dans ce dernier cas. Et lorsque l’on établit un parallèle entre ces provinces dépossédées de routes et la Flandre orientale, où un magnifique réseau de routes embrassait tout le territoire, la comparaison était tellement défavorable à ces provinces, que le gouvernement a bien été obligé de consacrer plus de fonds à pourvoir à ces exigences plus grandes. Je reconnais que, depuis quelques années, la Flandre orientale s’est imposé des sacrifices pour la construction de ses routes, et que le gouvernement doit lui en tenir compte, mais ce qui indique que les besoins de la province ne sont pas multipliés, c’est que les demandes de subsides adressées au gouvernement pour les routes de cette province sont très-peu nombreuses.

Cependant, l’année dernière, les députés de la Flandre orientale ont appelé mon attention principalement sur quelques projets : la route de Nederbrackel à Renaix, celle d’Alost à Opwyck, et surtout la continuation de la route de Ninove vers Enghien. J’ai accordé un subside à la route d’Alost à Opwyck, et voici la marche que j’ai suivie à l’égard de celle de Ninove à Enghien : cette route est construite sur le territoire de la Flandre orientale ; mais elle forme une impasse, et son prolongement est nécessaire, pour que la route ait l’importante qu’elle doit acquérir.

J’ai mis cette question à l’étude. La route doit être construite aux frais de trois provinces, ou aux frais de l’Etat avec le concours des trois provinces. La section de la Flandre orientale est achevée. Restait à déterminer le Brabant et le Hainaut à intervenir d’une manière efficace, intervention rendue nécessaire par le chiffre élevé de la dépense de construction. En attendant que le concours de ces provinces puisse être acquis, j’ai formé une commission mixte d’ingénieurs et de membres des députations permanentes du Brabant, du Hainaut et de la Flandre orientale, à l’effet d’examiner la question de savoir si l’on ne pourrait pas réduite la dépense de cette route et en rendre ainsi la construction moins difficile. La commission mixte a reconnu, à l’unanimité, que le chiffre élevé de la dépense forme l’obstacle réel à l’exécution prochaine de la route, et qu’il était possible de trouver un moyen plus économique de construction. J’ai en conséquence chargé l’ingénieur en chef de la Flandre orientale, de faire une étude nouvelle du prolongement de la route de (page 977) Ninove vers Enghien, afin de s‘assurer si effectivement, il n’y a pas moyen de réduire notablement le chiffre d’établissement.

Dans la répartition du fonds de l’année 1845, j’ai tenu en réserve une somme de 40 à 50,000 francs, pour pouvoir l’affecter à la construction d’une partie de cette route, quand les études seront assez complètes, et l’instruction assez avancée pour y donner suite.

L’honorable M. Vanden Eynde a demandé à quoi en étaient les travaux de la commission mixte d’ingénieurs civils et d’ingénieurs militaires dont j’avais parlé, l’année dernière, lors de la discussion de mon budget. Plusieurs routes de la province d’Anvers ne peuvent être construites à cause de l’opposition qu’a formée le département de la guerre à leur construction. Dans cette catégorie se trouve une section de la route de Tirlemont à Aerschot, dont a parlé l’honorable M. Vanden Eynde. La commission mixte, qui a été instituée, ne doit pas présenter au gouvernement un travail général, elle est appelée à résoudre toutes les objections soulevées par le génie militaire, à propos de l’exécution de telle ou telle route proposée. Jusqu’à présent, l’opposition du département de la guerre, relativement à la route de Tirlemont à Aerschot, n’a pas été levée. Dès lors, le département des travaux publics s’est trouvé dans l’impossibilité d’examiner la question de savoir quels seraient les moyens financiers d’exécution.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, depuis quatre ans, la route ou plutôt le prolongement de la route de Namur vers Hannut, jusqu’à Landen, est décrété. L’honorable ministre des travaux publics est dans l’erreur, quand il croit que cette route devait s’arrêter à Landen. Cette route, parvenue jusqu’à Landen, devait être prolongée jusqu’à St-Trond.

On ne doit pas perdre de vue que Namur a fait de grands sacrifices, afin que cette route fût construite, non jusqu’à Hannut, mais jusqu’à St-Trond. Dans le courant de cette session, nous avons reçu des réclamations de Namur, demandant qu’on prolongeât la route jusqu’à St-Trond, parce que c’était à cette condition qu’elle avait consenti à s’imposer des sacrifices pour la construction de cette route.

M. le ministre a dit que cette construction coûterait 500,000 fr., soit ; mais ces 500,000 francs ne sont pas à la charge de l’Etat seul ; car les hospices de St-Trond et des particuliers ont offert de contribuer dans cette dépense. Ensuite, on doit tenir compte des sacrifice que la province a faits pour que la route aille jusqu’à St-Trond. Il y a quatre ans qu’on s’en occupe. Le gouvernement doit être maintenant en état de se prononcer définitivement. Si on adoptait la direction de Landen, cela me conviendrait mieux ; mais on ne remplirait pas les engagements pris avec Namur, qui étaient d’aller directement jusqu’à St-Trond. C’est là une question de délicatesse qu’il faut examiner.

M. de Villegas – Il m’est impossible d’admettre l’explication que M. le ministre a donnée en réponse à l’observation que j’ai faite relativement à l’inégalité flagrante qui existe dans la distribution des subsides. Cette explication revient à ceci : la province a fait beaucoup de sacrifices pour l’amélioration de sa voirie ; donc l’Etat ne doit plus rien faire pour elle, les besoins de communications nouvelles étant devenues moindres. Si je démontre que cela est contraire aux faits, il me semble que l’argumentation de M. le ministre vient à tomber.

Indépendamment de la route de Ninove à Enghien, le besoin de routes non moins importantes s’est révélé depuis longtemps dans la Flandre ; j’ai signalé une route dont l’utilité au premier degré est incontestable ; c’est la route de Nederbrakel à Renaix.

Le projet de cette route a été étudié depuis 2 ou 3 ans. Elle doit servir de complément et de parachèvement à des voies de communication très-importantes. J’ai signalé dans le temps, son utilité, sous le double rapport des intérêts du trésor et du district que j’ai l’honneur de représenter dans cette enceinte ; je ne vois pas de motif qui s’oppose à ce que cette route soit mise en adjudication. Je désire que M. le ministre ne perde pas cet objet de vue et que justice enfin nous soit rendue.

Je répète que je ne comprends pas la manière de raisonner de M. le ministre des travaux publics, parce que la province de la Flandre orientale a fait beaucoup de sacrifices pour construction de routes, qu’elles a dépensé des millions et qu’elle est à bout de ses ressources, on dit que sa part dans les subsides de l’Etat ne doit pas être aussi grande que celle que l’on accorde à d’autres provinces moins importantes ! Mais c’est une grave erreur. Je vois, au contraire, que lorsque le besoin de doter cette province de nouvelles routes productives se fait sentir, il faut lui tenir compte des sacrifices qu’elle s’est imposés et lui accorder une préférence justement méritée. D’ailleurs, dans la répartition des subsides, il faut prendre pour base la part contributive des provinces et des communes. Il existe une autre considération à laquelle il importe d’avoir égard : Le gouvernement va dépenser des millions pour faire des chemins de fer et des canaux. Si telle partie de la province n’est pas assez heureuse, pour pouvoir espérer une part quelconque dans les bienfaits immenses, n’est-ce pas le cas, ou jamais, de lui accorder un dédommagement légitime, par la construction de routes dans les localités qui en sont entièrement dépourvues ? C’est ainsi que j’entends la justice distributive.

M. de Theux – Je ne ferai aucune observation nouvelle en faveur de ma localité, en présence de la pénurie du budget. Mais j’appellerai l’attention de M. le ministre des travaux publics sur la direction du prolongement de la route de Hannut. Cette question est à examiner, quant à la station de Landen et quand à celle de Gingelom, dans la prévision que cette route puisse être poursuivie jusqu’à St-Trond.

C’est un point que je recommande à M. le ministre des travaux publics parce que plus tard on pourrait compléter le système de communications pavées ; car il suffirait de faire une lieue et demie pour aller de Gingelom à Saint-Trond.

M. Lejeune – J’ai demandé la parole, parce que je ne pouvais pas laisser passer sous silence la réponse faite par M. le ministre des travaux publics à l’honorable député d’Audenarde. Il avait fait remarquer, avec beaucoup de raison, que la somme allouée à la Flandre orientale était très-exiguë, en comparaison de celles qui sont allouées aux autres provinces. Toutes les communes rurales de cette province n’ont ensemble que 30 mille francs de subsides. Je ferai remarquer que ce n’est là qu’un faible appoint aux sacrifices que s’imposent les propriétaires. Ce sont les subsides qu’on accorde aux concessionnaires de routes qui sont le mieux employés ; l’Etat est intéressé à faire faire des routes par concession avec de faibles subsides, car ces routes développent la prospérité du pays, et finissent ensuite par devenir la propriété de l’Etat. D’après M. le ministre, la somme allouée à la Flandre orientale serait exiguë, parce qu’il n’y aurait pas de besoins ; il m’est impossible d’admettre une pareille raison et, s’il fallait faire la liste des routes dont le besoin se fait sentir dans la Flandre orientale, elle serait fort longue.

L’honorable M. de Villegas a cité une route, qui n’est pas nouvelle car elle est commencée, la route de Ninove vers Enghien ; la moitié est faite, l’autre reste à faire ; mais indépendamment de cette route, il y en a beaucoup d’autres à faire.

Un honorable membre de la Flandre occidentale a demandé qu’on élargit les routes de sa province ; pour moi, je voudrais bien que nous n’eussions à demander que l’élargissement de nos routes ; nous nous tiendrions pour très-heureux qu’on nous fît des routes étroites, des routes de trois mètres ; nous n’en demanderions pas davantage. Cela vous prouve que notre province n’est pas aussi bien partagée qu’on le suppose.

M. le ministre a dit cependant que la Flandre orientale n’avait pas de besoin qu’on lui construisît des routes, parce qu’elle en avait fait elle-même.

La province, il est vrai, a montré un zèle exagéré ; je ne sais si elle va avoir à s’en repentir. Elle a fait six routes ; elle a dépensé deux millions. Elle a épuisé ses ressources et n’a obtenu que très peu de subsides, si toutefois elle en a obtenu, ce dont je doute ; et aujourd’hui on lui dit : Vous avez construit vos routes, vous n’en avez plus besoin. Si la Flandre orientale n’avait conservé que la moitié de ses ressources et gardé un million pour l’employer avec des subsides de l’Etat, elle s’en serait mieux trouvée. Elle a été un peu vite en besogne, mais ses sacrifices ne peuvent pas tourner contre elle.

J’appuierai l’observation de l’honorable M. d’Hoffschmidt, sur l’espèce de route qu’il est nécessaire de construire, les routes transversales qui, reliant les grandes routes existantes, seront les affluents du chemin de fer.

Je n’en citerai pas ; mais si on était disposé à les faire, M. le ministre peut être persuadé qu’il en trouverait pour une très-forte somme à faire dans la Flandre orientale.

M. Rodenbach – J’était sorti quand l’honorable député de la Flandre orientale a pris la parole. Il paraît qu’il a dit que la Flandre occidentale n’avait pas demandé autre chose que des élargissements de route. Si cet honorable membre m’avait écouté, il aurait entendu que je n’ai pas seulement demandé cela ; j’ai dit que, quand les communes votaient des subsides considérables, quand la ville de Roulers seule offrait de contribuer pour 100,000 francs dans la construction d’un canal agricole qui ne doit coûter que 400,000 fr., nous ne pouvions pas seulement obtenir l’élargissement d’une route très-productive, pour faire cesser les accidents fréquents dont on se plaint. Je n’ai pas dit que la Flandre occidentale avait obtenu les routes dont elle avait besoin, je me suis, au contraire, plaint de ce que, dans les 12 millions de travaux proposés, la Flandre orientale, et notamment le centre de la province, ne figurait pour rien ; mais en revanche, j’y vois figurer la Flandre orientale. Je n’aurais pas fait cette réponse, si l’honorable député d’Eecloo ne m’avait pas forcé de prendre la parole.

M. Desmet – Quand l’honorable préopinant se plaint que le gouvernement n’a pas eu égard à la demande qu’il a faite depuis plusieurs années, pour redresser la rivière qui passe à Roulers, je l’appuierai très-volontiers, car depuis que cette rivière se trouve négligée, l’écoulement des eaux dans cette contrée ne se fait que très-imparfaitement, et les prairies comme les terres basses en souffrent beaucoup ; c’est tout entièrement en faveur de l’agriculture et du dessèchement des terres que l’honorable M. Rodenbach demande le travail, et c’est pourquoi j’appuierai sa demande ; mais quand il vient se plaindre que sa province comme son district, ne jouissent point d’une juste part dans la somme de subsides que le gouvernement distribue annuellement pour la confection des routes, alors, au lieu de l’appuyer, je devrai fortement le combattre. Comment ! la province de Flandre occidentale a reçu pour sa part, l’an dernier, l’immense somme de 457,000 francs, et le district de Roulers, pour l’entière confection de la route de cette ville à Dixmude près de 200,000 francs ; tandis que la Flandre orientale n’a obtenu que le septième, seulement 30,000 francs ; messieurs, c’est vraiment trop fort, et, comme je l’ai encore dit hier, il est scandaleux de voir que, dans notre pays, la justice distributive soit tellement foulée aux pieds. La province la plus importante, celle qui contribue le plus dans les impôts et qui a tant de charges intérieures, à cause de sa grande population et de sa population pauvre, est si partialement traitée ! Et-ce là bien gouverner ? est-ce là agir avec impartialité et justice ? Le résultat de tout cela doit être un grand mécontentement, et des clameurs fondées. Je veux espérer qu’à la fin le gouvernement verra plus clair, et verra une fois que l’on ne peut gouverner avec de la partialité, du favoritisme et de l’injustice.

(page 978) C’est pour que la distribution des subsides pour la confection des routes soit plus justement et plus régulièrement faite, que j’appuie de toutes mes forces la motion faite au commencement de la séance, par l’honorable M. Lange, quand il a encore une fois insisté pour qu’une classification des routes soit faite.

Il y a deux subsides différents pour les routes et les chemins ; un provenant du produit des barrières, qui est particulièrement appliqué à la confection de routes et qui est distribué par le département des travaux publics ; l’autre est celui qui est pris sur la somme allouée au département de l’intérieur pour l’amélioration de la voirie vicinale.

Aussi longtemps qu’une classification de routes ne sera pas légalement faite, qu’on ne sait pas à quelle classe telle ou telle route appartient ; que l’on ne connaît pas positivement si elle est provinciale ou de première classe, et même qu’on ne connaît pas, comme on l’ignore souvent aujourd’hui, si c’est une route provinciale ou un chemin vicinal de grande communication, on ne saura pas bien régulièrement faire l’application de ces deux différents subsides.

Naguère, je vous ai encore cité un cas bien extraordinaire de la classification des routes, telle qu’elle se fait arbitrairement aujourd’hui. C’est de la route provinciale d’Audenaerde à Anvers, dont je veux parler, cette route se dirige par Alost vers Vilvorde. Eh bien ! la partie d’Audenaerde jusqu’à la route de première classe de Gand à Bruxelles au village d’Erpe est considérée comme provinciale et a été construite avec les fonds provinciaux ; la partie qui se trouve dans la province de Brabant est aussi déclarée provinciale. Et, le croiriez-vous ! la partie centrale, la partie du milieu, celle qui se trouve entre la ville d’Alost et les limites du Brabant, n’est pas provinciale, elle est tout simplement considérée comme un chemin vicinal… Et pour que le pavage puisse se compléter, pour que la lacune existant entre Alost et le Brabant fût rempli, c’est la ville d’Alost qui a été obligée de demander la concession et de la faire à ses frais. Cela doit vous paraître très-extraordinaire, cependant c’est exactement ainsi… On voit donc combien il est nécessaire que le gouvernement s’occupe d’un projet de loi pour classer les routes d’après leur importance, je dis une loi, parce que ce n’est que par un acte législatif qu’un tel acte puisse être fait.

C’est aussi alors que le chef des travaux publics pourra faire une distinction régulière des revenus des barrières ; il saura alors à quelle classe de route il pourra appliquer le subside ; tandis qu’aujourd’hui cela se fait très-irrégulièrement ; c’est un mélange de routes et de chemins vicinaux ! c’est une véritable confusion !

(page 978) - La discussion sur l’ensemble du chapitre est close.

Article premier

« Art 1er. A. Entretien des routes d’après les baux existants et ceux à intervenir pour 1845 : fr. 1,762,306

« B. Salaires des préposés aux ponts à bascule : fr. 26,820

« C. Etudes de projets, frais de levées de plans, achats et réparations d’instruments, matériel et impressions du service actif : fr. 20,000

« D. Travaux d’amélioration, réparation extraordinaires et constructions de routes nouvelles : fr. 885,274 »

(page 986) M. de Naeyer – Messieurs, j’ai toujours considéré comme un immense bienfait pour la Belgique, le vaste et magnifique réseau de chemins de fer qui couvre aujourd’hui une partie de notre territoire ; et ce qui s’est passé sous nos yeux, depuis quelques années, est de nature à corroborer cette opinion devenue à peu près générale dans le pays. Toutefois l’œuvre de nos chemins de fer, que je considère comme une de nos gloires nationales, est loin d’être complètement achevée. Je crois que le moment est venu de compléter et d’organiser en quelque sorte, notre magnifique railway, non-seulement par la construction de nouvelles lignes ferrées, mais aussi par la construction de nouveaux canaux et de nouvelles routes pavées ou empierrées. La grande mission du gouvernement me paraît aujourd’hui de faire en sorte que le chemin de fer existe pour toute la Belgique. Il importe de donner enfin à cette grande artère de nombreuses ramifications, afin qu’elle puisse faire circuler dans toutes les parties du pays cette sève de vie sociale, cette sève de civilisation dont elle est un si puissant véhicule.

Mon intention n’est pas, messieurs, et ce n’est pas d’ailleurs le moment de le faire, mon intention n’est pas de vous entretenir des projets présentés au gouvernement pour la construction de nouvelles lignes de chemin de fer, de nouveaux canaux ; mais je ne puis m’empêcher de témoigner mes plus vives sympathies pour les observations, si judicieuses et si pleines de justice et de vérité, qui vous ont été soumises, hier, par l’honorable M. Delehaye. Cet honorable membre a réellement plaidé avec impartialité la cause du bon droit, la cause de la justice, en appelant l’attention de la chambre sur la situation malheureuse du pays d’Alost, qui a tout perdu, il faut bien le dire, par la construction du chemin de fer.

L’arrondissement d’Alost, messieurs, peut invoquer en sa faveur des titres incontestables à la bienveillance et à la sollicitude de la représentation nationale ; cet arrondissement a une étendue territoriale considérable ; il compte dans les 80 communes, sa population s’élève à près de 140 mille âmes, et chose à peine croyable, les sommes qu’il a versées dans les caisses de l’Etat depuis 1830 peuvent être évaluées peut-être à plus de 40 millions. Or, qu’a-t-il obtenu en compensation de tant de sacrifices ? Messieurs, vous savez tous comment les choses se sont passées : rien n’a été fait en notre faveur, et les travaux publics, auxquels nous avons contribué pour une si large part, ont porté un coup mortel à nos industries et à notre commerce, tout le monde est d’accord à cet égard.

Le chemin de fer est venu briser une partie de nos relations commerciales ; le chemin de fer est venu nous enlever la plupart de nos éléments de prospérité et de bien-être, en nous dépouillant de ces moyens de transport si nombreux et si faciles dont nous avions le bonheur de jouir autrefois, et qui avaient fait de notre chef-lieu un des grands centres du commerce intérieur du pays, en le mettant en relations continuelles avec la capitale et toutes les localités les plus importantes de la Belgique.

En cet état de chose, je pense que tout homme impartial doit être convaincu que le moment est venu de rendre à notre arrondissement une juste indemnité, pour tous les sacrifices qui lui ont été imposés, pour toutes les pertes qu’on lui a fait subir ; cette indemnité, cette réparation, nous ne cesserons de les réclamer avec ce zèle, avec cette énergie qu’inspire nécessairement la conviction du bon droit, certains que nous sommes qu’une cause aussi juste ne peut manquer de triompher et d’être couronnée de succès auprès d’hommes animés de sentiments de justice et d’équité.

Je n’en dirai pas davantage sur ce point, l’occasion se présentera dans un bref délai d’entrer dans de plus longs développements.

Pour le moment, je me renferme dans la spécialité du crédit en discussion. Je me bornerai à présenter quelques considérations générales sur la construction de nouvelles routes. D’abord, je crois que la construction de nouvelles routes est un des moyens les plus puissants et les plus efficaces pour faire prospérer l’entreprise et l’exploitation de nos chemins de fer, et cela en associant, autant que possible, aux bienfaits de notre magnifique railway toutes les localités du pays, tous les centres de population, tous les centres de production agricole et manufacturière ; dans ma manière de voir, cette idée doit préoccuper avant tout le gouvernement ; lorsqu’il s’agit de la création et de l’établissement de nouvelles voies de communication, il faut s’attacher avant tout à faire aboutir toutes les parties du pays, soit directement soit indirectement, au réseau de nos chemins de fer. J’appuie en outre les observations très-judicieuses de l’honorable M. de Garcia. Je crois que le gouvernement doit chercher aussi à établir des routes transversales ; car, dans ma manière de voir, on augmentera considérablement l’utilité des voies de communication déjà établies en les reliant entre elles ; c’est là encore une idée d’ensemble, une règle de conduite qui doit présider aussi à l’exécution des routes qui seront décrétées à l’avenir ; et cette observation devrait également être prise en considération par M. le ministre de l’intérieur dans la répartition des fonds considérables que nous avons mis à sa disposition pour l’amélioration de la voirie vicinale. Il faut qu’une idée d’ensemble domine également dans l’allocation des subsides pour la construction des chemins vicinaux de grande communication qui offrent ordinairement une véritable utilité provinciale, parce qu’ils intéressent à la fois un grand nombre de communes. M. le ministre de l’intérieur, pour remplir dignement la mission dont nous l’avons investi, principalement dans l’intérêt de notre agriculture, devrait, suivant moi, faire élaborer (peut-être conjointement avec son collègue des travaux publics) un plan général dans chaque province, qui aurait pour objet de relier toutes les communes sans exception, soit au chemin de fer, soit aux routes de l’Etat, soit aux routes provinciales ; sans doute, il faudrait de nombreuses années pour mettre à exécution un plan aussi vaste ; mais il en résulterait, suivant moi, cet immense avantage que les travaux partiels qui se font chaque année seraient dirigés d’après un système général, d’après une idée d’ensemble, et dès lors, on ne verrait plus construire des bouts de routes qui gênent, qui entravent, dans la suite, l’exécution de projets conçus sur des bases plus larges et destinés à satisfaire à des intérêts plus généraux.

Je crois devoir appeler sur ce point l’attention la plus sérieuse du gouvernement.

Messieurs, dans la discussion du budget de l’année dernière, on a signalé, de toutes parts, dans cette enceinte, l’insuffisance du crédit alloué au budget pour la construction de nouvelles toutes, en présence des besoins si nombreux qui se font sentir partout pour compléter notre système de communications intérieures, surtout dans l’intérêt de notre agriculture, qui a été trop négligée jusqu’à ce jour.

Je regrette que le gouvernement n’ait pas trouvé moyen de faire droit aux réclamations, pour ainsi dire, unanimes qui se sont élevées dans cette assemblée ; toutefois M. le ministre des travaux publics nous a fait espérer et je partage cet espoir, que nous pourrons réaliser une économie considérable par suite du renouvellement des baux pour l’entretien de nos routes, et ces économies serviront à la construction de routes nouvelles. Mais dans la discussion de l’année dernière, plusieurs membres ont fait remarquer que nous possédons encore beaucoup de domaines presque improductifs, et ils ont exprimé l’opinion qu’il conviendrait de remplacer des valeurs en quelque sorte stériles par des voies de communication dont le pays retirerait de plus grands avantages. Je pense que cette idée doit être mûrie par le gouvernement et que son exécution, dans de larges limites serait de nature à produire des résultats très-heureux.

L’an dernier, M. le ministre a fait observer avec raison que la classification de nos routes a été bouleversée par la construction du chemin de fer. En effet, la plupart des lignes de grande communication dont le pays était doté avant la construction du chemin de fer, ont aujourd’hui une direction à peu près parallèle à notre railway ; il en résulte qu’elles n’ont plus qu’une importance secondaire, puisqu’elles sont remplacées en grande partie par une nouvelle voie de communication. Ne pourrait-on rétrécir au moins quelques-une de ces routes, et employer les grès qui proviendraient de ces rétrécissements à construire à proximité de nouvelles voies de communication ? Ce serait là, ce me semble, une ressource souvent très-précieuse et qu’il conviendrait de ne pas négliger. Si je ne me trompe, ce que je propose a déjà été pratiqué dans la province du Limbourg, sur la route depuis les événements de 1830. J’engage le gouvernement à examiner sérieusement si le même système ne pourrait pas être appliqué dans d’autres provinces sur des routes dont l’importance est diminuée considérablement par la construction de nos chemins de fer. Il va de soi qu’il faudrait agir sous ce rapport avec toutes les précautions nécessaires pour ne gêner en aucune manière la circulation qui est encore établie aujourd’hui sur nos anciennes lignes de grande communication.

Mon seul but en faisant cette observation est d’utiliser tous les moyens, toutes les ressources possibles pour doter le pays de nouvelles routes, et il est à remarquer que, surtout dans les provinces flamandes, l’achat des grès forme en quelque sorte la dépense la plus considérable lorsqu’il s’agit d’exécuter des travaux de cette nature.

L’honorable ministre des travaux publics a fait également observer avec raison, l’année dernière, que dans la nouvelle classification des routes qu’il convient d’établir, il faut mettre en première ligne les affluents du chemin de fer, c’est-à-dire les routes perpendiculaires au chemin de fer, ou qui en forment en quelque sorte le prolongement. Je me rallie entièrement à cette opinion ; je la crois fondée en raison et en justice.

C’est sous ce rapport que je me suis permis d’appeler, l’année dernière, l’attention de M. le ministre des travaux publics sur une route qui est vivement réclamée par de nombreuses populations, et qui réellement est restée trop longtemps inachevée. Je veux parler de la route de Ninove à Enghien. Il résulte des explications que l’honorable ministre des travaux publics vient de nous donner, qu’il a daigné prendre mes observations en considération et qu’il sera enfin fait droit à ma juste réclamation ; je m’empresse de témoigner à cet égard toute ma reconnaissance au gouvernement, je le remercie bien sincèrement de l’assurance qu’il vient de nous donner, que le pays sera enfin doté de cette voie de communication extrêmement importante pour laquelle la Flandre orientale s’est imposé d’énormes sacrifices ; toutefois qu’il me soit permis de présenter encore quelques considérations pour démontrer l’immense utilité de la route dont il s’agit, et déterminer le gouvernement à accélérer son exécution le plus promptement possible.

Messieurs, il suffit de jeter les yeux sur la carte pour demeurer convaincu que la nouvelle voie de communication qui nous occupe, prolongement indispensable de la route de Soignies à Enghien, qui est aujourd’hui une véritable impasse, est destinée à former un affluent d’une très-haute importance au chemin de fer du Midi, et qu’elle aura pour résultat de relier à cette section de notre railway, non-seulement plusieurs communes très-populeuses de la province de Brabant, mais encore plusieurs cantons de la Flandre orientale. En outre, les mêmes localités seront encore, de cette manière, mises en communication directe avec le chemin de fer de Braine-le-Comte sur Namur. Envisagée à ce double point de vue, la route dont je parle offre donc un immense caractère d’utilité publique, d’après (page 987) le système très-rationnel adopté par M. le ministre de travaux publics, elle doit être évidemment placée parmi nos routes de première classe, et sous ce rapport on aurait pu prétendre avec justice que les frais de construction auraient dû incomber exclusivement au gouvernement ; cependant j’aurai bientôt occasion de vous expliquer que ce n’est pas là ce que nous demandons ; il y a plus : la route de Ninove à Enghien intéresse à la fois trois provinces, savoir : la Flandre orientale, le Brabant et le Hainaut. Elle serait un immense bienfait pour plusieurs localités importantes du Brabant, et notamment pour les communes de Vollezeele et de Herinnes qui sont encore privées aujourd’hui de tout moyen de communication, mais elle facilitera surtout les relations commerciales, les échanges de produits entre la province du Hainaut et une partie notable de la Flandre orientale, et tout homme qui connaît les localités demeurera convaincu que ces échanges de produits, entravés aujourd’hui par le défaut de moyens de communication, sont encore susceptibles des plus grandes développements. Ici nous rencontrons donc encore une fois dans le projet dont il s’agit des caractères incontestables d’utilité générale ; ce n’est pas tout : la route de Ninove à Enghien est destinée, en outre, à faire disparaître la seule lacune qui existe encore aujourd’hui sur une belle ligne de communication ayant un développement de 25 à 30 lieues, et qui, lorsqu’elle sera complétée par l’exécution du projet dont je vous parle, s’étendra depuis la frontière hollandaise ver Hulst jusqu’à la frontière française vers Quiévrain, et cela en passant par les villes de St-Nicolas, de Termonde, d’Alost, de Ninove, d’Enghien, de Soignies et de Mons, et en outre en coupant transversalement sur trois points différents, notre réseau de chemin de fer, savoir : à St-Nicolas, le chemin de fer du pays ; à Termonde, le chemin de fer de Gand sur Malines, et à Soignies, le chemin de fer de Bruxelles sur Mons. En présence de toutes ces considérations, et il serait facile d’en ajouter encore d’autres, il est de la dernière évidence qu’il est impossible au gouvernement de construire en ce moment, aucune autre route qui réunirait autant de caractère d’utilité générale, puisqu’il s’agit non-seulement d’une route affluente à nos chemins de fer, mais encore d’une voie de communication qui est tout à la fois commerciale, industrielle et agricole. Or, il se fait que, d’après les propositions faites au gouvernement, l’exécution de cet utile projet aura lieu à des conditions très-avantageuses au trésor public.

En effet, la route de Ninove à Enghien, dont la construction a été décrétée depuis 1838, et qui aura une longueur totale de 13 à 14 kilomètres, se divise en trois sections : une partie est établie sur le territoire de la Flandre orientale, une autre est établie sur le territoire du Brabant, et une troisième sur le territoire du Hainaut. Eh bien, voilà déjà plus de quatre ans que la première section, celle qui se trouve sur le territoire de la Flandre orientale et qui a une longueur de 5 à 6 kilomètres, est entièrement achevée et livrée à la circulation ; et il est à remarquer que toute la dépense, qui s’est élevée à près de 250,000 fr., a été supportée par la province ; le gouvernement n’y a pas contribué pour un denier.

Cependant, messieurs, non-seulement nous avons fait, chaque année, les instances les plus vives pour que cette route fût continuée dans le Brabant et dans le Hainaut, mais depuis plus d’un an et demi nous offrons de céder gratuitement la première section, qui a coûté 250,000 fr. Cela équivaut donc, de la part de la Flandre orientale, à un subside de 250,000 fr. En outre, des subsides sont offerts par le Brabant, par le Hainaut, par les communes intéressées. Voilà donc des conditions excessivement favorables pour le gouvernement.

Si le ministre avait le moindre doute à cet égard, je lui prouverais par des chiffres que le gouvernement doit retirer du capital nécessaire pour achever cette route un intérêt de 3 à 4 p.c. au delà des frais de construction, et il est bien certain que c’est là un résultat que le gouvernement ne pourrait peut-être réaliser dans l’exécution d’aucune de nos routes projetées.

Aussi, quand à côté de l’immense utilité de cette communication, viennent se ranger des conditions si favorables, si peu onéreuses pour le trésor, le gouvernement, j’en ai l’intime conviction, s’empressera d’achever promptement l’exécution d’un projet qui est resté si longtemps en souffrance.

Messieurs, il me reste à faire quelques observations sur la conduite du gouvernement, en ce qui concerne la répartition des fonds qui ont été mis jusqu’ici à sa disposition pour construction de routes nouvelles.

A cet égard, je demande formellement à M. le ministre des travaux publics de nous communiquer pour la prochaine session un tableau qui nous fasse connaître exactement toutes les routes de l’Etat, toutes les routes provinciales, ainsi que toutes les routes concédées qui ont été construites depuis 1830. Ce tableau devrait indiquer, dans autant de colonnes séparées : 1° la dénomination de ces routes et leur longueur sur le territoire de chaque province ; 2° le montant total de leurs frais de construction dans chaque province ; 3° la part supportée dans ces frais de construction, a) par le gouvernement, b) par les provinces, c) par les communes, d) par les particuliers ; 4° l’époque à laquelle ces routes ont été livrées à la circulation ; 5° le produit de la taxe des barrières. Il serait facile à l’administration de nous fournir une document de cette nature, qui nous procurerait l’inventaire exact de nos voies de communication exécutées depuis notre régénération politique, et qui est réellement indispensable pour pouvoir apprécier sainement quelle est la pensée, quel est le système qui a présidé à la répartition des fonds de l’Etat. Or nous avons un immense intérêt à être entièrement éclairés à cet égard, parce que plusieurs honorables membres de cette assemblée ont prétendu, comme je le soutiens également, que dans l’allocation de subsides pour la construction de nouvelles routes, les règles de la justice distributive ont été ouvertement méconnues et foulées aux pieds à l’égard de plusieurs provinces, et notamment à l’égard de la Flandre orientale.

Messieurs, il m’importe ici de réfuter avant tout une accusation bien injuste et bien dénuée de fondement, qu’on n’a pas craint de lancer quelquefois aux honorables membres de la représentation nationale, qui se sont plaints de cette violation souvent trop flagrante des règles de justice distributive ; on est allé jusqu’à leur reprocher (et ce reproche est émané même du gouvernement) de se laisser guider en quelque sorte par des idées mesquines, de céder à un étroit esprit de localité, de fomenter la rivalité parmi nos provinces, de semer même la désunion dans le pays. Je repousse de toutes mes forces une pareille accusation que je qualifie d’injuste, et, certes, je serais en droit de la qualifier plus durement. Savez-vous à qui l’on pourrait s’adresser à juste titre le reproche d’alimenter, de perpétuer en en quelque sorte l’esprit de localité en Belgique et de faire naître trop souvent de funestes dissensions entre nos différentes provinces ? Ce reproche, messieurs, on peut l’adresser à bon droit aux hommes du pouvoir, qui ont deux poids et deux mesures, qui ne sont pas également justes envers toutes les localités, qui violent aux yeux du pays tout entier les principes de la justice distributive lorsqu’il s’agit de partager les faveurs de nos budgets, lorsqu’il s’agit surtout de répartir les travaux d’utilité publique sur les différents points de notre territoire ; je ne crains pas de le dire, voilà les vrais coupables, voilà ceux qui énervent, qui affaiblissent les éléments de notre nationalité, qui empêchent que toutes les forces du pays restent groupées et unies dans un seul faisceau. Messieurs, je le déclare avec conviction, toutes ces discussions d’intérêts de localité me déplaisent souverainement ; c’est toujours à regret que je me vois forcé d’y prendre part, mais cependant ma conscience ne me permet pas d’accepter le rôle de dupes pour ceux qui m’ont envoyé dans cette enceinte, ma conscience ne me permet pas de consentir par mon silence à ce que mes commettants qui contribuent si largement à alimenter les caisses de l’Etat, ne reçoivent pas une juste part dans les subsides du gouvernement. Je crois, messieurs, que, dans l’intérêt de notre nationalité, nous devons travailler de commun accord afin d’éviter que des discussions de cette nature ne se reproduisent plus à l’avenir, et pour atteindre ce but, il est nécessaire de prendre une attitude ferme à l’égard du ministère, de le forcer à être juste envers tout le monde, à ne plus se servir des allocations du budget pour accorder des faveurs qui révoltent les sentiments de justice et d’équité.

Messieurs après avoir réfuté d’avance une accusation dénuée de fondement, je reviens maintenant à l’examen de la conduite du gouvernement, surtout avant l’avènement aux affaires des honorables MM. Desmaisières et Dechamps.

Messieurs, on a annexé, l’année dernière, au budget des travaux publics, un tableau qui indiquait le montant des subsides accordés depuis 1830 à chaque province pour construction de routes nouvelles. J’ai argumenté de ce document, et j’ai prouvé, à la dernière évidence, que la justice distributive avait été entièrement foulée aux pieds, à l’égard de la province de la Flandre orientale surtout. En effet, si l’on veut bien consulter ce tableau, l’on demeurera convaincu que plus de 18 millions ont été employés depuis la révolution à la construction de routes nouvelles. Eh bien, combien croyez-vous que la Flandre orientale ait obtenu dans cette somme si élevée ? pas même un million, pas même la dix-huitième partie.

Deux emprunts ont été faits pour construction de routes nouvelles : l’un de 6 millions, l’autre de 2 millions ; Un ancien ministre des travaux publics, qu’il est inutile de nommer, a été assez adroit (on sait que ce n’est pas l’adresse qui lui fait défaut) pour épuiser complètement ces deux emprunts sans accorder une obole à la Flandre orientale. Certainement, c’est là une violation flagrante de tous les principes de la justice distributive. C’est ce qu’on ne peut nier, à moins de nier l’évidence.

En effet, messieurs, la Flandre orientale, on peut le prouver par des chiffres, paye la sixième partie de tous les impôts. Elle aurait donc dû obtenir le sixième de la somme mise à la disposition du gouvernement. Au lieu de cela, on lui a accordé le tiers de ce qu’elle aurait dû obtenir, pas même la dix-huitième partie des fonds qui ont été répartis.

Je pourrais dire, messieurs, que la Flandre orientale a payé plus du sixième de ces 18 millions employés à la construction de routes. En effet, les frais d’administration générale sont à peu près les mêmes, pour toutes les provinces. Sous ce rapport, si nous produisons le sixième des revenus nous ne prenons guère plus d’un neuvième de la dépense. Je dirai même qu’il est peut-être des provinces qui versent à peine au trésor public les sommes nécessaires pour couvrir leur part contributive dans les frais généraux du gouvernement, de manière qu’il est vrai de dire que les excédants de nos revenus sur les dépenses ordinaires d’administration, excédants qui peuvent seuls être employés à améliorer et compléter nos voies de communication, sont fournis presque en totalité par quatre ou cinq provinces, tout au plus ; et en tenant compte de cette dernière observation, nous arrivons à cette conséquence, qu’au lieu de la sixième partie, nous avons payé peut-être le quart dans les sommes employées à la construction de routes, et nous arrivons à cette conséquence ultérieure, que plus de 3 millions, qui nous étaient dus, ont été injustement détournés au profit d’autres provinces qui avaient le bonheur d’occuper une place plus distinguée dans la prédilection des hommes au pouvoir.

Messieurs, j’admets volontiers que les principes que je viens de poser ne sont pas susceptibles d’une application absolue, qu’ils doivent quelquefois fléchir devant les circonstances ; que dans la pratique, ils doivent subi des exceptions ; ces exceptions, quand elles seront justifiées, je serais toujours le premier à les adopter, mais comme exception seulement à la (page 988) condition formelle qu’on ne les fasse pas dégénérer en règle générale, à la condition formelle que la justice distributive constitue toujours la base de la conduite du gouvernement. Et, en effet, s’il en était autrement qu’arriverait-il, messieurs ? Mais il arriverait que la Belgique formerait une société léonine, qu’il n’y aurait plus aucune proportion entre les avantages sociaux et les charges, les apports imposés aux membres de la société, que presque toutes les faveurs seraient pour les uns, toutes les sommes destinées à payer ces injustes libéralités. Sans doute, à l’aide d’une politique étroite, à l’aide d’une politique d’expédients, on peut réussir à faire ainsi pendant quelque temps des dupes ; mais dans un pays de publicité et de bon sens, ces dupes deviennent bientôt des mécontents qui comprennent leurs droits et réclament, avec force et énergie, le redressement des griefs et des injustices qui leur ont été infligées ; et ces circonstances sont toujours funestes. Une administration qui tient avant tout à consolider notre nationalité, doit les éviter avec le plus grand soin.

Messieurs, je me permettrai de parcourir rapidement les motifs assez étranges qui ont été invoqués quelquefois pour justifier ou au moins pour accuser la conduite tenue à notre égard, et dont je viens de me plaindre. J’ai dit que notre province est une province riche, qui possède de grandes ressources, qui est en état de se suffire en quelque sorte à elle-même, et que les fonds de l’Etat doivent être employés surtout à venir au secours des provinces pauvres. Cet argument, tiré de notre prétendue richesse, peut mener très loin. Lorsqu’une province est riche, lorsqu’elle offre de grandes ressources, ce n’est pas sans doute un motif pour la dépouiller, au profit d’autres localités moins favorisées. Un tel système conduirait tout droit au rétablissement des lois agraires.

Il m’est impossible d’ailleurs d’accepter l’espèce de compliment qu’on nous adresse, d’appartenir à une province riche.

La seule raison qu’on puisse alléguer à l’appui de ce langage, c’est que nous payons beaucoup au trésor. Mais il faudrait tenir compte aussi de l’immense population que nous avons à nourrir. Il faudrait perdre de vue que les valeurs sur lesquelles le trésor perçoit des sommes si élevées, sont réparties entre un grand nombre de têtes et qu’elles appartiennent même en grande partie à des étrangers, de manière qu’outre les impôts énormes que nous versons dans les caisses de l’Etat, nous payons encore, chaque année, des fermages très considérables, qui sortent également de notre province pour passer dans les mains de propriétaires étrangers ; mais ce qui mérite surtout de fixer l’attention, ce sont les charges locales de toute nature qui pèsent si lourdement sur les habitants des Flandres. On vous l’a déjà dit à plusieurs reprises, il y a de simples fermiers dans notre province qui payent jusqu’à 150 et 200 fr. de répartition personnelle, et dont la demeure est assaillie en outre par de nombreux mendiants qui viennent percevoir à leurs portes la taxe effrayante du paupérisme.

Sont-ce là, messieurs, des signes de richesse ? Est-ce là un motif pour prétendre que nous sommes à même de construire nos routes avec nos seules ressources, et que le gouvernement ne doive pas nous accorder les mêmes subsides qu’aux autres provinces. ?

Messieurs, je ne crains pas de le dire, c’est bien dans l’arrondissement d’Alost et d’Audenarde que se trouvent les communes les plus pauvres de tout le pays ; tous ceux qui y possèdent encore quelque chose succombent sous le poids des charges publiques et surtout des charges locales. Messieurs, c’est réellement dans les provinces prétendument pauvres que se trouvent souvent les communes les plus riches ; là les répartitions personnelles sont ordinairement inconnues ; là la taxe de la mendicité est surtout inconnue, le revenu considérable des biens communaux permet de subvenir à presque tous les besoins sans avoir recours, pour ainsi dire, à aucune autre ressource.

Ainsi, que l’on cesse donc une bonne fois de nous objecter notre prétendue richesse pour nous exclure des subsides du gouvernement.

Messieurs, une autre objection a été faite, l’année dernière, par M. le ministre des travaux publics et il vient de la reproduire. Mais a-t-il dit, les deux provinces flamandes étaient déjà tellement dotées de routes, il n’y avait pas là de grandes besoins à satisfaire. D’ailleurs, ajoutait-il, l’année dernière, mais il paraît qu’il n’a pas jugé convenable de reproduire cette fois son argument : le gouvernement a eu beau témoigner à l’égard des provinces flamandes la meilleure volonté de leur accorder une juste part dans les subsides de l’Etat ; ces provinces ont voulu se borner, pour le moment, à construire six routes, elle ont créé, par la voie de l’emprunt, des ressources nécessaires à cet effet, elles n’ont même pas imploré l’intervention de l’Etat.

D’abord, je ferai remarquer que si nous étions déjà en possession de voies de communication, c’est un avantage que nous devions à nous-mêmes, parce que presque toutes les routes qui existent dans nos provinces ont été construites avec leurs fonds propres.

Il y a plus, est-il raisonnable de prétendre que le besoin de nouvelles voies de communication ne se faisait plus sentir vivement dans notre province, parce que déjà nous étions en possession de plusieurs routes ? Mais cet argument, je l’ai déjà réfuté complètement l’année dernière. J’ai dit alors qu’en 1836, notre conseil provincial a examiné ce qui nous restait à faire pour compléter notre système de communications intérieures, afin de satisfaire, sous ce rapport, aux justes exigences de notre commerce, de notre agriculture et de notre industrie ; je vous ai fait connaître également qu’un état de routes à construire a été dressé alors par les soins de l’administration des ponts et chaussées, et cet état comprenait 20 à 30 projets de routes toutes éminemment utiles, toutes vivement réclamées par de nombreuses populations. Or, la plupart de ces projets n’ont pu être exécutés jusqu’à ce jour, et il est d’ailleurs reconnu aujourd’hui que l’état ou le tableau dont je viens de parler était incomplet, qu’il était loin de satisfaire à tous les besoins.

Je vous demande donc, messieurs, si le gouvernement est bien fondé à se retrancher derrière une prétendue absence de besoins pour justifier la faible part qui nous a été accordée dans les fonds mis à sa disposition ? Malgré les sacrifices très-considérables qui ont été faits par notre province et par nos communes pour la création de nouvelles voies de communication, il me serait facile d’indiquer encore aujourd’hui à M. le ministre des travaux publics, dans les seuls arrondissements d’Audenarde et d’Alost, au moins pour 1 million et demi et même deux millions de routes projetées, dont on s’est déjà occupé, mais qu’il a été impossible de mettre à exécution, parce que les ressources provinciales sont épuisées et que les communes sont écrasées par des charges locales surtout.

Messieurs, voici, ce me semble, la grande erreur du gouvernement. Savez-vous comment il raisonne pour apprécier les besoins qui se font sentir dans une contrée, en ce qui concerne les voies de communication ? Voici son raisonnement : Telle province a une étendue territoriale d’autant d’hectares, la longueur de ses routes n’est que de tant de lieues, telle autre province a une étendue territoriale plus considérable, par contre, la longueur de ses routes n’est que de la moitié, du tiers même du quart ; évidemment dira-t-on, c’est dans la première de ces provinces que le besoin de communications nouvelles est le plus grand. C’est là le raisonnement que j’ai vu reproduire assez souvent dans les documents administratifs, et il me paraît complètement erroné. Vous allez en sentir la raison.

D’après moi, le besoin de communications, et je crois qu’on sera d’accord là-dessus, si l’on veut approfondir cette idée, le besoin de communications, dis-je, ne doit pas se calculer d’après l’étendue du territoire, mais d’après le chiffre de la population, et surtout d’après l’importance des industries agricoles ou autres. En effet, messieurs, à quoi sont destinées les voies de communication ? Je crois que tout le monde pensera, comme moi, qu’elles sont destinées à transporter les voyageurs, à faciliter le mouvement des hommes et des choses, et par conséquent, elles sont nécessaires, indispensables avant tout, là où il y des voyageurs et des marchandises à transporter, là où il y de grands centres de population, là où l’industrie agricole et les industries manufacturières ont des développements.

Je ne dirai pas, messieurs, que dans les pays dépourvus de population et d’industrie, les voies de communication sont complètement inutiles. Mais je suis en droit de dire qu’ils ne produisent que des avantages éloignés ; tandis que dans les pays qui ont une nombreuse population, dans les provinces qui sont dotées d’industries importantes, sous le rapport agricole ou manufacturier, les nouvelles routes remplissent, dès le moment de leur établissement, le grand but de leur destination et de leur utilité. Du moment même où elles sont livrées à la circulation, elles augmentent la force des bras et des capitaux ; elles donnent du développement à l’agriculture et aux autres industries, en diminuant le prix du transport de la matière première, et en facilitant l’écoulement des produits ; enfin elles servent immédiatement à étendre de mille manières la production de la richesse nationale. Dans les pays dépourvus de population et d’industrie, ces résultats ne se réalisent que lentement. Les routes ne sont pas inutiles, mais leur utilité n’est que dans l’avenir, elle est subordonnée à des éventualités ; elle dépend souvent d’un peut-être.

Messieurs, ce qui prouve à l’évidence qu’il existe dans la Flandre orientale un immense besoin de nouvelles voies de communication, ce sont les sacrifices énormes que nous avons faits depuis 1830. D’autres membres vous ont dit avant moi que notre province a dépensé pour cet objet 2 millions ; si ces honorables membres n’ont entendu parler que de ressources créées par emprunt, ils ont raison ; mais ils sont restés au-dessous de la vérité, quand on prend toutes les dépenses qui ont été faites avec les fonds de la province. Je suis à même de prouver par des chiffres incontestables que les sommes imputées depuis 1830 sur nos fonds provinciaux pour construire de nouvelles routes, s’élèvent au chiffre énorme de 3 millions et demi, de près de quatre millions ; en outre, un grand nombre de nos communes ont contractés des emprunts et se sont imposés des centimes additionnels pour créer de nouvelles voies de communication ; plusieurs routes très-importantes, et qui ont entraîné des dépenses considérables, ont été construites, presque entièrement, avec les fonds des communes. Je citerai, entre autres, les routes de Gand à Watervliet, et de Beveren à Stekem. Voilà des faits incontestables qui prouvent en même temps que peut-être, dans aucune province, les sacrifices n’ont été aussi considérables. Quant à l’allégation, que nous devrions au moins nous borner à la construction de six routes, cela est réfuté par les considérations qui précèdent. J’ai d’ailleurs répondu victorieusement à cette objection dans la discussion du budget de l’année dernière, et je n’aime pas de reproduire constamment les mêmes observations ; mais est-il vrai, par hasard, que la bonne volonté du gouvernement, à notre égard, aurait été paralysée, en quelque sorte, par notre négligence ; que nous n’avons rien obtenu, parce que nous n’avons rien demandé ? Messieurs, cette raison est tout aussi mauvaise, aussi mal fondée que les autres. J’ai eu l’honneur de siéger pendant plusieurs années au conseil provincial de la Flandre orientale, et je puis vous garantir que, chaque année, nous avons voté une adresse au gouvernement pour nous plaindre de la manière dont les subsides étaient répartis, et pour supplier le gouvernement d’être juste et équitable et nos réclamations sont demeurées stériles.

(page 989) Je finis, messieurs, par une dernière observation qui m’est réellement pénible ; j’avais espéré qu’après les réclamations que j’ai élevées dans cette enceinte l’année dernière, le gouvernement sentirait la nécessité, non-seulement de nous accorder à l’avenir une juste part dans le partage des fonds alloués au budget, mais qu’il s’attacherait, en outre, à rétablir l’équilibre qui a été injustement rompu à notre égard, par la répartition des crédits portés aux budgets précédents ; malheureusement ces espérances ne se sont pas réalisées, et les sujets de nos plaintes sont encore augmentés, ainsi que cela résulte des observations très-fondées qui ont été présentées par l’honorable M. de Villegas et par plusieurs autres honorables membres. Cependant, je veux bien tenir compte des difficultés administratives qui ont pu (je me plais à le croire) paralyser momentanément les bonnes intentions de M. Dechamps. La résolution que cet honorable ministre vient de nous faire connaître, en ce qui concerne la continuation de la route de Ninove à Enghien, ne me permet pas de croire qu’il veuille perpétuer le système injuste qui n’a été suivi que trop longtemps à notre égard. M. Dechamps, en décrétant l’achèvement de l’importante voie de communication dont je viens de parler, a posé un acte de justice qui sera accueilli avec reconnaissance par de nombreuses populations ; j’espère qu’il prendra la ferme résolution d’être juste, en même temps, pour toute nos provinces, et de réparer les injustices et les griefs qui nous ont été infligés.

- La séance est levée à 4 heures ¾.