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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 décembre 1844

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 250) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure et un quart.

M. Huveners lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :

« Le sieur J.P. Bailleux, préposé de douanes de première classe à Aelbeke, né à Gorcy-Cussigny (France), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Les aubergistes, cabaretiers et débitants de boissons distillées de la commune d’Aelbeke, demandent l’abrogation de la loi qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport et, en outre, sur la proposition de M. Rodenbach, insertion au Moniteur.


« Les médecins, chirurgiens et accoucheurs de la ville de Malines demandent l’abolition du droit de patente auquel sont assujettis ceux qui exercent l’une des branches de l’art de guérir. »

- Renvoi à la section centrale qui est chargée de l’examen du projet de loi sur les patentes.


« Le major Braive réclame l’intervention de la chambre pour qu’il soit donné suite à sa demande, qui a pour objet la régularisation de sa position.

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Mme veuve Van Imschoot, de Brock, demande que l’arrêté du 21 juillet 1844, concernant l’industrie huîtrière, soit converti en loi. »

M. Dumortier – Messieurs, cette pétition me paraît mériter l’attention de la chambre. Il s’agit d’une industrie qui, par son importance, peut prendre un grand développement. La Belgique paye annuellement à l’Angleterre au-delà d’un million pour les huîtres qu’elle en fait venir. S’il y avait des dispositions permanentes, on pourrait s’affranchir de ce tribut que nous payons chaque année à l’étranger.

Maintenant, messieurs, je ferai remarquer qu’en exécution de la loi sur les droits différentiels, le gouvernement a pris une mesure tendant à n’accorder la faveur stipulée par la loi, qu’aux huîtrières établies dans le sol ; celles-là ont fait leur preuve depuis longtemps, et leurs produits sont aujourd’hui connus dans toute l’Europe. Mais depuis plusieurs années, des étrangers sont venus établir dans de petits bateaux des huîtrières factices, au moyen desquelles on prétend rivaliser avec les huîtrières qui ont coûté beaucoup pour leur construction dans le sol. Pour donner à ces établissements véritablement nationaux tout le développement dont ils sont susceptibles, les industriels demandent que la disposition de l’arrêté soit convertie en loi, et pour mon compte, je pense que ce serait une excellente mesure, attendu qu’alors on pourrait donner à cette industrie un grand développement et on pourrait, par ce moyen, faire en sorte qu’à l’avenir la Belgique ne soit plus tributaire de l’étranger pour cette industrie.

Par ces considérations, je demanderai à la chambre de renvoyer la pétition à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1845

Rapport de la section centrale

M. Savart-Martel (au nom de la section centrale) dépose le rapport sur le budget du ministère de la justice pour l’exercice 1845.

- La discussion en sera fixée ultérieurement.

Projet de loi sur le système pénitentiaire

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) dépose un projet de loi relatif au régime des prisons.

M. Desmet – Je demanderai à M. le ministre de la justice s’il n’y aurait pas moyen de nous présenter un rapport sur la situation actuelle des prisons d’Etat. Ce rapport faciliterait la discussion du projet de loi qui vient d’être déposé.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je ne sais quel rapport désirerait avoir l’honorable M. Desmet. S’il voulait m’indiquer quelques bases de ce rapport, peut-être aurais-je dans mes bureaux les éléments nécessaires.

M. Desmet – Le rapport que je demande a principalement trait au régime que l’on suit dans les prisons de l’Etat. On a, par exemple, établi un pénitentiaire à Saint-Hubert ; on ignore le système qui y est suivi. Voilà ce que je voudrais savoir.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Quant au pénitentiaire de Saint-Hubert, on peut se borner à lire le règlement qui a été publié dans le Moniteur, et qui fait connaître, de la manière la plus complète, le régime qu’on y suit. Du reste, je pourrais faire un rapport à la chambre sur le nombre des détenus, sur leur conduite, le régime auquel ils sont soumis, etc. mais l’honorable membre ne demande sans doute pas une description des locaux.

M. Desmet – Nous ne connaissons pas le chiffre de la population (page 251) des prisons, par plus que le régime qu’on y suit. Il est certain que nous devons avoir ces renseignements pour bien discuter la loi qui est proposée. Avant d’apporter des améliorations dans le régime des prisons, il faut savoir ce qu’on y fait.

En France, l’on fait des rapports sur la situation des prisons de l’Etat.

M. de Brouckere – Messieurs, je suppose, et j’en ai même la certitude, que le projet de loi qui vient d’être présenté est accompagné d’un exposé des motifs. Il est probable que, dans cet exposé des motifs, se trouve constaté le régime actuel des prisons de l’Etat, régime que nous mettrons alors en comparaison avec celui que le projet de loi a pour but d’établir. Eh bien, avant que j’insiste sur la motion de l’honorable M. Desmet, motion dont je reconnais l’importance, je me réserve de lire l’exposé des motifs ; si cet exposé n’est pas complet, nous aurons alors raison de demander un rapport supplémentaire sur l’état actuel des prisons, sur le régime qui y est suivi, sur la population moyenne de chacune des prisons de l’Etat, en un mot, sur tous les points qu’il nous importera de connaître. Je pense qu’il est convenable que nous prenions d’abord connaissance de l’exposé des motifs.

M. Verhaegen – Je partage l’avis de l’honorable M. de Brouckere et, quant à la prison de St-Hubert, le gouvernement ne pourrait jamais gagner qu’à donner des détails très-circonstanciés ; car, je suis heureux de le dire, c’est une prison véritablement modèle ; je l’ai visitée dans tous ses détails, et j’ai eu le plaisir de voir sur le registre que l’honorable M. Desmet l’a aussi visitée.

- Personne ne demandant plus la parole, la chambre ordonne le renvoi du projet de loi aux sections.

Projet de loi qui ouvre, au budget de la dette publique, pour l'exercice 1844, un crédit de 3,860,865 fr.

Discussion des articles et vote sur l'ensemble

Ce projet est ainsi conçu.

« Article premier. Il est ouvert au budget de la dette publique, pour l’exercice 1844, un crédit de trois millions huit cent soixante mille huit cent soixante cinq francs vingt-neuf centimes (fr. 3,860,865 29 c.) à répartir ainsi qu’il suit :

« Chapitre premier. Service de la dette

« Art. 24. Intérêts du 1er novembre au 31 décembre 1844, du capital nominal de 95,722,000 francs, converti en rente 4 ½ p.c., première série, avec jouissance du 1er novembre 1844, en vertu de la loi du 21 mars 1844 (Bulletin officiel, n°42) : fr. 717,915 00

« Dotation de l’amortissement dudit fonds pendant la période du 1er novembre au 31 décembre 1844, 1 p.c. du capital, pour deux mois : fr. 159,536 66 c

« Total : fr. 877,451 66 c.

« Art. 25 Frais relatifs au payement des intérêts et à l’amortissement du même fonds, pendant les mois de novembre et de décembre 1844, à 15 mille francs l’an : fr. 2,500

« Art. 26. Intérêts du 1er mai au 31 décembre 1844, du capital nominal de l’emprunt de 84,656,000 fr. à 4 ½ p.c. créé en vertu de la loi du 22 mars 1844 (Bulletin officiel n°44), ci 2,539,680 00 c.

« Dotation de l’amortissement de cet emprunt pendant la période 1er mai au 31 décembre 1844, ½ p.c. du captal nominal, pour huit mois : fr. 282,186 67 c.

« Total : fr. 2,821,866 67 c.

« Art. 27. Frais relatifs au payement des intérêts et à l’amortissement du susdit emprunt, pendant les mois de mai à décembre 1844, à 13,000 fr. l’an : fr. 8,666 67 c.

« Art. 28. Bonification de ¼ p.c. de commission accordée aux banquiers, agents de change, courtiers, agents d’affaires ou commissionnaires qui ont souscrit à cet emprunt.

« Art. 29. Escompte accordé à la banque de Belgique sur le payement par anticipation de 1,500 titres de 1,000 fr. chacun, appartenant à la caisse d’épargne : fr. 24,455 00 c.

« Total général : 3,860,865 29 c. »


« Art 2. Une somme de un million quatre centre quatre-vingt-dix-sept mille deux cent trente-quatre francs quatre-vingt-dix-neuf centimes (fr. 1,497,234 99 c.) restant disponible sur des crédits alloués au budget de la dette publique, pour l’exercice 1844, est annulée, et sera réduite des articles ci-après désignés, savoir :

« Chapitre premier. Service de la dette

« Art. 1er. Intérêts des capitaux inscrits au grand-livre de la dette publique à 2 ½ p.c. : fr. 617,283 33 c.

« Art. 3. Intérêts de l’emprunt de 100,800,000 fr. à 5 p.c., et dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 879,951 66 c.

« Total général : fr. 1,497,234 99 c. »


- La section centrale conclut à l’adoption de l’art. 1er et propose la suppression de l’art. 2, suppression à laquelle M. le ministre des finances s’est rallié en section centrale.

En conséquence, la loi se réduit à l’art 1er et la discussion s’établit sur cet article.


Personne ne demandant la parole, il est procédé à l’appel nominal.

En voici le résultat.

Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 52 membres qui ont répondu à l’appel nominal.

Il sera transmis au sénat.

Les membres qui ont répondu à l’appel nominal sont :

MM. Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart-Martel, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, Cogels, d’Anethan, David, de Brouckere, de Corswarem, de Foere, de Haerne, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, Deprey, de Renesse, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, Donny, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne et Liedts.

Projet de loi sur l'échange des obligations des emprunts soumis à la conversion contre de nouveaux titres, à Londres

Vote de l'article unique

Art. unique. Par extension à l'article 4 de la loi du 21 mars 1844 (Bulletin officier, n°42), l'échange contre de nouveaux titrs à 4 1/2 p.c. des obligations des emprunts de 100,800,000 fr. et de 1,481,481 fr. 48 c. à 5 p. c., soumis à la conversion qui a lieu à Paris et dans chaque chef-lieu de province du royaume, se fera également à Londrs."

Personne ne demandant la parole, il est procédé par appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 54 membres qui ont répondu à l'appel ; il sera transmis au sénat.

Les membres qui ont répondu à l'appel sont :

MM. Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart-Martel, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, Castiau, Cogels, d’Anethan, David, de Baillet, de Brouckere, de Corswarem, de Florisone, de Foere, de Haerne, de Meester, de Muelenaere, Deprey, de Renesse, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Donny, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne et Liedts.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1845

Discussion générale

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, la section centrale a bien voulu reconnaître que les dépenses portées au budget du département des finances sont toutes justifiées d’une manière satisfaisante ; elle vous en a proposé l’adoption. Par l’organe de son honorable rapporteur, elle a appuyé le désir qui a été manifesté, de voir l’organisation du département des finances établie par un arrêté d’organisation générale. Des arrêtés ont été pris à diverses époque pour régler cette organisation : il en a été pris un en 1831, un autre en 1834, en 1840, et tout récemment, en 1844. Plusieurs de ces dispositions sont partielles et n’embrassent pas tout le ministère. Mon intention est, satisfaisant au voeu de la section centrale, de soumettre sous peu de temps au Roi un arrêté d’organisation générale embrassant le nombre, les traitements et le grade des différents fonctionnaires du département des finances.

La section centrale a aussi exprimé le désir que les demandes de crédits supplémentaires ne soient plus aussi nombreuses à l’avenir que par le passé. Déjà j’ai pris des dispositions, d’accord avec mes collègues, pour atteindre ce but ; nous avons recherché avec soin toutes les dépenses qui pouvaient être prévues. J’aime à croire qu’à l’avenir les demandes de crédits supplémentaires, si elles ne peuvent pas être entièrement évitées, seront du moins beaucoup plus rares.

Faisant droit à quelques observations présentées dans la discussion du budget des finances de l’exercice courant, j’ai soumis au Roi un arrêté dont l’objet est d’empêcher qu’il soit encore accordé des minimums de remise. Cette mesure exceptionnelle ne sera donc plus prise qu’à l’égard des receveurs des contributions des douanes et accises, que pour autant que leurs remises et indemnités ne s’élèvent pas à 1,200 fr. Ce n’est pas, messieurs, que des abus aient été commis mais il suffit qu’on croie à la possibilité de ces abus pour que je me sois fait un devoir de présenter au Roi cette proposition, qui a fait l’objet d’un arrêté du 2 novembre dernier.

(page 252) Des membres avaient exprimé quelque crainte relativement à la faculté, en quelque sorte illimitée, dont il ont prétendu que le gouvernement usait, pour accorder des suppléments de traitements à des employés des finances ; bien que ces suppléments de traitement n’aient été donnés qu’alors que des considérations de services et d’humanité l’ont exigé ; bien que les reproches adressés au gouvernement n’aient pas été fondés, j’ai pensé qu’il fallait faire cesser, faire disparaître toute espèce d’apparence de grief de cette nature ; un arrêté royal est également intervenu sur ma proposition, en vertu duquel aucun supplément de traitement ne pourra plus être accordé que dans des cas déterminés et par disposition royale motivée.

J’insiste ici sur l’observation que j’ai faite, quant aux minimum de remises ; c’est qu’il ne s’est pas commis d’abus, les suppléments de traitement n’ayant, je le répète, été accordés que par des considérations de services et d’équité ; je suis prêt à mettre à la disposition de tout membre qui pourrait supposer que des suppléments auraient été accordés pour des causes étrangères à de pareils motifs, les dossiers relatifs à tous les suppléments de traitements accordés jusqu’à ce jour.

Je crois avoir touché les différents points traités par la section centrale dans ses observations générales. Je m’arrêterai là pour le moment.

M. Osy – M. le ministre des finances vient de prendre l’engagement de soumettre à la signature de Sa Majesté un arrêté pour fixer définitivement les traitements des fonctionnaires des finances. C’est un engagement qu’on devrait prendre pour tous les ministères. Il ne suffit pas que ce soit M. le ministre des finances qui prenne cet engagement pour son département, il faut qu’il soit pris par le gouvernement pour tous les ministères. Je demande si le gouvernement peut prendre cet engagement.

L’honorable ministre des finances vient de dire que, par la suite, il ne sera plus accordé de supplément de traitement et qu’il peut assurer que jusqu’à présent il n’y a pas eu d’abus.

Je dis que, quand un employé du ministère des finances ou d’un autre ministère, a un emploi, et que cet emploi lui laisse du temps libre ou lui donne un travail en dehors de son emploi dans le même ministère, il ne doit pas avoir de supplément de traitement. M. le ministre assure que les suppléments de traitement n’ont pas entraîné d’abus, j’ai prouvé le contraire ; j’ai cité un employé ayant 2,400 fr. par an qui recevait en outre 350 fr. par mois comme secrétaire d’une commission qui doit durer deux ans ; j’en ai cité un autre ayant 3,200 fr. par an, qui reçoit un supplément de 250 fr. par mois pour exercer les fonctions de secrétaire auprès d’une commission du département des finances, ce qui fait presque autant que son traitement annuel. Si le ministre trouve convenable que ces employés soient détachés pour être greffiers ou secrétaires, ils doivent être à la disposition du ministre, sans avoir droit pour cela à un supplément de traitement.

Voilà deux cas que je cite ; peut-être en a-t-il beaucoup d’autres que nous ne connaissons pas ; ce qui a été fait me donne de l’inquiétude sur ce qu’on a pu faire. Il faut que cela finisse. M. le ministre nous a dit qu’il ne sera plus accordé de supplément de traitement que par arrêté motivé. Je demanderai si on les publiera ; car si nous ne les connaissons pas, c’est comme s’ils n’existaient pas. Je demande qu’on les publie dans le Moniteur, afin que, quand nous sommes réunis, nous puissions apprécier s’il n’y a pas d’abus, et que nous puissions voir en quoi consistent ces suppléments de traitement.

Je demanderai à M. le ministre pourquoi, quand il fait des nominations dans le courant de l’année, il se passe trois ou quatre mois avant qu’il les publie.

Nous avons vu cela dans le courant de l’année ; au mois de juillet dernier, il a été fait une masse de nominations qui ont été publiées par les journaux deux ou trois mois avant d’être insérés au Moniteur. Je demande qu’à l’avenir les arrêtés de ce genre soient régulièrement portés à la connaissance du public par la voie du Moniteur.

Je vois figurer dans le budget un crédit pour les avocats de l’administration. Avant la révolution, il y avait un abonnement avec les avocats des douanes et accises ; ces avocats recevaient une rétribution fixe au moyen de laquelle ils devaient plaider toutes les affaires qui se présentaient dans le courant de l’année ; si je suis bien informé, les avocats de l’administration reçoivent aujourd’hui un minimum et on leur paye leurs mémoires. Je crois qu’il faut en revenir à l’ancien système ; alors nous aurons des avocats qui feront bien nos affaires et qui n’entraîneront pas le gouvernement dans des procès mal fondés, qu’il doit ensuite abandonner parce qu’il est certain de les perdre. C’est ce qui n’arrive que trop souvent aujourd’hui, et j’ai encore citer un fait de ce genre dans une précédente séance.

Je demanderai à M. le ministre des finances s’il a l’intention de persister dans une prétention vraiment extraordinaire qu’il a élevée contre le commerce. Après la promulgation de la loi sur les droits différentiels, M. le ministre des finances a trouvé que le droit de 6 p.c. sur les bois ouvrés devait s’appliquer à tous les navires entrés en Belgique qui obtenaient la permission d’avoir le pavillon national. L’administration a envoyé des contraintes relativement à ce droit de 6 p.c. pour des navires qui n’existent plus depuis quatre ou cinq ans. On a été jusqu’à réclamer ce droit de 6 p.c. des courtiers du gouvernement pour la British-Queen ; cependant, vous savez, messieurs, que si ce navire devait payer 6 p.c., ce serait plus que sa valeur actuelle. On a réclamé la même chose du chef de navires revenus de Hollande il y a six ou sept ans, et qui ont déjà fait plusieurs voyages aux Indes ; on a réclamé la même chose du chef de navires qui ont péri depuis longtemps ; aussi la réponse a été : « Cherchez-les au fond de la mer. » Je demande que l’on fasse cesser cette fiscalité ; tous les jours on n’entend que des plaintes contre le ministère des finances.

Je demanderai à M. le ministre des finances s’il persiste à réclamer ce droit de 6 p.c. pour des navires rentrés en Belgique longtemps avant la promulgation de la loi des droits différentiels.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, l’honorable préopinant demande si des arrêtés d’organisation générale seront également pris pour les autres départements. Je pense que de semblables arrêtés existent pour certains départements ministériels ; quant aux autres, je suis persuadé que mes collègues ont l’intention de soumettre également au Roi des arrêtés d’organisation générale. Comme il ne s’agissait en ce moment que du budget du ministère des finances, je n’ai dû naturellement parler que de l’engagement que je prenais moi-même à l’égard de ce département. Du reste, l’occasion se présentera bientôt d’examiner la même question en ce qui concerne les autres départements, lorsqu’on en viendra à la discussion de leurs budgets.

L’honorable membre a cité deux cas exceptionnels où des indemnités ont été accordées. Déjà plusieurs fois on a parlé de ces indemnités ; il s’agit des membres d’une commission créée au département des finances avant mon entrée au ministère ; je pense que, depuis 1830, c’est la seule commission rétribuée qui ait existé près de ce département ; je ne me rappelle pas du moins qu’il en ait eu une autre.

L’honorable membre voudrait que les arrêtés qui seront pris en conformité de l’arrêté royal du 2 novembre fussent publiés. Il me semble qu’il suffirait que ces arrêtés, qui seront communiqués textuellement à la cour des comptes, fussent déposés sur le bureau de la chambre pendant la discussion du budget, et tenus à la disposition de la section centrale, à qui ils seront communiqués. Ce serait surcharger le Moniteur et le Bulletin officiel, que de faire de semblables publications.

Ainsi, un simple préposé des douanes obtient 50 francs de supplément de traitement ; cela arrive assez souvent, pour des causes bien légitimes. Faudra-t-il que l’arrêté soit publié au Moniteur ? Je ne pense pas que ce soit l’intention de l’honorable membre. Il suffira amplement de la communication à la cour des comptes et à la section centrale et du dépôt sur le bureau de la chambre ; cette marche serait de nature à donner toute satisfaction.

Quant aux avocats de l’administration, ils ont toujours été rétribués comme ils le sont aujourd’hui. Ceux qui ont à traiter des affaires commerciales (ce sont ceux dont l’honorable membre a voulu parler) n’ont qu’un traitement fixe. Il ne leur appartient pas d’ailleurs de poursuivre une affaire de leur propre autorité ; ils ne le font que sur l’ordre de l’administration supérieure, ils sont consultés par elle, mais ils n’ont pas à décider si les poursuites doivent être exercées ou si l’instance doit être abandonnée.

En ce qui concerne les protêts auxquels a donné lieu une divergence d’opinion en ce qui concerne l’époque de la promulgation de la loi des droits différentiels dont a parlé l’honorable membre, on a bien pu être en désaccord, puisque depuis 1831, jamais on n’a donné à la loi relative à la promulgation l’interprétation que nous admettons aujourd’hui en faveur du commerce ; l’usage était que le délai pour la promulgation prenait cours à dater de la signature royale.

Aucune décision intermédiaire n’a été prise sur cet objet depuis la date des protêts ; des jurisconsultes ont été immédiatement consultés, et entre-temps aucun ordre n’a été donné de ma part jusqu’à l’époque du 9 novembre, à laquelle une décision a été prise pour ordonner la restitution de la différence entre les droits anciens et les droits nouvellement établis.

L’honorable membre semble croire que l’interprétation donnée par l’administration au tarif des douanes, en ce qui concerne les navires nationalisés, a été faite par l’administration actuelle. Il n’en est rien. C’est l’ancienne administration qui a consacré cette interprétation par deux décisions, publiées dans le recueil des instructions plusieurs années avant 1830. L’administration du royaume des Pays-Bas a décidé qu’on devrait imposer à 6 p.c. à l’entrée les navires introduits dans le royaume. On n’a fait que suivre ces décisions, que l’on a envisagé comme étant basées sur la loi.

On nous demandera pourquoi ces droits n’ont pas été exigés antérieurement. Mais l’administration supérieure a ignoré que la perception ne fût pas opérée. En 1841, des lettres de nationalisation ayant été accordées, il fut stipulé que le droit serait payé. Il paraît que cette condition a été perdue de vue par les fonctionnaires locaux.

Du reste, cette interprétation peut être contestée. On peut prétendre qu’il faudrait que cet article fût nommément désigné dans le tarif des douanes. On peut avoir à cet égard des doutes sérieux. L’affaire est en instruction. En attendant sa solution, des poursuites ne seront pas exercées. L’honorable membre n’insiste sans doute pas pour que le gouvernement se prononce dès à présent sur cette affaire ?

M. Manilius – Je me lève aussi contre les prodigalités du gouvernement, en matière des suppléments de traitement.

Dans une précédente séance, l’honorable M. Delfosse nous a présenté une masse de chiffres pour prouver à quoi mènent ces générosités. Je conviens que, dans ces chiffres, il y avait plusieurs dépenses obligées par le vote des lois. Mais il en est d’autres résultant d’un trop grand laisser-aller du gouvernement.

Cependant, au ministère des finances, ces dispositions ne sont pas générales ; toutes les administrations ne jouissent pas de ces générosités. Celle que je vais désigner est relative à un intérêt bien grave pour le pays ; je veux parler de l’administration de la douane. Là, on n’accorde pas de suppléments de traitement ; là, on ne dépasse pas les crédits ; là, on ne demande pas des crédits supplémentaires pour les exercices échus. Il y a toujours assez : c’est-à-dire, il n’y a pas toujours assez (page 253) dans l’esprit de la chambre ; car la chambre a toujours trouvé qu’il n’y avait pas assez, qu’il faudrait ajouter des sommes pour les dépenses avec plus de discernement. Ce grand discernement consisterait à dépenser les sommes en faveur des fonctionnaires et employés inférieurs, en non en faveur des gros bonnets.

Ces dispositions de la chambre étaient extrêmement généreuses pour le bien-être de l’industrie et pour le bien-être du pays.

Il est curieux de voir de quelle manière le ministère des finances fait emploi de ces fonds. Toutes les administrations (je n’excepte pas celle des douanes) ont obtenu des augmentations. Ainsi, l’an passé, pour l’exécution de la loi sur les sucres, on a demandé 40,000 fr. On avait fait grand étalage de cette somme : on craignait qu’elle ne passerait pas, si elle n’était pas bien justifiée.

J’ai été voir à la cour des comptes de quelle manière ces sommes ont été employées. J’ai eu recours aux exercices clos, parce qu’il n’était pas possible d’avoir, comme je l’aurais désiré, des renseignements exacts sur les exercices qui n’étaient pas clos.

De l’examen des exercices clos, sur lesquels nous avons des données, et sur lesquels la cour des comptes a pu donner des détails définitifs, il est résulté que, depuis 1839 jusqu’au dernier exercice clos, on a fait une petite économie de 400,000 fr. sur le service actif, pour lequel la chambre des représentants, le sénat et le pouvoir exécutif ont voté des suppléments de traitement ; c’est-à-dire des sommes de 100,000 fr., 70,000 fr. et 25,000 fr. aux différents budgets.

Eh bien, messieurs, indépendamment de l’économie que je viens de signaler, on n’a pas encore dépensé ces sommes. Elles sont restées intactes. La chambre a voulu que ces sommes n’entrassent pas dans le gouffre du service général actif ; on a spécifié qu’elles étaient particulièrement destinées aux douaniers ; eh bien ces sommes n’ont pas été dépensées. La cour des comptes a encore son débet ouvert.

Ces sommes, dit-on, n’ont pas été nécessaires ; elles tombent dans le chiffre des économies. Mais je le demande, est-ce dans une semblable administration qu’on doit faire des économies, alors surtout qu’on se montre si prodigue envers d’autres ? Je ne comprends pas comment on a été chercher des économies dans une administration où il y a un besoin si impérieux d’employés, et pour les places de laquelle il y a tant de solliciteurs. Et quels solliciteurs, messieurs ? La plupart sont d’anciens militaires qui ont passé la plus belle partie de leur vie au service, et qui ne sont propres à aucun autre emploi. Mais on leur refuse impitoyablement un poste ; je ne sais par quel désir d’économie on laisse l’argent dans le trésor ; et on l’y laisse malgré la volonté formelle de la chambre, et malgré les efforts que nous faisons ici pour obtenir une légère somme en faveur de la douane ; car en 1840 nous avons sollicité une augmentation en faveur de la douane, et la chambre a cédé à nos sollicitations. A la vérité, elle n’a pas voté la somme que nous demandions, mais elle a accordé 70,000 fr. Eh bien, ils sont encore là. On n’a pas augmenté le personnel de la douane d’un seul homme pendant les trois exercices que j’ai cités ; et ces exercices sont clos.

On a fait sonner bien haut les 40,000 fr. qu’on vous demandait pour l’exécution de la loi des sucres ; on avait, pour ce crédit, tous les renseignements suffisants ; on vous indiquait quel serait le personnel, et où il serait placé. Et dans cette même année où l’on vous demandait ces 40,000 fr., on faisait une économie de 150,000 fr. sur la douane.

Nous avions autrefois, messieurs, des brigades ambulantes qui faisaient un véritable service actif, et qui paraient à toutes les éventualités, quant au relâchement qui peut se manifester dans le service de la douane. Le défaut de surveillance se fait surtout remarquer sur la frontière des Flandres, dans les temps de maladies, de fièvres, qu’on nomme fièvre des poldres. A cette époque, il arrive souvent que toute une brigade est mise hors d’état de service. Que faisaient les brigades ambulantes ? Elles se rendaient d’un lieu à l’autre, aux postes où le besoin s’en faisait sentir. On ne savait dire assez de bien de cette organisation. La fraude était réprimée ; on venait dire à la chambre qu’elle était en quelque sorte éteinte. Les administrateurs de premier ordre disaient également assez de bien de cette organisation. Cependant tout d’un coup on supprime les brigades ambulantes. Je me suis enquis des motifs, messieurs, et l’on m’a dit que les brigades ambulantes faisaient un bon service, mais que l’administration s’en trouvait fortement gênée. Je vous demande si c’est là un motif ?

Messieurs, vous le savez tous, nous n’avons qu’une ligne de douane extrêmement étroite. Malheureusement, c’est la loi qui l’a voulu ; mais enfin, avec un peu de bonne volonté, on pourrait remédier à cela ; ne pourrait-on pas modifier une loi ? On en modifie tant.

De quelle époque date la loi sur la ligne des douanes. Elle date de 1832 ; c’est-à-dire qu’elle a été prise en temps de guerre, à une époque où l’on croyait qu’il fallait tout laisser passer, tout laisser faire ; car c’était alors le régime du laisser-faire ; à une époque où l’on ne voulait pas de répression de la fraude, où c’était une question de savoir s’il fallait réellement une douane ; à une époque où l’on ne s’occupait pas du commerce, où il semblait que le commerce devait avoir une libre extension, sans tenir compte de la position de gouvernement à gouvernement. Ne peut-on donc réviser une loi qui date d’une telle époque ? Depuis neuf ans que je siège dans cette enceinte, il est des lois qui ont éprouvé cinq ou six mutations, et non pas dans l’intérêt du pays, mais dans l’intérêt du gouvernement, dans l’intérêt d’une administration, ou d’un nouveau ministère, ou d’une nouvelle conception, ou d’un parti.

La modification que je réclame au contraire à la loi qui organise la douane, qui fixe la profondeur de la ligne, je la réclame au nom du pays et non au nom d’un parti ; je la réclame, non au nom de tel ou tel ministère, non dans le désir d’un changement, mais dans le désir du bien, dans le désir d’amener un état de choses que le pays réclame tous les jours ; je la réclame au nom du commerce, et aussi au nom de l’industrie.

On dira peut-être que je veux restreindre les facilités qui sont données au commerce. Mais je demanderai si l’on veut persister dans la voie où l’on est entré l’année dernière. N’a-t-on pas déclaré alors que l’on était fatigué du régime du laisser-faire où l’on s’était laissé entraîner ; qu’on commençait à se rendre à l’évidence, qu’on voulait se défendre, comme les autres nations, contre cette erreur qui avait été prêchée si longtemps, contre ces théories ?

Vous prenez des arrêtés ; vous augmentez les droits ; mais cela ne suffit pas ; il faut savoir faire exécuter vos arrêtés ; il faut dépenser les sommes votées ; il faut renforcer vos moyens de répression à mesure que vous donnez un appât à la fraude. Mais, au contraire, vous excitez à la fraude et vous vous relâchez sur la répression. Ce n’est pas ainsi qu’il faut agir, à moins cependant que le gouvernement ne soit revenu de son opinion de l’année dernière, qu’il ne veuille supprimer les droits différentiels et rentrer dans la voie de 1832. Mais, si telle n’est pas son intention, si l’on veut persister dans le système dans lequel on est entré et dans lequel on a promis de persister, il faut prendre des mesures sérieuses ; il faut réprimer sérieusement la fraude. M. le ministre des finances est venu nous dire, à l’occasion de son projet sur les entrepôts francs, qu’il n’y aurait plus de fraude, qu’il concentrerait la fraude dans un seul foyer et qu’il l’y comprimerait, enfin qu’il l’y prendrait comme dans une canardière. Mais il n’en sera pas ainsi, M. le ministre ; les fraudeurs ne viendront pas se présenter devant vous ; ils seront derrière vous, ils seront à vos côtés, et c’est là qu’il faut les chercher.

Je crois, messieurs, en avoir dit assez sur cet objet, pour engager le gouvernement à méditer sérieusement mes observations. Je sais que le gouvernement est animé du désir d’avoir du nouveau, de présenter des projets de loi, d’écouter ceux qui lui donnent des idées. Eh bien qu’il étudie mes idées, et il rendra un service au pays.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, l’honorable membre, dans la dernière discussion sur le budget des finances, a déjà présenté à la chambre une partie des observations qu’il vient de vous exposer de nouveau.

L’honorable membre voudra d’abord bien m’accorder que le passé n’est plus à nous, que par conséquent il ne peut me reprocher aujourd’hui ce qui s’est fait il y a trois ou quatre ans. Il y aurait d’ailleurs double emploi, puisque le même reproche a déjà été fait dans la dernière session, bien qu’alors, pas plus qu’aujourd’hui, il ne pouvait s’adresser à mon administration.

L’honorable membre m’a fait des observations auxquelles nous avons déjà eu égard. Quel est l’état actuel des choses ? Est-ce que dans ce moment nous laissons des crédits sans emploi ? Je déclare à la chambre que tous les crédits accordés pour le service de la douane sont absorbés.

Je ne prétends pas cependant qu’à l’expiration de l’année il ne restera pas quelques sommes, du reste assez légères, provenant de vacances d’emploi. Malgré tous les soins que j’apporte à pourvoir le plus promptement possible aux emplois vacants, il y a cependant de petits intervalles, ce qui peut faire qu’il reste une faible somme disponible à la fin de l’année. Mais des nominations ont été faites, jusqu’à concurrence des crédits accordés par la chambre

Je ne m’occuperai pas des exercices clos ; je dirai seulement que probablement la plus grande partie des crédits restés sans emploi proviennent aussi des vacances, et, en second lieu, de ce que l’organisation qui a dû être complétée par suite des différentes augmentations de crédits, n’a pas toujours et lieu immédiatement après le vote des lois qui accordaient ces crédits.

Du reste, je puis donner à l’honorable membre l’assurance que le gouvernement porte la plus sérieuse attention non-seulement à l’emploi immédiat des crédits, mais aussi à la surveillance qui s’exerce en matière de douanes. Il n’y a pas de jour que des améliorations ne soient introduites dans ce service. Chaque mois je me suis rendu compte de tous les mouvements de la fraude sur les frontières du royaume, du nombre des saisies, du nombre des individus arrêtés ; et par suite de ces informations, de nouvelles instructions sont données ; des modifications sont apportées dans la distribution des brigades ; on renforce les postes où l’on juge que cette mesure peut être nécessaire.

Quant à la suppression des brigades ambulantes, la raison qui en a été donnée à l’honorable membre est tellement niaise qu’il me parait impossible qu’il y croie lui-même. Il ne peut croire qu’on les a supprimées parce qu’elles gênaient l’administration. Nous les avons transformées en brigades sédentaires parce qu’à la suite d’une enquête dans laquelle les fonctionnaires les plus expérimentés ont été entendus, il a été constaté qu’elles ne rendaient pas les services qu’on en attendait, à l’époque de leur institution. C’est donc l’expérience acquise qui a fait apporter ce changement dans l’organisation du service des douaniers.

Il n’en résulte pas, messieurs, comme le croit l’honorable préopinant, que si dans une brigade différents employés se trouvaient hors d’état de faire leur service, on laisserait ce poste dégarni. Evidemment dans ce cas les chefs locaux ne manqueraient pas de remplacer ces employés par d’autres moins utiles dans la localité où ils se trouvent.

J’ajouterai à ces observations que l’honorable membre est dans l’erreur, quand il suppose que des suppléments de traitement sont accordés plutôt à d’autres fonctionnaires du département des finances qu’à ceux des douanes (page 254). Les ¾ au moins, si pas les 7/8 des suppléments de traitement sont accordés aux employés de la douane, parce que ce sont, en effet, ceux-là dont la situation est souvent la plus pénible.

Je ferai remarquer encore que la législation n’est pas restée ce qu’elle était il y a quelques années. Nous l’avons modifiée récemment, et nous avons obtenu de bons résultats par les mesures qui ont été prises ; si ces mesures ne sont pas assez efficaces, je serai très disposé à proposer à la chambre d’en introduire d’autres qui seraient jugées praticables.

M. Jadot – Messieurs, je voudrais bien pouvoir partager l’opinion de la section centrale, qui, après avoir examiné le budget des finances avec une sérieuse attention et lui avoir fait subir des investigations également sérieuses sans doute, a trouvé que, nonobstant les augmentations qu’il présente, il n’y a rien à en rabattre.

Je crois, moi, qu’il y a bien quelques petites choses à dire, quelques réductions à faire sur ce budget : mais je me garderai bien d’en faire l’objet d’une proposition ; je ne voudrais pas exposer ma conviction au danger de lutter contre les renseignements si promptement fournis et satisfaisants qui ont déterminé l’approbation pleine et entière de la section centrale.

Je suis du reste extrêmement satisfait de voir que les observations de la cour des comptes sur l’abus des traitements supplémentaires et des indemnités ont engagé le gouvernement à y remédier ; et cependant je dois le dire, je ne le suis pas du tout de l’arrêté du 2 novembre dernier qui a été pris à cet effet, et je vais en dire la raison.

Je trouve que cet arrêté, au lieu de restreindre les cas dans lesquels des suppléments de traitement et des indemnités pourront être accordés, les élève considérablement.

Cela résulte d’ailleurs du budget, messieurs. En effet, si cet arrêté a réellement pour objet de restreindre ces dépenses, comment se fait-il que les allocations sur lesquelles elles ont été payées jusqu’à ce jour soient pour la plupart augmentées au lieu de les diminuer ?

Et voilà comment on se dispose à réformer les abus.

En voulez-vous un autre exemple ? Le voici :

Je lis à la page 5 du rapport : « La 4e section demande que les frais de voyage et de déplacement soient fixés par une loi. » A quoi on répond : « On fait observer à cette section que les frais sont fixés par deux arrêtés royaux, le premier sous la date du 18 août 1833, le second sous la date du 4 octobre 1841. Celui-ci réduit de moitié les frais de voyage par le chemin de fer. »

Or, messieurs, c’est précisément de l’exagération des indemnités accordées par cet arrêté du 18 août 1833 que l’on se plaint.

Maintenant, que la chambre trouve, comme la section centrale, que tout cela est satisfaisant, je le veux bien ; mais il me serait impossible de partager cette satisfaction et de ne pas le dire à la chambre.

S’il y a abus lorsque l’on paye à des employés ce qui ne leur est pas dû, il y a également abus à ne pas proportionner leur traitement au rang qu’ils occupent et aux dépenses qu’ils sont obligés de faire. C’est vrai, par exemple, que les inspecteurs et sous-inspecteurs forestiers, obligés, par la nature de leurs fonctions, à des courses longues et pénibles, ne reçoivent aucune indemnité de déplacement, tandis que, dans une autre administration, des employés reçoivent des indemnités pour des déplacements qui n’ont pas lieu.

D’un autre côté, les traitements de ces employés forestiers sont loin d’atteindre à la hauteur des traitements des employés inférieurs en rang de cette administration. J’espère que M. le ministre des finances voudra bien accorder un peu d’attention à cette dernière observation ; quant aux autres, je n’ai pas besoin de faire la même demande.

M. de Brouckere – M. le ministre des finances vient de nous faire connaître qu’il s’occupe en ce moment d’un règlement destiné à fixer d’une manière définitive les appointements à allouer aux fonctionnaires de l’administration centrale de son département. Je crois, messieurs, qu’il y aurait mieux que cela à faire, qu’il serait convenable qu’il y eût une disposition générale réglant d’une manière définitive les appointements des fonctionnaires des administrations centrales de tous les départements ministériels. Remarquez, messieurs, qu’il y a une très-grande différence entre les appointements alloués aux fonctionnaires du même grade dans les différents départements ministériels Il me semble que cela n’est pas juste ; cela entretient d’ailleurs des rivalités, des jalousies, et il ne faut pas que des employés d’un ministère soient mieux traités que les employés du même grade d’un autre ministère, parce que leur chef aurait été plus adroit ou plus influent que celui des autres. Du reste, chaque année on nous demande des augmentations et je voudrais savoir à quoi m’en tenir. Je ne trouve pas les chiffres proposés par M. le ministre des finances trop élevés ; mes critiques ne tombent pas sur le budget que nous discutons ; les observations que je présente sont générales : elles ont surtout pour but de prévenir des abus, des injustices dans l’avenir.

Je voudrais aussi qu’un ministère n’eût pas l’avantage de pouvoir appeler à l’administration centrale des fonctionnaires du service actif.

Je trouve, dans le budget, que les trois bureaux de l’administration centrale sont dirigés par des inspecteurs dont le traitement n’est pas compris dans le chiffre de l’administration centrale. De cette manière, il est impossible que nous puissions apprécier ce que coûte l’administration centrale de chaque ministère en comparant les crédits proposés pour l’un avec ceux qui sont demandés pour l’autre, car si l’on peut appeler trois inspecteurs à l’administration centrale, on peut en appeler dix. (Interruption.)

Je trouve à la page 24 du rapport de la section centrale, qu’un inspecteur en chef et deux inspecteurs dirigent trois bureaux de la première division.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable membre se trompe dans son observation. Il n’y a pas un seul employé à l’administration centrale qui ne soit rétribué sur le crédit demandé par cette administration. Voyez la note qui figure à la colonne d’observations, vous remarquerez que l’inspecteur en chef et les deux inspecteurs dirigent les 1er, 2e et 3e bureaux de la 1er division, et que leurs traitements sont portés dans le tableau. Aucun employé des provinces n’est détaché dans cette administration.

M. de Brouckere – L’explication que vient de donner M. le ministre des finances est entièrement satisfaisante, mais je lui demanderai s’il n’y a pas à l’administration centrale du département des finances des employés du service actif détachés.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Pas un seul.

M. de Brouckere – S’il n’y en a pas en ce moment, M. le ministre a reconnu lui-même qu’il y en a eu, et cela est même arrivé très-fréquemment. Eh bien, si pareille chose se renouvelle, nous ne pouvons pas apprécier ce que coûte l’administration centrale.

Je dois dire un mot, messieurs, de l’inégalité des frais de déplacement et de séjour alloués aux employés des différents départements ministériels.

Il existe différents tarifs, et ces tarifs consacrent des injustices tellement grandes que les employés inférieurs de tel département sont tout aussi bien payés que des employés d’un rang beaucoup plus élevé de tel autre département. Je vois M. le ministre des affaires étrangères qui me regarde, et probablement il me comprend, lui. Eh bien, messieurs, je dis qu’il faut un tarif général ; il ne faut pas que les employés d’un département ministériel soient gratifiés d’indemnités de déplacement et de séjour exorbitantes, alors que les employés d’un autre département ne sont pas même indemnisés des frais qu’ils doivent faire. J’ai déjà appelé différentes fois l’attention du gouvernement sur ce point ; je le prie de nouveau de vouloir bien examiner s’il ne serait pas convenable de revoir les tarifs existants, et de faire un tarif général d’après lequel les fonctionnaires des divers départements ministériels seraient traités avec justice.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ai répondu tout à l’heure à l’observation faite par l’honorable préopinant en ce qui concerne l’organisation des différents départements ministériels. A mon avis, des mesures d’organisation générale sont utiles, et pour autant qu’il n’en existe pas dans leur département, mes collègues, sans aucun doute, seront très-disposés à en introduire pour le service de leur département. Toutefois, je dois faire observer que dans cette organisation il ne faut pas seulement tenir compte de la dénomination donnée aux employés, mais qu’on doit surtout avoir égard à l’importance des attributions. Il y a des employés de même grade en apparence dans les différents départements, dont les attributions, au point de vue de leur importance, diffèrent extrêmement ; de sorte que l’organisation qui serait arrêtée par les règlements généraux, ne pourrait être uniforme pour tous les départements. Je partage, du reste, l’opinion de l’honorable préopinant sur l’utilité d’une disposition générale, applicable à tous les fonctionnaires en ce qui concerne les frais de route et de séjour.

Je me concerterai avec mes collègues pour que ces dispositions soient prises autant que possible.

Cependant je dois faire observer, en réponse aux observations d’un autre honorable membre, que l’indemnité pour frais de route a été diminuée depuis notre émancipation politique. Précédemment les frais de route et de séjour étaient plus élevés qu’ils ne le sont maintenant depuis l’arrêté de 1833 et de 1841.

Autrefois, les employés de premier rang, tel que les ministres, recevaient 8 fr. 48 c. par lieue ; cette indemnité est réduite à 6 fr. par les routes ordinaires et à 3 fr. par le chemin de fer. L’indemnité était de 7 fr. 40 c. pour les employés de deuxième classe, de 6 fr. 36 c. pour ceux de troisième classe ; elle n’est plus que de 4 fr. et 2 fr. pour les uns et les autres.

Du reste, je le répète, la fixation de ces frais de route, après un examen ultérieur, fera l’objet d’une disposition générale.

M. Verhaegen – Je viens appuyer les observations qui vous ont été soumises par l’honorable M. de Brouckere. Mais je voudrais faire un seul pas de plus. Je voudrais que les dispositions réglementaires qu’il demande pour tous les ministères et qu’a demandées aussi l’honorable M. Osy, émanassent de la législature, ou tout au moins fussent sanctionnées par la législature sur la proposition du gouvernement.

Vous vous rappelez, messieurs, que l’an dernier je me suis longuement étendu sur cette question, à l’occasion de la discussion générale du budget des finances. Je me suis beaucoup occupé alors des suppléments de traitement et des minima et maxima, en un mot, de tous les traitements variables sous quelque nom que ce soit.

Je crois avoir signalé, quoi qu’en ait dit M. le ministre des finances, beaucoup d’abus et de graves abus. Je ne reviendrai pas sur cette discussion pour ne pas prendre inutilement votre temps ; je me borne à vous renvoyez au Moniteur.

De ces prémisses, j’ai conclu qu’il était nécessaire de mettre fin à cet état de choses, en déclarant qu’à l’avenir il n’y aurait plus de supplément de traitement, plus de maxima, plus de minima, et que tous les appointements seraient fixés d’une manière générale.

Je suis allé jusqu’à dire que si le gouvernement, à la suite de mes observations, restait dans l’inaction, quelles que soient les difficultés de l’initiative pour un membre de la chambre, je me résignerais encore à cette mesure extrême.

Messieurs, j’ai beaucoup examiné la question qui s’agite en ce moment et je suis arrivé à peu près à un résultat. Je dois donc le répéter, si le gouvernement persiste à rester sourd à mes observations, si même il se borne à (page 255) déterminer le cadre des fonctionnaires et leurs traitements par arrêtés royaux, usant de mon initiative, je présenterai une proposition de loi.

Que signifient des arrêtés royaux pour parer aux inconvénients ? Des arrêtés pris aujourd’hui peuvent être remplacés demain par d’autres arrêtés ? Peut-on disposer ainsi des fonds du trésor ? Comment ! lorsque des précautions sont prises pour assurer le bon emploi de nos finances, il dépendra d’un ministre, en présentant un arrêté à la signature royale, de puiser à pleines mains dans la caisse de l’Etat ? Non, messieurs, pour atteindre le but que l’on se propose, il faut plus que des arrêtés du pouvoir exécutif.

Je me suis aperçu tout de suite que M. le ministre des finances, en présentant à la signature royale les arrêtés qu’il a fait imprimer à la suite du rapport de la section centrale, avait eu pour but d’amortir le coup qui, dès l’année dernière, avait été porté à son système de traitements variables ; mais ces arrêtés royaux sont, à tous égards, insuffisants, et j’ai d’autant plus le droit d’énoncer cette opinion, qu’elle semble être partagée par la section centrale.

Je lis dans le rapport, page 1er, ce qui suit :

« Toutefois, messieurs, en rendant justice aux principes d’équité qui dirigent sans doute le ministère dans la répartition du chiffre alloué pour le traitement de ses employés, nous demandons, avec les quatrième et sixième sections, qu’à l’avenir le traitement des employés de tous les ministères soit fixé par la loi, ou au moins par arrêté royal, comme cela se pratique maintenant en France. »

Il est vrai que la section centrale en ajoutant : « ou au moins par arrêté royal » ne tranche pas nettement la question. Mais cependant en demandant principalement l’intervention de la législature, elle n’admet l’intervention du pouvoir exécutif que comme un moyen subsidiaire ou plutôt comme un pis-aller.

M. Zoude, rapporteur – Je demande la parole.

M. Verhaegen – M. le rapporteur me donnera sans doute quelques renseignements sur la portée du rapport; si la section centrale pense qu’il faut une loi, moi je déclare que je partage l’opinion de la section centrale, et c’est cette opinion que j’ai développée l’année dernière.

M. le ministre des finances ayant annoncé l’intention de présenter un règlement général, peut-être après y avoir réfléchi, consentira-t-il à le soumettre à la législature ? J’attendrai donc encore quelque temps, car j’aime toujours mieux que l’initiative vienne du gouvernement. Mais, je le répète, si le gouvernement restait dans l’inaction, ou se bornait à des arrêtés royaux, j’userais de mon droit, et je ferais à la chambre une proposition de loi que j’ai élaborée et qui est à peu près achevée.

Il est d’autant plus nécessaire d’en finir une bonne fois qu’il résulte de l’état actuel des choses, des anomalies et des injustices révoltantes. On vient d’en signaler quelques-unes : toutes les positions, comme tous les fonds de l’Etat, sont à la merci du gouvernement ; et quand l’honorable M. de Brouckere disait, il n’y a qu’un instant, à M. le ministre des finances, que des employés supérieurs du service actif sont détachés à l’administration des finances, M. le ministre des finances a eu tort de lui répondre par une dénégation, car il y a à l’administration centrale un inspecteur général du service actif. Je ne veux pas m’occuper spécialement de ce fonctionnaire pour le moment, j’attendrai que nous soyons arrivés au chiffre qui le concerne. Je ne fais maintenant allusion à cet inspecteur-général que pour montrer que M. le ministre des finances a eu tort de combattre l’assertion de l’honorable M. de Brouckere.

Messieurs, il est temps que l’organisation se fasse d’une manière régulière ; il est temps que tous les traitements soient déterminés d’une manière uniforme et permanente et qu’il soit entendu une bonne fois qu’il n’appartient pas au gouvernement de puiser dans les caisses du trésor sans l’intervention de la législature.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je dois rectifier l’opinion de l’honorable préopinant, en ce qui concerne les fonctions dont il vient de parler. Un inspecteur-général n’est pas un employé détaché au ministère, c’est un employé qui appartient à l’administration centrale même, dont le traitement est imputé sur le crédit du personnel du ministère. L’honorable M. de Brouckere n’a pas parlé de fonctions à supprimer parmi les employés de l’administration centrale ; cet honorable membre pensait à tort qu’on détachait des employés supérieurs du service des provinces, pour les occuper à l’administration centrale ; c’est ce qui n’a plus lieu. L’honorable M. Verhaegen parle donc d’une toute autre question, que je veux bien discuter lorsque nous en serons à l’article qui concerne les traitements des inspecteurs généraux.

M. Manilius – Messieurs, je n’ai pu répondre immédiatement à M. le ministre des finances, parce que d’autres orateurs étaient inscrits. Maintenant je viens témoigner mon regret que M. le ministre ait réduit mes observations à une question de personne. « Je n’étais pas, dit-il, au ministère, en 1841 et en 1842. » Ce n’est pas sur ce terrain que j’ai placé la question, mes observations ne s’adressent pas à tel ou tel ministre, mais elles s’adressent au gouvernement. Si je devais m’adresser à tel ou tel ministre, je serais bien embarrassé, car en peu de temps nous avons eu beaucoup de titulaires au ministère des finances : MM. d’Huart, Desmaisières, Mercier, Smits et puis encore M. Mercier. Je n’ai pas eu l’intention d’attaquer tel ou tel homme, cela n’entre pas dans mes habitudes ; lorsque j’attaque mes adversaires politiques, j’écarte toujours les questions personnelles, qui ne vont pas à mon caractère. Mes observations étaient donc uniquement adressées au gouvernement, et j’aurais désiré que M. le ministre eût laissé la question sur ce terrain.

M. le ministre des finances a fait observer que la fraude est très-bien réprimée et que la douane paraît être suffisante. Je répondrai à M. le ministre des finances en lui disant de quelle manière on caractérise notre douane à l’étranger. Nous avons eu, dans le cours de l’année, la visite d’un économiste français qui a écrit différentes lettres sur notre pays : savez-vous comment il a qualifié notre douane ? D’un crible où tout passe et rien n’arrête.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, j’ai fait à l’honorable préopinant une autre réponse que celle qu’il vient de produire. Je lui ai dit que j’avais eu égard à ses observations de l’année dernière, et que dès lors celles de ses observations qui portaient sur le passé, formaient double emploi avec celles qu’il avait faites en 1843, et ne recevaient d’ailleurs pas d’application utile.

Quant à l’économiste étranger dont l’honorable membre vient de parler, je ne pense pas qu’il soit un excellent juge du service des douanes en Belgique. Je dirai même que s’il était vrai que notre douane laissât réellement tant de facilité à la fraude, l’étranger ne se montrerait pas aussi contrarié des mesures de tarif que nous prenons. Je me bornerai à cette seule observation.

M. Osy – Je partage l’opinion des honorables préopinants. C’est par une loi qu’il faut fixer les traitements de tous les employés dans tous les ministères. Avec des arrêtés royaux, il n’y a rien de fixe. Je demande également qu’on détermine par une loi les indemnités pour les frais de route et de séjour. M. le ministre des finances vient de dire qu’avant la révolution on payait 8 fr. par lieue de route pour les fonctionnaires supérieurs. Cette somme est aujourd’hui réduite à 6 fr. et diminuée de moitié pour les voyages par le chemin de fer. Or, comme aujourd’hui toute la Belgique est sillonnée d’un réseau de chemins de fer, le tarif actuel des frais de route est beaucoup trop élevé. Je pense donc qu’il faut régler ces frais de route par une loi, non-seulement pour le ministère des finances mais pour tous les ministères, et surtout pour les fonctionnaires qui vont à l’étranger, car i y a là encore de très-grands abus.

Je crois que M. le ministre des finances est dans l’erreur, quand il nous a dit que les avocats de l’administration étaient payés annuellement par honoraires fixes ; je crois qu’il en est qui sont payés sur mémoires. Comme nous ne voterons pas aujourd’hui l’article du budget relatif à cet objet, je demande que M. le ministre nous donne des renseignements exacts à ce sujet dans la séance de demain. On demande non-seulement 35,000 fr. pour les avocats de l’administration, mais encore 55,000 fr. pour frais de poursuite. Les procès intentés par le département des finances nous coûtent donc annuellement 90,000 francs.

M. le ministre des finances l’a répondu, quant à la perception du droit de 6 p.c. sur l’entrée de tout objet ouvré ; il a dit qu’il a ordonné cette perception en vertu d’une loi de 1823. Eh bien, je demanderai au gouvernement pourquoi aucun ministre, depuis 1830, et pas même M. le ministre des finances actuel, qui était au pouvoir en 1840, n’a exécuté cette loi ? Nous avons adopté une loi sur les droits différentiels, et nous avons dit que tous les navires construits en Belgique et qui reviendraient de l’émigration, ne payeraient aucun droit ; de manière que cette loi, que M. le ministre des finances veut appliquer, ne peut plus aujourd’hui être mises à exécution.

M. le ministre des finances réclame le droit de 6 p.c. pour des navires qui sont rentrés dans le pays, il y a 7 ou 8 ans, qui sont sous pavillon depuis 1830, ainsi que pour les navires qui ont péri ou qui ont été vendus en vente publique. Si M. le ministre des finances avait exécuté la loi, quant à la perception des 6 p.c., naturellement ceux qui ont perdu ces navires les auraient fait assurer. Je connais à Anvers une personne qui a acheté en vente publique un navire pour 20,000 francs et qui l’a fait assurer pour 20,000 fr. ; ce navire a péri il y a cinq ou six ans.

Il doit y avoir dans l’administration des règles fixes. Le gouvernement ne peut pas venir, après sept ou huit ans, remettre en vigueur une loi qu’on avait crue abolie. Il est certain qu’avant 1830, les navires étrangers qui venaient prendre la navigation du pays n’étaient pas soumis au droit de 6 p.c. Si, sous ce gouvernement, ce droit avait existé, on n’aurait pas manqué de le percevoir. Je crois que c’est une nouvelle tracasserie qu’on a voulu susciter au commerce. Plus de trente personnes, à ma connaissance, sont poursuivies en payement de ce droit. Les receveurs de la douane leur ont réclamé le payement de ce droit, elles ont refusé de payer ; le receveur des douanes a reçu l’ordre d’exécuter des poursuites. Je crois que l’administration est dans l’erreur quant à ses prétentions ; j’engage M. le ministre à examiner la question avant de s’engager dans des procès.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Répondant à l’honorable M. Osy, j’ai dit que les avocats de l’administration des douanes ne recevaient qu’un traitement fixe ; mais il n’en est pas de même de ceux de l’administration des domaines et de l’enregistrement. Ce n’est pas à eux que l’honorable membre avait fait allusion dans ses observations. Je crois que nous ne pouvons discuter ici les questions litigieuses entre l’administration et les intéressés. Il s’agit de savoir si le tarif des douanes est applicable aux navires introduits dans le pays. Je pense qu’on ne doit pas plaider ici cette cause ; j’ai déjà dit qu’aucun ordre de poursuite ne serait donné en attendant la solution de la question. Je ne puis pas prendre d’engagement avant que je sois complètement éclairer sur la détermination à prendre. C’est une contestation entre le gouvernement et les tiers intéressés. Si la loi veut que les navires introduits dans le pays soient imposés, il ne m’appartient pas de les affranchir du droit. Mais, comme il y a doute, les poursuites, je le répète, seront suspendues jusqu’à ce que la question ait pu être examinée à fond.

M. Malou – Messieurs, c’est une question qui séduit au premier (page 256) abord, que celle de régler d’une manière uniforme tous les traitements des employés qui ressortissent aux différents départements ministériels ; mais cette idée si séduisante, je crains bien qu’elle ne résiste pas à un examen sérieux. Voyons s’il est de l’intérêt du gouvernement, des employés eux-mêmes ou du trésor public que cette disposition générale, uniforme, invariable soit portée. D’abord, s’il ne s’agissait que d’un arrêté ministériel, je n’en verrais pas l’utilité. A entendre certains membres, il semblerait que les ministères ne sont pas organisés. Au contraire, ils ont leurs règles qui se modifient comme les attributions des départements se sont modifiées, comme elles se modifieront encore à l’avenir. Si on fixait par une loi générale tous les traitements des employés, le gouvernement, quel rôle jouerait-il ? Il nommerait, me dit-on ; est-ce là tout ce que vous voulez assigner au gouvernement ? Tout le monde a-t-on dit, connaîtrait ses droits. Le gouvernement, quel droit aurait-il ? De voir faire ? Nommer et révoquer, c’est fort bien ; mais quelle latitude lui laissez-vous entre ces deux extrêmes ? Comment peut-on imposer une responsabilité à l’administration quand les traitements sont invariablement fixés par la loi et que vous ne lui laissez pas d’autre moyen d’action que la destitution ? Je dis que vous annulez le gouvernement. Je conçois très-bien que la loi fixe les traitements des magistrats, précisément parce qu’ils sont entièrement indépendants du gouvernement ? Je ne concevrais pas qu’on appliquât la même règle aux fonctionnaires et employés des différents département précisément parce qu’ils doivent être dépendants du gouvernement. Les sommes que l’on alloue aux budgets constituent une espèce de forfait ; vous donnez telle somme au gouvernement pour faire marcher l’administration ; il doit en disposer, il en dispose suivant l’intérêt de l’administration, suivant les droits des employés. Ne croyez pas que ces secrètes rivalités, ces jalousies dont on vous a parlé soient à craindre ; il n’en existe pas ; le gouvernement n’a dans la distribution des fonds qui lui sont confiés qu’un but, celui de faire bien marcher l’administration ; pour bien faire marcher l’administration, il faut que le gouvernement prenne soin d’éviter les jalousies et les rivalités que l’injustice ne manquerait pas de faire naître.

Sous le rapport de l’intérêt des employés, rien de plus injuste que cette égalité de traitements. Combien d’éléments ne faut-il pas peser pour bien fixer des traitements ! Prenons les départements des finances et de la justice.

Au département des finances, tous les employés de l’administration centrale correspondent, pour les grades et les traitements aux employés des provinces. Ces traitements sont plus élevés à raison de la responsabilité que la plupart des employés encourent.

Au ministère de la justice, au contraire, rien ne correspond dans l’administration de l’intérieur aux grades de l’administration centrale. Que ferez-vous ? Détruirez-vous la hiérarchie de l’administration des finances, ou élèverez-vous tous les employés des autres ministères au même taux de traitement ? Si vous adoptez ce dernier moyen, vous aurez produit un résultat diamétralement contraire à celui que vous avez en vue ; si, au contraire, vous voulez abaisser le traitement des employés des finances au taux de celui des employés des autres ministères, vous rendez impossible la constitution rationnelle du département des finances.

Je vais plus loin. Je prends deux grades égaux, et je dis que la différence de traitement peut être nécessaire dans diverses hypothèses. Vous avez un chef de division à nommer ; celui qu’il s’agit de remplacer à rempli ses fonctions honorablement pendant 25 ans ; si les traitements sont établis d’une manière fixe, vous donnerez à l’un, le jour de sa nomination, autant que vous donniez à l’autre après 25 ans d’honorables services ! L’ancienneté est un élément pour la fixation du traitement, le mérite en est un autre.ce que vous rémunérez, ce n’est pas un grade, mais les services rendus à l’administration par un employé. Je prends dans un même ministère deux divisions différentes : l’une, dont le travail tout matériel suppose peu d’intelligence, mais exige beaucoup d’exactitude ; une autre, où le travail tout intellectuel exige des connaissances et des études ; trouverez-vous juste d’accorder aux deux chefs de division le même traitement ? Non certainement. Le traitement doit varier suivant l’ancienneté et le mérite personnel de l’employé. La nature des différentes fonctions justifie la diversité des traitements elle est même nécessaire dans l’intérêt de l’administration. Sous le rapport de l’intérêt du trésor ? Le trésor souffrirait évidemment de cette règle générale.

Voyez, en effet, comment les choses se passent. L’employé nouvellement nommé obtient souvent un traitement moindre que celui qu’il remplace ; par conséquent moindre que celui que vous donneriez par votre loi générale ; au lieu d’une économie, vous créeriez une dépense nouvelle. Vous auriez abdiqué votre contrôle sur les dépenses du ministre, car il pourrait vous dire : Je suis resté dans les cadres généraux tels que vous les avez fixés.

D’un autre coté, j’ai vu des exemples de jeunes gens admis dans l’administration à qui leur fortune fait attacher beaucoup plus de prix au grade qu’au traitement. S’ils ont droit à tout le traitement, comment le gouvernement pourra-t-il réaliser les économies que j’ai vu faire ?

Ces observations, je me suis permis de les soumettre à la chambre, parce que j’ai vu que cette idée, peu mûrie, gagnait du terrain, que les sections centrales émettaient le vœu de voir régler, par une loi, les traitements de tous les fonctionnaires et employés des divers ministères, et qu’il est de l’intérêt du trésor, des employés et du service qu’ils soient réglés par le gouvernement.

M. Zoude – J’ai demandé la parole pour expliquer à l’honorable M. Verhaegen, comment la section centrale avait été amenée à demander que le personnel des différents ministères fût organisé par un arrêté royal plutôt que par une loi Des sections avaient demandé que cette organisation fût fixée par une loi. Lorsqu’il a été question de cette proposition dans la section centrale, un des membres a pris la parole et a fait observer qu’en 1842, le corps législatif français avait interpellé le ministère pour lui demander de fixer le traitement des employés des divers départements par une loi et que le ministère avait répondu d’une manière satisfaisante et promis de faire ce qu’on désirait par arrêté royal, et qu’on pourrait voir la réponse dans le Moniteur.

J’ai parcouru le Moniteur, et je n’ai rien pu y découvrir ; de sorte que je ne puis pas vous communiquer les termes de la réponse du ministre français mais je pense que si, en France, les chambres ont pu se contenter d’un arrêté royal pour cette objet, nous pouvons nous en contenter aussi.

Un honorable membre a semblé regretter qu’on n’allouât pas des frais de voyage aux inspecteurs et sous-inspecteurs forestiers.

Personne plus que moi ne connaît en particulier l’utilité, je dirai même la nécessité des voyages que ces agents doivent faire dans l’intérêt du service ; mais je ferai observer que les fonctions de ces agents sont essentiellement actives, que si des frais de voyage devaient leur être assurés, il faudrait presque les accorder pour chaque jour de l’année, qu’il en résulterait que leur traitement serait plus que doublé. Or, la chambre sait que la section centrale doit déjà faire valoir tous les motifs qu’elle puise dans les fonctions de ces agents pour leur faire obtenir le traitement assez médiocres qu’on leur accorde, et qu’en remplissant leur devoir avec zèle ils doivent chercher leur récompense dans leur attachement au bien-être de l’Etat.

Quant aux observations de mon voisin, sur la douane, il me semble qu’il y a été suffisamment répondu par M. le ministre des finances, puisqu’il lui a dit qu’il avait pris cette année ses réclamations en considération ; que, quant au passé, il n’était plus en notre pouvoir, qu’il ne fallait plus en parler. Sans vouloir critiquer ses paroles, je pense qu’il était inutile d’en entretenir la chambre.

Quant aux frais de voyage, on nous a reproché d’avoir invoqué un ancien arrêté royal ; mais M. le ministre a fait observer qu’il y avait un arrêté nouveau qui réduisait de moitié le tarif établi par le précédent. Quant à moi, je déclare que si l’on propose une diminution de ce chef, je la voterai.

M. Mast de Vries – Si l’observation de l’honorable député de Gand, ne portait que sur les employés de la douane, je n’aurais pas pris la parole, car j’aurais laissé à M. le ministre des finances, qui est le défenseur naturel de ses employés, le soin de les défendre, ce qu’il a fait, du reste, avec succès. Mais l’observation de M. Manilius a une tout autre portée ; l’honorable membre croit beaucoup trop à la fraude Il est grand partisan de l’estampille et de la visite domiciliaire, partant de l’idée qu’il faut, par individu, une consommation d’un certaine quantité de certain article qu’il connaît plus particulièrement, le coton. Il nous a dit, dans une autre occasion, que tout ce qui n’était pas produit par le pays, et qui n’avait point payé les droits, était infiltré par la fraude. Donc la fraude doit être de tant de millions. C’est la prémisse qui pèche ; d’après nous, la consommation est loin d’atteindre au chiffre qu’il avait fixé.

Les observations de l’honorable membre ont donc pour nous une grande portée : 1° majoration du nombre de nos douaniers ; 2° (et ce point est très-important) extension du rayon de la douane.

La semaine dernière, il a cité une localité qu’il désirerait beaucoup voir dans le rayon de la douane, et c’est au contraire parce que l’extension du rayon n’a point lieu que j’ai dû relever sa pensée.

Les observations de l’honorable M. Manilius tendent à faire croire que la fraude est facile et qu’elle a lieu sur une grande échelle ; je ne partage pas à cet égard ses opinions.

Il y a quelques années, lorsque la douane n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, j’ai dit que la fraude se faisait, que j’en avais la certitude, que je la voyais tous les jours. Tous les jours, en effet, des ballots de fraude passaient sous mes yeux ; car j’habite une localité où la fraude se donnait rendez-vous où elle faisait ses magasins pour être dirigée sur l’intérieur.

Aujourd’hui cela n’existe plus. Je puis certifier qu’il n’y a guère de fraude. L’augmentation excessive de la prime de fraude prouve assez que le service de la douane se fait bien. Ceux qui se livraient à la fraude sont ruinés, et ne se mêlent plus de ces opérations. Les dispositions prises pour punir les fraudeurs d’une peine corporelle font que presque personne ne veut plus se livrer à un métier si dangereux.

Une dernière observation de l’honorable M. Manilius, et qui prouve, dit-il, que le service de la douane doit se faire mal, c’est qu’un écrivain français a écrit qu’on passait à travers la douane comme à travers un crible. Il en est de cet écrivain sans doute, comme des historiens français : l’un d’eux écrivait dernièrement qu’il avait vu le monument en fer de Quentin Metzys au milieu de la cathédrale d’Anvers. L’économiste et l’historien peuvent se donner la main. Il ne faut pas s’y fier. En attendant j’engage toujours le gouvernement à ne pas étendre notre rayon de douanes.

M. de Brouckere – Je ne veux pas prolonger outre mesure la discussion qui s’est ouverte aujourd’hui sur les avantages ou les inconvénients d’une organisation générale des différentes administrations des ministères. C’est d’ailleurs moins à moi qu’on a cherché à répondre qu’aux honorables MM. Verhaegen et Osy.

Cependant je dois dire que je n’ai pas trouvé les objections de l’honorable M. Malou fondées en quoi que ce soit.

M. le ministre des finances, qui doit se connaître en administration, n’a pas méconnu les avantages d’une organisation générale ; il s’est contenté de dire qu’il examinerait ce projet, engagerait ses collègues à l’examiner, et ferait connaître le résultat de cet examen. J’attendrai que cet examen ait eu lieu.

(page 257) Mais, je le répète, les objections de l’honorable M. Malou ne m’ont pas paru fondées. En effet, que dit-il ? Qu’il ne faut pas traiter les employés de la même manière que les membres de l’ordre judiciaire, qu’il ne faut pas fixer d’une manière immuable ni leur nombre, ni leurs appointements. Je vous le demande, quel inconvénient y aurait-il à dire dans une disposition générale : Il y aura au ministère des finances tant de directeurs, tant de chefs de division, tant de chefs de bureau. Il pourrait y avoir plusieurs classes dans chaque catégorie ; ainsi il y aurait trois classes de chefs de division, trois classes de chef de bureau ; mais on fixerait un maximum qu’on ne pourrait jamais dépasser par chaque grade de chaque administration.

Je voudrais que qu’on indiquât les inconvénients de cette mesure ; je n’en vois aucun.

On ne dira pas que nous étouffons le zèle, l’émulation, puisque nous admettons qu’il y aura non-seulement différents grades, mais encore différentes classes de chaque grade.

Mais dit-on, si vous faites une organisation, il ne restera rien à faire au gouvernement. Je dis, au contraire, qu’il lui restera tout à faire : il lui restera les nominations, les révocations, et à faire parvenir les employés depuis le grade le plus infime, jusqu’au grade le plus élevé.

On nous dit qu’il se présente à l’administration centrale des jeunes gens ayant une position dans le monde, ayant de la fortune et préférant un rang à des appointements. Je déclare franchement que je ne ferai jamais rien pour les employés de cette classe, d’ailleurs toute exceptionnelle ; l’honorable M. Malou ne contestera pas qu’il n’y a pas beaucoup d’employés de cette catégorie dans l’administration. J’aime mieux les employés qui travaillent pour obtenir un juste salaire, le traitement auquel ils ont droit de prétendre, que les employés qui se présentent ainsi en amateurs. Comme ils n’ont que peu ou pas d’appointements, ils n’ont pas de zèle, pas d’exactitude, et c’est d’un mauvais exemple. Je parle en général et sans aucune application.

J’ai assez d’expérience de l’administration pour savoir que les employés qui, dans l’administration centrale, travaillent en amateurs, font assez peu de besogne, et donnent ainsi un mauvais exemple. On ne peut pas les traiter avec la même sévérité que les employés salariés ; ils abusent de cela pour ne rien faire. Les employés salariés, en voyant cet exemple, sont fort tentés de l’imiter. C’est une cause de désorganisation.

Je n’étendrai pas davantage mes observations sur ce point. Ce sont là simplement des idées que nous mettons en avant, des conseils que nous donnons. C‘est au gouvernement à mûrir ces idées, à voir jusqu’à quel point il convient de les appliquer.

Pour moi, sans examiner la question de savoir s’il faut une loi ou un arrêté royal, je reste convaincu qu’une organisation générale des différentes administrations des ministères serait un très-grand bien.

Quant à ce qu’a dit l’honorable membre, qu’il n’avait pas connaissance des rivalités dont on a parlé, je ne le conteste pas ; mais il n’en résulte pas que le fait ne soit pas vrai. Je déclare que j’en ai connaissance. Celui qui affirme un fait mérite plus de créance que celui qui l’ignore.

Je suis convaincu qu’aucun des ministres n’oserait contester qu’il est arrivé assez souvent que des employés du ministère réclamaient des appointements plus élevés, en donnant pour motif que des employés de même grade des autres ministères étaient mieux payés qu’eux. Ce cas s’est présenté et doit se présenter aussi longtemps que chaque ministre organisera son administration centrale comme bon lui semble, cette organisation pouvant être changée du jour au lendemain. Il n’y a qu’une chose assez remarquable : c’est qu’il n’y a jamais de réduction.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable préopinant n’est pas aussi éloigné de l’opinion de l’honorable M. Malou qu’il l’avait d’abord exprimé. En effet, il ne soutient pas qu’il faille nécessairement une loi. Sous ce rapport donc, il peut partager, comme moi, l’opinion émise par l’honorable M. Malou, qu’une loi générait l’action du gouvernement, ce qui n’arriverait pas au moyen de dispositions qui peuvent être modifiées selon les exigences réelles du service.

L’honorable M. Malou ne s’est pas montré opposé à des mesures d’organisation générale, mais si je l’ai bien compris, il a insisté sur ces deux considérations, qu’elles ne devaient pas être uniformes et immuables.

Telle était aussi ma pensée lorsque j’ai dit que l’on devait avoir égard à la différence qui existe dans l’importance des attributions et que l’organisation devait être déterminée par des arrêtés royaux et non par la loi ; l’organisation des différents ministères ne peut être uniforme.

Je citerai un exemple pour le prouver. Ainsi, un chef de comptabilité dans un ministère où le chiffre de la dépense n’est pas très-considérable peut avoir le titre de directeur. Je demande si un tel fonctionnaire doit avoir le même traitement qu’un directeur de l’administration des contributions, douanes et accises ? Assurément non. Une organisation uniforme serait vicieuse par bien d’autres motifs qu’il serait trop long de développer dans cette discussion.

Elle ne doit pas non plus être immuable, parce que de nouvelles exigences se révèlent successivement : il faut que le ministre responsable, pour que le service ne reste pas en souffrance, ait le droit de modifier l’organisation administrative, sauf à en rendre compte lors de la discussion de son budget ; on pourra alors mettre en parallèle les arrêtés généraux qui auront été publiés et les mesures partielles qu’il aura prises en y dérogeant et qu’il devra justifier.

D’un autre côté, on peut obvier à un inconvénient qu’a signalé, avec raison, l’honorable M. Malou.

Faut-il rétribuer de la même manière tous les employés de même grade ? Ne pourrait-on pas, pour certains grades, admettre des minima et des maxima de traitements ? L’employé nouvellement nommé aurait le minimum ; les plus capables, après un certain nombre d’années de grade obtiendraient le maximum.

M. Verhaegen – M. le ministre des finances se trompe grandement quand il prétend que MM. Malou et de Brouckere sont à peu près d’accord. Je démontrerai qu’ils ne le sont nullement.

L’honorable M. Malou a dit que les arrêtés royaux, les mesures réglementaires n’auront pas une grande importance, et que sous ce rapport il n’y voyait aucun inconvénient ! Eh bien, c’est précisément par ce motif, c’est parce que l’on peut, par arrêté royal, défaire le lendemain ce qu’on a établi la veille que moi je veux que le règlement se fasse à l’intervention de la législature.

Vous voyez que M. Malou n’est pas d’accord avec M. de Brouckere. Leurs opinions diffèrent du tout au tout.

Quoi qu’il en soit, revenons à la véritable question. Y a-t-il utilité à fixer d’une manière uniforme et par la législature, d’abord les cadres de tous les fonctionnaires de toutes les administrations, ensuite, les traitements à attribuer à chacun d’eux ?

Je ne veux pas messieurs, renouveler la discussion qui a eu lieu l’année dernière. Cela serait prendre inutilement votre temps. J’ai prouvé qu’il y avait des abus, des abus graves, et à cette époque, la grande majorité parut être de mon avis.

L’honorable M. Malou vient aujourd’hui nous dire que la question est très-difficile, et que sa solution dans notre sens peut présenter beaucoup d’inconvénients : Le gouvernement, dit-il, serait bientôt réduit à n’exercer aucune influence sur l’administration ; il est de l’intérêt des employés eux-mêmes que les traitements restent variables ; car il y a plusieurs éléments qui doivent concourir pour l’appréciation de ces traitements ; ce n’est pas seulement l’ancienneté qu’il faut consulter ; c’est encore l’aptitude, c’est le mérite ; et immédiatement après, l’honorable membre ajoute : Il peut en être autrement pour la magistrature, l’ordre judiciaire, parce que celle-là est indépendante, tandis que les fonctionnaires dont nous nous occupons sont et doivent rester dépendants de l’administration.

Messieurs, il n’y a qu’une petite difficulté : c’est que l’argument prouve trop. En effet, si ce que l’honorable M. Malou vient de nous dire est vrai pour les fonctionnaires de l’ordre administratif dont nous nous occupons, voire même pour les plus hauts employés dans l’administration, pour les inspecteurs généraux, les directeurs, etc, il doit aller plus loin et arriver jusqu’aux commissaires de district, jusqu’aux gouverneurs eux-mêmes !

L’honorable M. Malou veut s’en rapporter à l’appréciation du gouvernement ; il a confiance dans le ministère. Messieurs, quels que soient les hommes qui sont au pouvoir, je déclare que jusque-là n’ira jamais ma confiance ; et l’honorable M. Malou, dans d’autres temps, a partagé mon opinion. Si j’ouvrais le Moniteur, j’y trouverais la preuve qu’en maintes circonstances l’honorable M. Malou a tenu un langage tout différent de celui qu’il tient aujourd’hui, et il ne faudrait pas pour cela reculer de six mois !!

Messieurs, en disant qu’il fallait une loi, je n’ai fait que répéter ce que j’ai dit l’année dernière, et je crois vous avoir démontré la nécessité de cette loi.

J’ai demandé à M. le rapporteur de la section centrale comment il se faisait que, dans le rapport où se trouve énoncée l’opinion de la nécessité d’une loi, on ait ajouté : « Ou tout au moins par arrêté, » l’honorable M. Zoude m’a répondu que, dans la section centrale, un membre avait fait remarquer qu’en 1842 pareille opinion s’était manifestée dans la chambre française et que le ministère y avait répondu victorieusement en démontrant que des arrêtés devaient suffire ; et cet honorable membre a ajouté que nous ne devions pas être plus pointilleux dans la chambre belge qu’on ne l’a été dans la chambre française.

Je ne sais, messieurs, pourquoi nous ne serions pas, en certaines circonstances, plus pointilleux qu’on ne l’est dans la chambre française. Mais, chose extraordinaire, c’est que l’honorable rapporteur, qui aurait pu nous mettre sous le yeux ce qui, selon lui, s’est passé dans la chambre française, nous dit qu’il a compulsé le Moniteur et qu’il n’y a rien trouvé. La conséquence que j’en tire, messieurs, est que l’honorable membre a été induit en erreur.

M. Malou – Messieurs, la question que j’ai traitée tout à l’heure n’est pas du tout une question de confiance ou de défiance envers le ministère : c’est une question d’organisation et d’intérêt permanent. C’est à ce point de vue que je l’ai traitée, et que je continuerai à la traiter.

Prenons garde, messieurs, de confondre quelquefois le ministère avec le gouvernement. Ce serait un grand danger pour le pays. Et puisque l’honorable membre m’en fournit l’occasion, je dirai que lorsque j’ai parlé de la nécessité de la popularité du gouvernement, je n’ai nullement entendu parler de la nécessité de la popularité du ministère.

L’honorable membre vous a dit, messieurs, que l’observation que j’ai présentée prouvait trop. Et pourquoi prouve-t-elle trop ? parce que j’ai dit que les fonctionnaires des administrations centrales devaient être dépendants, et que je serais autorisé à en conclure que les commissaires d’arrondissement et les gouverneurs devraient aussi l’être, que leurs traitements, devaient également être fixés par le gouvernement.

Mais, messieurs, je ne recule nullement devant cette conséquence ; et en effet notre législation n’admet d’exception de traitements fixés par la loi que lorsqu’il y a inamovibilité ou une espèce d’inamovibilité, c’est-à-dire pour la magistrature et pour les militaires.

(page 258) Quant à la question en elle-même, il faut distinguer la forme d’avec le fond. Je désire, autant que les honorables préopinants, rendre impossibles les abus. Mais je m’opposerai toujours à ce que, pour des abus qui peuvent avoir existé, je n’en disconviens pas, on dénie au gouvernement ce droit utile, nécessaire à l’administration ; ce droit dont sa responsabilité est une conséquence, et qu’en lui déniant ce droit, on déplace sa responsabilité. En effet, fixez le cadre des employés, fixez leurs grades, leurs traitements, et alors qui sera donc responsable de la marche de l’administration ? Mais ce sera la chambre qui aura fixé les cadres, ce ne sera plus le gouvernement.

La vérité de votre contrôle, messieurs, consiste dans le vote des budgets ; c’est là que vous pouvez voir s’il y a des abus ; c’est là que vous pouvez les réprimer.

Quant à la forme, messieurs, j’ai principalement combattu l’idée de fixer par une loi, d’une manière uniforme et immuable, les traitements des employés des administrations générales. Que des règlements soient faits ; que ces règlements soient plus ou moins élastiques ; je crois que la plupart des objections peuvent être levées, mais j’ai encore combattu à ce point de vue l’idée d’assimilation entre les divers départements ministériels, et je crois que, quand l’honorable membre en viendra à formuler ses idées en fait, il ne parviendra pas à établir cette assimilation.

M. d’Hoffschmidt – Un honorable préopinant a exprimé le regret que la section centrale n’ait pas tranché en quelque sorte la question de savoir s’il y aurait utilité de faire fixer par la loi les traitements des employés d’administration. La section centrale, messieurs, a été saisie incidemment de cette question ; elle n’a donc pas cru devoir se prononcer définitivement et trancher une question très-difficile.

En effet, messieurs, la question de savoir si l’on doit fixer par une loi les traitements des employés des divers ministères est certainement grave. Or, vous sentez facilement qu’en présence d’un simple vœu manifesté par quelques sections, la section centrale n’avait point à se livrer à l’examen approfondi d’une question de cette importance. Elle a aussi été déterminée dans cette pensée, parce que dans cette session plusieurs sections centrales ont émis la même opinion ; et je vois qu’à cet égard nous sommes d’accord et avec M. le ministre des finances et avec plusieurs honorables membres qui ont parlé avant moi.

Du reste, déjà dans le département des travaux publics, les traitements des divers employés appartenant à l’administration du chemin de fer, ont été fixés par un arrêté royal. Il y a, quoi qu’on en dise, de l’avantage à ce qu’il en soit ainsi. Il y a plus de fixité. Il est vrai qu’on peut y revenir par un arrêté royal ; mais la publicité qu’on doit donner à ces actes est déjà une garantie qu’on n’y reviendra pas avec trop de légèreté, avec trop de précipitation.

Ainsi, sans vouloir me prononcer définitivement sur la nécessité d’une loi, je dois dire que je ne suis pas très-porté pour cette manière de procéder, qui présenterait, selon moi, de très-graves inconvénients. Mais je suis persuadé qu’une organisation générale, par arrêté royal, serait très-avantageuse et pour les employés et pour la chambre elle-même qui, de cette manière, pourrait mieux vérifier les budgets et les traitements accordés.

M. Zoude, rapporteur – Messieurs, l’honorable M. Verhaegen a paru croire que j’avais substitué dans le rapport mon opinion à celle de la section centrale. Je le prie de croire qu’il n’en est rien.

L’honorable membre a conclu aussi de ce que j’avais cherché inutilement dans le Moniteur français, que ce que j’avais dit de la discussion qui avait eu lieu à la chambre des députés était une erreur. Messieurs, j’ai cherché dans le Moniteur pour savoir quelles étaient les expressions dont s’était servi le ministère français pour convaincre la législature qu’un arrêté royal fixant l’organisation des divers départements ministériels avait autant de force qu’une loi. Si j’avais trouvé ces expressions, je serais entré dans plus de détails. J’ai dit que mes recherches avaient été inutiles, et l’honorable membre, qui m’avait indiqué la source où je devais puiser, avait été satisfait, ainsi que la section centrale, de ce que j’ai dit à cet égard ; et en approuvant mon rapport, il est devenu son ouvrage.

M. Manilius – Messieurs, je désire répondre quelques mots à l’honorable député de Malines, qui m’a attribué tout à l’heure une série de choses dont je n’ai pas parlé.

Il vous a dit que je ne voyais que de la fraude partout, que je ne désirais que l’estampille, que je me livrais tous les ans à des calculs sur la fraude.

Messieurs, l’honorable député de Malines peut se rassurer : lorsque je me livre à des calculs, je le fais dans l’intention de m’éclairer. Mais je ne m’en tiens pas à des calculs ; il me faut des faits. D’ailleurs, l’honorable membre doit avoir la conviction que je n’abuse pas des moments de la chambre ; et si je reviens tous les ans sur le même sujet, c’est que tous les ans, j’en ai les mêmes motifs.

Du reste, messieurs, si je me livre à des calculs, je fais comme l’honorable membre. Je sais qu’il est bon calculateur, mais notre manière de calculer n’est pas la même. (On rit.)

M. Jadot – Il me semble que les inconvénients que l’on fait valoir contre l’organisation des ministère par une loi n’existent pas ; il ne s’agit pas de fixer par une loi les traitements de tels ou tels individus employés, mais de répartir le travail en divisions, et d’assigner à chaque division un traitement proportionné aux travaux plus ou moins difficiles et aux connaissances qu’ils exigent ; de cette manière les traitements ne seront pas nécessairement les mêmes pour tous les chefs de division.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close.

Projet de loi accordant à d'anciens habitants des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg, un nouveau délai pour acquérir la qualité de Belge

Rapport de la section centrale

M. de Villegas présente le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à accorder aux habitants des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg un nouveau délai pour faire la déclaration nécessaire à l’effet de conserver la qualité de Belge.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport, et met le projet à l’ordre du jour à la suite du budget des finances.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1845

Discussion du tableau des crédits (finances)

Chapitre premier. Administration générale

Article premier

« Art 1. Traitement du ministre : fr. 21,000 »

Article 2

« Art. 2. Traitement du secrétaire général : fr. 8,400

Secrétariat général : fr. 45,000

Trésor public : fr. 111,000 »

- Ces chiffres sont adoptés sans discussion.

« Contributions directes, cadastres douanes, etc : fr. 140,000 »

M. Verhaegen – Messieurs, déjà en 1842, je me suis élevé contre le chiffre porté pour deux inspecteurs-généraux au ministère des finances, et vous vous rappellerez ce que j’ai eu l’honneur de vous dire encore l’année dernière relativement à ces fonctions inutiles, reconnues inutiles par M. le ministre des finances lui-même.

Sous le régime hollandais, il n’y avait à l’administration centrale qu’un administrateur des contributions directes et accises et un inspecteur-général pour chacune des grandes divisions du royaume ; cependant je pense que l’administration ne marchait pas mal à cette époque.

Un arrêté royal du 11 juin 1842, contre-signé par l’honorable M. Smits, a augmenté et compliqué ces rouages administratifs. D’après cet arrêté, l’administration centrale se compose (et c’est ce qui existe encore aujourd’hui) d’un directeur-général, de deux inspecteurs-généraux, de quatre inspecteurs en chef remplissant les fonctions de chefs de division, enfin de plusieurs inspecteurs d’arrondissement remplissant les fonctions de sous-chefs de division. Il y a, outre tout cela, dans chaque province, un directeur, un inspecteur en chef, des inspecteurs, et une foule de contrôleurs. Tous ces rouages, messieurs, je le disais l’année dernière et les années précédentes, tous ces rouages compliqués sont parfaitement inutiles et entraînent des frais considérables. J’étais d’autant plus autorisé à m’en expliquer ainsi, que je ne faisais l’année dernière que répéter les paroles prononcées par l’honorable M. Mercier, lorsqu’il combattait le système de son successeur d ‘alors, qui est aujourd’hui son prédécesseur, l’honorable M. Smits.

Je le disais, messieurs, et je le répète, rien ne serait plus facile que de démontrer l’inutilité de ces rouages. Sous le gouvernement précédent l’administration marchait, comme je viens de le dire, avec beaucoup d’activité et cependant elle était organisée alors d’une manière beaucoup plus simple.

D’ailleurs, messieurs, deux inspecteurs-généraux dans un pays n’est-ce pas un contresens ? Deux inspecteurs-généraux !! Mais autant vaudrait dire qu’il y a deux centres dans un cercle. Un inspecteur-général, j’en comprends l’utilité pour ramener l’unité dans l’administration centrale, comme je comprends l’utilité d’un inspecteur en chef dans les provinces pour ramener l’unité dans les provinces ; mais deux inspecteurs-généraux qui peuvent avoir des vues différentes, au lieu d’amener l’uniformité dans l’administration centrale, amèneront souvent le désordre. Car que nous a-t-on répondu messieurs, l’année dernière ? M. le ministre, qui avait, contre son système d’aujourd’hui, son opinion d’autrefois, nous a dit : « J’ai trouvé des inspecteurs-généraux, et j’ai dû les subir, mais nous verrons par la suite ; j’examinerai la question, je conserve toujours l’opinion que j’avais sous le ministère de mon prédécesseur ; je crois que deux inspecteurs-généraux sont parfaitement inutiles. Nous examinerons la question. » Mais, la question qui a été examinée depuis trois ans est restée sans solution, nous conservons deux inspecteurs-généraux et leurs appointements sont portés au budget.

Je lis, messieurs, dans le rapport de la section centrale, page 4, ce qui suit :

La sixième section demande si la nécessité d’un second inspecteur-général subsiste encore ?

« M. le ministre répond que, si les inspecteurs-généraux se livraient exclusivement à des fonctions actives, il n’y aurait pas lieu de les conserver tous deux ; mais l’un devrait être remplacé par un fonctionnaire supérieur qui serait placé à la tête d’une branche de service au ministère des finances ; il ajoute que le nombre des employés supérieurs devrait être augmenté, si l’on n’était retenu par des nécessités d’économie ; mais ceux actuels suppléent au nombre en passant leurs veilles et souvent des nuits au travail. »

Ainsi, d’après cette opinion, l’on a, quoi qu’on en ait dit, détaché du service actif un fonctionnaire pour le placer au ministère, en lui conservant sa qualité d’inspecteur-général, ce qui, d’après M. le ministre lui-même, est une superfétation.

Ce n’est dans pas une fonction créée dans l’intérêt du service, c’est une fonction maintenue dans l’intérêt de certaines personnes. C’est ce que je disais l’année dernière, c’est ce que je disais il y a deux ans, c’est ce que je dis encore aujourd’hui. Comme je tiens infiniment à ne pas parler sans obtenir quelque résultat, à ne pas répéter tous les ans la même chose sans qu’on en tienne compte, j’aurai au moins la satisfaction de lire à la chambre que M. le ministre répondait à mes observations et ce qu’il développait, si (page 259) bien en attaquant l’arrêté de 1842, contre-signé par M. Smits, son successeur d’alors je ne suis pas fâché de le relire une deuxième fois.

Dans la discussion du budget de 1843, je disais à l’honorable M. Smits, alors ministre des finances, tout ce que je dis aujourd’hui à son successeur, M. Mercier, et ce que M. Mercier, simple député, appuyait de tout son pouvoir. Voici, entre autres, les termes dont je me servais :

« L’un des deux inspecteurs-généraux était inutile, mais il fallait récompenser ce qu’en termes ministériels on appelle des services. Puisse M. le ministre des finances, lorsque son étoile viendra à pâlir, ne pas rencontrer sur le terrain électoral celui qui le caresse aujourd’hui et qui a payé son prédécesseur de tant d’ingratitude ! Voilà les hauts fonctionnaires qui mangent les traitements des petits receveurs ; c’est pour améliorer leur position que M. le ministre demande une augmentation de 28,800 francs. »

L’honorable M. Mercier était loin alors de contredire mes paroles, ses plaintes venaient corroborer mes plaintes, ses arguments pour démontrer l’inutilité de deux inspecteurs-généraux étaient mes arguments. Pour achever ma tâche, je ne puis mieux faire parler M. Mercier d’après cet inexorable Moniteur que j’ai sous les yeux.

Voici ce qu’il disait à la séance du 23 décembre 1842 :

« M. Mercier – Je regrette que dans ces débats il ait été question d’une circonstance qui m’est personnelle. Quelque pénible qu’il ait été pour moi de rencontrer sur le terrain électoral certains fonctionnaires dont je n’avais cessé de recevoir les plus vifs témoignages d’attachement, d’estime et de dévouement jusqu’au jour de ma retraite, je ne pense pas qu’agissant, soit comme chef d’administration, soit comme ministre des finances, j’aie personnellement acquis des droits à la reconnaissance des agents de l’administration dont j’ai concouru à augmenter le bien-être dans la sphère de mes attributions ; je ne reconnais donc pas le droit de les accuser d’ingratitude. Si plus tard ils exercent des actes d’hostilité contre moi, je ne plus que m’affliger de leur conduite et les abandonner au jugement de leurs concitoyens. Ecartant toute question personnelle, je suis d’avis que trois inspecteurs-généraux ne sont pas nécessaires pour la bonne administration des finances. Un inspecteur-général me paraît devoir suffire pour le service de l’administration des contributions, douanes et accises ; bien plus, le crédit demandé par le gouvernement pour les tournées d’inspection ne permet pas qu’il y en ait plus d’un. »

Cela était bien formel ; non-seulement, deux inspecteurs-généraux n’étaient pas nécessaires, mais le crédit tel qu’il était alloué, ne permettait même pas qu’il y en eût plus d’un.

Je renouvelai mes observations l’année dernière, et M. le ministre des finances me répondit ce qui suit :

« Messieurs, en effet, j’ai différé d’opinion avec mon honorable prédécesseur sur la nécessité d’avoir, au département des finances, pour l’administration des contributions, directes, douanes et accises, deux inspecteurs-généraux. Cette opinion, je la conserve aujourd’hui. Mais j’ai trouvé les deux positions occupées ; il ne m’a paru ni opportun ni convenable de proposer immédiatement la suppression de l’une d’elles ; toutefois j’ai fait tout ce qui a été en mon pouvoir pour rendre aussi utile que possible chacun des deux titulaires ; l’un à ma demande, s’est chargé, outre ses fonctions actives, d’attributions sédentaires, en prenant la direction d’une division au département des finances, et a donné ainsi son concours à une meilleure distribution du travail. »

Ainsi, on vous répétait en 1843 ce qu’on avait dit l’année précédente, en combattant le système de l’honorable M. Smits : on disait que deux inspecteurs-généraux étaient une superfétation, et ne pouvaient pas même être maintenus en présence des allocations du budget. On nous faisait entrevoir que cet état de choses serait changé ; eh bien, loin qu’il ait été changé, il se trouve aujourd’hui confirmé par le budget des finances ; la position est devenue une position normale. M. le ministre des finances veut conserver les deux inspecteurs-généraux, au traitement déterminé dans l’arrêté d’organisation de 1842.

Je crois qu’il ne peut pas continuer à en être ainsi et qu’il faut faire disparaître cette anomalie.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable préopinant paraît croire que le personnel de l’administration générale est trop nombreux.

Je dois déclarer à la chambre que, sans des efforts extraordinaires, plusieurs des fonctionnaires supérieurs du département des finances ne pourraient pas suffire à leurs travaux ; ils sont obligés de consacrer une partie de leurs nuits à la besogne dont ils sont chargés, et ils le font avec un dévouement qui mérite des éloges.

L’honorable M. Verhaegen, je ne sais pourquoi, revient encore sur cette question. Mais n’avons-nous pas toujours respecté les positions acquises ? Croit-on qu’on peut donner facilement une autre destination à un inspecteur général ? Il me semble que l’honorable membre et la chambre doivent être satisfaits, alors que je tire tout le parti possible des deux inspecteurs-généraux existants et que l’un d’eux a accepté, outre ses attributions ordinaires, la direction d’une des divisions les plus importantes du département des finances.

Lorsque j’ai critiqué cette disposition, je n’ai pas entendu qu’il y eût trop de fonctionnaires pour le travail de l’administration centrale ; mais j’ai émis l’opinion que deux inspecteurs-généraux ne pourraient être constamment en service actif, ce qui est vrai ; l’allocation accordée pour frais de route et de séjour, comme je le disais alors, serait insuffisante.

L’honorable membre est tombé dans une erreur de fait quand il a allégué qu’il n’y avait que deux inspecteurs-généraux pour le royaume des Pays-Bas avant la séparation ; dans les derniers temps, il y en avait trois que je pourrais nommer ; auparavant, il y en avait quatre pour l’administration des contributions directes, douanes et accises.

J’établis donc cette distinction : si une organisation était à faire, je trouverais encore que le crédit actuel est insuffisant, mais je ne nommerais qu’un inspecteur-général, et je nommerais un chef de division de plus : ce qui ne donnerait qu’une très-légère économie. Ainsi, j’ajoute que, si je ne craignais que la chambre ne comprît pas suffisamment toutes les exigences du service, je serais obligé de demander un supplément d’allocation pour l’administration des contributions directes, douanes et accises ; car, je le répète, il y a des fonctionnaires qui travaillent plus que leurs forces ne le permettent et dont la santé souffre de cet état de choses. En ne le faisant pas immédiatement, j’espère que les travaux d’organisation et de législation étant terminés, la besogne deviendra moins considérable, et que les fonctionnaires de mon administration pourront alors avec moins de peine suffire à leurs attributions.

Voilà les observations que j’avais à faire à l’honorable préopinant ; je suis persuadé que la chambre ne trouvera pas que je sois le moins du monde en contradiction avec l’opinion que j’ai exprimée précédemment.

M. Verhaegen – Messieurs, je sais qu’à l’administration des finances ; il y a des employés dont la santé souffre, par suite des nombreux travaux dont ils sont chargés. Mais c’est précisément pour cela qu’il faut empêcher qu’il n’y ait de sinécures, et que de hauts fonctionnaires, en conservant dans l’administration centrale une qualité et un rang tout à fait inutiles, ne viennent prendre les appointements de ceux qui travaillent.

Je m’explique. S’il faut des employés de plus, que M. le ministre des finances nous présente le cadre de ses fonctionnaires et nous dise le nombre d’employés qui lui est nécessaire. Si nous reconnaissons qu’il y a effectivement nécessité de donner des employés en plus, nous ne reculerons pas devant cette nécessité. Mais est-ce une raison de maintenir deux inspecteurs-généraux ? Si mes renseignements sont exacts, l’un des deux inspecteurs-généraux remplit parfaitement bien ses fonctions ; il y a d’autres inspecteurs-généraux qui travaillent très tard dans la nuit au ministère des finances ; il faut les rétribuer d’une manière convenable, je suis le premier à le proclamer ; mais parce qu’un autre individu est inspecteur-général, faut-il lui conserver un rang et un emploi à l’administration centrale, au détriment des autres employés ? Voilà l’injustice que je voudrais voir cesser, et c’est dans l’intérêt même des employés que je renouvelle aujourd’hui ces observations et que je les renouvellerai chaque année.

- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 140,000 fr. est mis aux voix et adopté.

La chambre adopte ensuite sans discussion, en ces termes, les trois dernières subdivisions de l’art. 2.

« Enregistrement et domaines : fr. 84,000

« Commission des monnaies : fr. 42,000

« Huissiers et gens de service : fr. 20,000 »

L’ensemble de l’art. 2 est mis aux voix et adopté.

Articles 3 à 8

« Art. 3. Frais de tournées : fr. 8,000


« Art. 4. Matériel : fr. 40,000


« Art. 5. Service de la monnaie : fr. 7,200


« Art. 6. Multiplication des coins et coussinets : fr. 20,000


« Art. 7. Magasin général des papiers : fr. 117,000


« Art. 8. Statistique : fr. 23,000 »

- Ces divers articles sont adoptés sans discussion.

Chapitre II. Administration du trésor dans les provinces

La chambre passe au chap. Il « Administration du trésor. »

Article 1

« Art. 1. Traitement des directeurs : fr. 86,550 »

M. Fallon – Je prends la parole pour demander quelques explications à M. le ministre des finances sur les causes de la disproportion qui existe dans les traitements des directeurs du trésor en province.

Voici comment se décompose le chiffre qui fait l’objet de l’article en discussion.

Le directeur du trésor dans le Brabant reçoit 11,680 fr., dans le Hainaut 11,000 fr., dans la Flandre occidentale 10,850 fr., à Anvers 9,850 fr., à Liége 9,850 fr., dans la Flandre orientale 9,500 fr., dans le Luxembourg 8,440 fr., dans le Limbourg 7,850 fr. et à Namur 7,650 fr.

Comme vous le voyez, la province de Namur se trouve au bas de l’échelle.

S’il est de principe de rétribuer les fonctionnaires à raison de leurs travaux, il y a inégalité, pour ne pas dire injustice évidente, à l’égard du directeur du trésor de Namur.

Vous allez en juger, messieurs ; je ne serais pas long pour le démontrer. Je me garderai bien de prendre pour objet de comparaison les provinces de Limbourg, de Luxembourg et de Namur.

Le chiffre des opérations financières dans les provinces de Limbourg, de Luxembourg et de Namur pendant les deux derniers exercices est comme suit :

Le mouvement financier dans la province de Limbourg a été, en 1842, 11,100,000 fr, en 1843 11,300,000 fr.

Luxembourg en 1842 13,000,000 fr., en 1843 17,700,000 fr.

Namur en 1842 24,700,000 fr., en 1843 25,400,000 fr.

(page 260) Le chiffre du mouvement financier de la province de Namur est double de celui du Limbourg, et cependant le traitement du directeur du Limbourg est supérieur à celui du directeur de Namur.

Le chiffre du mouvement financier de la province de Namur est de moitié en sus de celui de la province de Luxembourg, et cependant le directeur dans le Luxembourg jouit d’un traitement de 8,400 fr., tandis que celui de Namur ne touche que 7,650 fr.

J’espère que M. le ministre aura égard à ces considérations et rétablira l’égalité proportionnelle, du moins, entre les directeurs de ces trois provinces.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, les dispositions dont vient de parler l’honorable M. Fallon, proviennent en partie de ce que les traitements ont été fixés avant 1830, notamment en ce qui concerne les directeurs du trésor dans le Brabant et dans le Hainaut. La fixation des traitements a été parfois la conséquence de positions antérieurement occupées par les titulaires actuels de quelques-unes des places des directeurs du trésor. Mais je reconnais volontiers avec l’honorable membre qu’il serait désirable qu’il y eût uniformité entre les directeurs des provinces dont il a parlé en dernier lieu.

Je voudrais que ces traitements pussent être portés à un minimum de 8,000 fr. Le traitement du directeur du trésor dans le Limbourg est de 7,850 fr. et celui du directeur du trésor dans la province de Namur est de 7,650 fr. Il conviendrait que ces deux traitements fussent portés à ce minimum de 8,000 fr. Je crains toutefois de ne pouvoir satisfaire au vœu de l’honorable membre avant que quelques vacances arrivent, attendu que le crédit est absorbé par les traitements alloués. Mais lorsqu’une occasion favorable se présentera, mon intention est de porter ces deux traitements au chiffre que je viens d’indiquer. Je dis que je crois le crédit épuisé ; s’il ne l’était pas, je proposerai un arrêté au Roi pour appliquer à cette augmentation la partie qui serait disponible.

M. Fallon – Je ferai observer que j’ai eu soin de ne pas prendre pour points de comparaison les direction de nos grandes provinces, parce que dans ces provinces, il y a des positions acquises ; mais il n’en est pas de même pour le Limbourg et le Luxembourg, et j’espère que M. le ministre des finances donnera suite aux intentions qu’il vient d’exprimer.

M. Osy – Il me paraît que le directeur du trésor de Namur devrait avoir un traitement aussi élevé que celui du Limbourg. Vous avez un directeur à Bruxelles qui touche 18,000 francs par an. Il a 11,600 fr. comme directeur du trésor, mais il a en outre, un supplément de traitement de 3 mille florins, ce qui fait bien 18 mille francs. Si le gouvernement prenait une mesure définitive pour faire cesser ce supplément de traitement de 3 mille florins, on pourrait faire la répartition plus juste que réclame l’honorable M. Fallon. Je prie M. le ministre de nous dire si on ne pourrait pas supprimer ce supplément de traitement de 3 mille florins.

M. Dumortier – L’article qui nous occupe en ce moment, me ramène sur les observations que j’ai faites hier, quant aux traitements d’attente. Il y a deux votes de fonds pour les directeurs du trésor : un vote de fonds, à titre de traitement, au budget des finances, et un vote à titre de supplément de traitement, figurant parmi les pensions, de manière que voilà des fonctionnaires publics touchant des traitements à peu près équivalent à celui d’un ministre, dont une partie leur est acquise pour la vie entière à titre de pension. Je vous le demande, messieurs, est-ce ainsi qu’on doit gérer les deniers publics ? Je ne puis concevoir un pareil état de choses : supposez que demain l’un de ces fonctionnaires soit mis à la pension, quelle sera la conséquence du système financier dans lequel nous sommes entrés ? C’est qu’un directeur du trésor aurait 12 mille francs de pension. Il aura une pension calculée sur ses années de service ; si la pension est entière, et que son traitement soit de 12 mille fr., la pension de ce chef sera de 6 mille fr., il aura en outre 6 mille francs du chef de son supplément de traitement inamovible.

Ainsi un fonctionnaire pourra avoir 12 mille fr. de pension, tandis que la loi stipule qu’à l’avenir aucune pension ne pourra dépasser 6 mille fr. N’est-ce pas de l’incurie de la part du gouvernement que de laisser les choses en pareil état ? Il ne doit y avoir au titre des pensions rien d’alloué que pour les personnes qui ne remplissent plus de fonctions publiques et ne sont plus salariées à titre de fonctions, autrement c’est un cumul, et la Constitution l’interdit. Il est nécessaire que le gouvernement prenne une bonne fois cela en considération ; c’est en contradiction avec tout ce qui se fait en Belgique. Un ministre est le premier fonctionnaire de l’Etat, il a un traitement de 21,000 fr. et il doit payer ses portes et fenêtres sur son traitement, et un agent du trésor aura à peu près le même traitement que lui !

Il n’y a plus de hiérarchie dans un Etat où de pareilles choses se passent. Comme nous avons voté le budget de la dette publique qui comprend ces suppléments de traitement, nous n’avons pas à y revenir cette année, mais je pense que le gouvernement doit prendre l’engagement de faire cesser cet abus pour l’an prochain et de reporter au chiffre qui nous occupe tout ce qui est relatif à ces suppléments de traitement. On ne peut pas voter deux fois des traitements pour la même personne sans le savoir. C’est la première fois que la chambre sait qu’on lui fait voter des traitements à deux étages. Est-ce là ce que nous voulons ? Je pense que personne ne consentirait à voter ainsi deux traitements à la même personne. Je demande une promesse formelle du gouvernement de faire cesser cet abus pour l’an prochain.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, l’honorable M. Dumortier pense que c’est la première fois que la chambre a connaissance de ces suppléments de traitement.

M. Dumortier – Non, mais c’est la première fois que je fais remarquer…

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il ne s’est pas passé un seul budget sans qu’il en ait été question ; chacun de vous les connaît, non-seulement parce qu’il en a été question dans la discussion des budgets, mais parce que dans un projet de loi spécial on demande un crédit pour payer les arriérés des suppléments de traitement. Comment l’honorable membre peut-il prétendre que l’existence de ces suppléments de traitement a été ignorée par la chambre ?

Je ne puis prendre d’engagement maintenant, mais je demande que la discussion de la question ait lieu à fond à l’occasion de l’examen du projet de loi présenté pour l’arriéré des suppléments de traitement. Le gouvernement exprimera son opinion et indiquera la part qu’il croit qu’on doit prendre. Ce n’est pas incidemment qu’on peut discuter une question de cette importance. Attendons que le projet soit mis en délibération.

M. Dumortier – M. le ministre n’a pas voulu me comprendre. L’observation qui a été faite pour la première fois aujourd’hui, c’est que, quand on arrivera à la liquidation des pensions de ces fonctionnaires, ils obtiendront une pension de 12 mille francs. Si la somme qu’on leur paye comme supplément de traitement est portée au grand-livre avec la mention « Dette publique », vous ne pouvez pas la modifier, et vous leur devrez ensuite leur pension à raison de leurs années de services. Si le gouvernement ne veut pas prendre l’engagement de faire cesser cet abus, je vais déposer un amendement pour le faire cesser.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable membre est dans l’erreur s’il croit que je souffrirais jamais qu’un fonctionnaire touche deux pensions. Il aura à opter entre les deux pensions ; en aucun cas il ne pourrait les avoir toutes deux ; si le droit au supplément de traitement comme pension est reconnu, il aura à opter entre la conservation de ce supplément de traitement et la pension à laquelle lui donneraient droit ses années de service, en vertu de la loi générale des pensions.

M. Dumortier – Voici mon amendement :

« Dans le budget pour l’exercice 1846, le gouvernement devra fondre dans l’art. 1er du chapitre II les suppléments de traitements attribués aux fonctionnaires y mentionnés avec leurs traitements. »

Messieurs, nous avons voté le budget pour 1845. S’il n’était pas voté, je proposerais à la chambre de fondre les traitements des directeurs du trésor avec leur supplément de traitement. Je ferai une remarque : ces fonctionnaires ont ou n’ont pas un droit sérieux et réel à la pension qu’ils touchent sous le nom de supplément de traitement ; le gouvernement pense qu’ils l’ont, quand il présente un projet de loi pour leur en payer les arriérés ; s’ils ont ce droit, le ministère ne peut pas le leur enlever, surtout s’ils l’ont en vertu d’un traité international ; mais alors pourquoi présenter un projet de loi pour reconnaître ce droit ? Le ministère se condamne en présentant ce projet.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je dirai à mon tour à l’honorable membre : S’ils ont droit à ce supplément de traitement, ils le conserveront à titre de pension, mais ils ne toucheront pas alors d’autre pension, car aux termes de nos lois on ne peut pas jouir de deux pensions.

Peuvent-ils opter entre cette pension de 3 mille florins et la pension à laquelle ils auraient droit en raison de leurs années de services ? Là est la question. Quant à celle du payement des arriérés, je prie l’honorable membre de modérer son impatience ; si on a eu tort d’en proposer le payement, la chambre prononcera ; nous ne pouvons pas discuter ce projet de loi en ce moment ; il n’est pas à l’ordre du jour.

Je prends bien volontiers l’engagement pour le budget prochain, de réunir au budget des finances et les traitements et les suppléments de traitements des directeurs du trésor. Quoi qu’il en soit, je prends l’engagement, je le répète, de faire pour 1846 ce que demande M. Dumortier ; j’avais compris qu’il voulait vider la question en ce moment.

M. Dumortier – Alors, je retire ma proposition.

- L’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

Art. 2. Caissier-général de l’Etat : fr. 250,000.

- Adopté

La discussion est renvoyée à demain ; la séance est levée à 4 ½.