Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 4 mars 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 954) (Présidence de M. Vilain XIIII)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à une heure.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants d’Esschen et de Calmpthout, détenteur d’abeilles en ruches, demandent que les abeilles soient assimilées, pour la franchise des droits d’entrée et de sortie, aux objets dénommés dans le § 4 de l’art. 5 de la loi générale du 26 août 1826. »

M. Osy – Messieurs, l’objet dont il s’agit dans cette pétition est assez intéressant pour les éleveurs d’abeilles dans nos bruyères. Ils sont obligés d’envoyer leurs abeilles dans les poldres, et ils ne peuvent passer la frontière sans payer un droit de sortie et un droit d’entrée. Cela n’existait pas dans les premières années qui ont suivi la révolution. Je demanderai que la pétition soit renvoyée à la commission d’industrie, avec prière de nous faire un rapport dans la session actuelle.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal de Gerpinnes présentent des observations contre la demande de concession du chemin de fer de Couillet à Oret. »

« Mêmes observations du conseil communal et des habitants d’Oret. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs distillateurs et propriétaires à Villerot demandant le retrait de la loi du 31 juillet 1834 sur les céréales. »

- Même renvoi.

Proposition de loi modifiant la loi du 31 juillet 1834 sur les droits d'entrée et de sortie des céréales

Motion d'ordre

M. Desmet – Je demanderai d’abord à M. le ministre de l'intérieur quand il pourra nous soumettre les documents concernant la loi sur les céréales. Je demanderai, en second lieu, que les sections veuillent bien s’occuper le plus tôt possible de la proposition signée par 23 ou 24 membres, qui leur a été renvoyée. Cette proposition a fait un assez mauvais effet dans le pays, et il serait important qu’elle fût examinée, afin que l’on sût à quoi s’en tenir sur les intentions de la chambre.

M. de Renesse – Je me joins à l’honorable M. Desmet pour demander que M. le ministre de l'intérieur nous soumette le plus tôt possible les renseignements relatifs à la question des céréales. Ces renseignements peuvent nous être très-utiles pour l’examen de la question dans les sections, et je pense aussi que cet examen doit avoir lieu sans retard.

M. Manilius – Lorsque le projet de loi a été pris en considération, j’avais demandé qu’on n’en proposât pas l’examen en sections. On m’a répondu alors que la chambre n’avait rien à décider à cet égard, que c’était un objet qui devait être réglé par les présidents des sections. Je crois que nous sommes aujourd’hui dans la même situation, et que, par conséquent, nous n’avons pas à statuer sur la proposition de M. Desmet ; que nous devons laisser aux présidents des sections le soin de régler cette affaire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau les documents suivants, à consulter sur la question des céréales :

1° Législation belge ;

2° Législations étrangères (France, Angleterre, Pays-Bas, Zollverein, Etats-Unis) ;

3° Mercuriales de Belgique, de 1834-1844 ;

4° Exportations et importations en Belgique de 1834-1844 ;

5° Mercuriales de France de 1834-1844 ;

6° Exportations et importations en France, depuis dix ans ;

7° Statistique agricole, d’après certaines données approximatives ;

8° Résumé de l’instruction dont le projet de révision de 1843 a été l’objet ;

9° Prix des marchés de la Belgique.

Ce dernier document manque, mais je l’aurai dans quelques jours, avant que les autres soient imprimés.

Un membre – Et les avis des chambres de commerce ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Les avis des chambres de commerce sont demandés ainsi que les avis des commissions d’agriculture. J’ai envoyé le projet de loi à ces corps ; mais d’après certains avis qui me sont parvenus, il me paraît qu’ils attendent, pour se prononcer, les documents dont je viens de faire le dépôt et qui seront imprimés.

M. Osy – Je pense, messieurs, que les sections ne pourront s’occuper de la proposition avant que les documents déposés par M. le ministre de l'intérieur n’aient été imprimés et distribués.

M. Desmet – Je conviens que les sections ne peuvent examiner la proposition sans avoir les documents qui viennent de nous être communiqués, mais si nous devions attendre les avis des chambres de commerce et des commissions d’agriculture, la question ne serait pas examinée dans la session actuelle. Il importe cependant que la chambre se prononce. A chaque instant nous allons recevoir des réclamations qui ne seront peut-être pas fondées. Je demande donc qu’après l’impression des pièces, MM. les présidents des sections se concertent pour accélérer autant que possible l’examen de la proposition.

M. Fleussu – Au nombre des pièces que M. le ministre vient de déposer, je ne vois pas figurer les prix des céréales pendant les années 1830 à 1834. (Interruption.) Je sais bien que nous pouvons nous procurer ce renseignement ; mais il serait à désirer que nous eussions sous la main tous les documents relatifs à la question. Les années 1830 à 1834 forment une ère toute spéciale, c’est une ère de liberté de commerce des grains. Je voudrais savoir qu’elle a été l’influence de ce système de liberté sur le prix des céréales. Je prierai donc M. le ministre de l'intérieur de joindre le document dont je viens de parler, à ceux qu’il nous a communiqués.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’ignore si ce document existe ; mais s’il existe, il sera joint aux pièces que j’ai déposées. A l’époque dont il s’agit, les mercuriales n’étaient pas tenues comme elles le sont aujourd’hui ; si donc le document existe, il est très incomplet.

M. Mast de Vries – Je crois, messieurs, qu’il faut faire cesser l’anxiété qui règne dans le pays. Il est impossible d’examiner la proposition dont il s’agit sans avoir étudié les documents que M. le ministre vient de déposer et sans avoir reçu les avis des chambres de commerce et des commissions d’agriculture. Cependant toutes les opérations commerciales sont arrêtées ; le pays a besoin de faire venir de l’étranger une grande quantité d’orge, mais le commerce étranger n’ose pas en envoyer, parce que l’on est exposé à devoir payer un droit d’entrée de 6 francs par hectolitre. Cet état de choses est ruineux pour nos brasseries. Je demande que la chambre y mettre un terme : Tout le monde reconnaîtra qu’il est impossible que nous discutions la proposition relatives aux céréales dans la session actuelle ; eh bien, donc qu’on le déclare une bonne fois ; alors les relations commerciales reprendront leurs cours, et nos établissements pourront faire les approvisionnements qui leur sont indispensables.

Je demande donc que, vu les pièces déposées, vu les avis des chambres de commerce et des commissions d’agriculture, dont nous avons besoin, vu le peu de temps qui nous reste, la chambre reconnaisse que la proposition ne sera pas discutée dans la présente session. Plus tard, lorsqu’on pourra s’en occuper, on reconnaîtra la nécessité de porter quelques modifications à la loi de 1834. Je prouverai qu’une échelle mieux graduée dans la perception des droits satisfera, je pense, toutes les exigences.

M. le président – Je ferai observer à la chambre que l’impression des pièces qui viennent d’être déposées a été ordonnée. Il faudra quelques jours pour cette impression. On pourra régler, lorsqu’elle sera achevée, l’ordre du jour des sections.

(page 955) M. Mast de Vries – Et, en attendant, toutes les transactions sont arrêtées.

M. Eloy de Burdinne – Je suis étonné de voir l’opposition que rencontre dans cette enceinte l’examen d’une proposition signée par 21 membres.

On est entré dans le fonds de la question. S’il m’étais permis de suivre l’honorable M. Mast de Vries sur ce terrain, je lui répondrais relativement à ce qu’il vous a dit du besoin d’orge étrangère qu’ont certaines industriels, que j’ai sous les yeux un tableau des entrées et des sorties ainsi que des prix des céréales dans chaque période, et qu’il en résulte que, lorsque nous avons frappé l’orge d’un droit de 14 fr., elle a été à meilleur marché en Belgique que lorsqu’elle était sans droits.

M. le président – Vous entrez dans le fond de la question.

M. Eloy de Burdinne – Je n’entre pas dans le fond de la question. L’honorable député de Malines a fait une observation. Je lui réponds très-brièvement.

Au surplus, messieurs, je n’entrerai pas plus avant dans ces détails. Les feuilles publiques reproduiront mon travail ; je crois qu’il est de nature à tranquilliser ceux qui ont besoin d’orge, ainsi que leurs défenseurs. Il y verront que, bien loin de vouloir faire augmenter le prix de l’orge, l’expérience de quinze années démontre que l’orge est à meilleur marché, lorsqu’on favorise dans le pays la production de cette céréales.

J’appuie, du reste, la proposition de mes honorables collègues qui vous demandent que notre proposition soit examinée le plus promptement possible, parce qu’en l’examinant, nous nous éclairerons mutuellement et nous parviendrons, je l’espère, à faire une loi qui satisfera à toutes les exigences. Il est, d’ailleurs, important qu’on s’en occupe immédiatement, afin de faire cesser les réclamations qui vont vous arriver de toutes les parties du royaume, dans un sens comme dans l’autre. Car, je vous le prédis, d’ici à quinze jours, vous verrez la chambre inondée de pétitions. C’est pour faire cesser ces diverses réclamations que je demande que la chambre s’occupe immédiatement de notre proposition.

M. le président – L’honorable M. Desmet persiste-t-il dans sa motion ?

M. Desmet – Je la retire.

Pièces adressées à la chambre

« Les sieurs De Thier, Rensonnet, Richard et Capelle-Lury, à Verviers, demandent que les restaurants des salles d’attente, dans les stations des chemins de fer, soient mis en location. »

M. David – Messieurs, depuis très-longtemps, j’étais disposé à parler à la chambre de l’objet de la pétition qui vous est présenté aujourd’hui. J’aurais voulu que la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics, pût s’occuper de cette question ; mais déjà elle nous a fait son rapport.

M. le ministre des travaux publics pourra peut-être nous donner, dans un délai rapproché, des renseignements sur la manière dont il croirait devoir s’y prendre, pour affermer les restaurants des salles d’attente des chemins de fer. Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, que la mise en location de ces restaurants pourra rapporter peut-être au-delà de cent mille francs. On peut comparer, me semble-t-il, ces restaurants à des barrières du chemin de fer, où chaque voyageur vient payer une espèce de tribut de consommation, et ce tribut ne doit pas tourner au profit de quelques privilégiés.

Je demanderai donc que, par urgence, la pétition des hôteliers de Verviers soient renvoyée à M. le ministre des travaux publics, parce que j’aurai l’occasion de revenir sur cette demande pendant la discussion que nous allons entamer, relativement aux chemins de fer.

M. de Theux – Il faut attendre le rapport de la commission des pétitions.

M. le président – Le bureau avait proposé le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du budget du département des travaux publics.

M. David – Je me rallie à cette proposition ; mais il est bien entendu que M. le ministre des travaux publics s’occupera de cette affaire dans ses bureaux, pour pouvoir répondre aux interpellations qui lui seront faites dans le cours de la discussion.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Certainement.

M. le président – Ainsi, la pétition restera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


M. le ministre de la justice, par dépêche du 1er mars 1845, transmet à la chambre, avec les renseignements y relatifs, cinq demandes en naturalisation ordinaire.

- Renvoi à la commission de naturalisation.


M. le ministre de l'intérieur transmet à la chambre les pièces relatives à l’instruction qui a eu lieu sur la proposition de M. Vilain XIIII, relative à l’érection de Beersel en une commune distincte.

- Renvoi à la commission qui est chargée de l’examen du projet de loi.


M. le ministre de la guerre transmet à la chambre deux exemplaires de l’Annuaire militaire officiel pour 1845.

- Dépôt à la bibliothèque.


M. de La Coste informe la chambre qu’il est retenu chez lui, par une indisposition, depuis samedi dernier.

- Pris pour information.

Rapports sur des pétitions

M. Zoude, au nom de la commission des pétitions. – Messieurs, la régence de la commune la plus populeuse du district de Neufchâteau, celle de Sugny, adresse ses doléances à la chambre en lui exprimant la détresse dans laquelle ses administrés sont plongés, détresse la plus affreuse dont on ait le souvenir.

La cause en est dans la difficulté de pouvoir se procurer des céréales, étant éloigné de près de 18 lieues dit-elle, des marchés de l’intérieur.

Menacés de famine au milieu de l’abondance qui règne dans un pays voisin, cette régence vient vous supplier de lui accorder la même faveur dont jouit le district de Verviers : celle de pouvoir importer des grains de l’étranger au quart du droit.

Sous les gouvernements d’Autriche et des ducs de Bouillon, qui se partageaient la souveraineté de son territoire, il leur était permis de s’approvisionner en France, le seul pays qui, à cause de l’excentricité de Sugny, entretient des relations avec ses habitants.

La présentation de la discussion d’un projet de loi spécial pour secourir cette commune devant entraîner des lenteurs qui ne sont guère compatibles avec le besoin d’une population travaillée par la faim, qui n’a pas d’oreilles il serait à désirer que le gouvernement voulût adopter une mesure urgente et momentanée, qu’on rendrait ensuite permanente : telle que la commune en jouissait sous les anciens gouvernements avant la révolution française. C’est pourquoi votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition aux départements de l’intérieur et des finances.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Zoude – Le sieur Kirsch, garde-champêtre à Glabbeek-Suerbempte, demande exemption du droit d’enregistrement pour la naturalisation ordinaire qui lui a été conférée.

Le pétitionnaire expose, avec vérité, que le retard apporté à la décision de la législature sur sa demande en naturalisation a tenu à des causes tout à fait indépendantes de sa volonté, que ce retard ne peut être attribué qu’aux nombreux embarras de la commission qui, quoique surchargée de demandes, doit cependant apporter beaucoup de soins dans l’examen des pièces que les pétitionnaires produisent pour appuyer la faveur qu’ils réclament, que deux ans se sont à peu près écoulés entre sa demande et la résolution prise par la législature ;

Qu’en équité, la commission croit que le pétitionnaire est fondé dans sa réclamation ; mais l’est-il également aux yeux de la loi ? le gouvernement peut-il en admettre la rigueur ? Votre commission le désire sans pouvoir trop l’espérer.

Toutefois elle a l’honneur de vous proposer le double renvoi de cette pétition aux départements des finances et de l’intérieur

- Ces conclusions sont adoptées.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Desmet dépose des rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

Projet de loi régularisant les arrêtés royaux du 14 juillet 1843 et du 13 octobre 1844, modifiant le tarif des douanes

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, le Roi m’a chargé, de concert avec M. le ministre des finances, de présenter un projet de loi, tendant à régulariser les dispositions des arrêtés royaux du 14 juillet 1843, et du 13 octobre 1844, relatif aux douanes.

La chambre est déjà saisie d’un projet de loi sur le premier objet ; on a réuni les deux objets dans un seul et même projet de loi, pour avoir leur acte complet ; déjà une section centrale est constituée ; je demande que le nouveau projet soit renvoyé à cette section centrale.

- Cette proposition est acceptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1845

Discussion générale

M. Lys (pour une motion d'ordre) – lors de la discussion du budget des travaux publics, j’avais demandé à M. le ministre des travaux publics plusieurs pièces relatives a chemin de fer rhénan. Il nous avait promis de fournir ces pièces, mais je suppose qu’il aura eu beaucoup de difficultés à se les procurer. Je me borne aujourd’hui à demander à M. le ministre des travaux publics quelle est la somme qui est entrée dans les caisses de l’Etat, du chef de l’intérêt de nos actions sur le chemin de fer rhénan, 1° pour 1845 et 2° pour 1844.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je pourrais demain déposer sur le bureau un dossier contenant les divers renseignements concernant le chemin de fer rhénan.

M. Rodenbach (pour une motion d'ordre) – Messieurs, il y a environ quinze jours qu’un honorable représentant de Malines a fait un rapport sur une pétition qui nous a été adressée par le commerce de la capitale ; les négociants de Bruxelles demandaient une modification dans le tarif postal ; ils réclamaient notamment la suppression du décime rural.

J’ai également provoqué un changement dans le tarif postal en 1842 et en 1843. Je n’ai pas demandé le système anglais, système qui, je le sais, serait fatal à notre trésor ; mais j’ai demandé un système à peu près analogue à celui qui est déjà exécuté en Prusse. J’ai pareillement réclamé la suppression du décime rural. M. le ministre des travaux publics nous a fait connaître qu’il était favorable à la suppression du décime rural, et qu’il présenterait un projet de loi. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il sera bientôt à même de nous saisir de ce projet de loi.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Lorsque la chambre sera parvenue au chapitre 3, je pourrai mieux que je ne le puis maintenant, déclarer positivement quelle est l’intention du gouvernement, en ce qui concerne la présentation du projet de loi relatif à la taxe postale. Je prierai donc l’honorable M. Rodenbach de bien vouloir ajourner son observation jusqu’à la discussion du chapitre 3.

(page 956) M. Rodenbach – Je prierai M. le président de vouloir bien m’inscrire pour le chapitre 3.

M. le président – La discussion générale sur le budget du département des travaux publics est ouverte.

La parole est à M. Desmaisières.

M. Desmaisières – Messieurs, ainsi que je l’ai dit dans une autre séance, si je n’ai jamais répondu aux observations que l’honorable M. Rogier a cru devoir faire plus d’une fois dans cette enceinte à l’égard d’un acte que j’ai posé comme ministre des travaux publics, c’est que, tout en partageant les sympathies de l’honorable membre pour l’ingénieur Simons, j’ai cru cependant devoir faire taire ces sympathies dans l’intérêt de la bonne discipline qui doit régner avant tout dans le corps des ingénieurs.

Messieurs, avant d’entrer au ministère, je savais, à raison des fonctions que j’ai occupées pendant douze ans dans l’armée des Pays-bas, qu’en fait de travaux publics, il faut une surveillance active, incessante et sévère. Aussi, dès les premiers temps de mon ministère, j’ai cru indispensable de soumettre les travaux du chemin de fer, qui étaient les plus considérables dont mon département était chargé alors, de les soumettre, dis-je à l’inspection des inspecteurs divisionnaires et de l’inspecteur-général des ponts et chaussées.

Le jour même de mon entrée au ministère, j’ai demandé au directeur des chemins de fer en construction, M. Simons, de me présenter, dans le plus bref délai possible, un rapport détaillé sur la situation des travaux. Après que je me fus mis en possession de ce rapport et des plans, devis et cahiers des charges des diverses sections du chemin de fer en exécution, j’ai cru devoir moi-même inspecter successivement tous les travaux, en me faisant accompagner par le directeur des chemins de fer en construction, par l’inspecteur-général des ponts et chaussées et par l’inspection divisionnaire de la ligne que je voulais visiter.

Arrivé au commencement de juin 1841, à l’inspection des travaux depuis Ans jusqu’à Liège, je n’ai, par suite de l’étude préalable que j’avais faite des plans, devis et cahiers des charges, pas eu de peine à reconnaître que ces travaux avaient présenté dans l’exécution des difficultés telles qu’il avait fallu modifier considérablement les projets primitifs qui cependant avaient servi de bases aux adjudications.

Les plans inclinés de Liége donnèrent, pendant mon séjour à Liége, lieu à un différend entre le directeur des chemins de fer en construction, M. Simons, et M. l’ingénieur Maus, qui dirigeait spécialement les travaux. Ce différend portait sur l’époque probable de la mise en exploitation de ces plans inclinés. Une discussion eu lieu en présence de la régence de Liége qui n’avait cessé de demander avec les plus grandes instances, que l’exécution de ces plans inclinés fût activée de manière à pouvoir être mis bientôt en exploitation. M. l’ingénieur Maus soutenait qu’il ne pouvait être mis en exploitation qu’à une époque beaucoup plus reculée que celle indiquée par M. le directeur Simons. Plus loin, lorsque nous arrivâmes aux travaux qui s’exécutaient dans la vallée de la Vesdre, où, ainsi que tout le monde aujourd’hui doit le reconnaître, il y avait des difficultés considérables à vaincre dans l’exécution, je n’eus également pas de peine à reconnaître, par suite de l’étude préalable que j’avais faite des plans, devis et cahiers des charges, que de nombreuses et grandes modifications avaient dû être apportées aux projets primitifs qui avaient servi de bases aux adjudications. Pendant le parcours que nous fîmes à pied des travaux, depuis Liége jusqu’à la frontière de Prusse et comme si le ciel, en quelque sorte, avait voulu me donner un avertissement, une pluie assez abondante survint et nous vîmes comme par un changement de décoration à vue, si je puis m’exprimer ainsi, le filet d’eau qui coulait paisiblement dans le lit de la Vesdre, se transformer en un torrent qui renversait tout ce qu’il rencontrait sur son passage ; nous vîmes tous les ponts de service s’écrouler, et la rivière rouler dans ses flots impétueux des planches, des pierres et des matériaux de toute espèce.

Dans cette inspection, diverses nouvelles et importantes modifications furent proposées par le directeur des chemins de fer en construction, M. Simons lui-même, et admises, par moi, après discussion sur les lieux mêmes.

Mais, messieurs, si M. le directeur Simons, soutenait que les travaux des plans inclinés, contrairement à l’opinion de M. l’ingénieur Maus, pouvaient être conduits de manière à en permettre très-prochainement l’exploitation ; si l’on rencontrait tant de difficultés dans l’exécution des travaux depuis Ans jusqu’à la frontière prussienne ; s’il y avait obligation pour les ingénieurs et le gouvernement de surmonter ces difficultés et de le faire de manière à éviter tout danger pour les voyageurs tout en conservant à la marche des convois l’avantage de la célérité ; s’il avait fallu modifier d’abord tous les projets primitifs qui avaient servi de base aux adjudications ; si enfin il fallait encore se résoudre à de nouvelles et grandes modifications, il y avait pour moi une responsabilité plus grande, qui m’obligeait impérieusement à prendre les mesures nécessaires pour assurer la bonne exécution de ces travaux, en même temps que pour régler le plus économiquement possible la question d’augmentation de dépense.

Vous devez vous rappeler, messieurs, qu’en 1842, par suite de ces nombreuses et grandes modifications apportées aux projets primitifs, la dépense a été considérablement augmentée, et que j’ai été obligée de venir vous demander 33 millions pour l’exécution de la section du chemin de fer d’Ans à la frontière prussienne, tandis que l’estimation faite en 1839 avant le commencement de l’exécution ne portait que vingt millions.

C’est par suite de cette grande responsabilité qui pesait sur moi, c’est par suite de la nécessité où j’étais de devoir assurer la bonne exécution de ces travaux, en même temps que le règlement le plus économique possible de l’augmentation de dépenses, que j’ai cru devoir proposer au Roi l’arrêté du 21 juin 1841 qui conservait au directeur des chemins de fer en construction, sa position, mais qui lui ordonnait d’aller momentanément résider à Liége, pour y suivre de près et spécialement l’exécution de ces travaux, ainsi que le règlement de l’augmentation de dépenses. Il me paraissait que l’auteur des projets primitifs ayant d’abord été chargé spécialement de diriger l’exécution et ayant ensuite été occupé encore de ces travaux en qualité de directeur de la construction de toutes les sections du chemin de fer de l’Etat, pouvait seul ou du moins mieux que tout autre ingénieur me donner la garantie d’une bonne exécution, ainsi que du règlement le plus prompt et le plus économique possible de l’augmentation de dépenses nécessitée par cette bonne exécution.

Malheureusement, d’anciennes contrariétés, que cet ingénieur disait avoir éprouvées, lui firent comprendre mal le sens de l’arrêté du 21 juin ; il crut y voir ce qui n’y était pas ; il crut que cet arrêté renfermait quelque chose d’hostile pour lui. J’ai eu beau lui donner, dans les longs entretiens que j’ai eus avec lui, les assurances les plus formelles, les explications les plus bienveillantes et les plus rassurantes, je n’ai pu parvenir à le tirer de cette erreur. Cependant mes sympathies pour lui étaient telle que, pour lui prouver qu’il n’y avait rien d’hostile à son égard dans l’arrêté du 21 juin dans la mission que je voulais lui donner, j’allais jusqu’à lui écrire que mes intentions étaient de le proposer incessamment au Roi pour le grade d’inspecteur divisionnaire.

Mais malheureusement, encore une fois, je ne pus pas même, à l’aide de ce moyen, le tirer de la fatale erreur qui le dominait, et il refusa formellement d’accepter la mission que je voulais lui donner. C’est alors que force me fut bien malgré moi de le mettre en disponibilité. J’ai dû donner ensuite cette mission à son beau-père l’inspecteur Vifquain, auquel j’ai bientôt adjoint M. l’ingénieur en chef Groetaers, avec l’obligation pour celui-ci de résider à Liége.

Peut-être trouvera-t-on que j’ai usé de trop d’indulgence ; mais, messieurs, pouvais-je ne pas tenir compte des services rendus au pays, par M. l’ingénieur Simons ?

Aussi, si l’on me faisait ce reproche, je répondrais ce que j’ai répondu à l’époque même de la mise en disponibilité de M. Simons qu’en présence du talent, de la probité et des services rendus au pays par cet ingénieur, services qui lui avaient valu non-seulement mes sympathies, mais encore celles des chambres et du pays, j’aurais plutôt quitté le ministère que de signer sa destitution.

Quand M. Simons, poursuivi par un grande idée qu’il désirait vivement mettre à exécution, s’est déterminé à aller à Guatemala, j’ai fait tous les efforts possibles, dans les divers entretiens que j’ai eus avec lui pour l’en dissuader. Mais moi, pas plus que les autres, je n’ai pu obtenir qu’il renonçât à l’exécution de ce grand projet.

J’ai eu la satisfaction, dans ces entretiens, de l’entendre m’exprimer sa reconnaissance. J’ai reçu ensuite, de lui, une lettre, dans laquelle il me l’a de nouveau témoignée, dans les termes les plus positifs.

M. le ministre des travaux publics vous a dit que, lorsqu’il a appris que l’on craignait pour les jours de cet homme de bien, il s’était empressé de le nommer inspecteur divisionnaire, afin d’assurer une meilleure position à ses enfants. Il aurait pu ajouter qu’au moment de prendre cette mesure, il a bien voulu m’en entretenir, et que je lui ai répondu immédiatement : « En prenant cette mesure, vous ne ferez que remplir mes intentions. ;; »

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - C’est vrai.

M. David – N’ayant pu cette année, et pour cause de santé, partager les travaux des sections, force m’est aujourd’hui, pour m’éclairer, de parcourir attentivement le rapport de l’honorable M. Mast de Vries, qui vous a été présenté au nom de la section centrale.

L’honorable rapporteur commence ce rapport par la comparaison des chiffres du budget de 1844 et de celui demandé pour 1845.

La majoration du chiffre pétitionné pour 1845 n’étant supérieure au chiffre accordé en 1844 que de 627,600 fr. 4 c., il ne conclut que le chiffre pétitionné pour 1845 « peut être envisagé comme chiffre normal. »

Sans doute pour les routes, pour les postes, pour les mines, pour les canaux, pour les rivières même, le chiffre des dépenses est un chiffre normal, suffisamment déterminé par une longue expérience, par d’anciens services dont les rouages fonctionnent depuis longtemps. Mais il n’en est pas de même, messieurs, en ce qui concerne les dépenses considérables du chemin de fer, et pour ce motif je n’ai pas cru devoir laisser passer sans observations la remarque de l’honorable rapporteur, qui tendrait à faire croire que la chambre adopterait les dépenses actuelles du chemin de fer, pour entretien, pour personnel, pour fournitures du magasin central, etc, « comme dépenses normales » sur lesquelles il n’y aurait plus à revenir. La discussion du budget de 1844 a suffisamment prouvé qu’un grand nombre de membres de cette chambre considéraient ces dépenses comme susceptibles de grandes réductions.

L’honorable rapporteur signale lui-même la tendance du gouvernement à majorer les traitements des fonctionnaires de l’administration.

Ainsi donc, sous quelque face qu’on nous les présente, il faut non-seulement que nous nous opposions à cette tendance de majoration de traitements, mais encore que nous apportions toute notre sollicitude à provoquer des diminutions et dans le personnel et dans les dépenses du personnel.

Je m’associerai de grand cœur au vœu exprimé par la section centrale de posséder enfin un règlement général d’administration, fixant les traitements, les frais de route et de séjour des fonctionnaires de tous les départements ministériels ; mais je crains fort que si la proposition doit venir du gouvernement, nous soyons longtemps à l’attendre.

(page 957) On nous promet des suppressions sur les traitements variables et indemnités accordées à certains fonctionnaires du chemin de fer ; mais, par contre, on nous dit aussi qu’on s’occupe d’un nouveau système qui consisterait à donner un tantième dans le bénéfice net de l’exploitation. Mais que je sache, il n’y a pas encore eu de bénéfice net dans l’exploitation du chemin de fer, jusqu’à ce jour. Jusqu’à présent nous n’avons pu compter que par perte et déficit ; à preuve, M. le ministre des finances lui-même est venu nous révéler dans une des précédentes séances, que le chemin de fer était en déficit pour 1844, de 5 millions de francs ? Où seraient donc les bénéfices nets, sur lesquels on projetterait d’accorder un tantième ?

Pour mon compte, je suis bien décidé à n’accorder de prime ou tantième sur les bénéfices, que lorsqu’il me sera démontré que l’administration du chemin de fer a géré de manière à couvrir les intérêts des capitaux d’établissement.

Quant à intéresser directement certains employés aux résultats de l’exploitation, je n’y verrais aucun inconvénient ; j’y verrais même de l’avantage. On pourrait, il me semble, pour les receveurs, pour les commis aux recettes des voyageurs, des marchandises, pour les peseurs, pour les chargeurs, enfin pour tous les employés en contact direct avec le public, avec le commerce, les rémunérer au moyen de remises proportionnelles aux recettes, mais alors sans traitements fixes, ainsi, d’ailleurs, que la chose se pratique pour les contributions, pour les douanes, pour l’enregistrement, etc. .

Je félicite M. le ministre d’avoir enfin pensé à établir à l’administration centrale de son département un contrôle efficace des opérations du chemin de fer, et particulièrement sur le chapitre des recettes, qui, jusqu’ici, n’ont été l’objet d’aucun contrôle, ni de la part du département des travaux publics, ni de la part du département des finances, ni de la cour des comptes. J’ai vu aussi avec plaisir dans cet arrêté, qu’enfin il existera une statistique du chemin de fer au département. Alors probablement nous pourrons enfin avoir les renseignements les plus essentiels et qui manquent totalement dans le compte-rendu de l’exercice 1844 ; je me trompe, ce n’est pas le compte-rendu des neuf premiers mois de 1844 seulement ; je veux parler du mouvement des transports de station à destination, qui nous avaient été communiqués pour les exercices 1842 et 1843, après de vives et incessantes réclamations et par l’honorable M. Rogier et par moi-même, et qui maintenant viennent à nous faire défaut pour l’exercice morcelé de 1844.

C’est une chose vraiment digne de remarque : on nous refuse de nouveau dans ce dernier compte-rendu le tableau des lieues parcourues par les convois sur chacune des sections exploitées, et cependant je crois l’avoir suffisamment démontré les années précédentes, c’est au moyen de la combinaison de ces deux éléments qu’il est donné de pouvoir reconnaître si l’exploitation se fait avec discernement, avec économie ; si le matériel de l’exploitation est suffisant, s’il est convenablement réparti sur les diverses lignes, d’après l’importance des transports.

Tout en approuvant les mesures d’organisation que nous promet l’arrêté récent de M. le ministre des travaux publics, je regrette qu’il se taise sur un point bien important, c’est-à-dire sur l’émission des billets ou coupons du chemin de fer, qui ne sont, à la fin du compte, qu’un véritable papier-monnaie, et dont le siège de la fabrication devrait être nécessairement au ministère des finances sous le contrôle de la cour des comptes. En Belgique, le directeur des chemins de fer est évidemment un second ministre des finances par les sommes énormes dont il dispose.

J’attire donc l’attention toute spéciale de M. le ministre des travaux publics sur ce point important de la fortune publique.

Je me réserve de revenir au besoin, lors de la discussion des articles, sur divers points du budget.

M. Savart-Martel – Messieurs, j’avais l’intention de traiter le dernier point dont vient de nous occuper l’honorable M. David. Comme il l’a dit, les coupons des chemins de fer sont une espèce de monnaie ; il doit donc y avoir un contrôle, et même un contrôle rigoureux ; car, s’il n’y a point d’abus reconnus en ce moment, il pourrait en arriver ; notre devoir est de prévenir et l’abus et la malversation. J’approuve, à cet égard, tout ce qu’a dit l’honorable préopinant, et je n’en dirai pas davantage.

Messieurs, je vous occuperai maintenant d’un autre point ; je veux parler du personnel qui, dans le budget des travaux publics, coûte trois millions huit mille cent vingt-quatre francs ; savoir :

Personnel des mines, deux cent quinze mille huit cent francs ;

Personnel des postes aux lettres, neuf cent mille francs ;

Personnel du chemin de fer, un million quarante deux mille cent vingt-cinq francs ;

Enfin, personnel des routes et canaux et d’administration centrale, huit cent cinquante et un mille quatre-vingt-dix-neuf francs.

Eh bien, la répartition de cette somme énorme (qui ne comporte aucun matériel et aucun imprévu) n’est réglé par aucune loi, ni même par aucun arrêté connu officiellement de la chambre ; son application dépend du bon plaisir ministériel. Les choses ne peuvent pas rester en cet état.

Notre régénération politique remonte à quinze ans ; l’expérience, en matière d’exploitation des chemins de fer, est maintenant acquise ; il est donc urgent, et très-urgent, que nous entrions dans une voie normale dont on ne peut se passer sous le régime constitutionnel.

Messieurs, il est de notoriété publique que, malgré les trois millions et plus que nous allouons au personnel du budget des travaux publics, les employés inférieurs de ce département, ceux surtout qui travaillent le plus, et dont la vie est constamment en danger, sont rétribués avec parcimonie. Ce sont les chefs, les supérieurs, les grosses épaulettes qui emportent une partie considérable de ces trois millions. J’appelle sur ce point toute l’attention de la chambre.

M. Lys – Je suis revenu à plusieurs reprises sur la nécessité d’attribuer au ministère des finances l’administration financière du chemin de fer ; telle était aussi l’opinion de l’honorable M. d’Huart lorsqu’il était ministre des finances, telle est encore l’opinion de la cour des comptes. MM. les ministres des finances et des travaux publics ont semblé vouloir tenir compte des observations qui leur ont été faites, et des commissions des deux ministères ont examiné cette question. Pour tout homme impartial, la commission des finances a administré la preuve la plus complète de cette nécessité, malgré cela, celle des travaux publics a été d’un avis contraire ; vous deviez vous attendre que le conseil des ministres aurait tranché la question, il n’en a rien fait. MM. les ministres auront pensé qu’ils avaient bien assez de nos discussions sans en soulever entre eux, et les rapports des commissions sont sans doute passés dans les cartons pour ne plus en sortir. L’abus existe, l’abus continue et on ne fait rien pour y remédier ; on persiste à croire que ce n’est pas trop de deux ministres des finances pour notre petit royaume. Là où la centralisation est indispensable, on la néglige, et on la recherche d’un autre côté, où elle est non-seulement inutile, mais nuisible.

La France a depuis longtemps reconnu la nécessité de la centralisation des recettes ; elle avait aussi un ministre du trésor et un ministre des finances ; depuis 1844, elle n’a plus qu’un ministre des finances.

Tel est aussi l’avis de M. Bowring dans son rapport aux lords-commissaires du trésor de S.M.B du 24 septembre 1831.

« Mais le principe fondamental sur lequel, dit-il, reposent toutes les garanties du système d’opérations et des comptes et qui embrasse tout l’horizon du service financier est la centralisation ou la réunion dans une même main, pour ainsi dire, de tous les fils des administrations inférieures. De cette manière, le gouvernement est à même de communiquer partout une impulsion d’ordre et d’uniformité, et de diriger le tout avec la plus parfaite connaissance des opérations de chaque service. » Telle est enfin l’opinion de votre section centrale, qui a examiné le projet de loi sur la comptabilité de l’Etat. Dans l’art. 9 qu’elle vous propose, elle dit : Qu’aucune manutention de deniers ne peut être exercée, aucune caisse publique ne peut être gérée que par un agent placé sous les ordres du ministre des finances, nommé par lui ou sur sa présentation, responsable envers lui de sa gestion et justiciable de la cour des comptes.

Cette grave question va donc être soumise à la législature et je suis ainsi dispensé de vous en entretenir de nouveau.

J’espère, messieurs, que ce projet de loi, que vous sollicitez depuis tant d’années, sera bientôt porté à votre ordre du jour ; car, pour peu que vous tardiez, vous aurez encore les abus d’aujourd’hui, pendant 1846 ; c’est dès lors un devoir pour vous d’exiger une prompte discussion.

La cour des comptes, observations de 1844, sous le titre de « Cumul des frais de routes, avec la franchise des transports », nous a fait part que des demandes de payement, ayant pour objet des remboursements de frais de route au profit d’ingénieurs divisionnaires, sont encore soumises à la liquidation de la cour.

L’arrêté du 15 août 1842 devait faire cesser toute indemnité pour frais de route, et c’est donner lieu à des abus que de concéder des frais de routes à des gens qui ne payent jamais leur passage au chemin de fer.

Nous nous plaignons depuis longtemps des marchés directs faits par simple soumission, et nous réclamons, avec raison, l’adjudication publique dont on reconnaît l’utilité pour les intérêts du trésor. La cour des comptes ne cesse ainsi de la demander.

Je lis dans ses observations de 1844, page 38, ce qui suit :

« Fournitures d’impressions nécessaires au département des travaux publics et du chemin de fer.

« Par arrêté du 21 août 1841, M. le ministre des travaux publics approuva une soumission ayant pour objet la fourniture des diverses impressions nécessaires à l’administration des chemins de fer en exploitation, fourniture qui fut limitée à la composition, correction, tirage, satinage, etc., le papier étant fourni par l’administration.

« Depuis cette époque, les fournitures d’impression livrées par le soumissionnaire pour le chemin de fer en exploitation seulement, se sont élevées à 118,425 francs environ.

« A différentes reprises, la cour a attiré l’attention du ministre sur l’élévation des prix et l’importance des fournitures, et sur ce que les intérêts du trésor exigeaient que des fournitures aussi importantes fussent mises en adjudication publique.

« Le 16 avril 1844, la cour crut devoir renouveler ses observations, et pria M. le ministre de vouloir bien lui faire connaître si l’administration était dans l’intention de maintenir plus longtemps le contrat de 1841.

« M. le ministre répondit à la cour :

« En admettant même que ces observations soient à certains égards plus ou moins fondées, en ce que l’administration aurait pu adopter un mode d’approvisionnement plus avantageux que celui du marché direct, on ne pourrait en tirer la conclusion que l’entrepreneur qui a livré en vertu de ce marché n’a pas un droit positif au payement de ses fournitures ; que l’on ne pouvait dès lors, lui faire essuyer des retards dans la liquidation de sa créance, à raison d’une marche administrative qui n’était pas son fait. Il ajoutait : Quoi qu’il en soit, j’examinerai s’il serait possible d’obtenir la fourniture des impressions à des conditions plus avantageuses au trésor, sans néanmoins nuire à la régularité du service de l’exploitation du rail-way.

(page 958) « Les fournitures effectuées par le même entrepreneur, ensemble pour le chemin de fer en exploitation et en construction, ainsi que pour les besoins généraux du département des travaux publics, tant en vertu du contrat précité que sur simple autorisation ministérielle, ont été :

« en 1841 de fr. 61,621 ;

« en 1842 de fr. 69.677 05 ;

« en 1843 de fr. 75,484 53 ;

« en 1844 de fr. 70,740 18.

« Ou un total de fr. 304,522 86.

« La cour ignore si M. le ministre des travaux publics a examiné, comme il en avait donné l’assurance dans sa lettre du 26 avril précitée, s’il était possible d’obtenir la fourniture des impressions à des conditions plus avantageuses au trésor, mais elle doit dire que, par lettre du 5 octobre 1844, il lui a été adressé, pour information, une déclaration par laquelle la veuve de l’entrepreneur ***, s’engage à continuer l’entreprise de la fourniture d’imprimés nécessaires à l’administration des chemins de fer qui avait été donnée à feu son mari par arrêté du 21 août 1841, aux mêmes clauses et conditions reprises au contrat précité.

« Depuis cette époque, de nouvelles demandes de payement pour fournitures d’impressions ayant été soumises au visa de la cour, en supposant que l’examen auquel M. le ministre des travaux publics devait se livrer n’avait pas encore eu lieu, ou qu’il n’avait pas été favorable à la pensée de la cour, elle lui fit de nouveau part des motifs qui lui faisaient croire qu’un appel à la concurrence dans le cas dont il s’agit procurerait au trésor une économie importante. »

Et je trouve la preuve des abus qui résultent du marché direct, par l’annexe n°3.

Voilà, messieurs, l’avantage des marchés de la main à la main.

Tel est encore celui des travaux en régie. Nous avons fait la seconde voie souterraine à Cumptich, pour ne pas avoir le prix de la première, pour direction, on l’a fait et un peu plus large et un peu plus haute, ce qui me paraît tout à fait inutile ; aussi les frais en étaient arbitrés à 250 mille fr. de plus.

Il est à présumer que si ces travaux avaient été mis en adjudication publique, l’entrepreneur aurait vu les dangers d’accoler la seconde voie à la première ou qu’il aurait pris les précautions nécessaires pour éviter une catastrophe qui n’aurait pas eu lieu. Dans tous les cas, le malheur arrivant, la responsabilité ne pesait pas sur l’Etat. Le premier entrepreneur aurait eu à s’expliquer avec le second, enfin les deux entrepreneurs auraient eu à démêler lequel était responsable, et l’Etat se trouvait ainsi indemnisé.

C’est là une position que nous n’avons pas aujourd’hui, ayant fait les constructions de la seconde voie en régie.

J’attirerai maintenant l’attention de M. le ministre des travaux publics sur la non-exécution d’un arrêté du 28 avril 1843, qui avait déterminé des conditions d’admission et d’avancement pour les employés.

C’est là, sans doute, une irrégularité déplorable que d’avoir des règlements et de ne pas les suivre. Il vaudrait mieux ne pas avoir de dispositions réglementaires, car ne pas exécuter celles qui existent, c’est décourager les employés qui ne peuvent plus compter sur une juste récompense de leurs services, c’est proclamer que l’on peut se jouer impunément des prescriptions des arrêtés organiques.

Je prie M. le ministre de porter remède à un pareil état de choses ; il est temps de revenir à la rigueur des dispositions contenues dans les règlements : c’est le seul moyen d’avoir une administration forte et dévouée.

Je reconnais que M. le ministre, ainsi que M. le directeur du chemin de fer, ont les meilleures intentions et je n’hésite pas de le dire, c’est souvent aux sollicitations incessantes, dont la source vous est connue, que des infractions aux dispositions réglementaires sont dues.

Je me permets de leur faire observer qu’il y a danger, surtout pour les promotions, à s’écarter des règlements.

L’avancement ne devrait jamais être donner qu’au mérite, au zèle, au dévouement, et malheureusement, il n’en est pas ainsi. C’est là de l’arbitraire, qui amène l’anarchie.

L’avancement devrait seulement être accordé, après que l’employé aurait donné pendant quelques temps, dans les grades inférieurs, des preuves non équivoques de capacité et d’aptitude. Alors seulement le pays serait mieux servi, les employés auraient de l’intérêt à montrer du zèle et de l’activité.

Je voudrais aussi voir disparaître le système des indemnités, des allocations supplémentaires. Le chiffre des traitements doit être fixe, invariable.

C’est une irrégularité grave que d’attribuer à un employé des gratifications, des indemnités, et tout cela pour n’avoir fait que remplir les obligations que son emploi lui impose.

Jetons maintenant un coup d’œil sur la position relative des employés entre eux, relativement au traitement.

La vie d’un employé dans une station est en quelque sorte un esclavage , parce qu’il doit se trouver tous les jours à son poste une demi-heure avant le premier départ et y rester jusqu’à l’arrivée du dernier convoi.

Quel est donc le chiffre du traitement de ces employés ? Ils ont 600, 900, 1,080, quelques-uns 1,200 et 1,500 et fort peu 1,800 fr., tandis que les employés de la direction, qui n’ont aucune responsabilité, qui ne travaillent que de 9 à 3 heures, qui ont le dimanche et les fêtes libres de tout service, sont beaucoup mieux payés.

Or, c’est l’inverse qui devrait avoir lieu ; les employés des stations devraient être mieux payés que ceux de la direction ; et, je n’hésite pas à prier M. le ministre, dans l’intérêt de la chose publique, de ne pas mettre sur la même ligne, des hommes qui travaillent tous les jours sans exception, qui doivent être plus assidus et plus réguliers, sur lesquels pèsent plus de responsabilité, et tels sont les employés aux marchandises, qui sont même exposés à faire des pertes, car ils sont responsables des erreurs, et quel est l’homme qui en est exempt ?

Je bornerai là, messieurs, mes observations, car je ne puis m’occuper en ce moment de nos intérêts en ce qui concerne le chemin de fer rhénan, M. le ministre devant demain me fournir les renseignements que je lui ai demandés ; j’espère que vous voudrez bien m’entendre de nouveau lorsque j’aurai reçu ces renseignements, qu’il na pas dépendu de moi d’obtenir plus tôt.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. David, tout en me remerciant des nombreux documents que j’ai communiqués à la chambre, spécialement par rapport aux chemins de fer, a fait observer que le compte-rendu de 1844 n’était pas complet, qu’il ne comprenait les résultats de l’exploitation du chemin de fer que pendant les neuf premiers mois de l’année.

L’honorable membre n’était sans doute pas présent à la séance, où j’ai déposé le compte-rendu pour l’exercice 1844. ce compte-rendu est très-volumineux et le cadre des documents qu’il renferme est très-large : la situation de l’exploitation comprendra l’exercice entier de 1844.

Il sera imprimé et distribué jeudi prochain.

Les membres de la chambre pourront donc l’examiner avant que nous soyons arrivés au chapitre spécial du chemin de fer.

Les tableaux très-étendus qui se trouvent dans le compte-rendu ont demandé beaucoup de temps pour être achevés et imprimés. Il m’a été impossible d’obtenir la distribution de ce travail avant jeudi prochain.

Les documents que j’ai fait imprimer ne concernent que les neuf premiers mois. Cependant j’en ai tiré des déductions approximatives pour l’année entière…

M. David – Ces documents sont curieux ; mais ils ne sont pas utiles.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – C’étaient les seuls que je pusse produire avant l’achèvement du compte-rendu. L’honorable membre a fait un reproche à un passage du rapport de la section centrale où le rapporteur se félicite de ce que les dépenses d’exploitation du chemin de fer pour l’exercice 1845 ne dépassent que d’une somme modérée les dépenses nécessaires pour l’exploitation de l’année précédente. L’honorable M. David a dit : Mais dans la discussion du budget des travaux publics on a toujours insisté sur la nécessité d’apporter des réductions aux dépenses de chemin de fer surtout. L’honorable membre n’a pas voulu s’associer aux félicitations de la section centrale, afin qu’on ne pût croire qu’il acceptait ce chiffre des dépenses comme normal, tandis qu’il comptait sur un abaissement dans les dépenses du chemin de fer.

Sans doute, messieurs, ce chiffre ne peut être considéré comme normal ; j’ai l’espérance que les dépenses s’abaisseront graduellement, comme elles se sont abaissées depuis quelques années. Mais je me permettrai de citer quelques chiffres qui démontreront que si les recettes du chemin de fer ont présenté un excédant considérable depuis 1843, la réduction dans les dépenses a été tout aussi marquée. Si les recettes de 1844 ont excédé de 2,236,00 fr. celles de 1843, c’est-à-dire si nous avons 630,000 fr. d’excédant sur les prévisions du budget des voies et moyens, d’un autre côté, la somme des dépenses a diminué dans une proportion aussi considérable.

Ainsi, la dépense par lieue exploitée était en 1841 de 67,000 fr. ; en 1843, elle était de 56,752 fr. ; elle n’est plus que de 51,569 fr. en 1844. Les dépenses d’exploitation ne sont donc de 25 pour cent moins élevées en 1844 qu’en 1841.

M. de Brouckere – Moins il y a de lieues, plus la dépense est grande.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Aimez-vous mieux apprécier la dépense par lieue parcourue ? vous aurez des résultats aussi satisfaisants ;

Elle était en 1841 de fr. 15 67

En 1843 de fr. 14 59.

En 1844 de fr. 11 60.

Ainsi la diminution dans la dépense soit que vous l’envisagiez par lieur parcourue ou par lieue exploitée, est progressive. Mais elle est relativement plus forte de 1843 à 1844 que dans les années précédentes. Il est évident que cet abaissement graduel dans les dépenses est une preuve que des améliorations importantes et des économies ont été introduites dans le système d’exploitation. Ces économies portent surtout sur le service de locomotion. Les dépenses pour le service de la locomotion ont été diminuées, en 1844, de 19 p.c. si on les compare à l’année 1843.

Je ne veux pas prétendre qu’il n’y a plus d’économies à faire, qu’il n’y a plus de progrès à opérer ; mais ce que je veux démontrer, c’est que nous sommes en voie d’amélioration et d’économie.

L’honorable M. David et après lui l’honorable M. Savart, se sont occupés du personnel. L’honorable M. Savart a calculé quelle était la somme des traitements du personnel du département des travaux publics. Il est arrivé à une somme à la vérité assez considérable en apparence. Mais ce n’est là rien prouver. Il aurait fallu démontrer que cette somme est en effet trop considérable. Il est clair que le budget du département des travaux publics qui comprend l’administration si vaste des ponts et chaussées, les administrations du chemins de fer, des postes, des mines, doit comprendre une somme élevée pour rétribuer ce personnel si considérable.

(page 959) L’honorable M. Savart a demandé si cette somme était réglée par la loi ou tout au moins par arrêté ministériel. Il a oublié qu’il y a pour le département des travaux publics des arrêtés royaux organiques du corps des ponts et chaussées et de l’administration du chemin de fer. Ce qu’on demande instamment en France et en Belgique, c’est-à-dire un arrêté d’administration générale fixant les cadres, pour le département des travaux publics. C’est l’arrêté organique de 1831 pour les ponts et chausses, c’est l’arrêté du 8 avril 1843 pour les chemins de fer. Le département des travaux publics est celui qui, sous ce rapport, a donné le plus de satisfaction aux exigences manifestées dans cette enceinte.

On a fait observer que les traitements du personnel du chemin de fer étaient très-modérés, lorsqu’il s’agissait des grades inférieurs jusqu’à celui de chef de station, mais que ces traitements devenaient trop élevés, quand on arrivait aux grades supérieurs. Déjà, dans la discussion du budget de l’année précédente, j’ai fait remarquer que, dans l’arrêté organique du 8 avril 1843, il existe une disposition fondamentale : c’est que la différence qu’il y aurait entre les traitements que touchent certains employés du chemin de fer et le taux fixé comme taux normal dans l’arrêté ne devait être considéré que comme un traitement supplémentaire personnel. Vous savez que quand on a organisé les chemins de fer, en 1834 et en 1835, on a dû demander des spécialistes même à l’étranger. C’est ce qui explique la hauteur de certains traitements. Ainsi, M. l’ingénieur en chef Cabry, que nous avons demandé à l’Angleterre et que la Belgique ne doit pas regretter d’avoir conservé, a un traitement plus élevé que celui fixé par l’arrêté du 8 avril 1843. Il en est de même de certains fonctionnaires qui sont des spécialités auxquelles on a dû recourir, lors de la création du chemin de fer, parce que c’étaient des capacités réellement nécessaires. Les traitements accordés à ces fonctionnaires forment un traitement supplémentaire personnel dont leurs successeurs n’hériteront pas. J’ai fait le calcul de la hauteur comparative des traitements des employés supérieurs de quelques compagnies de chemins de fer en France, en les mettant en regard de ceux alloués en Belgique pour les mêmes grades ; j’ai remarqué que les traitements des fonctionnaires supérieurs des compagnies du chemin de fer d’Orléans et de Rouen étaient bien supérieurs aux traitements de nos fonctionnaires supérieurs…

M. de Brouckere – Cela doit être ; ils n’ont pas de pension.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je crois que ce n’est pas là l’unique raison ; je crois que c’est aussi un calcul d’intérêt. Les compagnies comprennent parfaitement bien que pour avoir des hommes capables à la tête des administrations, il faut que leurs traitements soient correspondants à leurs capacités mêmes.

L’honorable M. David vous a parlé du projet qui existerait au département des travaux publics, de transformer les traitements et les indemnités en un tantième perçu sur les recettes nettes, c’est-à-dire sur les bénéfices du chemin de fer. Effectivement, messieurs, j’ai soumis cette question à un examen approfondi. Aucune mesure n’a encore été adoptée.Aussi je ne veux pas me prononcer sur cette question qui est très-grave. Mais je dois dire que je ne partage nullement l’opinion de l’honorable M. David qui a soutenu que mieux valait faire, comme dans le département des finances, percevoir ce tantième sur les recettes et non sur les bénéfices du chemin de fer. Evidemment, en faisant porter le tantième sur la différence qui existe entre les recettes et les dépenses, vous intéressez le personnel, non-seulement à augmenter les recettes, à attirer les transports, mais aussi à diminuer la dépense, à faire des économies, et c’est là l’essentiel.

Je pense donc que si l’on admettait le principe qui consisterait à transformer les traitements et les indemnités des fonctionnaires du chemin de fer en tantième, il serait préférable que ce tantième portât sur les bénéfices plutôt que sur les recettes.

L’honorable M. Lys est revenu sur une question qui a formé le fond d’un débat important l’année dernière : la question de savoir si les recettes du chemin de fer ne devraient pas être perçues par le département des finances.

Je crois, messieurs, ne pas devoir insister sur cette question en ce moment. J’imiterai l’honorable M. Lys, qui n’est pas entré dans la discussion et n’a fait que la rappeler, parce que, comme il vous l’a fait remarquer, elle trouvera mieux sa place lorsque nous discuterons la loi de comptabilité. Mais, messieurs, je maintiens, de mon côté, tout ce que j’ai dit l’année dernière sur cette question ; je crois que faire opérer les recettes du chemin de fer par le département des finances, ce serait sacrifier l’unité administrative à l’unité de comptabilité. J’ai démontré, l’année dernière, qu’il serait impossible de séparer le service de perception du service des transports, et le service des transport c’est l’exploitation tout entière, et que mieux vaudrait attacher tout bonnement le service du chemin de fer au département des finances. Au moins nous ne sacrifierions-nous pas l’unité administrative, si nécessaire dans un pareil service.

L‘honorable M. Lys est revenu sur les observations qui ont été faites par la cour des comptes relativement aux impressions. Messieurs, je fais de cette question l’objet d’un examen sérieux. Mais je ferai remarquer que je doute encore si nous obtiendrons des rabais aussi considérables qu’il l’espère de l’adjudication publique et si nous ne perdrions pas les avantages qui résultent des marchés directs sous d’autres rapports.

Messieurs, chose assez singulière et qui démontre que cette question est sujette à controverse, c’est que la chambre elle-même n’a pas admis le système préconisé par l’honorable M. Lys ; la chambre ne soumet pas ses impressions à l’adjudication publique, mais à de marchés directs. Il y a plus, je ne puis affirmer le fait, mais je ne sais si la cour des comptes, elle-même, dont l’honorable M. Lys a reproduit les observations n’a pas aussi recours à des marchés directs pour les impressions de son administration.

Du reste, je ne veux pas me prononcer sur cette question. J’en fais l’objet d’un examen. Je verrai si réellement les avantages sont tels que le prétend l’honorable M. Lys, et s’ils sont tels, je prends l’engagement de recourir à l’adjudication publique.

M. Mast de Vries – Je demande la parole.

M. le président – Je ferai remarquer que, d’après les usages de la chambre, il y a une discussion générale sur le chapitre du chemin de fer.

M. Savart-Martel – M. le ministre objecte qu’en France les employés du chemin de fer seraient mieux traités qu’en Belgique ; je lui répondrai que le système admis en France n’est point semblable à ceux admis en Belgique, où le gouvernement travaille et exploite à ses frais, risques et périls, et paye directement ses employés.

D’autre part, la Belgique donne des pensions, en sorte qu’une fois adopté par le budget, le fonctionnaire ne trouve pas seulement son sort assuré pour le moment, mais aussi pour l’avenir, même en faveur de sa femme et de ses enfants.

J’ajouterai que la France commence ses chemins de fer, tandis que la Belgique est fort avancée dans cette voie. Enfin, la Belgique ne se borne pas à payer les hommes à talent, elle leur accorde aussi des récompenses honorifiques. Je ne connais aucun des fonctionnaires du chemin de fer ; je ne suis point à même d’apprécier leur talent, mais quand j’apprécie ce qui vient d’arriver au tunnel de Cumptich, je déplore qu’on ait dépensé tant de millions pour pareil résultat.

Messieurs, lorsque la boîte aux décorations est ouverte, je n’empêche pas qu’on en gratifie ceux qui gratuitement servent l’Etat ; c’est une succursale qui devrait profiter au trésor public.

Mais si vous accordez les récompenses honorifiques à ceux que vous dites si exigeants pour leurs traitements, vous perdrez tout ce qu’elles ont d’honorifique. Votre luxe, en pareil cas, finira par en ôter toute la valeur.

M. Mast de Vries – Messieurs, l’honorable député de Verviers témoigne son étonnement de ce que nous avons dit dans le rapport, que le chiffre demandé par M. le ministre des travaux publics était un chiffre normal ; il a dit que, de cette manière, nous passions en quelque sorte condamnation sur les observations faites précédemment en ce qui concerne les traitements élevés des fonctionnaires du chemin de fer. Messieurs, la section centrale, de même que l’honorable membre, pense que le dernier mot n’est pas encore dit sur les traitements des employés du chemin de fer ; elle a la conviction que des économies sont possibles, mais elle tient compte, d’un autre côté, des améliorations qui devront être introduites dans les transports par le chemin de fer, et qui entraîneront un accroissement de dépenses ; elle pense que cet accroissement de dépenses sera compensé tant par les économies que l’on pourra faire sur les traitements des employés que par celle qui résulteront de l’emploi des procédés nouveaux que l’on introduit journellement dans l’exploitation ; elle pense que ces deux espèces d’économie compenseront en outre le surcroît de dépenses qui résultera de l’extension même que prennent les transports par le chemin de fer. Voilà, messieurs, dans quel sens nous avons considéré comme normal le chiffre qui nous est demandé.

Quant aux travaux extraordinaires, la section centrale pense que le chiffre demandé peut être considéré comme normal : tout le monde conviendra que, dans un cercle de travaux si considérable, il se présentera chaque année certaines dépenses extraordinaires. Cette année, malheureusement, les prévisions de la section centrale se sont déjà réalisées ; l’éboulement du tunnel de Cumptich et, en effet, un de ces événements extraordinaires et imprévus que la section centrale avait en vue.

Ainsi, messieurs, nous avons pensé qu’il y aurait des économies à faire ; mais, d’un autre côté, nous avons reconnu que de nouvelles dépenses deviendraient nécessaires, et nous avons la conviction que les unes devront compenser les autres. C’est dans ce sens que nous considérons le chiffre demandé par M. le ministre des travaux publics, comme un chiffre normal.

M. David – Je n’ai que deux mots à répondre à M. le ministre des travaux publics, relativement aux tableaux qu’il nous a distribués en si grande abondance, je dirai même avec luxe. Ces tableaux ne sont pas tout à fait inutiles, mais d’une utilité secondaire. Les deux seuls tableaux véritablement utiles, qui offriraient les éléments propres à nous faire apprécier la situation réelle du chemin de fer, ce sont ceux que je réclame sans cesse, que j’ai réclamés les années précédentes et que l’on s’obstine à ne pas nous communiquer. Lorsqu’on nous remet 18 ou 20 tableaux dont l’utilité peut être contestée, pourquoi ne nous remettrait-on pas le tableau du mouvement de station à destination et le tableau des lieues parcourues ? Je le répète, voilà les deux seuls tableaux réellement utiles ; voilà les deux seuls tableaux que je persiste à demander à M. le ministre des travaux publics. Pour les obtenir, je renoncerais volontiers à tous ceux qui nous ont été distribués en abondance, avec luxe, et qui ne sont, en définitive, que des tableaux curieux, des tableaux amusants.

M. Delehaye – Messieurs, lorsque l’année dernière nous avons discuté le budget des travaux publics, j’ai appelé l’attention du gouvernement sur les péages des chemins de fer et voici l’une des anomalies que je lui ai signalées : on a toujours dit qu’il fallait régler les prix de telle sorte qu’ils fussent relativement d’autant moins élevés que les voyages seraient plus longs ; eh bien, l’on rencontre précisément l’inverse ; ainsi, par exemple, si de la station de Landeghem on veut se rendre à Ostende, par diligence, on payera 5 fr. pour tout le parcours ; si, au contraire, on prend un billet de Landeghem à Bruges, et un autre billet de Bruges à Ostende, on ne payera (p. 960) plus que 4 fr., c’est-à-dire 20 p.c. de moins. Vous conviendrez, messieurs, qu’il y a là une singulière disposition, et qu’il devrait suffire que de semblables faits fussent signalés pour qu’on les fît cesser à l’instant même. J’espère, messieurs que vous vous joindrez tous à moi pour engager M. le ministre à faire cesser cette anomalie.

Messieurs, quoique je sois entièrement étranger, par mes études, à ces questions, vous voudrez bien me permettre de présenter quelques observations sur l’exploitation du chemin de fer. Lorsque sous ce rapport je compare ce qui se fait en Belgique à ce qui se fait dans d’autres pays, je suis réellement étonné des grandes dépenses qu’entraîne l’exploitation de notre chemin de fer. En France les frais d’exploitation ne dépassent pas 45 pour cent, chiffre déjà bien élevé comparativement à ce qui a lieu en Angleterre ; ce sont les traitements des employés qui forment la plus forte partie de cette dépense. Je ne veux pas contester les traitements que l’on alloue aux chefs des administrations ; je conçois que, s’il a fallu faire venir de l’étranger des ingénieurs d’un grand mérite, il faut rémunérer convenablement leurs services et les dédommager en quelque sorte du sacrifice qu’ils ont fait en quittant leur pays natal ; mais il est beaucoup d’employés qui ne rendent pas des services proportionnés au traitement qu’ils reçoivent et qui ne doivent, par la nature de leurs fonctions, ne jamais s’exposer à quelque danger. Ainsi, par exemple, on accorde jusqu’à 1,000 fr. à un individu qui est charger de faire manœuvrer l’excentrique ; il me semble que 1,000 francs est un traitement trop élevé pour un homme dont toute la besogne se réduit à tourner de temps à autre une manivelle ; je pense que si l’on donnait à ces individus 2 francs par jour, il se seraient déjà fort heureux de pouvoir passer leur temps aussi agréablement. C’est d’ailleurs là une occupation qui n’exige aucune espèce de connaissance et surtout qui n’expose à aucun danger personnel.

Ensuite, messieurs, il y a dans les stations un personnel beaucoup trop considérable ; je connais telle station où il y a trois ou quatre individus, tandis qu’un seul pourrait très-facilement faire le service. Il y aurait donc une grande économie à faire en réduisant le nombre des employés à ce qui est réellement nécessaire ; cette économie venant s’ajouter à celle qui résulterait de la réduction de certains traitements, qui sont trop élevés, se ferait favorablement sentir au budget.

L’honorable M. Lys vous a parlé, messieurs, des économies que l’on pourrait opérer sur les impressions du chemin de fer. Je suis convaincu que si M. le ministre se décidait à adjuger publiquement les impressions de son département il ferait une économie d’au moins 25 p.c…

M. Lys – De 50 p.c.

M. Delehaye – J’aime à croire que l’honorable M. Lys est dans le vrai, d’autant plus qu’il a mûrement examiné la question ; mais enfin quand l’économie ne s’élèverait qu’à 25 ou 30 p.c., ce serait toujours bien la peine de s’en occuper, d’autant plus que M. le ministre rendrait par là impossible toutes les critiques qui sont maintenant formulées à cet égard.

Mon honorable ami M. Lys vous a dit également, messieurs, que tout ce qui concerne les recettes du chemin de fer, devrait entrer dans les attributions du ministère des finances ; je partage entièrement cette manière de voir. Aujourd’hui la chambre ne peut exercer aucune espèce de contrôle sur les recettes du chemin de fer ; cependant il faudrait à cet égard un contrôle efficace, et ce contrôle ne peut exister que si la cour des comptes était appelée à émettre son avis sur les recettes du chemin de fer.

M. le ministre des travaux publics nous a dit qu’il est impossible de faire entrer les recettes du chemin de fer dans les attributions du ministère des finances. Mais qu’est-ce donc qui s’oppose à ce que les employés chargés d’opérer les recettes du chemin de fer soient nommés par le ministre des finances, soient sous la dépendance du ministre des finances ? Je vous avoue, messieurs, que je ne puis découvrir là aucune espèce de difficulté et encore bien moins une impossibilité.

J’ai encore d’autres observations à faire, messieurs, sur le budget des travaux publics ; mais je me bornerai en ce moment à indiquer au gouvernement les points sur lesquels j’appellerai son attention lorsque nous en seront arrivés à la discussion des articles.

Depuis cinq ou six ans, nous nous plaignons que lorsque dans tout le pays les propriétés s’améliorent par suite de l’exécution de travaux d’utilité publique, celles qui se trouvent le long de l’Escaut et de la Lys perdent annuellement de leur valeur, par les inondations qui viennent jusqu’à trois ou quatre fois par saison, détruire les récoltes, enlever en grande partie l’espoir du cultivateur. Le gouvernement nous a toujours répondu qu’il faisait faire des études, lever des plans, et jusqu’ici toute sa sollicitude s’est bornée à faire lever des plans, à faire faire des études. Il serait cependant urgent de mettre enfin un terme à l’état de choses dont nous nous plaignons.

Les eaux qui viennent du département du Nord et de la province du Hainaut rencontrent des obstacles à Gand ; il serait facile d’en détourner une partie en faisant déverser les eau de la Lys dans le canal de Bruges. Cela n’entraînerait pas une dépense considérable. Le chemin de fer est sans doute très-utile, il a toutes mes sympathies, mais lorsqu’on fait de grandes dépenses pour doter le pays de chemins de fer, il faudrait bien aussi faire quelque chose pour empêcher la destruction de riches prairies qui bordent l’Escaut et la Lys, et qui finiront pas n’être plus que des marais, si le gouvernement ne prend pas des mesures efficaces pour prévenir les inondations. Ce serait une grave atteinte portée à la fortune publique, et il en résulterait en même temps une perte pour le trésor qui ne pourrait plus retirer de ces propriétés l’impôt qu’elles payent maintenant.

J’ai encore à appeler l’attention de M. le ministre sur un autre point. Vous êtes saisi, messieurs, d’un projet de loi relatif au chemin de fer de Jurbise. Toutes mes sympathies sont acquises à ce chemin de fer ; il suffit, pour en reconnaître l’utilité, de jeter un coup d’œil sur la carte ; mais je voudrais que le gouvernement s’occupât aussi d’un grand nombre de localités qui non-seulement ne jouissent pas des avantages du chemin de fer, mais pour lesquelles l’établissement du chemin de fer a été un véritable malheur. C’est ainsi que des localités qui étaient autrefois le siège d’industries florissantes, sont entièrement abandonnées depuis la construction du chemin de fer. Je citerai, par exemple, tout le pays d’Alost, si riche et si important ; une grande partie de la province de Brabant, la commune de Leyde, qui a de 8 à 10 mille habitants, toutes ces localités sont sacrifiées.

Et quoique la localité dont je tiens mon mandat, soit indirectement intéressée à la question que je vais avoir l’honneur de vous exposer, n’allez pas croire, messieurs, que ce soit pour moi une considération électorale qui me guide ; mon mandat n’expire que dans deux ans, j’ai donc tout le temps à faire ma cour aux électeurs, si je voulais me borner à défendre leurs intérêts jusqu’à la veille des élections. Je ne veux pas prendre part à ces motions d’ordre qui se renouvellent toujours lorsque les mandats sont à la veille d’expirer. Je désire aujourd’hui comme toujours me laisser guider exclusivement par des considérations d’intérêt général.

Je voudrais, messieurs, que le gouvernement fît étudier sérieusement le projet de chemin de fer de Bruxelles à Wetteren par Alost. Il donnerait un accès facile vers la capitale, à la riche et importante ville d’Alost, à une grande partie du Brabant, aux deux Flandres et à tout le département du Nord. Si le gouvernement ne veut pas exécuter lui-même ce projet, qu’il le laisse exécuter par les particuliers, qui ne manqueront pas de se présenter.

Messieurs, je ne crains pas de dire que le gouvernement trouverait un grand avantage dans l’exécution de ce chemin de fer. En effet, messieurs, il suffirait de maintenir le péage tel qu’il existe maintenant entre Bruxelles et Gand, pour que les frais de la construction du nouveau railway fussent largement compensés par l’excédant de revenus qui en résulterait : à chaque voyage le gouvernement ferait une économie de 7 lieues ; la distance à parcourir pour aller de Bruxelles à Gand ne serait plus que de neuf lieues tandis qu’il est maintenant de seize ; il y aurait donc économie de près de moitié sur les frais de locomotion, tandis que le péage resterait le même. Personne ne trouverait à critiquer le maintien du péage actuel, on profiterait toujours de l’économie de temps, et c’est surtout dans l’intérêt de l’économie du temps que le chemin de fer a été établi. Le bénéfice serait donc considérable de ce chef, et il y aurait encore à ajouter celui qui résulterait de l’augmentation inévitable du nombre des voyageurs.

J’engage donc M. le ministre des travaux publics à étudier cette question, sur laquelle je reviendrai, du reste, lorsqu’il s’agira de l’embranchement de Jurbise. J’espère que ce que la chambre fera pour l’embranchement de Jurbise à Tournay, elle ne refusera pas de le faire pour l’embranchement de Bruxelles à Wetteren. Au reste, si l’on ne veut pas faire cet embranchement aux frais de l’Etat, qu’on le laisse faire par les particuliers, et je le répète, les fonds ne manqueront pas.

M. Desmet – Je ne pourrais jamais assez remercier mon honorable collègue, M. Delehaye, de la manière bienveillante avec laquelle il vient défendre le district que j’ai l’honneur de représenter ici ; il vous a démontré combien la ville d’Alost et son district avaient perdu depuis la construction du chemin de fer, et vous a dit que jusqu’à ce jour aucune compensation n’avait encore été accordée et combien il était injuste et même indigne de laisser cette partie du royaume dans une telle souffrance, alors qu’on dépense annuellement de fortes sommes pour des travaux publics et que toujours notre contrée était oubliée.

Tous les ans, je me suis plaint dans cette enceinte de la manière dont on n’a cessé de traiter l’arrondissement que je représente ici, et je ne puis assez conformer ce que l’honorable collègue vient de dire ; c’est dur de souffrir, mais on est soulagé quand une malheureuse cause est défendue par un désintéressé !

Le chemin de fer a causé une révolution dans le pays. Si quelques contrées ont gagné à l’exécution de ce travail, une foule d’autres y ont perdu ; et cependant la généralité du pays a contribué à cette dépense.

La quote-part du district d’Alost surtout a été considérable, et cette charge a été imposée à cet arrondissement, sans qu’il en retirât le moindre avantage. Quand arrivera ce jour heureux où il y aura une petite part dans les bienfaits que le gouvernement verse à pleines mains sur d’autres contrées ?

Messieurs, les travaux publics sont un objet d’une grande importance. En les faisant décréter, le gouvernement ne doit jamais perdre de vue les règles de la justice distributive. A une époque de concurrence, de rivalité, l’exécution de travaux publics, et surtout de chemins de fer, peut venir déranger l’équilibre des intérêts qui sont en lutte ; en faisant un canal, une route, un chemin de fer, on peut favoriser une partie du pays au détriment d’une autre.

Cependant le gouvernement, quand il propose des projets de travaux publics devrait avant tout soigne l’intérêt général ; c’est en n’ayant en vue que cet intérêt, qu’il devra le moins craindre de froisser des intérêts particuliers ; mais quand il s’attache uniquement à complaire à des localités, alors il doit craindre de blesser d’autres localités, et c’est alors qu’on créera un favoritisme. Il me semble que le gouvernement doit user de grande prudence dans la présentation de nouveaux projets de travaux publics, et tâcher d’éviter de blesser la justice distributive ; car il n’y a rien qui fasse plus de tort à un gouvernement que d’être injuste, comme il n’y a rien non plus qui porte le mécontentement dans un pays à un plus haut point que (page 961) la non-observance d’une bonne justice distributive de la part de l’administration.

Le gouvernement a saisi la chambre d’un projet de loi, décrétant un ensemble de travaux publics. J’ai été on ne peut pas plus étonné qu’on n’ait pas compris dans ce projet cette malheureuse contrée d’Alost que je représente ici, et qui jouit du triste privilège d’être constamment oubliée. Cette exclusion est d’autant plus inexplicable que le projet qui intéresse ce district est tout préparé, tandis que les autres projets compris dans la loi dont vous êtes saisis, n’ont subi aucune préparation préalable.

Qu’on me permette de passer en revue ces divers projets.

D’abord on a présenté le projet de loi relatif au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. Le reproche général que j’articule contre l’ensemble des travaux publics dont on provoque l’exécution, ne s’adresse pas au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse ; je reconnais que ce projet a été convenablement mûri, que l’enquête de commodo et incommodo avait eu lieu, et qu’il est conçu dans l’intérêt général. Aussi l’ai-je voté de grand cœur. J’ai partagé le contentement de ceux de nos collègues qui avaient intérêt à la réussite de ce projet, mais je n’en ai pas moins été très-jaloux de n’avoir pu obtenir la même satisfaction pour l’ouvrage qui intéresse si fortement mon district.

Je ne dirai pas la même chose des autres projets, je ferai au gouvernement le reproche d’avoir présenté un projet de grande importance, sans s’être assuré si l’exécution ne devait pas léser telle ou telle contrée. Les dispositions de l’arrêté royal de novembre 1836 ont été totalement négligées en cette circonstance. Et cependant, messieurs, c’est cet arrêté qui est notre seule sauvegarde et qui nous promet que la justice distributive sera rigoureusement observée. Par cet arrêté, l’enquête de commodo et incommodo est de rigueur pour tout ouvrage public ; et cependant aucune enquête n’a eu lieu, et c’est cette absence d’enquête qui explique pourquoi il n’y a pas eu de réclamations dans le moment, mais qu’elles sont toutes arrivées quand les projets on été connus et appréciés...

Je commencerai par le chemin de fer du Limbourg ; je n’envie pas ce chemin de fer au Limbourg, mais il est certain que si, dès le principe, une enquête avait été faite, on ne recevrait pas aujourd’hui des réclamations aussi nombreuses sur la direction à donner à la deuxième section du chemin de fer et l’on ne se plaindrait pas que le tracé projeté n’est pas dans l’intérêt de la généralité de cette province.

C’est la même chose pour le chemin de fer de Jurbise. Si une enquête avait eu lieu, on aurait constaté le tort qui va être causé aux Flandres et à Bruxelles ; il est certain que, quand le chemin de fer de Tournay à Jurbise sera fait, tout le passage de Lille à Bruxelles, et pour l’intérieur du pays, qui actuellement a lieu par Courtray et Gand, se fera par Mouscron et Tournay, et d’un autre côté les voyageurs qui, de France se rendent vers Mons, Namur, Charleroy, par les Flandres et Bruxelles prendront alors le chemin de Tournay et Jurbise, et ainsi Bruxelles et Gand y perdront beaucoup ; et cependant on dit toujours que Bruxelles la capitale, doit être le centre réel ; on le dit, mais on fait toujours le contraire, et par les nouveaux projets ce centre perdra de plus en plus. On pourra dire que les deux centres principaux, c’est-à-dire les deux points principaux du passage seront Bruxelles et Malines, l’un pour le Midi et l’autre pour le Nord.

Si le gouvernement voulait tirer une diagonale dans la direction des chemins de fer, il aurait pu faire un meilleur choix, qui aurait servi le véritable centre et aurait été dans l’intérêt du public. Il aurait dû suivre le tracé indiqué par l’honorable M. Delehaye, celui en ligne droite de Gand à Bruxelles, par Wetteren et Alost. Que M. le ministre veuille bien examiner cette question ; il sera convaincu que c’est là le tracé le plus favorable.

Il en est encore de même du canal latéral à la Meuse. Aucune enquête n’a eu lieu. Rien n’a été préparé, mûri ; cependant les bateliers même de Liége réclament contre le projet du gouvernement, et jusqu’à présent on ne sait point si le gouvernement hollandais accordera le passage par son territoire.

C’est une chose vraiment singulière, que pour des projets d’une importance si considérable, on n’ait pas ouvert l’enquête de commodo et incommodo, prescrite par l’arrêté royal de novembre 1836, et que c’est le gouvernement même qui soit si négligent à observer ses propres actes !

En terminant je demanderai à M. le ministre des travaux publics pourquoi il n’a pas cru devoir comprendre le projet du canal de Jemappes dans la loi décrétant un ensemble de travaux publics. L’honorable ministre des travaux publics devra en convenir avec moi, l’étude de ce projet est entièrement terminée, et il m’est tout à fait impossible de m’expliquer pourquoi le gouvernement ne l’a pas compris dans la loi générale dont nous sommes saisis.

M. Savart-Martel – Messieurs, je suis étonné que l’honorable préopinant vienne entretenir la chambre en ce moment du chemin de fer de Tournay à Jurbise, car ce n’est pas la question du jour. Si le ciel le permet, nous nous en occuperons sous peu, et j’aurai alors beaucoup à dire si, contre ma prévision, il y avait opposition.

Pour le moment, je me bornerai à faire remarquer que nulle affaire n’a été instruite plus complètement que le chemin de Jurbise. Des volumes entiers ont été fournis par les préposés et fonctionnaires spéciaux. La question a même été jugée ou préjugée en 1842, car si la chambre a ajourné ce chemin, elle en a reconnu la nécessité, ou du moins l’utilité, puisqu’elle ne l’a ajourné qu’à défaut de fonds. L’emprunt que proposerait le ministère ayant été réduit, il serait assez étonnant qu’aujourd’hui que le travail peut se faire sans qu’il en coûte rien au trésor, on s’avisât de le contester.

Je remercie la chambre de m’avoir accordé la parole une troisième fois ; et c’est pour ne pas abuser de cette faculté que je me borne à si peu de mots ; délégué dans cette enceinte par la ville avec cinq clochers, je ne veux pas qu’on puisse croire qu’un intérêt de clocher me ferait oublier que je dois m’occuper ici de l’intérêt général.

J’ai dit.

M. Desmet – L’enquête dont je parle est celle qui est ordonnée par l’arrêté royal de novembre 1836. Cet arrêté prescrit de consulter préalablement tous les intérêts, dans toutes les questions de travaux publics. Je ne me souviens pas que pareille enquête ait eu lieu pour le chemin de fer de Jurbise, ni pour aucun des autres travaux publics désignés dans la loi générale. L’enquête dont je parle se résume dans une commission que le gouvernement nomme, et devant laquelle viennent plaider tous les intérêts divers qui sont en jeu. Ainsi, pour donner un exemple à l’honorable M. Savart, je lui citerai la commission d’enquête, instituée pour le canal de Jemappes. Cette commission était composée des délégués des villes d’Alost, Tournay, Gand, etc. ; cette commission devait discuter l’utilité du projet, et elle a proclamé cette utilité.

Encore une fois, je m’étonne fort qu’un projet qui a été soumis à toutes les formalités préalables prescrites par l’arrêté royal de novembre 1836, dont l’utilité a été constatée, n’ai pas pu trouver place dans la loi générale à côté de projets dont je ne veux pas disputer ici l’utilité, mais qui sont loin d’avoir subi l’instruction préalable nécessaire.

Messieurs, veillons sévèrement à ce que le gouvernement ne laisse tomber en caducité les dispositions précieuses prescrites dans son arrêté du 26 novembre 1836. Car c’est le seul palladium que nous avons pour que la justice distributive soit observée dans la distribution des travaux publics.

M. de Corswarem – Messieurs, lorsqu’en 1837 la loi décida que le Limbourg serait relié au chemin de fer par un embranchement à construire aux frais de l’Etat, chacune des localités de cette province réclama pour que cet embranchement vint chez elle. Avant de mettre la main à l’œuvre pour la première section, il fut décrété que le chemin irait par St-Trond et Hasselt. Depuis, on a construit la première section, et aujourd’hui l’honorable M. Desmet vient demander pourquoi on n’a pas fait d’enquête sur la question de savoir dans quelle direction on aurait dû faire le tracé en 1837. Cette enquête était aujourd’hui tout à fait inutile, et M. le ministre des travaux publics a bien fait en ne l’ordonnant pas.

M. de Renesse – En réponse à ce que vient de dire l’honorable préopinant, je crois devoir faire observer que, ni en 1837, ni aujourd’hui, il n’y a eu enquête dans le Limbourg. Des réclamations très-fondées sont émanées en 1837, de la généralité des habitants du Limbourg, pour obtenir la direction du chemin de fer vers la partie populeuse de la province. La grande majorité du conseil provincial a approuvé alors cette direction. On n’a tenu aucun compte de ces vœux ; on s’en est rapporté, à cette époque, aux ingénieurs qui avaient été chargées des différentes études du chambre dans le Limbourg ; les ingénieurs savaient qu’elle était la direction que le ministre désirait voir adopter, c’est vers cette direction qu’on a fait les études préliminaires. Quand on a voté la somme d’un million pour la province du Limbourg, les études n’étaient pas complètes. Quand on a que c’était vers St-Trond qu’on s’était décidé à diriger la section de chemin de fer, des réclamations nombreuses vous ont été adressées pour vous demander qu’on adoptât de préférence la direction par Tongres vers le canal à Hocht près de Maestricht.

Comme il y a une grande opposition au chemin de fer que le gouvernement veut faire prolonger vers Hasselt, si le gouvernement avait montré quelque bienveillance pour un arrondissement qui a été sacrifié à l’intérêt général, il aurait dirigé ce chemin à travers le centre des populations et des intérêts industriels et commerciaux de la province. Mais, depuis 1837, on n’a rien fait pour la partie la plus populeuse du Limbourg, située vers Tongres ; on ne s’est occupé que d’un seul district, qui a obtenu toutes les faveurs du gouvernement.

M. de Theux – Je regrette que M. le ministre de l'intérieur, qui était à la tête du département des travaux publics en 1837, ne soit pas présent pour donner des explications sur le fait que vient de signaler l’honorable comte de Renesse. En son absence, je crois devoir dire quelque mots. Quand le crédit fut alloué, aucune direction ne fut indiquée ; le projet n’était pas étudié, le gouvernement fit faire des études sans donner aucune injonction, en recommandant seulement de les faire au point de vue de l’intérêt de la province, combiné avec l’intérêt général du pays. C’est après avoir reçu les différents avis, notamment du conseil des ponts et chaussées que le ministre s’est prononcé pour la direction de Landen à Saint-Trond. La continuation vers Hasselt est appuyée par la majorité de la province. Je viens de recevoir une pétition de la régence de St-Trond et des bourgmestres des 29 communes du canton de St-Trond, qui demandent l’exécution du projet adopté par le gouvernement.

M. de Renesse – Si on voulait consulter le conseil provincial et qu’on lui donnât l’assurance que l’un ou l’autre des deux projets serait exécuté, je suis convaincu qu’on donnerait la préférence à la direction d’Ans vers Hasselt par Tongres sur celle de St-Trond à Hasselt. Tous ceux qui connaissent le Limbourg savent que les principales relations commerciales sont entre Hasselt et la province de Liége. Les industriels de Hasselt ont intérêt à voir réduire les frais de transport de la houille le plus possible. Par le chemin de fer proposé par le gouvernement, ils seront obligés de faire un grand détour ; pour compenser le préjudice que leur causera le tracé adopté, le gouvernement est obligé de faire les transports vers Hasselt gratis par une partie du parcours du chemin de fer de Liége à Hasselt par St-Trond. Voilà une des pertes qu’entraînera, pour le gouvernement, le tracé auquel il a donné la préférence

(page 962) Quelques personnes défendent le tracé vers St-Trond, mais ce sont des intérêts personnels qui leur font préférer cette direction, tandis que les intérêts matériels, les vrais intérêts de la province militent en faveur de l’autre direction. En effet, c’est vers les environs de Liége, de Verviers et du Luxembourg que les genièvres et les produits agricoles du Limbourg sont transportés.

Si donc on consultait les intérêts de la province du Limbourg, ce n’est pas vers St-Trond mais vers Liége qu’on devrait construire le chemin de fer.

L’honorable comte de Theux vient de vous dire que la majorité de la province du Limbourg était favorable au projet du gouvernement. Quelques communes et quelques personnes de Hasselt ont pu émettre cette opinion ; mais il est à ma connaissance que des distillateurs à Hasselt ont dit que s’ils avaient la certitude que l’un ou l’autre des tracés fût exécuté, ils donneraient la préférence à celui de Hasselt vers Liège par Tongres. C’en est tout naturel, car c’est vers ce point que sont toutes leurs relations commerciales ; ils pourraient, à moindres frais, expédier leurs produits et recevoir les objets dont ils ont besoin.

On a accolé le chemin de fer de St-Trond à celui de Jurbise avec lequel il n’a aucune rapport, afin de faire passer l’un par l’autre, et on ne veut pas écouter les réclamations d’un arrondissement qui a déjà a été sacrifié à l’intérêt général du pays, car il a perdu par le traité avec la Hollande 80 mille de ses habitants.

M. Sigart – Je viens me joindre à l’honorable M. Desmet pour me plaindre de ce que le canal d’Alost n’a pas été compris dans les travaux publics dont on a proposé, à la chambre, d’autoriser l’exécution. Notre bassin avait droit à une part dans la distribution des travaux publics au moment où la suppression du droit à la sortie des houilles anglaises a fermer le marché de la Hollande à nos houilles. J’espère que M. le ministre va nous dire qu’il n’est pas trop tard pour proposer l’exécution des travaux que nous attendons.

M. de Garcia – Je profiterai de la discussion générale pour demander à M. le ministre quelques explications. Je désire faire ces interpellations dans la discussion générale, parce que si M. le ministre n’est pas à même de me donner immédiatement une réponse claire et précise, il pourra la différer, et ne me la faire que quand nous en serons au chapitre que la chose concerne.

Je veux aussi des économies dans l’administration des chemins de fer ; aussi, j’ai vu avec surprise que malgré les vœux d’économie exprimés à plusieurs reprises dans cette enceinte, on ait nommé trois inspecteurs pour les plantations du chemin de fer. Ma surprise a été d’autant plus grande que, d’après la loi sur la police des chemins de fer, il est interdit de planter des arbres de haute futaie à une distance de moins de 30 mètres du chemin. Je ne puis donc concevoir l’utilité de cette création. Dans cet état je me vois dans la nécessité de devoir demander à M. le ministre de quelles attributions sont revêtus actuellement ces fonctionnaires, ou de quelles attributions l’on se propose de les revêtit dans l’avenir. Dans le moment actuel, il m’est impossible de me rendre compte de cette création que je considère comme superflue et frustratoire.

J’ai une autre interpellation à faire, c’est relativement à l’organisation de la poste rurale, qui est une des mesures les plus progressives et les plus utiles qu’on ai prises de nos jours. Beaucoup de localités réclament à juste titre des bureaux de perception, parce qu’à défaut de ces bureaux, on est obligé de faire trois ou quatre lieues pour affranchir une lettre ou déposer de l’argent.

Je citerai une localité dont le conseil communal, à l’unanimité, réclame avec la plus grande instance de M. le ministre des travaux publics l’établissement d’un bureau de perception ; je veux parler de la commune de Fosses, localité importante aujourd’hui, située au milieu du réseau de routes de l’Entre-Sambre-et-Meuse, et à laquelle aboutissent cinq grandes communications. Les intérêts commerciaux de cette ville ont, en outre, pris un grand développement à raison de la proximité du canal de la Sambre et de la ligne du chemin de fer de Namur.

Ces considérations sont plus que suffisantes pour démontrer, je ne dirai pas l’utilité, mais la nécessité d’établir dans cette commune un bureau de perception de poste aux lettres.

Je demanderai à M. le ministre si, dans son budget, il a compris la dépense qu’occasionnerait l’établissement de quelques nouveaux bureaux de perception de poste reconnus indispensables, et notamment celui que je viens de signaler.

Ces bureaux seront d’autant plus utiles qu’ils permettront de diminuer les courses des facteurs qui aujourd’hui ne peuvent pas suffire au travail qu’on exige d’eux.

Puisque j’ai la parole, je ferai encore une observation sur un autre objet. Il y a quelques jours, la chambre a voté une loi de concession du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. Par suite d’une indisposition, je n’ai pu assister à cette discussion où l’observation que je vous présente aurait peut-être mieux trouvé sa place. Cependant, à propos du budget des travaux publics, je crois pouvoir adresser une interpellation à M. le ministre. Il est reconnu que le chemin de fer de Sambre-et-Meuse est destiné à déplacer beaucoup d’intérêts de la province qui m’a fait l’honneur de me confier son mandat dans cette enceinte, de la province de Namur. Sans doute, messieurs, l’intérêt général doit passer avant tout, et jamais il n’entrera dans ma pensée de le sacrifier à des intérêts individuels ou exclusif de localité. Aussi ce n’est pas contre cette concession que je viens m’élever, mais contre le maintien d’une mesure qui met la localité de Namur dans une position défavorable, je veux parler du péage élevé et exceptionnel dont est frappé le canal de la Sambre en aval de Charleroy.

Les péages sur tous les canaux en général ont été abaissés ; celui que j’indique est resté seul dans un système exceptionnel des plus fâcheux pour les rives de la Sambre et de la Meuse, et pour la province de Namur ; la hauteur de ces péages est telle, que je puis assurer que le transport par le chemin de fer coûte moins que par le canal. Pour ne citer qu’un fait, et je le garantis parce que je le tiens d’un ami à même d’en avoir pu vérifier l’exactitude ; je dirai que la houille coûtait de Charleroy à Namur 64 centimes de moins par le chemin de fer que par le canal. On me répondra, peut-être : Faites-la venir par le chemin de fer ; mais une réponse semblable est évidemment irrationnelle.

En effet, je ferai remarquer que dans l’intérêt du gouvernement et de la chose publique, il est préférable que les transports se fassent par les voies fluviales plutôt que par les chemins de fer. D’abord parce que les frais des locomotives sont considérables par ces dernières voies, et que ces frais se réduisent à rien sur les canaux, qui doivent toujours être entretenus.

D’un autre côté, le matériel du chemin de fer est insuffisant pour le transport des marchandises, et la preuve c’est que nous demande 3 millions pour le compléter ; dès lors, pourquoi ne pas utiliser les voies navigables ? Cette mesure est commandée par des principes d’économie générale, et je crois qu’on ne peut voir dans ma demande une pensée étroite d’intérêt de localité.

J’appelle donc l’attention de M. le ministre sur cet objet, et je lui demande formellement s’il est dans les intentions du gouvernement d’abaisser le péage en aval de Charleroy jusqu’à Namur : cette demande, je la fais dans un but d’utilité publique ; cet abaissement dédommagerait aussi dans de faibles proportions à la vérité, la navigation de la Sambre et de la Meuse, et les localités riveraines de ces rivières des grandes pertes qu’elles vont essuyer par suite de la construction du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse.

J’espère donc que M. le ministre, appréciant ces considérations, abaissera les péages sur la Basse-Meuse. Je pourrais entrer dans des développements plus étendus et présenter d’autres observations sur divers articles du budget ; mais je me réserve de les faire valoir lors de la discussion des chapitres auxquels elles pourront se rattacher. Au surplus, si les interpellations que je viens d’avoir l’honneur d’adresser au gouvernement, n’étaient pas suivies d’explications satisfaisantes, je ne reculerais pas devant une discussion plus approfondies pour en justifier le fondement.

Des explications qui me seront données sur les différentes questions que je viens de soulever, dépendra la conduite que j’aurai à tenir dans le cours de cette discussion et sur le vote du budget actuel.

M. de Villegas – Quelques honorables collègues ont réclamé avec instance l’établissement d’un canal d’Alost à Jemappes. Je ne veux pas m’occuper pour le moment du fond de la question, mais j’engagerai le gouvernement , avant de prendre une détermination à cet égard, de vouloir tourner ses regards vers l’Escaut, et d’examiner si la construction de ce canal dont on vante tant les avantages, et pour lequel cependant on est obligé de réclamer la garantie d’un minimum d’intérêt, ne causerait pas un grand préjudice à la navigation de l’Escaut, et aux péages que l’Etat y perçoit. Il s’agit ici de l’intérêt du trésor, et sa situation mérite bien que l’on s’en préoccupe un peu.

Je ne veux pas finir, sans appuyer de toutes mes forces les observations que vient de présenter l’honorable M. Delehaye, au sujet des inondations dans la vallée de l’Escaut. Il est temps qu’un remède prompt et efficace soit apporté au mal que l’on déplore annuellement. Ces inondations causent un tort immense à la propriété riveraine et compromettent les riches produits de nos prairies. Je suis étonné que dans le budget des travaux publics ne figure aucune somme destinée soit à améliorer le régime de l’Escaut, en avant ou en amont d’Audenarde, soit à faciliter l’écoulement des eaux dans la Flandre. Je désire enfin savoir si la commission spéciale, instituée à cet effet, pousse ses travaux avec activité, et si elle sera bientôt en mesure de nous faire connaître un résultat efficace et dont la mise en pratique ne sera plus différée. L’honorable président de cette commission siège parmi nous ; je le prie de vouloir me donner quelque apaisement à cet égard.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je passerai rapidement en revue les observations qui viennent d’être présentées par plusieurs membres.

L’honorable M. Delehaye a renouvelé les observations qu’il avait déjà faites l’an dernier, relativement aux anomalies du tarif sur quelques lignes du chemin de fer des Flandres. La réponse la meilleure que je puisse lui donner est renfermée dans un projet de loi que je saisis cette occasion de présenter à la chambre ; son objet est de régler le tarif du chemin de fer, pour le transport des voyageurs et des bagages. Je présenterai en même temps un projet de loi tendant à proroger la loi qui autorise le gouvernement à fixer les péages du chemin de fer. Le délai est expiré. Dans l’exposé des motifs, je donne les raisons qui me portent à ne proposer la loi de tarif que pour les voyageurs et les bagages. Dans ce tarif on a tenu compte, dans la rédaction du tableau, des distances, des observations de plusieurs membres relativement aux anomalies qui existent sur certaines lignes de notre railway.

Puisque je dépose ces projets de loi, je présenterai en même temps un projet de loi de prorogation de la loi sur les concessions de péages.

L’honorable M. David a insisté pour que le gouvernement publiât dans le compte-rendu les tableaux des transports par stations de départ et de destination. Ces renseignements se trouvent dans le compte-rendu qui sera distribué jeudi.

(page 963) Plusieurs honorables membres ont appelé mon attention sur le canal de Jemappes à Alost. A ce propos on s’est livré à une discussion prématurée sur des propositions dont la chambre est saisie et qui ne sont pas encore à son ordre du jour. L’honorable M. Desmet a demandé pourquoi ce projet n’était pas compris dans l’ensemble des projets présentés pendant cette session. Mais le canal est concédé. La question est de savoir si le concours du gouvernement est nécessaire pour l’exécution de ce travail. Le rapport des ingénieurs sur la question de savoir si le concours de l’Etat est possible ou utile pour l’exécution de ce canal destiné à ouvrir le marché hollandais aux houilles de Mons, ce rapport ne m’a été remis qu’après la présentation du projet de loi relatif à l’exécution de divers travaux publics. Du reste, j’ai l’espérance que, dans ce moment où des capitaux considérables, à l’étranger surtout, se dirigent vers les entreprises de travaux publics, canaux et chemins de fer, ce canal pourra être exécuté sans le concours de l’Etat. Lorsque ce concours n’est pas nécessaire, le gouvernement serait inexcusable de l’offrir.

Les autres observations présentées par les honorables MM. Delehaye, de Villegas et de Garcia, relativement aux inondations de la vallée de l’Escaut et de la Lys, aux péages de la Sambre inférieure et aux autres questions concernant divers chapitres du budget, trouveront mieux leur place dans la discussion sur les articles. Je me propose alors d’y répondre.

- La discussion générale est close.

La séance est levée à 4 heures et demie.