(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 863) (Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et quart.
M. Huveners donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Frédéric Baillieu, enseigne de vaisseau, né à Anvers, de parents français, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Luder Wieting, second de navire de commerce à Anvers, né à Vegesack, demande la naturalisation ordinaire. »
- Même renvoi.
« Plusieurs propriétaires et cultivateurs dans la commune de Sirault, demandent des modifications à la loi sur les céréales. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi sur les céréales.
« Plusieurs membres du conseil communal de Sugny demandent que les habitants de cette commune soient autorisés à porter de France au quart du droit d’entrée la quantité de céréales nécessaire à leur consommation. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Bulens, Incolle et Deschamps présentent un mémoire qui a pour objet la réunion des trois stations du chemin de fer, et la formation d’une grande foire annuelle et prient la chambre de faire examiner ces projets. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Laman, propriétaire et maître de carrières à Quevast, demande la révision des péages sur les canaux et rivières et la révision des péages sur le canal de Charleroy, dans le parcours de Clabbeek à Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Le sieur Puissant demande qu’on maintienne l’embranchement de la vallée du Thiria qui, dans le tracé primitif du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse, arrivait jusqu’à Morialmé. »
M. Pirmez – Messieurs, cette pétition est de notre ancien collègue M. Puissant. Elle a rapport au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Je demanderai qu’elle soit renvoyée à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet de loi relatif à l’exécution de divers travaux publics. Si la chambre voulait bien le permettre, j’en demanderais également l’insertion au Moniteur.
- Cette double proposition est adoptée.
« Les sieurs Jacques Delry, Faessen et autres membres de l’association des bateliers de la Meuse, présentent des observations en réponse à la pétition des membres de la commission des charbonnages liégeois, relative au projet d’un canal latéral à la Meuse.
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi de crédits et de concession pour l’exécution de divers travaux publics.
« Les sieurs Splingard et comp. demandent la concession de deux chemins de fer dans l’Entre-Sambre-et-Meuse : l’un de Couillet à Oret, l’autre de Florennes à Moulin. »
- Même renvoi.
M. Mast de Vries – J’ai l’honneur de déposer le rapport de la commission spéciale qui a été chargée de l’examen du projet de loi contenant demande d’un crédit de 300 mille francs pour la substitution d’une tranchée à ciel ouvert au double tunnel de Cumptich.
Plusieurs membres – La lecture.
M. Mast de Vries donne lecture de ce rapport.
M. de La Coste – Ne pourrait-on pas mettre la discussion de ce projet entre les deux votes du budget de l’intérieur ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Cette discussion peut durer assez longtemps. Le sénat est convoqué pour lundi ; il convient que le budget de l’intérieur se trouve transmis au sénat et imprimé pour lundi. Il me semble donc qu’il faudrait mettre le projet relatif au tunnel de Cumptich à l’ordre du jour après le vote définitif du budget de l’intérieur.
M. de La Coste – Immédiatement après.
M. de Garcia – Messieurs, je sens tout l’importance du projet qui nous est soumis par le gouvernement, à l’occasion de l’accident arrivé au tunnel de Cumptich, et c’est précisément parce que j’en sens l’importance que je désire que cette question soit examinée avec maturité. Je ne veux pas entraîner la nation dans des frais inutiles, et cela pourrait arriver si l’on discutait le projet dont il s’agit sous l’influence de la crainte et de la peur dans laquelle on semble se trouver. Si l’on votait ce projet sous une influence semblable et avec précipitation, on pourrait exposer le pays à des dépenses inutiles. Je m’explique. Si le rapport qui sera fait à la suite de l’enquête que la chambre pourra ordonner démontrait que l’ancien tunnel présente toutes les garanties de sécurité qu’offrent les autres tunnels du pays, et c’est ce que constate déjà le rapport de M. le ministre des travaux publics, je voterais contre la dépense proposée.
En effet, si vous déclarez que le tunnel de Cumptich, par cela seul que c’est un tunnel, présente des dangers, alors vous vous exposez à devoir démolir tous les tunnels qui se trouvent sur les autres voies, ou bien, contrairement à ce que vous proposez, loin de tarir les inquiétudes nuisibles à l’exploitation du chemin de fer, vous les ferez naître sur toutes les lignes où se rencontrent des tunnels ; je ne voudrais donc pas que la question fût décidée avec précipitation. Je le répète, messieurs, il faut prendre garde de s’exposer à jeter la défiance sur toutes les lignes où il existe des tunnels, à peine de se jeter dans des dépenses énormes pour la nation. (Interruption.) Ne m’interrompez pas, car vous ne pouvez sortir du dilemme suivant : de deux choses l’une, ou bien le tunnel de Cumptich, comme les autres tunnels, peut présenter toutes les garanties, et alors il ne faut pas le supprimer ni le remplacer par une voie nouvelle très-dispendieuse ; ou bien les tunnels en général ne présentent pas ces garanties, et alors il faut les démolir tous. Vous voyez ainsi, messieurs, à quelles dépenses vous pouvez vous exposer par une résolution prise à la légère et sous certaines influences.
M. de La Coste – Si l’honorable M. de Garcia vient bien m’entendre un instant, il reconnaîtra, je l’espère, que l’objection qu’il élève ne doit pas nous arrêter.
L’honorable M. de Garcia parle d’une enquête qui pourrait être ordonnée. Mais elle existe ; nous la jugerons. Il peut y avoir lieu à une autre enquête sur les cause de l’accident, je l’ai moi-même provoquée. Cela pourra amener une autre discussion.
Mais quant à l’état du tunnel, il a été constaté avec tous les soins possibles par le ministre qui s’est rendu sur les lieux, par les rapports des ingénieurs. Nous l’avons vu par les pièces ; nous le verrons par la discussion.
L’honorable M. de Garcia veut éviter des frais au trésor. Mais qu’il songe que chaque retard constitue une perte pour le trésor, parce qu’il empêche la réalisation des produits du chemin de fer.
Aussi, dans l’intérêt du trésor, il ne fait sans doute pas une résolution précipitée ; mais il ne fait pas de lenteurs inutiles.
L’affaire est parfaitement instruite. L’honorable M. de Garcia pourra faire valoir tous les arguments qu’il vient de présenter, quand nous discuterons la question au fond. Il pourra voter contre la proposition s’il ne trouve pas ses apaisements dans les motifs qu’on fera valoir.
Mais je pense qu’il n’y a aucun motif pour différer la discussion. Dans l’intérêt du trésor, il y a, au contraire, des motifs très-pressants pour qu’elle ait lieu sans délai.
M. de Garcia – L’honorable collègue qui vient de parler a dit : « Si M. de Garcia avait lu le rapport, il verrait d’une manière positive qu’au point de vue de la solidité des travaux, une enquête est parfaite et achevée. » Je ne contredis pas ce fait. Mais résulte-t-il du rapport de M. le ministre que les réparations achevées au tunnel de Cumptich, ce tunnel ne présentera pas les mêmes garanties que tous les autres ? C’est que, selon moi, ce rapport n’établit pas, il est vrai, que la chambre peut n’avoir pas une confiance entière dans les ingénieurs de l’Etat. Que nous reste-t-il à faire alors ? Ce sera de faire porter l’enquête que la chambre se propose d’ordonner, non-seulement sur les travaux d’exécution de l’ancien tunnel, mais encore sur la solidité et les garanties que pourra offrir ce tunnel avec les réparations qui y sont opérées.
Quant à ce qu’a dit l’honorable député de Louvain, qu’en reculant la discussion de la loi, on empêcherait de livrer de suite les lignes à une circulation régulière, si mes renseignements sont exacts, d’ici à vingt jours, le tunnel sera rétabli, et présenterait toutes les conditions de solidité désirables.
Ainsi, en retardant la discussion et en attendant l’accomplissement de certains faits, le but que se propose notre honorable collègue, c’est-à-dire qu’on rétablisse le plus tôt possible la circulation sur le chemin de fer, n’est entravé en aucune manière. Loin de là, il sera, ou il peut être mieux atteint : il pourra même se faire qu’en différant la discussion on atteigne un but complet et définitif, qui nous soustrairait aux dépenses considérables qui résulteront du changement de l’ancienne voie.
Par ces motifs, je demande que le projet de loi dont il s’agit ne soit pas discuté avant quinze jours.
- La chambre, consultée, met le projet de loi à l’ordre du jour après la discussion du budget de l’intérieur.
(page 864) M. Manilius – Messieurs, j’ai l’honneur de vous faire le rapport sur la question relative aux droits d’entrée sur les foins, provoquée par des pétitions d’Anvers, de Walhem, de Merxem et de Hasselt, que vous nous avez renvoyées avec demande d’un prompt rapport.
Les pétitionnaires s’attachent à démontrer que le prix des foins sont baissés de 40 à 50 p.c. au grand préjudice des cultivateurs de ces herbages qui livrent leurs produits à la consommation intérieure, et cela par suite de l’énorme introduction de ces produits étrangers.
Déjà, en 1837, votre commission d’industrie a été saisie de cette question, et elle vous proposa alors un droit protecteur de 5 fr. par 1,000 kil., afin de modifier celui de 53 centimes, qui n’était établi et considéré par l’ancien royaume des Pays-Bas que pour un simple droit de balance.
D’après les avis des commissions d’agriculture et des députations permanentes des provinces, que le gouvernement nous a fait parvenir et que nous annexons ici, l’on remarquera que cinq commissions d’agriculture se prononcent pour une augmentation de droits d’entrée, ainsi que quatre députations permanentes. Celles des commissions ou députations qui ne se prononcent pas pour une augmentation sont aussi celles qui souffrent le moins des introductions.
Dans la province d’Anvers, d’où nous est arrivé le plus de pétitions, on est d’avis que le droit à élever doit rester modéré et différentiel pour les arrivages par bateaux ou par voitures.
La province de Brabant se prononce pour un droit de 10 fr. par 1,000 kilog., mais comme mesure temporaire.
Les provinces de la Flandre orientale et de Limbourg se prononcent pour un droit de 5 et de 8 fr. par 1,000 kil.
Les pétitionnaires demandent :
1° par une pétition datée d’Anvers, 20 juin 1844, un droit de 25 fr. ;
2° une datée de Waelhem, 11 juin 1844, un droit de 10 fr. ;
3° une datée de Merxem, 20 juin 1844, un droit de 25 fr. ;
Le tout par 1,000 kilog.
Votre commission, messieurs, a envisagé ces demandes comme fondées en principe, mais exagérées quant aux chiffres du droit, considérant qu’un droit de 5 fr. par 1,000 kil., que vous avez voté en 1841, avec l’exception pour les parties détachées du Limbourg et du Luxembourg, n’a su obtenir les suffrages de l’autre chambre.
Elle a donc conclu à vous proposer un droit différentiel de 4 fr. par 1,000 kil. à l’entrée par voie navigable, et 2 fr. par voie de terre avec exception pour les parties cédées du Limbourg et du Luxembouirg, et 10 c. pour droit à la sortie.
Un droit aussi modéré ne saurait nuire ni aux pays qui nous livrent ces fourrages, ni aux cultivateurs qui s’occupent de l’élève du bétail, ni aux entrepreneurs de fourrage. Ce ne serait qu’une compensation pour la propriété en prairie, elle aussi, assujettie à un impôt parfois même peu élevé, par le fait de la contribution foncière, qui doit se répartir sur les plus de revient de tous les produits du sol.
La commission a donc l’honneur de vous proposer le projet de loi suivant et conclut, pour les pétitions, au dépôt sur le bureau pendant la discussion. (Nous donnerons ce projet de loi.)
- Ce rapport sera imprimé et discuté. La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion.
M. Van Cutsem, au nom de la commission des naturalisations, présente les rapports sur les demandes en naturalisation des sieurs Edmond et Prosper Plaideau de Menin.
- Ces rapports seront imprimés et distribués. La chambre fixera ultérieurement le jour de la prise en considération.
M. de Mérode (pour une motion d'ordre) – Messieurs, tout à l’heure on vous a présenté l’analyse d’une pétition relative à la réduction des péages sur les canaux. Elle a pour but de demander des facilités pour le transport des pierres destinées au pavage.
Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition qui est signée par M. Laman.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président – La discussion continue sur le chap. XX.
La parole est à M. Rogier.
M. Rogier – Messieurs, j’ai présenté hier les observations que je voulais faire. Je dois cependant un mot de réponse à l’honorable M. Dumortier, qui a pris la défense de différents établissements que je n’avais pas attaqués. Je ne puis, messieurs, admettre la doctrine que l’honorable M. Dumortier a émise, relativement aux fonctionnaires non salariés. Il nous a dit que si toutes les fonctions étaient remplies par des employés non salariés, ce serait tant mieux pour le trésor. Je dis, moi, que ce serait tant pis pour l’administration et, par suite, pour le trésor. Je diffère donc complètement d’opinion avec l’honorable M. Dumortier. Si l’on veut une bonne administration, elle doit être entre les mains de fonctionnaires salariés et responsables.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne vais pas non plus aussi loin que l’honorable M. Dumortier. Il ne s’agit pas ici de créer un système.
Il se trouve qu’il y a au ministère de l’intérieur un seul fonctionnaire non-salarié. Je regrette beaucoup qu’on ait jugé à propos de mettre en cause cet homme si honorable. On savait parfaitement bien qu’il m’était impossible de suivre mes adversaires sur ce terrain. J’ai dû même, bien à regret, m’abstenir, en quelque sorte, de prendre la défense de cette personne. Sans cela, je donnerais l’exemple des discussions personnelles ; je poserais de fâcheux précédents en acceptant ces discussions auxquelles on me provoque.
M. Dumortier – Je ne sais, messieurs, ce que veut dire M. le ministre de l'intérieur, lorsqu’il fait observer qu’il ne s’agit pas de créer un système. Je n’ai rien voulu ériger en système. J’ai dit simplement que lorsqu’il se trouvait des personnes qui se dévouaient à la chose publique sans salaire, nous devions leur en savoir gré, et je pense que la chambre partage mon avis. Libre à chacun d’avoir une opinion en cette matière ; mais, quant à moi, je ne puis qu’admirer le dévouement partout où il se trouve. Or, il y a du dévouement de la part d’un homme qui consent à rendre ses services au pays, à faire partie d’une administration, sans grever le trésor public
Il n’y a donc pas là de système.
Je ne veux pas ériger ce système, qu’il ne faut pas rétribuer les fonctionnaires publics ; mais je le répète, si un fonctionnaire public, plein de zèle, de dévouement et de capacité, veut bien renoncer à son traitement, loin de lui en faire un crime, il faut l’en remercier.
M. de Mérode – Je conviens que si les emplois étaient gratuits, peut-être l’administration ne serait pas assez bien suivie. Mais il y a certains services auxquels des fonctions gratuites peuvent être appliquées. Ainsi, en ce qui concerne les beaux-arts, les ²monuments, chacun sait qu’il y a des personnes qui ont un goût spécial pour ces objets, qui s’y portent avez zèle, et qui, ayant une position de fortune indépendante, ne désirent pas recevoir un traitement, pour exercer ces fonctions. Il me semble qu’il y a là une exception que chacun doit admettre
M. Rogier – Messieurs, je ne puis admettre la doctrine de l’honorable M. Dumortier et celle de l’honorable M. de Mérode. S’il s’agit de certaines fonctions plutôt honorifiques qu’administratives et qu’il se rencontre dans le pays des hommes dévoués, et qu’une position de fortune indépendante, qui consentent à les remplir gratis, je pourrais être de l’avis de ces deux honorables membres ; mais pour une administration difficile et compliquée, qui doit rendre compte, chaque jour et à chaque heure, de ses actes au ministre, je dis que des fonctions remplies par des employés amateurs, courent grand risque d’être mal remplies ; je ne veux entrer dans aucun détail ; car je le répète, par cela même que le fonctionnaire ne reçoit pas de traitement sur les fonds de l’Etat, il n’a pas de compte à rendre ; c’est là un grand vice. Le ministre n’a pas d’action sur lui (Dénégation sur quelques bancs) ou tout au moins il n’a pas la même action sur lui, reconnaissez-le de bonne foi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je dirai simplement que ce fonctionnaire est vis-à-vis du ministre dans la même position que s’il était salarié. S’il s’absente, c’est en vertu d’un congé que je lui donne, après avoir pris les précautions nécessaires pour que le service ne souffre pas. Mais, je dois le dire, jamais je n’ai assisté à une semblable discussion ; c’est une véritable inquisition de personnes ; jamais, non jamais, ; je n’ai vu discuter de cette manière les questions d’administration et de personnes.
M. Dumortier – Messieurs, je regrette vivement que de semblables reproches s’adressent à un homme qui, dans les fonctions qu’il remplit, fait preuve de tant de dévouement, de tant de capacité et d’intelligence. On vient nous demander : ce fonctionnaire se rend-il régulièrement à son poste ? mais les honorables membres qui font cette demande, doivent savoir aussi bien que moi que le fonctionnaire dont il s’agit, garde la chambre et le lit depuis plusieurs mois. Les pièces à traiter sont envoyées chez lui ; les artistes et les littérateurs qui ont avec cet honorable fonctionnaire des rapports tout au moins aussi agréables qu’avec aucun de ses prédécesseurs, et qui savent qu’une indisposition l’empêche de venir au ministère, vont le trouver chez lui quand ils ont à lui parler d’affaires qui les intéressent. D’ailleurs, il y a dans la division des arts et des sciences un jeune homme très-distingué, M. Eugène Vanderbelen, qui remplir parfaitement les fonctions de chef de bureau.
Je le répète, il est impossible de trouver une personne qui ait plus de sympathie pour les beaux-arts que l’honorable comte de Beaufort, et qui ait des connaissances plus variées en matière d’art. Je suis vraiment peiné de voit l’honorable M. Rogier qui porte tant d’intérêt aux arts, adresser à ce fonctionnaire des reproches qui, dans la position de santé où celui-ci se trouve, touchent en quelque sorte à l’inhumanité.
M. Rogier – Je n’ai certes pas l’intention d’adresser un reproche à un fonctionnaire malade. J’ai raisonné surtout en principe, j’aurais pu aller plus loin . J’ai dit qu’un ancien chef de bureau, qui est devenu greffier du conseil des mines, n’a pas été remplacé…
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il a été remplacé.
M. Rogier – Soit ; mais enfin la direction si importante des beaux-arts, des lettres et des sciences n’en demeure pas moins mal organisée au ministère de l’intérieur ; et le système que l’on y suit tend à introduire un grand relâchement dans cette branche si importante de l’administration.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’ai interrompu l’honorable membre, car on va de détail et détail, je ne sais où l’on s’arrêtera ; je l’ai interrompu pour lui dire que lorsque le chef du bureau des arts a quitté le ministère, il a été remplacé par un employé que j’ai jugé digne du titre de chef de bureau. Veut-on maintenant discuter les titres de cet employé aux fonctions de chef de bureau ? Il me semble qu’on en est là.
Je dis qu’il n’y a pas relâchement au ministère de l’intérieur, notamment en ce qui concerne les établissements qui en dépendent ; je dirais, au contraire, s’il m’était permis d’entrer dans les détails, que j’ai fait des efforts (page 865) qu’on n’avait pas faits avant moi, pour arriver à beaucoup plus de régularité, à beaucoup plus d’activité dans certaines administrations…
M. Rogier – Je maintiens tout ce que j’ai dit hier.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je maintiens tout ce que je dis à mon tour. Mais on m’attire sur un terrain où je suis dans l’impossibilité de me placer.
- La discussion générale sur le chap. XX est close. On passe aux articles.
« Art. 1. Lettre et sciences : fr. 189,000.
Charge extraordinaire : fr. 12,000. »
M. Dumortier – J’ai vu avec regret qu’il y avait une réduction de 2,000 fr. faite sur le crédit destiné à la commission d’histoire. Vous le savez, messieurs, cette commission a fait un grand nombre de publications qui intéressent au plus haut degré l’histoire nationale : l’archiviste général du royaume, envoyé en Espagne, en est revenu récemment, en apportant avec lui une collection volumineuse de lettres de Charles-Quint et de Philippe II. Ces lettres, qui présentent un haut intérêt pour notre histoire, devront sans doute être publiées ; mais comment pourra-t-on faire face aux frais de cette publication, si l’on réduit le chiffre alloué à la commission d’histoire. Cette collection formera au moins 6 volumes in-4°.
Je demanderai donc que le chiffre soit rétabli au taux de celui qui a été alloué l’année dernière. Je pense que M. le ministre de l'intérieur ne s’opposera pas à ma proposition ; je propose de porter le chiffre de 12,000 fr. à 14,000 fr.
Je voudrais aussi que M. le ministre de l'intérieur distribuât à un plus grand nombre de personnes les documents publiés par la commission royale d’histoire. Ces documents se tirent à 500 exemplaires. Il doit en rester 300 à 350 dans les magasins du ministère. Je voudrais qu’on utilisât ces exemplaires : on pourrait les envoyer aux membres des chambres, comme on leur envoie les Bulletins, et à leur tour les membres des chambres pourraient les communiquer aux personnes qui s’occupent d’études historiques et qui auraient ainsi à leur portée les meilleures sources de notre histoire nationale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, voici la marche qui a été suivie par mes prédécesseurs et que j’ai maintenue pour la distribution des publications de la commission royale d’histoire. On ne dispose d’aucun exemplaire sans consulter la commission. La commission, je dois le dire, ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant ; elle est, au contraire, d’avis qu’il faut se montrer moins large que jamais dans cette distribution ; elle m’a prié, dans ces derniers temps, de lui adresser le moins de demandes possible. Je ne veux pas nommer les personnes à qui j’ai refusé ces publications, sans même en référer à la commission royale d’histoire. Du reste, je m’entendrai avec la commission pour savoir si l’on peut aller plus loin dans la distribution.
L’honorable membre propose de reporter à 14,000 fr. le chiffre de 12,000. Remarquez bien qu’il ne s’agit pas ici d’un article du budget ; il s’agit d’une subdivision d’article. Si la commission d’histoire a besoin de 14,000 fr., elle les demandera au ministre, et j’espère pouvoir, en ce cas, lui donner le supplément de 2,000 fr. sur l’ensemble de l’article.
Je ne voudrais pas, par ce vote complémentaire de deux mille francs, consacrer le principe que les 14 mille francs sont invariablement acquis comme dotation à la commission d’histoire. Je ne puis pas adopter ce précédent. Si la commission d’histoire a besoin de deux mille francs de plus, elle me le fera connaître, je ferai en sorte de les lui accorder.
M. Dumortier – Je crois qu’il serait difficile de trouver sur l’ensemble de l’article la somme dont il s’agit, parce que tous les littera ont des applications spéciales. Ainsi, irez-vous retrancher à l’Observatoire de Bruxelles, aux encouragements pour les lettres et les sciences, à la bibliothèque Royale ou au Musée Royal d’histoire naturelle ? La chambre a fait des espèces de dotations pour les établissements scientifiques de la Belgique. La chambre s’est conduite avec beaucoup plus de grandeur et de largesse que le gouvernement ne l’avait fait ; car c’est à la chambre qu’est due l’initiative de la dotation des établissements scientifiques. Il serait donc difficile de trouver la somme nécessaire pour la publication des archives sur les autres littera de l’article
La littérature n’est pas trop encouragée ; si vous allez encore réduire les petits encouragements qu’on peut lui donner, que deviendra-t-elle ? Il serait à désirer que le chiffre de l’année dernière fût reproduit, parce qu’il est impossible que les grandes publications se fassent avec le chiffre réduit qu’on propose. Les documents de Simoneau seuls ont une immense importance ; ils formeront au moins six volumes, peut-être dix. Je vous demande si vous pouvez publier cela avec 12 mille fr. ? Chaque volume coûte trois à quatre mille francs. Trois ou quatre colis sont à l’impression. Il sera impossible que la commission, qui a des devoirs à remplir envers la chambre et le pays, s’en acquitte, si on ne met pas à sa disposition les fonds nécessaires. Je demande la division. Quand nous en serons à ce littera, je proposerai une augmentation de 2 mille fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je regrette, j’ai des raisons particulières de regretter que cette discussion se prolonge. L’honorable membre demande le rétablissement des deux mille francs, d’abord parce que cela forme une espèce de dotation mise à la disposition de la commission d’histoire. C’est ce que je ne puis admettre, c’est ce que la cour des comptes n’admet pas. Je crois que les 12 mille fr. peuvent suffire ; s’ils ne suffisaient pas, je chercherais sur l’ensemble de l’article la somme qui pourrait manquer. On appuie l’augmentation par deux motifs, c’est que la commission publierait les documents rapportés d’Espagne par l’archiviste général.
Je ne vois pas d’inconvénient à ce que cette publication soit considérée comme faisant partie de la collection de la commission d’histoire ; tout ce qui sera de nature à faire honneur à la commission d’histoire sera vu par moi avec plaisir ; mais s’il est décidé que les documents rapportés d’Espagne, qui formeront au moins six volumes, font partie des publications de la commission d’histoire, ces deux mille francs ne suffiront pas. Au reste, cette publication n’est pas aussi prochaine que l’honorable membre paraît le croire. Il y a d’abord une question très-grave à résoudre : faut-il traduire ces documents ?
M. Dumortier – Certainement !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable membre dit : oui ; je suis assez de son avis ; il faudra pour cela beaucoup de temps et même d’argent. L’argent, encore une fois, je ne le trouverai pas sur les deux mille francs qu’il propose. J’engage l’honorable membre à renoncer à sa demande et à se contenter des explications que j’ai données, de l’assurance que je réitère ; si les douze mille francs ne suffisent pas, je ferai en sorte de trouver ce qui manquerait sur l’ensemble de l’article.
M. Dumortier – D’après ces explications, je n’insiste pas.
- L’article, tel qu’il est proposé par le gouvernement, est adopté.
« Art. 2. Archives du royaume. Frais d’administration (personnel : fr. 23,750. »
La section centrale propose une réduction de 2,400 fr.
M. le président – Le gouvernement se rallie-t-il à cette proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous vous rappelez que dans les budgets précédents figurait une somme pour le classement des archives allemandes ; cette somme était de 2,400 fr. Il s’est élevé une question au sujet de la loi des pensions. On s’est demandé si cette personne devait contribuer à la caisse des veuves et des orphelins, et être considérée comme employé de l’Etat. Je pense qu’il est équitable de résoudre la question affirmativement. Pour qu’il n’y ait pas de doute, j’ai proposé de réunir la somme de 2,400 fr. qu’elle touchait, aux frais d’administration des archives du royaume. De cette manière, la position de cet employé sera régularisée. Voilà quel a été mon but en demandant la réunion de cette allocation spéciale à l’article général.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Article 3. Archives du royaume. Matériel : fr. 2,600. »
- Adopté.
« Art. 4. Archives du royaume. Frais de publication des inventaires des archives : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Archives de l’Etat dans les provinces : frais de recouvrement de documents provenant des archives tombés dans des mains privées ; frais de copies de documents concernant l’histoire nationale. : fr. 15,000. »
M. Dumortier – Je dois renouveler, à l’occasion de cet article, une observation que je fais depuis plusieurs années, relativement à un objet auquel je tiens beaucoup ; je veux parler des archives de l’ancienne secrétairerie d’Etat de la Belgique qui se trouvent à Vienne, des chartes de Flandre et de Brabant. A la suite de la bataille de Fleurus, toutes les archives de la Belgique ont été transportées à Vienne. Lors du traité de Campo-Formio, un article fut inséré ordonnant la restitution des archives du pays que l’Autriche cédait à la France. Cet article était ainsi conçu : (l’orateur donne lecture de cet article.)
Voilà, messieurs, ce que stipulait en termes exprès l’article 13 du traité de Campo-Formio. Le traité de Lunéville renfermait la même disposition, une partie notable des archives de la Belgique nous fut rendue par l’Autriche, c’est ce qui constitue la majeure partie des archives de Bruxelles ; mais les plus importantes, les archives de la secrétairerie d’Etat, la correspondance de Charles Quint et de Philippe II, les chartes de Flandre et de Brabant sont restées à Vienne.
Le traité de Paris a encore ordonné la restitution des archives ; le traité des 24 articles prescrit également la restitution des archives respectives ; cela se met d’ailleurs dans tous les traités. Mais jamais l’Autriche n’a rendu à la Belgique ces archives. Remarquez que ce ne sont pas là des archives de famille, mais des archives de l’Etat belge, du conseil d’Etat belge.
Depuis plusieurs années, j’ai adressé au gouvernement les demandes les plus formelles de faire des démarches incessantes pour que ces articles des traités fussent exécutés. Par suite de ces traités, de dettes de l’Autriche sont tombées à notre charge ; nous les payons ; l’Autriche devra bien nous rendre les papiers qu’elle devait nous restituer, aux termes du traité de Campo-Formio. Je sais bien que quelques démarches on été faites par le gouvernement, mais je doute qu’on ait mis dans cette affaire toute l’activité désirable. Car je suis convaincu que M. de Metternich, qui en 1792 prit part à l’enlèvement de nos archives, ne pourrait pas se refuser à les rendre, si la réclamation lui était adressée. Je demande donc que le gouvernement insiste fortement pour obtenir ces archives, qui sont très-importantes pour nous. Je ne vois pas quel intérêt peut avoir l’Autriche à vouloir garder les archives du Conseil d’Etat, les chartes de Flandre et de Brabant.
Qu’est que l’Autriche a de commun avec la Flandre et le Brabant ? Je demande, je le répète, que le gouvernement insiste de la manière la plus pressante pour nous faire entrer dans notre propriété, dans notre domaine, dans nos archives.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je puis déclarer à la chambre que le gouvernement a mis de l’activité et de l’insistance dans la réclamation dont il s’agit. Mais l’honorable préopinant lui-même vous a fait apercevoir la difficulté.
Il y a une distinction à faire dans les documents qui tiennent à l’administration et ceux qui tiennent à l’existence, à l’histoire de la dynastie qui peut avoir régné sur un pays. Cette distinction est surtout importante quand (page 866) on se reporte à l’époque où les Etats étaient considérés comme des biens patrimoniaux.
Voilà la question qui s’est présentée entre le gouvernement autrichien et le gouvernement belge.
Nous avons fait des démarches, nous en ferons encore, mais vous voyez vous-mêmes quels sont les obstacles que nous rencontrons.
M. Dumortier – Je comprends fort bien que l’on fasse naître des difficultés en Autriche ; comme on voulait garder des archives, on a dû chercher quelque moyen pour appuyer une pareille prétention ; mais, je le répète, les archives du conseil d’Etat ne sont pas plus des archives appartenant à la maison d’Autriche que les archives du conseil d’Etat de l’empire ne pourraient appartenir à la famille Bonaparte. Ce ne sont pas là des archives de famille, ce sont des archives appartenant au domaine public, ce sont des archives qui concernent exclusivement les affaires du pays. Il y a même les chartes originales du Brabant et des Flandres. De quel droit l’Autriche peut-elle venir prétendre que ces chartes lui appartiennent ? Sont-ce là des archives de famille ? L’Autriche a possédé les domaines de Flandre et de Brabant par suite de successions. Mais la France pourrait, au même titre, venir réclamer nos archives, sous prétexte que la famille de Bourgogne, qui appartenait à la maison régnante de France, a gouverné nos provinces. Evidemment, je ne pense pas qu’une semblable prétention fût considérée, par qui que ce soit, comme ayant le moindre fondement.
Eh bien, il en est tout à fait de même des prétentions de l’Autriche. Mais il y a des maisons d’Allemagne qui pourraient également former des réclamations de cette nature. Le grand-duc de Hesse, par exemple, pourrait venir dire que les chartes du Brabant lui appartiennent, parce qu’il descend des ducs de Brabant.
Il y a, messieurs, une grande distinction à faire entre des archives de famille, des correspondances particulières, secrètes, entre les souverains, relativement à leurs affaires privées, et des archives d’Etat, des archives qui concernaient nos affaires et qui n’avaient aucun rapport aux affaires de l’Allemagne, aux affaires de l’Autriche.
Je dis donc que la prétention de l’Autriche n’est nullement fondée, et je suis convaincu que le gouvernement, en insistant sérieusement, obtiendra un résultat favorable. Je sais bien que les agents diplomatiques, dans les pays étrangers, aiment à s’éviter des embarras pour des objets qu’ils envisagent comme secondaires ; mais nous ne devons pas nous arrêter devant de pareilles considérations. Il importe, avant tout, que la Belgique rentre en possession des documents relatifs à son histoire et qui sont sa propriété incontestable.
M. Desmet – Messieurs, vous connaissez tous la carte de Ferraris ; mais il en a été fait deux exemplaires sur une grande échelle, dont l’un était destiné à la cour de Vienne, et l’autre au gouvernement belge. Ces deux exemplaires se trouvent en Autriche ; on les appelle la carte topographique. J’insiste pour que le gouvernement réclame l’un de ces exemplaires qui revient à la Belgique.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – On a aussi réclamé cette carte. On ne l’a pas obtenue.
- Le chiffre de 15,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Location de la maison servant de succursale au dépôt général des archives de l’Etat : fr. 3,500. »
- Adopté.
« Art. 7. Beaux-Arts : fr. 231,000. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je désire que la chambre accorde le chiffre demandé par le gouvernement. C’est sur ce chiffre qu’il faut prélever, entre autres, la dépense des deux Conservatoires, qui sont l’un et l’autre des institutions de l’Etat, le Conservatoire de Bruxelles et celui de Liége.
Le Conservatoire de Liége jouit aujourd’hui d’un subside de l’Etat de 12,000 fr. L’allocation a été portée à ce chiffre en 1842, sur ma proposition. Il y avait autrefois 10,000 fr. La ville et la province de Liége allouent des subsides qui forment une somme beaucoup plus considérable que le subside de l’Etat. Cependant cet établissement est considéré comme établissement de l’Etat ; le gouvernement fait, comme à Bruxelles, les nominations.
On a projeté à Liége une réorganisation de cet établissement. C’était à la fin de décembre 1844, à une époque où l’on aurait pu supposer le budget de l’intérieur voté, quand j’ai reçu les nouvelles propositions de la commission administrative du Conservatoire de Liége. D’après ce projet, il faudrait une augmentation de 7,500 fr. c’est-à-dire que le subside de l’Etat serait porté à 19,500 fr. je ne crois pas devoir me prononcer sur cette réorganisation que je n’ai pas été à même d’examiner mûrement.
Je crois cependant qu’il conviendrait de faire quelque chose de plus, en 1845, pour le Conservatoire de Liége.
Je me propose donc d’allouer une augmentation à cet établissement sur l’ensemble de l’article, sauf à décider ultérieurement quelle sera la somme demandée pour 1846.
Me proposant de trouver sur l’ensemble de l’article une augmentation pour le Conservatoire de Liége, je demande qu’on ne réduise pas l’article de 6,000 fr. comme le propose la section centrale. Ce n’est pas à dire qu’on alloue 6,000 fr. de plus au Conservatoire de Liège. Je ne me propose pas d’allouer cette somme en 1845. On allouerait 2 ou 3 mille fr., on s’entendra sur la réorganisation définitive Il faudra un arrêté royal qui approuve les nouveaux statuts. Nous verrons quelles sommes nous devrons demander pour 1846.
Ainsi l’on procédera régulièrement, tout en mettant le gouvernement à même d’allouer une certaine somme dès 1845.
M. Delfosse – D’après les explications que M. le ministre de l'intérieur vient de donner, je voterai pour l’augmentation de 6,000 fr. contre laquelle je me serais prononcé sans cela. Je ne vois pas, en effet, pourquoi on accorderait une augmentation de 6,000 fr. au Conservatoire de Bruxelles, déjà si favorablement traité, alors qu’on ne ferait rien pour le Conservatoire de Liége, qui n’a qu’un subside médiocre insignifiant, si on le compare aux sacrifices que la ville et la province s’imposent pour cet établissement.
Le Conservatoire de Liége a été créé en même temps que celui de Bruxelles ; dans le principe, il jouissait de la même protection. Peu à peu on a augmenté le subside du Conservatoire de Bruxelles, et les choses en sont venues à ce point que le Conservatoire de Liège ne reçoit pas maintenant le tiers du subside accordé au Conservatoire de Bruxelles.
Il faut convenir que c’est là une inégalité que rien ne peut justifier.
J’avoue que j’en cherche en vain la cause. Est-ce que, par hasard, le Conservatoire de Liége ne formerait pas des artistes aussi distingués que celui de Bruxelles personne n’oserait le soutenir. N’est-ce pas un élève du Conservatoire de Liége qui a obtenu le 1er prix de composition musicale ?
Et c’est alors qu’il existe une inégalité aussi choquante, dont nous avons tant à nous plaindre, que l’on voudrait la rendre plus choquante encore en donnant six mille francs de plus au Conservatoire de Bruxelles, tandis que le subside du Conservatoire de Liége resterait stationnaire.
Je félicite M. le ministre de l'intérieur d’être revenu à de meilleurs sentiments, et j’aime à croire qu’il sentira la convenance et la justice de faire pour le Conservatoire de Liége même plus qu’il ne vient d’annoncer.
M. Rodenbach – Je ne m’oppose pas à l’augmentation de subside dont il s’agit pour le conservatoire de Liége. Mais il faut convenir que pour le Conservatoire de la capitale, le subside doit être infiniment plus considérable.
La patrie de Grétry a droit sans doute à ce que l’Etat encourage chez elle l’art musical. Cependant je citerai l’exemple de la ville de Gand qui pourvoit seule à tous les frais de son Conservatoire.
Je ferai remarquer que le Conservatoire de Bruxelles est un établissement qui honore le pays, et qui est utile au pays tout entier. Une foule de jeunes gens de toutes nos provinces viennent y étudier et se font ainsi une carrière ; vous le savez, les plus célèbres instrumentistes de notre époque, les plus grand violonistes notamment, ceux aux succès de qui toutes les capitales de l’Europe ont applaudi, et qui ont trouvé en Amérique de nouveaux triomphes, sont des Belges, sont des élèves du Conservatoire de Bruxelles.
Ne croyez pas cependant que les professeurs soient trop payés ; une dame professeur de piano n’a qu’un traitement de 300 fr. ; ce n’est certes pas considérable.
Par les motifs que je viens d’indiquer, je voterai l’augmentation de 6,000 francs demandée.
M. Maertens, rapporteur – La section centrale n’a pas proposé une réduction sur l’article « Beaux-Arts » ; mais elle a refusé une augmentation demandée par M. le ministre sur cet article.
La question est celle-ci : Il y a un chiffre global porté comme encouragement pour les beaux-arts. Il y a un littera : « Conservatoire de Bruxelles ». M. le ministre de l'intérieur, dans les développements du budget, expose que, depuis quelques années, le Conservatoire de Bruxelles reçoit sur le chiffre global des « Beaux-arts » une augmentation qui s’élève déjà à 6,000 fr., il déclare que cette augmentation doit être conservée, et à cette fin il propose de porter de 39,000 à 45,000 fr. l’allocation pour le Conservatoire de Bruxelles ; mais, en même temps, il maintient pour les encouragements aux beaux-arts le même chiffre que celui qui a été voté l’année dernière. Il y a donc en réalité une augmentation de 6,000 fr.
La section centrale a répondu à M. le ministre que, s’il croyait nécessaire de maintenir la majoration de 6,000 fr. pour le Conservatoire de Bruxelles, il pouvait le prendre sur le chiffre global, sur lequel il les avait imputés jusqu’à présent.
Les explications que M. le ministre vient de donner prouvent que la section centrale avait raison ; car aujourd’hui il ne demande plus cette augmentation pour le Conservatoire de Bruxelles ; il veut en accorder une au Conservatoire de Liége.
La questions se réduit donc maintenant à savoir quel est le supplément qu’il convient d’accorder au Conservatoire de Liége, qui jouit déjà aujourd’hui d’un subside de 12,000 fr. Il serait à désirer que M. le ministre s’expliquât positivement sur ce point.
M. Rodenbach – C’est comme cela que je l’entends.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ces 6,000 fr. que je persiste à demander ne sont pas destinés au Conservatoire de Liége.
Le Conservatoire de Bruxelles continuera à recevoir ce qu’il touchait les années précédentes, c’est-à-dire le subside ordinaire, plus les 6,000 fr. qu’on prélève depuis fort longtemps sur le fonds global. Que demandons-nous pour le Conservatoire de Liége ? Que l’on puisse prélever pour cet établissement en 1845 une somme de 2 ou 3 mille fr.
La commission administrative de ce Conservatoire a arrêté un projet de réorganisation qui après examen sera approuvé, s’il y a lieu, par arrêté royal. Nous saurons alors définitivement ce qu’il faudra porter au budget de 1846, si les 19,500 fr. que réclame la commission administrative doivent figurer au budget de l’Etat, ou si la ville et la province ne doivent pas y contribuer pour une certaine somme.
M. Delfosse – La ville donne 15,000 fr. et les bâtiments.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je le sais ; je ne conteste pas que ce ne soit déjà beaucoup.
(page 867) M. Fleussu – Lorsque le Conservatoire royal de Bruxelles reçoit un subside de l’Etat de 45,000 francs, il est fort étrange que M. le ministre de l'intérieur ne puisse pas, dès à présent, déclarer qu’il se propose d’accorder au Conservatoire de Liége une augmentation de 7,200 francs, ce qui ne porterait le chiffre de son subside qu’à 19,200 francs.
Vous savez que les deux établissements ont été créés par le même arrêté, qu’une dotation de 4,000 florins a été affectée à chacun de ces établissements, que les villes devaient venir en aide au gouvernement par un subside de même importance, et de plus fournir les locaux nécessaires.
Voilà quelle était la convention entre le gouvernement précédente et les villes : c’était un véritable contrat.
Je ferai remarquer à l’honorable M. Rodenbach que les conservatoires des Bruxelles et de Liége ne sont pas dans la même position que ceux que les autres villes ont pu établir, parce que, pour ces derniers, il n’y a pas obligation contractée ; les autres villes peuvent abandonner leurs conservatoires, tandis que les villes de Liége et de Bruxelles sont obligées de conserver les leurs. Ce sont des Conservatoires royaux, des établissements appartenant à l’Etat, pour lesquels les villes fournissent des subsides.
Les deux conservatoires, comme l’a dit l’honorable M. Delfosse, ont été mis sur le même pied pendant nombre d’années, c’est-à-dire qu’ils recevaient 4,000 fl. du gouvernement et 4,000 fl. de la ville. Le Conservatoire de Bruxelles, parut, à l’époque de la révolution, tombé dans une espèce de léthargie, on n’entendait pas parler de lui. Mais il s’est réveillé pour réclamer des privilèges. Dès 1832, sans doute, comme l’a dit l’honorable M. Rodenbach, parce que c’est un établissement de la capitale, il a réclamé des privilèges ; ils ont été faibles d’abord ; ils ont passé inaperçus. La chambre n’a pas fixé son attention sur de faibles augmentations. Mais le Conservatoire et le gouvernement se sont enhardis : d’année en année, on a demandé des subsides beaucoup plus élevés, jusqu’au point qu’en 1838, le Conservatoire de Bruxelles recevait 20,000 fr., tandis que celui de Liége était réduit à 10,000 fr.
Quand je suis rentré à la chambre, j’ai fait entendre ma voix le plus haut que j’ai pu pour signaler cet abus. Ma voix n’a pas été écoutée. C’a été un nouvel encouragement pour le Conservatoire de Bruxelles ; car en 1839, il n’y avait encore qu’une différence de moitié entre les deux Conservatoires royaux. Maintenant, comme le faisait observer l’honorable M. Delfosse, le Conservatoire de Liége ne reçoit pas le tiers du subside de celui de Bruxelles.
Mais, de grâce, pourquoi ce privilège pour le Conservatoire royal de Bruxelles ? est-ce que, par hasard, il se signale par plus de succès que le Conservatoire de Liége ? mais il en est tout autrement. Voyez tous les orchestres non-seulement en Belgique, mais même en France, vous y trouverez des artistes distingués sortis du Conservatoire de liége.
Le Conservatoire royal de Liége, messieurs, a produit de nombreux artistes, et des artistes remarquables. Ai-je besoin de vous signaler les Prum, les Massart, les frères Franck, les Laurent et tant d’autres artistes qui font briller le nom belge à l’étranger ?
J’ai entendu l’honorable M. Rodenbach vous dire : Il faut faire davantage pour le Conservatoire de Bruxelles, parce que les jeunes gens viennent surtout étudier dans la capitale. Mais, messieurs, beaucoup de jeunes gens viennent aussi étudier à Liége, et s’y font une carrière brillante. Dans le concours général qui a eu lieu, d’où sont sortis les lauréats ? Est-ce du Conservatoire de Bruxelles ? Non, messieurs, les Soubre et les Ledent appartiennent au Conservatoire de liége.
Rien donc ne justifie les préférences que l’on a accordées jusqu’à présent au Conservatoire de Bruxelles. Il est évident, messieurs, que la dépense pour les professeurs et pour les frais d’établissement est la même à Liége qu’à Bruxelles ; dès lors, pourquoi faut-il que l’on donne 45,000 fr. à Bruxelles et que l’on ne donne, jusqu’à présent, que 12,000 fr. à Liége ?
Il me semble, messieurs, que puisque M. le ministre de l'intérieur a à sa disposition une somme de 6,000 fr. il ferait bien de donner dès aujourd’hui quelques encouragements au Conservatoire de musique de Liège car, je dois le dire, on se demandait avec une certaine inquiétude quelles étaient les intentions du gouvernement à l’égard du Conservatoire de Liége. On se demandait si, après l’expiration du terme pour lequel le Conservatoire royal de Liége, a été établi, l’intention du gouvernement n’était pas de n’avoir qu’un Conservatoire qui serait à Bruxelles et de déposséder ainsi la patrie de Grétry de son Conservatoire de musique.
Messieurs, dans la pensée de l’ancien gouvernement, qui ne voulait qu’un seul Conservatoire, c’était à Liége qu’il devait être établi. Mais, comme la Hollande avait réclamé de son côté et qu’il y avait deux Conservatoires en Hollande, on a cru devoir en établir aussi deux en Belgique. Mais le premier Conservatoire était destiné à la ville de Liége.
Je dis, messieurs, que d’après ces considérations, et aussi pour rendre quelque confiance aux administrateurs du Conservatoire de Liége, le ministère ferait bien de se prononcer plus ouvertement qu’il ne le fait ; car s’il donne des promesses pour 1846, 1845 ne doit pas rester entièrement stérile. Il est certain, et M. le ministre de l'intérieur le sait, que le budget du Conservatoire de Liége s’élève à la somme de 40,800 fr. La ville, qui ne devait intervenir dans cette dépenses que pour huit mille et quelques cents francs (4,000 florins), intervient pour 15,000 fr. Elle a bâti un local, fait des dépenses considérables. Elle a senti que le Conservatoire était abandonné par l’Etat, elle devait faire des efforts pour ne pas le laisser tomber. La province qui ne devait rien (car je ne crois pas que la province du Brabant donne un subside pour le Conservatoire de Bruxelles), la province, dis-je, est venue en aide à la ville ; elle donne 3,600 fr.
Messieurs, le budget du Conservatoire de Liége s’élève à 40,800 francs. Cependant, si vous examinez les chiffres des traitements des professeurs, vous verriez qu’aucun d’eux n’est trop élevé : outre le subside de 12,000 fr. qu’a jusqu’ici donné le gouvernement, il restera encore à pourvoir à une dépense de 7,000 et des cents francs…
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est le nouveau budget qui s’élève à 40,800 francs.
M. Fleussu – Oui, celui de 1845.
Si votre intention est réellement de soutenir le Conservatoire royal de Liége, je ne vois pas pourquoi vous voulez le laisser dans l’incertitude jusqu’en 1846. Vous connaissez le budget de 1845, il ne faut pas que l’établissement languisse pendant cette année pour reprendre une certaine vigueur en 1846.
M. de Mérode – Messieurs, l’inconvénient d’avoir deux Conservatoires, c’est qu’il faut faire des sacrifices beaucoup plus considérables.
Je ne sais s’il valait mieux établir un Conservatoire dans la patrie de Grétry qu’à Bruxelles ; mais il me semble qu’il aurait fallu se borner à un seul Conservatoire ; nous n’aurions pas eu alors ces réclamations qui augmentent continuellement d’importance. Car à mesure qu’on ajoute aux frais de l’un des établissements, l’autre veut aussi des augmentations.
Je ne sais, messieurs, si ce qu’on accorde de plus au Conservatoire de Bruxelles fait tort à celui de Liége. Je ne le crois pas. Mais plutôt que de voter sans cesse de nouveaux subsides, il me semble qu’il faudrait de contenter d’un seul Conservatoire qui serait placé soit à Liége, soit à Bruxelles.
M. Desmet – Messieurs, j’appuie l’augmentation de 6,000 fr. qui vous est demandée, et je ne m’opposerai pas non plus à ce que M. le ministre de l'intérieur prenne des fonds sur l’article général, pour augmenter le subside au Conservatoire de Liége.
Cependant, messieurs, il faut distinguer. Il y a un certaine différence entre le Conservatoire de Bruxelles et celui de Liège, non pas quant au mérite des deux Conservatoires ; mais un fait existe, c’est que c’est surtout à Bruxelles que les jeunes gens de toutes les parties du pays se rendent pour s’instruire dans l’art musical.
Il est vrai, messieurs, que la ville de Liége fait de grands sacrifices pour son Conservatoire.
Je voudrais que la ville de Bruxelles en fît de même ; car je crois qu’elle ne fait rien pour son Conservatoire. (Oui ! oui !) Ce qu’il y a de certain, c’est que le Conservatoire n’a pas de salle pour donner ses concerts. Je trouve que la ville devrait en mettre un à sa disposition.
Je serait donc favorable, messieurs, à tout ce qui sera fait pour le Conservatoire de Bruxelles. Je puis dire que c’est la première école musicale de l’Europe. Nous en sommes redevable à son illustre chef, qui est une sommité européenne en fait de musique. Je crois que nous devons faire ce que juge utile ce savant, qui a déjà formé tant d’excellents élèves.
Messieurs, il n’y a pas, je puis le dire, un orchestre meilleur que celui du Conservatoire de Bruxelles ; qu’on aille à Vienne, à Paris, on n’y trouvera pas une réunion de musiciens aussi remarquable.
Je crois donc qu’il faut voter l’augmentation qui vous est demandée. Peut-être même, si nous ne devions pas viser à l’économie, faudrait-il faire plus. Car la plupart des professeurs sont très-peu payés. Il y a des sommités musicales qui ne reçoivent que 6 à 700 francs pour donner tous les jours des leçons. C’est réellement trop peu.
- La discussion est close.
Le chiffre de 231,000 fr. proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Exposition nationale et triennale des beaux-arts : fr. 20,000. »
- Adopté
« Art. 9. Monument de la place des martyrs : fr. 2,000. »
M. de Mérode – A l’égard des monuments, j’ai un désir à exprimer publiquement, messieurs. C’est qu’on y mette des inscriptions qui apprennent quelque chose à la postérité.
Lorsque je lis sur le monument de la place St-Michel, en grosses lettres, « Patria », je suppose un étranger venant en Belgique dans un siècle seulement, et je me demande ce qu’il apprendra par ce laconique ultra-vulgaire à l’égard des faits historiques que doit rappeler l’édifice monument de 1830.
Sur le piédestal de la statue du général Belliard, je vois pour renseignement son nom, sa qualité, ni date du jour ni du lieu de sa naissance. Puis, « il fut à Castiglione, à Héliopolis, à Austerlitz, à la Moskowa » ; mais il y a eu en France et en Belgique des milliers de militaires qui assistèrent à ces batailles et qui, malgré leur présence à des combats célèbres, n’ont pas ou n’auront pas même sur leur cercueil une pierre tumulaire. Enfin arrive cette phrase : « il donna ses derniers jours à la Belgique. » Donner ses derniers jours à la Belgique est très-estimable sans doute. Mais cette fin, fût-elle vraie et prouvée, ne justifierait pas une statue. En outre, au contraire, le fait est très-inexactement signalé ; car le général Belliard ne donna pas ses derniers jours à la Belgique, ce qui laissera supposer qu’il mourut au service de l’Etat belge ; tandis qu’il était au service de la France, son pays, et c’est en sa qualité de premier ministre plénipotentiaire de France, accrédité près du Roi des Belges, qu’il contribua puissamment au salut du nouveau royaume dans des circonstances difficiles et périlleuses. Eu égard donc à la très-grande existence militaire de l’illustre Belliard, créé général de brigade sur le champ de bataille d’Arcole, déjà général de division en Egypte, et plus tard colonel général des cuirassiers après le combat de Mojaïsk, une statue pouvait très à propos honorer en Belgique, après l’admirable zèle déployé pendant sa mission diplomatique, l’un des chefs les plus marquants de la grande armée, l’un des officiers les plus dignes de recevoir ultérieurement s’il eût vécu, le bâton de maréchal.
(page 868) Malheureusement l’inscription dont je parle est insignifiante et nulle, autant que l’homme auquel elle s’applique a été saillant.
Aussi, plus d’une fois, j’ai entendu demander pourquoi a-t-on élevé une statue à Belliard ? Et cependant, quand un pays dresse une statue sur une place publique, il faut savoir quel en est le motif : un tel honneur devant être rare, très-soigneusement ménagé et son but parfaitement compris de tous ceux qui lisent l’instruction explicative.
J’ajoute qu’étant l’un des souscripteurs pour le monument, je ne vois jamais sans impatience que j’aie concouru à rendre l’honneur le plus insigne à la personne nommée Belliard, qui fut, on ne sait comment, si l’on consulte l’inscription, à Castiglione, à Heliopolis, à Austerlitz, à la Moskowa, et qui donna, disent trop brièvement des lettres de bronze, ce qui n’est pas même exact, ses derniers jours à la Belgique. Je suis également l’un des souscripteurs au monument de la place St-Michel, et ce « Patria » peu inventif qu’il porte et qui n’apprend rien du tout au spectateur, ne me satisfait pas davantage.
J’espère donc que M. le ministre de l'intérieur voudra bien corriger le plus tôt possible les conceptions de style lapidaire que je me garde bien de lui attribuer ; car elles donnent lieu de croire que si le ciseau de nos artistes sait tailler les formes matérielles des figures monumentales, nos plumes sont trop inhabiles pour expliquer ce qu’elles signifient.
M. Rodenbach – Messieurs, il y a quelques années, nous avons voté des fonds pour l’érection d’un monument à la mémoire du chanoine Triest, un des amis de l’humanité les plus célèbres de la Belgique. Je demanderai pourquoi ce monument n’est pas encore érigé. Voilà un grand nombre d’années qu’il devait se trouver dans l’église de Ste-Gudule. Le statuaire doit l’avoir achevé. Je demanderai s’il sera bientôt érigé.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je pense que dans très-peu de temps, ce monument sera achevé et placé.
- L’article est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Troisième septième pour l’exécution de la statue équestre de Godefroid de bouillon : fr. 12,500. »
- Adopté.
« Art. 11. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique, avec le concours des villes et des provinces ; médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000. »
M. Dumortier – Messieurs, je dois renouveler ici une observation que j’ai déjà eu l’honneur de présenter à l’assemblée, non point contre le crédit demandé, mais sur l’emploi de ce crédit ; dans une de nos principales villes on se propose d’ériger une statue à un homme qui n’est guère connu que comme ayant porté les armes contre son pays. Or, je le demande, est-ce là un titre pour qu’on lui élève une statue. Mais il me semble que ce seul fait suffirait pour qu’on n’élevât point une statue au plus grand génie du monde. J’ai déjà exprimé le voeu que cette statue fût remplacée par celle de quelque grand citoyen appartenant à la ville à laquelle je fais allusion et qui certes, ne manque pas de grands hommes. Je crois que la statue n’est point encore faite et je viens de nouveau réitérer la demande que j’ai faite à cet égard au gouvernement. Je déplorerais toujours que l’Etat intervînt par des subsides ou même laissât faire les villes lorsqu’il s’agit d’élever des statues à des hommes qui ont porté les armes contre la Belgique et dont c’est le plus grand titre à cet honneur.
M. Rodenbach – Je me joins à l’honorable préopinant. Si réellement la statue de Simon Stevin n’est pas encore achevée, je voudrais qu’on la remplaçât par une autre. Il est vrai que Simon Stevin est un célèbre mathématicien, qu’il est l’inventeur du calcul décimal, mais comme le dit l’honorable préopinant, il a porté les armes contre sa patrie ; le fait est certain, et dès lors on ne doit pas lui élever une statue.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il s’agit d’un homme remarquable comme mathématicien. C’est à ce titre que la ville de Bruges a cru devoir lui élever une statue. C’est la ville qui a pris l’initiative ; il y a déjà un nombre d’années elle s’est adressée au gouvernement pour obtenir un subside, et ce subside a été accordé, je pense, sur les fonds généraux ; car la somme spéciale que nous discutons en ce moment ne figurait pas encore au budget.
Néanmoins, je me suis, depuis lors, adressé à l’administration communale, je lui ai demandé si l’on ne pourrait pas substituer une autre statue à celle de Simon Stevin, non pas que j’eusse contre ce mathématicien précisément le même grief que l’honorable M. Dumortier qui est, je pense, un peu trop rigoureux. (Interruption).
J’aurais voulu que la ville de Bruges érigeât une statue, par exemple, à Baudouin de Constantinople. J’en ai fait la proposition, mais on m’a dit que c’était trop tard. Je ne pouvais pas faire davantage, les fonds étaient accordés.
Je crois, du reste, qu’on peut élever une statue à Simon Stevin considéré comme mathématicien. J’espère que Baudouin de Constantinople aura son tour. Je regrette qu’il vienne en deuxième ligne, mais il aura son tour à Bruges ou ailleurs.
M. Dumortier – Messieurs, je regrette que M. le ministre ne soit point aussi rigoureux que moi ; car cette question est après tout, une question d’honneur national. C’est un fait certain, que Simon Stevin était à la tête de l’artillerie qui se battait contre nous.
Un membre – Contre les Espagnols.
M. Dumortier – Ce n’étaient point des Espagnols qui se battaient à Nieuport contre le prince d’Orange, c’étaient des Belges. C’était contre nos légions que Simon Stevin dirigeait le feu de ses batteries. Eh bien, je dis qu’il est déplorable de voir élever des statues à des hommes qui portaient les armes contre leurs concitoyens. J’aime beaucoup qu’on érige des statues aux grands hommes de la Belgique ; rien n’est plus propre à élever les idées du peuple, à exciter les enthousiasmes ; mais je vois avec douleur élever une statue à un homme qui a combattu sa patrie, fût-il d’ailleurs le plus grand mathématicien du monde ; mais, après tout, Simon Stevin n’était pas un Newton. Je blâme donc beaucoup le gouvernement d’avoir permis que, sous son patronage, on élevât une statue à ce mauvais citoyen. Je conçois fort bien que M. Nothomb ne partage pas mon rigorisme à cet égard ; mais, quant à moi, je ne donnerai jamais mon assentiment à un acte aussi contraire à l’honneur du pays. J’ai trop de sentiment national, trop de patriotisme pour ne pas voir avec indignation qu’on élève une statue à un homme qui a porté les armes contre la Belgique.
M. Devaux – Messieurs, la ville de Bruges, en érigeant une statue à Simon Stevin, a voulu honorer la mémoire de l’un des grands et des premiers mathématiciens que signale l’histoire de la science moderne. Ce n’est point à un homme politique qu’elle a voulu rendre cet hommage. Elle ne s’est point préoccupée de la biographie politique de celui dont l’illustration repose sur de tout autres titres.
Je n’examinerai ni le côté moral des luttes qu’on a rappelées, ni la position des émigrés, le plus ou moins de légitimité que pouvaient avoir à leurs yeux, leurs voeux et leur but. Il y a des époques, il ne faut pas l’oublier, où, pour beaucoup d’hommes, le devoir politique est obscur ; où beaucoup cherchent en quelque sorte de quel côté est la patrie. Il y eut beaucoup de belges patriotes, même sous le règne d’Albert et d’Isabelle, qui pensaient que la Belgique ne pouvait échapper au retour de la domination espagnole qu’en se liguant avec les provinces hollandaises. Quand une ville veut élever un monument à la mémoire d’un homme célèbre dans les sciences, ne peut-elle s’abstenir de juger sa conduite politique dans des temps aussi difficiles ?
Dans le fait cité par l’honorable M. Dumortier il ne s’agissait pas de la Belgique seulement, il s’agissait aussi de l’Espagne. Il y eut quelques années après en Belgique, sous l’archiduchesse Isabelle, une grande conspiration, dans laquelle une grande partie de la noblesse et une partie du clergé conspirèrent avec la Hollande, contre les Espagnols ; l’archevêque de Malines était à la tête de cette conspiration. Peut-être le tort de ces conspirateurs a-t-il même été de ne pas être allés assez loin car ils avaient un très-beau projet : leur projet était une fédération entre les provinces catholiques et les provinces hollandaises : la liberté des religions était sauve. Dira-t-on que ceux qui s’étaient ainsi rangés du côté des Hollandais pour assurer l’indépendance de la Belgique n’étaient pas des patriotes ? Ce sont là des questions historiques sur lesquelles on peut différer de sentiments, que je ne veux pas discuter, parce que nous ne sommes pas ici dans une académie d’histoire ; mais lorsqu’une ville a produit un homme que l’histoire présente comme un des savants les plus illustres de son temps, elle peut rendre hommage à la mémoire scientifique de cet homme, sans rechercher rigoureusement les détails peu éclatants de sa vie politique.
Il ne faut pas perdre de vue que, dans les tristes luttes de ce temps, une foule d’honorables familles belges avaient émigré en Hollande, que des mesures atroces les avaient chassées du territoire belge. Je ne veux pas dire que quelques-unes d’entre elles ont eu raison de désirer le succès des armes espagnoles et de s’associer aux efforts des Hollandais. Mais il est très-difficile de porter un jugement absolu sur une position aussi obscure et sur des événements si éloignés.
Je crois que la ville de Bruges n’est pas coupable pour n’avoir pas voulu se souvenir qu’il y a deux siècles, tous ses enfants avaient le malheur de n’être pas dans les mêmes rangs, et n’avoir vu dans Simon Stevin que le mathématicien célèbre dont le mérite scientifique est établi de la manière la plus incontestable, et dont, à ce titre, elle a droit d’être fière.
M. Rodenbach – Il n’en est pas moins vrai qu’il a porté les armes contre son pays.
M. Dumortier – J’ai déjà parlé deux fois sur cette question, mais je désire pouvoir présenter encore quelques observations.
- La chambre autorise M. Dumortier à parler une troisième fois.
M. Dumortier – Il y a, messieurs, une très-grande différence entre la question de savoir si le gouvernement doit laisser faire une ville qui veut ériger une statue à un grand homme, et la question de savoir si le gouvernement doit accorder un subside pour l’érection de cette statue. Ce que je regrette surtout, c’est que le gouvernement ait donné un subside pour aider la ville de Bruges à élever une statue à Simon Stevin. Par cela même que le gouvernement accorde un subside, il doit en contrôler l’emploi, et il ne devait pas accorder un subside pour élever une statue à un homme qui a servi dans les rangs des ennemis de la Belgique, qui était un des généraux qui nous avions à combattre.
L’honorable député de Bruges vient de dire qu’il s’agit d’une question historique obscure, qu’à l’époque où les faits se sont passés, bien des patriotes belges ont abandonné leur pays pour aller servir dans les rangs hollandais.
Eh bien, messieurs, je dirai à l’honorable membre, que la Hollande n’a qu’à élever des statues à ces patriotes belges, mais ce n’est pas à la Belgique de la faire. Allez donc demander à la France qu’elle érige une statue au général Bourmot, vous verrez comment vous serez reçus par la chambre des députés de France. Et nous, messieurs, nous permettrons qu’on élève sur une de nos places publiques une statue à un homme qui a versé le sang des Belges, qui a combattu l’indépendance de la Belgique ; car quoi qu’on en dise, nous avions alors une indépendance, nous avions une dynastie nationale, et si cette dynastie avait eu des enfants, nous n’aurions pas éprouvé l’immense malheur de voir la Belgique devenir le jouet des puissances étrangères.
Quant au projet de fédération dont l’honorable membre a parlé, c’est une (page 869) affaire qui a eu lieu plus tard, mais à l’époque où Simon Stevin servait dans l’armée du prince d’Orange, il portait les armes contre son pays, il combattait la Belgique, et ce n’est pas à la Belgique de lui élever une statue. S’il a servi quelqu’un, c’est la Hollande et non point la Belgique ; s’il a nui à quelqu’un, c’est à la Belgique et non point à la Hollande.
Est-ce donc là un titre pour avoir une statue ? Pouvons-nous, nous députés de la nation, sanctionner l’érection d’une pareille statue ? Loin de moi la volonté d’émettre un semblable vote ; je me regarderais comme ayant manqué à mon mandat, si je laissais passer sous silence des faits de ce genre. Je suis partisan des statues à élever aux grands hommes, et heureusement la Belgique ne manque pas de grands hommes ; les Charlemagne, les Clovis, et tant d’autres grands hommes n’ont pas encore des statues sur nos places publiques, et l’on veut élever une statue à un homme qui a porté les armes contre sa patrie…
Des membres – Etes-vous d’avis d’élever des statues aux comtes d’Egmont et de Horn ?
M. Dumortier – Sans doute ; voulez-vous confondre par hasard le comte d’Egmont qui, à la tête des belges, combattait à Gravelines et à St-Quentin ; voulez-vous le confondre avec celui qui a porté les armes contre sa patrie ? Ce serait un outrage à sa mémoire. Le comte d’Egmont ne voulait pas du despotisme de l’Espagne, et il avait raison.
La différence qu’il y a entre d’Egmont et Simon Stevin, c’est que d’Egmont a versé son sang pour la liberté de la Belgique, et que Simon Stevin a fait verser le sang des Belges.
Je le déclare, cette question m’a toujours beaucoup touché. Si la statue de Simon Stevin n’est pas faite, j’insiste vivement pour que le gouvernement engage la ville de Bruges à renoncer à l’érection de cette statue. La ville de Bruges ne manque pas de grands citoyens ; elle peut, dans la haute politique, élever une statue, soit à Philippe le Bon, soit à Baudouin, soit même aux divers membres de la maison de Bourgogne ; dans les arts, elle peut élever une statue aux frères Van Eyck…
Un membre – Il en existe déjà une.
M. Dumortier – Voilà des célébrités qui méritent de figurer sur nos places publiques. Mais, pour mon compte, je verrais avec infiniment de regret qu’on élevât sur une place publique d’une de nos principales cités une statue à un homme qui n’est connu dans le monde scientifique que par des œuvres militaires, que pour avoir porté les armes contre sa patrie.
Ce qu’on a dit de l’illustration de Simon Stevin est, je dois le dire, un peu exagéré : Simon Stevin n’a pas eu dans les mathématiques une réputation aussi colossale qu’on le prétend. Eût-il d’ailleurs une réputation, eût-il été un Newton, nous aurions toujours à examiner avant d’élever une statue à cet homme, s’il n’y a pas dans sa vie politique des circonstances qui le rendent indigne de cet honneur. Elever une statue à un homme qui a porté les armes contre sa patrie, ne serait-ce pas encourager la trahison ? Les statues doivent être réservées aux grands hommes dont le patriotisme a toujours été pur et sans tâche.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant vient nous dire que Simon Stevin est connu comme militaire. C’est là une erreur : son rôle dans l’armée hollandaise était complètement inconnu. On le connaissait comme mathématicien. Je dis que la partie restée obscure, presque inconnue de sa vie, comprend les faits qu’on lui reproche ; mais sa véritable gloire était très connue : c’était son génie comme mathématicien, et c’est à ce titre que la ville de Bruges a voulu lui ériger une statue. C’est par là que son nom avait de la popularité à Bruges.
Voilà le point de vue auquel la ville de Bruges s’est placée, et en se plaçant à ce point de vue, je dis qu’on ne doit pas critiquer aussi sévèrement que le fait l’honorable membre, la conduite du conseil communal de Bruges. Le gouvernement, dit-il, aurait dû laisser faire et ne pas intervenir. Je réponds que, si le gouvernement est coupable en intervenant, il aurait dû faire plus que s’abstenir ; il aurait du recourir à tous les moyens pour empêcher le conseil communal de Bruges d’ériger une statue au mathématicien Simon Stevin.
L’honorable membre nous a cité d’autres personnages auxquels des statues pourraient être élevées. Il a cité, entre autres, Philippe le Bon ; il veut bien élever une statue à Philippe le Bon ; c’est donc à condition que sur les bords de la Meuse on veuille bien oublier le rôle de Philippe le Bon. Vous voyez donc que l’honorable membre est un peu plus indulgent pour Philippe le Bon.
M. Dumortier – Philippe le Bon ne portait pas les armes contre son pays, il combattait à la tête des Belges.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous voyez dans quelle discussion nous allons entrer. Il m’a suffi de faire remarquer cette espèce d’inconséquence de l’honorable membre ; il consent à être indulgent envers le monarque, qu’il soit un peu indulgent envers le mathématicien.
M. de Brouckere – Messieurs, je ne crois pas le céder à l’honorable M. Dumortier, en fait de patriotisme ; mais je dois déclarer que je ne partage pas du tout sa manière de voir. L’honorable M. Dumortier a traité Simon Stevin, comme si Simon Stevin eût été un traître, c’est même l’expression dont il s’est servi. Or, Simon Stevin ne mérite pas une semblable qualification.
Il est très-vrai qu’il a porté les armes contre la Belgique ; mais on vous a déjà rappelé qu’à l’époque où vivait Simon Stevin, la Belgique se partageait en quelque sorte dans le camp où il allait prendre les armes. Soit : mais ce n’est pas là ce qu’on appelle un traître ; ce n’est pas un homme qui a abandonné l’armée dans laquelle il servait, pour tourner ses armes contre ses concitoyens.
Avant d’aller plus loin, je rappellerai une époque qui n’est pas très-éloignée de nous, l’époque de 1815. Est-ce que l’honorable M. Dumortier va appeler traîtres à leur patrie tous les hommes qui figuraient dans l’armée de Napoléon en 1815 ?
M. Dumortier – Il ne s’agit pas de cela.
M. de Brouckere – Pardon, ma comparaison est parfaitement juste.
En 1815, beaucoup de Belges figuraient dans l’armée de Napoléon et sont venus à Waterloo se battre contre la Belgique. Sont-ce des traites ? Non, ce ne sont pas des traîtres ; ces hommes agissaient par suite d’une conviction que vous, vous pouvez ne pas partager, mais qu’il faut respecter et que je respecte, quant à moi. Eh bien, ces hommes sont venus se battre contre les Belges, car l’armée belge se battait contre l’armée de Napoléon, armée dans laquelle figuraient un grand nombre de Belges dont la Belgique s’honore aujourd’hui et doit s’honorer.
Il est donc certain qu’il y a des circonstances où l’un peut être entraîné à se battre contre son pays, sans devoir pour cela être considéré comme un traître.
On me dit même, à ma droite, que l’honorable général Belliard auquel on a élevé une statue à Bruxelles, s’est battu contre la Belgique en 1815.
L’honorable M. Dumortier dit que Simon Stevin peut être un grand homme, mais que c’est en Hollande qu’on devrait lui élever une statue. Pour ma part, je serais désolé que d’autres nations s’appropriassent les gloires de la Belgique. Que la Hollande élève, si elle veut, une statue à Simon Stevin, pour les services militaires qu’il lui a rendus ; mais nous, nous devons revendiquer Simon Stevin comme un grand mathématicien, comme un des noms les plus glorieux dans la science. Pour moi, je le déclare, j’ai vu avec plaisir qu’on élevait en Belgique une statue à Simon Stevin, parce que la Belgique doit le revendiquer comme un de ses enfants.
L’honorable M. Dumortier vous a dit que la ville de Bruges aurait mieux fait d’élever une statue à van Eyck. Je suis charmé de pouvoir dire à l’honorable membre que la ville de Bruges a été au-devant de ses désirs : sur la place de l’hôtel du gouvernement à Bruges, a été érigée une statue à Van Eyck.
Quant à ce qui regarde Philippe le Bon, je ne m’oppose pas à ce qu’on lui érige une statue en Belgique, parce que Philippe le Bon peut être considéré comme un grand homme. Mais si l’honorable M. Dumortier veut faire un appel à ses souvenirs historiques, il se rappellera que Philippe le Bon a porté les armes contre les Belges et qu’il a fait subir à la ville de Liége des humiliations plus grandes que jamais vainqueur n’a fait subir à un vaincu…
M. Dumortier – Liége n’appartenait pas alors à la Belgique.
M. de Brouckere – L’observation de l’honorable M. Dumortier n’est pas juste : Il dit : « Liége n’était pas la patrie de Philippe le Bon. » Mais il n’en est pas moins vrai qu’il a porté les armes contre des Belges. Je ne lui en fais pas un crime…
Un membre – Turenne a porté les armes contre les Flamands du département du Nord, qui sont Français aujourd’hui…
M. de Brouckere – Cela vient à l’appui de ce que je dis : Turenne n’en est pas moins un grand homme, et l’on peut très-bien porter les armes contre des compatriotes dans certaines circonstances politiques, et ne pas être un traître pour cela.
M. Devaux – Mon intention n’est pas de vous engager à prononcer ici un jugement quelconque sur le fait qu’on vient de reprocher au savant Brugeois ; il est possible que si j’avais vécu à cette époque, j’eusse été du parti de ces hommes qui crurent que, pour délivrer la Belgique définitivement du joug des Espagnols, une fédération entre les provinces émancipées et les provinces catholiques des Pays-Bas était désirable. Sans doute on pouvait partager une opinion, et ne pas aller jusqu’à figurer dans les armées des provinces hollandaises.
Mais n’oublions pas, qu’il y a des époques où les devoirs politiques sont, jusqu’à un certain point, obscurs, et où les hommes doivent être traités avec une certaine indulgence. Ces circonstances se sont représentées de nos jours ; on vous parlait tout à l’heure du général Belliard, à qui on élève une statue et qui peut-être combattait à Waterloo, contre nous. Le général Belliard était Français. Mais nous avons dans le pays des hommes très-estimés qui se sont battus à Waterloo dans les rangs de l’armée française ; si ces hommes venaient à se distinguer, à acquérir une illustration littéraire ou scientifique, serait-ce une raison pour que, dans deux ou trois siècles, on refusât de reconnaître leur mérite et d’en consacrer le souvenir. Nous ne sommes pas même si rigoureux envers les contemporains. Nous faisons la part des difficultés des temps et des positions. M. le ministre de la guerre, je crois, a été dans le cas dont je viens de parler ; peut-être d’autres ministres encore qui l’ont précédé…
M. de Brouckere – Il a été blessé à Waterloo.
M. Devaux – Au moment de la révolution de 1830, la position des militaires belges dans l’armée hollandaise n’était-elle pas aussi très-difficile ?
Si parmi les émigrés français il se trouvait des hommes ayant porté très-haut la gloire littéraire et scientifique de leur pays, la France se refuserait-elle, dans deux cents ans, a rendre hommage à leur renommé scientifique ou littéraire. Le grand Condé a porté les armes contre la France, il a combattu dans l’armée espagnole, cependant la France lui a pardonné et n’a pu refuser une statue à son mérite militaire.
La ville de Bruges, après deux siècles, n’a-t-elle pu faire la même chose en faveur d’une illustration brugeoise. Gouvernée par l’étranger, la ville de (page 870) Bruges pouvait ne pas s’inquiéter des antécédents politiques très-peu marquants de Simon Stevin et rendre un hommage à son mérite scientifique.
On ne s’est pas toujours montré aussi sévère.
Il y a eu une proposition pour élever une statue à l’archiduc Charles de Lorraine. Quelles qu’aient été les excellentes qualités de ce prince, il m’a toujours paru que la Belgique indépendante ne devait pas débuter par élever des statues à la domination étrangère, à la domination autrichienne, qui, elle aussi, il y a un demi-siècle, a répandu le sang belge. Je crois même qu’il y a eu quelqu’entraînement dans le fait de l’érection de la statue du général Belliard. Après la révolution on ne devait pas commencer par élever une statue à des étrangers.
La ville de Bruges, elle n’a fait que rendre hommage au mérité d’un de ses enfants.
Des membres – Aux voix ! aux voix !
M. Maertens – Je ne prolongerai pas cette discussion ; je ne répondrai pas aux attaques peu bienveillantes, je pourrais dire exagérées, dont a été l’objet le grand citoyen auquel la ville de Bruges veut élever un monument ; je devrais pour cela entrer dans une question d’histoire très-controversée et sur laquelle, du reste, on ne serait pas, je pense, très-disposé à partager l’avis de l’honorable M. Dumortier. Ce que je dirai à l’honorable membre, c’est que ses contemporains lui ont toujours conservé leur estime, c’est que ses compatriotes ont toujours honoré sa mémoire.
Ce n’est pas aujourd’hui la première fois que les Brugeois songent à Simon Stevin ; il existe à Bruges une place publique qui n’a jamais porté d’autre nom que le sien, et c’est sur cette même place que sera élevée la statue destinée à éterniser sa mémoire.
Vous le voyez donc, Bruges, de tout temps, a voulu honorer ce grand mathématicien, inventeur du calcul décimal ; Bruges a toujours été fière d’avoir donné le jour à cet homme distingué. Et les Brugeois certes ne sont pas moins patriotes, pas moins amis de leur patrie que l’honorable membre. Le témoignage de vénération qu’ils continuent de donner à Simon Stevin est une protestation éclatante contre les attaques peu fondées dont sa mémoire a été l’objet de la part de M. Dumortier, que des historiens, présentant les événements à leur point de vue, ont nécessairement trompé sur son compte.
Des membres – Aux voix ! aux voix !
M. de Mérode – Je ne considère pas Simon Stevin comme un traître, mais Simon Stevin a fait beaucoup de mal à la Belgique, soit à Nieuport, soit à Ostende, soit en perçant nos digues, et il n’en pas même revenu en Belgique, comme le grand Condé, qui ne se mit dans les rangs espagnols qu’un moment et rendit avant et après de très-grands services à la France. Je ne conteste pas les hautes connaissances mathématiques de Simon Stevin ; cependant son nom n’est pas généralement connu. Ce n’est pas un de ces noms illustres dans le monde comme ceux d’Archimède ou de Newton, et d’après ce qui a été dit sur l’histoire de cet ingénieur, je ne vois pas de circonstances assez favorables pour que l’Etat concoure à lui ériger une statue ; Si la ville de Bruges veut l’établir, libre à elle sans doute, mais je ne suis pas, en ce qui me concerne, disposé à voter un subside quelconque destiné à ce monument.
M. de Theux – On a dit qu’on a voulu ériger une statue au duc Charles de Lorraine. Messieurs, en érigeant cette statue, on n’a pas eu en vue d’honorer un étranger, mais de perpétuer le souvenir d’une administration extrêmement populaire. Le duc Charles, gouverneur des Pays-Bas avait laissé des souvenirs d’une administration tellement bienveillante, qu’on s’était empressé de lui ériger une statue sur la Place Royale. Il ne s’agissait donc que de rétablir un monument de la reconnaissance nationale.
- L’article 11 est mis aux voix et adopté.
« Art. 12. Subsides aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la conservation des monuments, et commission royale des monuments : fr. 36,000. »
- Adopté.
« Art. unique. Complément des frais de confection des tables décennales des actes de l’état civil, pour la période de 1833 à 1842, en exécution du décret du 20 juillet 1807, et des articles 69 et 70 de la loi provinciale : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Article unique. Dépenses imprévues et travaux extraordinaires : fr. 18,000. »
- Adopté.
M. le président – Nous revenons au chapitre XV relatif aux légionnaires qui a été ajourné et sur lequel M. de Brouckere a proposé un amendement sous-amendé par M. Dumortier.
M. de Brouckere propose de rédiger comme suit l’article unique du chapitre XV :
« Article unique. Dotations en faveur des légionnaires décorés avant le 30 mars 1814, moyennant désistement par eux de toute prétention pour les années antérieurs à 1845, de veuves de légionnaires peu favorisées de la fortune, et pension de 100 francs par personne aux décorés de la croix de fer non pensionnés d’autre chef , qui sont dans le besoin. »
Et de porter le chiffre à 118,000 fr. au lieu de 80,000 fr.
Après les mots : « Non pensionnés d’un autre chef », M. Dumortier propose d’ajouter : « Ou a leurs veuves ou orphelins peu favorisés de la fortune. »
Et d’augmenter le crédit d’une somme de 20,000 fr.
M. Fallon – Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, avant d’aborder l’amendement qui nous est proposé et d’entamer une discussion qui nous conduirait fort loin, il est une question à résoudre, c’est celle de savoir si la chambre permettra cette discussion. Après des débats sérieux, la chambre a décidé que la question des légionnaires ne serait pas traitée incidemment par voie d’amendement au budget. Il y a sur ce point chose jugée.
Je répéterai ici une observation que j’ai présentée dans une séance précédente : les motifs de cette décision ont été que la question soulevait des difficultés trop sérieuses et trop importantes pour pouvoir la traiter incidemment.
Il serait étonnant qu’aujourd’hui que l’amendement de l’honorable M. de Brouckere nous propose ni plus ni moins que de passer condamnation du chef principal des prétentions des légionnaires, la chambre vînt déclarer que la question n’a plus la même importance.
En effet, si l’amendement était adopté, la chambre porterait chaque année au budget, à partir du premier janvier de cette année et jusqu’à extinction, le chiffre nécessaire pour payer intégralement le traitement des légionnaires de tout rang, de tout grade et de toute position, sans aucune distinction , de manière qu’il ne resterait plus à la discussion du projet de loi sur la matière que la simple question des arriérés qui pourraient être réclamés par les héritiers des légionnaires décédés.
Je sais que la chambre est omnipotente ; je sais ce que vaut, en présence de cette omnipotence, l’exception de la chose jugée. Aussi je me hâte de reconnaître qu’il appartient à la chambre de révoquer ses décisions quand elle le trouve convenable. Mais s’il est une circonstance où il est convenable que la chambre ne revienne pas sur sa décision, c’est le cas actuel. En effet, il serait par trop étrange qu’après avoir décidé formellement que la question ne serait pas discutée incidemment au budget, après avoir décidé qu’elle serait l’objet d’une instruction et d’une discussion spéciale, qu’après avoir exigé de l’auteur de l’amendement de le convertir en projet de loi, qu’après avoir pris le projet en considération, l’avoir renvoyé à l’examen des sections et reçu un rapport de la section centrale, qu’après avoir ouvert une longue discussion renouvelée, à plusieurs reprises, sur ce rapport, discussion qui détermina la chambre à exiger un supplément d’instruction sur le point de droit, qu’après avoir nommé une commission spéciale à cette fin ; il serait, dis-je, par trop étrange que la chambre revînt tout à coup sur ses pas, et, sans égard qu’il existe un projet de loi, complètement instruit, déciderait aujourd’hui précisément le contraire de ce qu’elle aurait décidé précédemment, tandis qu’aujourd’hui que ce projet peut être livré sur-le-champ à la discussion, il y aurait bien plus de motifs qu’il n’en existait alors pour prendre et confirmer la même décision.
S’imagine-t-on, peut-être, qu’en présentant l’amendement de l’honorable M. de Brouckere au point de vue de l’équité seulement, on ne lui donne qu’une portée purement accidentelle, sans rien préjuger, quant au point de droit, quant au principal des prétentions ? C’est là une erreur qui saute aux yeux du moins clairvoyant.
Il suffit, pour s’en convaincre, de se demander quels seraient les effets de l’amendement de de l’honorable M. de Brouckere ? L’adoption de cet amendement, messieurs, c’est la mise complète à néant du projet sur la matière.
L’amendement ne parle pas, à la vérité, de l’arriéré qui pourrait être réclamé par les héritiers des légionnaires décédés, sans doute, pour laisser quelque chose à la discussion du projet de loi ; car sans cela, il ne lui resterait absolument rien.
J’ai dit que c’était une erreur de penser qu’on pouvait restreindre la discussion de l’amendement de l’honorable M. de Brouckere dans les limites d’une simple question d’équité. En effet, il n’y a rien de plus arbitraire, de plus élastique que les limites de l’équité dans son application. Il existe d’ailleurs une telle affinité entre le droit, la justice et l’équité, qu’il est impossible de toucher à l’un, sans toucher à l’autre. De manière que ce qui peut paraître très-équitable aux uns, en faveur de telle ou telle classe de légionnaires, pourrait paraître très-injuste envers ceux qui devraient payer, envers les contribuables dont il n’est pas moins de notre devoir de sauvegarder les droits et les intérêts.
S’il est dû quelque chose aux légionnaires, c’est en définitive le trésor qui en sera constitué le débiteur. Or, en bonne règle de justice et d’équité, le débiteur doit rester entièrement libre dans le choix de ses moyens. Il n’est pas permis de restreindre la défense dans des limites qui pourraient lui être préjudiciables. Or, veuillez y faire attention messieurs, depuis le rapport de votre commission spéciale sur le mérite des prétentions des légionnaires, des requêtes, des mémoires, des objections sont parvenus à la chambre, en opposition à ses conclusions. Vous ne pouvez pas permettre que le trésor reste sous les préventions et les impressions que ces objections peuvent avoir produites.
Il faut que le trésor, soit ici, soit en dehors de cette enceinte, si la question était portée devant les tribunaux, puisse trouver un défenseur. La tâche de répondre à ces objections est imposée à votre rapporteur. Cette tâche je la remplirai. Je la remplirai dans le cas même où, contre mon attente, la question préalable que je propose ne sera pas adoptée.
Il ne faut pas se le dissimuler, si l’on ne détruit pas ces impressions par une discussion à toute fin, les intérêts du trésor seront évidemment compromis dans une discussion improvisée sur la question d’équité seulement.
Pour moi, messieurs, et je ne doute pas que plusieurs de mes honorables collègues partagent à cet égard mon opinion ; pour moi, messieurs, la question d’équité est inséparable de la question en point de droit. Je ne pourrais traiter l’une sans traiter l’autre. La raison en est fort simple : c’est que (page 871) je devrais nécessairement argumenter de la question de droit pour fixer les limites que, dans tous les cas, il faudrait imposer à l’équité.
Ce n’est qu’ainsi que je pourrais espérer de pouvoir démontrer à la chambre 1° que l’amendement que propose l’honorable M. de Brouckere n’est nullement conforme aux règles de l’équité ; 2° qu’on a fait déjà une très-large part à l’équité, en allouant la somme qui est portée au budget depuis douze ans ; 3° notamment que le premier amendement qu’avait proposé d’abord l’honorable M. de Brouckere, et qui est resté acquis à la discussion du projet de loi, était plus conforme à l’équité que celui qu’il propose maintenant.
En effet, ce premier amendement avait tout au moins le mérité de ne pas confondre les titres à la munificence, à la générosité nationale. Par cet amendement, l’honorable M. de Brouckere établissait une juste distinction. Il proposait de n’allouer la rétribution qu’à une classe seulement de légionnaires, aux membres militaires seulement ne jouissant pas, à charge du trésor, d’un traitement ou pension excédant 1,200 fr.
Ce n’est qu’ainsi qu’il me serait possible de démontrer avec espoir de succès, qu’il y aurait injustice à ne pas faire de distinction entre les services militaires et les services purement civils, entre le prix du sang versé pour le pays et le prix de la faveur et que, dans tous les cas, il y aurait exagération à prétendre que les légionnaires belges fussent mieux traités en Belgique que les légionnaires français n’ont été et ne sont traités en France.
Il est une dernière considération qui doit fixer votre attention et celle du gouvernement, et j’espère qu’en cette circonstance, le gouvernement s’empressera de m’appuyer ; c’est que dans le conflit entre les intérêts privés et les intérêts généraux du pays, ce sont les intérêts généraux qui ont un droit incontestable à la priorité dans les moments de la chambre ; or nous sommes saisis en ce moment de plusieurs projets de loi des plus importants et des plus urgents. En supposant que nous puissions aborder sur-le-champ le budget des travaux publics et les autres projets de loi qui s’y rattachent, il est fort douteux que nous puissions avoir terminé avant les vacances de Pâques.
Après ces vacances, qu’arrivera-t-il de projets de loi non moins importants ? Je ne signalerai pas les projets de loi relatifs à l’organisation de l’armée et de notre régime financier ? je l’ignore. Mais, dans tous les cas, c’est un motif, ce me semble, pour ajourner toute autre discussion.
C’est par ces considérations que je propose la question préalable sur l’amendement de l’honorable M. de Brouckere, en ce sens que je propose de renvoyer cet amendement à la discussion du projet de loi sur la matière, et pour que la discussion ne fût pas retardée, quand elle viendra à l’ordre du jour, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur (c’est même indispensable pour discuter la question au point de vue de l’équité) de vouloir bien remettre à la chambre l’état des légionnaires qui profitent de l’allocation portée au budget, et secondement la liste des légionnaires qui ne figurent pas dans cet état, en faisant la distinction entre les légionnaires militaires et civils, et ceux qui jouissent de traitement ou pension quelconque à charge du trésor.
M. le président – La discussion est ouverte sur la proposition de question préalable.
M. de Brouckere – Messieurs, je suis assez embarrassé. L’honorable M. Fallon demande la parole pour une motion d’ordre, et cette motion d’ordre a pour objet la question préalable, c’est-à-dire de décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur ma proposition, et cependant l’honorable M. Fallon s’étend très-longuement en considérations contre la proposition elle-même. Car l’honorable membre, pendant tout le temps qu’il a parlé, n’a pas fait autre chose que traiter la question du fond.
Si je vais suivre l’honorable M. Fallon, qu’en résulte-t-il ? C’est que la question préalable tombe elle-même. Car après que j’aurai parlé, nécessairement un des membres de la chambre qui partage l’opinion de l’honorable préopinant me répondra, un troisième voudra répliquer, et voilà la discussion établie. Elle durera plusieurs jours, et que finira-t-on pas mettre aux voix ? La question préalable. Mieux vaut sans doute discuter le fond, si telle est la marche que l’on doit suivre.
Mais je dois le dire, l’honorable M. Fallon a employé un excellent moyen pour faire prévaloir son opinion, et je m’attends à ce qu’elle prévaudra. Et quel est ce moyen ? C’est que, tandis que moi, je désirerais que l’on s’occupât uniquement de la question de savoir si, par un acte de générosité national (je n’emploierai pas le mot d’équité, puisque l’honorable M. Fallon n’en veut pas), on ajouterait 38,000 fr. aux 80,000 que nous votons chaque année, l’honorable préopinant dit : je n’y consentirai pas, et quoi que vous fassiez, si la question préalable est rejetée, je traiterai la question du fond ; je la traiterai très-longuement ; j’entraînerai la chambre dans une discussion de plusieurs jours, et le résultat sera que je ferai ajourner des projets beaucoup plus importants.
Voilà à l’aide de quel moyen l’honorable M. Fallon va faire rejeter ma proposition.
Je ne me fais pas illusion. Car moi-même, je recule devant une discussion sur le point de droit. Je sais parfaitement bien, et je l’ai dit dans une précédente séance, que la question de droit est une question sur laquelle nous pouvons parler pendant très-longtemps. Mon opinion, à moi, est bien formelle. Elle est celle que j’ai professée lorsque j’étais, dans la commission que la chambre avait chargée d’examiner cette question, le collègue de l’honorable M. Fallon. Je suis intimement convaincu que les légionnaires n’ont aucune espèce de droit à la rente qu’ils touchaient avant 1814. Mais si l’honorable M. Fallon est bien décidé à forcer en quelque sorte la chambre à traiter cette question, je le répète, nous allons être entraînés dans une très-longue discussion.
Je voudrais, messieurs, et ceux qui repousseront la question préalable, doivent voter dans ce sens, je voudrais que toute espèce de discussion sur la question de droit fût ajournée et qu’il fut bien entendu qu’en votant les 38,000 fr., la chambre ne reconnaît aucune espèce de droit aux légionnaires et qu’elle ne s’engage nullement en ce qui concerne le passé. Je consens d’avance à toute modification que l’on pourrait proposer sur ce point dans la rédaction de mon amendement.
Messieurs, ne vous le dissimulez pas ; voter la question préalable, c’est décider que nous ne discuterons jamais le projet relatif aux légionnaires. Et en effet, messieurs, il y a, si ma mémoire est bonne, mais j’aime mieux m’en rapporter à celle de l’honorable M. Fallon, sept ou huit ans que le rapport vous est fait.
M. Fallon – Il a été fait en 1835.
M. de Brouckere – Il y a donc dix ans. Ce rapport a déjà été imprimé trois fois. Quelles raisons y a-t-il de croire, après des retards aussi longs, que, dans un délai quelconque, nous allons entamer cette discussion. Plus on traîne, messieurs, plus on l’éloigne, et plus il y a lieu de croire que la chambre ne l’abordera jamais.
Voyez cependant, messieurs, où vous êtes entraînés. L’honorable M. Fallon reconnaît lui-même qu’il est une classe de légionnaires qu’il faudrait payer dès à présent pour être équitable ; ce sont ceux qui étaient compris dans mon premier amendement.
M. Fallon – J’ai dit que celui-là était plus raisonnable que le dernier.
M. de Brouckere – J’avais compris que l’honorable M. Fallon trouvait mon premier amendement raisonnable, mais d’après son explication, il trouve seulement qu’il est moins déraisonnable que celui que je présente aujourd’hui.
Il n’en reste pas moi vrai, messieurs, que les considérations dans lesquelles je viens d’entrer, sont justes : c’est qu’adopter la question préalable proposée par l’honorable M. Fallon, c’est déclarer que la chambre ne fera plus rien en faveur des légionnaires ; tandis qu’au contraire, si vous voulez ouvrir la discussion et si la chambre veut exprimer le désir qu’on s’en tienne à la question d’équité ; qu’on n’en discute aucune autre, nous pourrons prendre une décision au bout d’une heure.
Je persiste donc à demander que la chambre veuille bien s’occuper de la proposition que je lui ai soumise et qu’elle veuille par conséquent rejeter la question préalable.
M. Savart-Martel – Je suis du nombre de ceux qui ont demandé maintenant qu’on s’occupât enfin des légionnaires de l’empire. On a déclaré positivement qu’on viderait leurs prétentions lors du budget de l’intérieur., art. 14.
Arrivant à cet article, on a décidé qu’on s’en occuperait à la fin du budget. Arrivant à la fin de ce budget, on demande un ajournement. Je ne conçois rien à cette tactique, car la décision de la chambre doit être une vérité.
Depuis 1835, le rapport a été fait ; l’affaire est instruite, pourquoi donc reculer encore ?
Les légionnaires de l’Empire ont déjà passé la moitié du terme ordinaire de la vie de l’homme ; veut-on donc attendre, pour statuer sur leurs demandes, qu’il ne nous reste d’eux que de glorieux souvenirs ?
La position que nous leur faisons, par nos ajournements réitérés, est cruelle et vexatoire.
Rejeter leurs prétentions, si vous les croyez non fondées ; mais enfin, faites justice.
Quant à moi, je suis prêt à traiter cette question sous toutes ses faces ; et mes collègues, qui sont ici depuis grand nombre d’années, se trouvent, je doit le croire, tout au moins aussi instruits que moi.
Ne laissons pas croire, hors de cette enceinte, qu’il y a mauvaise volonté. J’insiste fortement sur le rejet de l’ajournement.
M. le président – La parole est à M. Lys, sur la question préalable.
M. Lys – Lorsque j’ai demandé la parole, je ne croyais pas la demander sur la question préalable. Je me bornerai donc à dire que, lorsque dans la discussion général du budget, il s’est agi des décorés de la Légion d’honneur, on nous a renvoyé à la discussion de l’article spécial ; qu’arrivé à l’article spécial, on en a renvoyé à la discussion à la fin du budget, et qu’aujourd’hui que la discussion des articles du budget est terminée, on vient nous proposer une question préalable par laquelle on veut empêcher toute délibération.
En agissant de cette manière, comme vous l’a dit l’honorable M. de Brouckere, vous ne discuterez jamais la question de savoir s’il sera payé quelque chose aux membres de la Légion d’honneur.
Remarquez cependant, messieurs, qu’il y a trente ans que vous ne les payez pas, et que voilà dix ans qu’un rapport vous est fait sur la question. Je crois aussi que vous ne discuterez pas de sitôt la question du fonds ; mais remarquez-le bien, ce n’est qu’un vote de générosité que l’on vous demande aujourd’hui.
Messieurs, comme je viens de vous le dire, il y a trente ans que les légionnaires réclament. Ils sont donc tous âgés d’au moins 60 ans. Pour que vous attendiez encore pour discuter leurs réclamations, pour que la mort les décime chaque année, vous n’aurez plus à voter que sur des cadavres.
Vous accordez des subsides aux industries. Vous avez dernièrement, encore voté 180,000 fr. pour les tisserands des Flandres, et je ne blâme pas ces allocations : au contraire, je les approuve. Mais, après cela, pouvez-vous refuser une malheureuse somme annuelle de 38,000 fr. pour des personnes qui ont versé leur sang pour la patrie ? Evidemment, messieurs, on ne devrait pas se refuser à une pareille demande, alors surtout que vous posez aux légionnaires la condition de la renonciation à l’arriéré. Car vous ne payerez que ceux qui abandonneront toute prétention pour les années écoulées, (page 872) et je ne crois pas, messieurs, que chez bien des militaires vous rencontriez de grandes difficultés à cet égard. En général, le militaire vit au jour le jour ; il se dira : Si j’avais reçu dans le temps, je l’aurais dépensé, tenons-nous en au courant. Voilà, messieurs, ce que vous rencontrerez chez les militaires ; ils sont naturellement généreux, ils ne tiendront pas beaucoup à un objet sur lequel ils ne comptent guère.
Je dis donc que, pour agir non-seulement avec générosité, mais avec équité, vous ne pouvez refuser de voter aujourd’hui la faible somme de 38,000 fr. Et qu’on en vienne pas dire : Cela peut nuire à l’Etat devant les tribunaux, car vous ne reconnaîtrez pas la dette, vous ne payez qu’à titre de générosité. Après une pareille déclaration, nulle crainte de voir les intérêts généraux compromis.
M. de Garcia – Messieurs, dans une précédente séance, j’ai aussi manifesté l’opinion qu’il serait très-difficle de traiter incidemment la question des légionnaires. Cependant, messieurs, en présence des considérations qui vous ont été présentées, et dans la crainte où je suis que nous ajournions indéfiniment la discussion sur les prétentions qui, selon moi, reposent sur l’équité, si pas sur le strict droit, j’avoue franchement que j’aurai de la peine à appuyer la question préalable.
D’un autre côté cependant, il est une observation que vous a faite l’honorable M. Fallon et qui mérite d’être prise en considération ; c’est qu’en votant une somme au budget, vous ne faites qu’une loi annale et que dès lors vous ne fixez réellement pas le sort des légionnaires. Chaque année la question des légionnaires peut se représenter, parce que en réalité le budget n’est qu’une loi annale susceptible, par sa nature, de variations incessantes.
Si, au contraire, vous fixez le sort des légionnaires par une loi, la question serait résolue définitivement. Si donc j’entrevoyais le moment de pouvoir s’occuper d’une semblable loi, je n’hésiterais pas à appuyer la proposition de l’honorable M. Fallon. Je le ferais avec d’autant plus de plaisir et de conviction, que la proposition de l’honorable M. de Brouckere ne tend qu’à faire poser à la chambre un acte de munificence nationale, que je trouve excessivement étroit et peu en rapport avec la grandeur des titres que peuvent invoquer les légionnaires de l’Empire. Il se peut, messieurs, qu’en droit rigoureux, nous ne devions rien aux légionnaires ; mais nous avons envers eux une dette nationale, une dette d’honneur, qui est aussi sacrée que celui qui reposerait sur le droit strict.
On peut à la vérité opposer aux légionnaires la déchéance de leurs droits, résultant de la chute de l’Empire. Mais en équité peut-on avoir recours à ces moyens ? Quant à moi, ce n’est pas ma manière de voir et j’appuierai toujours les subsides qui nous seront demandés pour payer au moins une partie de la dette dont il s’agit, dette sacrée à mes yeux.
Un membre – Vous discutez le fond.
M. de Garcia – Mais il est impossible de traiter la question préalable sans dire en même temps quelque chose du fond. M. Fallon, lui-même, a parlé sur le fond ; comment voulez-vous que je lui réponde, si je ne puis pas également toucher à la question du fond ? Dès lors veuillez me laisser présenter toutes les considérations qui se rattachent à la proposition de l’honorable membre.
L’honorable M. Fallon a présenté une autre observation que je trouve encore fort juste, au point de vue de la question préalable : c’est que, pour examiner la question d’équité, la question de munificence nationale, il faut en quelque sorte apprécier le point de droit. Eh bien, messieurs, pouvons-nous le faire incidemment, cet examen ? je ne le pense pas. Nous pourrions tout au plus, pardonnez-moi l’expression, nous pourrions faire un coup-rompu, et en cela nous servirions encore peut-être très-utilement les intérêts sacrés des légionnaires. Dans cet état, et quoique bien convaincu que les légionnaires seraient maltraités, je déclare que si l’on pouvait adopter un libellé tel que la question se trouvât définitivement résolue, qu’elle ne se reproduisît pas à chaque discussion du budget, j’appuierais l’amendement de l’honorable M. de Brouckere, mais à la condition que l’amendement ne concernât que les légionnaires militaires ; car je considère les légionnaires civils comme ayant obtenu leur décoration en considération des fonctions qu’ils ont occupés. C’est ainsi que tous les maires de l’Empire, dans les villes d’une population de 30,000 âmes, avaient droit à la décoration de la Légion d’honneur.
Si donc l’honorable M. de Brouckere n’applique son amendement qu’aux légionnaires, et s’il veut le libeller dans le ce sens que le droit des légionnaires fût définitivement reconnu, alors je me rallierais à cet amendement, afin de faire au moins justice prompte, s’il est impossible de faire justice complète.
M. Delfosse – Messieurs, la question de droit me paraît douteuse. Il y a de bonnes raisons à donner, en droit, contre les légionnaires ; il y a, d’un autre côté, de bonnes raisons à donner en leur faveur ; aussi l’avis de la commission dont l’honorable M. Fallon a été l’organe, n’a-t-il prévalu qu’à la majorité des voix. Ce doute, joint aux considérations d’équité que personne ne saurait contester, m’engagerait à aller plus loin que l’honorable M. de Brouckere, je voudrais une espèce de transaction.
Je voudrais que l’on payât, à l’avenir, la pension des légionnaires, comme l’honorable M. de Brouckere le propose ; je voudrais, en outre, les accorder quelque chose sur l’arriéré, par exemple cinq années ; les légionnaires ne doivent pas être (erratum, p. 888) victimes de la lenteur que la chambre a mise à l’examen de leur réclamation, quelles qu’aient été d’ailleurs les causes de cette lenteur. Je regarderais un plus long retard comme une espèce de déni de justice, et c’est ce qui m’empêchera de me rallier à la question préalable. Voilà plus de douze ans que la chambre est saisie d’une proposition.
Il est temps, il est plus que temps qu’on s’en occupe ; n’oublions pas que la plupart des légionnaires sont âgés ; n’attendons pas, pour prendre une résolution, qu’il n’en reste plus un seul.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je viens appuyer la motion de l’honorable M. Fallon, qui n’est pas la question préalable proprement dite, mais qui tend à faire ajourner la discussion de l’amendement de M. de Brouckere jusqu’au moment où l’on examinera le projet de loi spécial relatif aux légionnaires. Je crois, messieurs, que cela est tout à fait rationnel. On dit que voter cette motion ce serait un déni de justice, que depuis longtemps les légionnaires réclament et que la chambre est en demeure de faire droit à leurs réclamations. Mais, messieurs, je vous prie de remarquer qu’il y a déjà plus de 9 ans qu’un rapport a été fait à la chambre, rapport qui a été imprimé et distribué, et dans lequel il est établi que les légionnaires n’ont aucun droit. Où dont est alors le déni de justice ? Je dirai plus ; il y a trente ans que les tribunaux sont ouverts aux réclamations des légionnaires, et, cependant, pas une seule action n’a été intentée, par un seul légionnaire ne s’est adressé aux tribunaux. Pendant les 15 ans qu’a duré le règne du roi Guillaume, les légionnaires n’on pas même réclamé administrativement. C’est seulement depuis notre révolution qu’ils ont adressé des réclamations à la chambre. Et l’on viendra, après cela, parler de déni de justice, alors qu’il a été fait un rapport dans lequel les questions sont traitées d’une manière approfondie, et que ce rapport a été imprimé et distribué ! Ceux qui s’intéressent aux légionnaires pouvaient demander la discussion du rapport de M. Fallon. S’ils ne l’ont pas fait, quel en est le motif ? C’est que apparemment, ils pensaient qu’ils ne parviendraient pas à combattre avec succès les conclusions de ce rapport ; voilà pourquoi le rapport n’a pas été discuté. Ainsi, vous voyez, messieurs, qu’il n’y a point de déni de justice : le rapport est là, et, quand on le voudra, il sera discuté.
Mais on voudrait, messieurs, laisser de côté ce rapport et mettre en avant une prétendue équité, c’est-à-dire que même en supposant que le trésor ne dût rien, on voudrait que, par des motifs tout à fait arbitraires d’équité, vous condamniez le trésor à payer ce qu’il ne doit pas, que vous condamniez les contribuables à payer ce qui n’est point une dette de l’Etat. Voilà en peu de mots ce que l’on fait lorsque l’on veut, comme dans le cas actuel, faire tout à fait abstraction de la question de droit.
Il y avait autre chose, messieurs, qu’une question d’équité ; il y avait une question d’humanité. Celle-là était toute puissante pour la chambre et la chambre y a donné une solution. Le crédit que vous votez chaque année au budget, ce crédit y a été porté pour satisfaire la question d’humanité. Quant à la question d’équité, il est impossible de la résoudre si vous ne prenez en considération les motifs de droit qui peuvent militer pour ou contre les réclamations des légionnaires. C’est seulement d’après la nature de ces motifs que vous serez mis à même d’apprécier la question de prétendue équité, mais si vous faites abstraction des questions de droit, par cela même vous faites abstraction des questions d’équité.
En effet, messieurs, à moins qu’on ne démontre par des motifs puisés dans la question de droit elle-même que l’équité est ici véritablement engagée, j’aurai peine à comprendre qu’il puisse y avoir équité à condamner l’Etat à payer ce qu’il ne doit pas, et à payer cela à qui ? A des personnes qui vivent dans une grande aisance et même dans l’opulence. Si l’on admet de pareilles considérations d’équité, abstraction faite de toute moyen de droit, mais, messieurs, il y a une foule d’autres réclamants qui arriveront et qui feront valoir des motifs tout aussi puissants ! Après les révolutions qui se sont succédé dans ce pays depuis 50 ans et plus, il y a eu bien d’autres pertes éprouvées, pertes pour les réparations desquelles militent des motifs d’équité bien plus puissants et auxquels vous ne pourrez pas résister sans injustice, si vous avez admis les réclamations des légionnaires.
Il ne faut donc pas s’engager dans une pareille voie, alors que la question d’humanité est sauve. Vous ne devez pas admettre à la légère de prétendus motifs d’équité. Il faut examiner toute la question, il faut la discuter à fond. Ce n’est qu’à la suite de cette discussion que vous pourrez vous prononcer sur la prétendue question d’équité. Sinon, je le répète, vous recevrez une foule d’autres demandes également fondées sur l’équité, et il y aura des motifs plus puissants pour y faire droit.
Messieurs, chacun envisage les questions d’équité à sa manière. C’est ainsi que j’ai entendu tout à l’heure un honorable membre exprimer l’opinion qu’il était équitable de n’avoir aucun égard aux déchéances prononcées par les lois ou arrêtés, parce que, malgré ces déchéances, aux yeux de cet honorable membre, la dette subsiste, et que l’honneur de l’Etat est même engagé à ce qu’elle soit payée. Mais, messieurs, si une pareille doctrine était admise, on irait extrêmement loin. Remarquez que tout le système de notre dette publique repose sur des questions de déchéances, et si vous admettiez la thèse dont je viens de parler, vous verriez revivre une foule de réclamations qui sont maintenant écartées par la commission chargée de la répartition des sommes obtenues d’après le traité avec la Hollande, et qui sont écartées parce qu’elles se trouvent frappées de déchéances en conformité des lois de 1818 et de 1820.
Vous voyez, messieurs, combien un pareil système est dangereux ; mais ce qui ne présente point de danger, c’est d’examiner à fond toutes les questions de droit, et d’apprécier ensuite la question d’équité d’après l’opinion qu’on se sera faite sur les questions de droit.
J’insiste donc de toutes mes forces, messieurs, pour l’adoption de la motion de l’honorable M. Fallon.
M. Savart-Martel – Messieurs, je n’entrerai pas dans la question du fond. C’est précisément parce que depuis neuf ans un rapport vous a été fait, pare que nous sommes saisis de toutes les pièces, parce que l’on a eu le temps de se former une opinion, c’est précisément pour cela que vous pouvez, ce me semble, discuter la question. Il y a deux points à examiner : le point de droit et la question de convenance. Quant à moi, je crois que (page 873) pendant le temps que nous venons de consacrer à la discussion de la motion de M. Fallon, nous aurions déjà vidé le point de droit. Nous sommes précisément dans la position de deux plaideurs qui plaident longuement pour savoir s’ils plaideront.
Le point de droit ne me semble pas difficile à résoudre : il est certain que si vous admettez les déchéances prononcées par le traité, vous reconnaîtrez, sans peine, que d’après le traité de 1839 et la convention de 1842, la question se trouve réduite à une question d’équité. Eh bien, messieurs, il y a une foule de motifs d’équité qui militent en faveur des légionnaires, mais ces motifs, je ne puis pas les exposer maintenant, puisque je suis forcé de me renfermer dans l’examen de la proposition de M. Fallon. Je voudrais cependant que l’on ne repoussât pas ces motifs avant que nous ayons pu les faire valoir.
On vous a dit, messieurs, que les légionnaires auxquels nous nous intéressons, vivent dans une grande opulence. Peut-être ai-je eu tort de ne pas donner lecture de l’amendement que je me propose de présenter. D’abord cet amendement ne s’appliquerait qu’aux militaires or, il n’y a guère de légionnaires militaires qui vivent dans l’opulence ; il y en a tout au plus une douzaine qui se trouvent dans une position favorable.
On dit que depuis trente ans les légionnaires ont pu s’adresser aux tribunaux et qu’ils ne l’ont pas fait. J’espère, messieurs, qu’ils ne le feront jamais ; mais la circonstance qu’ils ne se sont pas adressés aux tribunaux devrait, ce me semble, nous engager à statuer enfin sur leurs réclamations.
Remarquez, messieurs, que, par suite du traité avec la Hollande, nous ne serions jamais tenus à payer les pensions des légionnaires que pour les années qui se sont écoulées depuis la conclusion de ce traité. Le trésor ne serait donc jamais grevé d’une dette bien considérable. C’est encore là un motif de plus pour nous engager à décider immédiatement la question et à ne plus l’ajourner d’année en année, comme on la fait jusqu’ici. En vérité, messieurs, j’aimerais mieux qu’on décidât qu’il n’est rien dû.
Je désirerais diviser comme suit l’article unique du chapitre XV :
« Art. 1er . Dotation à partir du 1er janvier 1845, en faveur des anciens militaires légionnaires décorés avant le 30 mars 1814, la législature ayant reconnu qu’il ne serait fourni aucune allocation antérieure : fr. 70,000.
« Art. 2. Pensions de cent francs aux décorés de la croix de Fer, non pensionnés d’autre chef, et qui sont dans le besoin, ou à leurs veuves et orphelins peu favorisés de la fortune : fr . 40,000. »
M. de Garcia – Je n’ai pris la parole que pour répondre quelques mots à l’honorable membre. Dubus. L’honorable membre m’a mal compris, ou je me suis mal exprimé.
Pour établir la différence qu’il y a entre une obligation de strict droit et une obligation d’équité, j’ai parlé de déchéance. Si j’ai parlé de la déchéance, résultant d’un cas de force majeure, de l’invasion de 1814, je n’ai pas eu l’intention de détruire le principe admis dans tous les gouvernements, à savoir qu’on ne pouvait revenir des déchéances prononcées par les lois ; j’ai voulu seulement faire comprendre par là ce qui constituait la différence entre une obligation de strict droit et une obligation d’équité.
La déchéance sous laquelle se trouvent les légionnaires n’est pas une déchéance ordinaire, c’est, comme je viens de le dire, une déchéance résultant d’un cas de force majeure, c’est-à-dire de l’invasion de l’empire par des armées étrangères. Eh bien, à ce point de vue, on ne peut refuser le subside pétitionné par les légionnaires, et je pense qu’on doit, en équité, venir à leur secours, et leur accorder ce qu’ils touchaient, à titre de légionnaires.
Qu’on n’oublie pas ce que constituait la décoration de la Légion d’honneur et la dotation qui y était affectée. Souvent le militaire avait le choix, ou de l’avancement du grade ou de la croix de la légion d’honneur. C’était une récompense de ses services. Les grades on été conservés, et en équité c’est une obligation tout aussi sacrée que de conserver la dotation qui était attribuée à la décoration de la Légion d’honneur, qui souvent correspondait à une promotion de grade.
Voilà les seules observations que j’avais à présenter, en réponse à l’honorable M. Dubus. L’honorable membre a supposé à tort que je voulais détruire un principe conservateur de l’état social ; il a prétendu que je voulais que l’Etat payât en équité les sommes dont il ne serait plus débiteur, par suite de la déchéance. J’ai été bien loin de soutenir un pareil principe et je dois protester contre la supposition d’une semblable pensée. Il y a des déchéances légales que doivent s’imposer les intéressés ; mais les légionnaires de l’Empire ne se sont jamais trouvés sous le poids des déchéances de cette nature. Au contraire, et à ces titres, leurs droits sont encore plus sacrés ; ils ont avec intrépidité et jusqu’au dernier moment, défendu le sol de la patrie contre l’invasion et les baïonnettes ennemies. En équité il faut donc leur payer ce qu’ils n’ont gagné qu’au prix de leur sang et en exposant leur vie…
Un membre – Qu’est-ce que c’est que l’équité ?
M. de Garcia – Je suis fâché que vous ne la connaissiez pas. Un exemple vous la fera connaître ; si vous me deviez 10 mille francs et que la prescription vous fût acquise, l’équité vous fera un devoir de me payer. La position des légionnaires est plus favorable.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, nous venons de nous livrer à une discussion tout à fait préliminaire, mais qui doit suffire pour nous démontrer que si nous abordons résolument le fond, nous en aurons pour quelques jours. J’avoue que dès lors je me trouve dans le même embarras dont plusieurs honorables préopinants nous ont rendu compte. Je désirerais autant que personne que cette question vînt à disparaître, mais je crois qu’il est impossible de la faire disparaître dans ce moment par une résolution quelconque.
Le sénat s’est ajourné à lundi, il attend le budget de l’intérieur. Nous touchons à la fin du deuxième mois de l’année, et le département de l’intérieur n’a pas de fonds à sa disposition, car j’ai cru, pour la régularité de la comptabilité, ne pas devoir demander de crédits provisoires.
On a déclaré qu’il était impossible de séparer la question de droit de la question d’équité ou d’humanité, et dès lors, je suis effrayé de la discussion qu’on nous annonce et qui certes se prolongerait au-delà d’une semaine.
Un membre – Nous irions avec cette discussion jusqu’à la fin de la semaine prochaine.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Un honorable membre vous a dit avec raison que nous avons déjà fait quelque chose au point de vue de l’équité, ou si l’on veut, de l’humanité.
En effet, on a porté au budget une pension en faveur des légionnaires dans le besoin, avant même de s’occuper des décorés de la croix de Fer. Les légionnaires de l’Empire ont eu la priorité ; c’est seulement en 1842 que sur ma proposition on a porté au budget une somme pour les décorés de la croix de Fer qui sont dans le besoin.
La pension de 250 fr. a été accordée à 164 légionnaires. On a été même plus loin, j’en ai déjà fait la remarque, que les décrets institutifs de la Légion d’honneur ; on a fait quelque chose pour les veuves. Il a été convenu qu’on accorderait 200 fr. au veuves. Or, il a été alloué un secours de cette valeur à 49 veuves ; ce qui fait 9,800 fr. ; en ajoutant à cette somme les 41,000 fr. accordés aux légionnaires, nous avons un total de 50,800 francs.
Les décorés de la croix de Fer ont obtenu seulement une pension de 100 francs ; on les a assimilés aux soldats décorés de l’ordre de Léopold.
Cette pension a été accordée à 292 décorés de la croix de Fer ; ce qui fait 29,200 fr. Donc 50,800 fr. pour les légionnaires qui on reçu une pension de 250 fr. ansi que le tableau des 49 veuves des légionnaires qui ont reçu une pension de 200 fr. ; je désire cependant que ces pièces ne reçoivent pas de publicité.
Comme les légionnaires ont obtenu la priorité sur les décorés de la croix de Fer, les veuves des légionnaires ont eu, à leur tour, la priorité sur les veuves des décorés de la croix de Fer, car ce n’est que cette année que l’honorable M. Dumortier vous a proposé de faire pour les veuves des décorés de la croix de Fer ce qu’on a fait pour les veuves des légionnaires.
L’honorable membre a supposé que, pour donner cette extension à la loi du budget, il fallait 20,000 fr. je puis déclarer à la chambre que, d’après les calculs approximatifs auxquels j’ai pu me livrer depuis le jour où la chambre a ajourné la discussion du chapitre XV, une somme de 10,000 francs suffirait.
M. Fallon – Messieurs, je n’ai entendu aucune considération qui puisse me déterminer à me relâcher de la proposition dont j’ai saisi la chambre. Je ne conçois pas cette prétention de vouloir que les légionnaires belges soient mieux traités ici que les légionnaires français ne sont traités en France.
Or, on a saisi la chambre des députés de France, dan la séance du 7 février, d’une proposition tendant à assurer les droits, non reconnus encore, des légionnaires ; ce qui a déterminé le ministère à présenter lui-même un projet de loi, qui a été déposé dans la séance du 18 de ce mois.
La position des légionnaires n’est donc pas encore fixée en France. Si l’on en excepte les simples chevaliers qui en 1830 ont obtenu le traitement entier de 250 fr., au lieu de la moitié qu’on leur avait payée jusque-là, aucun dignitaire de l’ordre n’y a reçu un sou depuis 30 ans.
Et ici l’on va jusqu’à prétendre que la Belgique se montre injuste ! Je vous le demande, messieurs, depuis treize ans, n’avons-nous pas fait pour les légionnaires tout ce que l’humanité exigeait ? Car, quoique dans le libellé de l’article du budget on se soit servi des mots : « qui ne sont pas dans l’aisance », il ne faut pas penser que l’allocation ne serve qu’à secourir les légionnaires qui sont dans le besoin. J’ai parcouru dans le temps le tableau des légionnaires secourus sur l’allocation portée au budget, et parmi eux il y en avait qui sont dans l’aisance.
D’un autre côté, il ne faut pas exagérer les élans de la munificence nationale ; il est facile de se livrer à ces élans, aux dépens du contribuable.
Si l’on veut s’apitoyer sur le sort des légionnaires, qu’on s’apitoie aussi sur celui des fonctionnaires belges de l’Empire qui, par suite des événements de 1815, ont perdu le traitement attaché aux fonctions qu’ils exerçaient.
C’est absolument la même position ; un événement politique a fait perdre aux légionnaires le traitement qu’ils touchaient , comme un événement politique à fait perdre le leur aux fonctionnaires belges de l’Empire.
On dit qu’on n’abordera jamais la discussion du projet de loi. Mais à qui la faute, si l’on n’entame pas l’examen de la question ? Comme on la déjà fait observer, le rapport de votre commission spéciale est déposé depuis l’année 1835. Si le projet de loi n’a pas été mis à l’ordre du jour, c’est qu’on n’a pas insisté ; mais on pourra profiter du premier moment pour le mettre à l’ordre du jour et on le discutera. Faut-il pour des intérêts particuliers, pour venir au secours de personnes qui jouissent déjà d’une certaine (page 874) fortune, négliger les intérêts généraux du pays ? Ce serait déraisonnable.
M. Delfosse – L’honorable M. Fallon a empiété sur la discussion du fond, il a cherché à dissimuler les sympathies de la chambre pour les légionnaires par des comparaisons dont je ne puis admettre l’exactitude.
Je ne puis admettre que les légionnaires belges auraient moins de titre à notre sollicitude que les légionnaires français à celle de leur gouvernement. Les légionnaires belges, en servant la France à l’époque où la Belgique était française, servaient leur patrie, nous leur devons la même reconnaissance que la France à ses légionnaires.
Je ne puis non plus admettre la comparaison que l’honorable M. Fallon a faite entre les légionnaires et les fonctionnaires qui ont perdu leur emploi par suite des événements politiques. Ce n’est pas avec les fonctionnaires en activité de service, c’est avec les fonctionnaires pensionnés qu’il aurait fallu les comparer ; or, les pensions ont survécu aux événements politiques.
Messieurs, je n’insisterai pas pour la discussion actuelle de l’amendement de l’honorable M. de Brouckere, si j’étais convaincu, si l’on me donnait l’assurance que la chambre s’occupera des légionnaires dans la présente session. Mais je suis convaincu, du contraire, je suis convaincu que si la question préalable est adoptée, la question sera renvoyée à une autre session.
Il est très-probable que la session sera close dans quelque temps ; MM. les ministres n’aiment pas que les chambres soient réunies à l’approche des élections, cela les gêne, cela peut nuire à certaines intrigues électorales ; le bruit court même que l’intention de MM. les ministres serait de clore la session à Pâques. Si ce bruit est une calomnie, je donne à MM. les ministres l’occasion de se justifier. (On rit.)
M. de Mérode – Il est impossible de s’occuper de la question préalable sans parler de la question d’équité, sans parler du fond. Certainement la révolution de 1830 a amené un changement notable dans la position d’un grand nombre de légionnaires ; plusieurs d’entre eux sont arrivés sans combat à des grades très-élevés ; le plus grand nombre même est parvenu à ces grades ; il ne serait pas équitable, selon moi, d’ajouter encore, à cause de la révolution de 1830, au traitement de ces fonctionnaires militaires.
Il y a une foule d’individus qui sont dans la gêne et qui ont aussi des droits à faire valoir du chef d’équité ; nous serions obligés d’entrer dans la discussion de ces droits. En conséquence, il me semble que nous devons ajourner cette discussion d’autant plus que nous avons une foule de choses plus importantes à décider.
M. le président – Je vais mettre la proposition d’ajournement aux voix.
L’appel nominal étant demandé, il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
68 membres répondent à l’appel.
40 membres disent oui.
28 membres disent non.
En conséquence, l’ajournement est adopté.
Ont répondu non : MM. de Brouckere, de Garcia, Delfosse, de Secus, Desmaisières, de Tornaco, Devaux, de Villegas, Donny, Dumortier, Duvivier, Jadot, Lange, Lesoinne, Lys, Maertens, Manilius, Meeus, Orts, Osy, Pirson, Rogier, Savart, Sigart, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude et Coghen.
Ont répondu oui : MM. Dechamps, de Corswarem, de Florisone, de Foere, de La Coste, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Saegher, Desmet, de Theux, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Eloy de Burdine, Fallon, Feussu, Henot, Huveners, Kervyn, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verwilghen, Wallaert, Brabant, Coppieters et Liedts.
M. le président – Il reste l’amendement de M. Dumortier, qui est relatif aux veuves et orphelins des pensionnés de la croix de Fer.
M. Dumortier – Je demande la parole.
Messieurs, tout à l’heure, en parlant des légionnaires, M. le ministre de l'intérieur a fait remarquer qu’une somme de dix mille francs suffirait pour donner une faible pension aux veuves des décorés de septembre, mais M. le ministre n’a pas compris toute la portée de ma proposition. Je ne voulais pas me borner à donner un subside aux veuves des décorés de septembre, mais pouvoir étendre la somme minime que touchent les décorés eux-mêmes. Vous venez d’entendre que leur subside n’est que de 29 mille francs. Il y a 290 décorés touchant chacun 100 fr. par an. Le nombre de blessés a été considérable, et parmi eux il en est beaucoup qui, par défaut de forme, par suite de réclamations tardives, n’ont pas pu obtenir la croix de Fer à laquelle ils avaient droit. Cependant un grand nombre ont obtenu des subsides sur le fonds spécial. Si je suis bien informé, le fonds spécial doit être à peu près épuisé. Ce fonds ne pouvait pas toujours durer, il avait été formé de souscriptions de dons patriotiques, il est maintenant presque épuisé. Il serait à désirer que nous prissions des mesures, pour que les braves qui ont versé leur sang pour nous faire ce que nous sommes, à qui nous devons notre existence politique, ne fussent pas privés des secours qu’ils ont droit d’attendre de la munificence nationale. Quand on accorde des subsides considérables pour payer les attachés à des décorations obtenues avant le gouvernement actuel, on peut montrer quelque générosité envers les braves qui ont versé leur sang pour la patrie. Le gouvernement ferait fort bien de demander un subside pour la continuation des secours accordés jusqu’ici sur le fonds spécial pour ne pas se trouver au dépourvu quand ce fonds sera épuisé.
Le chiffre que j’ai proposé est loin d’être trop élevé, je crois au contraire que chacun doit le trouver plutôt insignifiant. Tout à l’heure on a cité la France ; eh bien, en France, un des premiers actes du gouvernement de juillet a été de donner des récompenses, des pensions à ceux qui avaient contribué à la prise de la Bastille. Nous n’avons à notre budget qu’une misérable somme de 29,000 fr. ; pour les braves qui ont versé leur sang pour fonder notre indépendance, et les orphelins de ceux qui ont succombé à la suite de leurs blessures n’ont rien.
J’ai signalé des faits ; il y a des orphelins qui, après avoir perdu leur père à la suite de leurs blessures, se trouvent dans la plus affreuse misère, sont réduits à aller mendier !
Y a–t-il des dépenses plus sacrées pour la Belgique que celles qui ont pour objet de payer le sang versé pour la patrie ? Je prie la chambre de vouloir bien voter le chiffre que j’ai proposé. Il n’est pas trop élevé. Le gouvernement l’emploiera comme il voudra. S’il faut changer le libellé, j’y consentirai volontiers.
Il serait vraiment à déplorer qu’on abandonnât ceux qui se sont sacrifiés pour notre indépendance, quand la Belgique commence à jouir des fruits de la révolution.
Je ne pense pas que ma proposition rencontre d’opposition ; j’attendrai les observations qui pourront être faites sur la rédaction, je reprendrai la parole si c’est nécessaire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il est vrai que le fonds spécial sera épuisé vers la fin de cette année. Aussi le gouvernement se propose-t-il de vous demander, l’année prochaine une somme pour les secours à accorder aux blessés de septembre, en 1846, et peut-être pour le déficit de 1845. il faudra de 25 à 30 mille fr. pour 1846.
Il s’agit des veuves et des orphelins des décorés de septembre. Il ne faut pas confondre les blessés et les décorés. La question est celle-ci : Voulez-vous faire pour les veuves des décorés de septembre ce que vous avez fait pour les veuves des légionnaires de l’Empire ?
M. Dumortier – Elles n’ont aucun droit.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il ne s’agit pas de droit. Vous votez depuis plusieurs années une somme pour les veuves des légionnaires de l’Empire. Le précédent est posé en faveur des veuves de légionnaires. La question est de savoir si vous l’appliquerez aux veuves des décorés de septembre.
M. de Theux – Quelle est la somme nécessaire ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – 10,000 fr. je propose cette somme avec le nouveau libellé.
M. Rodenbach – M. le ministre de l'intérieur vient de dire que le fonds spécial des blessés de septembre suffirait aux besoins jusque vers la fin de l’année. Mais, si j’en crois les renseignements que j’ai reçus, le fonds serait épuisé. J’appuie donc les observations de l’honorable M. Dumortier. Pour y faire droit, on pourrait changer le libellé.
J’appuie la proposition d’accorder une pension de 100 fr. aux veuves et aux orphelins de décorés de la croix de Fer. Puisqu’on a accordé une pension aux veuves des légionnaires de l’Empire, je ne vois pas pourquoi l’on n’en accorderait pas une, à plus forte raison, aux veuves de ces citoyens qui ont versé leur sang pour la cause de notre indépendance, qui ont reçu au Parc, le baptême de sang.
M. de Brouckere – Je ferai remarquer que M. le ministre de l'intérieur déclare que 10,000 fr. suffisent à tous les besoins prévus. (Dénégations de la part de M. Dumortier).
Il vous a dit que le fonds spécial irait probablement jusqu’à la fin de l’année, mais que pour 1846 il ferait un rapport sur l’état du fonds spécial et qu’ensuite il demanderait sans doute une allocation de 25 à 30,000 fr.
Une telle déclaration est entièrement satisfaisante, parce que, en supposant même que le fonds spécial ne suffît pas pour tous les besoins de 1845, nous pourrions, après avoir reçu tous les renseignements dont nous aurons besoin pour voter en connaissance de cause, allouer non-seulement les fonds nécessaires pour 1846, mais encore ce qui pourrait manquer en 1845 ; tandis qu’aujourd’hui nous voterions une somme quelconque, sans savoir quels sont les besoins, sans savoir si elle suffit, ou si elle n’est pas trop forte.
En de telles matières nous devons nous en rapporter à la sollicitude du gouvernement et nous borner a allouer la somme qu’il demande.
M. Dumortier – L’honorable préopinant est complètement dans l’erreur : il a mal compris M. le ministre de l'intérieur. Il prétend que le ministre considère les 10,000 fr. comme suffisants, mais pour qui ? Pour les veuves et orphelins des décorés, et il n’accorde pas une pension de plus aux décorés. Or j’en connais et par centaines qui sont dans une position affreuse. Je ne suis pas hostile aux pensions des légionnaires ; mais j’aurais voulu qu’on n’accordât pas de pension aux veuves de légionnaires ; car, sous l’Empire, elles n’y avaient pas droit. Plutôt que d’accorder de telles pensions, il faudrait, ce me semble, pensionner ceux qui après avoir combattu pour l’affranchissement de la Belgique, sont dans la dernière misère. Ceux qui font des propositions en faveur des légionnaires et de leurs veuves devraient certainement appuyer ma proposition.
Je le répète, je connais un grand nombre de décorés qui sont dans une position affreuse. Ils ne peuvent rien obtenir ni sur le fonds du budget qui est insuffisant, ni sur le fonds spécial, qui n’est pas destiné aux décorés.
Je propose de porter le chiffre à 20,000 fr. ; car il est déplorable de voir l’abandon où on laisse ceux qui, en 1830, ont versé leur sang pour la patrie. Sous le gouvernement provisoire, on les trouvait bons pour verser leur sang afin de nous donner une patrie. Aujourd’hui, on les oublie !
J’insiste pour que le chiffre soit élevé à 20,000 fr. J’espère que cette proposition sera adoptée ; sinon on pourrait dire pour nous ce qu’on dit pour la France ; on pourrait dire que le patriotisme est mort en Belgique !
(page 875) Mais j’espère qu’il n’en est pas ainsi. J’espère que vous ferez quelque chose pour les hommes de la révolution.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je remercie l’honorable membre d’avoir appelé l’attention de la chambre sur l’époque très-prochaine où le fonds spécial des blessés de septembre sera épuisé. Il faudra alors proposer au budget une somme destinée à suppléer à ce fonds ; ce sera environ 30,000 fr. C’est-à-dire, que depuis quelques années, on prélève annuellement sur le fonds spécial 30,000 fr., qui sont donnés comme secours aux blessés de septembre.
Il ne faut pas confondre cette question avec celle des veuves et orphelins des décorés de septembre.
J’aura l’honneur de déclarer de nouveau à la chambre que pour donner une pension de 100 fr. aux veuves et aux orphelins des décorés de septembre, 10,000 fr. d’après un calcul approximatif, pourront suffire.
M. Dumortier – Vous ne ferez rien pour les décorés.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ferai ce que l’on fait depuis plusieurs années.
Que l’honorable membre me laisse expliquer ce que le gouvernement demande.
La libellé de l’article du budget porte : « Pensions de 100 fr. par personne aux décorés, de la croix de fer, non pensionnées d’autre chef qui sont dans le besoin. »
Remarquez qu’il faut deux conditions : Etre dans le besoin, et ne pas être pensionné d’autre chef. Mais il se trouve qu’il y a des décorés de la croix de Fer qui sont pensionnés d’autre chef, qui ont des pensions de 2, 3, 400 fr. On ne peut leur accorder la pension nouvelle de 100 fr. L’honorable membre demande que cette condition ne soit plus exigée. (Dénégations de la part de M. Dumortier.)
Les décorés de la croix de Fer, qui se sont plaints à M. Dumortier étaient pensionnés d’autre chef. (Dénégations de la part de M. Dumortier.)
La chambre veut-elle être moins rigide ? veut-elle que la pension de 100 fr. soit accordée à ceux qui ont une pension inférieure à 300 fr. ? (Dénégations.) S’il en est ainsi, il faudrait changer le libellé du budget.
Je pense qu’il faut faire pour les veuves et orphelins des décorés de septembre ce qu’on a fait pour les veuves des légionnaires de l’Empire. Je demande à ce titre 10,000 fr. de plus.
M. Dumortier – Je suis peiné de ce que M. le ministre de l'intérieur dénature entièrement ce que j’ai dit. Je n’ai fait aucune allusion à des décorés de la croix de Fer pensionnés d’un autre chef. J’ai dit et je répète qu’il y a des centaines de décorés qui ne touchent ni la pension de 100 fr., ni une pension d’un autre chef et qui sont dans la dernière misère. C’est là pour le pays une dette sacrée ; or le chiffre de 10,000 fr. est destiné aux pensions des veuves et orphelins ; mais il ne permet pas d’accorder une seule pension de plus à un décoré. C’est pour cela que je propose une augmentation.
M. de Brouckere – La première fois que l’honorable M. Dumortier m’a répondu, il l’a fait, comme si j’avais cherché à combattre sa proposition en faveur de ceux qui, en 1830, ont exposé leurs jours pour la cause de la révolution et qui aujourd’hui se trouvent dans une position nécessiteuse. Mais je m’en suis bien expliqué. Je dis que nous devons faire tout ce que le gouvernement demande, et ne pas aller au-delà. Il demande 10,000 fr de plus. Je les vote.
Le gouvernement nous annonce que l’année prochaine, il demandera une allocation assez forte pour suppléer au fonds spécial. Je déclare d’avance que je voterai la somme qu’il demandera. Mais il y a une autre question que soulève l’honorable M. Dumortier, et il vient de s’expliquer plus catégoriquement. D’abord, il veut que l’on donne des pensions aux veuves et aux orphelins des décorés de la croix de Fer, qui sont dans une position fâcheuse. M. le ministre dit : c’est fort bien, il me faut pour cela 10,000 fr. Nous allons voter ces 10,000 francs, j’en suis convaincu. Quant à moi, je les voterai avec grand plaisir. Mais l’honorable M. Dumortier ajoute : Il faut voter encore 10,000 fr. Pourquoi ? pour donner de nouvelles pensions à des décorés de la croix de Fer qui n’ont pu en obtenir.
M. Dumortier – A cause de l’exiguïté du subside.
M. de Brouckere – Remarquez-le bien, messieurs, parce que les fonds alloués ne permettaient pas de leur en accorder. Eh bien, je le demande, quel est celui qui peut nous dire si le fait est vrai, si ce n’est M. le ministre de l'intérieur ?
M. Dumortier – Il ne le conteste pas.
M. de Brouckere – Permettez, M. Dumortier, je demande à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir répondre à ceci : Y a-t-il des décorés de la croix de Fer qui tombent sous le libellé de l’article en discussion et à qui l’on a dû refuser des pensions ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Non.
M. Dumortier – Il y a en a beaucoup.
M. de Brouckere – M. le ministre de l'intérieur répond catégoriquement non.
M. Dumortier – J’en ai vu plusieurs.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Envoyez-les moi.
M. de Brouckere – Il en résulterait (car l’honorable M. Dumortier m’interrompt toujours) qu’on s’adresse à lui, au lieu de s’adresser au ministre. Voilà toute la conséquence que je dois en tirer. Mais prenez le fait pour vrai, M. le ministre de l'intérieur vous dit : avec la somme que vous m’allouez chaque année et 10,000 fr. que vous allez y ajouter, tous les décorés de la croix de Fer qui se trouvent dans les conditions du libellé de l’article en discussion, et toutes les veuves et les orphelins des décorés qui sont dans le besoin, recevront la pension que vous leur destinez. Messieurs, que demandez-vous de plus ? Je suis prêt à voter toutes les sommes dont M. le ministre de l'intérieur pourra faire un emploi convenable, et un emploi conforme aux vœux de la chambre. Mais ne trouvez-vous pas qu’il y a quelque chose de bizarre à jeter 10,000 fr. à la tête du ministre, alors qu’il vous dit qu’il n’en a pas besoin ?
Voilà pourquoi je pense, messieurs, que nous devons nous borner à voter l’augmentation de 10,000 fr. et attendre le rapport que M. le ministre nous a promis pour l’année prochaine, avant de voter des sommes plus fortes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, il y aura un second vote ; je pourrais alors donner de nouveaux renseignements à la chambre. Il y a plus ; je ne croyais pas que l’on s’occuperait di fonds spécial. Je pourrai, d’ici au second vote, vous dire quand le fonds spécial sera épuisé, et s’il m’était démontré qu’il le sera avant la fin de l’année, vers septembre prochain, par exemple, je proposerais un article spécial qui pourrait être libellé : « Supplément au fonds spécial destiné à être employé à l’époque de l’épuisement de ce fonds. » dès lors, tout le monde sera rassuré même pour cette année.
Je donnerai ces éclaircissements à la chambre d’ici au second vote.
M. Dumortier – Qu’on laisse alors le chiffre en suspens.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est inutile. Un amendement est un chiffre en suspens, même quand il est voté.
- La clôture est demandée, et mise aux voix.
L’épreuve étant douteuse, la discussion continue.
M. Brabant – Messieurs, je crois que le libellé de l’article en discussion est beaucoup trop rigoureux à l’égard des décorés de la croix de Fer.
Je ne veux pas étendre la pension de 100 fr. à ceux qui sont déjà pensionnés d’autre chef ; mais je crois qu’en exigeant qu’il soit constaté qu’ils sont dans le besoin, on a été trop loin. Il y a une quantité de petits artisans, d’ouvriers ayant un salaire modique, qui sont décorés de la croix de Fer. C’est cette classe, messieurs, qui a particulièrement versé son sang pour l’indépendance nationale ; et ceux qui ont eu le courage de s’exposer alors pour la liberté de leur pays, sont trop fiers pour faire constater leur état de misère. C’est cependant ce que semble exiger le libellé de l’article.
Je voudrais donc que l’on se bornât, à l’égard des décorés de la croix de Fer, à la stipulation établie par les légionnaires, c’est-à-dire que l’on donnât la pension à ceux qui sont peu favorisés de la fortune. Ceux qui sont à l’aise parmi eux, messieurs, savent que le principe d’économie a été l’un des grands motifs du mouvement national, et ils ne viendront pas faire valoir des prétentions de nature à surcharger le trésor.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je propose, bien qu’il y ait répétition, que l’on se serve des mêmes termes pour les décorés de la croix de Fer que pour les légionnaires et que l’on dise : « et pensions de 100 francs par personne aux décorés de la croix de Fer non pensionnés d’autre chef, qui sont peu favorisés de la fortune. »
D’ici au second vote, je dirai si la somme de 90,000 francs est suffisante ou non, avec cette nouvelle rédaction qui sembla offrir plus de latitude.
M. Rodenbach – Messieurs, je demanderai s’il est bien juste de donner une pension de 250 fr. aux légionnaires et de 200 fr. à leurs veuves, tandis qu’on ne donne qu’une pension de 100 fr. à ceux qui ont versé leur sang pour la révolution. Il me semble qu’il y a là une contradiction frappante. Les légionnaires ont-ils donc plus de droit à la munificence nationale, que ceux qui ont combattu pour l’indépendance du pays ?
Cela ne me paraît pas juste, messieurs, et je crois que M. le ministre de l'intérieur devrait prendre cette observation en considération.
- La discussion est close.
L’amendement de M. le ministre de l'intérieur tendant à remplacer les mots « qui sont dans le besoin », par ceux-ci « peu favorisés de la fortune » est adopté.
M. le président – M. Dumortier a proposé par amendement d’ajouter après les mots « non pensionné d’un autre chef » ceux-ci : « ou à leurs veuves ou orphelins peu favorisés de la fortune. »
M. Dumortier – On pourrait dire : « à leurs veuves, et secours aux orphelins. »
M. le président – La rédaction pourra être modifiée au second vote.
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
Le chiffre de 100 mille francs, proposé par M. Dumortier, est ensuite mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre de 90 mille francs, demandé par M. le ministre de l'intérieur, est adopté.
M. Maertens, rapporteur – Messieurs, nous sommes arrivés à la fin de la discussion du budget de l’intérieur. Mais avant de terminer, je dois dire à la chambre que nous avons commis une omission dans le crédit alloué pour l’administration de la province de Liége.
Primitivement, il était demandé pour cette province une somme de 125,330 fr. M. le ministre a fait parvenir à la section centrale une double demande supplémentaire : une demande supplémentaire de 30,000 francs comme crédit extraordinaire, et une demande de 3,000 fr. comme crédit ordinaire devant à l’avenir figurer au budget. Les 30,000 francs étaient destinés à l’appropriation et à l’ameublement de l’hôtel du gouvernement.
Vous savez, messieurs, que l’ancien gouvernement de Liége habitait son propre hôtel et que le mobilier de cet hôtel lui appartenait également. Lorsque son successeur est arrivé, il n’y avait ni habitation ni mobilier. Il a donc fallu dépenser 30,000 fr. pour l’appropriation d’un hôtel et pour l’achat d’un mobilier. Cette somme vous l’avez votée.
(page 876) L’entretien du local et du mobilier nécessite une dépense annuelle de 3,000 fr. Cette augmentation que vous avez aussi votée, figure au littera E comme charge permanente ; ce littera est porté de 13 à 16,000 fr.
Mais il reste un autre littera qui se trouve en blanc au budget ; c’est celui qui porte : « Loyer des locaux pour le gouvernement, etc. » Jusqu’à ce jour aucune somme n’a figuré de ce chef au budget de l’intérieur, parce que, comme je viens de le dire, le précédent gouverneur occupait son propre hôtel. Mais comme aujourd’hui un hôtel a dû être loué, le loyer de cet hôtel, qui est de 3,000 fr.doit nécessairement figurer au budget. Il faudra donc porter 3,000 fr. au littera D, « loyer des locaux pour le gouverneur », et le chiffre voté devra être augmenté de cette somme.
C’est la proposition que je soumets à la chambre. J’ai cru devoir la lui faire avant qu’elle ne terminât l’examen du budget.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je remercie l’honorable rapporteur d’avoir bien voulu vous rendre compte de ce fait. Il s’agit d’un oubli. On n’a pas demandé la somme nécessaire pour le loyer de l’hôtel habité par le gouverneur.
- La chambre décide qu’elle passera immédiatement à la discussion de l’augmentation de 3,000 fr. proposée à l’article 6 du chapitre IV.
Personne ne demandant plus la parole, cette augmentation est mise aux voix et adoptée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne sais ce qu’il y a à l’ordre du jour pour demain, mais je sais qu’on pourra, ce soir, vous distribuer le budget de l’intérieur. Il n’y a que trois amendements. La chambre jugera peut-être convenable de fixer le second vote à demain.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La chambre a décidé qu’elle s’occuperait après le budget de l’intérieur du projet de loi relatif au tunnel de Cumptich. On pourrait mettre cet objet à l’ordre du jour de samedi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le vote définitif du budget de l’intérieur n’entraînera probablement pas une longue discussion ; il n’y a que trois articles qui présentent des amendements. Si ce vote définitif était fixé à demain, ne pourrait-on s’occuper ensuite d’un rapport de pétitions et notamment du rapport sur les pétitions qui sont relatives à la question huîtrière ? je voudrais donner à cet égard quelques explications à la chambre, car il est certains intérêts qu’il faut rassurer, et je désirerais faire connaître l’opinion du gouvernement sur cette question.
M. Osy – Je proposerai à la chambre de mettre à l’ordre du jour de demain le règlement des comptes de 1830, 1831 et 1832. Je crois que cet objet ne vous prendrait pas une heure. Une fois ces comptes réglés, nous pourrions successivement nous occuper de ceux des années suivantes, et ainsi les choses rentreraient dans l’ordre. Voilà 13 années dont les comptes sont clos, et nous n’avons pas encore examiné aucun de ces comptes.
M. le président – Ainsi, l’ordre du jour de la séance de demain serait fixé de la manière suivante : 1° Vote définitif du budget de l’intérieur ; 2° rapport sur des pétitions, et notamment sur celles qui concernent la question huîtrière ; 3° règlement des comptes de 1830, 1831 et 1832. (Assentiment.)
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) présente 1° un projet de loi tendant à approuver un arrangement d’après lequel une parcelle du territoire de la commune de … a été réunie à la ville de Louvain par suite de l’établissement du chemin de fer ; 2° un projet de loi concernant les vices rédhibitoires qui se présentent dans les ventes d’animaux domestiques.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces projets et les renvoie à l’examen de deux commissions qui seront nommées par le bureau.
La séance est levée à 4 heures ¾.