(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 803) (Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal à midi et quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. Huveners fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« L’administration communale de Pirange demande la construction du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres. »
« Même demande des conseils communaux de Hern-St-Hubert et Wintershoven. »
- Renvoi au ministre des travaux publics.
M. Cogels présente le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à allouer au gouvernement un crédit supplémentaire de 41,211 fr. 57 c. pour faire face à des dépenses relatives au service de la dette publique pendant les exercices de 1842, 1843 et 1844.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Desmet présente divers rapports sur des demandes en naturalisation.
- Ces rapports seront également imprimés et distribués.
M. de La Coste – Messieurs, vous vous rappellerez que j’ai adressé une interpellation à M. le ministre des travaux publics relativement à l’éboulement du tunnel de Cumptich. Je l’ai engagé à faire à cet égard une enquête, confiée non-seulement aux hommes de l’art, mais aussi aux autorités administratives, afin que la question fût examinée d’une manière toute spéciale, sous le rapport de la sécurité publique. Vous vous rappellerez encore, messieurs, que l’honorable M. de Brouckere a encore entretenu la chambre de cette affaire et a développé avec force les motifs qui pourraient déterminer à ce qu’on abandonnât l’idée de restaurer le tunnel, et à ce qu’on le remplaçât par une tranchée à ciel ouvert.
A la suite de ces observations de l’honorable M. de Brouckere, M. le ministre des travaux publics a demandé qu’on n’insistât pas pour obtenir une décision immédiate, qu’on lui laissât le temps d’examiner mûrement la question. Je sais qu’il est nécessaire que cette résolution soit mûrie, mais il est nécessaire aussi qu’elle ne soit pas trop différée, car chaque jour de retard augmente les inquiétudes du public, chaque jour de retard peut entraîner des pertes fort grandes pour l’Etat. Je pense donc que M. le ministre des travaux publics sera maintenant en état de nous dire où en est l’instruction de cette affaire, et j’espère que sa réponse sera conforme aux vœux de toutes les localités environnantes et d’une grande partie du pays, c’est-à-dire que nous ne verrons pas l’Etat s’engager dan des frais inutiles pour l’entreprise dangereuse de la réparation de ce tunnel, qui, tant par les vices originaires de la construction que par l’ébranlement qu’il a reçu, ne présentera jamais aux yeux d’une grande partie du pays ni à mes propres yeux le degré de sécurité qui est désirable. Il faut remarquer, messieurs, que l’opinion publique, qui est très-prononcée à cet égard, peut ici d’autant moins être perdue de vue que c’est la vie du public qui est en jeu et que le public pourra toujours opposer à la persistance de l’administration, une persistance négative qui aurait les résultats les plus fâcheux pour les revenus du chemin de fer.
Je prendrai maintenant la liberté de demander à M. le ministre des travaux publics s’il a pris une résolution sur cette question et en quoi cette résolution consiste.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Pour répondre à l’interpellation de l’honorable M. de La Coste, je vais déposer un projet de loi, et, si la chambre le permet, je donnerai lecture de l’exposé des motifs, qui sera une réponse complète à l’interpellation de l’honorable membre (Lisez ! lisez !)
Exposé des motifs
Messieurs, depuis le 21 janvier, la circulation a cessé de se faire, d’une manière régulière sur la ligne de l’est de nos chemins de fer, par suite d’un éboulement dans le tunnel de Cumptich.
Quel que soit le parti auquel on s’arrête, le rétablissement immédiat de la marche des convois dans les conditions normales d’exploitation est impossible.
Dans cette situation de choses, plusieurs questions se présentent :
1° Faut-il continuer le percement de la deuxième galerie souterraine et exécuter la première des travaux de consolidation qu’elle réclame ?
2° Est-il préférable d’abandonner ce système et d’ouvrir une tranchée à ciel ouvert ?
3° Dans cette hypothèse, la tranchée serait-elle ouverte à l’emplacement des tunnels, ou bien s’écarterait-on du tracé actuel ?
Ces questions ont fait l’objet des délibérations du conseil des ponts et chaussées, que j’ai présidé moi-même.
Les observations auxquelles elles ont donné lieu, de la part de cette assemblée, sont résumées dans le rapport qui accompagne le présent exposé des motifs.
Le conseil pense à l’unanimité :
Sur la première question : Que, moyennant les mesures proposées le 28 janvier 1845 par le directeur de l’administration des chemins de fer en exploitation et appuyées par le conseil dans son rapport du 4 février, l’achèvement et la consolidation des galeries souterraines de Cumptich constituent un travail qui peut s’effectuer sans danger, et de manière que les galeries étant terminées, l’ensemble présenterait une construction solide, réunissant autant de garantie de sécurité pour les voyageurs que toute autre portion du railway ;
Sur la deuxième question, qu’eu égard au terrain sur lequel on se trouve, il est possible d’établir et d’entretenir ensuite, sans difficulté sérieuse, à l’emplacement actuel des souterrains une tranchée à ciel ouvert, avec des pentes qui n’excéderaient pas quatre millimètres par mètre ;
Sur la troisième question, que l’ouverture d’une tranchée à ciel ouvert, s’éloignant peu du tracé actuel, serait possible, en effectuant un déblai de 20 mètres de hauteur, ce qui permettrait de conserver également sur cette nouvelle direction des pentes ne dépassant par 3 à 4 millimètres par mètre.
La dépense approximative, en y comprenant les frais extraordinaires du service provisoire, serait :
Dans la première hypothèse, de 562,000 francs, dans la deuxième, de 932,000 francs, dans la troisième, 1,018,000 francs.
Des trois déterminations qu’il est possible de prendre, celle qui aurait pour objet d’achever et de consolider les galeries souterraines comporterait donc la dépense la moins élevée.
Comparée aux tranchées, le travail des tunnels présenterait une économie de 380,000 fr. ou 456,000 fr., suivant que la tranchée dût être établie sur l’emplacement actuel des voies ou sur un tracé modifié.
Pou ce qui est de la dépense de la tranchée, elle varierait de 76,000 fr. suivant que l’on adopterait l’emplacement actuel ou un tracé modifié.
Mais le tracé modifié permettant de reprendre une époque très-prochaine le service des marchandises de manière presque normale, cet avantage compenserait largement une dépense de plus de 76,000.
Cette considération permet de restreindre la discussion au choix à faire entre le travail des tunnels et l’ouverture d’une tranchée latérale, ou, en d’autres termes, entre le travail le plus économique et un travail exigeant une dépense de plus de 450,000 fr. Ces chiffres ne doivent être cependant considérés que comme provisoirement établis, et, si l’évaluation de la dépense nécessaire à l’achèvement et à la réparation des tunnels, fixée à fr. 450,000 peut paraître un chiffre minimum, l’évaluation de la dépense de fr. 1,018,000 qu’exigera le travail en tranchée, peut être considérée, pensons-nous, comme un chiffre maximum.
Le gouvernement pense, messieurs, que, nonobstant cet excédant de dépenses, c’est à la tranchée à ciel ouvert qu’il convient de donner la préférence.
Son opinion à cet égard est motivée sur les considérations que je vais avoir l’honneur d’indiquer sommairement.
La tranchée à ciel ouvert permettait de limiter à deux périodes, de trente jours chacune, le service provisoire des marchandises, tandis que, dans l’hypothèse de la continuation du travail des tunnels, la durée de ce service provisoire serait de cent quarante jours ou quatre-vingt jours en plus.
Avant un mois, la circulation serait donc rétablie pour le transport des marchandises, en se décidant en faveur du travail en tranchée à ciel ouvert.
Sous le rapport de la durée la moins longue du service provisoire, la tranchée est donc de beaucoup préférable au travail des tunnels.
Cette circonstance mérite une sérieuse attention, car il est douteux que le service provisoire puisse assurer d’une manière complète la marche des transports ; il y a donc ici un danger réel pour l’avenir de nos chemins de fer et pour le mouvement commercial et de transit qu’ils ont appelé sur notre territoire ; danger qu’il importe de détourner, même au prix de quelques sacrifices.
Il est aussi bien désirable de faire cesser entièrement les appréhensions du public, appréhensions qui subsisteraient toujours, on peut le craindre, à l’égard d’un ouvrage qui, à une époque donnée, il faut bien le reconnaître, ne présentait pas les conditions ordinaires de perfection et de sécurité par sa dimension même.
Il est douteux donc que le public se rassure complètement même en présence des déductions techniques les plus fortes et des déclarations les plus positives des hommes de l’art.
Le travail en tranchée est donc de nature à offrir des conditions de sécurité plus grandes aux yeux de l’opinion et garantit mieux, sous ce rapport, l’avenir de cette ligne centrale de nos chemins de fer.
D’un autre côté, ce travail permettra d’ouvrir plus promptement la circulation aux nombreuses expédition de marchandises sur notre grande voie de transit entre l’Escaut et la Rhin.
En présence de ces faits, le gouvernement ne pouvait hésiter sur la détermination à prendre.
(page 804) Pour ce qui est de la dépense de l’établissement de la tranchée à ciel ouvert j’ai lieu d’espérer qu’elle pourrait être couverte au moyen de la portion encore disponible de l’allocation affectée au doublement du tunnel de Cumptich et des fonds à provenir d’un crédit extraordinaire de 300,000 fr.à ouvrir aux termes du projet de loi que j’ai l’honneur de soumettre à votre examen.
« Projet de loi
« Article unique. Un crédit extraordinaire de 300,000 fr. est ouvert au département des travaux publics pour la substitution d’une tranchée au double tunnel de Cumptich. »
- La chambre donne acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l’impression et la distribution.
M. de Brouckere – Ce projet a un caractère de très-grande urgence. Je demande que la chambre en décide le renvoi à la section du budget des travaux publics qui se réunirait immédiatement.
M. de Tornaco – Après l’éboulement d’une partie du tunnel de Cumptich, on a entrepris des travaux considérables au-dessus du tunnel. De nombreux ouvriers sont employés à ces travaux qui, d’après le projet, deviennent complètement inutiles. Je demande si ces travaux sont abandonnés, ou si l’on continue des travaux maintenant inutiles.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Les travaux effectués ne sont pas inutiles ; car, dans la troisième hypothèse admise par le gouvernement, la tranchée latérale ne serait pas très-distante de la voie actuelle.
D’un autre côté, comme l’intention du gouvernement est de rétablir sous peu la circulation des convois de marchandises sous le tunnel, les travaux actuels pour dégager l’ancien tunnel sont nécessaires. Le conseil a décidé, à l’unanimité, qu’on devait procéder au déblaiement des terres au-dessus du tunnel.
M. Eloy de Burdinne – Je demanderai à l’honorable ministre des travaux publics, si les devis de la tranchée à ciel ouvert sont exactement faits. Je fais cette observation, parce que l’on conçoit que les ingénieurs qui ont fait le tunnel seront toujours disposés à augmenter l’évaluation de ces travaux, qui sont un démenti donné à la première opération.
Ensuite, si l’on fait une voie latérale, je demande qu’elle soit faite avec assez de soin, pour qu’il n’y ait pas éboulement des murs de soutènement.
M. de Tornaco – Messieurs, malgré ce que nous a dit M. le ministre des travaux publics, je persiste à croire que les travaux qui ont été entrepris pour le déblaiement de la partie écroulée du tunnel, sont inutiles et nous coûteront beaucoup trop cher.
Puisqu’il s’agit de faire une voie latérale à ciel ouvert, il est évident que ce n’est pas par le haut que l’on doit travailler, mais sur le côté et que les terres doivent être enlevées, non pas à dos de « botresse » comme aujourd’hui, mais par waggons.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La chambre comprendra que je ne puis entrer dans cette discussion. Il s’agit d’une question tout à fait administrative qui a été longuement discutée. On a pris le parti le plus sûr et le plus économique. Je ne puis donner d’autre explication.
M. de Tornaco – J’ai fait une simple observation, et je demande que le M. le ministre veuille bien en profiter.
M. de Renesse – Messieurs, il paraît que l’éboulement du tunnel de Cumptich doit être attribué aux ingénieurs qui ont été chargés de surveiller la construction, et qui y ont permis l’emploi de mauvaises briques et de chaux qui n’était pas hydraulique. Il en est résulté, messieurs, un événement grave, qui entraîne l’Etat dans une perte considérable.
En présence de ces faits, je ferai observer à M. le ministre des travaux publics que, selon moi, il y aurait lieu d’exercer des poursuites contre les ingénieurs qui ont dirigé l’exécution de cet ouvrage. Il faut un exemple, messieurs, car on n’a que trop gaspillé les deniers du peuple. Je crois que la chambre elle-même, lorsque nous en viendrons à la discussion du projet de loi qui vient de vous être soumis, devra examiner sérieusement cette affaire.
Ce n’est pas messieurs, la première fois que l’on se plaint de la manière dont certains travaux du chemin de fer ont été exécutés en Belgique. Plusieurs fois des travaux ont été mal faits et ont entraîné ensuite des dépenses de réparations considérables. En ce qui concerne le tunnel de Cumptich, je me rappelle très-bien qu’en 1837, 1838 et 1839, quand on a exécuté cette construction, des personnes des localités environnantes ont déclaré qu’elle était mal faite et qu’il faudrait employer des fonds considérables à la réparer.
C’est cette mauvaise direction donnée aux travaux qui a fait que nos chemins de fer ont coûté beaucoup plus que les prévisions, que des lignes qu’on avait évalué devoir coûter 7 millions, en ont coûté 15, que la ligne de la Vesdre, qu’on disait devoir coûter 7,800,000 fr. a coûté 32 millions.
Je demande donc que M. le ministre des travaux publics veuille bien examiner s’il n’y a pas lieu de poursuivre les ingénieurs qui ont dirigé les travaux du tunnel de Cumptich. Il est certain que les travaux ont été très-mal dirigés, tant pour la construction du premier que du second tunnel. Ainsi, pour ce dernier, si, au lieu de le placer contre la galerie ancienne, on avait laissé une distance de 30 ou 40 mètres entre les deux voies, nous n’aurions probablement pas à déplorer le malheur qui est arrivé, et on aurait pu réparer le premier tunnel, dont la construction, d’ailleurs, était, je le répète, très-vicieuse. Car ceux qui y ont passé dans les derniers temps, on pu y remarquer des crevasses larges de plusieurs doigts ; tandis que les ingénieurs donnaient l’assurance qu’il n’y avait aucun danger.
Evidemment, messieurs, de pareils faits méritent un exemple.
M. le président – Messieurs, si nous continuons cette discussion, nous en aurons deux. Il ne s’agit pas aujourd’hui de discuter le fond.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je voulais d’abord faire l’observation que vient de présenter M. le président ; c’est qu’il n’est pas question aujourd’hui de discuter le fond. Je n’ai fait que présenter un projet de loi ; lorsque le rapport de la section centrale nous sera présenté, nous aurons alors à examiner toutes ces questions.
Mais je ne puis, messieurs, laisser passer sans observation, les réflexions critiques que vient d’émettre l’honorable M. de Renesse, relativement au corps des ingénieurs belges.
Il y a ici une chose étrange, c’est la manière dont les ingénieurs belges sont appréciés dans l’intérieur du pays. On ne leur rend pleine justice qu’à l’étranger. C’est ainsi que, dans presque tous les pays de l’Allemagne, on a demandé au gouvernement belge que nos ingénieurs pussent être chargés de l’examen des projets qui présentaient le plus de difficultés dans ces contrées. Je citerai notamment la Saxe, la Hesse électorale, les provinces rhénanes. On nous demande des ingénieurs, à cause de leur grande expérience, et aussi, il faut le dire, à cause du talent qu’ils ont montré dans la construction de notre chemin de fer. On peut l’affirmer, il n’existe pas à l’étranger de chemin de fer où les ouvrages aient été exécutés avec plus de soin et de talent, et qui offre généralement plus de conditions de sécurité que notre chemin de fer.
Je bornerai là mes observations, mais je n’ai pas pu laisser passer sous silence les réflexions que vous a présentées l’honorable M. de Renesse, parce qu’elles ne me paraissent pas justifiées, et qu’il me permette de le lui dire, parce qu’elles ne sont pas justes. Il ne faut pas qu’en Belgique on méconnaisse les grands services qui ont été rendus par le corps des ingénieurs dans la construction du chemin de fer, services auxquels, à l’étranger, on rend un hommage si complet.
M. de Renesse – Je ferai observer à M. le ministre des travaux publics que je n’ai pas attaqué le corps des ponts et chaussées. Je rends pleine justice aux hommes qui composent ce corps respectable et qui ont rendu de grands services au pays ; ceux que j’ai attaqués, ce sont les ingénieurs du chemin de fer qui ont dirigé les travaux du tunnel de Cumptich ; ce sont ces ingénieurs qui sont les coupables. Si l’on avait consulté le corps des ponts et chaussées…
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Il a été consulté.
M. de Renesse – Si du moins il y avait eu une surveillance sur les travaux, nous aurions eu une foule de travaux mieux exécutés. La preuve de cette mauvaise exécution est le malheur arrivé au tunnel de Cumptich. Si, au moment de la catastrophe, un convoi avait traversé le tunnel, il n’y aurait eu qu’une voix dans le pays pour condamner les ingénieurs qui ont présidé à des travaux si mal exécutés. On prodigue à ces messieurs des décorations, et on ne se fait pas faute de jeter par les fenêtres l’argent du peuple pour réparer leurs bévues.
Je le répète, je n’ai pas voulu attaquer le corps des ponts et chaussées ; tout le monde rend hommage aux connaissances et à la probité des hommes qui sont à la tête de ce corps ; loin d’avoir voulu attaquer le corps, je dis que si on l’avait chargé de la surveillance, nous n’aurions pas eu à déplorer des malheurs. Et, à propos de travaux, je demanderai s’il y a eu des procès-verbaux de réception ; peut-être n’y en a-t-il pas eu.
On ne peut conserver aucun doute sur la mauvaise construction du tunnel. Les parois n’avaient que deux briques et demi d’épaisseur. J’ai vu un honorable sénateur qui a été sur les lieux, et qui a reconnu que c’étaient de mauvais matériaux, que les briques n’avaient aucune consistance, et que la chaux était friable comme du sable.
M. de La Coste – Toutes ces questions se présenteront ultérieurement, soit lors de l’examen du projet de loi, soit lors de la discussion du budget des travaux publics ; si l’enquête sévère que j’ai demandée doit s’étendre aux causes de l’accident, je crois que M. le ministre des travaux publics doit se préparer à donner les explications que l’honorable préopinant provoque ; mais je crois aussi que le débat actuel ne peut continuer. J’appuierai donc la proposition de l’honorable M. de Brouckere, et qui tend au renvoi du projet à la section centrale du budget des travaux publics, avec invitation de s’en occuper le plus promptement possible.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président – Il vient d’être déposé sur le bureau une proposition. Conformément au règlement, cette proposition sera renvoyée aux sections.
M. le président – Je demanderai à la chambre si, conformément à ce qui a eu lieu pour les nominations du jury à la deuxième session de 1844 on fera un premier scrutin pour les membres titulaires et un second scrutin pour les suppléants.
M. de Chimay – Je propose de ne faire qu’un seul et même scrutin puisqu’il n’y a à nommer que six membres titulaires et six membres suppléants. Nous gagnerions du temps. (Adhésion.)
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Pour les nomination de la deuxième session de 1844, il y avait un renouvellement intégral à faire ; aujourd’hui, il ne s’agit plus que de renouveler les membres sortants ; on pourrait, dès lors, ne faire qu’un seul scrutin.
M. Dubus (aîné) – Il y a d’autant moins d’inconvénient à procéder de cette manière que le nombre des membres titulaires et des membres suppléants à nommer aujourd’hui n’est que la moitié du nombre des membres quoi ont été nommés par la chambre pour la deuxième session de 1844.
- La proposition de M. de Chimay est mis aux voix et adoptée.
En conséquence, il est procédé à un scrutin unique pur la nomination des membres titulaires et des membres suppléants des six sections du jury.
(page 805) Nombre de votants, 63
Majorité absolue, 32
Docteur en droit, M. Delcour a obtenu 48 suffrages ;
Docteur en médecine : M. Cranincx, 48 suffrages ;
Sciences : M. Kickx, 48 suffrages
Philosophie et lettres : M. Schwartz, 44 suffrages ;
Candidature en droit : M. Namur, 48 suffrages.
Candidature en médecine : M. Raikem, 48 suffrages.
Docteur en droit, M. Schollaert a obtenu 48 suffrages ;
Docteur en médecine : M. Hubert, 47 suffrages ;
Sciences : M. Cantraine, 47 suffrages
Philosophie et lettres : M. Burggraff, 46 suffrages ;
Candidature en droit : M. Orts, fils, 46 suffrages.
Candidature en médecine : M. Lombard, 47 suffrages.
En conséquence, ces messieurs sont proclamés, les six premiers, membres titulaires, et les six derniers, membres suppléants du jury d’examen pour l’année 1845.
« Art. unique. Frais de voyage de l’inspecteur général de la garde civique, des aides de camps qui l’accompagnent, et frais de bureau de l’état major ; achat, réparations et entretien des armes et équipements de la garde civique : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. unique. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement ou de courage : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. unique. Dotation en faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune, et pensions de 100 fr. par personne aux décorés de la croix de Fer, non pensionnés d’autre chef, qui sont dans le besoin : fr. 80,000. »
M. Savart-Martel – Je désire savoir si, dans ce moment, la chambre va s’occuper enfin des prétentions des légionnaires de l’empire.
A cet égard, je rappelle que, sur ma motion d’ordre, la chambre a déclaré qu’on s’occuperait de cet objet quand nous parviendrions au présent chapitre XV.
Il paraît que plusieurs légionnaires, fatigués de n’avoir aucune décision sur des demandes qui remontent à plusieurs années, sont intentionnés d’attraire l’Etat devant les tribunaux ; ce qui serait toujours fort désagréable, soit que les légionnaires aient raison, soit qu’ils aient tort.
Messieurs, quelles que soient mes sympathies en faveur des légionnaires, je ne veux point anticiper sur la discussion ; je réserve, à ce sujet, tous mes moyens ; mais je ne saurais m’associer à une politique qui aurait pour but une espèce de déni de justice, car, enfin, notre devoir est de répondre aux requêtes qui nous sont adressées.
M. de Garcia – Messieurs, toutes les fois que, par motion d’ordre, il s’est agi dans cette enceinte des intérêts relatifs aux réclamations des légionnaires de l’empire, on a demandé que cette discussion fût renvoyée à l’article du budget de l’intérieur concernant cette matière. Selon moi, pourtant, il est difficile qu’on puisse traiter cette question incidemment et à propos du budget.
Je pense néanmoins qu’on ne peut ajourner indéfiniment une question de cette importance à toutes les époques ; dans tous les pays, les membres de la Légion d’honneur ont fait la gloire de leur pays, et des localités qui leur ont donné le jour. Les droits qu’ils réclament, ils les ont acquis au prix de leur sang et en défendant le sol de la patrie. Ces droits peuvent ne pas reposer sur le strict droit, mais ils reposent sur l’honneur, et les dettes d’honneur sont aussi sacrées que toutes les autres. Quant à moi, je ferai tous mes efforts pour faire triompher, en partie du moins, leurs prétentions à charge du trésor belge. Je demanderai si le gouvernement a l’intention d’aborder la discussion de la loi dont la chambre est saisie, dans le plus bref délai possible.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, j’ai dit à la chambre que l’on pouvait considérer la question relative aux légionnaires sous deux points de vue : sous le rapport du strict droit, et sous le rapport de l’équité. Mon intention, et je crois que c’est aussi celle de la chambre, mon intention n’est pas de traiter aujourd’hui cette question comme question de droit. J’ai communiqué à la chambre des renseignements sous la date du 25 novembre 1844. Il résultait de ces renseignements qu’il existait en Belgique, y compris les légionnaires nommés dans l’intervalle du 30 mars 1814 jusqu’au 22 juin 1815 : 1 commandeur, 10 officiers, 261 chevaliers.
Le décès du commandeur (le lieutenant-général baron Ghigny) et de deux chevaliers (le colonel Vandenzande et le sieur Renard) à réduit ces nombres à 10 officiers, 259 chevaliers.
Mais 20 chevaliers qui ont été omis dans les état partiels fournis par MM. les gouverneurs, et un officier qui ne figurait que comme chevalier (M. de Stuers) ont soumis leurs titres depuis la présentation de l’état général précité ; d’autres se trouvent peut-être dans le même cas ; en présumant que leur nombre s’élève à une dizaine, on devrait compter qu’il existe en Belgique : 11 officiers et 290 chevaliers.
Si la législature allouait des fonds pour payer le courant de la dotation des légionnaires, il y aurait lieu de majorer de 38,000 fr. le crédit de 80,000 fr. demandé au chap. XV du budget pour les décorés de la crois de Fer et de la Légion d’honneur.
Arrêtons-nous un moment à l’autre question, celle du strict droit. Si la question était résolue en droit strict, droit en faveur des légionnaires, il faudrait payer l’arriéré non-seulement aux légionnaires, mais aux héritiers de ceux qui sont morts, car ces héritiers pourraient réclamer.
Pour payer l’arriéré de la dotation aux onze officiers et 290 chevaliers vivants, à partir du 1er janvier 1814 jusqu’au 1er janvier 1845, c’est-à-dire pendent 30 années, il faudrait :
Pour les officiers, à raison de 1,000 fr. pour chacun d’eux : fr. 330,000 ;
Pour les chevaliers, à raison de 250 fr. pour chacun : fr. 2,175,000.
Total : fr. 2,505,000
De cette somme, il faut déduire la dotation de 250 fr. par an, payée depuis 1835 jusqu’au 1er janvier à 162 chevaliers : fr. 405,000
L’arriéré s’élèverait donc à 2,100,000.
Si vous ajoutiez les réclamations des héritiers, vous arriveriez à 3,000,000 au moins.
On a fait d’autre propositions ; on a dit qu’on pourrait ne payer qu’à partir de 1840 de l’année qui a suivi la paix avec la Hollande, ou à compter de 1843, en prenant pour point de départ le traité du 5 novembre 1842. Si donc vous voulez allouer la somme nécessaire pour le courant, pour l’année, c’est 38 mille fr., qu’il faut ajouter au budget. Alors vous ne vous occupez que des légionnaires en vie. Si vous deviez payer l’arriéré, vous venez de voir où vous arriveriez dans les différentes hypothèses. Mais si vous décidez la question en équité, vous n’éteignez pas pour cela la question de droit, à moins que vous n’exigiez un désistement. Le recours resterait ouvert aux légionnaires devant les tribunaux.
Je tenais à donner ces explications et à indiquer les rectifications à apporter à l’état qui vous a été présenté le 25 novembre.
Ce que la chambre a fait jusqu’à présent est ceci : Elle alloue une somme pour les légionnaires…
Une voix – Nécessiteux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le budget dit : « Peu favorisés de la fortune ! »
Dans le nombre de ceux qui touchent la pension de légionnaire, il en est qui ont quelque fortune, qui sont fonctionnaires publics. On a interprété la disposition aussi favorablement que possible.
Vous faites de plus une chose que l’empire n’avait pas promise, vous donnez des pensions aux veuves des légionnaires.
Je pense qu’il ne faut pas aborder cette discussion aujourd’hui. Si la chambre le veut, elle peut mettre à l’ordre du jour la proposition de M. Corbisier ; mais je répète que, quoique nous fassions, ce n’est pas nous qui trancherons la question, le recours devant les tribunaux sera toujours ouvert.
M. Savart-Martel – Je fais observer à la chambre que ma question se borne à savoir si l’on s’occupera aujourd’hui de l’objet sur lequel j’ai pris la confiance d’appeler son attention. Si on en peut le faire en ce moment, on pourrait convenir d’un autre jour ; par exemple, à la fin du présent budget ; peut-être cela convient-il puisqu’il paraît que plusieurs membres ne sont point préparés.
M. de Theux – J’ai demandé la parole pour demander si déjà le procès a été intenté ; nous avons vu qu’on se réunissait dans cette intention.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne pense pas que le procès soit entamé, mais on a annoncé qu’on porterait l’affaire devant les tribunaux.
M. de Garcia – Mon intention n’est pas d’entrer dans le fond de la question. Je veux seulement faire une remarque sur les observations présentées par M. le ministre de l'intérieur. Il vous a dit : cette question peut être envisagée sous deux points de vue, au point de vue du strict droit et au point de vue de l’équité, de la munificence nationale. Messieurs, je crois que, dans le rapport qui a été fait sur la proposition de M. Corbisier, la commission qui avait été chargée de l’examen de cette proposition a envisagé la question à ce double point de vue ; car, si mes renseignements sont exacts, les membres de la commission chargée de l’examen de la proposition de l’honorable Corbisier se sont partagés ; les uns voulant reconnaître un droit absolu, et les autres n’y pouvant voir qu’un acte de munificence nationale. C’est ce partage, je crois, qui a retardé la solution de cette question.
Je crois que l’honorable M. Fallon était président de la commission.
Un membre – Il était rapporteur.
M. de Garcia – C’est égal, en cette qualité, il pourra nous donner quelques renseignements sur l’état de cette affaire, et je le prie de nous les donner. Au surplus, je désireras que ce rapport fût distribué.
Un membre – Il l’a été.
M. de Garcia – Je ne l’ai pas reçu.
(page 806) M. de Theux – C’était avant votre entrée à la chambre.
M. de Garcia – Dès lors rien n’empêche que la chambre mettre ce rapport à l’ordre du jour ; car voilà tout ce que je veux. Quand je m’occupe de l’impression du rapport, c’est uniquement pour que la question soit mise à l’ordre du jour le plus tôt possible, et qu’on fasse enfin justice sur une réclamation qui n’est restée que trop longtemps dans les cartons de la chambre.
M. de Brouckere – Je désire, comme l’honorable préopinant, que la chambre soit bientôt mise à même de discuter la proposition faite, dans le temps, par M. Corbisier, et sur laquelle l’honorable M. Fallon a fait un rapport ; mais tout le monde comprendra qu’il est impossible que nous discutions aujourd’hui la question de droit, qui est une des questions les plus ardues qui puissent se présenter et sur laquelle nous pourrons peut-être parler pendant plusieurs séances.
Selon moi, messieurs, il n’y a aujourd’hui qu’une seule question à examiner, c’est celle de savoir si nous voterons au chapitre XV, comme nous l’avons fait les années précédentes, une somme de 80,000 fr., ou bien si pour 1845 nous y ajouterons une somme de 38,000 fr. au moyen de laquelle on pourrait payer aux légionnaires qui existent aujourd’hui la rente à laquelle ils avaient droit du temps de l’empire. Je sais bien que si nous votions ce chiffre, ce ne serait pas prévenir les procès qui peut-être surgiront dans un délai plus ou moins rapproché. Ce n’est pas dans ce but non plus que je voterai cette somme de 38,000 fr., ce serait plutôt pour faire un acte d’équité. Convenez, messieurs, que ce serait un léger sacrifice que d’ajouter 38,000 fr. aux 80,000 fr. que nous votons annuellement, lorsqu’au moyen de ce vote nous pourrions contenter tout le monde, au moins pour l’avenir. D’un autre côté, j’émettrai une idée dont le gouvernement fera tel usage qu’il voudra. Peut-être obtiendrait-on, au moins de la plupart des légionnaires, le désistement à toute prétention pour le passé, en leur payant la rente courante à partir de 1845 ?
Eh bien, je crois que nous ferions là d’abord une chose exigée par l’équité et de plus une assez bonne opération ; nous empêcherions toute espèce de procès, nous ferions cesser toute espèce de réclamations…
M. de Garcia – Vous ne mettrez pas obstacle aux procès.
M. de Brouckere – Je sais très-bien que nous ne pouvons jamais empêcher les légionnaires, ni même un seul légionnaire d’attaquer le gouvernement, mais je crois que si une mesure semblable était prise, la plupart des légionnaires renonceraient à leurs prétentions.
M. Fallon – Voici, messieurs, quelle est la position de la chambre en présence des prétentions des anciens légionnaires de l’empire. En 1832, à l’occasion de la discussion du budget de la dette publique, M. Corbisier, qui était alors notre collègue, fit la proposition de porter au budget l’allocation nécessaire pour servir les traitements des membres de la Légion d’honneur. La chambre considéra cette question comme étant d’une assez haute importance pour faire l’objet d’une discussion spéciale. En conséquence, l’amendement de M. Corbisier fut écarté par la question préalable. M. Corbisier se conforma à la décision de la chambre et présenta un projet de loi tendant à faire porter au budget de la dette publique une somme de 170,000 francs pour payer les traitements des légionnaires pour le 2e semestre de 1830 et les années 1831 et 1832. D’après le tableau joint au projet de loi, la dépense annuelle à faire alors paraissait être d’environ 70,000 francs. Or, messieurs, comme on l’a déjà fait observer, 30 ans se sont écoulés depuis la chute de l’empire, et dès-lors si nous devions payer les arrérages, il faudrait au moins payer 2 ou 3 millions. Le projet de loi présenté par M. Corbisier fut pris en considération et renvoyé à l’examen de la section centrale. La section centrale fit son rapport et proposa à la chambre de payer les traitements, à partir de 1833, mais à la condition qu’il y aurait renonciation formelle à tous les arrérages. Cette proposition donna lieu à des discussions fortes longues, et qui furent reprises jusqu’à trois fois successivement. On avait d’abord été dominé par cette idée, généralement partagée, que la chambre, dans l’examen des prétentions dont il s’agissait, n’était appelée qu’à poser un acte de munificence et de générosité nationales. Plusieurs amendements furent proposés, mais trois de ces amendements seulement restèrent en instruction et existent encore. Le premier de ces amendements, et je crois que les légionnaires regrettent et regretteront de ne pas l’avoir accepté ; le premier de ces amendements a été déposé par l’honorable M. de Brouckere. D’après cet amendement on n’aurait payé que les légionnaires qui ont obtenu la décoration pour services militaires et qui ne jouissaient d’aucun traitement ou pension à charge de l’Etat supérieur à la somme de 1,200 francs. Le deuxième amendement, proposé par M. de Robiano et qui n’était qu’un sous-amendement à l’amendement de M. de Brouckere, tendait aussi à ne faire profiter de la rétribution que les militaires et pour autant seulement que leur fortune serait restreinte. Le troisième amendement, proposé par l’honorable M. Donny, tendait à ne faire aucune distinction entre les services civils et les services militaires, mais à accorder une pension de 250 fracs à tout membre de la Légion d’honneur qui se trouverait dans un état de gêne. Cet amendement fit naître quelque irritation sur les bancs de la gauche. Les honorables MM. Julien et Gendebien déclarèrent à la chambre, au nom des légionnaires, qui ceux-ci n’entendaient pas tendre la main à la législature ; qu’ils ne réclamaient pas une faveur, mais qu’ils exerçaient un droit, qu’ils exigeaient le payement d’une dette à la charge de l’Etat. En présence de ces déclarations, la chambre se trouva quelque peu embarrassée. Elle ajourna la discussion afin de pouvoir obtenir plus de lumières, elle ordonna qu’une commission serait formée dans son sein, afin de lui soumettre son avis, sur le point de droit.
Cette commission fut nommée et elle me fit l’honneur de me choisir pour son rapporteur. Le rapport fut présenté à la chambre en 1835.
La majorité de la commission fut d’avis que les légionnaires n’avaient aucune espèce de droit à exercer, non-seulement envers la Belgique, mais même envers le gouvernement précédent et envers la France, enfin envers qui que ce soit.
En attendant que l’affaire revînt à la discussion, le gouvernement prit l’initiative ; il adopta l’amendement proposé par l’honorable M. Donny ; et chaque année on porta au budget la somme nécessaire pour payer les légionnaires peut favorisés de la fortune.
Voilà où en est cette affaire.
S’il s’agissait de reprendre la discussion de la proposition de l’honorable M. Corbisier, c’est dans cet état que la discussion devrait s’ouvrir.
L’honorable M. de Brouckere vient de parler d’une proposition qu’il ne fait pas, mais à laquelle il serait disposé à adhérer. Ce serait de porter au budget 38,000 fr. pour payer les légionnaires sans aucune espèce de distinction.
Admettre cette proposition, ce serait prononcer notre condamnation formelle et volontaire, ce serait nous porter un grand préjudice si l’affaire allait devant les tribunaux.
Dans l’état actuel des choses, nous n’avons nullement à redouter les recours devant les tribunaux. Voilà trente ans qu’on nous menace, sans que nous le voyions arriver.
M. de Brouckere – Je présente l’amendement suivant :
« Dotation en faveur des légionnaires décorés avant le 30 mars 1814, moyennant désistement par eux de toute prétention aux arrérages antérieurs à 1845, des veuves de légionnaires peu favorisées de la fortune, et pension de 100 fr, par personne, aux décorés de la croix de Fer, non pensionnés d’autre chef, qui sont dans le besoin : fr. 118,000. »
La chambre me permettra de dire quelques mots à l’appui de cette proposition. (Parlez ! parlez !)
L’honorable M. Fallon craint qu’en adoptant un semblable amendement, la chambre ne compromettre les intérêts du pays vis-à-vis des membres de la Légion d’honneur qui seraient disposés à porter leurs réclamations devant les tribunaux. Je n’ai nullement cette crainte, parce qu’il serait bien reconnu que l’adoption de ma proposition n’emporterait aucune reconnaissance d’un droit quelconque de la part de la législature.
Si nous votions cette somme, ce serait uniquement par mesure d’équité, et parce qu’on pourrait payer ces pensions, au moyen d’un sacrifice qui ne serait pas très-considérable.
Nous avons voté pendant plusieurs années 80,000 fr ; il n’y a que 38,000 francs à ajouter pour faire cesser toute réclamation, quant à l’avenir, et je suis en outre convaincu que la plupart des légionnaires se désisteront de toute prétention pour le passé. Je serais charmé d’avoir, par ma proposition, prévenu des procès qu’il faut éviter autant que possible, quelque convaincu que nous soyons qu’ils doivent avoir une issue favorable.
M. Dumortier – Il est évident que les légionnaires ne sont nullement fondés à élever la moindre prétention à la charge de la Belgique. En effet, le traité des 24 articles met à la charge de la Belgique une dette de 5 millions de florins, et stipule que, moyennant le payement de cette dette, la Belgique est dégagée de toute espèce de dettes qui pouvaient incomber au royaume des Pays-Bas.
Il résulte de cette disposition du traité que, s’il y a des réclamations, ce n’est pas à la Belgique, mais au gouvernement des Pays-Bas qu’il faut les adresser.
Je suis charmé de présenter cette observation, parce qu’elle s’applique à une foule de cas sur lesquels nous aurons à revenir.
C’est ainsi que, dans la fameuse question des traitements d’attente, on vous demande des arriérés échus avant la signature du traité, quoique le traité stipule expressément que toutes les créances antérieures à la signature du traité restent à la charge des Pays-Bas. Dans tous les cas de cette nature, le gouvernement doit renvoyer les réclamants au royaume des Pays-Bas. J’insiste sur cette observation parce qu’elle s’applique non-seulement à l’objet en discussion, mais encore à une réclamation dont nous sommes saisis et dont nous aurons dans quelque temps à nous occuper.
J’arrive à la proposition de l’honorable M. de Brouckere. Il y est question de renonciation de la part des légionnaires. Je ferai remarquer que ce serait la renonciation à la négation d’un droit.
On propose d’augmenter le chiffre de l’article en discussion de 38,000 fr. Un honorable collègue fait remarquer qu’au moyen de cette augmentation, il sera pourvu à tout ce qu’il y a à payer pour l’avenir aux légionnaires. Mais je ferai remarquer que je ne vois pas dans le libellé que la dotation soit uniquement en faveur des légionnaires ou des veuves de légionnaires décorés avant la chute de l’empire…
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est entendu.
M. de Brouckere – C’est dans mon amendement.
M. Dumortier – Oui, mais ce n’est pas dans le budget. Les personnes décorées depuis l’empire ne peuvent, sous aucun prétexte, demander aucun subside, aucune pension à l’Etat.
Ensuite, il s’agit ici de veuves de légionnaires.
L’honorable M. de Brouckere va plus loin ; il parle d’orphelins…
M. de Brouckere – Il n’est pas question de cela dans ma proposition.
M. Dumortier – Soit ; mais alors c’est dans les développements de sa proposition que l’honorable membre a parlé d’orphelins, S’il s’en était agi, (page 807) j’aurais fait remarquer qu’il serait difficile que des enfants de légionnaires de l’empire fussent orphelins mineurs 30 ans après la chute de l’empire. Je suis charmé de voir que je m’étais trompé.
M. de Brouckere – L’honorable M. Dumortier veut-il me permettre de m’expliquer ?
M. Dumortier – Certainement !
M. de Brouckere – La somme serait destinée à payer en entier la rente des légionnaires, mais sans reconnaissance d’aucun droit pour le passé.
Quant aux veuves, elles n’auraient aucune espèce de droit ; on continuerait à payer à celles qui sont nécessiteuses le secours qu’on leur donne actuellement. Sous ce rapport, il n’y aurait rien de changé.
M. Dumortier – Je n’examinerai pas la question du droit ; je ne crois pas que ce soit le moment. S’il s’agissait de cela, il y aurait des observations très-sérieuses à présenter : c’est que la Belgique n’a plus, je crois, les domaines sur lesquels la pension des légionnaires était hypothéquée.
On nous dit, messieurs, qu’au moyen d’une augmentation de 38,000 fr., on complèterait la somme nécessaire pour payer la dotation à tous les légionnaires. Mais je pense qu’il y a erreur ; car en votant l’amendement de l’honorable M. de Brouckere, je crois que nous attribuerons aux légionnaires toute la partie du subside que nous avons votée jusqu’ici, qui est destinée aux décorés de la croix de Fer…
M. de Brouckere – Mais non. Je laisse aux décorés de la croix de Fer le subside qui leur a été attribué jusqu’ici.
M. Dumortier – Le chiffre actuel est de 80,000 fr. Combien faut-il pour les légionnaires ?
Un membre – 38,000 fr.
M. Dumortier – Je ne conçois pas ces chiffres ; évidemment ils ne sont pas suffisamment développés. Je crois avoir vu par le tableau que le subside nécessaire pour les légionnaires est de 118,000 fr.
M. de Garcia – Non, il est de 38,000 fr. au-delà de celui qui a été voté jusqu’ici.
M. Dumortier – Le chiffre voté jusqu’ici est de 80,000 fr. Que donne-t-on aux légionnaires et que donne-t-on aux décorés de la croix de Fer ?
M. de Brouckere – Je demande à donner un mot d’explication.
Je crois que M. Dumortier ne m’a pas écouté ; car je me suis expliqué bien clairement. Les décorés de la croix de Fer resteront dans la position où ils sont aujourd’hui ; il en sera de même des veuves de légionnaires.
Mais outre ces deux catégories, il y a la catégorie des légionnaires eux-mêmes. Un certain nombre d’entre eux reçoivent la rente de 250 fr. : ce sont ceux qui sont dans une position peu favorisée ; eh bien, j’ajoute 38,000 fr. aux 80,000 fr., et à l’aide de ces 38,000 fr. tous les légionnaires, sans distinction, recevront la rente à partir de 1845.
M. Dumortier – Je vous comprends très-bien ; mais cela ne répond pas à ma question, je voudrais savoir ce qui est porté au budget pour les légionnaires et ce qui y est porté pour les décorés de la croix de Fer. C’est le premier élément de cette question. Si nous voulons émettre un vote consciencieux, il faut savoir ce que nous votons. Je suis très disposé, messieurs,à voter quelque chose en faveur des légionnaires, mais je ne veux pas sacrifier ceux qui ont versé leur sang pour la révolution, pour nous constituer ce que nous sommes, et qui ont plus de droits à notre sollicitude que personne au monde.
Je désirerais donc avoir quelques explications sur les chiffres, et je prierai M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir nous les donner.
Messieurs, je vous ferai remarquer qu’il est une catégorie de veuves et d’orphelins qui mérite aussi toute notre sollicitude : ce sont les veuves et les orphelins des décorés de la croix de Fer. Je vous prouverai, par un exemple, combien leur position est fâcheuse. Je tiens en main une réclamation qui m’a été adressée par la veuve d’un blessé de septembre. Ce blessé de septembre, ayant reçu de blessures graves qui le mettaient hors d’état de travailler, avait reçu une modique pension de 200 francs. Il est mort et il laisse un orphelin qui, d’après les certificats que j’ai en main, est atteint d’infirmités incurables, qui le mettent dans l’impossibilité de pourvoir à sa subsistance. Voilà les certificats du bourgmestre de Bruxelles et des médecins qui l’attestent. Eh bien ! messieurs, cet orphelin, dont le malheur doit être attribué à la révolution qui lui a fait perdre son père, ne peut rien recevoir du gouvernement.
Il me semble, messieurs, que nous tous qui sommes ici les hommes de la révolution, nous devons faire quelque chose pour de pareilles infortunes. Je demanderai donc qu’on ajoute à la fin du libellé de l’article en discussion, ces mots : « à leurs veuves et orphelins peu favorisés de la fortune », et je propose d’augmenter le chiffre pour les décorés de la croix de Fer de 20,000 francs.
Quant aux légionnaires, j’éprouve pour eux une vive sympathie ; mais je voudrais qu’on n’agitât pas ici des questions de droit, et surtout des questions de droit rétroactives, qui pourraient engendre des dépenses de deux à trois millions.
- L’amendement de M. Dumortier et celui de M. de Brouckere sont appuyés.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, je demande l’impression de ces deux amendements. Je dois avouer qu’il m’est impossible de me prononcer en ce moment.
Hier, à la fin de la séance, j’ai demandé si l’on voulait discuter cette question ; de toutes parts on m’a répondu : Non. J’ai cru dès lors pouvoir me dispenser de l’étudier.
Je demande donc que le chapitre XV soit tenu en suspens jusqu’à la fin de la discussion du budget.
M. Verhaegen – J’avais demandé la parole pour une motion d’ordre. Je voulais aussi vous faire observer que la question était trop importante pour que nous puissions la discuter aujourd’hui. On n’a pas les éclaircissements suffisants ; on ne se comprend même pas.
- La chambre décide que la discussion sur le chapitre XV est tenue en suspens jusqu’après celle des derniers articles du budget.
« Art. unique. Frais d’exécution de la loi du 1er mai 1842, relative aux indemnités à accorder pour pertes causées par les événements de guerre »
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, j’ai à vous signaler un grave abus. Vous savez que la loi du 1er mai 1842 exige que ceux qui se croient des droits à des indemnités par suite des pertes résultant des guerres de 1830 et 1831, fassent élection de domicile à Bruxelles, en adressant leur réclamation au gouvernement. Cette élection de domicile est exigée pour la signification des actes de procédure qui pourraient intervenir, la commission de liquidation adresse à ces domicile ses arrêtés de liquidation accompagnés d’un bordereau.
Eh bien, le croiriez-vous, messieurs, des spéculateurs ont fait élire domicile à des habitants de nos campagnes chez des agents d’affaires, qui pour la transmission de ces arrêtés de liquidation aux intéressés exigent 20 à 25 p.c. Une personne de Louvain a payé 35 francs pour recevoir une indemnité de 160 fr. Une autre a payé 35 francs pour recevoir une indemnité de 100 francs. Une pauvre journalière a payé 2 fr. pour recevoir une indemnité de 7 fr. ; et remarquez que ces liquidations n’avaient donné lieu à aucune difficulté.
Je ne puis assez flétrir ces actes de piraterie, et il importe de les faire cesser au plus tôt. Quand une demande d’indemnité en est venue au point de faire l’objet d’un arrêté ; quand l’indemnité est définitivement fixée, il n’y a plus lieu à des actes de procédure, et rien n’oblige à transmettre les arrêtés au domicile élu.
Je prierai donc M. le ministre de l'intérieur de vouloir prendre des mesures pour que les pièces soient transmises aux intéressés par la voie administrative, par l’intermédiaire de MM. les gouverneurs et des commissaires d’arrondissement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable membre a fait remarquer avec raison que c’est la loi qui exige que les réclamants fassent élection de domicile à Bruxelles. Maintenant est-ce que les personnes chez qui ces réclamants élisent domicile, sont des agents d’affaires qui abusent de leur position ? jusqu’à présent je l’ai ignoré, mais je dénoncerai ce fait au commissaire du roi près de la commission de liquidation, et nous verrons quels moyens on peut employer pour faire cesser ce abus.
- L’article est adopté.
M. Delehaye – Messieurs, dans une précédente séance, j’ai prévenu M. le ministre de l'intérieur que je me proposais de lui demander quelles avaient été les considérations en vertu desquelles il avait accordé à la ville d’Anvers une portion aussi grande dans les sept millions de kilog. de café admis, dans la consommation, en réduction de droits ; et en vertu desquelles il avait cru devoir restreindre la part assignée aux deux Flandres.
Je lui ai dit que, d’après moi, la répartition faite par le gouvernement n’était justifiée en aucune manière ; qu’elle était basée sur des considérations fausses, et que, de cette manière encore, le gouvernement avait méconnu la justice distributive, qu’il devrait toujours prendre pour guide. Je demanderais donc au gouvernement pourquoi il a cru ne devoir accorder que 950,000 kilog. au port de Gand, qui doit pourvoir à la consommation des deux Flandres et d’une partie du Hainaut ; alors qu’il accorde plus de 4 millions au port d’Anvers. La ville de Gand a fortement protesté contre une pareille disposition ; elle n’y a vu qu’un mépris de la justice distributive. Nous avons pensé qu’il faut nécessairement prendre en considération le nombre d’habitants à la consommation desquels chacun des ports doit pourvoir. Lorsque l’exception des 7 millions de café a été admise, le gouvernement devait considérer qu’il ne s’agissait là que des intérêts des consommateurs belges, et qu’il ne s’agissait nullement de l’exportation des cafés pour la consommation étrangère.
Eh bien, messieurs, les deux Flandres ont une population de 1,400,000 habitants, le tiers du royaume, et, indépendamment de cela, Gand fournit encore une partie du Hainaut. Il fallait donc, évidemment, accorder au port de Gand une part beaucoup plus forte. Le gouvernement a été guidé par des considérations d’une tout autre nature, considérations qu’il ne saurait justifier.
Au 27 septembre dernier, Gand avait déjà reçu 406,000 kilog. de café, qui lui avaient été assignés ; et, à la même époque, Anvers n’en avait encore reçu que 893,000 kilog.. Mais remarquez, messieurs, que, de ces 893,000 kilog., Gand était venu en prendre 297,600 kilog., c’est-à-dire que, pour suffire à notre consommation, nous avons été obligés ‘emprunter à Anvers 297,000 kilog., alors qu’Anvers n’avait pas pu consommer la part qui lui était attribuée.
Indépendamment de cela, et le fait est constant, les honorables députés d’Anvers ne pourront pas le contester, indépendamment de cela, le commerce de Gand avait déjà acheté en Hollande une partie notable de café qui ne pouvait arriver que dans le semestre suivant, c’est-à-dire que les ordres donnés pendant le dernier semestre de 1844 ne pourront être remplis (page 808) qu’en 1845, parce qu’en 1844 notre part était déjà absorbée.
Vous voyez donc, messieurs, que de toutes les manières Gand a été singulièrement froissé, et quand je parle ici de Gand, ne croyez pas qu’il s’agisse seulement des intérêts de cette ville, il s’agit de l’intérêt des deux Flandres et d’une partie du Hainaut qui viennent s’approvisionner à Gand.
Remarquez, messieurs, qu’il est tout à fait de l’intérêt du pays de faciliter les relations entre le Hainaut et les Flandres. C’est en effet dans les Flandres que le Hainaut vient déverser une partie des produits de ses houillères.
Eh bien, par suite de la répartition du gouvernement, ces échanges sont entravés, puisque les deux Flandre seules consomment plus de deux fois la partie de café qui été assignée au port de Gand.
Dans une précédente séance, M. le ministre des finances a donné à entendre que l’on avait pris en considération les arrivages antérieurs au vote de la loi. Mais remarquez, messieurs, que pendant les années qui ont précédé le vote de loi, le canal de Terneuzen n’était pas navigable, et que par conséquent les arrivages du port de Gand était beaucoup au-dessous de ce qu’ils doivent être. Depuis que le canal de Terneuzen est dégagé d’une partie des obstacles qui entravaient la navigation, le port de Gand a reçu presque autant de cafés que le port d’Anvers, et nous en aurions reçu davantage encore si le port d’Anvers n’était pas favorisé à notre détriment par la répartition que le gouvernement a faite.
Je prie donc M. le ministre de l'intérieur, non pas de justifier la répartition, car cette justification est impossible, mais de revenir à une répartition plus équitable, de faire droit non-seulement aux réclamations faites par la ville de Gand, mais à celles qui vont surgir de toutes les parties du pays qui s’approvisionnent à Gand ; qu’il me soit permis, en finissant, d’invoquer une dernière considération. Pourquoi a-t-on admis l’exception ? pour faciliter l’échange des produits de Liége contre les produits hollandais. Cette considération est fondée. Mais ne voyez-vous pas, messieurs, que le même motif milite en faveur du port de Gand, qui doit échanger les produits importés contre ceux que lui expédie le Hainaut, c’est en échange des cafés, et des cafés importés aux droits réduits que le Hainaut doit chercher à nous livrer la houille.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, la question est celle-ci : Les 7 millions de café provenant des entrepôts hollandais, admissibles à un droit de faveur, comment la répartition doit-elle en être faite ? Doit-elle se faire, je dirai a priori, eu égard au nombre de consommateurs qui peuvent correspondre aux bureaux d’entrée ou bien doit-elle se faire en tenant compte des faits anciens, antérieurs à la loi dont il s’agit ?
Lorsque l’exception a été introduite dans la loi dite des droits différentiels, on a entendu que la répartition se ferait eu égard aux faits anciens, qu’il s’agissait de respecter ce qu’on appelait le statu quo. L’honorable membre a senti lui-même que s’il se plaçait à ce dernier point de vue le gouvernement serai justifié. Je crois, messieurs, devoir faire un appel à vos souvenirs et me placer précisément à ce point de vue.
J‘ai sous les yeux le tableau des arrivages de 1841 à 1843 et les répartitions qui ont été faites d’abord par l’arrêté du 5 septembre 1844, ensuite par l’arrêté du 31 décembre 1844 pour la présente année 1845. Voici les chiffres de ce tableau : Importation, moyenne annuelle de 1841 à 1843 : Liège, toute la province, y compris les bureaux de la province de Luxembourg, par lesquels le café s’importe : 1,344,917 kil. ; Gand : 917,496 kilog. ; Anvers : 4,828,476 kilog. Total : 7,090,889 kilog.
Vous voyez, messieurs, que cette moyenne excède les 7 millions, s’environ 100,000 kilog.
Nous pourrons tout à l’heure examiner qui doit supporter cette perte sur la répartition.
Voilà pour le passé. Voici maintenant la répartition que le gouvernement a faite par l’arrêté du 5 septembre.
A Liége, qui recevait au-delà de 1,300,000 kilog., nous avons assigné 1,200,000 kilog. ; à Gand, qui ne recevait que 917,496 kilog., nous avons assigné 950,000 kilog.
A Anvers, qui recevait 4,828,476 kilog., nous avons assigné 4,850,000 kilogrames.
Ainsi, messieurs, la perte d’environ 100,000 kilog., dont j’ai parlé tout à l’heure, c’est la province de Liége qui l’a supportée. Il fallait bien retrouver le chiffre de 7 millions de kilog.
Voici la nouvelle répartition faite par l’arrêté du 31 décembre.
En ce qui concerne Gand qui, comme je le disais tout à l’heure, recevait 917,496 kilog., nous avons maintenu l’arrêté du 5 septembre, nous lui avons conservé la quantité de 950,000 kilog. montant de l’excédant des importations sur le total de 7 millions. Il nous a semblé que cette perte devait être supportée par la ville d’Anvers, et nous avons assigné à la province de Liège 1,500,000 kilog. au lieu de 1,200,000, quantité qui lui était assignée par l’arrêté du 5 septembre. Par suite de cette modification la quantité de 4,850,000 kilog. , accordée précédemment à Anvers, a été réduite à 4,550,000 kilog.
Voilà, messieurs, la justification du dernier arrêté. Je crois qu’il était impossible de faire une meilleure répartition. Si l’on veut une répartition toute nouvelle basée sur le nombre des consommateurs, alors je dis qu’on bouleverserait entièrement la disposition de la loi du 21 juillet.
Ainsi, messieurs, la raison pour laquelle l’honorable membre qui m’a interpellé n’est pas d’accord avec le gouvernement, c’est qu’il se place à un autre point de vue que le gouvernement.
M. Cogels – Ainsi que vient de le dire M. le ministre de l'intérieur, lorsqu’il s’est agi d’accorder l’exemption des droits à 7 millions kil. de café importé de la Hollande, on n’a pas voulu accorder une faveur à telle ou telle localité, il s’agissait de faire un sacrifice en faveur de la Hollande. Vous vous rappelez tous, messieurs, que lorsque la question a été discutée, on a voulu non pas accorder une faveur nouvelle à une localité quelconque, mais seulement maintenir le statu quo. C’est dans ce sens que les députés de la province de Liége ont réclamé, et on a dit alors qu’on serait généreux à leur égard. Sous ce rapport, les promesses ont été tenues, car on a accordé à Liége un peu plus que cette place n’avait auparavant, on a accordé à Gand ce que Gand possédait, et l’on a retranché quelque chose à Anvers, c’est-à-dire à la seule place qui fît alors opposition à la mesure.
Maintenant si je veux bien suivre l’honorable M. Delehaye sur le terrain où il s’est placé, si je veux tirer contre la ville de Gand profit de l’ouverture du canal de Terneuzen, je ferai à l’honorable membre une seule question. Quelle est la proportion des cafés ne jouissant d’aucune espèce de faveur que Gand reçoit ? Et que l’honorable membre nous dise ensuite quelle est la proportion des mêmes cafés reçus d’Anvers ? Peut-être alors y aura-t-il moyen de nous mettre d’accord. Gand, qui a reçu 950,000 kilog., pourrait bien voir sa part réduite à 300,000 kilog.
Au reste, tout le monde se rappelle les considérations de haute politique, de force majeure, qui ont engagé la chambre à voter l’exception dont il est question aujourd’hui, et qui n’est d’ailleurs que temporaire. Il est bien certain que si cette lutte entre les différentes villes comprises dans la répartition devait se perpétuer, il n’y aurait qu’un moyen d’y mettre un terme, ce serait, à l’expiration de la faveur, de ne plus la renouveler ; et moi-même alors, je crois l’avouer, je serais fort disposé à retiré le consentement que j’ai cru devoir donner dans un moment d’urgente nécessité.
M. Delehaye – La chambre se rappellera que l’exemption pour les cafés a été primitivement demandée par les députés de Liége. Dans le principe il ne s’agissait, en effet, que d’une seule chose : c’était de permettre aux bateliers de la Meuse d’échanger leurs produits contre les produits de la Hollande, contre les cafés. On a craint qu’au moyen du système des droits on n’attirât à Anvers ou à Gand tous les cafés venant de la Hollande, et que dès lors on ne rendît impossible l’échange des produits de Liége contre les produits de cette nature.
Ce fait une fois admis, il ne fallait introduire d’exception, quant aux cafés, que pour la consommation de Liége. Et certes, si le gouvernement s’était borné aux 1,500,000 kilog. de café pour Liége, j’aurais probablement donné mon assentiment à la mesure dont Liége seule aurait été appelé à jouir. Nous ne contestons, sous aucun rapport, la part qui a été accordée à Liége. Nous concevons très-bien que le gouvernement ait été jusqu’à accorder 1,500,000 kilog. à Liége, puisque cette quantité représente sa consommation.
Mais en ce qui concerne les dispositions adoptées pour Gand et Anvers, je dirai qu’on ne pouvait en aucune façon prendre en considération le statu quo, parce que jamais la chambre n’a entendu se prononcer sur ce statu quo. S’il fallait prendre ce statu quo en considération, il était parfaitement inutile de s’imposer de grands sacrifices pour obtenir la liberté de navigation sur le canal de Terneuzen. Pourquoi s’est-on décidé à faire ces sacrifices ? Pour que Gand pût se relever de la position médiocre où cette place se trouvait, pour qu’elle pût devenir une ville commerciale. Si on voulait laisser la ville de Gand dans l’état où elle était, il était fort inutile de faire ces grandes concessions à la Hollande.
On conçoit fort bien que Gand ne reçût que 900,000 kilog. de café, alors que la navigation du canal de Terneuzen était hérissé de difficultés. Mais aujourd’hui cet état de choses est changé. Vous avez réduit les droits de consommation dont les cafés se trouvent frappés, ce sont les consommateurs en faveur desquels vous avez accordé cette réduction. Quels sont les consommateurs qui s’approvisionnent à Gand ? Ce sont les habitants des deux Flandres et d’une partie du Hainaut.
Voyez la position dans laquelle on nous place ; on nous oblige, nous, commerce de Gand, d’aller prendre à Anvers, et remarquez-le bien, chez des commissionnaires, une partie de notre consommation que nous pourrions (p. 809) obtenir chez nous à meilleur compte. Ainsi, l’on fait une exception réelle en faveur d’Anvers ; on perd de vue que l’exception n’a été admise que dans l’intérêt des consommateurs.
Et ici, je dois m’étonner du raisonnement de M. le ministre de l'intérieur, raisonnement auquel s’est associé l’honorable M. Cogels ; M. le ministre dit : « Vous n’avez eu d’autres bases que le statu quo. » Mais pour maintenir ce statu quo, fallait-il, je le répète, s’imposer tous ces sacrifices au moyens desquels on espérer faire du port de Gand un port important ; fallait-il admettre une exception qui a été repoussée par l’honorable M. Cogels lui-même ?
M. Cogels – Je l’ai défendue et votée.
M. Delehaye – Soit ; je l’ai combattue, et je n’ai pas émis un vote, parce que j’étais absent. Mais si l’honorable M. Cogels a voté alors pour l’exception, c’est que probablement il avait déjà alors la perspective d’obtenir pour Anvers une part de 4,500,000 kilog. Je commence à concevoir pourquoi un si chand partisan des droits différentiels a fait si bon marché de l’article « cafés », qui était le plus essentiel aux yeux des membres de la chambre qui donnaient leur adhésion au système des droits différentiels.
Qu’il me soit permis de présenter une dernière considération : la chambre a voté récemment un convention avec l’Allemagne. Personne n’a pu prouver que cette convention procure un seul avantage aux intérêts industriels des Flandres ; les Flandres ont payé les avantages que les autres provinces, et surtout Anvers, ont obtenu. N’était-ce donc pas là un motif pour le gouvernement, s’il avait voulu être juste, de diminuer la part d’Anvers, et d’augmenter celle de Gand ; de réparer ainsi un peu le mal que le traité a fait aux Flandres. J’ai dit.
M. Manilius – Messieurs, après les explications si précises de mon honorable collègue et ami M. Delehaye, la chambre est en état d’apprécier la répartition qui a été faite par le gouvernement. Du reste, il n’y a plus moyen de revenir là-dessus ; mais, pour le futur, j’ai à présenter des observations.
M. le ministre de l'intérieur vous a indiqué le chiffre des importations faites à Liége, à Gand et à Anvers depuis 1841 jusqu’en 1843. Je ferai observer à M. le ministre qu’il n’a pas tenu compte de la position respective de ces trois places. Anvers et Liége n’ont pas vu changer leur situation depuis lors ; mais Gand n’est plus dans la même situation. Cette ville n’est en possession de son canal, d’une manière plus ou moins libre que depuis le traité de 1842 ; je dis d’une manière plus ou moins libre, car, à l’heure qu’il est, elle n’est plus dans la possession complète du canal.
D’après ce traité, il faut un canal latérale du suation. Ce canal, qui aurait déjà dû être terminé, est loin de l’être, grâce à une indifférence de la part du gouvernement hollandais, qui est loin d’être flatteuse pour la Belgique. Les travaux ont été conduits de telle manière qu’on savait d’avance qu’il ne serait pas achevé pour l’époque prescrite. Le délai est effectivement écoulé.
Puisque je soulève cette question, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si on paye régulièrement les sommes à acquitter de ce chef.
Quant à la répartition des 7 millions de café, je recommanderai à M. le ministre, après qu’il aura été donné satisfaction au grief relatif au canal de Terneuzen ; je lui recommanderai, dis-je, de faire alors une répartition qui soit plus en harmonie avec la situation normale de la place de la ville de Gand, situation normale qui sera le fruit de la libre jouissance du canal.
Je dirai aussi à l’honorable M. Cogels que l’exception pour le café n’a été faite ni pour Anvers, ni pour Gand, mais bien pour la Meuse. Or, si l’on a voulu étendre cette exception à d’autres places, c’est par rapport au chiffre porté à 7 millions ; c’est par égard pour une considération diplomatique que je ne veux point qualifier ici.
D’ailleurs, il était équitable de partager entre Anvers et Gand dans la proportion des populations, car pour l’Allemagne, Anvers n’a rien à prétendre. C’est Liége qui a réclamé dans l’intérêt de la navigation de la Meuse. Quant au placement des cafés, Gand peut élever autant de prétentions qu’Anvers, car nous avons des relations suivies avec l’intérieur, avec le Brabant et le Hainaut, et les deux provinces des Flandres ont bien autant d’importance qu’Anvers. Je prie M. le ministre, dans la répartition de la quantité de café à importer au droit réduit, d’avoir égard à la nouvelle situation où se trouvera Gand après l’achèvement du canal de suation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le traité du 5 novembre 1842 stipule en faveur de la Hollande, au sujet du canal de Terneuzen, une rente ordinaire et une rente extraordinaire. La rente ordinaire se paye déjà ; mais la rente extraordinaire, qui viendra se joindre à la première, n’est payable que quand tous les travaux seront achevés. Voilà la réponse à la dernière observation de l’honorable préopinant.
La Hollande a mis la plus grande diligence dans l’exécution de ces travaux ; il est d’ailleurs de son intérêt qu’ils soient terminés le plus tôt possible, car elle ne touchera la rente extraordinaire que lorsque les travaux du nouveau canal latéral seront achevés.
M. Cogels – La mémoire de l’honorable M. Delehaye l’a mal servie pour ce qui regarde la discussion de la loi des droits différentiels. Tour le monde se rappellera que l’exception en faveur des cafés à reçu l’assentiment unanime de la chambre, une seule voix exceptée. Ce vote a eu assez de retentissement pour qu’on ne l’ait pas oublié. L’honorable membre m’a représenté comme un défenseur très-chaud des droits différentiels. J’en ai été au contraire un défenseur très-tiède, presque glacé, à tel point que j’ai constamment exprimé mes doutes sur les résultats qu’auraient pour notre commerce la loi des droits différentiels, et que finalement je me suis abstenu quand il s’est agi de voter la loi
Voilà ce qui s’est passé quant à la loi des droits différentiels. Ceci m’explique comment l’honorable membre a oublié toutes les considérations qu’on a fait valoir quand on a demandé l’exception, et qui sont d’accord avec celles que M. le ministre de l'intérieur a exposées aujourd’hui. Je ne puis répéter qu’une seule chose : c’est qu’Anvers désirerait qu’il n’y eût pas d’exception et qu’il y eût libre concurrence entre toutes les villes de la Belgique.
Si pour le café Java, Anvers avait la part proportionnelle qu’elle a pour les cafés Brésil et les cafés St-Domingue, je crois que Gand non plus que Liége n’aurait lieu de s’en applaudir. Anvers, soumise au principe d’exception qui a été admis, consent encore à se plaindre à la réduction qu’elle a subie, car ainsi que le ministre l’a expliqué, c’est à Anvers seule qu’on a imposé une réduction. Le statu quo a été maintenu pour Gand, la position de Liége a été améliorée.
M. de Saegher – Messieurs, est-il bien vrai, ainsi que le soutient M. le ministre de l'intérieur, que dans la répartition des 7 millions de café à importer au droit réduit, il faille uniquement tenir compte des faits antérieurs de maintenir le statu quo tel qu’il existait au moment du vote de la loi sur les droits différentiels ? C’est ce que nous ne pouvons admettre. Voyons ce qui s’est passé lors de la discussion de cette loi. Il résulte de cette discussion que l’exception relative au café a été adoptée dans l’intérêt de nos relations avec la Hollande, dans l’intérêt de la province de Liége, en en troisième lieu, dans l’intérêt des consommateurs.
En effet, pour démontrer la nécessité de l’exception, M. le ministre nous a prouvé, dans la séance du 23 mai dernier, que nous ne pouvions aller prendre le café hollandais dans les colonies hollandaises, que nous le recevrions des entrepôts hollandais, à des droits très-élevés. Il disait encore que, malgré ces droits élevés, nous n’aurions pu nous passer de la consommation du café Javas auquel nous étions habitués, par conséquent, que c’était dans l’intérêt des contribuables, que le droit serait réduit. C’est donc aussi, comme je le disais tantôt, dans l’intérêt du consommateur que l’exception a été établie.
Maintenant, messieurs, il est à remarquer que ces sept millions forment la presque totalité de la consommation qui se fait en Belgique de café Java ; que ces sept millions sont exclusivement destinés à la consommation des habitants de la Belgique.
Dès lors, n’est-il pas évident que dans l’intérêt des consommateurs belges, il faut répartir le café qui peut entrer au droit réduit en proportion des consommateurs qui viennent s’approvisionner dans les différents ports entre lesquels la répartition doit se faire et qu’ainsi Gand aurait dû obtenir une part beaucoup plus forte puisque la population des deux Flandres, soit plus du quart de la population du royaume, vient s’y approvisionner. La question qui nous occupe peut être posée de cette manière : en consultant l’esprit de la loi, est-ce pour favoriser un port au détriment de l’autre que l’exception a été établie ? Or, il me paraît évident qu’il n’est entré dans l’intention de personne de faire un avantage à un port au détriment de l’autre ; C’est cependant ce qui arriverait si l’exception relative aux sept millions de café devait continuer à être appliquée comme elle l’a été jusqu’ici.
En effet, vous le savez, messieurs, les cafés Java s’achètent en Hollande aux ventes de la société de commerce. Ces cafés sont introduits par des bateaux servant d’alléges, et par les eaux intérieures. Des négociants de Gand vont s’approvisionner directement en Hollande. Mais avec la répartition actuelle, il leur est impossible de s’approvisionner en Hollande au-delà de 900,000 kilog. qui leur ont assignés par l’arrêté qui nous occupe ; pour le restant, quels que soient les besoins de la consommation, les besoins de leurs relations avec la Hollande, ils sont obligés de s’adresser aux commissionnaires d’Anvers ; ils ne peuvent pas s’adresser directement à la Hollande. Je le demande, était-ce là l’intention de la chambre au moment où l’exception a été établie. Voyez l’injustice ! les arrivages à Gand augmentent de jour en jour ; il y a aujourd’hui un service de toutes les semaines entre Gand et Rotterdam, depuis quelque temps ; cependant, vous voudriez maintenir le statu quo quant au café. Les navires ne peuvent pas introduire au-delà de 900 mille kil. Quelles que soient les relations plus nombreuses qu’on puisse établir avec la Hollande, il est donc impossible que le port de Gand prenne du développement, pour ce qui concerne le café java. Cela est-il admissible ? Non, sans doute ; les résultats le démontrent.
C’est ainsi qu’au mois de septembre 1844, la ville de Gand avait déjà absorbé la quantité entière qui lui était allouée, tandis qu’Anvers avait encore une grande partie de la sienne. Nous espérons que, pour la répartition prochaine, le gouvernement voudra bien prendre ces observations en considération et faire une répartition plus juste entre les différents ports.
M. Desmaisières – J’ai demandé la parole pour faire en quelque sorte, à l’exemple de l’honorable M. Manilius, mes réserves pour l’avenir. Messieurs, la base adoptée par le gouvernement pour la répartition des sept millions de café à importer de la Hollande au moindre droit, me paraît essentiellement vicieuse. Certainement il faut prendre en considération, dans cette répartition, les arrivages qui ont lieu dans les trois ports qui sont appelés à prendre part à cette importation privilégiée ; mais on conçoit que si cependant il s’opère des changements dans les moyens d’arrivage de ces différents ports, il faut aussi les prendre en considération, alors surtout que les moyens antérieurs d’arrivages ne se trouvaient pas en rapport avec l’importance respective des marchés auxquels le commerce de chacun de ces ports est en situation de pouvoir livrer aux conditions les plus avantageuses les cafés importés à la faveur d’un droit moindre. Or, messieurs, depuis le traité fait avec la Hollande, de grands changements ont eu lieu dans les moyens d’arrivages, par le canal de Terneuzen, vers Gand. Bien (page 810) que le canal latéral pour évacuer les eaux des terrains bas ne soit pas encore construit, les arrivages augmentent journellement.
Eh bien, qu’arriverait-il si cependant on continuait à ne pas tenir compte de l’importance du marché de chacun des ports de Liége, Gand et Anvers, si on continuait à prendre pour base unique de la répartition les arrivages en café qui ont eu lieu précédemment ?
Il arriverait que, bien que les arrivages généraux du commerce par le canal de Terneuzen augmenteraient, ceux de café Java n’augmenteraient pas ; Anvers aurait toujours la faveur d’introduire 4 millions 550 mille kil. au moindre coût, ce qui obligerait, comme cela a déjà lieu actuellement, les négociants de Gand d’aller en chercher à Anvers, parce qu’à raison du moindre coût payé par le commerce d’Anvers ils le trouveraient là à meilleure marché que s’ils le tiraient directement de la Hollande.
Vous voyez qu’il est nécessaire de prendre en considération pour la fixation de la quantité de café Java, que le commerce de Gand peut importer au moindre droit, non la quantité des arrivages en café Java pour le canal de Terneuzen, mais l’augmentation des arrivages du commerce en général. Et cela parce que ces arrivages plus considérables du commerce en général prouvent qu’il y a plus de moyens de faire arriver ces cafés à Gand, qu’il n’y en avait auparavant.
Maintenant, nous devons espérer, malgré les retards apportés au canal latéral pour l’évacuation des eaux des terrains bas de la Zélande, que dans le cours de cette année, vers le mois de mai ou de juin, ce travail sera terminé, et que la navigation par le canal de Terneuzen pourra prendre tout le développement qu’elle comporte.
Il résulte de tout ceci que la part de Gand dans l’importation du café Java, maintenue à 950 mille kil. pour 1845, doit se trouver au-dessous du chiffre réel qui devrait être assigné à ce port. J’aurais désiré que le gouvernement ne fît cette répartition que pour la moitié de l’année ; afin de pouvoir juger ensuite si pendant l’autre moitié de l’année, le port de Gand ne peut pas avoir une part plus grande, à raison de ce que la navigation du canal de Terneuzen doit prendre un plus grand développement à la suite de l’exécution du canal latéral.
Je fais donc mes réserves, en ce qui concerne la part attribuée au port de Gand. Il est certain que quand le canal latéral sera construit, la navigation du canal de Terneuzen, qui prend déjà beaucoup d’accroissement, en prendra davantage, et que par conséquent, il lui deviendra possible de fournir à toute la consommation du marché de Gand, qui se compose des deux Flandres et d’une partie du Hainaut. Il serait donc injuste de ne pas attribuer dorénavant au port de Gand une plus grande part dans la quantité de café importée à des droits moindres.
M. Eloy de Burdinne – Comme probablement nous serons dans le cas de voter des augmentations, sans vous faire des propositions formelles, je crois pouvoir vous faire quelques observations sur le chapitre en discussion.
Je ne vous parlerai ni de l’art. 1er, ni de l’art. 2. Mais j’aurai quelques observations à faire sur l’art. 3.
Je vois d’abord 65,000 fr. qu’on donnait pour l’exportation de fabricats cotonniers de Gand. Cette dépense a été faite pendant plusieurs années, et, si mes renseignements sont exacts, parfaitement en pure perte. Je remercie le gouvernement d’avoir supprimé cette dépense ; je le prierai d’examiner attentivement grand nombre de dépenses faites prétendument en faveur de l’industrie et du commerce et de s’assurer si ces dépenses ne sont pas aussi inutiles que celles qu’on faisait pour encourager les exportations de l’industrie cotonnière.
L’art. 3 est relatif à une dépense de 45,500 fr., pour rédaction et publication de la statistique. Je trouve cette dépense considérable, surtout quand je fais attention qu’au ministère des finances il y a aussi une statistique qui nous coûte énormément. On pourrait trouver moyen de nous donner de la statistique à meilleur marché. Je crois qu’on pourrait limiter cette quantité de chiffres qui, pour la plupart, nous induisent en erreur, et ne nous font pas connaître l’exacte vérité sur ce qui se fait en Belgique.
Au surplus, je vous ferai une observation : Ces statistiques ne sont utiles qu’autant qu’elles sont parfaitement exactes.
Je me suis souvent permis de citer à l’appui d’un raisonnement, lorsqu’il s’est agit de la balance commerciale ou de tout autre objet, des chiffres de la statisique, que me répondait-on ? la statistique ne rend pas les choses exactement, elle se trompe, elle ment. On vous a dit que le café est à 1 fr. 50 le kilog. tandis qu’il n’est qu’à 1 fr. Or, je vous le demande, si la statistique est aussi peu exacte, pourra-t-elle jamais nous servir à quelques chose ?
Ce chapitre comprend un article ainsi conçu :
« Encouragement pour la navigation à vapeur entre les ports belges et ceux d’Europe, ainsi que pour la navigation à voiles, sans que dans ni l’un ni l’autre cas, les engagements puissent obliger l’Etat au-delà du crédit alloué pour 1845, et sans que les subsides puissent excéder 40,000 fr ; par service, 115,000 fr. »
Il y a là 15,000 fr. d’augmentation, c’est une charge extraordinaire. Je demanderai aux personnes qui ont plus de connaissances que moi en fait de commerce si cette dépense donne les bons résultats qu’on a droit d’en attendre, car une dépense de 115,000 fr. devrait donner un bien-être au moins équivalent. Personne n’est plus à même de satisfaire à ma demande que les défenseurs du commerce. Quant à la prime de 40,000 fr. pour construction de navires, j’ai déjà fait remarquer que c’est un cadeau fait à une autre industrie ; je ne conçois pas comment on accorde des primes de ce genre, quand on n’en accorde pas pour la construction d’instruments aratoires. Mais, dira-t-on, cela regarde une industrie dont nous ne nous soucions guère.
Nous avons ensuite une allocation de 95,000 fr. pour encourager la pêche nationale. Loin de percevoir quoi que ce soit sur cette industrie, on lui jette à pleines mains des subsides qui s’élèvent aujourd’hui à 95,000 fr. On avait commencé par donner 40,000 fr. Nous sommes en progrès ; cette année on donne 95,000 fr. l’an prochain, on nous demandera sans doute davantage.
Je veux protéger la pêche comme les autres industries ; je voudrais donc qu’on ne lui accordât pas de subside, mais que, tout en maintenant l’exception de tout droit sur le poisson provenant de la pêche nationale on doublât le droit sur le poisson provenant de la pêche étrangère.
Ainsi, je donnerais une protection suffisante à notre pêche. Mais cela ne conviendrait pas au commerce ; il n’aime pas les droits élevés sur les produits de l’étranger. A chacun son affaire et son état.
Voilà comment j’entendrais protéger nos nationaux qui s’occupent de pêche maritime. On trouve plus simple de puiser dans la poche du contribuable.
Je ne vous ferai pas de propositions, mais j’appelle l’attention de la chambre sur les moyens de faire des économies à ce chapitre.
On a proposé, au commencement de la séance, une augmentation en faveur des légionnaires mais si vous augmentez la dépense, il faut augmenter les recettes, ou faire des économies. Sans quoi on vous répondra comme on m’a répondu au sujet de la proposition relative aux chemins vicinaux : Vous allez déranger l’équilibre de nos finances.
L’honorable auteur de la proposition relative aux légionnaires doit être de mon avis ; il doit appuyer les réductions que j’ai indiquées s’il veut que l’on puisse faire face à l’augmentation de dépense qu’il a proposée.
- Sur la proposition de M. Osy, la chambre, pour simplifier la discussion, propose la clôture sur l’ensemble du chapitre XVII, et passe à la discussion sur les articles.
« Art. 1er. Ecole de navigation : fr. 16,000. »
- Adopté
« Art. 2. Chambres de commerce : fr. 12,000. »
M. Verhaegen – Avant de voter le chiffre qui fait l’objet de l’article 2, chapitre XVII, je désire savoir quelle est définitivement la mission des chambres de commerce. Je me suis demandé d’après une conduite récente tenue par le ministère, si les chambres de commerce ont pour mission et doivent continuer à avoir pour mission de s’occuper d’objets purement administratifs, ou bien si l’on veut leur donner une mission politique.
Si je m’en rapporte, messieurs, à certains organes ministériels, on ne voudrait plus peupler les chambres de commerce que d’hommes dévoués au ministère ; on voudrait en exclure quiconque lui fait une opposition trop vive.
Le moment, messieurs, est arrivé d’avoir à cet égard une explication catégorique. Car, d’après ce qui vient de se passer à Anvers, il nous était impossible de garder le silence.
D’après des renseignements qui me sont parvenus, le ministère a de nouveau compromis la signature royale en nommant, comme membres de la chambre de commerce d’Anvers six négociants qui viennent de refuser ; cette position, messieurs, il faut en convenir, est fâcheuse. Lorsque, par les actes que l’on pose, on découvre la royauté au point que des hommes nommés par le Roi refusent la mission qu’on leur donne, le gouvernement ne peut que perdre le peu de considération qui lui reste encore.
Vous savez, messieurs, comment se font les nominations des membres des chambres de commerce. Tous les ans, un tiers des membres sort, et de ce tiers sortant, un tiers seulement peut être réélu ; de sorte qu’il y a une exception en faveur de certains hommes qui sont entourés d’une confiance toute spéciale de la part de leurs concitoyens.
Si une chambre de commerce est composée, par exemple, de 27 personnes, tous les ans 9 membres sortent et, de ces 9 membres, trois seulement peuvent être réélus.
A Anvers, messieurs, notre honorable collègue, M. Osy, se trouvait faire partie des membres sortants, mais les électeurs lui donnèrent une marque toute spéciale de leur sympathie en le comprenant dans le tiers qui pouvait être réélu. Il était donc premier candidat, et premier candidat pouvant être réélu.
Eh bien, le gouvernement, par esprit de rancune et par un acte de basse vengeance, a éliminé notre honorable collègue M. Osy ; il a nommé parmi les deuxième et troisième candidat, et tous ceux-là ont répondu par un refus.
Voilà, messieurs, le conflit qui s’est établi entre notre métropole commerciale et le gouvernement, outre que la signature du Roi a été de nouveau compromise. Quelles seront les mesures que l’on prendra ? Le temps nous l’apprendra.
Ce n’est pas, messieurs, notre honorable collègue M. Osy qui a à se plaindre de cette élimination, car s’il avait pu grandir encore dans l’opinion de ses concitoyens, le gouvernement aurait fait pour cela tout ce qui était en son pouvoir. Le ministère, en effet, lui a élevé, au milieu de la bourse d’Anvers, un magnifique piédestal que lui envient sans doute ses adversaires politiques. M. Nothomb ne s’est pas aperçu que sa vengeance devait avoir un résultat tout à fait opposé à celui qu’il recherchait.
Cet acte mesquin et odieux tout à la fois, la presse ministérielle, messieurs, nous en a fait connaître la portée : elle nous a dit : « qu’il ne fallait pas admettre dans les chambres de commerce des hommes faisant une opposition trop vive au ministère. » Les chambres de commerce sont donc devenues des corps politiques.
Messieurs, je crois que vous rendrez toute justice à notre honorable collègue. L’opposition qu’a faite l’honorable M. Osy est une opposition consciencieuse, (page 811) et nous devons lui savoir gré de nous mettre souvent sur la voie des abus ; il a le courage de tout scruter, de tout contrôler, et souvent il nous met en position de découvrir ce que, sans ses scrupuleuses investigations, nous n’aurions pas aperçu. Cela ne convient pas au ministère, je le conçois, mais le pays ne peut qu’y gagner. D’ailleurs, notre honorable collègue n’avait-il pas annoncé depuis longtemps qu’il ferait une proposition de blâme contre le ministère ? Dès lors il fallait se venger de lui ; M. Nothomb, qui nous avait dit en parlant des fonctionnaires publics qu’il serait généreux après la victoire, a osé frapper, même avant le combat, un homme indépendant par caractère et par position.
C’est là, messieurs, une petitesse sans exemple, indigne d’un gouvernement et une petitesse d’autant plus injustifiable qu’elle s’exerce au sein de la représentation générale.
Dans une autre ville, messieurs, il y avait aussi un homme qui était entouré de l’estime de ses concitoyens ; il y avait aussi un homme comme l’honorable M. Osy, pour lequel les électeurs voulaient faire une exception, il était aussi parmi les sortants ; il a aussi été compris parmi ceux qui pouvaient être réélus. Mais le gouvernement n’a pas agi à son égard comme à l’égard de l’honorable M. Osy ; et pourquoi ? Parce que cet homme ne lui avait pas fait de l’opposition, parce qu’il n’était pas de la chambre celui-là !
Lorsqu’on en est réduit, messieurs, à gouverner de cette manière, lorsqu’on est obligé de se mettre en opposition avec une partie notable du pays ; lorsqu’on doit s’attendre à voir casser ses arrêtes par une autorité suprême, par des hommes consciencieux et indépendants, par les électeurs, en un mot, il faudrait au moins que l’on mît un peu plus de réserve dans ses coups d’Etat.
Messieurs, je suis convaincu que l’honorable M. Osy partage mon opinion. Si moi, j’avais été l’objet d’une semblable élimination, je ne la considèrerais pas comme un mal, je me féliciterais de cette marque de distinction ; car il y a aussi des marques de distinction négatives.
Je le répète, le gouvernement n’aurait pu mieux agir pour élever à l’honorable M. Osy, au milieu de la bourse d’Anvers, le plus beau piédestal qu’un homme franc et loyal, ami de son pays et de ses institutions, puisse jamais ambitionner !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Si l’honorable membre a l’espoir de m’attirer sur le terrain des questions purement personnelles, il est dans l’erreur. S’il pense même que j’aie envie de faire une incursion dans la presse, il est encore dans l’erreur. Je n’ai chargé aucun organe de la presse d’exprimer mes opinions, et je suis étonné que l’honorable membre, qui a notoirement des relations avec la presse, ne garde pas, à mon égard, une réserve que je garderai toujours en ce qui le concerne.
Voici, messieurs, comment les chambres de commerce se renouvellent : Chaque année un tiers des membres sort ; la chambre de commerce présente une liste de trois candidats pour chaque place vacante ; elle peut comprendre parmi ces candidats le tiers du tiers sortant. La députation donne son avis, et ces listes sont transmises au ministère de l’intérieur.
Messieurs, je regarde d’abord les chambres de commerce comme entièrement libres, mais, à mon tour, je revendiquerai la liberté pour le gouvernement.
Je regarde, en second lieu, les trois candidatures pour chaque place comme également sérieuses. Voilà, messieurs, comme j’ai toujours agi non-seulement à l’égard de la chambre de commerce d’Anvers, mais à l’égard des chambres de commerce de tout le pays. Dans la dernière recomposition des chambres de commerce, il m’est arrivé plusieurs fois de ne pas choisir tous les premiers candidats. Je pense que le troisième candidat est tout aussi bien le candidat de la chambre de commerce que le deuxième, que le premier.
Voilà comment j’ai procédé. Je pense que les chambres de commerce procèdent sérieusement et n’ont pas la prétention de se considérer comme des corps purement électifs. Il vaudrait mieux dire alors que les chambres de commerce sont des corps électifs, qu’elles se renouvellent d’elles-mêmes sans l’intervention du gouvernement.
Le nouvel arrêté organique des chambres de commerce, qui est du 10 septembre 1841, est contre-signé par moi. J’ai été beaucoup moins loin qu’on ne l’avait d’abord proposé. Le projet d’arrêté renfermait l’exclusion de tous les étrangers et des consuls, indistinctement, étrangers ou non. Je n’ai pas voulu que cette exclusion fût formellement écrite dans l’arrêté. Est-ce à dire que si une chambre de commerce cherchait à augmenter outre mesure, surtout dans des circonstances qui pourraient être spéciales, le nombre d’étrangers ou de consuls, le gouvernement ne devrait pas chercher, de son côté, à écarter les étrangers ou les consuls, précisément pour conserver avec cette chambre de commerce, les relations intimes réciproquement nécessaires ?
Je ne crois pas, messieurs, devoir entrer dans d’autres détails. J’ai déjà présidé quatre fois à la recomposition des chambres de commerce, et il n’en est peut-être pas une dans le pays, qui puisse dire que l’on a toujours choisi indistinctement les premiers candidats. Agir ainsi, ce serait dénaturer complètement le mode de recomposition des chambres de commerce. J’ajouterai encore, et je n’entrerai dans aucun autre détail en ce qui concerne la chambre de commerce d’Anvers, que les motifs pour lesquels les premiers candidats n’ont pas été choisis, sont tout à fait étrangers et à la politique et à la chambre. Je ne veux et ne puis en dire davantage.
M. Osy – Messieurs, je ne voulais pas prendre la parole dans cette discussion, parce qu’elle m’est tout à fait personnelle.
En ce qui me concerne, vous sentez que ce qui s’est passé, me touche peu. J’ajouterai que si M. le ministre de l'intérieur a voulu me faire tort, les marques de sympathie que j’ai reçues de tout le commerce d’Anvers, sont pour moi plus qu’une consolation.
Mais ce que je reproche à M. le ministre de l'intérieur, c’est de ne pas avoir agi franchement, de ne pas m’avoir exclu seul. M. le ministre se retranche sur les consuls, mais le même jour où il a exclu trois consuls à Anvers, il a nommé à Gand le vice-consul français, et certes s’il est une puissance avec laquelle nous sommes à la veille d’avoir de vives discussions, c’est bien la France.
Ce que je reproche à M. le ministre, c’est de ne pas avoir agi avec franchise. Il n’a pas osé m’exclure seul, et il a exclu en même temps quatre autres membres, et parmi ces membres, il y avait un négociant honorable qui avait rendu de grands services au pays, et notamment en ce qui concerne les chemins de fer, à l’égard desquels il a fourni au département des travaux publics des renseignements de la plus grande utilité. L’honorable M. de Brouckere doit le connaître. Eh bien, M. le ministre a frappé ce négociant à cause de moi, et voilà ce que je lui reproche, c’est d’avoir manqué de franchise, de ne pas m’avoir frappé seul.
Maintenant, messieurs, je crains vivement qu’il ne s’élève des conflits entre le commerce d’Anvers et le gouvernement J’ai déclaré au sein de la chambre de commercer d’Anvers, que je désirais ne plus être renommé cette fois, parce que je ne veux pas de conflit. Je l’ai déclaré en pleine séance, et je crois bien avoir prouvé, par là, mon éloignement pour toute espèce de discussion irritante.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je me garderai bien d’entrer dans une discussion de personnes. Le grief qu’on élève est dû uniquement à cette prétention : il faut que tous les premiers candidats soient choisis par le gouvernement. Voilà la prétention qu’on a. Eh bien, cette prétention je ne puis l’admettre. Déjà, l’honorable préopinant a reconnu jusqu’à un certain point que j’ai eu raison d’écarter les consuls. Je sais très-bien que le vice-consul de France à Gand a été conservé, mais je n’ai connu sa qualité de vice-consul qu’après sa nomination ; d’ailleurs, ce n’est qu’un vice-consul.
M. Devaux – Messieurs, le gouvernement a certainement le droit de choisir entre les candidats présentés par les chambres de commerce. Le gouvernement est libre dans ses nominations, mais nous avons, nous aussi, le droit de contrôler l’esprit de ces nominations. Or je crois que, pour chacun de nous, il n’est douteux que dans cette affaire, comme dans la plupart des affaires administratives qui se trouvent entre les mains de M. le ministre de l'intérieur, les affaires ne soient sacrifiées à la politique. C’est la position politique de M. le ministre qui domine et absorbe tout. C’est à ses préoccupations politiques, comme le disait, il y a peu de jours, un honorable orateur de la droite, que les intérêts administratifs sont encore une fois sacrifiés.
Messieurs, ce qui arrivera aura certainement des résultats très-fâcheux. Il est certainement très-fâcheux de voir tous les membres nouvellement nommés d’une chambre de commerce, renoncer à l’unanimité à leur mandat par opposition à l’esprit politique qui a dicté les exclusions de M. le ministre.
Cette introduction de la politique dans les chambres de commerce, voilà encore un des services que M. le ministre de l'intérieur a rendu au pays. Les chambres de commerce sont assurément les corps les moins politiques, ceux qui doivent reste le plus libres dans l’émission de leur pensée. Les chambres de commerce sont des corps, que le gouvernement consulte ; or vouloir que ces corps soient forcément de la même opinion que le gouvernement, c’est vouloir qu’ils ne remplissent plus leur mission.
Il ne faut pas que les chambres de commerce soient enchaînées au gouvernement par les liens de la politique.
On comprend ces liens entre le gouvernement et ses agents politiques. Je concevrais que le gouvernement eût égard à la conformité des opinions politiques quand il choisir ses fonctionnaires politiques. Est-ce là ce qui arrive ? C’est tout le contraire, quand il s’agit de fonctions administratives, commerciales, on nomme à raison de sympathies politiques, on exclut à raison de dissentiments politiques ; mais quand il s’agit de fonctions politiques, quand il serait naturel d’avoir égard à la communauté des opinions politiques, le gouvernement suit une ligne de conduite toute opposée.
Nous n’avons pas beaucoup de fonctions politiques. Ce sont principalement celles de ministres, de gouverneurs et de commissaires de district. Eh bien, est-ce la sympathie politique que le gouvernement consulte lorsqu’il nomme ces gouverneurs ou des commissaires de district ? Dit-on alors : Un homme de l’opinion du ministère remplira mieux ces fonctions qu’un autre ? Non.
Nous en avons des exemples, et des exemples assez récents ; quand il s’agit de fonctions politiques, c’est à raison de ses antipathies pour le pouvoir qu’on est nommé à ces fonctions ; le gouvernement choisit de préférence des personnes politiques qui lui sont hostiles, non pas dans l’espoir qu’il rempliront mieux que d’autres leurs fonctions, mais dans l’espoir qu’en les rapprochant ainsi du gouvernement par les emplois, on adoucira leur opposition.
Ainsi, dans les fonctions politiques on renverse les règles du gouvernement représentatif, et ce sont les mécontents qui sont les préférés ; dans les fonctions purement administratives ou commerciales, c’est d’après les sympathies publiques ou politiques qu’on se décide. Qu’est-ce qui est au bout de ce système, s’il dure ? une réaction contre le pouvoir qu’on ne pourra plus empêcher, et auquel il semble que le gouvernement pousse lui-même. Les fonctionnaires politiques finiraient par être exclus des chambres, soit par les élections, soit par une loi. On peut se rappeler que la (page 812) chambre a déjà voté un projet de loi semblable que le sénat n’a pas voulu adopter. Quant aux chambres de commerce, la même réaction contre ce qui se passe, tendra à les rendre purement électives. Voilà les services que M. le ministre de l'intérieur aura redus au pouvoir.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’accepterai volontiers, en fait de services rendus au pouvoir, la comparaison entre ce qu’à fait l’honorable membre et ce que j’ai fait moi-même entre les anciennes opinions de l’honorable membre et mes opinions. Je veux que les chambres de commerce restent des corps administratifs, et c’est précisément pour cela que je ne veux pas l’invasion de la politique dans ces corps. Je ne la veux pas surtout quand nous sommes à la veille de conflits avec la Hollande, peut-être, et avec la plupart des Etats du Nord qui voient avec regret le traité du 1er septembre. J’ai été guidé par des considérations de bien public dont il m’est impossible de rendre compte ici. Du reste, messieurs, un honorable membre en a déjà dit assez en reconnaissant jusqu’à un certain point que les consuls des puissances du Nord ne pouvaient pas se trouver dans les chambres de commerce, surtout en ce moment. Je suis entièrement de cet avis.
Il faut que les chambres de commerce restent des corps administratifs ; c’est pour cela que je ferais toujours en sorte que ces corps soient, tant pas rapport au gouvernement, que par rapport à l’étranger, dans toutes les conditions d’impartialité et d’indépendance.
M. Rodenbach – Messieurs, je crois qu’il n’est pas inopportun, à propos du chapitre relatif aux chambres de commerce de réclamer de M. le ministre de l'intérieur l’établissement d’un conseil de prud’hommes à Roulers.
Messieurs, la ville de Roulers est le centre de la fabrication des toiles dites à la mécanique ; les fabricants donnent du fil aux tisserands et ceux-ci rapportent la toile quand elle est confectionnée. Très-souvent, il s’élève, à cet égard, des contestations, et des contestations qui sont au détriment des fabricants. C’est pour cela que la ville de Roulers a réclamé la prompte institution d’un conseil de prud’hommes. Je prierai M. le ministre de bien vouloir accueillir cette demande.
M. Osy – Messieurs, dans les budgets précédents nous avions un article qui ne se présente plus aujourd’hui et qui était relatif à l’exportation des produits de l’industrie cotonnière. Je voudrais vous entretenir un moment d’une affaire qui se rattache à cet objet. Vous vous rappelez que dans la discussion du budget des voies et moyens, j’ai dit que j’avais appris que le gouvernement avait disposé d’une somme de 1,500,000 fr., sans y avoir été autorisé par un vote de la chambre et sans que la cour des comptes en eût connaissance. J’étais en effet très-bien renseigné, puisque depuis lors M. le ministre de l'intérieur nous a fait distribuer un rapport sur cette affaire. J’ai examiné, avec beaucoup d’attention, le rapport de M. le ministre de l'intérieur, et je commence par dire qu’en 1839 lorsqu’il y avait une crise à Gand, le gouvernement a très-bien fait d’employer un prompt remède pour faire cesser le mal. Cependant il ne suffit pas de soulager l’industrie, il faut encore faire les choses régulièrement. Il faut que le gouvernement ne puise pas disposer du trésor de l’Etat sans l’intervention de la cour des comptes.
Le 23 octobre 1839, le gouvernement fit une convention avec une société d’Anvers, relativement à l’exportation de produits de l’industrie cotonnière. Par cette convention, on garantissait aux fabricants le remboursement des premiers 12 p.c. de la perte que leurs exportations pourraient occasionner. Dans la même convention se trouvait une promesse, de la part du gouvernement, d’accorder à la société, à raison de 4 p.c., une somme de 1,500,000 francs, payable en 1840, en 1841 et en 1842. Vous savez, messieurs, que peu de temps après la signature de cette convention nous avons eu un changement de ministère, par suite duquel est arrivé au ministère des finances le ministre qui s’y trouve encore aujourd’hui. La première chose qu’il aurait dû faire, c’était de présenter un projet de loi qui l’autorisât à disposer des 1,500,000 francs dont il s’agit, mais cela ne s’est pas fait. Cependant en 1840, en 1841 et en 1842, on fit différentes avances jusqu’à concurrence de ces 1,500,000 francs. Voici cinq ans que cette irrégularité a été commise, et jusqu’à présent on n’a rien fait pour la réparer. A l’heure qu’il est, personne ne connaît rien de cette affaire, la cour des comptes n’en connaît rien. Cette somme de 1,500,000 fr. n’est pas même renseignée dans la situation du trésor. J’ai consulté tous les rapports sur le budget de l’intérieur, et ce n’est que dans celui qui a été fait par l’honorable M. Dedecker en 1842, que j’en ai trouvé quelques mots dont il résulte que la convention doit avoir été déposée. Il est possible qu’elle a été remise à la section centrale, mais ce qui est certain, c’est qu’elle n’a pas été imprimée à la suite du rapport.
Il est certain que la première chose à faire, c’est de combler un vide qui existe dans le trésor depuis cinq ans, car je vois qu’à la date du 1er octobre 1844, le trésor est encore à découvert d’un million de francs.
Le gouvernement devrait nous présenter, à cet égard, comme bill d’indemnité, un projet de loi.
On a tellement caché cette affaire que les actionnaires eux-mêmes n’en connaissaient rien jusqu’au jour où j’en ai parlé dans cette enceinte, lors de la discussion du budget des voies et moyens. Dans le bilan de la société, arrêté sous la date du 1er janvier 1844, le gouvernement ne se trouve pas même porté comme créancier d’un million. Et cependant le gouvernement a deux commissaires attachés à la société. Je demande dès lors pourquoi nous avons des commissaires près des sociétés.
Peu de temps après qu’on avait déposé le bilan de 1844, la société avait demandé des changements aux statuts. Les actionnaires d’Anvers, possesseurs de 1,500 actions, avaient à plusieurs reprises prié M. le ministre de l'intérieur de faire une enquête. Le ministre a répondu par un refus, parce qu’on voulait cacher que le gouvernement avait fait une avance de fonds qui n’avait pas été régularisée par la chambre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, je dois prendre la parole tant en mon nom qu’au nom de mes prédécesseurs, pour repousser la supposition que le gouvernement a voulu cacher un acte ; le gouvernement a toujours reconnu que cet acte était irrégulier, mais on ne l’a jamais caché ; depuis 1839, époque où l’acte a été posé, jusqu’aujourd’hui, on a constamment donné aux sections centrales, soit du budget des voies et moyens, soit du budget de l’intérieur, toutes les communications qu’elles ont désirées. Dès que l’honorable préopinant eut exprimé le vœu qu’il fût fait un rapport complet à la chambre, il voudra bien reconnaître que je me suis empressé de lui répondre que je ferais ce rapport, après m’être entendu avec M. le ministre des finances et mes honorables prédécesseurs. Ce rapport est aujourd’hui sous vos yeux.
L’honorable membre pense qu’il faut prendre certaines mesures de régularisation. Mon honorable prédécesseur, M. Liedts, a déjà pris une mesure de régularisation, en portant au budget de l’intérieur de 1841 une somme destiné à combler le déficit pour cette année…
M. Osy – Cela était régulier.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Cela était régulier !... L’honorable membre voudra donc bien reconnaître que nous ne voulions pas cacher l’acte, ni laisser l’acte sans régularisation, puisqu’à la fin de 1841 on avait porté au budget une somme qui représentait le déficit de 1841 ; de même pour 1842, 1843 et 1844, j’ai porté les sommes destinées à représenter le déficit relatif à ces trois années.
Faut-il présenter encore une loi qu’on qualifiera de bill d’indemnité pour régulariser toutes les opérations. C’est ce que nous examinerons.
En terminant, je dois exprimer le regret que l’honorable membre ne puisse jamais prendre la parole, sans supposer qu’on ait voulu cacher quelque chose ; encore s’il ne s’agissait que de moi, mais cette intention de cacher quelque chose s’applique à tous les ministres, indirectement, depuis 1839.
M. Osy – Le contrat du 23 octobre 1839 portait qu’on accorderait un crédit de 240,000 fr., pour la perte supposée des exportations ; par arrêté royal du 14 octobre, fait sous la date du 16 septembre 1842, on a porté ce chiffre à 250,000 fr. Tout cela est régulier.
Mais mon objection tombe sur les avances de fonds, montant à 1,500,000 fr., faites à l’insu des chambres et de la cour des comptes, et sur lesquelles le trésor doit encore récupérer un million. Mais ce qui est plus extraordinaire, c’est qu’on a demandé la signature du Roi pour les 240 et les 250,000 francs, et qu’on ne l’a pas demandée pour l’avance des 1,500,000 francs.
M. de Theux – Messieurs, il y a deux ans, à l’occasion de la discussion du budget de l’intérieur, on a donné des explications sur ce qui s’était passé en 1839.
L’honorable préopinant reconnaît qu’à cette époque l’urgence était telle, que le gouvernement ne pouvait se dispenser de poser un acte extraordinaire.
Ceci justifie le gouvernement, quant au principe.
Je dirai, à cette occasion, que rien ne répugne plus à un ministre, que de prendre une pareille mesure sous sa responsabilité…
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Certainement !
M. de Theux – Parce qu’il sait parfaitement bien que les chambres sont appelées à prendre connaissance de l’affaire, et que d’un vote de la chambre pourrait résulter pour lui une responsabilité pécuniaire.
Je dis donc qu’il faut un très-grand dévouement de la part d’un ministre, pour assumer sur lui la responsabilité d’un acte de ce genre ; il est clair qu’il se décidera à prendre une mesure semblable seulement lorsqu’il aura la conviction intime que les circonstances la rendent impérieusement nécessaire ; et lorsqu’il aura en même temps la confiance que les chambres ratifieront l’acte, dès qu’il leur aura démontré qu’il était indispensable.
L’honorable préopinant a pensé que l’avance de 1,500,000 fr., faite par M. le ministre des finances, à la suite de délibérations du conseil des ministres, en 1839, n’a pas été autorisée par le Roi. C’est là une erreur : toute l’affaire a été communiquée au Roi dans un rapport, et c’est à la suite de ce rapport que le Roi a approuvé la garantie de 12 p.c. Mais la mesure relative aux 1,500,000 fr. ne pouvait devenir l’objet d’un arrêté royal : cette disposition devait nécessairement être tenue secrète ; toutefois, le Roi a été informé de ce qui devait se passer, et S.M. a donné une entière approbation à l’avance de ces 1,500,000 fr.
Donc il n’y a aucun reproche à adresser de ce chef au ministère de l’époque.
Restent maintenant les rapports avec la chambre. La dépense relative à la garantie de 12 p.c. a été régularisée, puisqu’elle a été portée au budget. Quant à la somme qui reste à recouvrer sur l’avance de 1,500,00 fr., on peut la porter au budget des voies et moyens ; cette somme sera comprise dans le vote de la chambre, et de cette manière tout sera régularisé. Je crois que l’honorable préopinant lui-même sera satisfait de cette marche…
M. Osy – Tout ce que je demande, c’est qu’on trouve un moyen quelconque de régulariser une affaire qui demeure irrégulière depuis cinq ans.
M. de Theux – Je dois ajouter que c’est à notre grand regret que nous n’avons pas pu porter immédiatement cette affaire à la connaissance de la chambre. Nous l’eussions désiré dans notre intérêt personnel ; des considérations d’utilité publique nous ont empêché de faire cette communication ; (page 813) l’affaire devait nécessairement rester secrète, on ne pouvait lui donner de publicité, sans la compromettre entièrement.
- L’article est adopté.
« Art. 3. frais divers, et frais de rédaction et de publication de la statistique industrielle et agricole : fr. 45,500 »
M. Osy – Je m’associe à une observation qui a été présentée tout à l’heure par l’honorable M. Eloy de Burdinne. Les statistiques faites jusqu’ici ne sont pas exactes ; on prend des valeurs trop élevées. J’engage M. le ministre de prendre dans les prochaines statistiques qu’il fera, les valeurs réelles des marchandises.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Cette observation mérite de nous arrêter un instant. Les bases d’évaluation pour la statistique commerciale sont effectivement exagérées.
Il en est résulté, par exemple, qu’on a supposé que le mouvement commercial entre la Belgique et la France était à notre avantage de plus de vingt millions de francs.
Lors de la discussion de la loi des droits différentiels, j’ai cité plusieurs fois les fontes ; eh bien, les fontes sont évaluées à des sommes exagérées.
Néanmoins, malgré ces rectificatifs, le mouvement commercial entre la France et la Belgique n’en est pas moins d’une extrême importance pour nous.
Je puis aussi annoncer à la chambre que l’art. 3 disparaîtra presqu’en entier du budget de l’intérieur de l’année prochaine. Il n’y aura plus qu’un bureau unique de statistique générale au ministère de l’intérieur, et j’espère qu’il en résultera une économie.
M. Cogels – Je pense que pour les statistiques, on pourrait adopter le système qui a été suivi jusqu’à présent parce que, de cette manière, on pourra mieux établir la comparaison entre les diverses années. Par une note, on pourrait indiquer quelles réductions, il faut faire subir à la statistique pour avoir les chiffres réels. Par exemple, les cafés sont évalués à fr. 1-40 : tant de livres de café à fr. 1-40 font tant ; mais la moyenne des prix a été de 90 c. ; sur la totalité des importations il faut réduire autant. Nous aurons ainsi la valeur effective des importations et des exportations ; l’ancien système ne serait maintenu que pour conserver des moyens de comparaison avec les années antérieures.
M. Eloy de Burdinne – On pourrait voir la différence,d’une année à l’autre, en prenant pour base le poids. En prenant pour base l’argent, on induit en erreur les membres qui veulent voir, si dans nos rapports avec tel ou tel pays, il y a équilibre entre les importations et les exportations. On ne peut pas toujours connaître exactement les prix ; c’est pourquoi je demande que, pour établir la comparaison entre le plus ou moins d’entrée ou de sortie de produits, on prenne pour base le poids ou la quantité et non la somme en argent.
Je remercie M. le ministre de ce qu’il a dit ; je prends acte de la promesse qu’il a faite de réduire la dépense pour la statistique. Je pense, comme lui, qu’une statistique suffirait ; il y a plus, la multiplicité des statistiques entraîne des répétitions qui ne font que rendre les recherches plus difficiles.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il faudra toujours arriver à un dénominateur commun, car il serait impossible d’établir des comparaisons en s’en tenant au poids, quant aux objets inanimés, ou au nombre de têtes, quant au règne animal. Ce dénominateur commun ne peut être que l’argent. J’ouvre au hasard la statistique commerciale. Je prends un article qui tient à l’agriculture, l’article « cochon » (On rit), page 110. ce que je dis est très-sérieux. Vous allez voir. On évalue par tête les cochons à 30 fr. Cette évaluation est trop exagérée ; au lieu de 30 fr., il faut lire 5 ou 7 fr. Il se trouve qu’avec l’évaluation de 30 fr., nous avons introduit pour 1,753,830 fr. de cochons en France. Nous en avons peut-être introduit pour 2 ou 300,000 fr. Vous voyez de quelle importance sera la rectification. L’article que je viens de citer est un des plus importants de nos importations en France. Je demande pardon si l’exemple a fait rire, mais il était très-bien choisi par le hasard.
- L’article 3 est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.