(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 159)(Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal à midi et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur Louis-Joseph Charanson préposé de la première classe des douanes à Courtrai, né à Loulez (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »
- Renvoi à la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif au nouveau délai à accorder pour la déclaration que doivent faire les habitants des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg qui veulent conserver la qualité de Belges.
« Le sieur Dierckx demande le payement des travaux qu’il a exécutés à Anvers pour compte du département de la guerre. »
- Renvoi à la commission des finances.
« Plusieurs habitants de Sart renouvellent leur demande en séparation de la commune de Cornet-St-Etienne. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les aubergistes, cabaretiers et débitants en détail de boissons distillées à Oostroosbeke, demandent l’abrogation de la loi du 18 mars 1838, qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »
- Même renvoi.
M. le président – Vous avez chargé le bureau de compléter la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription cantonale ; c’est M. Henot qui remplace M. de Nef dans cette commission.
Vous avez également chargé le bureau de nommer les membres de la commission qui sera chargée d’examiner le projet de loi tendant à ériger la Bouverie en commune distincte. Cette commission est composée de MM.. Dolez, de Sécus, Duvivier, Pirmez, Thienpont, Dumont et de Saegher.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, la loi du 21 mars dernier, relative à la conversion de l’emprunt de 100,800,000 fr., n’a autorisé l’échange des obligations à 5 p.c. contre des obligations à 4 ½ p.c. qu’en Belgique et à Paris. Nous ne connaissions pas alors quelle était la quantité des titres qui se trouvaient en Angleterre ; mais d’après les déclarations faites jusqu’à ce jour pour la conversion, le montant de ces titres s’élève déjà à plus de 20 millions de francs. J’ai donc cru que, dans l’intérêt du crédit public aussi bien que dans celui des porteurs anglais il importait de faciliter également l’échange des titres en Angleterre. A cette fin, le Roi m’a chargé de vous présenter le projet de loi dont je vais vous donner lecture ;
« Léopold , etc.
« Article unique. Par extension à l’art. 4 de la loi du 21 mars 1844 (Bulletin officiel, n°42), l’échange contre de nouveaux titres à 4 ½ p.c. des obligations des emprunts de 100,800,000 fr. et de 1,484,484 fr. 48 c. à 5 p.c., soumis à la conversion qui a lieu à Paris et dans chaque chef-lieu de province du royaume, se fera également à Londres. »
Je demande le renvoi de ce projet à la section centrale qui est chargée de l’examen du budget de la dette publique.
- Ce renvoi est ordonné ainsi que l’impression du projet.
M. le président – L’ordre du jour appelle le vote définitif du projet de loi relatif aux traitements de la magistrature. L’amendement introduit dans l’art. 1er consiste dans le rejet des propositions faites pour la cour de cassation, à l’exception de celle qui concerne les commis-greffiers.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, j’ai fait voir, dans des séances précédentes, qu’il était important, pour l’intérêt du service, que les avocats-généraux près la cour de cassation eussent un traitement plus élevé que celui des conseillers. La même opinion a été soutenue dans cette enceinte par plusieurs honorables membres qui ont reconnu, avec moi, avec mes prédécesseurs, et notamment avec l’honorable M. Ernst, dont j’ai cité les paroles, que l’augmentation demandée pour les avocats-généraux était désirable et utile.
J’ai fait voir qu’il importait que les officiers du ministère public restassent attachés à leurs fonctions et ne fussent pas engagés, par l’avantage de l’inamovibilité, à solliciter la place de conseiller. L’expérience a démontré que très-souvent les avocats-généraux aspiraient au fauteuil de conseiller et privaient ainsi le parquet de leurs lumières et de leur expérience. La chambre n’a pas admis ma première proposition, qui était de donner aux avocats-généraux 10,500 fr. ; je demande maintenant de porter le traitement de ces fonctionnaires à 10,000 fr. C’est la seule observation que j’aie à faire relativement à la cour de cassation.
M. Delfosse – Je n’ai, messieurs, que quelques mots à dire. D’après M. le ministre de la justice, il ne faut pas que les avocats-généraux de la cour de cassation soient tentés de devenir conseillers. Ou les avocats-généraux demanderont à devenir conseillers pour des raisons de santé, et alors il sera juste, il sera même utile d’accéder à leur demande, ou ils le demanderont uniquement pour avoir moins de travail, pour avoir une position plus agréable, et alors le gouvernement pourra repousser leur demande ; le gouvernement doit faire passer les intérêts de la chose publique avant les convenances de MM. les fonctionnaires.
Messieurs, j’ai encore une observation à présenter. Les professeurs des universités doivent, comme les avocats-généraux, posséder non-seulement la science, mais aussi le talent de la transmettre ; cependant, le traitement des professeurs n’est que de 6 mille francs ; vous savez qu’aujourd’hui les minervals se réduisent presque à rien ; ce n’est qu’à un petit nombre de professeurs d’élite qu’il est permis, par extraordinaire, d’accorder 9 mille francs. Il me semble que, si un traitement de 9 mille francs suffit pour des (pages 160) hommes d’élite, qui se sont fait un nom dans la science, le même traitement doit suffire pour MM. les avocats-généraux à la cour de cassation, qui n’ont qu’un rang secondaire.
M. Dolez – Je ne reviendrai pas sur les considérations qui militent en faveur de la proposition faite par M. le ministre de la justice ; mais je répondrai à ce que vient de dire l’honorable M. Delfosse. Il nous a dit que, si les avocats-généraux à la cour de cassation demandent à entrer dans la magistrature assise, pour des raisons de santé, il est équitable, juste de les y admettre ; que si, au contraire, ils font cette demande dans le but d’obtenir une position moins pénible et tout aussi lucrative que celle qu’ils désirent quitter, alors le gouvernement doit repousser leur demande. Je crois, messieurs, que cette observation n’a pas même le mérite d’être spécieuse, et que l’honorable membre a eu tort de provoquer, de la part du gouvernement, des dispositions que je qualifierai d’injustes, vis-à-vis de fonctionnaires qui s’adresseraient à lui pour changer de position. En effet, messieurs, quand il a consacré une partie de sa carrière à un travail pénible dont il s’est acquitté avec conscience et honneur, n’est-ce point un droit pour lui d’obtenir la nouvelle position qu’il demande ? Sera-ce précisément parce que c’est un homme de talent, un homme d’activité, un homme utile, que sa demande devra être repoussée ? Ses titres à la faveur du gouvernement deviendraient-ils des titres de défaveur ?
Voilà, messieurs, la doctrine que l’on préconise devant vous. Restons dans l’exactitude des principes et des faits. Toutes les fois qu’un avocat-général, qui s’est distingué pendant un certain temps dans l’exercice de ses fonctions, se présentera au gouvernement, appuyé du choix de la cour de cassation ou du choix du sénat, toujours le gouvernement le nommera, toujours il devra le nommer. La proposition du chef du département de la justice est donc réellement indispensable, si vous voulez maintenir dans les fonctions si laborieuses du ministère public les hommes distingués qui s’y trouvent. Quelles seraient, messieurs, les conséquences, du maintien de votre premier vote ? Ce serait de donner à des fonctionnaires qui ne jouissent pas du bénéfice, que l’on a tant fait valoir, de l’inamovibilité, à des fonctionnaires qui ont évidemment une carrière beaucoup plus laborieuse que celle de la magistrature assise, la même position pécuniaire que celle qui est attribuée à cette magistrature. Et, on l’a dit avec raison, il arrivera que le magistrat qui, pendant quelques années, aura suivi cette carrière, enviera une position plus facile et l’obtiendra, parce qu’il aura réellement acquis des titres à l’obtenir.
C’est donc dans l’intérêt même de l’institution, dans l’intérêt des parquets, comme dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, que j’appuie de toutes mes forces la proposition de M. le ministre de la justice, et que je regrette même que la proposition première n’ait pu être acceptée.
- Le chiffre de dix mille francs proposé par M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté.
L’ensemble du § 1 est adopté.
Voici les chiffres adoptés par la chambre lors au premier vote :
Premier président et procureur-général, 9,000 fr.
Présidents de chambre et premiers avocats-généraux, 7,000 fr.
Deuxièmes avocats-généraux, 6,500 fr.
Conseillers, 6,000 fr.
Substituts des procureurs-généraux, 5,500 fr.
Greffiers, 4,000 fr.
Commis-greffiers, 3,000 fr.
L’indemnité aux conseillers, pour présider les assises dans les villes où ne siège pas la cour d’appel, est fixée à 500 fr.
M. Dolez – Je crois, messieurs, qu’il est encore possible de revenir sur les chiffres qui ont été votés à ce paragraphe, et j’aurai à soumettre une proposition à la chambre.
Cette proposition concerne encore les officiers du ministère public et d’abord les seconds avocats-généraux des cours d’appel.
Quelle est, messieurs, la position que votre premier vote leur a faite ? Votre premier vote leur accorde un traitement de 6,500 fr. D’autre part, vous avez accordé aux conseillers un traitement de 6,000 francs accompagné de l’éventualité qui se produit à peu près une fois par an d’une présidence de cour d’assises rapportant 500 fr. Ainsi, votre premier vote met sur la même ligne les conseillers et le second avocat-général. L’inconvénient que j’avais l’honneur de signaler tout à l’heure pour la cour de cassation se produira donc pour les avocats-généraux des cours d’appel. Vous verrez les hommes jeunes et actifs qui occupent le rang de second avocat-général, demander la position de conseiller.
J’entends dire que le cas inverse s’est présenté à Gand. Mais à quelles époque ? C’est avant la discussion qui nous occupe en ce moment, et alors il existait entre les traitements des conseillers et des avocats-généraux une différence capable d’exciter l’émulation. Il y avait une différence de 1,000 fr., et cette différence de 1,000 fr., notre premier vote la réduit à 500 fr. ou plutôt à rien, comme je viens de le dire.
Je demande également à la chambre de modifier son vote relativement aux substituts du procureur-général. Je pense que la position qui leur est faite n’est pas ce qu’elle doit être, et que, sous tous les rapports, il y a lieu de modifier le premier vote de la chambre. Les substituts avaient auparavant un traitement de 4,800 fr. et les conseillers en avaient 5,000 ; de manière qu’il n’y avait qu’une différence de 200 fr. entre les deux traitements. Aujourd’hui, on donne 5,500 fr. aux substituts du procureur-général et 6,000 fr. aux conseillers ; différence de 500 fr. entre les deux traitements.
Ce n’est pas tout encore ; jusqu’ici l’on avait eu soin de mettre les substituts du procureur-général dans une position de parité parfaite avec les procureurs du Roi de première classe. Aujourd’hui encore, l’équilibre se trouve rompu : on donne aux procureurs du roi de première classe un traitement de 6,000 fr., et l’on ne donne plus que 5,500 fr. aux substituts du procureur-général.
Je demande, en conséquence, que l’équilibre soit rétabli ; je demande que l’on accorde un traitement de 6,000 fr. aux substituts des procureurs-généraux, et un traitement de 6,800 fr. aux seconds avocats-généraux. J’en fait la proposition formelle.
- La proposition est appuyée.
M. Delehaye, rapporteur – Messieurs, j’ai demandé la parole pour rencontrer une observation qui a été faite par l’honorable préopinant, et sur laquelle il appuie l’argumentation qu’il propose.
L’honorable membre dit que les conseillers des cours d’appel, indépendamment de leur traitement de 6,000 fr. touchent une somme de 500 fr. du chef de la présidence des assises. L’honorable préopinant ne remarque pas que cette somme est une véritable indemnité, qui est parfois insuffisante ; ce n’est que le remboursement des dépenses que les conseillers qui vont présider les assises sont obligés de faire. Je dirai maintenant que, dans la Flandre orientale, par exemple, l’indemnité de 500 fr. n’est pas même touchée par le quart des conseillers de la cour d’appel de Gand ; à Gand même le conseiller qui préside les assises ne reçoit rien ; il faut donc aller présider la cour d’assises à Bruges, pour avoir droit à l’indemnité. Or, il n’y a que quatre fois assises par an. Il n’y a donc que quatre fois 500 fr. qu’on peut distribuer entre les conseillers de la cour d’appel de Gand ; or, comme les conseillers sont au nombre de dix-huit, il s’ensuit que le quart de ces conseillers ne reçoit pas même cette indemnité de 500 francs.
J’ai dit que l’indemnité de déplacement était parfois insuffisante. Je sais que, dans quelques provinces, il arrive que les assises ne durent pas longtemps ; mais cette durée est souvent très-longue dans la Flandre orientale, et je connais des conseillers qui ont dû souvent faire une dépenses de déplacement supérieure à l’indemnité de 500 fr.
Messieurs, quant aux substituts des procureurs-généraux, je ne ferai qu’une seule observation. Il est vrai que ces substituts ont été placés sur la même ligne que les présidents et les procureurs du Roi des tribunaux de première classe. Mais remarquez que cette assimilation n’a pas été faite par la loi du 4 août 1832 ; que les appointements, en1832, étaient de 3,800 fr., et que c’est seulement en 1836 qu’on a porté ce traitement à la somme de 4,800 fr. Du reste, je dois dire qu’il y a peut-être moins de motif pour refuser une augmentation de traitement aux substituts des procureurs-généraux qu’aux seconds avocats-généraux.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, j’appuie la proposition de l’honorable M. Dolez ; elle est à peu près semblable à celle que j’avais faite primitivement et qui a été écartée par la chambre. J’avais demandé, en effet, 7,000 fr. pour les premiers, deuxièmes et troisièmes avocats-généraux ; j’avais pensé qu’il était indispensable d’établir entre les conseillers et les avocats-généraux la différence que j’avais proposée entre les traitements de ces divers fonctionnaires.
Je dois faire observer que si l’on n’adoptait pas l’amendement de l’honorable M. Dolez, il y aurait une espèce d’injustice envers les avocats-généraux qui verraient leur position améliorée seulement de 500 fr. alors que les conseillers ont obtenu une augmentation de 1,000 fr. La proportion sera rompue. Toutes les considérations que l’honorable M. Delehaye a fait valoir pour obtenir que les avocats-généraux de la cour des comptes devaient avoir un traitement plus élevé que celui des conseillers, s’appliquent avec au moins autant de force aux cours d’appel, où le service des avocats-généraux est extrêmement pénible.
Je crois donc devoir appuyer la double proposition qui a été faite par l’honorable M. Dolez.
Je ferai observer, en réponse à ce qu’a dit l’honorable M. Delehaye, qu’en effet les substituts, en 1832, n’avaient qu’un traitement de 3,800 fr., et que c’est en 1836 seulement qu’il a été porté à 4,800 fr. Mais je rappellerai que M. le ministre de la justice d’alors, l’honorable M. Ernst, avait proposé pour les substituts un traitement, non de 4,800 fr., mais de 5,000 fr. ; ce traitement était égal à celui des conseillers, et supérieur même à celui des présidents et procureurs du Roi des tribunaux de première classe.
M. le président – Personne ne demandant plus la parole, je mets aux voix le chiffre de 6,800 francs, proposé par M. Dolez, pour le traitement des seconds avocats-généraux.
Des membres – L‘appel nominal !
- Il est procédé à l’appel nominal.
65 membres prennent part au vote.
41 répondent non.
24 répondent oui.
En conséquence, le chiffre de 6,800 fr. n’est pas adopté.
Ont répondu non : MM. Castiau, de Chimay, de Corswarem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Secus, de Tornaco, Devaux, d’Huart, Dubus (aîné), Dumont, Fallon, Henot, Huveners, ; Jadot, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Morel-Danheel, Rodenbach, Savart, Sigart, Simons, Vanden Eynde, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude et Liedts.
(page 161) Ont répondu oui : MM. Cogels, Coghen, Coppieters, d’Anethan, de Baillet, d’Elhoungne, de Terbecq, de Villegas, Dolez, Donny, Duvivier, Fleussu, Lange, Lebeau, Mercier, Nothomb, Orts, Osy, Pirson, Smits, Thyrion, Van Cutsem, Van Volxem et Verhaegen.
M. le président – Je mets maintenant aux voix le chiffre de 6,000 francs, proposé par M. Dolez, pour le traitement des substituts des procureurs-généraux.
M. Dolez – Je réduits le chiffre à 5,800 fr.
- Le chiffre de 5,800 fr. est mis aux voix, il n’est pas adopté.
Le § 2, tel qu’il a été adopté au premier vote, est ensuite mis aux voix et adopté.
Le § 3, relatif aux tribunaux de première instance, adopté au premier vote, est mis aux voix et confirmé sans discussion.
Juges de paix, 1,800 fr.
Greffiers, 900 fr.
M. Castiau – Dans une précédente séance, M. le ministre de la justice a promis quelques explications à la chambre sur la question de savoir s’il n’y aurait pas moyen d’arriver à la suppression des émoluments perçus par les juges de paix. Cette promesse n’ayant pas été remplie par M. le ministre, je prends la liberté de la lui rappeler.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, je ne pensais pas que l’interpellation de l’honorable M. Castiau aurait été renouvelée aujourd’hui, je n’ai dans mon dossier aucun des renseignements que j’ai recueillis ; toutefois, je vais faire connaître les motifs pour lesquels je pense qu’il faut maintenir les émoluments des juges de paix. Ces émoluments montent à une somme assez considérable. S’il fallait augmenter le traitement des juges de paix en y comprenant les émoluments qu’ils perçoivent aujourd’hui, il en résulterait un surcroît très-notable de la dépense qui serait supporté par la généralité des citoyens au lieu de l’être uniquement par les personnes qui ont recours aux juges de paix dans certaines circonstances données. Or il me paraît beaucoup plus, juste de faire solder cette dépense par les personnes qui en profitent, que de la mettre à la charge de tous les citoyens, et d’augmenter ainsi le chiffre nécessaire pour le traitement des membres de l’ordre judiciaire.
La considération pour laquelle on s’oppose à ce que les juges de paix perçoivent des émoluments, est basée sur la dignité de ces magistrats, que l’on regarde souvent comme plus ou moins compromise par les émoluments qui leur sont alloués. Mais je ferai d’abord observer que les juges de paix ne reçoivent pas d’émoluments comme juges proprement dits, qu’ils ne les reçoivent qu’en qualité d’officiers publics, et pour des actes de juridiction volontaire. Comme juges, ils ont un traitement de l’Etat ; les actes, qu’ils ordonnent comme juge, ne leur sont pas payés par les parties ; ainsi, une des parties en cause devant eux ne peut leur supposer l’intention d’occasionner des frais dont ils profiteraient, et mettre ainsi en doute leur impartialité et la dignité de leur caractère. Quand ils reçoivent des émoluments, c’est comme officiers publics ; c’est par exemple, quand on vient les requérir pour faire une apposition de scellés, pour assister à une vente de biens de mineurs aux termes de la loi du 12 juin 1816, à une ouverture de porte en cas de saisie-exécution, pour présider un conseil de famille, etc. Quand le juge de paix agit en cette qualité, il a moins, je le répète, le caractère de juge que celui d’officier public ; requis par les parties, dans un intérêt privé, il est payé par elles ; je ne vois rien qui puisse compromettre sa dignité ; mais il y a plus : les juges de paix ne reçoivent pas leurs émoluments directement, c’est aux greffiers que les parties les remettent, ce sont les greffiers qui règlent les comptes et donnent aux juges de paix ce que la loi leur alloue ; la dignité du juge de paix est donc sauve, ils ne tendent pas la main, comme le disait l’honorable M. Vanden Eynde, ils se bornent à recevoir des mains du greffier ce qui leur revient. Dans la vue de ne point altérer la considération des juges de paix, on propose de faire percevoir les émoluments par les receveurs d’enregistrement. Mais je ne vois pas en quoi leur dignité gagnerait à ce qu’on fît faire cette perception par les receveurs de l’enregistrement plutôt que par les greffiers. La partie qui payerait saurait toujours très-bien que, quoique payant entre les mains du receveur de l’enregistrement, elle paye en réalité pour le juge de paix ; il n’y aurait donc pour elle aucun avantage, et elle ne croirait pas avoir obtenu gratuitement le concours du juge de paix. Ce système ne servirait donc à rien sous ce rapport, et, d’un autre côté, il présenterait un inconvénient grave : quand un conseil de famille, par exemple, est tenu, immédiatement après on paye le greffier, mais si on devait verser la somme due entre les mains du receveur de l’enregistrement, il faudrait attendre que la pièce ait été enregistrée, ce qui peut durer plusieurs jours et obliger les personnes qui n’habitent pas le lieu où a été tenu le conseil de famille à faire un nouveau voyage pour venir payer le montant du droit.
Je le demande à la chambre : que gagneraient les parties à cette innovation ? produirait-elle une compensation pour le surcroît de charges qu’elle causerait au trésor ? La suppression des émoluments des juges de paix ne serait, du reste, pas sans danger pour les intérêts qui leur sont confiés : les juges de paix sont inamovibles, abandonnés à eux-mêmes, guidés seulement par leur conscience et le sentiment de leurs devoirs ; tout en ayant confiance dans ces magistrats, ne doit-on pas reconnaître qu’il peut être utile de stimuler leur zèle, et les émoluments qui leur reviennent ne sont-ils pas propres à faire atteindre ce but ? L’expérience semble commander cette précaution qui a été conseillée par la plupart des fonctionnaires que j’ai consultés. Je dois ajouter une observation qui est de nature à faire impression sur la chambre ; c’est que les émoluments ont été maintenus en France et dans les Pays-Bas sans que jusqu’ici on ait songé à les supprimer.
Je le répète en terminant : une instruction très-longue, très-complète a été faite sur cet objet ; ce que je viens d’avoir l’honneur de dire à la chambre est en quelque sorte le résumé des avis qui ont été développés et que je partage entièrement.
Je pense donc qu’il n’y a pas lieu de changer ce qui se pratique depuis que l’institution existe, sans avoir présenté jusqu’à présent aucun inconvénient.
M. le président – La parole est à M. Castiau.
Plusieurs membres – Aux voix, aux voix.
M. Castiau – Si la chambre est pressée d’en finir, je ne veux pas abuser de son attention, je renoncerai à la parole.
Un grand nombre de voix – Non, non ! Parlez, parlez !
M. Castiau – Quoique la discussion actuelle ne doive produire aucun résultat utile en ce moment, je vais, puisque la chambre m’y autorise, répondre en peu de mots aux observations qui viennent de lui être présentées dans l’intérêt des émoluments des juges de paix.
M. le ministre a commencé par déclarer que la suppression de ces émoluments entraînerait pour l’Etat une charge considérable et qu’il serait injuste de faire retomber sur la généralité des contribuables cette charge qui aujourd’hui est supportée par ceux-là seulement qui ont recours aux services des juges de paix
Il y aurait beaucoup à dire sur cette prétention de faire retomber sur quelques-uns seulement la charge des services publics qui intéressent la généralité. La justice est la dette de la société envers tous ses membres. C’est à la société toute entière à la payer. Et le principe doit s’appliquer aussi bien aux juges de paix qu’aux autres magistrats de l’ordre judiciaire. L’idée de faire payer la justice par les justiciables est une idée quelque peu surannée et dont je ne m’attendais pas à voir sortir l’éloge de la bouche de M. le ministre.
Du reste, mes premières explications auraient dû rassurer complètement M. le ministre à cet égard. J’avais bien reconnu que la suppression des émoluments devait amener une augmentation nouvelle de traitement pour les juges de paix ; mais cette augmentation n’entraînerait aucun charge pur le trésor public. J’avais en effet proposé de faire tomber dans les caisses de l’Etat le montant des émoluments des juges de paix. L’Etat recevrait donc, d’un côté, ce qu’il dépenserait de l’autre et ce serait toujours, comme le veut M. le ministre, le justiciable qui a recours au juge de paix qui supporterait la charge des actes qu’il réclame.
Quoi qu’en pense M. le ministre, je crois que la dignité des juges de paix peut être fortement atteinte par les bénéfices exceptionnels qu’ils touchent dans l’exercice de leurs fonctions. Ce n’est pas comme juges, c’est comme officiers publics, nous dit-on, que les juges de paix reçoivent ces émoluments. Qu’importe la qualité ! N’est-il pas toujours le même homme ? peut-il donc dépouiller son caractère judiciaire quand il se livre à des actes auxquels les émoluments sont attachés ? Ce que je trouve d’inconvenant, c’est précisément ce cumul d’une fonction judiciaire et d’actes auxquels se mêlent des considérations d’intérêt privé. Ce qu’on craint, c’est que le juge de paix n’oublie alors son caractère judiciaire pour se laisser aller aux inspirations de l’intérêt privé.
La question, messieurs, est, à peu de choses près, la même que celle que vous avez résolue en interdisant aux membres de l’ordre judiciaire l’exercice d’un commerce et d’une industrie. Qu’eussiez-vous dit alors si l’on était venu vous présenter la distinction invoquée par M. le ministre et prétendre que ce n’était pas comme juge, mais comme citoyen que le magistrat exercerait son industrie et son commerce ? N’eussiez-vous pas repoussé cette distinction comme une pure subtilité ?
Mais ce n’est pas le juge de paix qui reçoit les émoluments, qui vient tendre la main en quelque sorte, nous dit-on ; c’est son greffier qui les touche et les lui restitue. Qu’importe ? répondrai-je encore. L’intérêt privé en est-il moins en cause ? Et si des contestations s’élèvent sur l’exagération des émoluments, ces contestations en seront-elles moins de nature à compromettre gravement la dignité de la magistrature ?
Il faut, ajoute-t-on, stimuler le zèle des juges de paix et les émoluments ont cet avantage. Oui, messieurs, il faut exciter le zèle des juges de paix et de tous les autres magistrats ; mais ce n’est pas à l’aide d’émoluments qu’on y parviendra ; il y aurait un moyen plus actif et plus régulier. Ce serait de proclamer le principe de la responsabilité judiciaire et de préparer une loi sur cet objet important. Si le magistrat était pécuniairement responsable et obligé, comme tous les citoyens, de réparer tout dommage causé par son fait, par sa faute ou sa négligence, croyez bien, messieurs, que cette disposition suffirait pour tenir son zèle en haleine et qu’on n’aurait plus à se plaindre de son défaut d’activité et de sollicitude.
Ce qui est à craindre, messieurs, c’est de trop exciter le zèle d’un magistrat par l’attrait de l’intérêt privé ; car il ne s’agit pas ici de la dignité de la magistrature seulement, il s’agit avant tout, de sa moralité et de son désintéressement. Ce qu’il faut éviter, c’est que le juge de paix ne soit amené, par des considérations d’intérêt privé, à trop multiplier les actes de son ministère, à les traîner en longueur et à exagérer le chiffre de ses émoluments. Ce seraient là de graves inconvénients ; et le seul moyen de les éviter, ce serait de renfermer le juge de paix dans son caractère judiciaire, et d’écarter de l’exercice de ses fonctions toutes les tentations de l’intérêt privé
(page 162) M. Fallon – Je demande qu’il soit donné lecture de la proposition en discussion.
M. le président – Il n’y en a pas.
M. Fallon – C’est différent.
M. Castiau – Je dois rappeler à la chambre que je n’ai pris la parole qu’après lui en avoir demandé l’autorisation. Ainsi l’observation de M. Fallon est parfaitement déplacée.
M. Rodenbach – J’appuie en partie ce que vient de dire l’honorable préopinant.
J’ajouterai que nous voyons souvent dans les campagnes les juges de paix apposés les scellés, lorsque la loi ne leur en fait pas une obligation, et ce sont les malheureux qui doivent payer.
On est d’accord que les juges de paix et les greffiers des justices de paix des cantons ruraux doivent avoir une augmentation. Mais on n’est pas de la même opinion pour les juges de paix des grandes villes. Ceux-là sont parfaitement payés leurs émoluments sont assez considérables. Cependant le projet de loi leur accorde une augmentation. Je trouve que c’est réellement du superflu ; car ces fonctionnaires sont suffisamment payés une augmentation n’était nécessaire que pour les cantons ruraux.
- Le § 4. Juges de paix, est définitivement adopté.
L’ensemble de l’article 1er est définitivement adopté.
La chambre passe à l’art. 2 relatif à la fixation des traitements des membres de la haute cour militaire ; la chambre a prononcé au premier vote la suppression de cet article.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – On n’a admis aucune des propositions qui avaient été faites pour la haute cour. Il est une de ces propositions que je dois reproduire ; c’est celle relative au substitut de l’auditeur-général qui n’a qu’un traitement de 3,700 fr.
Les auditeurs militaires de première classe ont un traitement de 4,200 fr.
Le substitut de l’auditeur-général a un travail très-important. Il siège à la haute cour militaire, comme je l’ai dit, dans les affaires les plus graves. En l’absence de l’auditeur-général, c’est lui qui est chargé de donner aux auditeurs militaires des ordres et des instructions. Son traitement devrait donc être supérieur à celui des auditeurs militaires.
Après que vous avez accordé aux autres magistrats des appointements convenables, il est impossible d’en refuser à un fonctionnaire qui occupe un rang élevé dans la hiérarchie militaire.
M. Osy – M. le ministre de la justice demande une augmentation de traitement pour le substitut de l’auditeur-militaire. Mais ce magistrat a au ministère de la guerre un traitement de 1,800 fr. Son traitement est donc de 5,500 fr. Je sais qu’on m’objectera qu’il ne touchera plus ce second traitement par suite de mon amendement. Mais pour mettre tout le monde à l’aise, et pour que mon amendement n’ait que la portée que nous avons voulu lui donner, c’est-à-dire qu’il assure seulement la saine interprétation de l’art. 103 de la constitution, je déposerai un sous-amendement tendant à ce que la disposition s’applique uniquement aux magistrats inamovibles.
Par suite, je m’oppose à l’augmentation demandée par M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Il me semble que l’honorable M. Osy s’est mis tout à fait à côté de la question. Il s’agit de savoir si le substitut de l’auditeur-général doit avoir un traitement de 5,500 fr., si le traitement de 3,700 fr. est suffisant ou ne l’est pas. Il ne s’agit que de la personne qui occupe les fonctions de substitut de l’auditeur-général. Nous réglons les traitements de la magistrature, abstraction faite des personnes qui peuvent remplir telles ou telles fonctions.
En raison de l’importance des fonctions de substitut de l’auditeur-général, un traitement de 5,500 fr. n’est pas trop élevé.
Si le substitut de l’auditeur-général a une autre fonction, s’il travaille au ministère de la guerre, s’il y a une besogne spéciale, pour laquelle il est rétribué, cela n’empêche pas que pour les fonctions de substitut d’auditeur-général qu’il remplit bien, très-bien même, il ne soit pas convenablement rétribué.
Je pense que, malgré la fonction spéciale actuelle du substitut de l’auditeur-général, nous devons accorder le traitement demandé.
La position de ce fonctionnaire au ministère de la guerre peut changer, et il serait impossible alors de venir demander une augmentation, si elle était maintenant refusée. Si l’augmentation n’était pas accordée, ce serait déclarer que la place de substitut de l’auditeur-général est convenablement rétribuée par un traitement de 3,700 fr., ce qui me paraît impossible.
M. Vanden Eynde – Vous venez de voter définitivement comme traitement du substitut du procureur-général près la cour d’appel, un chiffre de 5,500 fr. Pour tous ceux qui connaissent le travail de ces magistrats, il est certain qu’ils ne peuvent se livrer à une besogne étrangère à leurs fonctions.
Cependant, M. le ministre de la justice vient de présenter un amendement en faveur du substitut de l’auditeur-général, qui a le temps nécessaire de s’occuper d’une besogne assez considérable au ministère de la guerre. Car vous vous rappelez que lors de la discussion du budget de la guerre, vous avez été inondés de mémoires émanés de ce substitut, alors attaché au cabinet du général de Liem.
En lui accordant un traitement de 3,700 fr., on le paye pour le travail qu’il fait.
Le traitement d’un magistrat doit être proportionné d’abord à ses travaux, ensuite à la position qu’il occupe dans la société. Or, le substitut de l’auditeur-général qui peut s’occuper toute la journée au ministère de la guerre, qui reçoit à ce titre un traitement, une indemnité ou des émoluments (je ne sais sous quel nom tout cela figure au budget de la guerre que nous n’avons pas examiné depuis deux ans) doit être considéré comme très-bien payé.
Je m’oppose donc à l’augmentation de traitement demandée.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je dois rectifier ce que vient de dire l’honorable M. Vanden Eynde. Le substitut de l’auditeur-général n’a pas une besogne permanente au ministère de la guerre ; il ne s’y rend que quand ses fonctions de substitut de l’auditeur-général le lui permettent, et dans que le service à la haute cour en souffre.
Je ne pense pas que la besogne dont il est extraordinairement chargé et qui est étrangère à son service judiciaire, puisse avoir la moindre influence sur le vote de la chambre ; il s’agit d’attribuer un traitement à une fonction, abstraction faite du fonctionnaire, et des occupations qui, temporairement peut-être, lui sont confiées.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – Je demande la parole pour rectifier un fait.
L’honorable M. Vanden Eynde a dit que le substitut de l’auditeur-général est employé dans le cabinet du ministre de la guerre.
Messieurs, il n’en est pas ainsi. L’année dernière, j’ai soumis au Roi un arrêté portant l’organisation du ministère de la guerre. Le substitut de l’auditeur-général y a été classé dans la deuxième division (personnel). Il est le jurisconsulte du ministère. Dans la plupart des questions de législation et de droit militaire, c’est à lui que viennent s’adresser les chefs de division ou de bureau. Moi-même, je vous avoue que, quoique ce magistrat ne soit pas employé dans mon cabinet, je ne recule pas pour le consulter sur des questions de droit militaire plus ou moins épineuses. Dans tous les ministères de la guerre il y a des fonctions analogues.
Cette place rapporte à l’honorable substitut une indemnité de 1,800 fr.
Si nous étions obligés d’aller consulter au dehors, la dépense serait bien plus considérable ; il n’y aurait donc aucune économie à changer de système.
D’ailleurs, il nous faut ici, non un homme de loi ordinaire, mais un homme versé dans les questions spéciales de droit militaire. Celui-ci à l’expérience nécessaire, c’est en outre un homme de talent et d’intelligence. Nous ne l’employons pas, comme on a semblé le dire, à répandre des mémoires, mais je le répète, nous l’employons toutes les fois qu’il s’agit de résoudre une question de droit militaire.
M. Delehaye, rapporteur – Je ne puis rien ajouter à ce que vient de dire M. le ministre de la guerre. Si l’on n’avait pas un jurisconsulte, aux lumières duquel on peut recourir, on pourrait souvent causer à l’Etat un véritable dommage. D’un autre côté, si le ministère de la guerre devait aller demander des consultations au dehors, il est bien évident que la dépense serait plus forte. Il y a donc là une économie.
Je rappellerai une considération qu’a présentée M. le ministre de la justice et qui me paraît devoir être déterminante ; c’est que le substitut de l’auditeur-général, remplaçant l’auditeur-général lorsqu’il est empêché, transmet en cette qualité des ordres aux auditeurs en campagne. Il doit donc avoir un traitement plus élevé que le leur.
L’honorable M. Osy a fait remarquer que ce fonctionnaire touche au ministère de la guerre une indemnité de 1,800 fr. mais si l’amendement de l’honorable M. Osy est adopté, le substitut de l’auditeur-général perdra cette indemnité. Son traitement sera donc réduit au-dessous de celui des fonctionnaires auxquels il donne des ordres. L’honorable M. Vanden Eynde doit comprendre qu’il est impossible de placer un fonctionnaire dans cette position.
L’honorable M. Vanden Eynde reconnaîtra que le substitut de l’auditeur-général devant remplacé, dans les cas d’empêchement, l’auditeur-général, peut être considéré comme un premier avocat-général. Mais, dit-on, il a peu de besogne. Je ne sais si l’on peut tirer cette conclusion de ce qu’il a au ministère de la guerre les attributions qui viennent d’être indiquées. Je ne sais même si ces attributions ne font pas partie de ses devoirs comme substitut de l’auditeur-général.
Je pense que la chambre se montrera très-conséquente, en votant la somme demandée par M. le ministre de la justice. Dans tous les cas, il est évident que le traitement dont il s’agit doit être augmenté.
M. Dumortier – Le but qu’on s’est proposé dans cette loi a été d’améliorer le sorts des membres de l’ordre judiciaire. Il faut être conséquent : lorsque vous améliorez la position de tous, vous ne pouvez réduire le traitement d’un seul. Il est évident que l’amendement de l’honorable M. Osy, tel qu’il a été adopté, a pour conséquence de priver le substitut de l’auditeur-général d’une indemnité qui élève à 5,500 fr. le chiffre de son traitement. La proposition de M. le ministre de la justice n’est donc pas une demande d’augmentation ; elle tend uniquement à maintenir à ce magistrat son traitement actuel.
Il est évident que le substitut de l’auditeur-général est à l’auditeur-général ce que le premier avocat est à un procureur-général près d’une cour d’appel. Vous avez accordé au procureur-général un traitement de 7,000 fr. L’auditeur-général a un traitement de 8,400 fr. ; son substitut devrait donc, dans la même proportion, avoir un traitement de près de 7000 fr. Je ne demande pas l’adoption de ce chiffre ; mais je demande qu’on ne maintienne pas le chiffre de 3,700 fr., qui est en-dehors de toutes les proportions admises. Je demande que ce magistrat ne soit pas le seul qui soit réduit ; or, rejeter la proposition de M. le ministre de la justice, ce serait une réduction. Ce serait une injustice. Le chambre ne l’admettra pas.
Quant à la modification que l’honorable M. Osy veut introduire dans son (page 163) amendement, elle n’est pas admissible. Elle aurait pour but de soustraire les membres du parquet aux effets de la disposition que nous avons votée. Mais remarquez que les membres du parquet sont les enfants gâtés du gouvernement ; eux seuls ont le bel avancement ; leur avancement ne peut être comparé à celui qui est accordé à la magistrature assise. D’ailleurs, les magistrats du parquet ont plus de travail que la magistrature assise. Si vous donnez au gouvernement la faculté de les employer dans l’administration, cela entravera le service. Je pense donc qu’il est préférable de laisser la disposition telle qu’elle a été admise au premier vote.
M. Osy – Je proposerai à la chambre d’ajourner cet article jusqu’à ce que nous ayons statué sur l’art. 15, qui comprend mon amendement.
- Cette proposition est acceptée.
La suppression de l’art. 5 est définitivement prononcée.
La chambre passe au chap. IlI, Retraite.
L’art. 7 est définitivement adopté.
Les amendements introduits dans les articles 8 à 14 sont successivement mis aux voix et définitivement adoptés sans discussion.
« « Il est interdit, sous les peines disciplinaires, à tout membre de l’ordre judiciaire, d’exercer soit par lui-même, soit sous le nom de son épouse, ou par toute autre personne interposée, aucune espèce de commerce, d’être agent d’affaires et de participer à la direction ou à l’administration de toute société ou établissement industriel. Le gouvernement pourra, dans des cas particuliers, relever de cette interdiction les greffiers et les commis-greffiers.
Il leur est également interdit de recevoir aucune autre indemnité que des frais de déplacement pour des fonctions à la nomination du gouvernement. »
La discussion est ouverte sur le 1er paragraphe de cet article.
M. Savart-Martel – Messieurs, j’entends l’art. 15 dont il s’agit de manière à ce que l’exploitation des mines, minières et carrières, ainsi que la vente de leurs produits, ne soient point interdits aux membres de l’ordre judiciaire, quand il s’agit de fonds qui sont leur propriété, ou la propriété de leurs épouses, et ce avec d’autant plus de raisons qu’au terme de la loi du 21 avril 1810, ces sortes d’exploitation ne constituent point le commerce.
S’il n’en était pas ainsi, je croirais devoir proposer un amendement dans ce sens. (Interruption). On me dit de toutes parts, que c’est ainsi que la loi doit être entendue ; mais comme les paroles s’envolent, et que ce qui se passe ici doit et peut servir de commentaire à la loi, je me félicite de ce que mon opinion soit ainsi admise positivement, et surtout qu’elle soit écrite.
Au surplus, je pense qu’il est aussi entendu que l’interposition n’a point pour règle l’art. 911 du code civil ; c’est une question de fait, une question de bonne foi qui sera décidée par les pairs du magistrat, sans autre règle que leur conscience.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, deux questions me sont adressées par l’honorable M. Savart ; la première est relative à la rétroactivité de la première disposition de l’art. 15 ; la seconde est relative au sens qu’il faut donner à ces mots : « exercer le commerce » et « personnes interposées ». A la première question je réponds : Dès que la loi sera obligatoire, le magistrat ne pourra plus faire le commerce, peu importe qu’il l’ait ou non exercé antérieurement ; mais il doit être bien entendu que le propriétaire peut continuer à exploiter ses propriétés ; cette exploitation ne constitue pas un acte de commerce ; le propriétaire qui vend les produits de son fonds, n’exerce pas le commerce, les dispositions formelles de la loi commerciale ne peuvent laisser aucun doute à cet égard.
Quant aux personnes interposées, je crois avoir, dans une séance précédente, répondu sur ce point à ce qu’avait dit l’honorable M. Orts : l’art. 911 du Code civil ne peut avoir ici d’application ; il s’agit d’une hypothèse toute différente de celle prévue par cet article ; il s’agit de savoir si le magistrat fait réellement un commerce à l’aide d’une personne qui ne serait que son prête-nom.
M. Malou – J’entends que l’on donne à cet article une extension qui n’est pas, je pense, dans l’intention de la section centrale. On dit que le magistrat ne pourra poser aucun acte de commerce ; tel n’est pas le sens de l’article : le magistrat ne peut exercer le commerce, il ne peut être commerçant ; mais, il ne faut pas déduire de là que, dans aucun cas, il ne pourra poser un acte de commerce. C’est une distinction très-essentielle.
Je ferai une autre observation ; j’ai entendu demander plusieurs fois jusqu’où s’étend l’interdiction de prendre part à la direction de sociétés commerciales. Je crois pouvoir dire que le sens de l’article est d’empêcher seulement que le magistrat ne participe pas à la direction active, à l’administration active de ces sociétés ; mais il peut y être intéressé ; je dirai même plus ; il peut exercer, dans l’administration, toutes les attributions de simple surveillance qui dérivent de la qualité d’actionnaire.
Je crois que tel est le sens de l’article et il m’a semblé qu’il était utile de l’expliquer ici.
- Le paragraphe premier est mis aux voix et définitivement adopté.
M. le président – Le 2e § vient d’être amendé par l’honorable M. Osy. Au lieu de dire : « Il leur est également interdit », etc., il propose de dire : « Il est interdit aux juges de recevoir », etc.
M. Osy – Messieurs, toute la discussion a porté sur l’application que donnait le gouvernement à l’art. 103 de la Constitution, et c’est en vertu de cet article que j’avais proposé mon amendement. Je crois que nous n’avons à nous occuper ici que des magistrats inamovibles. Il n’est pas dit pour cela que j’abandonne l’idée que j’ai souvent manifestée (et je fais toutes mes réserves à ce sujet) qu’une fois que les traitements des employés sont fixés, il ne peut plus être permis au gouvernement d’augmenter ces traitements d’une manière détournée au moyen d’indemnités ; et je prouverai, lors de la discussion des budgets, que je n’ai pas renoncé à cette opinion. Je vous ai cité l’année dernière un employé qui avait 3,400 fr. de traitement et qui recevait en indemnité 350 fr. par mois, c’est-à-dire plus de 4,000 fr. par an. De pareils abus ne peuvent plus être tolérés.
Mais je le répète, comme nous nous occupons aujourd’hui des seuls magistrats, ce n’est qu’à leur égard que nous devons déclarer comment nous entendons l’art. 103 de la Constitution. Lorsque nous en serons aux budgets, nous nous occuperons des autres fonctionnaires et je reproduirai mon observation pour tous ceux de l’Etat et qui sont amovibles.
M. Verhaegen – Messieurs, je viens appuyer le sous-amendement de l’honorable M. Osy. La chambre n’a voulu, en effet, qu’appliquer l’art. 103 de la Constitution qui défend aux juges de rien accepter du gouvernement, à quelque titre que ce soit. Nous avons eu en vue l’indépendance complète de la magistrature, et c’est dans ce sens que nous avons voté l’amendement de l’honorable M. Osy.
Messieurs, dans la dernière session, j’ai eu l’honneur de vous parler d’un projet que je mûrissais pour faire fixer par la loi tous les appointements. Je n’ai nullement abandonné ce projet ; mais il demande beaucoup de temps.
Je ne désespère pas d’arriver à un résultat avant la fin de la session ; et ce sera lorsque les appointements de tous les fonctionnaires sans exception seront fixés par la loi, qu’il faudra admettre comme corollaire qu’aucun fonctionnaire, quel qu’il soit, ne pourra plus rien recevoir au-delà de ses appointements, soit comme indemnité, soit à quelque autre titre que ce puisse être.
On le comprend, messieurs, la loi serait éludée si le ministère pouvait augmenter indirectement les appointements et se faire ainsi des adhérents aux dépens du trésor. L’honorable M. Osy a eu parfaitement raison de s’en expliquer. Il y a dans le ministère des fonctionnaires qui touchent, à titre d’indemnités, le double de leur appointements. J’ai eu l’honneur d’en faire l’observation pendant la dernière session, c’est un abus qu’il faut absolument faire cesser.
Je trouve, messieurs, que le sous-amendement de M. Osy a ceci de bon que nous ne restreindrons pas la mesure aux simples officiers du parquet, mais que nous énonçons dès maintenant, et je m’associe à cette pensée, l’opinion de la rendre applicable aux fonctionnaires de toutes les administrations. C’est dans ce sens que j’appuie ce sous-amendement.
M. Rodenbach – Le projet que l’honorable préopinant nous dit mûrir, me paraît se rattacher à une loi de cumul. Or, la constitution nous ordonne de nous occuper d’une loi sur le cumul. J’engagerai donc le gouvernement à nous présenter un projet de loi à cet égard.
Un membre – Une loi est présentée depuis sept ans. Elle est en section centrale.
M. Rodenbach – En ce cas, je demanderai que la chambre veuille s’en occuper ; l’honorable M. Verhaegen pourra alors présenter son projet comme amendement à la loi.
- La discussion est close.
Sur la proposition de M. Fallon, la chambre décide que cet amendement formera un article spécial (art. 16 de la loi.)
« Art. 16 (qui devient l’art. 17). Les traitements fixés par la présente loi, prendront cours au 1er juillet 1845. »
M. Orts – Messieurs, l’art. 34 de la loi du 21 juillet 1844 porte, à son n° 3, que les retenues au profit de la caisse des pensions s’exerceront pendant un mois au moins et trois au plus sur toute augmentation de traitement, etc., etc. Je demanderai à M. le ministre de la justice s’il est dans l’intention de frapper la retenue sur l’augmentation des traitements dont il s’agit en ce moment.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, d’après moi, le n°2 de l’art. 34 de la loi sur les pensions n’est pas applicable dans l’espèce. L’art. 43 n’est relatif qu’au changement de position d’un fonctionnaire ; ainsi, pour le juge de paix qui devient conseiller, on retiendrait l’augmentation d’un mois au profit de la caisse. Mais ici, il s’agit d’une mesure générale qui, laissant chaque magistrat sur le même rang, augmente les traitements de la magistrature sans donner individuellement à chaque magistrat une position nouvelle. La loi sur les pensions n’a point, me paraît-il, prévu ce cas.
M. Orts – Je remercie M. le ministre de la justice des explications qu’il vient de donner.
M. de La Coste – Messieurs, je vois que, dans l’art. 17, nous fixons l’époque à laquelle les stipulations avantageuses à la magistrature prendront cours. Ne faudrait-il pas, sous un certain rapport, fixer aussi l’époque à laquelle les conditions qu’on peut considérer comme onéreuses prendront cours, et notamment celle de l’art. 15 ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Cela n’est pas nécessaire. La loi ne fait que décréter en principe ce qui existe déjà. Les arrêts de 1814 et de 1815 interdisaient le commerce à tous les membres de la magistrature. La loi actuelle se borner à comminer des peines disciplinaires contre les magistrats qui enfreignent ces dispositions.
M. Dumortier – Je ne puis partager la manière de voir de M. le ministre de la justice relativement au fonds des pensions. Si l’on veut faire un fonds à la caisse des veuves et orphelins, il faut commencer par assurer une existence à cette caisse. Or, il me paraît que l’augmentation considérable (page 164) qu’on a accordé à la magistrature, devait servir pour quelque chose à la formation de la caisse des veuves. Je ne puis comprendre pourquoi l’on agirait, dans le cas d’une augmentation appliquée à tous les magistrats, autrement qu’on n’agit pour une augmentation individuelle.
Il y a peu de magistrats qui, pour le fait d’une mutation, obtiennent une augmentation aussi considérable que celle qui est accordée en masse par la loi actuelle. Il serait donc raisonnable que le premier mois de ces augmentations profitât à la caisse de retraite, d’autant plus que cette retraite serait très-sensible pour les membres de l’ordre judiciaire et procurerait, d’un autre côté, une ressource de 45 mille fr. à la caisse des veuves.
- L’art. 17 est définitivement adopté.
La chambre en revient à l’art. 2.
M. le ministre de la justice a proposé de porter à 5,500 fr. le traitement du substitut de l’auditeur-général.
M. Osy – Il n’y a plus lieu de donner suite à la proposition de M. le ministre de la justice. Aujourd’hui, le substitut de l’auditeur-général peut toucher les 3,500 fr. portés, en sa faveur, au budget de la justice, et les 1,800 fr. qui lui sont alloués sur le budget de la guerre, ce qui fait ensemble 5,300 fr. Si nous votions aujourd’hui les 5,500 fr. demandés par M. le ministre de la justice, le substitut de l’auditeur-général aurait 7,300 fr.
M. Dolez – Messieurs, je crois que la chambre doit voter le traitement accordé à une fonction, abstraction faite de la position particulière de l’homme revêtu de cette fonction. Que le substitut actuel de l’auditeur-général occupe, dans les bureaux du département de la guerre, une position particulière, ce n’est là qu’un accident qui peut finir demain par la seule volonté du ministre. (C’est très-juste !). Les observations qui ont été présentées par M. le ministre de la justice établissent à l’évidence la nécessité d’adopter la proposition d’augmentation qu’il a faite en faveur de ce fonctionnaire ; je voterai donc cette augmentation parce que je la crois méritée, et par la fonction et pour l’homme qui l’exerce.
Je demanderai maintenant la permission d’ajouter deux mots à l’égard d’un autre fonctionnaire de la haute cour ; je veux parler du commis-greffier. Le traitement de ce fonctionnaire est actuellement de 2,120 fr. ; on avait proposé pour lui 3,000 fr. ; ce chiffre a été rejeté ; je propose celui de 2,800 fr. ; il me paraît impossible de laisser le substitut de greffier de la haute cour militaire au niveau de simples commis-greffiers des tribunaux de première instance.
- Le chiffre de 5,500 fr., proposé par M. le ministre de la justice pour le traitement de substitut de l’auditeur-général est mis aux voix et adopté.
Le chiffre de 2,800 fr. proposé par M. Dolez pour le traitement du commis-greffier de la haute cour militaire est mis aux voix et adopté.
M. le président – Il entre dans l’intention de la chambre d’insérer dans l’article, outre le traitement du substitut de l’auditeur militaire et du greffier qui ont été augmentés, tous les traitements des autres membres de la haute cour qui n’ont reçu aucune augmentation, comme on l’a fait pour la cour de cassation. (Oui ! oui !)
- L’article 2, ainsi formulé, est mis aux voix et adopté.
Il est ensuite procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.
69 membres répondent à l’appel.
58 membres répondent oui.
1 membre répond non.
10 membres s’abstiennent.
En conséquence, la chambre adopte le projet ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Zoude, Cogels, Coghen, Coppieters, d’Anethan, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorstel, de Meester, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, de Terbecq, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dumont, Duvivier, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirson, Savart, Sigart, Simons, Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII et Liedts.
M. de Naeyer a répondu non.
Se sont abstenus : MM. Wallaert, Castiau, Delfosse, d’Elhoungne, de Mérode, de Tornaco, Dumortier, Lesoinne, Rodenbach et Smits.
Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Wallaert –Je me suis abstenu parce que je n’ai pas pu assister à la partie la plus importante de la discussion.
M. Castiau – Les motifs de mon abstention diffèrent de ceux invoqués par le préopinant. Je ne pouvais admettre le projet de loi dont j’avais combattu les principales dispositions. Je les avait combattues parce que toutes ces augmentations successives de traitements assez élevés finiront par être ruineuses pour le trésor public et onéreuses, accablantes pour les contribuables. Il m’était donc impossible de les appuyer aujourd’hui de mon vote.
D’un autre côté, je n’ai pas voulu rejeter le projet de loi parce qu’il renfermait un acte de justice envers certaines classes de juges de paix et un principe de haute moralité politique qui doit soustraire la magistrature à l’influence du pouvoir. Ce dernier motif m’aurait seul engagé à ne pas repousser le projet de loi qui le contenait.
Dans cette occurrence, il ne me reste qu’à m’abstenir.
M. Delfosse – Je n’ai pas voté contre la loi, parce qu’elle améliore le sort des juges de paix et parce qu’elle contient une disposition qui enlève au gouvernement un moyen d’influence sur la magistrature inamovible, moyen dangereux et contraire à l’esprit de la Constitution ; je n’ai pas voté pour la loi parce qu’elle accorde, sous le prétexte d’une prospérité financière à laquelle je ne crois pas, des augmentations de traitement qui ne me paraissent pas suffisamment justifiées.
M. d’Elhoungne – Je me suis abstenu d’émettre un vote favorable à la loi que la chambre vient d’adopter, parce qu’il m’était impossible d’approuver l’augmentation des traitements des magistrats des cours d’appel. Dans ma pensée, un projet de loi sur cet objet n’aurait dû se produire devant cette chambre qu’accompagné d’un autre projet de loi tendant à réduire le personnel beaucoup trop nombreux de nos trois cours d’appel.
M. de Mérode – Je n’ai pu assister à l’ensemble de la discussion ; bien que beaucoup d’augmentations accordées par la loi me paraissent utiles et à propos, je me suis abstenu, parce que je suis pas assez certain que les voies et moyens fournissent le contingent nécessaire pour subvenir à cette augmentation de dépense sans augmentation ultérieure de la dette publique.
M. de Tornaco – Le projet de loi voté porte des augmentations de traitement dont la nécessité n’est nullement justifiée, notamment en ce qui concerne les cours d’appel. D’un autre côté, la loi, en augmentant les traitements des juges de paix et des greffiers, me paraît avoir répondu à un besoin généralement senti. Ces considérations différentes se balançant dans mon esprit, j’ai cru devoir m’abstenir.
M. Dumortier – Lorsqu’en 1832 nous avons réglé les traitements de la magistrature, nous avons laissé pour des temps plus heureux le soin d’améliorer le sort des juges de paix. Le moment de leur rendre justice me paraît arrivé, mais je pense qu’en 1832 nous avons fait tout ce que nous devions faire pour la magistrature plus élevée, dans cette alternative, j’ai dû m’abstenir.
M. Lesoinne – Les traitements de la cour de cassation et des cours d’appel me paraissent assez élevés. Quant aux tribunaux inférieurs, j’étais assez d’avis de leur accorder une augmentation. Je ne pouvais voter pour ou contre un projet de loi dont j’admettais une partie et rejetais l’autre. Je me suis abstenu.
M. Rodenbach – Je me suis abstenu par les motifs énoncés par MM. Dumortier et de Tornaco.
M. Smits – Retenu chez moi par une indisposition qui m’a empêché d’assister à la discussion et d’en prendre connaissance par le Moniteur, je me suis abstenu.
M. le président – L’art. 1er n’a pas subi d’amendement.
Je mets aux voix l’art. 2 qui est un amendement.
M. Jadot – Comme on n’a accordé l’augmentation pour l’ordre judiciaire qu’à partir du 1er juillet prochain n’entrerait-il pas dans les intentions du gouvernement de ne faire partir que du 1er juillet l’augmentation accordée pour la cour des comptes ?
M. le président – Je ne suis saisi d’aucune proposition.
Un membre – Il est trop tard.
M. Jadot – S’il est trop tard, je ne regrette cependant pas d’avoir fait mon observation, car je suis persuadé que c’est une omission de la part du gouvernement.
M. Cogels – J’avais cru devoir m’abstenir hier sur cet article, parce que je désirais des explications sur son véritable sens. Je pense qu’il sera interprété dans le même sens que celui inséré dans la loi relative à l’ordre judiciaire. D’après cela, je l’adopterai.
- L’art. 2 est mis aux voix et définitivement adopté.
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi. En voici le résultat :
65 membres répondent à l’appel ;
57 membres disent oui ;
8 membres disent non.
Ont répondu oui : MM. MM. Wallaert, Zoude, Cogels, Coghen, d’Anethan, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorstel, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Sécus, de Terbecq, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dumont, Dumortier, Duvivier, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Kervyn, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirson, Sigart, Simons, Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII et Liedts.
Ont répondu non : MM Castiau, Delfosse, d’Elhoungne, de Naeyer, de Tornaco, Jadot, Lesoinne et Rodenbach.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au sénat.
La chambre décide qu’elle se réunira lundi à 2 heures.
Elle décide ensuite, sur la proposition de M. Mast de Vries, qu’elle s’occupera lundi de son budget, ainsi que d’un crédit supplémentaire demandé au même budget pour l’exercice de 1844, et qu’elle examinera mardi deux projets de loi tendant à proroger différentes lois relatives aux céréales.
La séance est levée à 2 heures et demie.