(Moniteur belge n°84, du 24 mars 1844)
(Présidence de M. d’Hoffschmidt, vice-président.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à midi et quart.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente l’analyse d’une pétition adressée à la chambre.
« L’université de Bruxelles demande l’égalité de représentation des diverses universités dans le jury d’examen et présente des observations contre l’intervention des chambres dans la nomination du jury. »
« Les élèves de l’université libre de Bruxelles demandent que les quatre universités soient également représentées dans le jury universitaire. »
M. Verhaegen. - Je demanderai que ces deux pétitions soient insérées au Moniteur, comme l’ont été celles des universités de l’Etat, et qu’elles soient déposées sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le jury universitaire.
- Cette proposition est adoptée.
M. Delfosse. - Il y a quelques jours, j’ai annoncé à la chambre que j’aurais quelques observations à lui soumettre sur l’affaire de la forêt de Chiny, mais que je croyais convenable d’attendre la présence de l’honorable M. Smits ; je n’ai pas voulu interrompre la discussion de la loi sur les pensions ; aujourd’hui qu’elle est terminée et que l’honorable M. Smits est ici, je présenterai mes observations, si la chambre le permet ; cependant si elle le préfère, j’attendrai jusqu’après le vote de la loi sur le jury d’examen.
M. Smits. - Je demanderai à l’honorable M. Delfosse si son intention est de faire une proposition quelconque ; dans ce cas, il pourrait la faire dès à présent.
M. Delfosse. - Je n’ai pas, pour le moment, de proposition à faire, mais je crois utile de soumettre à la chambre quelques observations.
M. Smits. - Dans ce cas je demanderai à l’honorable M. Delfosse de ne présenter ses observations que lorsque M. le ministre des finances sera présent ; car je ne suis plus nanti d’aucun document.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au rendiguement du polder de Lillo
La discussion générale est ouverte.
M. Huveners. - Messieurs, le projet de loi en discussion vous a été présenté le 8 février dernier. Pendant qu’on l’examinait en sections, M. le ministre de travaux publics ouvrit un concours aux entrepreneurs pour l’exécution des travaux de rendiguement du polder de Lillo. Ce concours fut annoncé au Moniteur du 13, et il fut dit qu’on recevrait les soumissions jusqu’au 29 ; ces soumissions furent déposées (voir annexe C du rapport, p. 17) ; la plus basse était de fr. 528,000.
Le 5 mars, la section centrale se réunit pour la première fois : on se borna à faire le dépouillement des procès-verbaux des sections et à demander différents renseignements.
« La première section demande que la section centrale se fasse délivrer tous les documents relatifs à la dépense, et qu’elle examine si les travaux ne doivent pas faire l’objet d’un adjudication publique.
« Le concours des propriétaires intéressés ayant été résolu par trois voix contre une, la section désire que des renseignements soient pris sur la plus-value que les propriétés pourraient avoir acquise par suite de l’inondation.
« La deuxième section exprime, à l’unanimité, le vœu que le polder de Lillo soit réendigué le plus tôt possible, sauf à examiner plus tard la question de la dépense.
« Elle décide, à quatre voix contre deux, que ce rendiguement ne se fera pas exclusivement aux frais de l’Etat.
« Une proposition ayant été faite ensuite de n’exiger le concours des propriétaires que pour autant seulement que leurs propriétés auront acquis une plus value par suite de l’inondation, cette proposition est admise par trois voix et rejetée par les trois autres.
« La troisième section désire connaître les intentions du gouvernement, relativement à la propriété des terres inondées : s’il entend se les approprier, ou les rendre aux anciens propriétaires ; dans ce dernier cas, la section est d’avis que les propriétaires doivent concourir aux frais du rendiguement, cette réintégration étant une faveur.
« La quatrième section reconnaît la nécessité du rendiguement sous le triple rapport de la défense de nos frontières, de la navigation du fleuve et de l’assèchement des terres qui se trouvent encore inondées.
« La question du concours des propriétaires ayant été examinée, sans donner lieu à aucune résolution, est recommandée à l’attention de la section centrale.
« La cinquième section n’adopte point le projet tel qu’il est présenté, parce qu’elle ne saurait calculer jusqu’où l’Etat serait engagé ; elle ne s’opposerait pas, par mesure d’équité, à ce qu’il fût accordé une somme déterminée pour contribuer au rendiguement et à l’assèchement du polder.
« La sixième section, au contraire, adopte le projet, et elle insiste sur les considérations d’intérêt moral et politique, développées à la page 9 de l’exposé des motifs. »
Je vous ferai d’abord remarquer que les première, deuxième, troisième et cinquième sections demandent que les frais de rendiguement des polders ne soient pas exécutés exclusivement aux frais de l’Etat.
La section centrale a d’abord demandé des renseignements.
Elle a demandé :
« 1° Quelle est la plus-value acquise par suite du rendiguement aux terres du polder de Lillo déjà rendues à la culture ;
« 2° Quelle sera la plus-value que pourront avoir acquise, par suite de l’inondation même, les terres qui se trouvent encore sous eau ;
« 3° Quel accroissement de valeur ces terres pourront acquérir par la construction d’une écluse nouvelle, moins exposée au désastre qui a frappé l’écluse rompue ;
« 4° Quelle est la quotité d’impôt qui incombait aux propriétés inondées du polder de Lillo, avant 1830 ;
« 5° Si le gouvernement entend s’approprier les terres inondées ou les rendre aux propriétaires actuels ;
« 6° Quels sont les résultats de l’adjudication qui a eu lieu récemment à Anvers pour les travaux du rendiguement ? Quelles sont les conditions imposées aux soumissionnaires ? Quel est le taux des diverses soumissions qui ont été faites ? »
A la même séance, la section centrale avait demandé aussi :
« 1° Le rôle des contributions du polder inondé, avant 1830, le nom des propriétaires et la portion du terrain possédée par chacun d’eux, ainsi que le montant de leur contribution respective ;
« 2° La valeur des terres inondées, avant 1830, et celle des polders non inondés. »
Cette question paraît ne pas être parvenue à M. le ministre des travaux publics ; mais elle est contenue dans la quatrième question qui avait été soumise à M. le ministre.
Messieurs, je ne sais quelle influence ces diverses demandes ont exercé sur l’affaire ; mais le 18 de ce mois, une nouvelle soumission a été présentée par le plus bas soumissionnaire et par laquelle il offrait un rabais de 20 mille fr. ; c’est-à-dire qu’il réduisait sa soumission de 528 à 508 mille fr. Toutefois, par la dernière soumission on fixe un terme fatal, il faut, que le contrat soit conclu ayant le 31 mars.
Le 15 mars, la section centrale a eu une nouvelle réunion ; M. le ministre nous a fait l’honneur d’assister à cette séance. On a pris connaissance de ses réponses ; elles sont analysées dans le rapport page 3. On peut, en quelque sorte les résumer en ceci : c’est qu’à défaut de documents nécessaires, il est impossible à M. le ministre de donner les renseignements demandés, mais qu’il s’engage à se les procurer le plus tôt possible et à les faire déposer sur le bureau ; je ne sais si cet engagement a été rempli.
Malgré l’absence des renseignements, l’urgence fut proposée et adoptée. Il a fallu nous en tenir aux explications des deux députés d’Anvers, qui, heureusement pour le polder de Lillo, faisaient partie de la section centrale. A peine voulût-on agiter la question de concours, il y avait danger imminent ; le moindre retard pouvait faire perdre au trésor 2 à 3 cent mille francs.
Messieurs, s’il y avait urgence de rendiguer le poldre de Lillo, cette urgence n’était pas telle qu’on dût nous mettre dans l’impossibilité d’examiner le projet avec toute l’attention qu’il mérite, mais il y avait urgence pour le gouvernement d’accorder une nouvelle faveur à certaines localités, il y avait urgence pour leurs députés membres de la section centrale, de l’obtenir ; cette affaire ne pouvant que perdre à être examinée, elle ne supportait pas un examen sérieux.
Les renseignements fournis par le gouvernement sont incomplets ; ils sont tronqués ; la question n’a été examinée que sous une de ses faces : les sections, comme la section centrale, se sont trouvées, par le fait du gouvernement, dans l’impossibilité d’examiner le projet sous toutes ses faces, la question du concours seule lui étant soumise. Je dois protester contre une telle manière d’agir. On accorde des faveurs à certaines localités, tandis que d’autres ne peuvent pas seulement obtenir justice.
Messieurs, j’arrive au fond de la question, et j’espère vous faire partager mon intime conviction que la mesure qui vous est proposée par le gouvernement constitue une véritable dilapidation ; je vous prouverai que la question d’humanité n’est pas là où l’on veut la placer, qu’il s’agit simplement de donner un demi-million à ceux qui n’y ont aucun droit, et ce parce que vous leur avez déjà donné plus de trois millions au même titre ; que les 300 hectares encore inondés ne sont pas seuls en cause, comme on le prétend, mais tout le polder de Lillo et peut-être d’autres encore.
Mais je tiens à justifier d’abord le reproche que j’ai fait au gouvernement d’avoir fourni des renseignements incomplets. Pourquoi n’a-t-on pas reproduit la pétition de l’administration du polder de Lillo, ainsi que la convention relative au subside de 5,000 francs à payer annuellement jusqu’en 1845 ? Pourquoi n’a-t-on pas donné les cinq premiers articles de l’octroi du 13 mai 1650, concernant l’administration intérieure des polders, on verra bientôt qu’ils ne sont peut-être pas d’un intérêt aussi secondaire qu’on le dit dans l’exposé des motifs.
Pourquoi s’est-on borné à donner les 28 premiers articles du décret du 16 janvier 1811 qui, pour les principes généraux en matière d’endiguements et de polders, lorsque ce sont précisément les articles 29 et suivants qui résolvent toute la question ?
Quoiqu’on n’ait pas contesté et qu’on ait même reconnu qu’il n’existait aucun droit positif en faveur des propriétaires, ni en vertu des anciens octrois, ni en vertu des antécédents posés par le gouvernement belge, je crois devoir m’y arrêter un instant ; je me bornerai à vous donner lecture de l’octroi du 30 avril 1728 qui contient l’exposé des précédents.
« Octroi du 30 avril 1728 (Extrait textuellement du 19ème registre aux chartes de la chambre des comptes de Brabant, 212 v°).
« Lettres patentes d’octroy de prolongation pour les adhérités et intéressés des poldres de Lillo, Staebroeck, Santvliet et Berendrecht
« CHARLES, par la grâce de Dieu, empereur des Romains,, toujours roy d’Allemagne, d’Espagne, de Hongrie, de Bohème, etc,, archiduc d’Autriche, etc.
A tous ceux qui ces présentes verront salut,
Reçu avons l’humble supplication et requête des adhéritez et intéressés des poldres de Lillo, Staebroeck, Santvliet et Berendrech, contenante qu’après la paix de Munster tous les intéressez des poldres inondés par l’Escaut, pendant la guerre tant en Brabant qu’en Flandres auroient obtenu des octroys très favorables pour les encourager à mettre en état les digues et écluses et mettre à sec les terres si fertiles, les remontrans ayant pareillement obtenu un octroy pour le terme de trente-six ans le treize may mil six cent cinquante, achevèrent leurs digues et écluses en ladite année, après avoir employé à un ouvrage si périlleux environ dix-huit cent mille florins, mais au lieu d’en jouir après une dépence si considérable, leurs dits polders furent encore inondés en l’an mil six-cent quatre-vingt-deux, dont le redicage outre la perte de deux ou trois récoltes auroient couté plus de deux cent mille florins, en sorte que le dit octroy fut encore prolongé pour un autre terme de vingt-cinq ans afin de seconder les remontrants à réparer cette perte considérable, lequel octroy étant venu à expirer le treize mai mil sept cent sept, ils obtinrent une nouvelle prolongation pour le terme d’onze années et jouirent, en conformité de leur primitif octroy, de toutes les franchises et exemptions y mentionnées, sauf que la nécessité de fourni à la dépense d’une longue et cruelle guerre engagea aussi les remontrants à nous accorder de tems en tems quelques subsides qui ont importé plus de quatre-vingt sept mille florins. Mais comme cette seconde prolongation venoit encore à expirer le treize may de l’an mil sept-cent dix-huit, ceux des sept quartiers d’Anvers firent tous les devoirs et remontrances imaginables pour empêcher pour empêcher toute ultérieure prolongation et ôter par conséquent aux habitants des dits polder la jouissance des dites franchises. (Il paraît que ces quartiers n’existent plus, sans cela les polders ne trouveraient peut-être pas des défenseurs aussi chauds dans cette enceinte.) Cependant les remontrants firent voit avant tout d’évidence que notre service et l’intérêt public absolument qu’ils fussent maintenus dans les dites exemtions comme l’unique moyen pour encourager les adheritez et hahitans à conserver les dits polders contre les fréquentes tempêtes et impétuosités de la mer, que nous accordâmes encore aux remontrans la nouvelle prolongation pour dix années moyennant qu’ils payeroient un vingtième l’aide l’impost sur les quatre espèces de consomption et la moitié des charges des quartiers. Mais comme ces nouvelles impositions sont fort onéreuses aux supplians et aux habitans des dits poldres par rapport aux sommes considérables qu’ils doivent contribuer annuellement pour l’entretien des digues et écluses, ils avoient espéré qu’après l’expiration de cette prolongation, on les auroit laissé jouir de leurs anciennes franchises et exemptions en conformité du primitif octroy ou du moins diminué le fardeau qu’on leur avoit imposé par la dite dernière prolongation du treize may mil sept cent dix-huit, considérant que les supplians pour l’entretien de leur digue qui s’etend de deux lieues avec leurs écluses et autres réparations nécessaires, doivent pour le moins contribuer une somme de dix-huit mille à dix-neuf mille florins par an, que cette dépense deviendroit de jour en jour plus excessive, par rapport que l’embouchure et la rivière, devenant plus large, les tempêtes et hautes marées seraient plus fréquentes que du passé, que la fertilité de leurs terres seroit fort diminuée quoiqu’elles ayent été ensemencées et portées des fruits depuis l’an mil six cent cinquante, les censiers se trouvant obligés de les laisser reposer de tems en tems ou de les engraisser et, par conséquent, le retenu annuel seroit pour le moitis diminué d’un tiers, qu’il y auroit de la justice à seconder les supplians, puisque leurs digues forment la barrière de tous les poldres circonvoisins depuis Lillo et Santvliet jusqu’à notre ville d’Anvers, et qu’il n’y auroit pas de poldre. dont les digues auroient plus d’étendue et seroient plus exposées aux mauvais vents que les leurs, et qu’ayant le malheur d’être inondés les eaux ne se pénétreroient pas seulement jusques au rampart de notre ville d’Anvers qui nous priveroit ainsy que le publicq d’un territoire de plusieurs mille bonniers de terre ; mais ces inondations pourroient aussy détourner le cours de la rivière de l’Escaut, ou du moins la rendre innavigable à la destruction entière du commerce, que les suppliant auroient encore le malheur d’être voisins des forts de Lillo et Frederick Hendrick dont les commandans étant maîtres des deux écluses pourroient entièrement inonder leurs poldres pour garantir leurs forts à la moindre apparence de guerre ou mesintelligence, ce qui priveroit les censiers et habitans de deux à trois récoltes, outre le grand dommage que ces inondations causeroient à leurs bâtimens et qu’enfin, ayant choisy pour leur demeure un terrain malsain et impraticable aux mois d’hyver dans la vue de jouir des anciennes franchises et exemtions, il y auroit de l’injustice de les en priver d’autant plus que leurs vies et biens se trouveroient souvent exposés aux inondations et qu’ils seroient souvent obligés de courir sur leurs vies quand l’impétuosité de la mer les menace de quelque rupture tellement que tous ces périls et incommodités contraindroient les meilleurs censiers d’abandonner les dits poldres s’ils n’étoient soulagez d’ailleurs par quelque privilège qui diminuerait leurs malheurs, cause qu’ils nous auroient très humblement supplié de prolonger pour un terme de vingt-cinq ans leur primitif octroy du treize de may mille six cent cinquante ou de diminuer du moins pour le dit terme les charges qu’on a imposé aux supplians par la dernière prolongation du treize de may mil sept cent dix huit, sçavoir faisons que nous, les raisons susdites considérées, eu sur ce l’avis de nos très chers et feaux les trésorier général et commis de nos domaines et finances inclinans favorablement à la demande et supplication des adhéritez et intéressez des poldres susdits, leur avons à la délibération, de, notre très chère et très aimée sœur Marie Elisabeth, par la grâce de Dieu, princesse royale de Hongrie, de Bohème et des deux Siciles, archiduchesse d’Autriche, etc., notre lieutenante et gouvernante générale de nos Pays-Bas, prolonge et accorde, prolongeons et accordons de grâce spéciale par ces présentes l’octroy que les supplians ont obtenu le treizième may mil six cinquante sur les conditions plus amplement y portées et exprimées par la dernière prolongation du troisième août mil sept cent dix-neuf, mais que les impétrans serons tenus au paiement des droits d’entrée et sortie, sauf qu’ils jouiront de l’exemtion pour l’entrée des fachines, bois, chaux, pierres et de tous matériaux nécessaires à l’entretien et conservation de leurs digues, qu’ils seront obligés de payer leur ancienne quotee taxée dans les subsides ordinaires de même que tous droits et impôts mis ou à mettre sur les vins, eaux de vie et autres espèces de consomptions.
« Qu’ils seront tenus de payer annuellement en rédemption des subsides un vingtième denier au comptoir du receveur des états de Brabant au quartier d’Anvers portant pour le village de Lillo mile quarante florins, pour Santvliet quatre cent cinquante florins, pour Berendrecht quatre cent trente florins et pour Staebroeck sept cent quatre-vingts florins.
« Que les impétrants passeront parmy payant tous les ans la moitié des charges des batteaux, chariots, pionniers et toutes autres nommées charges des quartiers à l’avantage et au profit des quartiers d’Anvers sous lesquels ils sont ressortissans, sur le même pied et de la même manière qu’il est réglé et porté par la prolongation accordée le trois aout mil sept cent dix-neuf.
« Le tout pour le terme de vingt-cinq années à commencer le treize du mois de may prochain jour de l’expiration de la dernière prolongation en fournissant promptement en don absolut pour notre service à la recette générale de nos domaines et finances la somme de trente mille livres du prix de quarante gros monnoye de Flandres la livre, et comme les impétrans devront lever à intérêt la dite somme de trente mille livres, nous les avons à cet effet authorisé et authorisons par ces présentes, bien entendu qu’ils seront tenus de rembourser le capital dans le terme de dix années compter du jour du commencement de cette prolongation, et qu’avant de pouvoir jouir de l’effet de cette notre présente grâce et prolongation d’octroy , ils seront tenus de les présenter tant aux dits de nos finances qu’à nos amez et féaux les président et gens de notre Chambre des comptes établie en Brabant pour y être respectivement vérifiées, intérinées et enregistré et à la conservation de nos droits, hauteurs et authorités. Si donnon en mandement aux dits de nos finances et à ceux de notre Chambre des comptes en Brabant ainsi qu’à tous autres nos justiciers officiers et sujet à qui se regardera que de cette notre présente grâce continuation et prolongation d’octroy ils fassent, souffrent et laissent les impétrans pleinement et paisiblement jouir et user en la forme et manière que dit est cessans tous contredis et empêchement au contraire car ainsi nous plaît-il : en témoin de ce que nous avons fait mettre notre grand scel à ces présentes données en notre ville de Bruxelles le trentième jour du mois d’avril de l’an de grâce mil sept cent vingt-huit, etc. »
« Acte déclaratoire du 16 avril 1731
« (Copie conforme à l’original reposant aux archives générales du royaume)
« Acte déclaratoire pour les adhérités et intéressés dans les polders de Lillo, Stabroeck, Santvliet et Berendrecht
« Son Altesse Sérénissime ayant considéré les représentations qui luy ont esté faites par les Estats de Brabant, au sujet de l’octroy qui a esté accordé le 30 d’avril 1728 aux adhérités et interessez dans les poldres de Lillo, Stabroeck, Santvliet et Berendrecht pour le terme de vingt-cinq ans moyennant la somme de trente mille florins. que lesdits adhéritez et intéressez ont fourni en don pour le service de Sa Majesté et ayant après la concession du dit octroy reconnu par les raisons déduites dans les dites rerésentations des Estats de Brabant, le dommage et le préjudice que souffrirait le service de Sa Majesté et le bien de l.’Estat, en cas que l’octroy dont il s’agit dût subsister pendant un si long terme que celluy de vingt-cinq ans, a pour et au nom de Sa Majesté par avis du conseil de ses domaines et finances jugé convenir de déclarer, comme Sa dite Altesse Sérénissime déclare par cette, que son intention, est, que le dit octroy n’aura lieu que pour le terme de dix ans, dont le troisième escherra le 13 may prochain, et en conséquence les dits Estats rembourseront à ceux des dits poldres. la somme de dix-huit mille florins, moyennant quoy, après l’expiration du dit terme de dix ans, qui finira le 15 may 1738, ceux des dits poldres seront obligés de payer toutes les charges publiques sur le pied que ceux des polders d’Austerweel les payent présentement. De plus les Estats de Brabant payeront en outre promptement et gratuitement à la recette générale des dites finances la somme de douze mile florins pardessus celle de dix-huit mille florins dont il est fait mention cy-dessus, au moyen de quoy l’octroy en question sera censé estre éteint et ne sortira plus aucun effet après l’écoulement du dit terme de dix ans, ordonnant Sa dite Altesse Sérénissime à tous ceux qu’il appartiendra de s’y conformer et se régler selon ce. Fait à Bruxelles, le 16 avril 1731. »
Il est inutile, me paraît-il, d’avoir recours aux autres documents pour ce qui concerne la question de droit. Je me rallie complètement, sous ce rapport, à ce qui se trouve dans l’exposé des motifs de M. le ministre, page 16. Voici les conclusions du gouvernement :
« De tous les actes qui viennent d’être analysés, le plus important est l’octroi du 13 mai 1650. Les octrois subséquents n’ont fait que le proroger, le plus souvent, avec certaines restrictions.
« En 1650, les polders de Lillo, Stabroeck, Santvliet et Beerendrecht se trouvaient sous eau, par suite d’un fait de guerre, la rupture des digues ordonnées, en 1584, par le duc de Parme.
« Les propriétaires intéressés ne demandèrent pas au gouvernement d’alors de faire le rendiguement. Ils se bornèrent à demander la confirmation, et à certains égards, l’extension d’un octroi de 1614, dont on n’avait pas pu faire usage.
Par l’octroi de 1650, le gouvernement restait complètement en dehors de l’exécution des travaux ; il se bornait à accorder aux intéressés, à titre d’encouragement et pour les seconder dans leur entreprise, l’exemption complète des impôts, y compris les droits d’entrée et de sortie.
« Cette exemption, fixée primitivement à 36 ans, et successivement prorogée, parfois avec des restrictions, a duré 88 ans, de 1650 à 1738.
« Elle constituait la seule concession faite par le gouvernement et encore les intéressés ne l’obtenaient-ils pas gratuitement, puisqu’ils devaient payer un droit de reconnaissance, fixé, par l’ordonnance de 1650, à 22,000 livres.
« Aucune disposition des anciens octrois du polder de Lillo n’impose au gouvernement, même implicitement, une responsabilité quelconque des cas de guerre. L’art. 43 de l’octroi de 1650 exclut au contraire l’idée d’une responsabilité de cette nature, en statuant qu’au cas où l’endiguement viendrait à être rompu et envahi par les eaux, par tempête, orage ou autrement, les, intéressés seraient autorisés à faire un nouveau rendiguement, en vertu du même octroi et sans devoir payer un nouveau droit de reconnaissance, pourvu que ce fût dans les 36 ans.
« Mais il y a plus : le préambule de l’octroi de 1719 constate que, dans leurs pétitions au gouvernement, les intéressés du polder de Lillo avaient formellement prévu la possibilité de l’inondation de leurs terres par un fait de guerre, et que la seule réserve qu’ils fissent pour cette éventualité, tendait à obtenir l’exemption du vingtième denier, aussi longtemps que leurs terres seraient inondées.
« Il est donc bien constaté qu’à ne consulter que les anciens octrois, le gouvernement n’est nullement obligé à rendiguer le polder de Lillo aux frais exclusifs du trésor,
« En est-il autrement aux termes de la législation actuelle sur les polders ?
« C’est ce que nous allons examiner.
« Les dispositions en vigueur sur les polders ont été établies par des décrets impériaux, qui ont reçu une sanction nouvelle par l’article 113 de la constitution.
« Le plus important de ces décrets, celui qui pose des principes généraux en matière d’endiguements et de polders, est le décret du 11 janvier 1811. (Voir l’annexe n° 14 du présent rapport.)
« Ce décret statue :
« Art. 5, que le revenu des polders et même la valeur du fonds sont affectés, par privilège, à toutes dépenses d’entretien, réparation et construction de digues ;
« Art. 13, que tout polder envahi par la mer, depuis plus d’un an, cesse d’être la propriété de ceux auxquels il appartenait et rentre par ce fait dans le domaine public. »
La 3ème section, qui m’avait fait l’honneur de me nommer son rapporteur, avait demandé si le gouvernement avait l’intention de reprendre le polder. Cette question était posée pour faire voir au gouvernement quelles étaient les obligations des propriétaires. Nous savions très bien que l’intention du gouvernement n’était pas de reprendre ces terres et de les joindre au domaine public ; mais nous voulions faire constater d’autant mieux que les propriétaires devraient concourir aux frais du rendiguement.
Enfin, M. le ministre conclut :
« D’après ces principes, que le décret pose dans les termes les plus généraux et sans faire aucune exception, même pour le cas de guerre, les terres des polders ne sont susceptibles que d’une propriété précaire et subordonnée à la conservation des endiguements ; si les propriétaires des terrains envahis par la mer négligent de les rendiguer, dans un délai déterminé, ils sont dépossédés par ce fait, leurs terres rentrent dans le domaine public, et le gouvernement est autorisé à en donner la concession à d’autres, à charge de rendiguement, ou à faire le rendiguement à son compte et à son profit.
« Cette législation, loin de prêter quelqu’appui aux réclamations des propriétaires du polder de Lillo, leur est manifestement contraire, ce n’est qu’en dehors de son application, qu’il peut être question de séparer les charges et les bénéfices du rendiguement ; d’imposer à l’Etat la dépense du travail et d’attribuer aux propriétaires la jouissance gratuite des terrains reconquis sur la mer.
« Les motifs qui déterminent le gouvernement à proposer le rendiguement aux frais de l’Etat et sans le concours des propriétaires intéressés, ne sont donc puisés, ni dans la législation actuelle sur les polders, ni dans les anciens octrois.
« Ce sont des motifs de justice et d’équité, auxquels on ne peut refuser une grande valeur. »
Il y a lieu de revenir au décret du 11 janvier 1811 et d’examiner les dispositions que le gouvernement a négligées ; il résulte de l’art. 2 :
« Art. 2. Tous particuliers, corps ou communautés, qui prétendraient droit à des terres définies par l’art. 1er dans les départements de l’Escaut, de la Lys, des Deux-Nèthes, des Bouches-de-l’Escaut, des Bouches-du-Rhin, seront déchus de leurs droits sans nulle formalité préalable, si, dans le délai d’un an, à compter de la publication du présent décret, ils ne forment leur demande, et ne justifient de ces droits devant notre maître des requêtes, directeur des polders, ou devant le préfet de leur département. »
Que ce décret est applicable aux polders des Deux-Nèthes.
Je passe au titre III.
Messieurs, je ne connais pas ce règlement ; s’il existe, il était du devoir du gouvernement de nous le communiquer. Ce ne peut être que l’octroi du 13 mai 1650 qui doit avoir fixe les règles de ces associations. Le gouvernement ne nous a pas communiqué les 5 premiers articles de cet octroi. Il nous a dit que c’étaient des dispositions d’un intérêt tout à fait secondaire et n’ayant pour objet que l’administration intérieure des polders.
« Art. 31. Les polders qui auront entre eux des intérêts communs, seront formés en associations pour leur défense mutuelle. »
Eh bien, messieurs, les anciens octrois me donnent la certitude que les polders de Lillo, de Stabroeck, de Zandvtiet, de Beerendrecht forment une association. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à parcourir les différents octrois et considérer les dépenses énormes auxquelles ces polders étaient assujettis. Evidemment, un seul de ces polders aurait été dans l’impossibilité de faire des dépenses aussi considérables.
« Art. 32. Chaque polder sera considéré dans l’association comme un individu : toutes les propriétés de chaque polder seront solidaires entre elles. »
Et l’art. 5, messieurs, est ainsi conçu :
« Le revenu des polders et même la valeur du fonds sont affectés, par privilège, à toutes les dépenses d’entretien, réparation et reconstruction des digues. »
Eh bien, messieurs, cet article combiné avec l’art. 32, dont j’ai donné lecture tout à l’heure, prouve à l’évidence que ce ne sont pas les 300 hectares encore inondés qui sont en cause, mais que c’est toute l’association des polders ou au moins tout le polder de Lillo, les 1800 hectares qui ne sont plus inondés, aussi bien que les 300 hectares qui le sont encore. Les propriétaires de tous ces terrains sont solidairement, et par privilège, tenus tant à l’entretien qu’à la construction des digues. Cela ne peut, d’après moi, subir aucun doute.
« Art. 33. L’étendue de chaque arrondissement de polder déterminée par une carte, les règles constitutives de l’association, la division des polders en classes, la proportion de la contribution de chaque classe, en raison de l’intérêt qu’ils ont à la défense des polders calamiteux, seront fixées sur la proposition du maître des requêtes, par un règlement d’administration publique, comme il est dit à l’art. 30. »
TITRE IV. - Des travaux et du mode d’entretien
« Art. 34. Les travaux de simple entretien seront exécutés par les associations particulières des polders. »
« Art. 35. Toutes, les fois qu’il s’agira de travaux s’exécutant au moyen du concours des polders d’un arrondissement, les projets, les devis et détails seront rédigés par les ingénieurs, et les adjudications passées par les préfets et conseil de préfecture, dans les formes adoptées pour l’administration des ponts-et-chaussées. »
« Art. 36. Les ingénieurs des ponts-et-chaussées seront chargés de la rédaction des projets des travaux d’art, tels que constructions d’écluses ou de nouvelles dignes, et toutes autres qui tendraient à changer les moyens de défense du polder. Lorsque les travaux devront être payés sur les fonds d’une seule association particulière, l’exécution lui en sera confiée ; mais ces travaux seront soumis à la surveillance, à l’examen et à la réception des ingénieurs des ponts-et-chaussées. »
« Art. 37. Il sera prononcé administrativement sur toutes les difficultés entre particuliers ou associations de polders, relatives aux travaux de construction, réparation ou entretien de digues et canaux d’écoulement, lesquels seront considérés comme travaux publics, aux termes de la loi du 28 pluviôse an VIII. »»
Messieurs, je ne lirai plus que l’art. 40 de cette loi. Il est ainsi conçu :
TITRE VI. - Dispositions générales et spéciales
« Art. 40. Le maître des requêtes, après avoir examiné les dispositions des règlements usités qui ont eu pour but de prévenir ou réprimer les délits de dégradations ou vols de bois et de fascinage commis sur les digues, donnera son avis sur les dispositions desdites ordonnances qu’il croira convenable de renouveler, pour en former un règlement général de police des polders.
« Il sera ensuite statué par nous, en notre conseil, sur le rapport de notre ministre de l’intérieur. »
Le règlement général invoqué dans cet article a été décrété le 16 décembre 1811. Je n’en donnerai que l’intitulé :
« Décret contenant règlement de police des polders dans les départements de l’Escaut, des Bouches-de-l’Escaut, de La Lys, des Deux-Nèthes, des Bouches-du-Rhin et de la Ruër. »
Ce décret a 31 articles.
Après avoir fait connaître la législation sur les polders, je vais examiner les motifs qui ont déterminé le gouvernement à nous proposer le rendiguement aux frais de l’Etat. Voici ce que porte à cet égard, l’expose de motifs, page 17 :
« Les motifs qui déterminent le gouvernement à proposer le rendiguement aux frais de l’Etat et sans le concours des propriétaires intéressés, ne sont donc puisés, ni dans la législation actuelle sur les polders, ni dans les anciens octrois.
« Ce sont des motifs de justice et d’équité, auxquels on ne peut refuser une grande valeur.
« Depuis 1830, le gouvernement a consacré près de sept millions aux travaux des polders ; il a rendigué le polder de Borgerweert, le polder de Doel et la majeure partie du polder de Lillo ; ces travaux, qui ont eu pour conséquence de rendre aux propriétaires la jouissance de leurs terrains ont été exécutés aux frais exclusifs du trésor de l’Etat. »
Messieurs le gouvernement dit qu’il est guidé par des motifs d’équité et de justice. Apres avoir déjà dépensé des sommes aussi considérables, et cela tout à fait gratuitement au profit des propriétaires intéressés, on nous demande encore un demi-million sans exiger le moindre concours de leur part, et cela pour des travaux qu’ils sont obligés de faire exclusivement à leurs frais. Pour justifier cette proposition, l’on se base principalement sur les sommes déjà dépensées. Or on a déjà donné au-delà de 3 millions aux propriétaires de Lillo, savoir :
Depuis 1831 jusqu’en 1837,fr. 1,147,478 59
En 1838, fr. 2,000,000
Et de 1838 à 1840, fr. 103,000
Ensemble, fr. 3,251,227 59
Eh bien, messieurs, faut-il donner encore après cela tout gratuitement un demi-million, et ce, lorsque les propriétés dont il s’agit donnent un revenu de près de 300,000 fr. par an.
Mais, dit-on, les intérêts privés ne sont pas seuls en cause, il s’agit, en premier lieu d’atteindre plusieurs résultats d’intérêt général.
« Les intérêts privés ne sont pas ici seuls en cause ; il s’agit, en premier lieu, d’atteindre plusieurs résultats d’intérêt général, de pourvoir à ce qu’exige la navigabilité du fleuve ; de conserver au fort Lillo les avantages de sa position, comme point militaire ; de prémunir les provinces d’Anvers et de la Flandre orientale contre les éventualités d’inondation. »
J’admets ces considérations dans toute la force des termes.
Mais, messieurs, si cela est, comment se fait-il que nous lisions ce qui suit dans une note insérée dans l’exposé des motifs, du 11 février 1842 :
(L’orateur donne lecture de cette note.)
Quoi, qu’il en soit, messieurs, je veux bien admettre tout à fait gratuitement que la défense du fort de Lillo, la navigation de l’Escaut et surtout la conservation de la Flandre orientale, sont intéressées au rendiguement, et qu’il a urgence de l’exécuter. Mais dans ce cas je fais un grief au gouvernement d’avoir attendu aussi longtemps pour faire le rendiguement ; dans ce cas il y bien longtemps qu’il aurait dû le faire, car il en avait les moyens, et la loi, ainsi que la nécessité, lui en faisait un devoir.
Mais il y a des considérations d’intérêt moral et politique. Voici ce que nous lisons :
« L’inondation des polders a été un désastre matériel attaché aux événements de 1830.
« Les polders des deux rives de l’Escaut sont aujourd’hui rendigués, sauf une faible partie du polder de Lillo, et ils l’ont été au frais du trésor de l’Etat.. Au point de vue moral et politique surtout, ces travaux ont produit un grand résultat, résultat analogue à celui que les chambres et le gouvernement ont en vue dans la loi des indemnités.
« Le rendiguement final de Lillo aura également ce caractère moral et politique ; il l’aura peut être à un degré supérieur, en faisant cesser une regrettable exception, en rendant générale l’application d’une mesure de réparation. »
Caractère moral, je le nie ; caractère politique, il se peut, et par tout ce qui s’est passé, je suis porté à croire que le gouvernement y attache un caractère ou un intérêt politique, mais je déteste une pareille politique ; il ne nous faut pas de la politique, mais de la justice.
Je termine par une question qui jouera probablement un grand rôle dans ces débats ; la question d’humanité. Eh bien, messieurs, c’est sur ce terrain que je provoque les défenseurs du projet du gouvernement, mais je commencerais par désavouer les renseignements qu’on a invoqués à la section centrale ; je rejette les documents de l’administration locale comme tout ce que l’habile rapporteur de la section centrale a invoqué en faveur de son système ; je me tiens à une pièce officielle que personne dans cette enceinte n’arguera de fausse ou d’inexacte.
Je vais donner lecture d’un extrait du rapport du gouverneur d’Anvers, en date du 26 février 1837, mais je ferai remarquer qu’il ne s’agit pas seulement du polder de Lillo ; qu’il s’agit également du polder de Beerendrecht, Santvliet et Stabroeck :
« J’ai consulté les administrations locales et plusieurs personnes très influentes, sur la question de savoir, si parmi les familles qui souffrent le plus de ces désastres, il en est qui consentiraient à aller se fixer dans d’autres parties du pays ; toutes ont affirmé que ce serait vainement qu’ont chercherait à les y déterminer. La raison en est fort simple : à l’exception d’une cinquantaine de grands cultivateurs, la population de Lillo et des parties inondées des autres communes, se compose d’ouvreurs qui, avant ces désastres, n’avaient d’autres ressources que le salaire de leur travail journalier.
« Depuis, l’ouvrage ne leur a point manqué, la construction de nouvelles digues et leur entretien continuel leur ont offert des moyens d’occupation qu’ils n’auraient pas trouvés ailleurs, où ils auraient aussi moins gagné.
« Les subsides donnés aux établissements de charité les ont mis à même de soulager les familles qui dans leur sein ne comptent point d’ouvriers, et quoique je ne puisse dissimuler que la position de beaucoup de familles est pénible, ce serait cependant parler contre la vérité, si je ne cherchais point à détruire l’exagération des réclamations qui se sont élevées et des articles que les journaux ont publiés.
« Le montant des pertes n’a pas été constaté d’une manière régulière, et il sera difficile d’y parvenir, tous sont intéressés à le grossir, et il ne serait même pas prudent de s’en rapporter avec trop de confiance aux autorités locales, dont la plupart des membres plaideraient leur propre cause.
« Aux pertes éprouvées au moment de l’immersion, on ajoute successivement le montant du revenu dont on se prétend privé, et c’est ainsi que le total des évaluations va croissant d’année en année. »
Je dois ici faire une remarque sur un passage du rapport de la section centrale, où il est dit que la commune de Lillo contient au-delà de 1,100 habitants, et d’après l’état joint au rapport du gouvernement, la population de toute la commune, y compris les deux hameaux inondés, n’était que de 863 habitants, de manière que la population serait augmentée depuis l’inondation.
Messieurs, je disais tout à l’heure qu’on invoquait les sentiments d’humanité. Ce n’est qu’un vain prétexte. D’après le rapport officiel du gouvernement, il n’y a que 50 grands propriétaires dans les différents polders dont il est question ; les autres habitants sont des ouvriers qui, avant l’inondation, devaient vivre de leur travail. Si l’Etat rendiguait le polder à ses frais, cela procurait-il un soulageaient à ces malheureux ? Si l’on n’a pas assez fait par l’art. 8 de la loi des indemnités, article qui a pour but de venir au secours des pauvres cultivateurs, vous vous rappelez quelle peine on s’est donnée pour rendre l’art. 8 général, et avec que talent un des plus chauds défenseurs du trésor qui malheureusement ne se trouve plus à sa place, a repoussé ces prétentions ; si l’on ne leur a pas procuré un soulagement suffisant, que le gouvernement fasse une enquête, et s’il y a lieu, qu’il présente un projet de crédit, je l’adopterai avec empressement ; 50,000 francs destinés aux pauvres cultivateurs leur seront plus utiles que les 500,000 fr. qu’on nous demande aujourd’hui. A qui 500,000 fr. profiteront-ils ? J’invoque à mon tour des considérations d’humanité, et je demande s’il nous est permis de grever les contribuables, pour donner à des hommes riches ce qui ne leur est pas dû.
M. Osy. - D’après l’exposé de M. le ministre des travaux publics et le rapport de la section centrale, il reste vraiment, si on ne veut pas se répéter, peu de choses à dire sur la question qui nous occupe.
Il est certainement temps que nous prenions une résolution pour rendre à l’agriculture le restant du polder de Lillo, d’autant plus que les 380 hectares qui restent inondés appartiennent, pour la grande partie, à de petits cultivateurs ; puisque le restant du polder submergé appartient à 87 propriétaires qui ont tout perdu ; c’est à cet endroit que se trouvait le hameau du Vieux-Lillo, qui contenait 1,100 habitants, et dont la plus grande partie s’est réfugiée dans le village de Paille. De ces 1,100 habitants, 85 familles, formant 450 individus, habitent ce village improvisé, et qui, d’année en année, devaient espérer, surtout depuis la paix, pouvoir rentrer dans leur petit domaine.
Comme ces malheureux ne s’éloignent pas de leur patrimoine, ils ont dû chercher de l’ouvrage dans les environs pour nourrir leurs femmes et enfants ; mais, éloignés de toute commune, ils vivaient presque en sauvages, et vous sentez, messieurs comment auront été négligées leur instruction et la connaissance de leurs devoirs.
C’est donc une affaire d’humanité de faire cesser cet état, de choses, mais après avoir plaidé en peu de mots leur cause, il me reste à parler de l’intérêt général qu’a le pays à rendiguer le restant du polder de Lillo.
Ces considérations sont d’une nature très élevée : 1° La conservation du fort de Lillo qui est menacé de ruine, et qui pourrait nous entraîner, par la suite, à de très grandes dépenses ; souvent on vous a parlé de la situation de ce fort, et si M. le ministre de la guerre était présent, il pourrait vous donner des détails très intéressants ;
2° La navigation. La carte qui vous a été distribuée, vous prouve qu’il s’est formé un grand banc de sable et que la navigation de l’Escaut s’est déplacée, et qu’on ne remonte ou descend la rivière, qu’en s’approchant de la rive gauche, et, si cet état de choses continuait, la navigation pourrait en souffrir de plus en plus.
3° Les digues du Doel, rive gauche (Flandre orientale).
Les digues depuis l’inondation et la rupture de la digue de Lillo, sont constamment menacées, à cause du déplacement de la navigation et du banc de sable qui s’est formé devant Lillo ; et si jamais il arrivait un malheur aux digues de la Flandre, ce serait certainement un cas de force majeure, et qui retomberait à la charge du trésor, et la perte serait bien plus considérable que le petit sacrifice que nous vous demandons aujourd’hui et qui se borne à 500,000 fr., dont certainement plus de 200,000 fr. sont pour la conservation du fort, et qui devrait retomber à la charge du ministère de la guerre, si. M. le ministre des travaux publics n’avait pas trouvé convenable de mettre tout à la charge de son département, pour simplifier et donner de l’unité aux travaux.
Vus voyez, messieurs, que le polder de Lillo lui-même n’est que secondaire dans la question, et qu’il y a trois intérêts très majeurs de compromis, si nous ne prenons pas une décision pour faire commencer les travaux sans retard.
Le gouvernement et la section centrale avouent qu’il n’y a pas un strict droit pour que toute la dépense retombe à la charge du trésor, mais le gouvernement étant le principal intéressé dans la question, la majorité de la section centrale a décidé de ne pas faire un appel aux propriétaires, tous les rendiguements, depuis 1830, ayant été faits par l’Etat, serait-il juste de suivre une autre marche ? d’autant plus que des 87 propriétaires, 76 sont des fermiers et ouvriers qui ont tout perdu par l’inondation prolongée, et des 9 autres propriétaires, il y a encore des propriétés appartenant à la fabrique d’église de Lillo et son bureau de bienfaisance, qui n’ont pas eu de revenus depuis 14 ans.
L’expertise du gouvernement pour les dépenses se montent à 900,000 fr., Mais il a trouvé des entrepreneurs très connus et qui ont fait la digue de Borgerweert, qui ont soumissionné pour la somme de 500 000 fr. ; ils garantissent d’achever leurs travaux cette année, et de se contenter du payement un an après l’achèvement, soit au 15 novembre 1845.
La dépense ne doit donc pas vous arrêter et d’ici là, le gouvernement trouvera des moyens de confier le restant de nos déficits, dont la moitié est trouvée par la loi de la conversion, et si les circonstances nous sont favorables et si l’affaire est bien menée, l’emprunt à faire nous donnera encore un bénéfice dont nous jouirons dès l’année prochaine.
Les entrepreneurs ont dû stipuler qu’ils ne sont engagés que jusqu’au 31 mars, parce que, pour des ouvrages hydrauliques le choix de la bonne saison est tout, tant pour les approvisionnements que pour les travaux mêmes. Si nous ne décidions pas la question aujourd’hui, nous serions reculés peut-être d’une année, ou nous aurions peut-être 2 ou 300 mille fr. de plus à dépenser.
Par toutes ces considérations et celles que notre honorable rapporteur de la section ne manquera pas d’ajouter, nous pouvons vous engager à prendre une décision non seulement d’humanité, mais d’intérêt général pour le pays, tant pour sa défense que pour ne pas compromettre la première artère de la prospérité du pays, et pour éviter de plus grands malheurs dans une de vos plus belles provinces, la Flandre orientale.
Les travaux que nous vous demandons de faire à la charge de l’Etat clôtureront les derniers malheurs de la révolution, et, d’après ce que vous avez déjà fait, je suis persuadé que ce ne sera pas en vous demandant de guérir la dernière plaie, que vous pourriez vous refuser à faire ce léger sacrifice, d’autant plus qu’il est bien démontré que c’est principalement dans l’intérêt général du pays.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, l’honorable M. Huveners s’est plaint de ce que les renseignements que la section centrale avait demandé au département des travaux publics, n’avaient pas pu être complétés. La chambre reconnaîtra que, dans l’expose des motifs de la loi même, j’avais pris soin de réunir des documents nombreux et qui avaient exigé de très longues études.
Aux demandes de la section centrale, je me suis empressé de faire une série de réponses consignées à la page 3 du rapport, et qui étaient les seules que je fusse en mesure de faire à cette époque. Depuis lors, j’ai réclamé du département des finances des renseignements ultérieurs que la section centrale avait demandés. Le seul document que le département des finances a pu fournir se compose d’un dossier comprenant la matrice de rôles pour la contribution foncière dans la commune de Lillo, dressée en 1806. Or, messieurs, ce document peut servir très peu à la discussion même, car vous comprenez parfaitement bien que depuis 1806 des mutations nombreuses ont dû avoir lieu dans les propriétés de cette commune.
Un second document a été envoyé, c’est le tableau représentant le revenu net cadastral, d’après les évaluations arrêtés provisoirement en 1829, à la suite des expertises faites à cette époque. Je trouve dans la note d’envoi du département des finances le paragraphe suivant, qui seul peut éclairer la chambre :
« Il est à remarquer, porte la note, que l’ensablement et la détérioration générale de ces terrains, résultat de l’inondation en ont considérablement diminué la valeur productive, servant de base à la contribution foncière ; quant à la valeur vénale antérieure ou postérieure à l’inondation, il n’existe aucun document qui puisse la déterminer, même approximativement. »
Ainsi, messieurs, ces documents ne peuvent rien vous apprendre, sinon que la valeur vénale des terres soumises encore à l’inondation dans le polder de Lillo, a subi plutôt une dépréciation qu’une plus-value. Voilà le seul fait qui résulte des documents que le département des finances a recueillis. Je dépose ces documents sur le bureau.
Messieurs, l’honorable M. Huveners nous a lu de nombreux documents relatifs à la question de droit que le projet soulève. Mais, messieurs, dans l’exposé des motifs de la loi, j’avais eu soin de déclarer que j’étais parfaitement d’accord sur ce point avec les idées que l’honorable membre a soutenues. Selon moi, au point de vue du strict droit, les propriétaires des terrains soumis à l’inondation dans la commune de Lillo, n’ont aucune prétention à faire valoir.
Mais pour le gouvernement, la question n’est nullement là. Il s’agit, dans cette occasion, d’une dérogation aux principes généraux du droit, dérogation déjà consacrée par les lois de crédit votées à partir de 1834, par les grands travaux de rendiguement exécutés en 1838, lorsqu’il s’est agi de la loi des indemnités, enfin lorsqu’il s’est agi de l’entretien des rives de la Meuse en 1842. Pour chacune de ces mesures, on est parti de l’idée que les désastres dus à l’événement qu’a amené la révolution belge ne pouvaient être considérés comme des cas de guerre ordinaires, mais comme des conséquences d’un fait exceptionnel, d’où l’indépendance nationale même est sortie. On n’a pas voulu que notre indépendance nationale fût achetée au prix de désastres, de dommages dont certaines populations eussent exclusivement à souffrir. On a vu là une question de haute utilité, d’équité nationale, et nullement une question de droit qu’il s’agirait de plaider devant les tribunaux.
Pour ce qui concerne les propriétaires des terrains inondés dans la commune de Lillo, la question est celle de savoir pour quel motif on créerait à leur égard une véritable exception. Lorsqu’on a rendigué le polder de Borgerweert en 1838, lorsqu’on a limité les premières inondations générales de 1831 à 1837, on a dérogé, comme je viens de le dire, aux principes généraux du droit, on a posé un acte d’équité nationale, au point de vue des intérêts généraux qui dominaient cette question.
Je le répète donc, il faudrait que les honorables préopinants vinssent nous dire pour quel motif on créerait aujourd’hui une véritable exception. Car, messieurs, il faut bien le remarquer, l’inondation actuelle du polder de Lillo est le dernier vestige des désastres causés par les événements qui ont amené notre indépendance.
Je comprends bien que les membres de la chambre qui ont combattu les décisions prises en 1831 et en 1838, que les membres de la chambre qui n’ont pas voulu du principe de l’indemnité, persistent dans leur opinion ; mais la chambre saura maintenir aussi la décision qu’elle a prise dans ces dernières circonstances. Je suis étonné de trouver l’honorable M. Huveners parmi les adversaires de la proposition qui vous est soumise par le gouvernement ; car en 1842, l’honorable membre reprochait amèrement au gouvernement de vouloir décider la question de l’entretien des rives de la Meuse dans le Limbourg contre les riverains...
M. Huveners. - Je demande la parole.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - La question n’est pas la mène, il est vrai, mais l’entretien des rives de la Meuse incombait en droit aux riverains à un titre différent, sans doute, mais à un titre aussi formel que le rendiguement du polder de Lillo incombe en droit aux propriétaires du polder.
Voici ce que disait l’honorable M. Huveners en 1842.
Eh bien, messieurs, le même fait a été allégué comme un fait essentiel et capital pour le gouvernement dans la question dont il s’agit aujourd’hui ; car vous ne l’ignorez pas, c’est au nom des grands intérêts généraux qui se trouvent impliqués dans cette question, que le gouvernement vous demande l’autorisation d’opérer le rendiguement du polder de Lillo. L’honorable M. Osy vient de le dire, trois intérêts généraux sont en cause. Il s’agit d’abord de faire cesser le danger imminent auquel est exposée la digue de la rive gauche du fleuve, la digue du Doel ; il s’agit en second lieu, de l’intérêt de la défense du fort de Lillo, et en troisième lieu, de l’intérêt de la navigation du fleuve. Je me suis rendu avec M. le ministre de la guerre sur les lieux, afin de pouvoir constater, si les intérêts généraux auxquels je viens de faire allusion étaient aussi engagés, si les dangers signalés étaient aussi imminents qu’on le disait.
Nous avons reconnu que le cours du fleuve tendait incessamment à se déplacer, que le chenal était contigu à la digue du Doel, que cette digue était sérieusement menacée, qu’une grande partie des populations de la Flandre orientale se trouvait dans un danger imminent. Tous les motifs allégués par l’honorable M. Huveners, quand il s’est agi de la navigation de la Meuse, existent à l’égard de la navigation de l’Escaut et des populations de la rive gauche, c’est-à-dire de la Flandre orientale. Une grave responsabilité pèserait sur le gouvernement si, pour ne pas dépenser quelques cent mille francs, il s’exposait à devoir dépenser des sommes considérables, des millions, pour les populations dont je viens de parler.
Ainsi, pour le gouvernement, la question de l’intérêt des propriétaires, sans être sans importance, n’est qu’une question accessoire ; ce qui le préoccupe surtout, c’est un grand intérêt général ; il est impossible que le gouvernement laisse la navigation de notre plus beau fleuve dans un danger permanent. Déjà plusieurs vaisseaux sont venus échouer sur le banc de sable qui se trouve devant le fort Lillo. La digue du Doel est incessamment menacée, et le gouvernement assumerait une grande responsabilité, s’il négligeait de prendre toutes les mesures que cette situation commande. La défense militaire du pays, la défense de notre frontière maritime est compromise. Le département de la guerre ne peut souffrir que des faits compromettants pour la défense du fort de Lillo se prolongent, car l’envasement du côté du fort continue, le danger augmente de jour en jour.
Veuillez réfléchir à un autre danger que l’inaction du gouvernement pourrait amener, si une agression avait lieu contre le fort de Lillo ; j’aime à croire que cette supposition ne se réalisera pas, mais il est clair que dans l’état actuel des choses, les défenseurs du fort seraient obligés de rompre la digne de contournement, construite en 1838, et de rejeter les populations qu’elle protège actuellement dans les désastres dont on les a tirées avec tant de peine et de dépenses. En réfléchissant qu’il ne s’agit pour le rendiguement que d’une somme insignifiante, la chambre comprendra qu’elle ne peut pas hésiter.
En effet, vous pouvez vous convaincre en lisant la page 10 de l’exposé des motifs de la loi, que, par le rendiguement du polder de Lillo, le gouvernement se libère de plusieurs charges annuelles représentant un capital de plus de 400 mille fr. Ces chiffres sont positifs.
L’ouverture des soumissions a fait reconnaître que l’offre des moindres soumissionnaires ne s’élève qu’à 508 mille francs. La chambre voudra bien remarquer que dans cette somme se trouvent comprises les dépenses qui devaient incomber au département de la guerre, notamment la construction d’une nouvelle écluse destinée à remplacer le batardeau éclusé à l’aval du fort et montant à 15 ou 200,00fr. ; et, en second lieu, le creusement d’une zone concentrique au fort exigée par le département de la guerre, travail dont la dépense a été évaluée à 70 mille francs.
La dépense exigée exclusivement par l’intérêt de défense militaire est donc de 270 mille fr. Si nous déduisons cette somme du total de la soumission, nous arrivons à ce résultat que le rendiguement proprement dit, la partie des travaux plus spécialement à la charge des travaux publies ne coûterait pas 300 mille francs. Comme, d’une autre part, le gouvernement est libéré d’un capital de plus de 400,000 francs, il en résulte que cette dépense n’en est pas une, qu’elle a une compensation suffisante. En présence de ces faits, je ne comprendrais pas l’opposition que rencontrerait une mesure d’urgence, de haute utilité, de haute moralité, dans laquelle les intérêts généraux sont en cause.
M. Mast de Vries. - Si l’honorable M. Huveners, qui a parlé le premier dans cette discussion, avait été sur les lieux et vu l’état de misère des malheureux habitants du polder de Lillo, son discours serait l’acte le plus cruel qui aurait eu lieu dans cette enceinte, car leur misère est telle que si quelque chose pouvait y être ajoutée, c’est la manière dont il en a parlé. Mais l’honorable membre n’y a pas été, il n’a pas vu dans quelle triste situation sont les habitants. Il parle de Lillo comme on peut le faire d’un pays éloigné, quand on ne connaît pas les malheurs qui ont affligé ses habitants.
Quoi ! on vous dit : la population n’est pas si considérable qu’on le prétend, il n’y a pas 1,100 malheureux, mais seulement 873 habitants. Et de quoi se composent-ils ? D’ouvriers qui trouvent toujours du travail, de 52 fermiers qui ne sont pas de pauvres gens, parce qu’ils ont droit à l’indemnité de 5 mille fr.
Savez-vous à quoi se réduit cette indemnité ? Membre de la commission, je puis vous le dire. Elle est pour quelques-uns de 5,000 fr., valeur nominale qui sera réduite au marc le franc peut-être à 6 ou 7 p. c., c’est-a-dire à 2,500 ou 3,500 fr. au 3 p.c., ce qui fait 2,000 francs. Voilà l’aumône de 5,000 fr. que vous avez accordée qui se réduit à 2,000 ou 2,500 francs. Ce sont, dit-on, les propriétaires qu’il faut charger de refaire les digues. L’honorable M. Huveners va plus loin, il a déterré dans quelques documents qu’il a devant lui, que quand les polders sont envahis par la mer, c’est aux propriétaires à les rendiguer et non au gouvernement. Voilà sur quoi repose l’argumentation de l’honorable membre. Mais y a-t-il quelque chose de pareil ici ? Est-ce la mer qui, par un cas fortuit, a envahi le polder de Lillo ? N’est-ce pas nous qui l’avons mis sous les eaux pour notre défense ; peut-on appeler cela un envahissement de la mer ? Soyons un peu plus généreux. Je ne vois pas comment il serait possible après le vote de 1838, après avoir retiré 1,800 hectares qui se trouvaient sous les eaux, de dire pour les 300 qui restent, vous n’avez rien à réclamer du gouvernement, c’est aux propriétaires à refaire la digue. Cela n’est pas soutenable, cela n’est pas généreux, cela n’est pas possible.
M. Huveners. - Pourquoi pas ?
M. Mast de Vries. - La partie que vous avez rendiguée, comment la ferez-vous contribuer ?
M. Huveners. - En vertu de la loi.
M. Mast de Vries. - Cela n’est pas possible. Je le répète, si vous aviez été sur les lieux, si vous aviez vu le malheureux village de Paille, vous n’en auriez pas parlé comme vous l’avez fait, vous seriez peut-être venu nous dire alors : Comment a-t-il pu se faire que ces gens-là soient restés dans pareille situation ? Ils y sont restés, monsieur, parce qu’ils ont espéré chaque année que vous viendriez les en tirer. Il m’importe très peu que quelques riches propriétaires peuvent se trouver au milieu des malheureux du polder de Lillo ; ce qu’il m’importe, moi, c’est de voir disparaître une plaie qui ne saigne que depuis trop de temps. Il me suffit qu’il y ait des malheureux et des malheureux par notre fait et par suite des événements de 1830, pour que j’appuie la proposition de les relever de la position où ils se trouvent.
Après avoir voté le rendiguement des différents polders qui n’avaient pas plus de droit que celui de Lillo, il est impossible que vous ne votiez pas également le rendiguement de celui-ci.
J’ai une autre observation à faire : M. le ministre des travaux publics en a déjà dit un mot avant moi, c’est que les frais d’entretien de la digue montent à 25 mille francs par an. Quand j’ai fait le rapport sur le budget des travaux publies, j’avais demandé qu’une partie notable de l’allocation pour cet objet fut retranchée, on a dit que cela ne serait possible que pour autant que la chambre autorise le rendiguement du polder. Aujourd’hui, je ne mets pas en doute que le rendiguement ne soit admis. Ainsi, je crois qu’il y aura 20,000 fr. à retrancher par suite des travaux qu’on n’aura pas à exécuter à la digue du polder de Lillo.
Je voterai pour le projet.
M. Jadot. - Depuis longtemps le gouvernement s’est lancé dans la voie des déficits ; on a beau lui crier de s’arrêter, il y fait chaque jour un pas de plus, et tandis que le trésor public ne suffit pas à payer ce qu’il doit, il vient vous proposer de charger de payer ce qu’il ne doit pas.
C’est lui-même qui a clairement établi, dans le projet en discussion, que rien dans la législation actuelle, ni dans les anciens octrois, ne l’oblige à faire rendiguer les polders aux frais de l’Etat ; ce sont, dit- il, des motifs de justice et d’équité auxquels on ne peut refuser une grande valeur, qui l’ont déterminé.
Ce langage serait noble et digne dans la bouche d’un particulier disposant de son superflu, ce serait de sa part un acte de générosité ; mais de la part du gouvernement, dont les ressources sont insuffisantes pour satisfaire à ses propres besoins, c’est un acte de mauvaise administration, de prodigalité très répréhensible, auquel je ne veux pas m’associer.
Pour se justifier, le gouvernement se demande : y a-t-il quelque raison de traiter avec plus de rigueur la partie du polder de Lillo encore soumise à l’inondation ? et il répond : nous ne le pensons pas.
Il est assez étrange de voir le gouvernement prétendre qu’il a traité avec rigueur ceux dont il a bien voulu payer les dettes, car pour être plus rigoureux dans ce sens envers ceux qui doivent encore, il n’y a d’autre moyen que de leur donner une gratification après les avoir libérés.
La question qu’il devait se faire, est celle-ci :
De ce que le pays a payé depuis 1830, pour les polders de Borgerveert et de Doel, sept millions qu’il ne devait pas, s’ensuit-it qu’il doive également payer aujourd’hui 508,000 fr. pour le polder de Lillo auquel il ne doit rien non plus ? Alors il aurait pu répondre : nous ne le pensons pas, et la majorité de la chambre eût partagé son opinion.
La brèche de 7 millions faite au trésor pour réparer les brèches faites aux digues des polders, propriétés particulières, est bien assez grande comme cela, beaucoup trop grande même, et je ne veux pas l’élargir.
Charité bien ordonnée commence par soi-même ; le soi-même ici, c’est le pays tout entier que j’ai l’honneur de représenter et dont il est de mon devoir de défendre les intérêts. C’est assez vous dire que je ne reconnais pas que le pays tout entier est intéressé au rendiguement du polder de Lillo, ainsi que vient de le dire M. le ministre des travaux publics.
J’aime à entendre faire un appel à l’équité, c’est un langage que j’ai toujours compris et que je comprendrai toujours, mais il en est souvent de l’équité comme de la liberté, je la vous en tout et pour tous, et je serai toujours sourd à la voix de ceux qui l’invoqueront quand ils me donneront la mesure de leurs intérêts politiques ou particuliers et de leurs passions.
Je voterai contre le projet.
M. Cogels, rapporteur. - Voilà longtemps que j’ai appelé l’attention de la chambre sur la question qui nous occupe. Je me trouve heureux d’avoir à défendre le projet, qui était attendu avec impatience, non seulement dans l’intérêt des malheureux dont j’ai souvent plaidé la cause, mais dans un intérêt plus majeur, ainsi qu’on vous l’a fait voir.
Nous avons d’abord l’intérêt de la défense de notre territoire. Il ne faut pas perdre de vue que c’est par ce côté que notre territoire est le plus vulnérable. Nous n’avons sur la rive droite que le fort Lillo et le fort Frédéric Henri qui défendent notre frontière. Si le fort Lillo était détruit, on ne pourrait se dispenser d’en construire un autre ; les frais seraient très considérables.
Ici j’appellerai l’attention de la chambre sur ce qui a été dit par le département de la guerre, relativement à l’inondation des terres qui forment le rayon de défense du fort Lillo. « L’Etat (porte l’exposé des motifs, p. 5) est intéressé à empêcher que le terrain formant son bassin ne continue pas à s’exhausser par les dépôts que les eaux y apportent incessamment depuis la rupture de la digue. » En attendant quelques années, loin de trouver une économie, on aurait un surcroît de dépense.
Ainsi que l’a fait voir M. le ministre des travaux publics, les dépenses qui concernent le département de la guerre s’élèvent à 200,000 francs ; il ne reste donc qu’une dépense de 300,000 francs pour les intérêts dont on a parlé, et pour l’intérêt des malheureux qui jusqu’ici n’ont reçu aucune indemnité.
Nous avons ensuite l’intérêt de la navigation ; jusqu’à présent la navigation n’est pas compromise, c’est-à-dire, qu’à la passe qui existait une autre s’est substituée, il n’en est pas moins vrai que la passe actuelle présente les plus grands dangers. Déjà des navires ont échoué.
Ce n’est pas la première fois qu’on invoque les intérêts de la navigation. En 1728, on a fait valoir le même motif ; on a fait voir que si l’on ne procédait pas promptement au rendiguement, la navigation du fleuve pouvait se trouver compromise.
Nous avons ensuite les intérêts des Flandres. Ici, on nous a parlé de la solidarité qui existe entre les polders. J’ai peine à comprendre la solidarité entre les polders divises par un fleuve. Dans tous les cas, si l’on voulait appliquer le principe du concours des propriétaires, ce seraient les polders les plus intéressés au rendiguement qui se trouveraient exempts du concours ; car il serait complètement impossible de les appeler au concours.
Quant à l’intérêt financier, je n’en parlerai pas ; à cet égard, M. le ministre des travaux publics à donné tous les développements nécessaires.
L’honorable M. Huveners, qui a pris le premier la parole dans cette séance, pour donner au rendiguement un caractère local encore plus prononcé, nous a dit qu’il y avait dans la section centrale deux députés de Lillo ; ce seraient de malheureux députés ; car ils n’auraient pas d’électeurs ; il n’y a pas d’électeurs dans les polders submergés. Il n’y en a, si je ne me trompe qu’un seul dans le fort de Lillo ; il serait facile d’être nommé à l’unanimité (on rit). Je ne parle ici, ni comme député de Lillo, ni même comme député d’Anvers. Dans une circonstance semblable, c’est surtout comme député du pays qu’on porte la parole ; car il s’agit ici d’une question d’intérêt général, d’une question d’humanité qui doit être chère aux députés de toutes les provinces.
L’honorable M. Huveners, pour combattre la proposition de la section centrale, a invoqué la législation de 1811. Mais il a perdu de vue que cette législation a été établie en vue d’obliger les administrations des polders à bien entretenir leurs digues. Sous le gouvernement impérial, l’entretien des digues avait été plus ou moins négligé. Le génie civil et le génie militaire s’étaient emparés de la direction, de la surveillance d’ouvrages qui exigeaient plutôt des connaissances pratiques que des connaissances théoriques. Mais lors du voyage de l’empereur dans la province d’Anvers et dans la Zélande, en 1811, on a retiré l’administration des polders au génie, et on l’a rendue à l’ancienne direction des polders.
Certainement on a eu en vue les inondations par cas fortuit, mais pas le moins du monde celles provoquées par le gouvernement même. Il y d’abord le point de savoir si, comme M. Huveners n’a pas voulu le faire, mais comme il a dit qu’on pouvait le faire, si l’on forcerait les propriétaires à rendiguer le polder, à leurs frais, sous peine de déchéance ; mais, aux termes de la législation, pour que cette disposition fût applicable, il fallait que les propriétaires fussent hors d’état de prouver qu’il y avait eu pour eux impossibilité. Je vous le demande, les propriétaires du polder de Lillo ont-ils été jamais exposés aux conséquences de cette législation, eux qui ne pouvaient même pas approcher de l’ouverture que les eaux ont faite la digue ! !
L’honorable M. Huveners se plaint de la précipitation avec laquelle la section centrale a examiné le projet de loi. La loi a été présentée le 8 février ; les sections se sont réunies peu après ; la section centrale s’est réunie le 3, le 15 et le 16 mars, Voila onze jours d’examen à la section centrale, un mois et 8 jours d’examen pour tous les honorables membres. Il est possible que ce temps n’ait pas été suffisant pour l’honorable M. Huveners ; mais il l’a été pour ses honorables collègues. Il est impossible que la majorité attende la minorité. Si, pour tous les projets en un article, il fallait deux ou trois mois, je ne sais comment nous pourrions finir les sessions.
M. Huveners. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Cogels, rapporteur. - L’honorable M. Huveners nous a dit que ces 300 hectares ne sont pas seuls en cause, qu’il y a une vaste association entre tous les polders, qu’il faudrait les appeler tous à concourir. Ici l’honorable membre nous prouve qu’il n’en a pas fait une juste application ; car il doit savoir que chaque polder a une administration séparée, qu’il n’y a solidarité que pour les polders qui sont exposés aux mêmes événements. Tout polder qui a des digues spéciales a des administrations spéciales.
L’honorable M. Huveners a dit encore, que les considérations d’humanité que nous voulons faire valoir devant vous ne devaient pas vous toucher, qu’il n’y avait d’intéressés ici que quelques grands propriétaires et des ouvriers qui étaient dans l’indigence avant l’inondation, qui trouveraient de l’ouvrage aussi bien maintenant qu’avant cet événement, enfin dont la condition n’était pas matériellement changée. Mais la liste qui est déposée sur le bureau, la connaissance que j’ai des localités ne prouvent-elles pas le contraire ?
Nous avons vu des cultivateurs qui, outre les terres qui leur sont affermées, ont quatre ou cinq hectares dont ils sont propriétaires, des journaliers qui avaient, attenant à leur modeste demeure le petit champ dont ils avaient hérité de leurs pères, que leurs pères avaient acquis à la sueur de leur front. Eh bien, ils ont vu disparaître en un instant le fruit de cent années de labeurs.
J’ai vu un fermier qui avait possédé un mobilier agricole de plus de vingt mille florins, réfugié dans une cabane, n’ayant pas d’abri, obligé de traîner la brouette pour donner du pain à sa famille.
J’en ai vu un autre, réfugié à côté d’une propriété que j’occupe dans une commune voisine, avec sa femme et ses huit enfants, n’ayant que deux bestiaux qu’il avait pu sauver, réfugié dans une seule chambre, en attendant avec résignation qu’on lui rendît les terres qu’il cultivait naguère.
Et ce ne sont pas là des considérations d’humanité ! Ces malheureux ont des habitations en chaume qui les mettent à peine à l’abri des intempéries des saisons ; leurs enfants ne peuvent recevoir d’éducation eux-mêmes ne peuvent aller à l’office divin. Mais où trouverez-vous des considérations d’humanité, s’il n’y en a pas dans cette circonstance ?
Maintenant, occupons-nous de la grande question ; car l’utilité, l’urgence du rendiguement sont suffisamment reconnues.
Cependant, quant à l’urgence, j’ai un mot à dire. L’honorable M. Huveners est surpris de ce que les entrepreneurs ont fixé, dans leurs dernières soumissions, un délai de rigueur au 31 mars. Cependant il a dû remarquer que les premières soumissions impliquaient également un délai de rigueur ; car les travaux doivent être achevés dans une seule campagne. Il faut que les travaux commencent de suite pour que le rendiguement puisse avoir lieu promptement, solidement et avec économie.
Certainement si en retardant la discussion du projet de loi, vous occasionnez à l’entrepreneur un retard de 2 ou 3 mois, il en résultera que celui-ci ne s’engagera plus à terminer les travaux dans le terme voulu, qu’il exigera une somme plus forte.
Ceci saute aux yeux. Toutes les personnes qui ont quelque connaissance des travaux hydrauliques, savent que la solidité, que la prompte exécution, que l’économie de ces travaux dépend entièrement de la saison dans laquelle on les l’entreprend.
Une autre considération, messieurs, c’est que vous avez une garantie complète de la bonne exécution de ces travaux ; car, chose extraordinaire et qui se voit rarement dans de semblables entreprises, le premier payement ne doit se faire qu’au 1er novembre 1845.
Examinons maintenant, messieurs, la question principale, le concours des propriétaires.
D’abord il est un fait que l’on semble avoir perdu de vue, quoique déjà, dans d’autres circonstances, on ait souvent appelé l’attention de la chambre sur cette considération.
Par la convention du 21 mai, la Belgique a été libérée, pendant six ans du payement de la rente à la Hollande ; par suite de cette convention, elle a encore obtenu une réduction. Eh bien, c’est par suite de cette convention que le polder de Lillo est resté inondé. La Belgique a gagné ainsi plus de soixante millions.
Il est une autre considération ; lors de la discussion de la loi des indemnités, vous vous rappelez tous, messieurs, que lorsque nous avons insisté fortement pour qu’il y eût indemnité en faveur des propriétaires des polders, tant pour la non-jouissance que pour la détérioration de leurs terrains, la principale considération qui a fait rejeter notre proposition, c’est que le gouvernement avait déjà assez fait par les rendiguements, que les frais considérables qu’il avait faits pour le rendiguement des différents polders pouvaient être considérés comme une indemnité. Dès lors tous les propriétaires des polders rendus à la culture, ont reçu leur indemnité ; il n’y a d’exceptés que les propriétaires des 300 hectares. Je vous demande s’il n’y a pas plus que de l’équité à accorder à ces derniers ce que vous avez accordé aux autres.
On a invoqué encore les anciens octrois ; mais, messieurs, on a perdu de vue que la situation était alors bien différente, et que, par suite de ces anciens octrois, les habitants des polders obtenaient des franchises dont il serait bien difficile maintenant de calculer l’importance ; car il faudrait savoir quel était le montant des impôts dont on les affranchissait, et savoir combien ces impôts capitalisés pendant 88 ans représentaient de capital ; et peut-être trouverait-on que le gouvernement d’alors a accordé aux propriétaires un secours bien plus fort que celui qu’on réclame aujourd’hui.
Messieurs, je ne prolongerai pas davantage ce débat ; car tout a été dit et dans l’expose des motifs et dans les différents discours que vous ayez entendus.
Je dirai donc seulement, en me résumant, que pour la défense de nos frontières, que pour l’intérêt de la navigation d’un des plus beaux fleuves du monde, que pour la préservation de polders bien plus considérables, dont l’existence se trouverait compromise et que surtout (car ici, messieurs, je vous l’avouerai franchement, ce sont les considérations qui ont le plus d’empire sur moi), que surtout pour les considérations d’humanité que j’ai fait valoir, je voterai pour la loi, désirant qu’elle soit mise à exécution le plus tôt possible.
M. Huveners (pour un fait personnel). - Messieurs, je ne relèverai pas toutes les inexactitudes qu’a commises l’honorable M. Cogels et tous les faits qu’il m’a attribués à tort. Je méprise ces insinuations ; je répéterai seulement que le temps que nous avons eu pour examiner le projet en section centrale a été insuffisant, et j’en appelle sur ce point à tous mes collègues. N’est-il pas vrai qu’on a invoqué l’urgence, en disant que par un retard on exposait le gouvernement à une perte de 2 à 300,000 fr. ? N’est-il pas vrai, d’un autre côté, que nous avions demandé la liste des propriétaires et la quantité de terrains que chacun d’eux possédait dans le polder, et que nous n’avons pas obtenu ces renseignements qui nous étaient indispensables pour examiner la question de concours. J’ai dit, et je le répète, que je serai le premier à appuyer une demande de crédit en faveur des malheureux, des pauvres qui ont souffert par l’inondation ; mais ce que je ne veux pas, c’est que l’on donne gratuitement à de riches propriétaires des avantages auxquels ils n’ont pas droit.
M. de Brouckere. - Je demande la parole pour la rectification d’un fait assez important.
Messieurs, dans les pièces que le gouvernement a fournies et dans le rapport de la section centrale, la population de Lillo avant 1830 a été portée à 1100 habitants. L’honorable M. Huveners a prétendu que cette évaluation était erronée, il en a conclu que les renseignements donnés par le gouvernement et par la section centrale ne méritaient aucune confiance. A l’appui de son opposition, il vous a cité un rapport du gouverneur de la province d’Anvers, portant la date du 26 février 1833, sur lequel il s’est étayé pour vous prouver que la population de Lillo n’était que de 863 habitants.
Messieurs, je vais vous prouver, par la pièce même que l’honorable M. Huveners a citée, que c’est lui qui s’est trompé.
Voici comment s’exprime le rapport cité par l’honorable M. Huveners :
« Le territoire de Lillo est entièrement submergé ; tous les habitants, à l’exception de ceux qui résident dans le fort, et de quelques familles qui demeurent encore sur la butte du vieux Lillo, ont dû, au nombre de 863, chercher un asile dans les communes voisines ou dans l’assemblage de baraques appelé le village de Paille. »
C’est-à-dire, messieurs, qu’aux 863 habitants que l’honorable M. Huveners a cru composer toute la population de Lillo, il faut ajouter ceux qui demeurent dans le fort, et ceux qui se sont refugiés sur la butte du vieux Lillo, et ils portent cette population à plus de 1100 habitants.
L’honorable M. Huveners, à qui j’avais fait cette observation tout à l’heure, a cru me réfuter en m’indiquant un tableau qui précède ce rapport. Mais ce tableau condamne encore l’honorable membre, je vais le démontrer.
Ce tableau porte pour titre
« Récapitulation des états indiquant les personnes qui se trouvent dans une situation malheureuse par suite de l’inondation du polder de Lillo. »
Et en effet, messieurs, il est porté dans ce tableau pour la commune de Lillo, un chiffre de 863 ; mais ce chiffre représente non celui de la population, mais celui des habitants qui se trouvaient dans une position malheureuse ; il y a donc à Lillo 863 personnes qui sont dans un état de souffrance, sur une population qui est vraiment de 1,100.
Pour vous prouver encore davantage combien l’honorable M. Huveners s’est trompé, je vous lirai une note qui se trouve dans le tableau qu’il a invoqué à l’appui de son opinion. La voici :
Il y a évidemment erreur dans l’indication du nombre d’individus appartenant à Beerendrecht, attendu que la population entière de la commune ne s’élève qu’à 1561 âmes.
Vous voyez donc que ce n’est pas la population entière qu’on a indiquée ; mais la partie de la population qui est devenue malheureuse, par suite des inondations,
Voulez-vous voir, messieurs, dans quelle proportion les habitants de Lillo sont devenus malheureux en comparaison de ceux des autres communes inondées ? Je vais vous le démontrer par deux chiffres.
A Santvliet le nombre des personnes indiquées comme malheureuses, par suite des inondations, s’élève à 1,164, et on leur a fait distribuer en secours 6,785 fr. 39 c.
Dans la commune de Lillo, an lieu de 1,164 habitants indiqués comme malheureux, il y en avait 863, et on leur a distribué 22,103 fr. 43 c, uniquement pour qu’ils ne périssent point de faim et de froid. Car je puis le dire avec l’honorable M. Mast de Vries, si l’honorable M. Huveners avait été sur les lieux, il aurait peut-être pu conclure à ce que les propriétaires contribuassent dans la dépense, mais j’ose affirmer qu’il ne se serait pas exprimé comme il l’a fait.
M. Desmet. - Messieurs, l’importante question qui nous occupe a été portée par quelques orateurs sur le terrain de la commisération. On ne s’est pas borné à reprocher à mon honorable collègue et ami M. Huveners, qu’il n’avait pas de sentiments de sensibilité et ne voulait pas secourir le pauvre malheureux ; on a fait plus, on a prétendu qu’il avait jugé de choses qu’il ne connaissait pas, qu’il n’aurait pas tenu le même langage, s’il s’était rendu sur les lieux.
Je crois, messieurs, qu’on n’a pas compris l’honorable M. Huveners ; il vous a dit tout le contraire ; il vous a dit que lorsqu’il s’agirait d’indemniser ou de secourir les malheureux dont on parle, il serait le premier à accorder ce qu’il faudrait, et quoique la minorité de la section centrale ne se soit pas rendue sur le lieu du litige, je pense cependant qu’elle est à même de juger la question de principe, et si elle avait pu s’y rendre, je crois que ce n’eût pas été en faveur de ses adversaires, elle aurait pu, je pense, encore mieux asseoir son opinion et la faire comprendre à la chambre.
Mais puisqu’on parle de commisération, ignorez-vous, messieurs, le gouvernement ignore-t-il ce qui se passe ; ne savez-vous pas que dans ce moment une dizaine d’autres communes se trouvent dans la même situation que Lillo ? Le gouvernement ne sait-il pas à quel état est réduite la population de la Plaigne, où des centaines de bonniers et une quantité d’habitations sont sous les eaux, ainsi que l’église et le presbytère ? Ne connaît-il pas la situation des villages de Peronne dans le Hainaut ; de Middelbourg, de St.-Laurent en Flandre et autres communes de ces provinces. Et je saisis cette occasion pour demander au gouvernement qu’il vienne au secours de ces malheureuses communes. Qui donc a amené cette situation ? Est-ce un fait de guerre de nation à nation ? Non, ces communes souffrent par le fait de la France. Voilà plusieurs années qu’elles se trouvent dans cet état et jamais on n’est venu à leur secours ; vous sentez que je parle ici des deux communes du Tournaisis, qui sont vraiment à plaindre et victimes de la négligence qu’on porte à faire écouler les eaux qui depuis quelques années descendent avec plus d’abondance de la France.
Je fais ces observations pour qu’on ne vienne plus porter la question sur le terrain de la commisération.
Je reviens encore au reproche qu’on fait à la section centrale, de ne pas s’être rendue sur les lieux. Mais je suis certain que si la section centrale s’y était rendue, elle aurait reconnu que toutes les wateringues composant quatre villages sont solidaires, l’une pour l’autre, et elle aurait pu s’assurer que l’argument de l’honorable rapporteur tombe à faux.
Quand, tout à l’heure, il a prétendu que ce serait la dernière partie du polder à rendiguer qui devrait concourir à la dépense, il sait aussi bien que nous que c’est toute la wateringue.
Messieurs, j’ai été assez étonné d’entendre l’organe du gouvernement dire qu’il était surpris qu’on se montrât si difficile à résoudre cette question. Je dois déclarer que, pour ma part, je suis étonné que le gouvernement mette autant de légèreté à résoudre une question aussi importante et qui pourrait réellement compromettre de grands intérêts, ceux du trésor public. On dirait vraiment qu’on ne doit plus faire cas de l’argent du pays. Arrive-t-il si facilement dans les caisses publiques ?
Messieurs, je sais qu’il y a procès ; je sais ce qu’on demande au gouvernement. Mais vous savez que très souvent on s’occupe de la question de droit, et qu’on laisse de côté la question de fait, et surtout quand on est si facile à poser des précédents.
Le procès n’est pas intenté par les malheureux habitants des polders. Quant à moi, c’est parce qu’il y a procès que je voudrais qu’on ne résolût pas si légèrement la question. Je voudrais qu’on pesât les conséquences de ce qui peut arriver aux polders et les charges qui devraient en résulter pour le gouvernement et prouver ici que ni la justice ni l’équité n’exigent que l’Etat prenne cette charge, mais qu’elle soit supportée par ceux à qui elle incombe.
Messieurs, on a parlé d’agression ; on a dit qu’une agression pouvait arriver et qu’on ne serait pas pourvu de moyens de défense suffisants. Mais c’est précisément en présence de la possibilité de ces agressions que vous devez résoudre la question comme elle l’a toujours été, et déclarer que le rendiguement doit être à la charge des propriétaires. Car, messieurs, vous devez savoir qu’il n’y a rien plus facile pour la Hollande que de faire des ruptures dans une digue ; c’est surtout parce que cette manœuvre militaire est si facile et qu’elle a eu lieu tant de fois que toujours les gouvernements du pays ont eu soin de ne jamais mettre les dépenses de digues à charge de l’Etat, et à présent par les exemples que le gouvernement a donnés et veut encore donner, je crains qu’à chaque agression et rupture des digues, on aura recours à l’Etat.
Messieurs, je regrette qu’une question de cette importance soit traitée avec cette légèreté, mais j’espère qu’on ne la résoudra pas aujourd’hui. Elle est trop importante pour l’Etat, pour qu’elle soit résolue par un si petit nombre de membres.
Messieurs, non seulement pour l’instruction du présent, mais pour l’avenir, permettez-moi d’examiner ce que ce sont que les polders. Cette question n’a pas encore été traitée, et cependant elle est importante, on verra combien toujours les gouvernements ont pris de précautions pour que les ouvrages des polders et de leurs digues ne tombassent pas à charge de l’Etat.
Messieurs, que sont les polders ? Les polders, comme vous le savez tous aussi bien que moi, sont des terrains d’alluvions, dont la propriété a été cédée par le souverain qui en était le propriétaire primitif. J’ai ici deux octrois qui existent dans les archives de l’Etat, l’un est de 1271, l’autre de 1292 ou de 1293 ; ces chartes prouvent que les terrains dont il s’agit ont été cédés à titre onéreux, qu’ils ont été cédés à charge de construire les digues et de les entretenir. Toujours on a tenu la main à l’application de ce principe, toujours on a évité avec soin de poser un antécédent dont il aurait pu résulter qu’un jour on vînt mettre cet objet à la charge de l’Etat. Jamais, avant la révolution, le gouvernement n’a fait le moindre travail dans les polders ; je citerai un exemple à cet égard. Alexandre de Parme, dans l’intérêt de la défense du pays, inonde une quantité de polders ; il ouvre lui-même les digues ; ces polders demeurent sous les eaux depuis 1582 jusqu’en 1639, c’est-à-dire pendant 60 ans, et cela par le fait direct du gouvernement.
Eh bien, messieurs, malgré cela, ce sont les propriétaires qui ont dû opérer le rendiguement ; ils ont obtenu seulement de ne pas devoir payer des contributions pendant une période de 36 ans, mais ils ont dû supporter une dépense qui s’élevait à 21 mille florins courants, somme énorme pour cette époque. Cela prouve bien que le gouvernement n’a pas contribué pour beaucoup au rendiguement, et, en effet, il ne devait pas y contribuer puisque les chartes concédant les terrains dont il s’agissait, portent que dans tous les cas, soit de tempête, soit de mauvais vent, soit de guerre, la restauration des digues doit se faire aux frais des propriétaires.
Cela est tellement évident, messieurs, que les administrations des polders, les administrations des wateringues exercent une quasi-souveraineté ; ces administrations ont même toujours eu le droit d’établir des impôts. Pourquoi leur a-t-on donné ce droit ? Précisément pour qu’on ne pût, sous aucun prétexte, mettre les dépenses à faire pour les polders, à la charge de l’Etat. De plus, ces administrations portaient une décision souveraine sur toutes les contestations qui s’élevaient ; c’est toujours pour le même motif que cette juridiction leur était accordée. Cette législation a été maintenue sous le régime français. Si je ne me trompe, en l’an VI de la république, une contestation s’éleva sur le pouvoir qu’avaient les wateringues d’établir des impôts ; cette contestation fut portée devant le directoire exécutif. Eh bien, le directoire exécutif reconnut que ces corporations avait toujours eu le droit d’établir des impôts, et il décida qu’il fallait maintenir cet état de choses, qu’il fallait laisser aux wateringues le droit de lever des impôts pour exécuter les travaux dont elles étaient chargées. Il y a encore un décret de 1811 qui prouve que l’entretien et la reconstruction des digues ont toujours été à la charge des wateringues. D’ailleurs, cela est parfaitement juste : ceux qui avaient reçu presque pour rien 2, 3, 4 mille mesures de terre pouvaient bien faire quelque chose. C’est par cette considération que la cession avait été faite à titre onéreux.
Maintenant que les propriétaires ont joui, pendant plusieurs siècles, des terrains qu’ils ont ainsi obtenus gratuitement, mais à charge de faire et d’entretenir les digues, extérieures comme intérieures, maintenant on voudrait mettre à la charge de l’Etat les obligations qui leur incombaient. Evidemment cela n’est pas juste. C’est un sacrifice gratuit qu’on exige de nous.
Quel est le grand argument qu’on nous oppose ? Vous avez commencé à restaurer les digues ; il faut donc continuer. Eh bien, messieurs, c’est précisément ce dont j’ai peur : vous avez un procès à soutenir, et vous voulez vous-mêmes poser un précédent contre vous ! Mais chaque fois qu’une digue sera rompue par une tempête ou par une cause quelconque, on viendra vous demander de réparer le dommage ; on vous dira : Vous l’avez fait pour Borgerweert, vous l’avez fait pour le Doel, vous l’avez fait pour Stabroek, vous l’avez fait pour Lillo, vous devez donc le faire aussi pour nous.
Un membre. - On répondra.
M. Desmet. - On répondra comme on répond toujours, on viendra nous demander des fonds pour faire les travaux.
On croit quelquefois que les dépenses qui ont été faites pour les polders ne l’ont été que par nécessité, par urgence, dans l’intérêt général, dans l’intérêt de la navigation, par exemple. Eh bien, messieurs, si l’on veut consulter les états qui nous ont été fournis dans le temps par M. le ministre de l’intérieur, on verra que la plus grande partie de ces travaux ont été faits non pas dans l’intérêt général, mais dans l’intérêt des particuliers.
Ainsi, messieurs, le polder de Borgerweert nous a coûté 3,016,652 fr. 52 c. ; or, les travaux avaient été entrepris par MM. Cousin, du Château, pour la somme de 934,909 fr., mais il est arrivé que les travaux ont été mal dirigés ; que les travaux n’ont pas tenu et qu’il a fallu faire des travaux supplémentaires ; ces travaux supplémentaires, entrepris par M. Willems ont coûté 40,200 fr. ; la dépense totale, pour fermer l’ouverture s’est donc élevée à 1,334,500 fr. Eh bien, que sont devenus les 1,681,053 fr. restants ? Ils ont été dépensés pour des travaux intérieurs, travaux faits dans l’intérêt des propriétaires.
Le polder du Doel a coûté 119,000 fr. ; sur cette somme, 55,881 fr. seulement ont été dépensés pour les grands travaux de la digue ; le reste encore a été employé à des travaux intérieurs tout à fait étrangers à l’intérêt général, c’est-à-dire 63, 336 fr.
J’arrive au polder de Lillo. Le polder de Lillo a déjà coûté 3,764,552 francs ; eh bien, il n’y a que 1,979,674 fr. qui ont été dépensés aux travaux de la digue de mer, le reste a été employé à des digues intérieures, à des travaux de rigolage intérieur, c’est-à-dire, encore à des travaux d’un intérêt particulier. Encore une somme de 1,766,877 francs.
Ces trois polders ont déjà coûté à l’Etat 6,922,000 fr, dont il n’a pas été dépensé un tiers à des travaux d’intérêt général, tels que ceux qui ont pour objet l’intérêt de la navigation ou de la défense militaire. Ainsi, plus des deux tiers de la dépense ont été faits dans l’intérêt des particuliers, et cela pour des polders qui, d’après les octrois primitifs, devraient faire exception même à la loi des indemnités.
Je le répète encore, messieurs, j’insiste sur ce point, parce que je crains les conséquences de ce système, vous êtes en présence d’un procès, d’une demande en indemnité. Et la chose est encore plus importante quand on considère que ces immenses dépenses à quelques polders ont été faites sans le concours des propriétaires ; il est vrai cependant, et je dois le faire remarquer, que dans la loi du 6 octobre 1831 et au budget de 1834, il a été fait la réserve du recours du gouvernement contre les propriétaires. Cette réserve, j’ignore s’il y a eu quelques tentatives pour la réaliser, mais ce que je sais, c’est qu’elle cadre très mal avec la convention du 21 juin 1839, que le gouvernement a faite avec la wateringue du polder de Lillo.
Cette convention, sanctionnée par l’arrêté du 21 septembre 1839, reconnaît implicitement des droits contre l’Etat, que les wateringues des polders n’ont jamais eues par elle ; l’Etat accorde un subside de 47,000 francs à la wateringue de Lillo, pour qu’elle ne réclame plus rien à charge de l’Etat, et avec cette somme, elle se tiendra pour satisfaite et renonce à toute nouvelle réclamation du chef des travaux faits ou à faire. Cette convention contient encore une clause assez étrange, c’est celle que la wateringue touchera une rente de 5,000 francs par an jusqu’à ce que la rupture soit fermée ou jusqu’à 1845.
On a fait valoir des motifs d’intérêt général, on a parlé de la navigation.
Nous savons très bien que lorsqu’il y a une ouverture dans la digue, il y a ensablement de l’autre côté. Cela a toujours eu lieu à chaque cas de guerre. Que faisait alors le gouvernement ? Il obligeait les propriétaires à exécuter les travaux, ou, s’ils s’y refusaient, le gouvernement prenait les terrains, et faisait faire les travaux aux frais de l’Etat. C’est ce qui est arrivé sous Philippe II. Le même cas de guerre s’est présenté. Quelques propriétaires voulaient faire les réparations, d’autres s’y refusaient ; ils voulaient même céder les mauvaises parties de leurs terres, et conserver les autres ; mais le gouvernement leur déclara que s’ils ne se chargeaient pas des travaux, il prendrait leurs propriétés et ferait faire les travaux à leur place. On ne pourrait citer aucun cas où ces souverains aient fait faire ces réparations aux frais de l’Etat.
Ce que je dis de la navigation, je le dis de la défense du pays, et je soutiens que le gouvernement a aujourd’hui, comme il a toujours eu, des moyens pour faire exécuter les travaux à faire aux digues des polders, et je répète que c’est très dangereux de changer cet ordre de chose et d’abandonner si légèrement les droits de l’Etat.
Messieurs, le gouvernement vous propose un projet de loi qui l’autorise à faire exécuter le rendiguement du polder de Lillo. Il est vrai que vous avez ici des soumissions, mais en 1837 vous aviez aussi une soumission.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Elle était conçue en d’autres termes.
M. Desmet. - Qu’a dit l’entrepreneur ? Il a dit que si on avait fait un forfait, on aurait eu un bon ouvrage.
Aujourd’hui, vous ne savez pas la portée du vote qu’on vous demande.
Il y a une question à traiter, c’est la question du concours des propriétaires. Pour moi, la question d’argent n’est rien ; je donnerais volontiers un demi-million, si l’on y met pour condition le concours des propriétaires. Si l’on veut admettre le concours, si l’on veut sauver le principe, je vote immédiatement la somme.
Je demanderai donc qu’il y ait concours, et j’attendrai la fin de la discussion pour proposer un amendement, ou pour me rallier à un amendement qui serait présenté.
M. le président. - Voici un amendement qui vient d’être transmis au bureau :
« Je propose d’ajouter à l’article unique du projet la réserve suivante :
« Sauf le recours du gouvernement contre les propriétaires, s’il y a lieu.
« Malou. »
M. Rogier. - Messieurs, je partage à certains égards l’opinion des adversaires du projet de loi ; je crois avec eux qu’il serait bon de sauver le principe en vertu duquel les propriétaires des polders doivent concourir au rendiguement des digues, lorsque les digues sont venues à disparaître par un accident naturel. Sous ce rapport, j’appuierai aussi l’amendement qui vient d’être proposé. Mais je crois que pour le cas spécial qui nous occupe, l’amendement ne peut pas être admis.
La question qui s’agite est très grave et très importante, je ne le nie pas, mais cette question très importante et très grave a déjà été résolue plusieurs fois par la chambre.
Depuis 1831, le polder qu’il s’agit d’assécher est sous les eaux ; de nouveaux faits n’ont pas surgi. A quatre reprises différentes, le gouvernement s’est charge de rendiguement sur les deux rives de l’Escaut, sans qu’on ait jamais imposé aux propriétaires l’obligation de concours qu’on réclame aujourd’hui ; quatre fois, je le répète, la question a été résolue sans le concours des propriétaires. Aujourd’hui on vient demander ce concours, et vis-à-vis de quels propriétaires ? Vis-à-vis des propriétaires qui sont restés les derniers inondés, vis-à-vis de ceux qui ont le plus souffert. N’y aurait il pas une souveraine injustice à frapper ceux qu’on devrait, au contraire, ménager plus que tous les autres, puisqu’ils ont le plus souffert ?
Appliquez votre principe à l’avenir, cherchez à réveiller les anciennes dispositions qui exigent le concours des propriétaires, je le conçois ; mais ne commencez pas à appliquer ce principe rigoureux à ceux pour lesquels il faudrait faire une exception, par cela seul qu’ils ont plus souffert plus longtemps que les autres. Frapper les derniers inondés ce serait commettre à leur égard la plus criante injustice, il faudrait alors revenir sur tout ce qui à été fait, et exiger le concours des propriétaires qui ont été les premiers délivrés des eaux ; ce sont ceux-là qui devraient, les premiers aussi, concourir au rendiguement définitif qu’on vous demande. Mais revenir sur le passé est chose impossible, et personne ne viendra sans doute faire une pareille proposition.
Du reste, je ne m’inquiète pas pour le moment de la question des propriétaires, je ne m’inquiète que de la situation du fleuve et des devoirs du gouvernement ; le gouvernement n’est-il pas dans l’obligation actuelle, immédiate de pourvoir a la bonne navigation du fleuve et en même temps aux moyens de défense du fort de Lillo ? Sous ce dernier rapport, les ingénieurs militaires ont trouvé que les ingénieurs civils n’étaient pas assez pénétrés de l’urgence des travaux. Lisez le rapport de M. le ministre des travaux publics, vous verrez que les ingénieurs militaires insistent depuis deux ans sur l’urgence des travaux dans l’intérêt du fort. Je laisse de côté l’intérêt des propriétaires, mais je dis qu’intéressé ou non, il faut que le gouvernement ferme au plus tôt la rupture de la digue. Cette réparation profitera, il est vrai, à des propriétaires qui depuis 13 ans ne touchent pas un centime de leur revenu, mais l’obligation de réparer en incombe-t-elle moins pour cela au gouvernement ? Faut-il exiger de ces propriétaires un concours qu’on n’a pas exigé précédemment de propriétaires qui étaient dans le même cas ? Encore une fois, non.
Si des faits nouveaux surgissent, pour ces faits nouveaux, faites une législation nouvelle, ou faites revivre l’ancienne. Mais, pour le passé, la question a été décidée par la législature, elle l’a été non seulement pour l’Escaut, pour des désastres résultants de la guerre, mais pour la Meuse, où cette circonstance de la guerre n’existait pas, et je n’ai pas vu que les honorables représentants du Limbourg soient venus demander le concours des propriétaires riverains de la Meuse, car, depuis dix ans, et en l’absence de tout événement de guerre, le gouvernement a constamment réparé les digues de la Meuse, sans le concours des propriétaires.
Je le répète, il faut faire des réserves pour l’avenir. Je crois qu’en droit les propriétaires des polders sont tenus de concourir aux réparations des digues. Cette obligation n’a jamais été considérée comme abolie, mais dans le cas particulier d’une rupture par le fait d’une guerre, d’une guerre qui a fondé notre nationalité, guerre qui ne doit pas se renouveler, les principes ont dû céder.
Quant aux propriétaires, j’ai dit que nous n’aurons pas à nous en occuper. Toutefois, au point de vue de l’équité, je répéterai que non seulement ils auraient droit à votre sollicitude particulière, par cela même qu’ils ont plus longtemps souffert, mais aussi en raison de leur position particulière. On croit qu’il s’agit de faire ici à quelques propriétaires la libéralité du rendiguement, on se figure que la loi est destinée à faire les affaires de quelques riches propriétaires, cela ne m’empêcherait pas, si elle est équitable au fond, de voter pour la loi ; il faut être juste envers les riches comme envers les pauvres. Mais dans le nombre des propriétés qui doivent être asséchées, autant que je puis connaître les localités, je ne vois pas plus de quatre ou cinq grands propriétaires. Le bourgmestre de Lillo a remis une liste qui porte à 87 le nombre des intéressés. Cette liste a été déposée sur le bureau, nous devons lui croire un caractère authentique. Ce sont des ouvriers, des bateliers, des laboureurs, des cabaretiers, des boutiquiers.
C’est sur cette dernière catégorie que vous voulez faire tomber la rigueur de la loi. J’admets le concours en principe, mais je demande qu’on en réserve l’application pour l’avenir.
M. le président. - M. Huveners propose l’amendement suivant :
« Le rendiguement du polder de Lillo sera exécuté par l’Etat. Un tiers de la dépense incombera à l’Etat et les deux autres tiers seront à la charge des propriétaires. »
M. de Brouckere. - Nous pourrions fermer la discussion générale.
M. Huveners. - Je demande la parole pour répondre quelques mots aux membres qui ont dénaturé mes paroles. Je ne me suis pas opposé à ce qu’on vînt au secours des malheureux, mais à ce que les riches profitent des libéralités de l’Etat.
M. de Mérode. - L’amendement a été suffisamment motivé tout à l’heure, je ne vois pas ce que l’honorable membre pourrait nous dire de neuf.
M. Huveners. - Je ne m’oppose pas à la clôture, mais je demande à pouvoir, dans la discussion de l’article, rétablir le sens de mes paroles.
- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - M. Malou a la parole pour présenter un amendement.
M. Malou. - J’ai voté contre la loi des indemnités, j’ai craint de poser un principe extrêmement dangereux. Aujourd’hui, les considérations d’équité et d’humanité invoquées en faveur des propriétaires et habitants du polder de Lillo m’ont touché ; mais je crains que si nous votons le projet de loi sans réserve pour le concours des propriétaires, nous ne compromettions ce principe pour l’avenir. J’ai recherché les rétroactes de rendiguement, et j’ai trouvé que dans les premiers actes de rendiguement, on a fait la réserve que je propose, et qui est conçue en ces termes :
« Sauf le recours du gouvernement contre les propriétaires, s’il y a lieu. »
Je propose de reproduire cette réserve, parce que l’utilité en est plus évidente aujourd’hui que jamais. En effet, la loi de 1842 ouvre une action en indemnité devant la commission. On réclame devant elle du chef de catégories qui auraient été exclues par la loi de 1842. On réclame du chef de non-jouissance.
M. Mast de Vries. - La commission en a fait justice.
M. Malou. - Une deuxième action est portée devant les tribunaux ; elle a également la non-jouissance pour objet.
Elle est portée par des propriétaires dont les propriétés ont été gratuitement retirées de dessous les eaux. Aujourd’hui nous allons compléter notre œuvre de générosité. Pour moi, je le déclare de nouveau, je m’associe à cette œuvre, mais il ne faut pas aller jusqu’au point de laisser ouverte, de renforcer l’action portée devant les tribunaux. Tel serait l’effet d’une loi votée sans aucune réserve.
Tels sont les motifs bien simples de l’amendement que j’ai proposé. J’espère qu’expliqué ainsi, il ne rencontrera pas d’opposition de la part des intéressés eux-mêmes.
M. Huveners. - On a invoqué l’intérêt général. On a dit que l’Etat était intéressé à exécuter les travaux dans l’intérêt de la défense du fort de Lillo et de la navigation de l’Escaut, et de la conservation de la digue du Poel. J’ai été le premier à le reconnaître ; j’ai dit que le gouvernement aurait dû exécuter cet ouvrage, mais qu’il faisait faire supporter la charge non seulement par les 300 hectares encore inondés, mais par toute l’association de Lillo, conformément à la loi sur la matière de janvier 1811.
Messieurs, on a invoqué les sacrifices précédents que vous avez faits pour vous engager à en faire un nouveau en exécutant le rendiguement aux frais de l’Etat tout seul. C’est sur ces précédents que je me suis appuyé. J’ai dit que déjà dans l’intérêt des propriétaires des polders on avait dépensé au-delà de trois millions ; que j’aurais été curieux de voir la pétition de la direction du polder de Lillo, pour voir si elle était assez déraisonnable pour demander l’exécution des travaux aux frais de l’Etat seul.
On m’a dit que si j’avais été sur les lieux, si j’avais vu l’état de ces misérables, je n’aurais pas élevé la voix contre les malheureux. Mais je n ai pas élevé la voix contre eux. J’ai dit que, si l’on n’avait pas assez fait pour eux, le gouvernement pouvait faire une enquête. Je suis persuadé qu’avec un secours de 50,000 fr. on serait plus utile à ces malheureux que par ces 500,000 fr. qu’on vous propose, qui ne profiteront qu’aux propriétaires riches. En citant le rapport du gouverneur, j’ai fait remarquer qu’il y avait 50 grands propriétaires, et que les autres étaient des ouvriers. Les ouvriers ne possèdent pas des bonniers de terrains. D’après les renseignements qui nous ont été donnés à la section centrale par un honorable député d’Anvers, il y a dans les polders des hectares de terre qui se sont vendus jusqu’à 7,000 fr. (M. Cogels fait un signe négatif.) Il est positif que l’honorable membre l’a dit, lorsque je fis l’observation qu’à cause de la situation précaire de ces terrains, il ne devaient pas être bien chers.
D’après la loi des indemnités, un cultivateur pourra réclamer jusqu’à 5,000 fr. Un membre de la commission a dit qu’ils auraient beaucoup de peine à les obtenir. Je l’ai pensé ; c’est pour cela que j’ai voté contre les indemnités. J’ai pensé que là encore les riches auraient tout, et les pauvres rien.
M. le ministre a dit qu’il s’agissait ici de fermer la dernière plaie de la révolution ; il y a encore d’autres plaies de la révolution à fermer, mais parce que c’est dans des localités dont les députés ne sont pas si nombreux, on n’obtient rien. La ville de Maeseyck, que je représente, a eu sa caisse volée par le duc de Saxe-Weimar. M. le ministre de l’intérieur le sait très bien ; cependant elle n’a pu rien obtenir, On n’en tient aucun compte à cette malheureuse ville dans tout ce qu’on réclame en sa faveur. De cette manière, il y a deux poids et deux mesures.
On m’a fait dire que je voulais faire intervenir les polders au-delà du fleuve. Je n’ai pas dit cela. Ce n’est que lorsque les différents polders forment un seul arrondissement que chaque polder doit concourir à toutes les charges de I arrondissement.
Quant à la législation de 1811, l’honorable M. Cogels a tout à fait dénaturé ce que j’ai dit. J’ai dit que le décret du 11 janvier 1811 contient la législation générale, les principes généraux applicables dans le département des Deux-Néthes, qu’il y avait des décrets particuliers pour régler les polders de quelques autres départements français.
M. le ministre est revenu sur ce que j’ai dit en 1841. Mais lui-même a bien voulu ajouter quelle était mon opinion. En effet, j’ai même soutenu que les riverains de la Meuse auraient pu intenter une action contre le gouvernement, parce que le gouvernement n’avait pas fait son devoir, parce que les chemins de halage n’étaient pas entretenus comme ils devaient l’être, aux termes de l’acte international que le ministre a cité, que, d’un autre côté la Meuse, ainsi que les autres fleuves, ayant été repris par l’Etat, l’Etat devait supporter les frais aussi bien que pour entretenir les chemins de halage, que pour assurer la navigation des fleuves.
J’ai présenté un amendement. Je ne fais contribuer les propriétaires que pour les deux tiers, parce que, d’après les renseignements que le gouvernement nous a donnés, l’Etat est intéressé dans la question. Je ne mets que les 2/3 de la dépense à charge des propriétaires. Je ne trouve pas que cette charge soit trop grande pour une association qui a un revenu de 300,000 fr.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion. Je crois que les opinions doivent être complètement formées. Je n’ai demandé la parole que pour déclarer que je ne vois aucun inconvénient à l’amendement de l’honorable M. Malou.
Cet amendement, comme on l’a fait remarquer, n’est que la reproduction de la réserve exprimée dans les mêmes termes, dans les lois relatives au rendiguement des polders, et votées en 1831 et 1834. Si, en 1838, lorsqu’il s’est agi du polder de Borgeweert, cette réserve n’a pas été insérée dans la loi, c’est parce qu’il était entendu que rien ne serait changé à l’ancien état des choses.
Cette réserve, chacun en a compris la portée : on a voulu ne rien préjuger à l’égard des propriétaires.
M. de Mérode. - Messieurs, ceux qui n’ont pas eu sous les yeux les misères qui résultent de l’inondation du polder de Lillo, n’éprouvent pas pour ceux qui en sont victimes l’intérêt que ressentent les personnes dont les yeux ont pu voir leur triste situation. Or, cette situation est l’effet non pas d’une tempête, d’un événement physique, non pas d’une guerre étrangère, mais d’un mouvement politique qui a divisé un royaume par une révolution, révolution que nous considérons comme heureuse pour la généralité du pays. Eh bien, je le demande, est-il convenable de laisser consommer la ruine entière d’une fraction de nos compatriotes, quand leur fortune a été sacrifiée au bien-être public et qu’ils souffrent depuis quatorze années ?
Personne plus que moi ne réclame l’équilibre des recettes et des dépenses. Je sais combien il importe de ne pas se précipiter aveuglément dans les dettes et les déficits, mais ici l’Etat peut être entraîné dans diverses dépenses plus grandes que le rendiguement proposé soit pour la défense des forts soit pour la sûreté de la navigation du fleuve : De plus l’Etat paye un surcroît d’entretien des digues actuelles qui cessera après la fermeture de la véritable digue de l’Escaut. Nous regagnerons donc une partie des frais.
Vous avez commencé à faire, il faudra continuer, vous dit-on, et vous continuerez ainsi à réparer toutes les brèches que les tempêtes produiront à l’avenir, ou qui résulteront d’autres événements. Oui, vous continuerez à fermer une plaie qui résulte d’un affranchissement politique dont le pays jouit depuis 14 ans. Vous payerez cette joyeuse entrée de votre indépendance pour qu’elle ne soit pas une cause indéfinie de souffrances et de larmes. Mais on ne pourra inférer de votre conduite dans une circonstance si rare, si particulière qu’elle ne s’est pas encore produite depuis des siècles, on ne pourra pas en inférer, dis-je, que vous voulez abandonner des règles justement établies, et que personne ne veut supprimer imprudemment.
Messieurs, parmi les possesseurs des trois cents hectares du polder, moitié, peut-être, sont dans l’aisance. Eh bien ceux-ci ne seront pas plus favorisés que les propriétaires des polders précédemment rendigués ; pour ceux-ci 7 millions ont été dépensés ; faut-il, pour cinq cent mille francs, c’est-à-dire, pour un quinzième de la dépense totale, créer la plus singulière anomalie, dont on ne cessera de se plaindre ?
M. Smits. - Deux amendements ont été présentés. Quant à moi, j’admets celui de l’honorable M. Malou et je suis autorise à déclarer, au nom de deux de mes collègues, qu’ils l’adoptent également. Nous trouvons utile qu’il y ait dans la loi certaine réserve pour l’avenir. Quant à celui de l’honorable Huveners nous ne pouvons l’admettre ; car il place 300 hectares dans une position tout a fait exceptionnelle.
Par suite des guerres de la révolution qui ont amené l’indépendance nationale, 2,100 hectares du polder de Lillo ont été inondes ; 1,800 ont été rendigués aux frais de l’Etat ; 300 restent encore à rendiguer. Pour ces 300 hectares, l’honorable M. Huveners voudrait que les 2/3 de la dépense incombassent aux propriétaires.
Je sais qu’il a développé son amendement dans ce sens, que ces frais seraient répartis sur l’association générale des polders. Mais il n’en est pas moins vrai que les 1,800 hectares ayant été rendigués aux frais de l’Etat, les 300 hectares restant seront placés hors du droit commun.
On a invoqué le strict droit ; on a dit qu’un décret de 1811 obligeait les propriétaires à rendiguer les digues à leurs frais ; ce décret, en effet, avait été porté pour obliger les propriétaires, dont la négligence était extrême à cette époque, à veiller eux-mêmes à la conservation des digues ; mais ici il ne s’agit pas de cela ; aujourd’hui, c’est par suite des événements de la guerre que l’inondation a eu lieu. Le cas est donc entièrement différent.
Pour prouver que la chambre et le gouvernement n’ont jamais applique le décret de 181l, je citerai le polder de Borgerweert ; il a été rendigué, en 1837, à la suite d’une rupture de la digue qui avait eu lieu non par les événements de la guerre, mais par un ouragan. Le gouvernement a rendigué le polder aux frais de l’Etat. Pourquoi ne pas en agir de même dans la circonstance actuelle ? Aurions-nous deux poids et deux mesures ? Si l’on a rendigué le polder de Borgerweert, en 1837, alors, je le repète, que la digue avait été rompue par suite d’une tempête, ne devons-nous pas à plus forte raison décréter le rendiguement de la dernière partie du polder de Lillo, qui reste encore à exécuter, qui forme le dernier acte des réparations nationales que la chambre a successivement décrétées ?
L’honorable M. Desmet disait tantôt que jamais aucun souverain n’avait permis le rendiguement d’un polder à charge de l’Etat, et il cite à ce sujet les événements qui se sont passés sous Philippe II. Mais lorsque le duc de Parme a fait inonder les polders des deux rives de l’Escaut, pour forcer la reddition d’Anvers, que s’est-il passé ? On a demandé le rendiguement aux frais de l’Etat ; on s’y est refusé ; par suite de ce refus, les propriétaires ont consenti à rendiguer les polders ; mais ils ont été exempts de tout impôt, même de ceux d’accise, pendant 88 ans.
M. Desmet. - Non pas aussi longtemps.
M. Smits. - Oui, pendant 88 ans, parce que les octrois ont toujours été renouvelés. L’Etat, ne percevant pas l’impôt, payait donc indirectement. C’était de sa caisse que sortaient les sommes nécessaires pour l’exécution des travaux. Or, que l’Etat paye directement ou indirectement, le résultat est le même.
Ainsi l’on ne trouve ni dans les siècles passés, ni à l’époque actuelle, aucun fait qui prouve que de telles dépenses doivent être supportées par les propriétaires, lorsque les ruptures des digues ont lieu dans des circonstances semblables à celles où le pays s’est trouvé en 1830.
Je repousse donc l’amendement de l’honorable M. Huveners et j’appuie l’amendement de l’honorable M. Malou.
M. Lys. - Tout ce qui a été dit sur le projet de loi nous a démontré qu’en stricte justice il n’est dû aucune indemnité. Il est établi par les pièces annexées à l’exposé des motifs que la rupture des digues, qu’elle ait lieu pour la défense du territoire ou pour toute autre cause, ne donne aucun droit aux propriétaires des poldres qu’il s’agit de rendiguer.
Je conçois que l’on vienne au secours des malheureux qui ont souffert de l’inondation du polder de Lillo ; nous y sommes d’autant plus obligés que nous avons appliqué ce principe d’équité aux autres parties qui ont été inondées.
Je suis tout à fait disposé à voter des secours pour les malheureux. Mais dans l’état de nos finances, je ne suis nullement disposé à voter des sommes considérables pour faire un cadeau aux riches propriétaires du polder de Lillo, je dis que c’est un cadeau à de riches propriétaires. En effet, sur la liste des propriétaires des polders, vous voyez, avec les noms de quelques grands propriétaires, une quantité d’ouvriers. Mais que possèdent-ils ! Une malheureuse hutte et quelques pieds de terrain.
Ce seront les grands propriétaires qui profiteront des travaux ; car, remarquez-le bien, les listes devraient indiquer les quantités des terrains appartenant à chaque propriétaire. Là vous ne voyez rien, parce que ce sont 7 ou 8 grands propriétaires qui possèdent la presque totalité des terrains. Je dois le présumer ainsi, puisque nous ne pouvons obtenir l’extrait du cadastre concernant les propriétés de Lillo.
Je suis, je le répète, tout à fait disposé à voter des secours aux malheureux. Il est plus que temps d’indemniser ceux qui peuvent avoir souffert. Mais on ne doit donner qu’à ceux qui sont véritablement dans le besoin.
C’est pourquoi je présente l’amendement suivant :
« Tout propriétaire de plus de 5 hectares payera à l’Etat un tiers de la valeur vénale de sa propriété après le rendiguement. Cette quotité sera payée par cinquième d’année en année après l’achèvement des travaux relatifs au rendiguement. »
Cet amendement ferait, je crois, assez d’avantage aux petits propriétaires ; car tout propriétaire qui posséderait moins de 5 hectares ne paierait rien.
Je ne puis me rallier à l’amendement de l’honorable M. Malou, parce que ce n’est là qu’un préservatif contre les exigences, qui ne produirait absolument rien à la caisse de l’Etat.
M. Cogels, rapporteur. - J’ai demandé la parole, d’abord pour rectifier une erreur de l’honorable M. Huveners. Je n’ai pas dit qu’on avait vendu 7,000 fr. l’hectare des terres du polder de Lillo. J’ai dit qu’il y avait dans le poldre d’Ordam des terres dont la valeur allait jusqu’à 7,000 fr. le bonnier, et non pas l’hectare, ce qui fait une différence d’un quart.
J’ai dit au contraire que dans le polder de Lillo, récemment rendigué, des terres qui se vendaient 1,600 l’arpent, avant l’inondation, ne se vendaient plus que 600 fr.
Puisque j’ai la parole, je répondrai deux mots à l’honorable M. Lys. D’après cet honorable membre, les propriétaires auraient à contribuer pour un tiers de la valeur de leur propriété ; or, les membres de la section centrale qui étaient le plus exigeants n’avaient pas demandé un concours plus considérable que celui fixé en dernier lien pour le canal de Zelzaete et pour le canal de la Campine. Pour le canal de la Campine, on a concouru pour une annuité de 2 fr. par hectare à payer pendant 25 ans, c’était la le maximum. Pour le canal de Zelzaete, on a contribué par annuités, pour un quart des travaux.
Cette contribution n’équivaut pas au vingtième du revenu. Ainsi ce serait les plus malheureux qu’on frapperait des contributions les plus exorbitantes. Ainsi on exigerait plus pour une réparation imparfaite que pour des travaux d’amélioration importants, et cela après que la loi des indemnités a porté quelque remède à toutes les autres infortunes.
Ne serait-ce pas avoir deux poids et deux mesures ? S’il faut avoir deux poids et deux mesures, est-ce dans la circonstance présente ?
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Rodenbach. - Je crois que l’on ne peut prononcer la clôture. On n’a pas suffisamment discuté les amendements ; ils devraient être renvoyés à l’examen de la section centrale, et ensuite discutes ; car il s’agit d’un principe très dangereux.
L’honorable M. de Mérode, dans son discours, a paru accuser certains honorables membres de la chambre. (Dénégations de la part de M. de Mérode.) L’honorable membre a eu l’air de dire que nous rendrions victimes de malheureux ouvriers des polders. Je pense que les membres qui ont été vos adversaires ont été très généreux ; car l’honorable M. Desmet a dit : demandez un subside, nous voterons un demi-million. Egalement un honorable collègue qui siège à ma droite a dit : nous voterons un subside, il n’y a pas lieu à nous accuser ; car il n’y pas un seul membre qui ne soit prêt à venir au secours des malheureux. J’ai dû prendre la parole pour réfuter sur ce point l’honorable comte.
On dit qu’il faudra indemniser, parce que les inondations sont le résultat de la guerre. C’est un principe très dangereux. Car s’il y avait une guerre avec la Hollande, l’ennemi sachant que le pays répare les désastres de la guerre, ne manquerait pas de saccager, de piller, d’incendier, sachant qu’ainsi il ferait du mal non pas à des particuliers, mais à l’Etat.
Vous savez ce qui s’est passé lors des guerres de la Belgique et de la France. Les Français, en entrant en Belgique, ont incendié Menin, Poperinghe et toutes les fabriques. Lorsque les victimes de ces désastres ont demandé des indemnités, ils n’en ont pas obtenu. Une mère de famille, réduite à la dernière misère, parce que l’armée française avait détruit un moulin à papier qui était tout son avoir, a demandé une indemnité, et n’a rien obtenu.
Je demande qu’on examine mûrement. Je demande qu’on imprime les amendements. On ne peut voter aujourd’hui ; la question est trop grave.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Depuis quelques instants, la question me paraît complètement déplacée.
Au commencement de la discussion, j’ai eu soin (et plusieurs orateurs après moi) de placer la question sur le terrain des intérêts généraux. Sans doute, la question des propriétaires a son importance. Mais elle s’évanouit devant une question d’un ordre plus élevé, que j’ai eu l’honneur de signaler.
Le gouvernement a été surtout frappé d’un fait, qu’il est de son devoir d’empêcher que la navigation de notre fleuve commercial ne soit compromise ; or, elle l’est par la formation de bancs de sable devant le polder de Lillo.
En deuxième lieu, je vous ai prouvé que la digue de Doel, sur la rive gauche de l’Escaut, serait menacée, que les propriétaires de la rive gauche de l’Escaut, seraient toujours en présence d’un désastre éventuel.
L’honorable M. Huveners l’a démontré tantôt.
Comment ! pour éviter le danger qui menace la navigation du fleuve, qui menace les propriétaires de la rive gauche de la Flandre orientale, vous iriez demander le concours des propriétaires de la rive droite ; tandis qu’évidemment, pour le gouvernement, le motif d’urgence, c’est principalement d’éviter les dangers dont je viens de parler. Si des propriétaires devaient intervenir, ce serait plutôt les propriétaires du polder de Doel (réclamations), que ceux du polder de Lillo ; car le gouvernement est plus frappé du danger auquel est exposée la rive du Doel que de la question même du polder de Lillo.
Ainsi, je le répète, nous avons à veiller à trois intérêts : D’abord la question militaire. Il ne faut pas que le gouvernement perde de vue la défense de cette frontière maritime.
Ensuite, il est impossible que le gouvernement néglige de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que la navigation de notre fleuve commercial ne soit compromise. Il est aussi de son devoir de conjurer les dangers auxquels est exposée la rive gauche du fleuve, vers le Doel.
Le gouvernement ne peut prémunir le pays contre tous ces dangers autrement que par le rendiguement du polder de Lillo. Là est le seul remède. La somme que le gouvernement devra dépenser pour ces travaux a sa complète compensation dans une réduction de charges annuelles qui représente un capital au moins égal au coût d’exécution des travaux.
La question des propriétaires dont on vient de s’occuper, est la question véritablement accessoire. Le gouvernement doit remplir un devoir ; il a une responsabilité à couvrir, c’est de prévenir les dangers qui menacent la navigation du fleuve et la rive gauche de l’Escaut.
Je pense que l’amendement de l’honorable M. Malou répond à toutes les craintes.
Par cet amendement, vous sauvez complètement l’avenir.
Mais, vis-à-vis des faits que j’ai signalés, il est impossible de se préoccuper avant tout de la position du concours des propriétaires.
M. Desmet. - Messieurs, j’appuie l’impression des amendements. Le principe du concours est trop important pour que la question soit décidée sans un mûr examen. M. le ministre des travaux publics, organe du gouvernement, invoque l’urgence, l’intérêt de la navigation et de la défense du pays. Eh bien, le gouvernement avait entre les mains les moyens de faire exécuter les travaux immédiatement ; il devait en vertu des anciens octrois, sommer les propriétaires de remplir leurs obligations. Si donc il se produit de nouveaux dommages, si la rive gauche du fleuve vient à être inondée, ce sera le fait du gouvernement : il devait forcer les propriétaires à faire leur devoir.
On parle de faire contribuer les propriétaires du Doel et de Liefkenshoek, mais personne n’a dit ni pensé cette absurdité, on sait de quoi sont constituées les wateringues, comme on sait quelles sont ses charges, mais on sait aussi que toute la wateringue du polder de Lillo doit contribuer à la dépense à faire pour fermer la dernière rupture.
Je dirai un mot de l’amendement de l’honorable M. Malou, qui est si fortement appuyé par le gouvernement. Chaque fois qu’il s’est agi d’une semblable question, une clause de cette nature a été introduite dans la loi ; mais quel usage le gouvernement a-t-il fait de cette clause ? Pour le polder de Borgerweert on a dépensé plus de trois millions, et j’ai déjà fait remarquer à la chambre que les 2/3 de cette somme ont été employés à des travaux d’intérêt particulier. Voilà l’usage que le gouvernement a fait de la réserve proposée par l’honorable M. Malou ; si nous adoptons la loi, on agira encore dé la même manière.
Je ne m’étendrai pas sur l’amendement de l’honorable M. Lys ; je ferai seulement remarquer que c’est là la disposition que nous devrions adopter ; on a parlé de commisération, eh bien, celui qui a 5 hectares de terre n’est pas malheureux.
L’honorable M. Cogels vient de dire que l’endiguement ne procurera pas aux propriétaires de Lillo des avantages plus grands que ceux qui ont été accordés aux riverains du canal de Zelzaete et du canal de la Campine. Je connais assez les polders, messieurs, pour savoir ce qui en est, et je puis vous assurer que beaucoup de terrains se sont considérablement améliorés par l’inondation ; tous les polders marécageux sont relevés dans leur terrain, et de mauvaises terres deviendront bonnes.
Certainement le séjour de l’eau de mer, de l’eau saumâtre fera du tort pour quelques années, mais il est indubitable que le rendiguement procurera aux propriétaires de Lillo beaucoup plus d’avantages que le canal de Zelzaete et le canal de la Campine n’en peuvent procurer aux riverains de ces canaux.
D’après ces considérations, je demande, messieurs, que les amendements soient imprimés et la discussion renvoyée à une autre séance, car une question aussi importante ne doit pas être traitée avec tant d’accélération et surtout en présence d’un si petit nombre de membres.
M. de Muelenaere. - Si la chambre ordonnait l’impression des amendements, je me réserverais de prendre la parole plus tard. (L’impression, l’impression.)
M. de Brouckere. - Messieurs, on demande que les amendements présentés aujourd’hui soient imprimés et que la discussion du projet soit ajournée, mais on oublie que le terme fatal, le 31 mars, est très près de nous. Si le gouvernement n’est pas mis à même d’accepter définitivement la convention faite, avant le 31 mars, cette convention tombe…
Un membre. - On fera une adjudication publique.
M. de Brouckere. - Eh bien, messieurs, vous verrez alors quels seront les résultats d’une adjudication publique. J’espère que la chambre ne forcera pas le gouvernement à recourir à cette mesure.
D’ailleurs, messieurs, l’impression des amendements est complètement inutile : l’amendement de l’honorable M. Huveners est tellement exorbitant qu’il n’a aucune chance d’être accepté par la chambre. Déjà M. le ministre des travaux publics et d’autres orateurs, avant lui, ont combattu cet amendement d’une manière tellement victorieuse que l’impression en est complètement inutile. Quant à l’amendement de l’honorable M. Lys, il paraît au premier aspect devoir rencontrer quelques partisans de plus, parce que le résultat n’en serait onéreux qu’aux propriétaires auxquels on suppose quelque fortune, mais je voudrais bien que l’on m’expliquât comment cet amendement serait mis à exécution ; il ne tend à rien moins qu’à frapper quelques personnes d’un impôt individuel ; eh bien, messieurs, je vous donne le défi d’exécuter une semblable mesure. Il faudrait commencer par obtenir le consentement des propriétaires que vous voulez ainsi frapper, Or, ce consentement, vous ne l’obtiendrez jamais. Je concevrais, par exemple, que vous disiez dans la loi que l’administration du polder supportera une partie des frais, mais que ces frais soient supportés par certains individus exceptionnellement, c’est ce qui est de toute impossibilité.
Il faudrait, je le répète, obtenir l’assentiment des propriétaires, et certes vous ne l’obtiendrez pas. (Interruption.) Je vois l’honorable M. Desmet se réjouir parce que je dis que vous n’obtiendriez pas l’assentiment des propriétaires. Mais il faudrait qu’ils eussent perdu la raison pour accepter une semblable transaction. Comment, pour les 9/10 des polders, le rendiguement se sera fait aux frais du gouvernement, et pour le dixième restant, vous voudriez qu’il se fît aux frais des propriétaires ? Je le répète, il faudrait qu’ils eussent perdu la raison pour souscrire à de pareilles conditions.
Mais voyez donc, messieurs, quelle injustice la disposition consacrerait ; un homme aura 5 hectares de terres dans le polder, ces 5 hectares constitueront toute sa fortune, cependant il devra intervenir dans les frais du rendiguement ; un autre individu qui aura 100,000 livres de rente et qui possédera 4 hectares, celui-là ne contribuera pas à la dépense. C’est là ce que vous appelez de la justice, c’est là ce que vous appelez un amendement digne d’être médité ! Je dis, messieurs, qu’un pareil amendement ne mérite pas l’impression.
On répète toujours que ce qu’on veut sauver le principe, que la question d’argent n’est rien. Mais, messieurs, la question de principe est sauvée par l’amendement de l’honorable M. Malou, cet amendement sauve complètement les droits que le gouvernement peut exercer contre les propriétaires ; d’ailleurs, messieurs, le rapport de la section centrale fait une réserve non moins explicite voici ce qu’il porte :
« La section centrale déclare qu’elle n’entend en aucun manière, par la résolution qui précède, préjuger la question de principe ou reconnaître la moindre obligation de la part de l’Etat, pour les inondations qui pourraient avoir lieu à l’avenir. »
Eh bien, messieurs, s’il ne suffit pas de l’insertion de cette réserve dans le rapport, que la chambre décide (et cette décision sera prise à l’unanimité), que la chambre décide que cette réserve sera insérée soit au procès-verbal, soit dans la loi elle-même.
L’honorable M. Rodenbach a fait valoir un argument auquel il est impossible de ne pas répondre. Il a dit que si vous indemnisez les habitants du polder de Lillo, ce sera un encouragement donné à vos voisins, que ce serait les engager, en cas de guerre, à détruire les digues, parce qu’ils sauraient que ce ne sont pas les particuliers qui payeront, mais que c’est la nation.
M. le président. - Je prie l’honorable M. de Brouckere de se renfermer dans la question de l’impression des amendements.
M. de Brouckere. - M. le président, je termine. Je dis que cette considération était applicable à tous les autres projets qui ont été adoptés relativement aux polders auxquels il a été fait des travaux.
Je conclus, messieurs, en disant que l’impression des amendements n’est pas seulement inutile, mais qu’elle est encore impossible dans l’état actuel des choses.
M. Huveners. - Je n’ai demandé la parole, messieurs, que pour poser une question à M. le ministre des travaux publics, et je crois que par là je répondrai à toutes les considérations qu’il a fait valoir contre mon amendement, lorsqu’il a insisté sur la nécessité du rendiguement. Je lui demanderai si le rendiguement ne sera pas aussi bien fait dans l’intérêt général lorsqu’il sera effectué en partie aux frais des propriétaires que lorsqu’il sera fait aux frais de l’Etat ? Il suffit de consulter l’art. 5 du décret du janvier 1811.
M. le président. - Je ferai remarquer à l’orateur qu’il s’écarte de la motion d’ordre.
M. Huveners. - Ce que je dis, M. le président, tend à prouver qu’il est nécessaire que la question soit mûrement examinée. Je voulais seulement dire que le gouvernement peut contraindre les propriétaires à construire les digues ou à les entretenir, que, lorsqu’ils négligent de le faire, il peut saisir les récoltes et exproprier les terres.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, je répondrai immédiatement à la demande de l’honorable M. Huveners. L’honorable membre demande si le rendiguement se faisant avec le concours des propriétaires, ne s’opérera pas aussi bien dans l’intérêt général que lorsqu’il sera fait par l’Etat. Ma conviction profonde est que, si l’on décrète le concours des propriétaires, le gouvernement ne se fera pas ou se fera de telle manière qu’il n’y aura aucune espèce de garantie de bonne exécution.
M. Huveners. - L’Etat exécuterait les travaux, mais il aurait son recours contre les propriétaires. Les travaux seraient donc exécutés aussi bien avec le concours des propriétaires que sans ce concours.
M. Desmet. - Je dois, messieurs, répondre un mot à l’honorable M. de Brouckere qui a attaqué si fortement l’amendement de l’honorable M. Lys. Il a dit qu’il défie le gouvernement d’exécuter cet amendement Mais, messieurs, quel est le but de l’amendement de l’honorable M. Lys ? C’est de faire contribuer tous les propriétaires qui ont plus de cinq hectares de terres. Au reste, l’amendement devra être modifié ; je crois donc que la chambre doit ordonner l’impression des amendements ; il faut absolument que cette discussion soit un peu plus mûrie. Mais il est très clair que l’amendement de l’honorable M. Lys est très exécutable, car il n’impose pas les individus, mais bien les propriétés ; et certainement quand un seul individu possède plus de cinq hectares, il ne doit pas passer pour pauvre. Or, le but de l’amendement est de faire concourir la propriété, mais d’en soustraire les possesseurs des propriétés qui seraient moindres de cinq hectares.
M. Eloy de Burdinne. - L’honorable M. de Brouckere vous a dit que l’amendement de l’honorable M. Lys était sujet à contestation ; il y a donc là un point de droit qu’on ne peut juger qu’autant que nous ayons un rapport de la section centrale sur cet objet. J’appuie donc le renvoi à la section centrale.
M. Fleussu. - Messieurs, en matière de finances, nous sommes sur une pente extrêmement rapide, et je crois que nous ne trouvons point un temps d’arrêt. Maintenant qu’il s’agit d’exercer un acte non de justice, mais simplement d’équité envers les propriétaires du polder inondé de Lillo, voilà qu’on ne veut plus nous permettre d’examiner la question sous toutes ses faces, on veut emporter d’emblée une somme de 500,000 fr. C’est là une dépense considérable ; car il me semble que, par respect pour l’opinion publique, on doit s’abstenir de la voter, en présence d’un si petit nombre de membres. J’appuie la motion tendant à faire imprimer les amendements et à les renvoyer à la section centrale.
M. Vandensteen. - Messieurs, ayant fait partie de la minorité de la section centrale, je désire m’éclairer, parce que depuis que la discussion a eu lieu, la question a pris une tout autre face.
Les rapporteurs des sections à la section centrale, hormis celui de la 6ème section, avait reçu le mandat d’exiger le concours d’une manière impérative. J’ai été un peu étonné de voir qu’il ne s’agit plus du tout de ce concours dans le débat, et je me suis ébranlé. Je désire donc m’éclairer sur ce point et je crois qu’il est important de renvoyer l’amendement à la section centrale.
En second lieu, un renseignement n’a pas été donné à la section centrale, et ce renseignement nous est indispensable. Au début de la séance, M. le ministre des travaux public a déposé la matricule du rôle cadastral de la commune de Lillo pour l’année 1806. Je crois qu’il n’eût pas été difficile de nous faire connaître, depuis que la section centrale s’est livrée à ses premiers travaux, les véritables propriétaires, ainsi que l’étendue des différentes parcelles qu’ils détiennent. Cette communication aurait peut-être empêché la présentation de l’amendement de l’honorable M. Lys.
On a dit qu’il y avait une question qui dominait toutes les autres, c’était le délai fatal qui a été spécialement fixé par l’entrepreneur. D’après l’exposé des motifs, le chiffre de la dépense devait s’élever à environ un million. Il y a plusieurs soumissions. L’une de ces soumissions réduit la dépense à 506,000 fr. Je ne pense pas, moi, que si le vote de la loi était reculé de quelques jours, cette même soumission ne serait plus reproduite. Il n’y a pas dans ce moment une si grande masse d’ouvriers occupés.
M. Cogels. - Messieurs, l’honorable membre a dit qu’il n’y avait qu’une seule section où le concours n’ait pas été exigé ; dans la 6ème section il n’a pas été question du concours ; dans la 4ème, le concours a été soulevé, mais la question n’y a reçu aucune solution, et dans une autre section, il y a eu partage de voix. D’ailleurs, le rapport a donné fidèlement le résumé de ce qui s’était passé dans les sections, et ensuite, comme cela arrive toujours, les rapporteurs sont venus à la section centrale avec des opinions extrêmement libres.
M. Lys. - Messieurs, lorsque j’ai présenté un amendement, j’ai démontré que nous voulions venir au secours des malheureux et que nous ne voulions pas faire de faveur à des personnes riches. Il est très possible que mon amendement soit susceptible d’être modifié, et peut-être le modifierai-je moi-même, mais quand l’honorable M. de Brouckere dit qu’on ne pourrait faire contribuer les propriétaires, je lui répondrai qu’alors le gouvernement ne peut pas user de son droit, car, n’avons-nous pas les octrois, les règlements sur les polders ? Ne peut-on pas mettre ces grands propriétaires en demeure ? Et, après qu’on aura rendigué le polder, ne sera-ce pas un véritable cadeau qu’on fera à ces propriétaires, en leur donnant les deux tiers des terres rendiguées ? Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit ici de malheureux, mon amendement ne les atteint pas, car il est certain que celui qui a cinq hectares de terre n’est pas dans une situation misérable.
M. Rogier. - Je ne peux appuyer le renvoi à la section centrale des amendements qui viennent d’être déposés. Quelles que soient les opinions de la chambre sur la question du concours des propriétaires, tout le monde doit être d’accord sur l’urgence des travaux ; si l’on veut que les travaux puissent être entrepris utilement cette année, il faut qu’ils commencent dans un très bref délai. Si nous allons livrer le projet de loi aux éventualités de l’avenir, il est fort à craindre que cette année encore les propriétaires continueront à être inondés, et les dangers qu’a signalés M. le ministre des travaux publics ne feront que s’aggraver.
On croirait vraiment qu’il s’agit d’une question toute nouvelle ; mais les observations des honorables préopinants ont été présentées depuis longtemps, elles ont trouvé en M. Dubus un organe très érudit, très éloquent. Il y a des années qu’on a fait valoir tous les arguments d’aujourd’hui, et la chambre a passé outre ; seulement, pour ne pas trop engager l’avenir, elle a posé dans la loi première la réserve que l’honorable M. Malou voudrait voir introduire dans le nouveau projet. La question qu’on propose de renvoyer à la section centrale a déjà fait l’objet de l’examen de la section centrale ; dans quel but, dès lors demanderait-on ce renvoi ?
Quant aux résultats du renvoi, ils présentent les plus grands inconvénients, puisqu’il entraînerait inévitablement la prolongation d’un état de chose que nous devons tous déplorer, et désirer de voir cesser.
Par une circonstance heureuse, il arrive qu’une soumission actuellement présentée offre un rabais extraordinaire sur les devis des ingénieurs ; eh bien, dans une année, cette circonstance peut-être ne se reproduira plus. N’y aura-t-il pas, par suite de la prolongation de l’inondation, de nouveaux dégâts ? M. le ministre de la guerre a déclaré dès 1842 qu’il fallait, dans l’intérêt du fort, commencer les travaux d’urgence. M. le ministre des travaux publics invoque aujourd’hui les mêmes motifs d’urgence, l’intérêt du fleuve ; il faut commencer les travaux. Est-ce donc le moment de subordonner les travaux à la question du concours des propriétaires ?
Ne nous attachons, messieurs, qu’à l’intérêt du fleuve, à l’intérêt de la défense du fort. Pour ces deux grands intérêts nationaux, les ministres l’ont déclaré, il y a urgence ; si vous ajournez le vote du projet, la chambre prendra sur elle la responsabilité de dépenses beaucoup plus fortes peut-être. Vous pourrez insérer dans la loi l’obligation du concours, mais vous ne l’obtiendrez pas pour cela, les propriétaires pourront plaider et suspendre ainsi indéfiniment l’exécution des travaux.
Messieurs, c’est le dernier acte de réparation des désastres de la révolution qu’il s’agit de poser. Rappelez-vous la discussion de la loi des indemnités ; lorsque l’article des inondations est venu dans la discussion, les adversaires de la loi ont argumenté pour repousser l’indemnité demandée de ce chef propriétés inondées de la nécessité d’achever l’endiguement de Lillo. Cette circonstance a contribué à faire écarter les indemnités qu’on voulait accorder aux propriétaires de terrains inondés ; mais il avait été entendu dès lors que le gouvernement serait tenu d’achever, l’endiguement de Lillo. Je crois pouvoir faire un appel au souvenir de mes collègues.
Le principe du concours des propriétaires aux travaux qui sont de nature à augmenter la valeur de leurs propriétés, est, sans aucun doute, un principe fécond en bons résultats. Je ne désire pas qu’on s’en départît à l’avenir. Mais, vouloir l’appliquer aux circonstances actuelles, c’est lui donner des conséquences forcées, c’est blesser la justice et l’équité ; et voilà pourquoi je le repousse ; et voilà pourquoi je me prononce contre le renvoi des amendements à la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La motion d’ordre est l’impression des amendements. Elle doit avoir un but. Il faut clairement poser la question. Veut-on, oui ou non, voter la loi aujourd’hui ?
Plusieurs membres. - Non ! Non ! (Agitation.)
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Procédera-t-on aujourd’hui au vote de la loi ?
Plusieurs voix. - Non ! Non !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je fais la motion de poser cette question : Procèdera-t-on aujourd’hui au vote, oui ou non ? Cette motion n’a rien d’inusité, elle se fait souvent ailleurs ; il y a des chambres où elle se fait toujours. Je crois que ce qu’il y a de plus simple, c’est de poser cette question à la chambre, telle qu’elle est constituée : La chambre se trouve-t-elle assez éclairée pour procéder au vote ?
M. Rodenbach. - Vous voyez bien la disposition de la chambre, elle ne veut pas voter.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y a différentes manières de procéder, si vous renvoyez les amendements à la section centrale, la loi n’est plus à l’ordre du jour. Ou pourrait ordonner l’impression et laisser la loi à l’ordre du jour de plein droit.
Mais avant tout, je demande qu’on consulte la chambre sur la question de savoir si on veut, oui ou non, voter aujourd’hui.
M. Rodenbach. - Vous voyez qu’on ne veut pas voter !
Plusieurs voix. - Non ! non !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, on oublie le terme fatal du 31 mars !
M. Rodenbach. - Il est impossible de voter, on s’en va.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Quand on est présent et qu’on ne veut pas prendre part à une délibération, on s’abstient, c’est pour cela que l’abstention est prévue par notre règlement. Se présenter, se retirer subitement, n’est-ce pas, par une voie de fait, mettre l’assemblée dans l’impossibilité de prendre une décision ?
M. Rodenbach. - Quant à moi, je resterai, mais beaucoup de membres se retirent.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Si la chambre décide qu’elle ne veut pas voter le projet dans la séance de ce jour, on atteindra l’époque du 31 mars, cela est inévitable. Si nous n’étions pas en présence de la discussion du projet relatif au jury d’examen, discussion qui est fixée à lundi et peut être de longue durée, je comprendrais une telle décision de la chambre. La chambre a dû comprendre que la soumission que le gouvernement est parvenu à obtenir change la position dans laquelle on se trouvait ; ce marché renferme des avantages tels que la chambre ne peut pas prendre la responsabilité de les compromettre par un ajournement. Car le moindre ajournement vous fera atteindre le terme du 31 mars.
La question est donc de savoir si le rendiguement se fera ou ne se fera pas dans l’année courante. Voilà le fait devant lequel nous sommes placés. L’époque fatale ne fût-elle pas d’ailleurs fixée au 3l mars, un ajournement quelconque suffirait pour mettre obstacle à l’exécution de travaux qui doivent se faire en une campagne et pendant la belle saison. Aussi décider qu’on ne votera pas aujourd’hui, c’est prononcer l’ajournement à une année. La chambre aura la responsabilité de l’augmentation de dépense que ce travail important, ainsi postposé, pourra rendre indispensable.
M. Dumortier. - Nous sommes dans un véritable embarras. D’une part, un contrat provisoire a été fait avec les entrepreneurs, duquel il résulte une véritable amélioration dans la dépense à faire pour le rendiguement du polder de Lillo. D’autre part, beaucoup d’honorables collègues expriment de justes et légitimes vœux pour que les propriétaires ne soient pas affranchis de la contribution qu’ils doivent par suite des dispositions qui ont régi les polders. Voilà l’embarras. Je ne sais pas s’il n’y a pas moyen d’en sortir. La difficulté réside en ce que les réserves insérées dans les diverses lois de rendiguement n’ont amené aucun résultat. Si ces réserves avaient amené un résultat, je ne pense pas qu’on verrait s’élever les réclamations qui se reproduisent aujourd’hui, car les principes qui ont été adoptés par le passé le seraient encore pour l’avenir.
Ce qu’il y a à faire, c’est de régulariser la position, c’est de demander, en insérant dans la loi, que le gouvernement, après les travaux terminés fasse un rapport sur les résultats des dispositions adoptées dans les dernières sessions ; nous aurons quelque chose pour le polder qu’il s’agit de rendiguer et nous retirerions quelque chose des sommes antérieurement dépensées.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre de l’intérieur.
M. Fleussu. - A quoi nous conduira cette proposition ? Ce n’est pas que je sois embarrassé, car je déclare dés maintenant que je dirai non. Il y a d’excellentes raisons pour que nous nous opposions à ce qu’on vote aujourd’hui. Nous ne voyons pour adversaires que les ministres et les députés de la province d’Anvers. Je demande s’ils veulent emporter un pareil vote en présence de la répugnance que manifeste la chambre. J’ai déjà fait connaître mon opinion. M. de Muelenaere est inscrit pour parler au fond, je suis inscrit aussi ; l’heure est avancée, il vous sera donc impossible d’en venir aujourd’hui. De toute nécessité, vous devrez remettre la discussion. Il est donc inutile de soumettre à la chambre la question posée par M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai fait une motion d’ordre qui n’a rien d’étrange. L’honorable M. Fleussu dit que les membres éprouvent des répugnances à voter aujourd’hui. Si telle est l’intention des membres, ils voteront contre la motion. Moi, je ne connais ni manifestation individuelle ni répugnance individuelle, je ne connais que les votes publics.
Il faut savoir sur qui retombera la responsabilité, si le projet n’est pas voté. Si l’honorable M. Fleussu n’est pas assez éclairé, je regrette qu’il n’ait pas demandé pus tôt la parole pour exprimer ses doutes, on aurait pu lui donner des explications. Je demande que la chambre se prononce sur la question de savoir si on votera aujourd’hui, c’est-à-dire, s’il y a une majorité suffisamment éclairée pour voter aujourd’hui. Je ne puis reconnaître aux absents le droit de nous empêcher de délibérer. Ce serait un singulier droit ! Il y a trois jours que j’ai fait la motion de mettre à l’ordre du jour la question du rendiguement des polders ; j’ai dit pourquoi : c’est qu’il y a un terme fatal, le 31 mars, et que nous sommes à la veille d’une grande discussion.
M. Eloy de Burdinne. - M. le ministre de l’intérieur est dans une grave erreur quand il pense pouvoir faire peser une responsabilité sur les membres qui ne seraient pas disposés à voter son projet. Je ne veux pas l’adopter, parce que je crois qu’on ne peut faire mieux que ce qu’il propose. Je ne puis donner un vote approbatif à la loi.
Au surplus, nous avons toujours jusqu’au 1er avril ; si nous ne pouvons examiner cette question lundi ; nous pouvons avoir pour cela une séance demain. Mais la question est trop importante pour qu’il nous soit possible de la résoudre aujourd’hui.
- La question posée par M. le ministre de l’intérieur « Procédera-t-on aujourd’hui au vote ? », est mise aux voix par appel nominal.
52 membres sont présents :
30 répondent oui ;
22 répondent non.
En conséquence, la chambre décide qu’elle procédera aujourd’hui au vote.
Ont répondu oui : MM. Goblet, Lebeau, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Nothomb, Osy, Rogier, Savart, Scheyven, Smits, Troye, Verwilghen, Vilain XIIII, Cogels, Coghen, de Brouckere, Dechamps, Dedecker, d’Anethan, de La Coste, de Meester, de Mérode, de Nef, de Sécus, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, Dubus, Dumortier.
Ont répondu non : MM. Fleussu, Huveners, Jadot, Lange, Lys, Malou, Morel-Danheel, Rodenbach, Sigart, Vandensteen, Wallaert, David, de Corswarem, Desmet, de Moorsel, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Meer de Moorsel, de Villegas, Duvivier, Eloy de Burdinne.
M. de Muelenaere et M. de Brouckere renoncent à la parole.
M. Dumortier. - J’ai indiqué tout à l’heure un moyen qui me paraissait très bon et très légitime, non seulement pour résoudre la difficulté, mais encore pour faire entrer au trésor public les sommes qu’il a droit de faire rentrer, par suite des réserves insérées dans les différentes lois relatives au rendiguement des polders. Nous avons toujours pensé que si l’Etat rendiguait les polders, il était juste que les polders rendissent à l’Etat une partie de la plus-value des propriétés. Je demande que le gouvernement fasse à la chambre un exposé des droits que le trésor public peut avoir de ce chef. Je suis convaincu que nous pouvons trouver là une somme équivalente à la dépense à faire.
L’amendement que je propose est ainsi conçu :
« Le gouvernement, dans la prochaine session, rendra compte aux chambres des sommes que le gouvernement a droit de récupérer sur les propriétaires, par suite des réserves apportées aux lois relatives aux rendiguement des polders. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Je me rallie à cet amendement.
- Il est procédé au vote.
L’amendement de M. de Lys est mis le premier aux voix comme s’écartant le plus du projet de loi.
L’appel nominal sur cet amendement constate que la chambre n’est plus en nombre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la chambre n’est plus en nombre, nous ne pouvons plus que constater ce qui résulte de notre règlement, et je demande la permission de le faire.
De plein droit, nous avons à l’ordre du jour de lundi la discussion du projet de loi sur le jury universitaire mais de plein droit aussi, et aux termes du règlement, le vote sur le projet du rendiguement du poldre de Lillo, forcément interrompu, reste à l’ordre du jour (Oui ! oui !)
Enfin, de plein droit toujours, il y a lieu d’imprimer, les amendements. Quant à leur renvoi à la section centrale, il faudrait être en nombre pour le décider.
M. le président. - Les amendements seront imprimés et distribués.
- La séance est levée à 5 heures.