(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 509) (Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal à 1 heure ¼.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners fait connaître l’analyse des pièces suivantes.
« Le sieur L.-H. Meyer, maréchal de logis au 1er régiment de chasseurs à cheval, prie la chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »
« Même demande du sieur Cabaret, sous-lieutenant au 3e régiment d’artillerie. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Les cultivateurs du houblon du quartier d’Avroy de la ville de Liége demandent que le houblon importé en Belgique soit frappé d’un droit d’entrée équivalant à celui qui est établi en France.
« Même demande des cultivateurs de houblon de Jupille lez-Liége, Angleur, Grivegnée, la Boverie, Froidmont, Vennes et du quartier de l’Est de Liége. »
- Renvoi à la commission d’industrie.
« Les fabricants d’armes de Liége demandent que les platines, les pièces de platine, les baguettes et autres pièces des armes à feu, ne puissent être frappés d’un droit plus élevé que les armes montées. »
- Sur la proposition de M. Delfosse, renvoi à la commission d’industrie avec demande d’un prompt rapport.
« Les membres du conseil communal de Hasselt présentent des observations contre le projet de construire un chemin de fer de Hasselt à Liége par Tongres. »
M. de Renesse – Le conseil communal de Hasselt présente des observations contre le projet de construire un chemin de fer de Hasselt à Liége par Tongres. D’autres pétitions, dans un sens contraire, vont arriver sous peu de jours. Désirant que la question des chemins de fer à établir dans le Limbourg soit mûrement examinée par les sections de la chambre, je demande que toutes les pétitions qui ont rapport au railway à exécuter dans cette province soient renvoyées à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport avant la discussion, dans les sections, du projet de loi relatif à certains travaux publics. Je suis persuadé, lorsque la question sera sérieusement examinée, que la ligne à décréter d’Ans par Tongres à Hasselt, est celle qui a rapport aux véritables intérêts du Limbourg, et qu’elle doit être préférée à celle proposée par le gouvernement.
- Cette proposition est adoptée.
« Les membres du conseil et plusieurs habitants de la commune des Arvins demandent que la rampe d’abordage à la Meuse qui doit être construite dans cette commune soit placée à l’endroit où elle a toujours été. »
- Sur la proposition de M. Lesoinne, renvoi à la commission d’industrie avec demande d’un rapport avant la discussion du budget des travaux publics.
« Plusieurs propriétaires et habitants de la commune de Desschel réclament contre la contribution qui leur est imposée pour la construction du canal de Bocholt à Herenthals. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le collège des bourgmestres et échevins de la commune de Wardin demandent que les produits des parties cédées du territoire de la commune soient exempts de tous droits. »
- Sur la proposition de M. d’Hoffschmidt, renvoi à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.
« Le sieur Philippe, sous-brigadier des douanes à Louvain, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir ce qui lui revient sur la masse d’habillement du 1le régiment de ligne dont il faisait partie au moment de la révolution. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Pasque, blessé de septembre, demande qu’on rejette la transaction proposée par la ville de Liége, relativement à la somme de 1,900 fr. qui lui a été remise pour l’érection d’un monument dans les plaines de Ste-Walburge. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les ouvriers et employés des raffineries de sucre établis à Gand demandent des modifications à la loi sur les sucres.
M. Delehaye – Lorsqu’au commencement de la session, j’interpellai M. le ministre des finances sur la situation déplorable des raffineries, j’étais loin de m’attendre que, dans un aussi bref délai, des masses d’ouvriers seraient réduits à la dernière misère.
On me répondit alors que l’expérience n’était pas faite. Aujourd’hui cette excuse ne sera plus admise.
Le gouvernement doit sentir qu’il est de son devoir de mettre un terme à une crise aussi effrayante, et de ne pas forer les chambres à se séparer avant que cette grave question n’ait été définitivement résolue.
Je n’entrerai pas maintenant dans l’examen du fond de la question. Je sais que deux intérêts sont en présence. Mais tous deux sont en souffrance. Ce n’est pas seulement à Gand et à Anvers qu’il se présente des sinistres, il s’en présente dans toutes les localités.
Ce qui doit nous donner quelque méfiance, ou tout au moins quelque doute sur la sollicitude du gouvernement, c’est que nous avons vu depuis quelque temps, je ne dis pas une tactique, mais une singulière manière d’agir de sa part, en éliminant des chambres de commerce les membres les plus capables d’émettre sur cette matière une opinion éclairée.
Je sais très-bien, messieurs, que le gouvernement était dans son droit, mais nous avons vu avec déplaisir, je dirai même avec crainte, que le gouvernement, en éliminant des chambres de commerce de Gand et d’Anvers les hommes les mieux initiés à cette grave question, avait à son égard non-seulement aucun sympathie, au moins une espèce de dédain qui nous faisait redouter qu’aucun remède ne fût apporté au mal que nous lui avons signalé.
Je demande donc à M. le ministre des finances s’il ne pense pas qu’il soit temps d’apporter un remède au mal. Je lui demande aussi s’il ne pense pas que sa responsabilité serait gravement compromise sur la chambre se séparait avant de prendre une résolution sur cette question.
Pour que la chambre ne s’associe pas à la grave responsabilité qui pèserait sur le ministère, je demandais que la commission des pétitions soit invitée à nous faire un prompt rapport sur les requêtes qui nous ont été adressées par l’industrie des sucres. Je ne veux pas que le gouvernement puisse alléguer qu’il n’a pas été saisi à temps de tous les documents nécessaires pour nous présenter un projet de loi.
Déjà depuis trois semaines un prompt rapport a été demandé sur ces requêtes à la commission des pétitions. Je renouvelle cette demande et j’espère qu’il y sera fait droit.
Je désire aussi que le gouvernement nous dise s’il est décidé à faire résoudre la question dans cette session.
M. Osy – Avant de nous séparer j’avais aussi déposé une pétition d’Anvers, par laquelle on demande qu’un prompt remède fût apporté au mal causé par la loi de 1843 sur les sucres. M. le ministre des finances nous avait alors promis de s’occuper de cette affaire ; et effectivement il vient d’envoyer aux chambres de commerce, aux comités qui se sont formés dans le pays et aux commissions d’agriculture et des états provinciaux un mémoire très volumineux sur cet objet. Mais, d’après les nouvelles que j’ai reçues, ce travail a jeté plus de découragement encore parmi les intéressés ; car, au lieu de présenter, en principe, un projet, M. le ministre des finances ne formule que des questions ; c’est-à-dire qu’il provoque une instruction qui durera des mois, et que notre session se passera sans qu’un remède soit apporté au mal.
Cependant, Messieurs, vous n’ignorez pas dans quelle position se trouve l’industrie des sucres. Vous savez qu’un grand établissement de Bruxelles qui fabriquait 3 millions de kilog. de sucres par an, est obligé de cesser ses opérations et de se mettre en liquidation. Cette raffinerie, messieurs, travaillait non-seulement le sucre exotique, mais aussi le sucre indigène. Plusieurs sucreries indigènes, entre autres celle de Visé, viennent aussi de se mettre en liquidation. Enfin le mal est tellement grand, que si le gouvernement ne nous présente promptement un projet, je crains bien que cette industrie ne soit perdue pour le pays.
Il y a lieu de regretter que le gouvernement, après s’être occupé deux mois de cette question, ne soit venu que proposer des questions. Je me joins à l’honorable M. Delehaye pour lui demander s’il pourra bientôt nous saisir d’un projet de loi.
M. de Garcia – Messieurs, la question soulevée en ce moment est des plus graves ; à peine y a-t-il un an et demi qu’une loi a été portée sur la matière, qu’on vient en réclamer le renversement. Je le répète, la matière est grave et réclame l’examen le plus sérieux. L’expérience doit venir puissamment en aide pour apprécier la portée exacte de la loi actuelle.
Cependant on exige que le gouvernement nous présente incontinent un autre projet de loi. Quant à moi, messieurs, je crois qu’une expérience plus longue est nécessaire pour apprécier les bons ou les mauvais effets de la loi que nous avons voter.
Pour provoquer un changement immédiat, on parle des ouvriers qui se trouvent sans travail, parce que les fabriques de sucre exotique n’ont presque plus d’ouvrage. Mais si vous allez détruire par une loi nouvelle les fabriques de sucres indigènes, pour donner de l’ouvrage aux ouvriers qui, aujourd’hui n’en ont pas, d’autres ouvriers se trouveront alors dans la misère, (page 510) et il vous arrivera des pétitions de la part des sucreries indigènes. Cela ne peut manquer.
Lors donc que le ministère ne veut pas précipiter cette grave question, je crois que nous devons le remercier des soins qu’il apporte pour s’éclairer. On sait combien la loi des sucres a occupé la chambre ; qui peut avoir oublié que la loi actuelle a occupé les instants de la chambre pendant un mois et même davantage si ma mémoire est fidèle ? En présence d’une matière qui a présenté tant de difficultés, l’on ne peut exiger raisonnablement que le gouvernement présente sans une grande maturité et sans s’être environné de tous les éléments indispensables, un projet nouveau de loi sur la matière.
Le ministère a raison de prendre des informations, de demander l’avis de toutes les spécialités, de tous les intéressés, afin que la question puisse être résolue en pleine connaissance de cause. Quant à moi, je le remercie de la prudence qu’il apporte dans l’instruction de cette grave question, et j’ose espérer qu’avec de la prudence et de la sagesse il conduira à bonne fin cette grande question d’économie politique intérieure.
M. Eloy de Burdinne – Les observations de l’honorable membre ont singulièrement réduit ce que j’avais à dire à la chambre. Je prends autant d’intérêt que qui que ce soit aux raffineurs du sucre exotique, mais je prends également intérêt à l’industrie qui produit elle-même le sucre qu’elle raffine. Des ouvriers prétendument employés au raffinage adressent une pétition à la chambre. Je doute que tous ceux qui ont signé cette pétition soient employés à l’industrie dont il s’agit ; quoi qu’il en soit, sous très-peu de temps vous verrez arriver d’autres pétitions de toutes les parties du pays. Les partisans du sucre exotique parviendront peut-être bien à réunir deux ou trois mille signatures, mais plus de vingt mille pétitionnaires vous demanderont bientôt protection pour l’industrie qui produit le sucre indigène. Je conviens que la question est grave. Je ne me prononce point, mais je crois qu’elle est tellement importante qu’il faut laisser au gouvernement le temps de rechercher s’il n’est pas possible de trouver le moyen de soutenir les deux industries. Si ce moyen ne peut être découvert, alors nous serons appelés à examiner quelle est celle des deux industries qui procure le plus de bien-être au pays. La discussion éclairera la chambre à cet égard, et la chambre se prononcera en connaissance de cause.
J’ajouterai , messieurs, que le raffinage du sucre exotique est une industrie perdue ; quoi que vous fassiez, il n’est plus possible de la faire prospérer : on a trouvé le moyen de raffiner le sucre en même temps qu’on le fabrique. (Interruption.) Si on dénie le fait, j’en fournirai la preuve ; j’ai un pain de sucre qui a été fabriqué de cette manière, et je l’aurais apporté si je m’étais attendu à l’incident qui nous occupe ; mais comme cette question se reproduira nécessairement, je remettrai des échantillons de ce sucre à mes honorables collègues, et ils pourront se convaincre que la qualité en est parfaire sous tous les rapports.
M. de Renesse – Je puis confirmer à la chambre l’assertion de l’honorable M. Eloy de Burdinne, que sous peu de jours nous recevrons des pétitions, signées par un nombre considérable d’ouvriers employés à la fabrication du sucre indigène. Cette industrie est de la plus haute importance pour le pays ; ses intérêts se lient de la manière la plus étroite aux intérêts de l’agriculture. Chacune de nos fabriques emploie peut-être, en ce moment, plus de 200 ouvriers, qui occupent utilement leurs journées d’hiver, pendant lesquelles il leur serait impossible de rien gagner ailleurs. Ces fabriques emploient non seulement des ouvriers adultes, elles emploient également des femmes et des enfants. Il y a quelques temps, je me suis rendu avec un de nos honorables collègues dans une fabrique de l’arrondissement de Tongres, et nous avons acquis la certitude que chaque semaine on dépense dans cette fabrique plus de deux mille francs en salaires d’ouvriers. Cette industrie est donc assez importante pour qu’on ne décide pas si légèrement de son sort ; pour qu’on examine mûrement, au contraire, s’il n’est pas possible de la maintenir. Elle demande qu’on lui permette de marcher comme toutes les autres industries du pays, à la condition de contribuer équitablement aux charges publiques. Mais, pour qu’elle puisse contribuer à ces charges, il faut qu’on lui assure la protection dont jouissent toutes les industries.
M. Cogels – Je ne sais pas où l’honorable député de Waremme a vu des dénégations lorsqu’il parlait du sucre de betterave perfectionné d’après des procédés nouveaux. Personne n’a contesté l’exactitude de cette assertion de l’honorable préopinant. Mais ce n’est point là la question que nous avons à examiner en ce moment ; la seule question dont nous avons à nous occuper maintenant, c’est l’urgence de porter remède à l’état de choses actuel. Or, toutes les observations des honorables préopinants ne tendent qu’à établir, d’une manière plus évidente, l’urgence de modifier la loi qui nous régit. Les deux industries souffrent. L’expérience est faite, l’expérience est assez complète ; tout le monde est convaincu que si nous persistons dans le système actuel, les deux industries en souffriront également. Il est d’autant plus urgent de remédier au mal qu’au fur et à mesure que les industries dépérissent en Belgique, elles prennent de l’extension en Hollande. Si vous voulez consulter les tableaux statistiques du commerce de la Hollande, vous verrez que la fabrication et l’exportation du sucre ont augmenté dans ce pays dans la même proportion que cette industrie a dépéri en Belgique.
Je demande donc que M. le ministre, conformément à l’espèce d’engagement qu’il avait pris, ne se borne pas à recueillir des renseignements, mais fasse en sorte de nous présenter un projet de loi avant la fin de la session. Sinon ce serait encore une année de perdue. Si je réclame ce projet de loi, c’est autant dans l’intérêt des sucreries indigènes que dans l’intérêt des raffineries de sucre exotique, car il est bien certain que si l’on excepte trois ou quatre établissements, on verra successivement tomber toutes les petites raffineries de sucre indigène ; du reste, les pétitions que l’honorable comte de Renesse nous annonce, le démontreront. Moi-même je viens de recevoir encore une pétition que je pourrai seulement présenter demain à la chambre. C’était à propos de cette pétition que je comptais présenter les observations que je viens de soumettre à la chambre.
M. Manilius – Je ne suivrai pas quelques-uns des honorables préopinants dans la question de savoir quel sucre il faut protéger ; je pense, comme l’honorable M. Cogels, que ce n’est pas là la question. Il s’agit uniquement en ce moment de demander à la chambre un prompt rapport. Ce sera seulement quand le rapport sera fait que nous verrons ce que les pétitionnaires demandent. Quant à moi, je l’ignore, et il serait vraiment osé de venir émettre une opinion sur des prétentions qu’on ne connaît pas. La pétition dont il s’agit vient de Gand ; cependant, je viens de dire, messieurs, que je ne la connais pas. Je sais bien que des raffineurs de sucre demandent que le gouvernement s’occupe de la question ; j’adhère d’avance à cette réclamation ; je demande aussi que le gouvernement instruise la question avec toute l’activité possible ; mais si je suis bien informé, il le fait. Je l’engage vivement à accélérer les choses de manière à ce que nous arrivions à une solution dans la session actuelle. Je ne décide rien entre la canne et la betterave ; je ne demande qu’une chose, c’est qu’on examine la question parce qu’il y a réellement urgence. Il y a urgence dans l’intérêt du travail de ceux qui fabriquent le sucre de betterave, ainsi bien que dans l’intérêt du travail de ceux qui raffinent le sucre de canne.
Ainsi, messieurs, j’appuie la proposition de l’honorable M. Delehaye et, à cette occasion, j’exprimerai le regret de ce que nous n’avons pas encore de rapport sur la première pétition qui nous a été adressée. Cependant, la commission a été invitée à faire un prompt rapport, je ne vois pas ce qui peut l’empêcher de satisfaire à cette invitation ; elle n’est pas chargée de formuler un projet de loi ; elle ne doit nous proposer qu’une décision à prendre sur la pétition ; elle conclura sans doute au renvoi à M. le ministre des finances ; rien ne s’oppose donc à ce qu’elle nous fasse promptement son rapport.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Comme l’honorable préopinant, je ne m’occuperai pas du fond de la question, je ne m’occuperai pas non plus de la pétition dont je ne connais pas le contenu. Je me joins à ceux qui demandent un prompt rapport, mais je dois m’élever contre le reproche qu’un honorable préopinant a adressé au gouvernement, de ne pas se livrer avec toute la sollicitude convenable à l’étude de cette question. On ne peut pas présenter un projet de loi sans avoir entendu suffisamment tous les intéressés. Le travail considérable que je viens d’envoyer aux chambre de commerce, aux commissions d’agriculture, aux chefs des administrations, aux comités qui se sont formés pour chacune des deux industries, ce travail témoigne assez de l’intérêt que le gouvernement porte à la bonne solution de cette question ; d’autant plus qu’il a été fait malgré tous les autres objets importants qui réclament également ses soins.
Rien n’est négligé pour trouver un moyen de concilier tous les intérêts qui sont en cause. Je désire être à même le plus promptement possible de saisir la chambre d’un projet, et je ferai tout ce qui sera en moi pour y parvenir.
M. d’Huart – Il ne faudra pas perdre de vue les intérêts du trésor.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – C’est bien entendu.
M. Malou – Il ne s’agit pas en ce moment de discuter la question des sucres, il s’agit plutôt de savoir quelle direction il faudra donner à cette question. Depuis le rapport qui a été fait par M. le ministre des finances, la question est entrée dans une phase nouvelle. J’approuve pleinement le gouvernement lorsque, dans une question de cette importance, il cherche à s’entourer de tous les documents nécessaires pour mettre la législature à même de résoudre définitivement cette question. Cependant il faut éviter un écueil ; il faut éviter que, par trop de prudence, que, par trop de retards, il ne vienne un jour où l’on n’ait plus à se prononcer qu’entre deux industries également mortes. C’est là ce qu’il fait éviter ; dès lors, messieurs, si l’enquête qu’on vient d’ouvrir devait être entendue en ce sens que M. le ministre attendrait tous les rapports des chambres de commerce, des commissions d’agriculture, des autorités administratives, avant de saisir la chambre de la question, alors, je crois, messieurs, que cette enquête aboutirait à un ajournement indéfini ou au moins à un ajournement beaucoup trop prolongé. C’est sur ce point seulement que je désire obtenir une explication. Lorsque les avis seront parvenus à M. le ministre, et auront, dans son opinion, suffisamment éclairé la question, saisira-t-il alors la chambre d’un projet de loi ? Voilà le point sur lequel je désire obtenir une explication de M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il est évident que lorsque le gouvernement aura reçu des renseignements qu’il jugera suffisants, il prendra une détermination. Quelle sera cette détermination ? C’est ce que je ne puis pas dire dès ce moment ; mais elle sera dictée par des motifs d’intérêt public.
M. Desmet – Messieurs, je crois que vous jugerez convenable de renvoyer la pétition dont il s’agit à la commission d’industrie ; c’est à cette commission que de semblables pétitions ont toujours été renvoyées. Je propose donc ce renvoi.
M. de Garcia – Toutes les requêtes que l’on nous adresse sont généralement renvoyées à la commission des pétitions. Si l’on désire un prompt (page 502) rapport, je crois qu’il faut suivre cette marche, car la commission des pétitions n’est jamais en retard de nous faire les rapports qui lui sont demandés.
M. Desmet – Les pétitions relatives au commerce et à l’industrie ont toujours été renvoyées à la commission d’industrie. Dans cette séance même, vous avez pris une décision de ce genre sur plusieurs pétitions.
- La chambre, consultée, renvoie la pétition à la commission d’industrie avec demande d’un prompt rapport.
M. Huveners reprend la lecture de l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :
Message de M. le ministre de la justice accompagnant l’envoi de renseignements relatifs à des demandes de naturalisation.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
Message de M. le ministre de l'intérieur accompagnant l’envoi de 97 exemplaires de « Statistiques ; - mouvement de l’état civil pendant l’année 1843. »
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
M. Duvivier, au nom de la commission chargée de l’examen du projet de loi tendant à ériger en commune le hameau de Boverie, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.
M. Vilain XIIII – Pendant nos vacances, le sénat a discuté le projet de loi relatif à l’entrée de douze millions de kilog. de céréales au quart du droit fixé par la loi de 1834. Cette discussion a été très-approfondie et a présenté plusieurs incidents. Il en est un que je désire relever, afin d’obtenir une réponse de M. le ministre de l'intérieur, ou de M. le ministre des finances. On a demandé au gouvernement si, nonobstant les traités avec le Zollverein et les Pays-Bas, lorsque le prix des céréales aurait atteint le taux auquel il y a prohibition des grains étrangers, les frontières du Limbourg et du Luxembourg seraient également fermées à toute introduction de grains provenant du duché de Limbourg ou du grand-duché de Luxembourg.
Le gouvernement a répondu affirmativement à cette question dans le sein du sénat.
J’ai voulu relever cette réponse, afin que le gouvernement pût la renouveler dans cette chambre.
Ce point est assez important pour fixer l’attention de la chambre ; il n’a pas été touché dans la discussion.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable préopinant ne se trouvait sans doute pas à la chambre, lorsque l’honorable M. Cogels a fait la même interpellation.
Sur la même question, notre réponse a été affirmative dans cette chambre, comme dans le sénat.
Pour autant que ce soit nécessaire, je répondrai de nouveau que dans le cas qu’il a indiqué, il y aura prohibition sur toutes les frontières, aussi bien sur celle des Pays-Bas que sur les autres.
Motion d’ordre (Pétition des maîtres de poste)
M. d’Hoffschmidt – Dans la séance d’hier, il a été présenté une pétition des maîtres de postes. Un honorable membre a demandé que la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif à la réorganisation de la poste aux chevaux, s’occupât de cet objet.
Pour répondre à cette observation que je n’avais pas entendue hier, je ferais connaître à la chambre que la commission s’est réunie à plusieurs reprises, que dans sa dernière séance elle a demandé des renseignements au gouvernement ; aussitôt qu’elle les aura reçus, elle poursuivra son travail avec toute la célérité possible.
Il est donc probable que si la chambre le juge convenable, le projet de loi dont il s’agit pourra être discuté dans cette chambre, aussitôt après la discussion des budgets de l’intérieur et des travaux publics.
M. Rodenbach – C’est moi qui ai appuyé la pétition des maîtres de postes. Ils réclament depuis plusieurs années la loi sur la réorganisation de la poste aux chevaux. Sous le gouvernement français on leur payait une pension. Maintenant on les force à avoir un nombre considérable de chevaux et on exige un droit sur les chevaux qu’ils tiennent.
Sans vouloir préjuger la question d’indemnité, je dis qu’il est plus que temps de voter cette loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Effectivement la commission a demandé des renseignements, qui exigent un travail assez étendu. Je me suis empressé de les recueillir ; ils seront adressés sous peu de jours à la commission.
M. Savart-Martel – Messieurs, depuis longtemps les légionnaires de l’Empire se sont adressés à la chambre pour obtenir leurs dotations. Un projet a même été formulé par la commission des pétitions, je crois, lors de son rapport, et cependant rien n’a été statué jusqu’à ce jour sur une demande émanée de citoyens dignes du plus haut intérêt.
Messieurs, les légionnaires sont décimés chaque année par la faute du Temps ; ceux qu’elle a respectés jusqu’ici ne peuvent se contenter de remises successives. Quels que soient leurs droits, nous leur devons une prompte justice ; il y a quelque chose de cruel à les faire attendre ultérieurement. Je demande donc qu’on s’occupe au pus tôt de leurs requêtes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il y a deux manières de résoudre cette question : par une loi spéciale et en considérant la solution comme donnée en strict droit. Alors vous ne payerez pas seulement ce qui peut échoir à l’avenir, mais encore tout l’arriéré.
Il y a une autre manière de résoudre la question : c’est d’en faire une question d’équité et de faire droit aux réclamations des légionnaires pour l’avenir. Dans ce cas, on peut se passer de loi spéciale. Il faudrait seulement augmenter un article du budget de l’intérieur d’une somme d’environ 32,000 fr., si ma mémoire ne me trompe pas.
Si l’on en fait une question d’équité, et que la chambre pense que le pays doive user de générosité envers les légionnaires de l’Empire, c’est 32,000 fr. que vous porterez au budget pour les échéances à venir. Si, au contraire, on croit qu’il faut aller plus loin et résoudre la question en strict droit, il faudra une loi spéciale. Mais alors il ne s’agira plus de 32,000 fr., il s’agira de tout l’arriéré et d’une somme beaucoup plus considérable.
M. Savart-Martel – Si l’on veut s’en occuper à l’occasion de la discussion du budget de l’intérieur, soit, car j’espère que ce budget sera discuté avant Pâques, ou tout au moins avant la Trinité, époque où probablement on nous éconduira. Mon but est qu’on ne fasse plus attendre ces légionnaires.
M. de Garcia – Mon intention n’est pas d’entrer dans le fond de la question ; mais j’appuierai la proposition qui vient de vous être faite par l’honorable M. Savart. Je demanderai que l’on s’occupe incessamment des droits des légionnaires de l’Empire qui ont fait la gloire de leur patrie et dont les intérêts doivent rester sacrés.
Comme vous l’a dit M. le ministre de l'intérieur, l’on envisage cette question au pont de vue strict du droit ou bien au point de vue de l’équité. A ce dernier point de vue, la question actuelle pourra trouver sa place au chapitre du budget de l’intérieur, où figure déjà un subside pour les légionnaires indigents. Mais je dois faire observer que, selon moi, il sera difficile de décider définitivement la question à l’occasion du budget de l’intérieur, et qu’elle ne pourra l’être que par une loi spéciale, parce que la question de principe domine la matière. Si vous décidez seulement la question d’équité, vous resterez soumis aux tribunaux pour la décision de la question de principe. Il y a plus, et si je suis bien informé, déjà les tribunaux seraient saisis de la question. Je voudrais savoir du gouvernement si ce fait est vrai ; car alors nous n’aurions rien à faire ; nous devrions attendre la décision de la justice.
Il en a été de même d’autres réclamations. Je citerai les médianats à Namur. A ce sujet, il y a eu procès entamé, mais les intéressés se sont désistés des poursuites pour s’en rapporter à la décision de la législature. La question a été décidée à l’occasion de la liquidation de différentes dettes mises à la charge de la Belgique par le traité avec la Hollande. Dans cet état, messieurs, et en supposant que la justice ne soit pas saisie de la question, je pense qu’il faut franchement aborder le projet de loi contenant le principe du droit des légionnaires de l’Empire.
Un membre – Il n’y en a pas.
M. de Garcia – J’entends dire qu’il n’y en a pas ; cependant on vient de dire le contraire, et personne ici ne doit ignorer que ce projet existe.
M. Savart-Martel – Il y a un projet soumis à la chambre.
M. de Garcia – Je crois, messieurs, que nous devrions nous occuper de cette question le plus tôt possible et immédiatement après le budget de l’intérieur. Je demande instamment que cette question ne subisse pas de plus longs retards. Ici justice différée est une souveraine injustice. Au surplus je raisonne toujours dans la supposition où les tribunaux ne seraient pas saisis de l’affaire et dans le but d’éviter aux légionnaires, dont un grand nombre sont loin d’être riches, et même dans l’aisance, les frais et les anxiétés inséparables des procès.
M. Delfosse – Il est un point des observations de M. le ministre de l'intérieur que je ne puis admettre. M. le ministre de l'intérieur vient de nous dire que si la chambre, écartant la question de droit, se décidait, par des considérations d’équité, à accueillir en partie la réclamation des légionnaires de l’Empire, il n’y aurait pas lieu à s’occuper de l’arriéré. D’après M. le ministre de l'intérieur, on devrait, dans ce cas, se borner à porter annuellement au budget une allocation de 32,000 fr. pour payer à l’avenir la pension des légionnaires. Je ne puis être de cet avis ; les considérations d’équité qui militeraient pour l’allocation de 32,000 fr. devraient également porter la chambre à accorder quelque chose pour l’arriéré ; ces considérations d’équité ne sont pas nées d’hier, elles ont toujours existé. Si l’on reconnaît aujourd’hui qu’il est équitable de payer les légionnaires, on doit reconnaître aussi qu’il eût été équitable de les payer précédemment ; je comprends que l’on recule devant le chiffre considérable de l’arrière ; mais parce que l’on ne voudrait pas tout accorder, ne doit-on rien accorder du tout ? Le moment de résoudre cette question n’est pas venu, mais je n’ai pas cru devoir laisser sans réponse l’opinion émise par M. le ministre de l'intérieur.
M. de Garcia – Je dois dire un mot en réponse à ce que vient de dire l’honorable M. Delfosse.
Je conçois que, par équité, on donne aux légionnaires non-seulement (page 512) pour l’avenir le traitement attaché à leur noble décoration, mais encore une partie de l’arriéré ; la question de principe n’en restera pas moins à décider.
Ainsi, que vous donniez ou que vous ne donniez as un effet rétroactif à la mesure d’équité que vous pourrez prendre, la question de principe restera toujours debout, puisque, pour le surplus, les légionnaires auront le droit de réclamer devant les tribunaux.
M. le président – Si personne ne demande plus la parole, le gouvernement ayant à faire à la chambre des communications qui, dans son opinion, ne peuvent être faites publiquement, j’inviterai la chambre à se former en comité général.
Je saisis cette occasion pour déclarer que c’est par erreur qu’on a dit hier que la présidence avait usé à plusieurs reprises de son droit dans cette session, pour réclamer le comité général.
Il y a eu dans cette session deux comités généraux : le premier a eu lieu à l’occasion de la loi sur les céréales, à la suite d’observations faites par M. Osy et par M. Devaux, et a été réclamée par la chambre elle-même. Le second a été prononcé par l’honorable M. Vilain XIIII, à l’occasion de l’art. 19 du traité avec le Zollverein.
- La chambre se forme en comité général à deux heures et quart et se séparer à quatre heures et demie.