(Moniteur belge n°75, du 15 mars 1844)
(Président de M. Liedts.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à 1 heure.
M. de Renesse lit le procès-verbal de la séance précédente, la rédaction en est adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les bourgmestre et échevins de la ville d’Anvers, demandent que les professeurs de l’académie royale d’Anvers soient pensionnés par l’Etat. »
Un membre. - Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion,
M. Mast de Vries. - Je pense qu’il faut renvoyer la pétition à la section centrale ; elle l’examinera, et, si elle a une proposition à faire, elle la fera.
- Ce renvoi est ordonné.
« Les fonctionnaires et employés civils du département de la guerre présentent des observations sur le projet de loi relatif aux pensions. »
- Renvoi à la section centrale.
« Les employés du commissariat de district de l’arrondissement de Mons, demandent qu’on introduise dans la loi sur les pensions une disposition qui les assimile aux fonctionnaires salariés par l’Etat. »
M. Simons. - Je crois que, comme pour l’autre pétition, il est absolument nécessaire de renvoyer celle des employés du commissariat de l’arrondissement de Mons, à la section centrale qui a été chargée d’examiner le projet de loi sur les pensions. Certainement ces employés méritent autant que les autres la sollicitude de la chambre. Renvoyer cette pétition à la commission des pétitions équivaudrait au rejet.
Je demande donc le renvoi à la section centrale afin qu’elle puisse examiner la réclamation et faire une proposition, si elle le juge convenable.
M. de Terbecq. - J’appuie la proposition de M. Simons.
M. Vandensteen. - La section centrale a déjà examiné cette question et fait connaître sa résolution dans son rapport. Le renvoi est inutile, le dépôt suffit.
M. Malou, rapporteur. - Plusieurs sections ont soulevé la question de savoir si les employés des commissariats de district, étaient compris ou devaient être compris dans la loi sur les pensions. Cette question a été longuement discutée dans le sein de la section centrale ; elle se rattache à l’art. 1er, elle va se débattre à propos de cet article, dont nous allons nous occuper, dès lors le renvoi est inutile. Je propose d’en ordonner simplement le dépôt sur le bureau pendant la discussion.
- La proposition de renvoi n’est pas adoptée.
Le dépôt sur le bureau pendant la discussion est ordonné.
« Le sieur de Blaere, ancien géomètre, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir du sieur Beaudour ce qui lui revient du chef de ses opérations cadastrales. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. de Naeyer informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à la séance.
- Pris pour information.
« Art. 1er (projet du gouvernement). Les magistrats, fonctionnaires et employés, faisant partie de l’administration générale et rétribués par le trésor public, pourront être admis à la pension, à 60 ans d’âge et après 30 années de service. »
La section centrale propose de substituer à cet article la disposition suivante :
« Art. 1er. Les magistrats, fonctionnaires et employés faisant partie de l’administration générale et rétribués par le trésor public, pourront être admis à la pension, à 65 ans d’âge et après 30 années de services.
« Néanmoins, les magistrats inamovibles ne pourront être mis à la pension que sur leur demande ou en vertu de la loi. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) déclare ne pas se rallier à l’amendement de la section centrale.
M. Rodenbach. - J’ai réclamé la parole pour demander à M. le rapporteur de la section centrale une explication sur l’art. 1er. Le deuxième paragraphe de cet article porte : « Néanmoins les magistrats inamovibles ne pourront être pensionnés que sur leur demande ou en vertu de la loi. » Je demanderai de quelle loi on entend parler. D’après cet article les magistrats inamovibles pourront demander à être mis à la pension, mais comme leurs appointements sont plus élevés que la pension, ils ne demanderont jamais à être mis à la pension ; et vous aurez des juges inamovibles de 80 ou 90 ans et même quelquefois aliénés qui ne demanderont pas à être mis à la retraite parce qu’ils auront intérêt à rester en activité. Je désire avoir une explication sur ce point, car d’après la rédaction de l’article, des juges infirmes pourraient rester en fonctions. Je demande qu’on explique ce qu’on entend par les mots : en vertu de la loi.
M. Malou, rapporteur. - Messieurs, la majorité de la section centrale (et je n’en faisais pas partie) a cru qu’il était inutile de faire, à raison du principe de l’inamovibilité de la magistrature, la réserve qui fait l’objet du dernier paragraphe. Le premier porte que les magistrats fonctionnaires et employés faisant partie de l’administration générale et rétribués par le trésor public pourront être admis à la pension à 65 ans d’âge et après 30 années de service. La majorité a craint qu’en n’insérant aucune réserve, on pût conclure de cette disposition que le gouvernement pourrait mettre malgré eux les magistrats inamovibles à la pension.
La minorité était d’avis que ce paragraphe ne disposait que sauf les principes constitutionnels relatifs à chaque classe de fonctionnaires, Ainsi les magistrats sont protégés par l’inamovibilité, d’autres sont protégés centre la mise à la retraite forcée par le principe auquel ils doivent leur mandat, je veux parler des fonctionnaires électifs. Il a paru évident à la minorité de la section centrale que, lorsqu’on disait pourront être admis à la pension, aucune atteinte ne pouvait être portée au principe de l’inamovibilité, ni au principe du mandat des fonctionnaires électifs. Les questions relatives à l’inamovibilité des magistrats se rattachent à un autre projet dont la chambre est saisie et sur lequel l’honorable M. Delehaye a fait rapport.
On ne peut se dissimuler que l’inamovibilité des magistrats pourrait tourner contre le but qui l’a fait instituer ; ce but était de donner au magistrat une garantie d’indépendance à l’égard du pouvoir ; mais l’inamovibilité n’a pas été conférée au magistrat dans son propre intérêt, on n’a pas voulu qu’il fût revêtu de ce caractère alors même que l’âge et les infirmités auraient éteint ses facultés intellectuelles. De là l’origine du projet d’après lequel, moyennant certaines formalités protectrices définies par la loi elle-même, les magistrats inamovibles pourraient être mis forcément à la retraite. Il n’existe aujourd’hui aucune loi. Quand la majorité a admis la réserve qui fait l’objet du deuxième paragraphe, elle s’est référée à la loi future dont la chambre est déjà saisie. Il ne peut être donné suite à l’observation de l’honorable M. Rodenbach, à l’occasion de cet article. Deux solutions sont proposées, l’une par le gouvernement, l’autre par la section centrale qui a examiné le projet.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - En ce qui concerne le § 1er de l’article de la section centrale, je n’ai pas cru pouvoir me rallier à sa proposition de fixer à 65 ans l’âge auquel le fonctionnaire pourra être admis à la retraite.
Messieurs, il faut se placer, pour juger cette question, à un autre point de vue que celui auquel on aurait pu l’envisager jusqu’à présent. Aujourd’hui, les fonctionnaires d’une certaine classe ont intérêt à solliciter leur admission à la pension. Ce sont les comptables jouissant de fortes remises, car ils ont des frais de bureau à supporter, et ils doivent avoir une pension très forte, ils ont intérêt à exagérer leurs infirmités pour y être admis. Quand nous aurons voté la loi en discussion, il n’en sera plus ainsi pour ces fonctionnaires.
Mais, messieurs, parmi les autres fonctionnaires de l’Etat, nous trouvons déjà dès à présent une position toute différente ; c’est souvent le gouvernement qui est fort embarrassé lorsqu’un fonctionnaire n’est plus à même de rendre des services convenables ; l’administration hésite à le mettre à la pension et le fonctionnaire lui-même se garde bien de le demander.
(Erratum, Moniteur belge n°76 du 16 mars 1844 :) Or, si l’on fixe maintenant à 65 ans l’âge auquel cet employé pourra être mis à la retraite, il peut résulter de cette disposition de graves inconvénients pour le service. En effet, beaucoup d’employés, qui ne seront plus propres à exercer leurs fonctions, seront, par cela même qu’ils n’auront pas atteint l’âge de 65 ans, maintenus dans leurs emplois au grand détriment de l’administration.
Remarquez, d’ailleurs, qu’il ne s’agit, dans l’article en discussion, que d’une faculté, et que si un fonctionnaire, malgré son âge, est jugé apte à remplir encore les devoirs de son emploi, on pourra le conserver. Il semble donc préférable de maintenir l’âge de 60 ans, comme cela a existé jusqu’à présent, et comme cela existe dans la plupart des législations étrangères en matière de pensions.
Mais, je le répète, messieurs, parmi les fonctionnaires de l’Etat, vous n’en trouverez presque jamais un seul qui demande sa retraite. Il n’y a d’exception que pour la catégorie d’employés dont j’ai parlé tout à l’heure ; mais les avantages dont ceux-ci sont en possession aujourd’hui vont cesser, lorsque cette loi sera votée. Ce ne sera donc que par exception qu’un fonctionnaire viendra demander sa mise à la retraite, et le gouvernement se verra presque toujours dans la nécessité de prendre cette mesure d’office.
M. Desmet. - Messieurs, il est très vrai que l’art. 1er laisse la faculté au gouvernement d’accorder la pension, mais vous sentez que, dans l’exécution, ce sera un véritable droit que vous allez créer ; l’exemple du passé le prouve à l’évidence et les abus sont trop connus pour vouloir en douter.
Messieurs, l’art. 1er et les articles suivants de la section première, comprennent tout le principe de la loi, ces articles votés, toute la loi le sera.
Que dit l’art. 1er ? Il dit que tout magistrat, tout fonctionnaire, tout employé, dès qu’il est payé par l’Etat, sera pensionné. Il n’y a pas la moindre exception d’exclusion de conditions prescrites pour pouvoir jouir de la faveur de pension, vous créez un privilège pour les employés de l’administration centrale, et vous négligez les autres employés du pays qui peuvent avoir rendu des services, mais qui ne sont pas rétribués par l’Etat, ainsi l’Etat accorde des faveurs aux employés parce qu’ils ont joui de ces faveurs.
Messieurs, nous formons des projets très généraux, des plans très grandioses, mais c’est ordinairement aux dépens du trésor public. Je pourrais même dire qu’il n’y a pas de pays où l’on soit aussi généreux qu’en Belgique. Quand on examine ce qui se fait dans d’autres pays en matière de pension, on doit dire qu’encore une fois la Belgique donne l’exempte de la dépense.
Cependant, messieurs, nous devons arrêter cet état d’exercer des actes de générosité aux dépens des contribuables, quand on voit tous les jours faire faire des progrès à la différence de la balance de nos recettes avec celle des dépenses ; je crois que le temps est arrivé que nous imitions les autres pays pour faire des économies et ne continuions pas de donner continuellement l’exemple des dépenses.
Messieurs, examinons la législation prussienne ; celle-là n’est pas aussi généreuse. Si vous le permettez, je vous lirai l’art. 1er de la loi prussienne ; il est très court mais très substantiel ; vous verrez comment on entend dans ce pays la générosité que doit avoir l’Etat envers les fonctionnaires et aux dépens des contribuables…
« Les fonctionnaires publics médiats comme immédiats qui reçoivent leur traitement sur des fonds publics, après le temps de service fixé et après une conduite irréprochable, lorsqu’ils sont devenus, par infirmité corporelle ou par faiblesse d’esprit, incapables de servir et qu’ils aient contribué au fonds de pension, ont acquis des droits à une pension viagère. »
Ainsi, messieurs, il faut qu’il y ait incapacité morale ou physique, et que l’on ait contribué au fond de la caisse de retraite.
Mais, ce n’est pas tout, ce n’est pas en vertu d’une mesure générale, que les pensions sont accordées en Prusse ; il y a encore une commission nommée ad hoc, et chargée d’examiner si celui qui demande la pension, se trouve bien dans les conditions exigées pour l’obtenir. Et en Prusse on n’accorde pas un privilège aux employés proprement dits de l’Etat, tous ceux qui ont servi le pays se trouvent aussi dans la loi. On appelle, en Prusse, les immédiats ceux qui sont au service immédiat de l’Etat, et on désigne par employés médiats ceux qui sont au service des conseils, des corporations et des communes.
En Angleterre, messieurs, les sacrifices du trésor pour les pensions sont limités ; chaque année on porte au budget une somme qui ne peut être dépassée. En second lieu il faut que la pension soit demandée, en troisième lieu il faut qu’il soit constaté par des preuves, que l’impétrant a besoin de la pension.
Messieurs, vous savez qu’en France on est sans loi ; mais la question est à l’état de rapport. Et quelle est la base du projet de loi en France ? C’est la caisse de retraite, c’est la retenue ; la subvention ne vient qu’après. Et comment est accordée cette subvention ? Au moyen d’un chiffre fixe établi tous les ans au budget, et qu’on ne peut dépasser. De plus, il y a aussi une commission ad hoc pour examiner s’il y a lieu d’accorder la pension. Cette commission est composée d’une partie du conseil d’Etat.
Messieurs, pour que l’on pût bien comprendre toute la portée de ce que vous allez voter, je voudrais que l’on donnât suite à la demande qui a été faite par l’honorable M. Verhaegen. Il a demandé que l’on produisît le tableau de tous les employés et fonctionnaires qui se trouvaient dans l’art 1er, ainsi que la somme totale des appointements qui leur étaient accordés. Sans connaître ces données, vous ne pourriez savoir à quoi vous vous engagez.
Ici, messieurs, on n’établit pas d’exception, il ne s’agit pas de savoir si le fonctionnaire est encore capable ou non de remplir ses fonctions, tandis que, comme je l’ai prouvé, on exige dans les autres pays qu’il y ait nécessité réelle.
Je crains qu’une fois le principe que l’on nous propose, voté, on ne refuse jamais la pension et que les abus continuent comme sous l’ancien régime. Je ne pourrais donc voter pour ce principe ; comme je l’ai dit dans la discussion générale, je voudrais que l’on n’accordât la pension qu’à ceux qui en ont réellement besoin, ou qui ne peuvent plus remplir leurs fonctions par suite d’incapacité morale ou physique, et qu’ils aient fourni leur contingent à la caisse commune des pensions, sinon, je ne puis voter le projet.
On dira que nous sommes sans loi, mais qu’on fasse l’essai tel que le veut la constitution.
Lorsqu’on juge qu’il y a lieu d’accorder une pension, qu’on demande à être autorisé à l’accorder et qu’on statue par une loi. On se trouvera fort bien de ce système ; vous devez reconnaître que l’esprit de votre constitution est que la rémunération soit faite par la législature, si l’on fait exception de ce principe constitutionnel, je pense qu’on le fait sans en avoir le pouvoir et qu’au lieu que la mesure que peut-être vous allez prendre serait favorable au pays, je crains qu’elle sera, au contraire, la lèpre du budget.
Et quand on objecte par la difficulté qui présentera ce système, ne peut-on pas répondre que nous le faisons journellement, quand il s’agit des demandes en naturalisation. Je ne pourrai donc pas voter la disposition de l’article premier, je crains rendre un très mauvais service à mon pays, et ouvrir une porte très large aux abus.
M. de Garcia. - Messieurs, je crois que l’honorable préopinant a commis une erreur, lorsqu’il a dit que, d’après la loi en discussion, l’employé qui aurait 60 ans d’âge et 30 années de service, aurait droit à la pension. Tel n’est pas l’esprit du projet, et ce que vient de dire M. le ministre des finances, le prouve à toute évidence. Au surplus, cela résulte de l’ensemble de la loi. Lorsqu’un employé aura 60 ans d’âge et 30 années de service, il n’aura pas pour cela droit à la pension ; il faudra que l’Etat décide qu’il n’est plus capable de remplir ses fonctions.
Si tel n’était pas l’esprit de la loi, nous devrions la rejeter, car ce serait perpétuer l’abus que nous avons critiqué, et qui consiste à donner des pensions à des employés encore très capables.
Messieurs, lors de la discussion générale, j’avais demandé au gouvernement s’il renonçait au projet qui fixait certaines règles pour la pension des magistrats. Il ne s’est pas expliqué à cet égard. Je regrette, messieurs, qu’on n’ait pas fondu dans la loi générale des pensions dont nous nous occupons, les dispositions sur les pensions de la magistrature, qui se trouvent en quelque sorte écartées de leur véritable siège, lors qu’on les reporte dans la loi d’augmentation des traitements de la magistrature. Je le regrette d’autant plus que nous préjugeons, en quelque sorte, par l’article 1er en discussion, une question très difficile et qui demanderait un examen sérieux. Si nous avions été saisis des dispositions qui se trouvent dans la loi que je viens de signaler, nous aurions aborde la discussion à toute fin.
La section centrale propose à l’art. 1er le § additionnel suivant :
« Néanmoins les magistrats inamovibles ne pourront être admis à la pension que sur leur demande ou en vertu de la loi. » Par cette disposition, je crains qu’on ne préjuge une question constitutionnelle importante ; on décide en quelque sorte ainsi qu’en vertu de disposition d’une loi, l’on pourra mettre à la pension des magistrats inamovibles. Cette question, je le répète, est fort difficile. Je sais bien que l’honorable rapporteur de la section centrale, nous a déjà indiqué quelques raisons qui doivent nous porter à croire que l’inamovibilité n’est pas tellement absolue que lorsqu’un magistrat se trouve hors d’état de remplir ses fonctions, soit par suite d’accident, soit par suite d’aliénation mentale, soit par suite de paralysie, de grand âge, la législature ne puisse alors déclarer que cette inamovibilité cesse. Mais tout le monde ne partage pas cette opinion.
Il y a beaucoup de publicistes, des gens pénétrés de nos principes constitutionnels qui prétendent que la disposition constitutionnelle est tellement absolue que nous ne pouvons, dans aucun cas, mettre le magistrat à la pension que sur sa demande. Quant à moi, je vous avoue, que, sans avoir fait une étude approfondie de la question, je pense que le principe constitutionnel ne peut être aussi étendu ; mais d’autres peuvent penser autrement, et cependant dans la loi on décide la question, et je trouve qu’une question aussi grave ne peut être décidée aussi légèrement.
Si nous avions été saisis du projet que j’ai signalé, nous aurions peut-être trouvé moyen, en donnant aux magistrats une position plus avantageuse, de leur faire renoncer à leur caractère d’inamovibilité. Je sais que, quand on discuté dans les sections le projet de loi sur l’augmentation des traitements de la magistrature, on avait présenté ce moyen comme tendant plutôt à engager qu’à contraindre le magistrat qui ne rendrait plus de services à l’Etat, à renoncer à son inamovibilité.
Quant à moi, messieurs, je vous avoue que sans explications ultérieure, je ne pourrais adopter le § 2 de l’art. 1er.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, M. le ministre de la justice se propose de répondre aux dernières observations de l’honorable membre. Quant à moi, je n’ai demandé la parole que pour déclarer que l’honorable M. de Garcia a parfaitement compris et expliqué les intentions que j’ai manifestées tout à l’heure sur le sens, la portée de l’art. 1er du gouvernement.
Les dispositions de cet article ne mettent pas le fonctionnaire en position de pouvoir exiger sa pension ; il faut encore que le gouvernement reconnaisse qu’il ne peut plus remplir ses fonctions.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Messieurs, comme vous l’a dit à la séance d’avant-hier l’honorable rapporteur de la section centrale, la loi à laquelle l’honorable M. de Garcia fait allusion prévoit un cas tout à fait spécial. Il ne s’agit pas, dans cette loi, de la mise à la retraite des magistrats dans les cas ordinaires, mais bien dans un cas exceptionnel, dans le cas de la retraite forcée.
Je pense donc, messieurs, que ce projet de loi ne doit aucunement empêcher de s’occuper de la position générale des magistrats comme de tous les autres fonctionnaires, dans la loi générale que nous discutons en ce moment.
Je dois même déclarer à la chambre que, relativement au taux auquel dans le projet dont a parlé l’honorable M. de Garcia, on voudrait fixer la pension des magistrats, je ne suis d’accord ni avec le projet du gouvernement, ni avec les propositions de la section centrale. Je pense qu’il ne sera pas nécessaire, pour le cas auquel se rapporte ce projet, de fixer un taux spécial, que les magistrats trouveront dans la loi que nous discutons des bases suffisantes, que pour leur faire obtenir des pensions convenables et équitablement proportionnées aux traitements dont ils jouissent. Si je pouvais entrer dans quelques explications à cet égard, il me serait facile de démontrer que le taux fixé dans le projet sur les traitements de la magistrature pourrait souvent donner des pensions inférieures à celles qui seront accordées, en vertu de la loi que nous discutons.
Je pense donc que nous devons réserver cette question, et que nous pouvons nous occuper de la loi générale sur les pensions en la déclarant applicable à toutes les classes de fonctionnaires, aux magistrats comme aux autres.
Quand nous nous occuperons de la loi dont a parlé l’honorable M. de Garcia, on pourra voir si dans des cas spéciaux il y a lieu de faire une exception en faveur des magistrats qui seraient mis forcément à la retraite.
Quant à ce que vous a dit l’honorable M. de Garcia, que la loi actuellement en discussion tranche une question des plus graves, je pense que l’honorable membre est dans l’erreur. La loi actuelle, loin de trancher cette question, la réserve de la manière la plus formelle.
Le paragraphe nouveau proposé par la section centrale dit : « Néanmoins, les magistrats inamovibles ne pourront être mis à la pension que sur leur demande ou en vertu de la loi. » C’est-à-dire si une loi permet cette mise à la retraite. Or, cette loi future reste évidemment dans le domaine du législateur. De sorte que lorsque la question se présentera dans le projet de loi sur les traitements de la magistrature, on verra s’il y a lieu d’établir cette mise forcée à la retraite.
M. Orts. - Messieurs, je n’ai pas, quant à moi, le moindre doute sur le véritable sens des mots : pourront être admis, qui se trouvent dans le 1er § de l’art. 1er. Lors de la discussion du projet de loi de 1838, une opinion plus excentrique s’était élevée ; on avait demandé s’il n’y avait pas lieu, à raison de l’âge et des services rendus pendant une longue suite d’années, de déclarer que le magistrat ou le fonctionnaire quelconque serait en droit de forcer le gouvernement à lui donner une pension.
Cette opinion ne fut pas admise par la chambre. Elle ne l’a point été non plus par la commission qui a été chargée de préparer le projet actuel, ni par le gouvernement, ni par la section centrale ; personne ne songe à créer un droit absolu dans l’hypothèse de l’art. 1er.
Il y a une hypothèse où votre projet crée un droit, et c’est précisément en m’appuyant sur un article suivant que je décide que, tant d’après l’esprit de la rédaction que d’après l’acception grammaticale du mot admis, il ne peut y avoir de doute que les fonctionnaires dont parle l’art. 1er n’ont pas de droits acquis.
Ce sera donc au gouvernement à peser les circonstances, à examiner s’il y a lieu ou non d’accorder la pension.
Voulez-vous que cela ressorte clairement de la loi elle-même ? Il ne s’agit que de lire un article qui n’est pas encore en discussion, mais que je cite pour bien faire saisir le sens du projet. C’est l’art, 5, qui dit : « aura droit à une pension, quels que soient son âge et la durée de ses services, tout magistrat, fonctionnaire ou employé qui, par suite de blessures reçues ou d’accidents survenus dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, aura été mis hors d’état de les continuer et de les reprendre ultérieurement. »
Dans l’esprit du projet du gouvernement et du projet de la section centrale, ces mots aura droit veulent dire que lorsque le fonctionnaire se trouvera dans l’hypothèse de blessures reçues ou d’accidents survenus dans l’exercice de ses fonctions, il ne dépendra plus du gouvernement de lui dire : Vous aurez ou vous n’aurez pas votre pension, mais qu’il pourra l’exiger.
Mais ces mots aura droit rapprochés de l’expression pourront être admis, qui se trouve à l’art. 1er prouve évidemment qu’il ne s’agit pour le fonctionnaire, dans le cas de ce dernier article, que du droit de demander sa pension : libre au gouvernement de ne pas la lui accorder.
J’en viens au second paragraphe proposé par la section centrale.
Est-il bien nécessaire d’exprimer la pensée que les magistrats inamovibles ne pourront être mis à la pension que sur leur demande ou en vertu de la loi ? Je crois, au contraire, qu’il serait dangereux de laisser subsister ce paragraphe, et voici pourquoi :
Il est certain que la loi des lois, celle qui domine toutes les lois que vous pourrez faire, déclare expressément que les juges sont inamovibles. A la vérité, l’art. 100 de la constitution ajoute : « Aucun juge ne peut être privé de son emploi ni suspendu que par un jugement. » Mais il en résulte que, sans un jugement, un juge ne peut être privé de son emploi ni suspendu. La constitution ne vous indique donc qu’un moyen comme propre à faire disparaître le caractère d’inamovibilité. Avons-nous dès lors le droit de nous en référer à une loi ? Mais je ne sais pas ce que cette loi dira. Je déclare, quant à moi, que si elle établissait un autre mode qu’un jugement pour faire disparaître le caractère de l’inamovibilité, elle n’aurait jamais mon assentiment.
S’il vous faut une loi pour organiser eu quelque sorte la procédure que doit amener le jugement, je le veux bien. La constitution établit un principe : il faut un jugement ; mais on peut établir une loi organique de ce principe, décider, par exemple, qui portera le jugement ; s’il devra être porté à l’unanimité ou non.
Je pense donc, messieurs, qu’il est parfaitement inutile de dire que les magistrats ne pourront être pensionnés que sur leur demande ; car la constitution le dit. Je trouve donc que le § 2 proposé par la section centrale est une redondance, qu’il est inutile et j’en demande la suppression.
M. de Garcia. - Messieurs, je remercie M. le ministre de la justice de l’explication qu’il a donnée, au nom du gouvernement, sur le sens que l’on doit donner au § 2 de l’article 1er. D’après cette explication, je ne crains pas que, dans l’avenir, l’on puisse argumenter de cette disposition pour prétendre que la question est préjugée dans la loi actuelle. Mais toujours restera-t-il que, comme l’a fait observer l’honorable M. Orts, ce paragraphe est inutile.
Messieurs, je ne m’étais opposé à ce paragraphe, que parce que je craignais qu’on ne vînt plus tard l’invoquer comme un précédent, qu’on ne vînt dire : vous avez voté telle disposition, vous avez déclaré qu’on pourrait régler par une loi, statuer sur la mise forcée à la retraite du magistrat inamovible.
Messieurs, je ne puis m’abstenir de manifester de nouveau mes regrets de ce qu’on n’a pas compris dans la loi actuelle les cas exceptionnels de mise à la pension posés dans le projet sur l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire. Ce dernier projet n’a nulle espèce de trait ni de rapport à la matière des pensions.
M. le ministre de la justice vous dit : c’est un cas spécial. Mais où doit-on traiter d’un cas spécial, d’un cas particulier, d’un cas exceptionnel au principe général des pensions, si ce n’est dans la loi où l’on règle le principe général ? L’exception doit toujours se trouver à côté du principe, et les paroles mêmes du ministre de la justice, paroles qui démontrent qu’il s’agit d’une exception, prouvent que le cas spécial dont s’agit aurait dû trouver sa place dans la loi actuelle. L’exception doit se trouver à côté du principe, et tout autre mode d’agir n’est ni rationnel ni logique.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je pense, messieurs, que l’intention de la section centrale a été d’exprimer purement et simplement l’opinion que dans l’art. 1er, où il est question des magistrats, fonctionnaires et employés, il ne s’agissait en aucune manière des magistrats de l’ordre judiciaire, en tant qu’ils ne demandent pas leur mise à la retraite. D’après les explications qui viennent d’être échangées, il est évident que l’on ne peut entendre la rédaction de la section centrale que de cette manière.
Dès lors il me paraît, comme je l’ai déjà dit, que le 2ème § qu’elle propose devient tout à fait inutile, et qu’il n’y aurait aucune espèce d’inconvénient à le supprimer.
M. Delehaye. - Je crois aussi que le 2ème § de l’art. 1er proposé par la section centrale est tout fait inutile. Mais, je dois un mot de réponse à l’honorable M. Orts en qualité de rapporteur de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur les traitements de la magistrature.
Je pense que lorsqu’un magistrat a été nommé à ses fonctions inamovibles, il s’est établi entre lui et la société un contrat synallagmatique ; c’est-à-dire, que si le magistrat est inamovible, c’est pour autant qu’il puisse remplir ses fonctions. Qu’arriverait-il, par exemple, d’un tribunal composé de trois juges, dont l’un ne pourrait plus remplir ses fonctions ?
Un membre. - Ce n’est pas la question.
M. Delehaye. - Je réponds à une observation de l’honorable M. Orts. Je dis que la question a été examinée par la section centrale et qu’elle n’a pas fait l’objet d’un doute.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je demande que cette question soit entièrement réservée. Je pense même que M. le rapporteur de la section centrale pourrait abandonner le paragraphe dont il s’agit, puisque l’inutilité en est complètement démontrée par la discussion qui vient d’avoir lieu, et par les explications que le gouvernement a données sur l’art. 1er en disant qu’il ne « déroge point au principe d’inamovibilité inscrit en faveur de la magistrature dans l’art. 100 de la constitution. »
M. Malou, rapporteur. - En répondant tout à l’heure à l’honorable M. Rodenbach, j’ai dit, messieurs, que je partageais l’opinion que le § est inutile ; il me semble que, d’après les explications qui viennent d’être données, il ne peut plus y avoir aucun doute à cet égard et que le § pourrait être abandonné.
M. Rodenbach. - J’en demande formellement la suppression.
M. Malou, rapporteur. - Ainsi que l’a fait observer l’honorable M. Desmet, l’art. 1er renferme en quelque sorte le principe de la loi tout entière. Ce principe a déjà été examiné dans la discussion générale et ceux même qui paraissaient ne l’admettre qu’à regret s’y sont ralliés à la fin de la discussion. Le principe de la rémunération étant admis, il s’agit uniquement d’en régler les conséquences, il s’agit de voir quelles sont les fonctionnaires qui auront droit à une pension à la charge du trésor. L’art. 1er et d’autres dispositions de la loi posent à cet égard deux conditions ; il faut que les fonctionnaires et employés fassent partie de l’administration générale et qu’ils soient rétribués directement par le trésor public. C’est à l’existence de ces deux conditions que se reconnaît la qualité de fonctionnaire de l’Etat.
Lorsque l’Etat n’intervient que par des subsides, comme pour les établissements mixtes, tels que les dépôts de mendicité, et certains établissements d’instruction, le gouvernement est dispensé, d’après l’article premier, du payement des pensions.
Si, pour les communes ou les provinces, il existe des règlements relatifs aux pensions, les employés de ces établissements mixtes, ceux des provinces ou des communes peuvent être pensionnés soit sur le budget des établissements, soit sur le budget provincial ou communal.
Je m’arrêterai peu à l’interprétation du mot : pourront. Toutes les lois des pensions repoussent l’idée de pensionner un fonctionnaire qui est encore valide ; l’art. 1er me paraît devoir être entendu dans le sens des dispositions antérieures d’après lesquelles on n’accorde la pension que lorsque le fonctionnaire même âgé de plus de 60 ou de 65 ans, ne peut plus convenablement remplir ses fonctions. L’on paraît être généralement d’accord sur ce point.
Deux autres conditions sont nécessaires pour l’obtention de la pension, l’âge et le temps de service. Quant à cette dernière condition, le projet de la section centrale ne diffère pas de celui du gouvernement. Il n’en est pas de même pour la condition d’âge, et tout à l’heure M. le ministre des finances a indiqué un motif pour lequel il serait nécessaire de maintenir l’âge de 60 ans. On a paru craindre que des fonctionnaires actuellement en exercice, et qui auraient intérêt à voir liquider leur pension d’après la législation actuellement en vigueur, n’exagérassent leurs infirmités, afin d’être mis immédiatement à la retraite ; mais, messieurs, si cette objection a quelque portée, elle attaque le principe même de la loi.
Il est très facile au gouvernement de se prémunir contre cette espèce de surprise faite à sa bonne foi. Si au contraire les infirmités sont réelles, ce n’est plus l’art. 1er qui est applicable, le fonctionnaire ou l’employé peut être pensionné en vertu d’un article suivant, quel que soit d’ailleurs son âge ou le nombre de ses années de service.
Je crois donc, messieurs, que l’on peut sans inconvénient maintenir la proposition de la section centrale, quant à l’âge auquel les fonctionnaires peuvent être mis à la pension alors qu’il n’est point constaté qu’ils ont des infirmités qui les empêchent de remplir convenablement leurs fonctions.
Un honorable membre a fait quelques excursions à l’étranger au sujet de la législation sur les pensions. Vous aurez sans doute remarqué, messieurs, que le principe de la loi prussienne est exactement le même que celui de notre législation, à cette seule différence près, qu’en Prusse, il paraît exister une commission qui est consultée sur la collation des pensions.
Je crois devoir rappeler, à cet égard, que dans le premier projet présenté par l’honorable M. d’Huart, il était aussi question d’instituer une commission qui aurait eu à éclairer le gouvernement sur la collation des pensions, mais cette proposition a reçu très peu d’accueil dans les sections et il a fallu l’abandonner. Je crois devoir le redire encore, ce n’est pas là que se trouve la véritable garantie contre les abus ; la garantie la plus puissante et la seule efficace se trouve dans le contrôle des chambres ; c’est d’une part la limitation du crédit par les chambres lors du vote des budgets, c’est d’une autre part l’examen des états qui, d’après une disposition du projet, devront être soumis à la législature, à l’appui des demandes de crédit.
L’honorable membre a cité également la législation anglaise, et il paraît croire que cette législation exige une déclaration de fortune personnelle. En général, messieurs, il n’en est pas ainsi ; cette déclaration est seulement exigée pour certaines pensions exceptionnelles, qui s’élèvent quelquefois jusqu’à 75,000 fr. ; ce sont les pensions des ministres et de quelques autres hauts fonctionnaires, pensions dont le nombre est limité à quatre pour chaque catégorie. Dans tous les autres cas, en Angleterre, l’on rémunère tous les services rendus, sans exiger aucune déclaration de fortune personnelle.
En France, messieurs, il existe des caisses alimentées par des retenues, mais ces caisses sont très largement subsidiées par le trésor : le trésor paie près des deux tiers des pensions des fonctionnaires, de leurs veuves et de leurs orphelins. Ce système a été examiné par la section centrale, et elle a reconnu qu’il serait beaucoup plus onéreux au trésor que celui qui est proposé.
Il me reste, messieurs, à faire une observation à l’appui de celle qui a été présentée par l’honorable ministre de la justice.
Il est évident que l’on ne peut point lier à la loi actuelle la question de la mise forcée à la retraite des magistrats, car il ne s’agit pas seulement d’en poser le principe, mais il s’agit d’organiser ce principe. Or, vous ne pouvez pas introduire dans la loi des pensions toute la procédure qui devra être suivi pour arriver à mettre malgré lui à la retraite un magistrat inamovible.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’adhère, messieurs, à la plupart des observations faites par l’honorable rapporteur de la section centrale ; seulement je dois faire observer à la chambre qu’il a tout à fait mal compris l’objection que j’ai faite contre le chiffre de 65 ans d’âge. D’après l’honorable membre j’aurais exprimé la crainte que des fonctionnaires n’exagérassent leurs infirmités ou ne prétendissent en avoir qu’ils n’en auraient réellement pas, et cela dans le but d’obtenir leur mise à la retraite alors qu’ils seraient encore capables de remplir leurs fonctions. Messieurs, c’est une observation tout à fait contraire que j’ai présentée ; j’ai dit que, sous le régime de la législation actuelle, il y a des fonctionnaires qui ont intérêt à obtenir leur pension, parce que cette pension est presque l’équivalent de leur traitement net.
J’ai ajouté que d’après l’économie de la loi que nous discutons, aucun fonctionnaire n’aura plus intérêt à exagérer le mauvais état de sa santé, puisque tous craindront, au contraire, que l’administration ne reconnaisse qu’ils ne sont plus en état de remplir leurs fonctions. La position sera donc toute différente et si, avec la législation actuelle, il y aurait lieu à fixer l’âge à 65 ans au lieu de le maintenir à 60, cette opportunité n’existera plus dans le système de la loi qui nous occupe, puisque les fonctionnaires, au lieu de désirer leur mise à la retraite, appréhenderont constamment que l’administration ne prenne cette mesure d’office.
Il n’y a donc aucun inconvénient à conserver le chiffre de 60 ans et il y a utilité à le faire parce qu’alors l’administration sera toujours beaucoup plus libre d’imposer la retraite aux fonctionnaires qui ne peuvent plus remplir convenablement les devoirs de leur emploi.
Je sais bien qu’à la rigueur l’art. 3 permet de mettre à la retraite ceux qui, par suite d’infirmités, ne peuvent plus remplir leurs fonctions ; mais il arrivera souvent que l’administration hésitera à faire l’application de cette disposition, parce que les infirmités ne seront pas toujours d’une nature assez grave.
Je pense donc, messieurs, que, dans l’intérêt d’une bonne administration, il faut adopter l’art. 1er tel qu’il est proposé par le gouvernement. L’honorable rapporteur de la section centrale reconnaîtra sans aucun doute qu’il avait mal compris mon observation.
L’honorable membre a fait remarquer qu’il y a une juste garantie contre les abus des pensions, dans le contrôle des chambres ; sans doute que c’est là une garantie, mais j’en trouve une qui n’est pas moins efficace, dans la position que la loi fait aux fonctionnaires : comme je l’ai déjà dit, ceux qui sollicitent vivement aujourd’hui la pension, ne la demanderont plus ; ils craindront, au contraire, de la recevoir, et je crois, messieurs, que c’est là la meilleure de toutes les garanties contre les abus que l’on craint.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, le projet de loi présenté par le gouvernement, fixe a 60 ans l’âge auquel les fonctionnaires employés pourront être mis à la retraite ; la section centrale propose de le fixer à 65 ans. Il est un fait, d’abord, à remarquer, c’est que toutes les lois portées depuis 1790, tous les arrêtés, tous les projets présentés, aussi bien en France qu’en Belgique, admettent ce chiffre de 60 ans d’âge. C’est déjà là, messieurs, une considération qui mérite votre attention.
Remarquez aussi qu’il faut le concours de deux circonstances, pour pouvoir demander sa pension. Il faut, non seulement la condition d’âge, il faut encore 30 années de services, chiffre qui paraît être admis aussi bien par la section centrale que par le gouvernement. Il s’ensuit, messieurs, que si vous adoptez l’âge de 65 ans, par exemple, un fonctionnaire pourra avoir servi pendant 43 années, à partir de l’âge de 21 ans, sans pouvoir encore réclamer sa pension, à moins que le gouvernement ne la lui accorde en vertu de l’art.3 du projet.
S’il n’y avait donc qu’une des conditions, celle de l’âge, par exemple, on serait aussi très difficile sur le nombre d’années qu’on doit fixer ; mais, comme il y a le concours de deux conditions, alors il ne faut pas pousser trop loin la condition d’âge.
Que craignez-vous d’ailleurs ? Craignez-vous qu’un fonctionnaire, qui est parvenu à l’âge de 60 ans, ne soit porté à réclamer trop promptement sa pension ? Mais, comme vient de l’expliquer très bien M. le ministre des finances, l’intérêt des fonctionnaires s’opposera à ce qu’ils demandent trop promptement leur pension, lorsqu’ils sont encore en état d’exercer leurs fonctions. Cela est évident : car l’obtention de la pension diminuera nécessairement dans une proportion considérable les revenus de ces fonctionnaires.
Croyez-vous, d’autre part, que le gouvernement n’accorde trop facilement des pensions ?
Mais ne trouvez-vous pas de nombreuses garanties dans le projet de loi, garanties qui consistent principalement dans cette circonstance, que chaque ministre, lorsqu’il viendra demander les fonds nécessaires pour pourvoir aux pensions, devra justifier en quelque sorte celles qu’il a accordées ; vous sentez bien que le ministre, ayant devant lui le contrôle sérieux des sections et des chambres, se gardera bien d’être trop facile pour accorder des pensions à des hommes qui seraient encore trop valides.
Quant au doute qui a été émis par un honorable membre sur la portée des droits qu’obtient le fonctionnaire en vertu de l’art. 1er, il me semble que ce doute ne peut être admis. Le gouvernement reste toujours juge des faits, c’est toujours lui qui doit apprécier si le moment de la retraite a sonné en quelque sorte pour le fonctionnaire. Ainsi, lorsqu’à 60 ans d’âge et 30 années de services, le fonctionnaire pourra encore remplir ses fonctions, le gouvernement ne lui accordera pas sa pension, s’il la demande.
Mais si on fixe 65 ans, il pourra arriver cet inconvénient, c’est que le gouvernement sera peut-être forcé de conserver des fonctionnaires qui ne seront plus en état de remplir convenablement leurs fonctions ; car évidemment, à l’âge de 60 ou 65 ans, il peut se présenter beaucoup de fonctionnaires qui ne soient plus capables de continuer leur service : ce serait là un inconvénient bien grave, et l’intérêt de l’Etat en souffrirait.
Je suis donc d’avis qu’il y a lieu à maintenir le chiffre du projet du gouvernement, chiffre qui a été admis par toutes les législations, par tous les arrêtés sur la matière.
M. de Saegher. - Messieurs, j’ai voté à la section centrale pour l’âge de 65 ans ; les observations de M. le ministre des finances et de l’honorable M. d’Hoffschmidt ne m’ont pas fait changer d’opinion.
En effet, quel est le principe de la loi ?
Nous sommes aujourd’hui tous d’accord sur ce point, que le gouvernement ne peut accorder la pension qu’aux fonctionnaires qui, à raison de leur âge ou de leurs infirmités ne sont plus capables de servir l’Etat. Voilà donc la base sur laquelle repose toute la loi.
D’un autre côté, on doit être généralement d’accord, qu’en règle générale, à l’âge de 65 ans, la plupart de tous des fonctionnaires sont encore capables de bien remplir leurs fonctions.
Ceci posé, quel grand motif peut-il y avoir de fixer à 60 années l’âge auquel on sera admissible à la pension ?
On dit qu’il peut se trouver des cas où, à l’âge de 60 ans, on n’est plus capable de remplir ses fonctions ; mais, messieurs ; c’est là l’exception ; or, cette exception est spécialement prévue par l’art 3 de la loi qui statue expressément que tout fonctionnaire reconnu hors d’état de continuer ses fonctions par suite d’infirmités pourra être admis à la pension quel que soit son âge. Je ne vois dès lors aucun motif pour maintenir le projet du gouvernement.
On nous dit encore : Pourquoi vous opposez-vous à la fixation de la condition d’âge à 60 ans, en présence de presque toutes les législations qui ont admis cet âge ?
Messieurs, ces précédents ne me touchent guère du moment où ils ne sont pas suffisamment justifiés ; je crois qu’il peut arriver des circonstances où l’on abuse de la faculté accordée par la loi, Or, en cette matière, je suis toujours porté à restreindre, autant que possible, la trop grande latitude.
Je voterai donc pour le projet de la section centrale.
M. Desmet. - L’honorable rapporteur prétend qu’il n’y a pas de différence entre le régime prussien et celui qu’on cherche à faire prévaloir par le projet de loi en discussion.
Mais, messieurs, la différence est essentielle.
D’abord, d’après le système prussien, tous les fonctionnaires quelconques qui ont servi l’Etat, ont droit à la pension, se trouvant dans les cas de la loi.
En second lieu, il existe en Prusse un grand fonds de pension, tandis que chez nous, d’après le projet, il n’y aura pas de caisse de retenue.
En troisième lieu, la condition essentielle exigée par la loi prussienne est l’incapacité de continuer à remplir ses fonctions ; c’est la condition principale, les autres sont secondaires : par le projet que nous discutons, cette condition essentielle n’y est même pas écrite, on doit la présumer, on doit espérer que le pouvoir à qui vous abandonnez la collation des pensions n’admettra que des personnes à la pension qui ne soient réellement plus en état de servir ; mais vous savez par l’expérience combien l’administration générale est peu difficile dans ces admissions à la pension ; d’ailleurs, c’est assez naturel, car souvent ceux qui doivent juger sont en cause. Aussi en Prusse on a été pénétré du besoin d’instituer une commission spéciale pour la collation des pensions. Vous voyez donc, messieurs, qu’il y a une grande et notable différence entre le régime existant en Prusse et le projet qu’on nous présente.
D’après l’honorable rapporteur, le système suivi en Angleterre ne serait non plus différent. Mais il doit savoir que dans ce pays il y a annuellement une somme fixée qu’on peut employer aux pensions et que l’on ne peut outrepasser. Il y a une autre condition, et qui n’est pas peu importante, que la pension doit être demandée par écrit et qu’en sus on doit administrer la preuve que sa fortune est insuffisante pour tenir son ancien rang et après une existence analogue.
J’entends que l’honorable M. le ministre des finances dit que la chambre est là pour contrôler le gouvernement dans la collation des pensions ; mais, messieurs, vous savez que quand il s’agit de personnes et de noms propres, il est difficile à la chambre d’agir de rigueur contre les actes du gouvernement, il est difficile de modifier et de faire rapporter de pareils actes. Je pense donc que le contrôle dont parle M. le ministre sera illusoire et sans force contre les abus qui auront nécessairement lieu, si le projet passe tel qu’il est présenté.
Messieurs, je n’en dirai pas davantage sur le malencontreux projet, mais je suis forcé d’ajouter que je crains que nous allons ouvrir la porte à une masse d’abus et que nous allons obérer le budget des dépenses d’une manière très forte ; cependant, ce n’est pas le moment, ne devrions-nous pas songer à ces pauvres contribuables qui sont surchargés d’impôts ; est-ce bien le moment d’étaler tant de générosité et d’établir les rémunérations sur une échelle si grandiose ? Je crains bien que sous peu de temps vous vous plaindrez d’avoir voté une loi si onéreuse pour le pays. Il ne me reste qu’à voter contre, si de notables modifications n’y sont apportées.
M. Savart-Martel. - Messieurs, lors de la discussion générale, j’ai indiqué les raisons qui me forceraient à rejeter l’art. 1er qui permet d’admettre à la pension, sans exception aucune, tous les employés de l’administration générale ; et en appliquant les mêmes règles aux magistrats, fonctionnaires et employés ; mal à propos on a confondu les magistrats inamovibles avec les employés amovibles. A cet égard, je persiste dans mon opinion ; je suis loin d’être rassuré sur l’énormité des charges qui pourraient résulter au détriment du trésor. Quant au deuxième paragraphe, introduit par la section centrale, je le pense inutile, d’après les explications que vient de donner le ministère ; je le pense même dangereux, car l’inamovibilité des juges, assurée par la constitution, ne peut être mise en question.
En thèse générale, le juge ne peut être admis à la pension que quand il en fait la demande, et que ses infirmités l’empêchent de continuer ses fonctions.
Qu’on fixe l’âge d’admission à 60 ou 65 années, j’y mets peu d’importance, à 60 ans on est encore valide, il ne faudrait point sortir de cette enceinte pour s’assurer de cette vérité, et dans une région plus élevée, nous trouverons des hommes d’Etat, des souverains mêmes qui s’occupent, avec le plus grand zèle, des affaires publiques quoiqu’âgés de 60 ans et bien au-delà. A 60 ans, il est difficile, sans doute, de commencer une carrière, mais il est facile souvent de la continuer. A cet âge, un fonctionnaire public joint d’ordinaire à la théorie, l’expérience de la pratique. Les employés, les magistrats surtout, ne doivent être admis à la retraite qu’en cas de nécessité. J’insiste sur le mot admis ; car autre chose est mettre quelqu’un à la retraite ; autre chose est d’admettre quelqu’un à la retraite.
M. Vandensteen. - Messieurs, comme j’ai eu l’honneur de le dire dans la séance d’hier, nous consacrons par le principe posé dans l’article premier, une charge qui peut devenir énorme pour le trésor public. Nous devons dès lors chercher à nous entourer de toutes les garanties désirables. Nous le devons d’un côté pour la nation, de l’autre, pour arriver à ce résultat, l’adoption de la loi par ceux même qui croient que nous faisons trop dans la position où nous nous trouvons.
L’honorable M. d’Hoffschmidt a dit que, depuis 1790, toutes les législations étaient d’accord pour admettre le principe qu’il fallait accorder la pension, à l’âge de 60 ans et après 30 armées de services.
C’est une erreur ; si je me reporte à l’arrêté-loi de 1814, je trouve qu’il y a une inexactitude dans l’assertion émise par l’honorable M. d’Hoffschmidt. D’après cet arrêté, on était admis à la pension à l’âge de 60 ans, il est vrai, mais il fallait 40 années de services. Or, la condition de 65 ans d’âge est beaucoup moins rigoureuse que la condition de 40 années de services, imposée par l’arrêté-loi de 1814.
L’honorable M. d’Hoffschmidt me dit, en m’interrompant, qu’il n’a parlé que de la condition d’âge, soit, mais il n’aurait pas dû passer sous silence une condition aussi essentielle des 40 années de fonctions. Dans mon opinion, les 40 années de services qui étaient requises pour l’admission à la pension, étaient en une condition bien plus rigoureuse que les 65 ans d’âge exigés par la section centrale.
Je sais très bien qu’on ne mettra à la pension que les individus qui ne pourront plus rendre de services à l’Etat. L’inconvénient que semble redouter M. le ministre des finances n’en est pas un pour moi. M. le ministre a dit qu’il pourra arriver que des fonctionnaires incapables de rendre désormais de services, ne demanderont pas leur pension, s’ils n’ont pas accompli la condition de 65 ans d’âge que propose la section centrale, parce qu’il n’y aura pas d’infirmités faciles à établir.
Si ce fonctionnaire n’a pas d’infirmité susceptible d’être appréciée, je ne vois pas qu’il y aurait grand inconvénient à le garder en fonctions, car si les chefs ne peuvent pas s’en apercevoir, le service marche bien, et que ces prétendues infirmités ne sont pas de nature à l’empêcher de remplir ses fonctions. Nous devons maintenir cette disposition qui est une garantie de plus de la bonne exécution de la loi et qui ne peut préjudicier en rien au service.
M. de Muelenaere. - La discussion actuelle semble rouler sur la question de savoir si l’on fixera à 60 ou 65 ans d’âge une des conditions voulues par la loi pour qu’un fonctionnaire puisse être admis à la pension. Il me semble que deux idées doivent dominer cette discussion. La première, c’est que le fonctionnaire qui réunirait dans sa personne toutes les conditions d’admissibilité à la pension n’aura pas pour cela le droit d’exiger sa pension. En second lieu, la mise à la pension sera loin d’améliorer sa position, il y aura perte et perte très sensible pour le fonctionnaire. Il y aurait une seule catégorie de fonctionnaires qui ne soit pas dans cette position, c’est celle à laquelle a fait allusion M. le ministre des finances. C’est parce que la position exceptionnelle de ces fonctionnaires cessera par la loi nouvelle, qu’on peut dire d’une manière générale que la mise à la pension d’un fonctionnaire sera une espèce de punition, sera une détérioration de la position de ce fonctionnaire. Vous sentez dès lors que les fonctionnaires qui auront les deux conditions d’âge et d’année de service ne viendront pas, pour la plupart, réclamer la pension. Le gouvernement, très souvent dans l’intérêt du service, sera obligé de la leur donner d’office et malgré les réclamations qu’ils feront valoir pour ne pas être admis la pension.
Dans cet ordre d’idées, je ne vois aucun inconvénient quelconque à fixer à 60 ans plutôt qu’à 65 l’âge auquel un fonctionnaire pourra être admis à la pension. Et il y aurait inconvénient, ce me semble, à fixer cet âge à 65 ans.
Je conviens qu’en général un fonctionnaire est très capable à 65 ans de remplir ses fonctions, mais il y a les exceptions et des exceptions assez nombreuses. Il est tel fonctionnaire qui, à l’âge de 60 ans est hors d’état de remplir ses fonctions d’une manière convenable, c’est-à-dire qu’il ne peut plus y apporter le zèle et l’activité qu’un est en droit d’exiger de lui. En outre, on a fait observer que si dans certains cas, le fonctionnaire se trouve, par suite d’infirmités, dans l’impossibilité de remplir ses fonctions, ces cas étaient prévus par d’autres dispositions de la loi.
Je prie la chambre de remarquer qu’il y a des infirmités qu’on ne constate pas volontiers, qu’on ne constate pas facilement, qu’on ne peut constater qu’avec le concours du fonctionnaire. Le fonctionnaire n’ayant plus d’intérêt à être mis à la pension, réclamera contre la mesure qu’on veut prendre à son égard. Il deviendra difficile de constater l’impossibilité réelle où se trouve ce fonctionnaire de remplir encore ses fonctions. Au reste, je le répète, dans le système de la loi, je ne vois aucun inconvénient à fixer à 60 ans l’âge auquel un fonctionnaire pourra être admis à la pension en vertu de l’art. 1er. Il est impossible qu’il en résulte aucun abus. Si je demande qu’on fixe l’âge de 60 ans, plutôt que celui de 65, ce n’est pas dans l’intérêt du fonctionnaire, mais dans l’intérêt du gouvernement, dans l’intérêt du service public, car le fonctionnaire ne viendra pas réclamer sa pension s’il est en état de continuer encore son service.
M. de Haerne. - Messieurs, l’honorable rapporteur de la section centrale vous a dit que, dans la séance d’hier, la plupart des membres qui auraient cru devoir faire opposition au principe de la loi s’étaient tacitement rallées à ce principe. Je ne sais pas jusqu’à quel point cette assertion est vraie en général. Mais je dois vous dire que, dans la discussion générale, plusieurs considérations ont été présentées qui m’ont frappé vivement. Je parle ici particulièrement de la thèse qui a été soutenue par l’honorable M. Savart et qui ensuite a été développée avec beaucoup de lucidité par l’honorable M. Verhaegen.
Je n’ai pas pris la parole dans la discussion générale, parce que, comme plusieurs orateurs viennent de le dire, je pensais que le principe de la loi est tout entier dans l’art. 1er et que j’aurais pu prendre la parole à propos de cet article. De cette manière j’évitais de me répéter et j’épargnais les moments de la chambre.
Il est un principe qui a été posé dans la discussion générale, c’est celui-ci, qu’il paraît absurde de rétribuer sous la forme de pensions, des personnes qui n’en ont aucun besoin, des personnes qui sont dans l’aisance. Cette idée est absolument impopulaire et vous ne pourrez jamais faire comprendre au peuple qu’on doive accorder une pension à celui qui n’en a aucun besoin.
Il est vrai qu’on a objecté, à cet égard, les difficultés d’exécution, mais on n’a pas démontré, à mon avis, que ces difficultés ne pouvaient pas être aplanies, et je ne crois pas qu’on le démontrera.
Je crois qu’il n’y aurait aucun inconvénient à ce que la personne qui se présente pour l’obtention d’une pension fît la déclaration de sa fortune. C’est dans ce sens que l’honorable M. Savart s’est énoncé hier et avant-hier ; et peut-être y aurait-il un moyen plus simple de fixer la fortune qu’on devrait posséder pour n’avoir plus droit à la pension. Mon idée serait que la limite à assigner fût le double de la moyenne du traitement que le titulaire aurait touché pendant les cinq dernières années de l’exercice de ses fonctions.
On a demandé aussi, dans la discussion générale, s’il était juste que l’Etat donnât des pensions à des fonctionnaires qui ont été rétribués dans le courant de l’exercice de leurs fonctions. Un honorable membre a contesté la justice de ce principe. A prendre les choses à la rigueur, on peut dire que l’Etat ne doit rien au fonctionnaire d’après le droit strict, Mais il est un autre principe, un principe d’équité morale, un principe d’obligation morale qui est imposé à l’Etat par les convenances sociales, et dont l’Etat ne peut pas s’affranchir, mais seulement dans le cas où les personnes dont il s’agit, qui réclament une pension, en éprouvent le besoin. C’est là un principe d’équité morale, je crois que ce principe est fondé sur cette considération que la société en général est obligée d’entretenir ses membres.
C’est là un principe d’équité générale qui s’applique tous les jours dans diverses branches d’administration, dans les rapports de la société privée et de la société civile générale. C’est ainsi que les communes sont chargées de l’entretien de leurs pauvres ; c’est ainsi que l’on peut dire aussi que, d’après l’équité, un maître est en quelque sorte chargé par l’opinion publique et par la concurrence sociale d’entretenir son domestique qui est devenu incapable de le servir. Il est criant qu’un maître dans l’aisance abandonne son serviteur. Je pense que sur ce principe nous pouvons nous baser pour établir en règle générale, que les fonctionnaires publics, après avoir rendu à l’Etat des services pendant un certain nombre d’années, ont droit à la pension, lorsque d’ailleurs ils se trouvent dans le besoin.
On doit aussi reconnaître que le fonctionnaire, s’il n’avait pas accepté les fonctions qu’il remplit, ou qu’il a remplies, aurait pu, en s’attachant à une autre profession, se créer une position honorable dans la société, position telle que lors même qu’il serait devenu infirme et incapable de se livrer à cette profession, il jouirait encore du revenu qu’il se serait créé dans son exercice.
Le fonctionnaire, en acceptant une place du gouvernement, renonce à l’avantage de se créer cette position. Il incombe donc au gouvernement de ne pas le priver de cet avantage, après qu’il a rempli dignement ses fonctions. De ce chef, je crois qu’un fonctionnaire, après avoir rempli les devoirs de sa place jusqu’à 65 ans, a le droit d’attendre de l’Etat qu’il l’entretienne dans une position convenable, analogue au rang qu’il occupait précédemment. Sans cela, on doit dire que le fonctionnaire sera en quelque sorte continuellement sous l’épée de Damoclès ; car enfin il ne pourrait pas compter sur l’avenir ; il serait dans une position très embarrassante, inquiétante pour lui et sa famille, tandis que s’il peut compter sur la rémunération de l’Etat, il remplira ses fonctions avec plus de dévouement et non pas en mercenaire. Il y aura générosité de la part de l’Etat ; il y aura aussi générosité de la part du fonctionnaire dans l’accomplissement de ses devoirs.
Il est encore une observation que je désire présenter à la chambre, c’est qu’un fonctionnaire en retraite qui se trouverait dans le besoin ne serait pas entouré de cette considération dont il a nécessairement besoin. Cette espèce de déshonneur, cette déconsidération qui l’entoureraient rejailliraient sur la place qu’il a occupée, sur tous les fonctionnaires qui se trouveraient dans la position dans laquelle il s’est trouvé ; sous ce rapport, il est de l’intérêt du gouvernement de venir au secours de ce fonctionnaire.
On a dit que c’est une espèce d’aumône qu’on donne aux fonctionnaires en retraite, lorsqu’on fait une distinction entre celui qui a de la fortune et celui qui n’en a pas. Ce mot ne doit pas nous effrayer. Il a quelque chose de dégradant, lorsqu’on le prend dans l’acception usuelle, parce qu’ordinairement on entend par aumône un secours donné à un indigent.
C’est relativement à la position de la personne à laquelle l’aumône est donnée. Mais si de ce rang inférieur, vous remontez à un rang élevé, c’est une gratification qui n’a plus rien de dégradant.
Je ne trouve pas que les objections faites de ce chef contre le système que j’ai l’honneur de vous exposer soient fondées.
De toutes ces considérations il résulte que l’Etat a une obligation morale d’entretenir les serviteurs qui lui ont rendu de bons et loyaux services, toujours dans le cas où ils seraient dans le besoin. Si au contraire les fonctionnaires auxquels j’ai fait allusion ne se trouvent pas dans cette position fâcheuse, s ils sont dans l’aisance, il n’y va plus de l’honneur de l’Etat de venir à leur secours ; mais il y va de l’honneur des fonctionnaires de ne pas accepter les secours qui leur sont offerts. Alors la question d’honneur est renversée. D’après l’opinion publique, c’est, je le soutiens, une question d’honneur pour les fonctionnaires de ne pas accepter la pension dans un cas semblable. Y aurait-il, si je puis m’exprimer ainsi, quelque chose de plus criant que d’accorder au riche une pension prise dans la poche du pauvre, de l’indigent ; ce serait une aumône que vous donneriez au riche, à celui qui n’a aucun besoin. Je dirai plus, c’est que dans ce cas ce serait le pauvre qui alimenterait le riche. L’Etat doit être considéré comme pauvre, en comparaison des fonctionnaires dans l’aisance. L’Etat lui-même est pauvre. Je ne parle pas seulement d’un Etat en déficit, comme le nôtre l’est malheureusement ; je parle de l’Etat en général ; je dis qu’il est pauvre comparativement aux fonctionnaires dans l’aisance. L’Etat, pour faire face aux dépenses, ne cherche pas à porter ses revenus au-delà de ses besoins. L’Etat n’a donc jamais que le nécessaire, que de quoi subvenir à ses besoins ; et il donnerait à celui qui a du superflu ! Ce serait absurde !
Il convient de mettre une limite aux dépenses vraiment effrayantes auxquelles vous allez vous exposer. Faisons cette réflexion, tâchons de combler le déficit effrayant qui s’ouvre devant nous ; il faut tâcher, par tous les moyens possibles, de combler le déficit.
On a présenté, on se propose de présenter encore des projets de loi pour accroître le revenu ; pourvu qu’ils soient sagement combinés, je ne m’y oppose nullement. Je crois qu’il faut créer de nouvelles ressources à l’Etat ; mais à quoi cela peut-il servir, lorsqu’on augmente sans cesse les dépenses ? Cela ne peut aboutir à rien.
Il faut faire des économies, c’est le grand point ; je sais qu’il en coûte, surtout au pouvoir exécutif. Je sais apprécier la position délicate où se trouvent à cet égard MM. les ministres ; mais je pense qu’ils n’en voudront pas aux membres de la chambre, s’ils tâchent d’entrer dans cette voie. Je crois qu’ils doivent applaudir à nos efforts si nous tâchons de leur forcer la main. Je crois que c’est à nous à prendre l’initiative, chaque fois qu’on pourra trancher dans le vif, opérer de véritables économies.
Je le répète, je ne sais jusqu’à quel point les honorables membres dont je soutiens les opinions ont renoncé à leur système ; mais je dois avouer que rien de ce qui a été dit dans la discussion n’a pu me convaincre que cette idée devait être abandonnée, serait inexécutable.
Un honorable membre vient de développer une autre idée ; c’est l’honorable M. Desmet ; il vous a dit que, d’après le système anglais, la collation des pensions est faite par le pouvoir législatif ; il a dit qu’un projet de loi pourrait être accordé pour chaque pension ; on a répondu que ce serait difficile, que ce serait un embarras pour les chambres qui ont déjà assez d’occupations. Mais je crois qu’il entrait dans les intentions de l’honorable membre qu’il fût créé une commission chargée de ce service. Pourquoi ne fait-on pas ici ce qu’on fait pour les naturalisations ? Je crois que l’idée de l’honorable M. Desmet mérite une sérieuse attention.
Mais je ne suis pas de son avis, sous un autre rapport, lorsqu’il a dit qu’il faudrait pour cela renoncer à la loi. En effet, même dans ce cas, ii faudrait un guide, soit à la chambre, soit à la commission qui serait chargée de présenter les projets de loi. Ce guide serait la loi. Je crois donc, lors même que la proposition de l’honorable M. Desmet serait formulée en articles et adoptée, que le projet de loi ne serait nullement inutile.
M. Simons. - Je partage entièrement l’opinion de l’honorable préopinant. Je crois, comme lui, que l’admission à la pension des fonctionnaires publics, après un certain nombre d’années de service, au lieu d’être la règle devrait être l’exception, et qu’un fonctionnaire ne devrait avoir des droits à la pension que quand il serait dans le besoin ; en effet, je vous le demande, y a t-il justice, y a-t-il équité à donner une pension à un fonctionnaire qui, pendant qu’il a rempli ses fonctions, s’est mis dans une position à satisfaire largement à ses besoins ?
Je dis donc que réellement ce ne devrait être que l’exception et que le trésor public ne devrait faire de sacrifices qu’en faveur des malheureux fonctionnaires publics qui ont sacrifié toute leur vie au service de l’Etat, et qui, à la fin de leur carrière se trouvent dans le besoin. Si l’on faisait une proposition dans ce sens, je m’y rallierais.
Mais, messieurs, j’ai principalement pris la parole en faveur d’une autre classe de fonctionnaires qui, bien qu’ils rendent des services très pénibles à l’Etat, paraissent avoir été exclus du bénéfice de la loi que nous faisons, non par le gouvernement, mais par la section centrale.
La sixième section a posé la question de savoir si les fonctionnaires et employés des gouvernements provinciaux et des commissariats de districts pourront être admis à la pension, d’après les dispositions du projet. La section centrale a résolu cette question négativement. Je vais expliquer quels sont les motifs qu’elle donne pour prendre une telle décision ; mais, quoi qu’il en soit, il me paraît que le gouvernement devrait se déclarer d’une manière positive à cet égard. Car je mets en fait que, s’il n’y a pas une explication positive, les fonctionnaires des commissariats d’arrondissement ont droit, d’après l’article premier, à la pension comme tous les autres fonctionnaires de l’Etat.
En fait, messieurs, quelle est la règle qu’établit l’art. 1er ? La voici :
« Les magistrats, fonctionnaires et employés, faisant partie de l’administration générale et rétribués par le trésor public, pourront être admis à la pension. » Je vous demande, messieurs, s’il est possible de ne pas rendre cette disposition applicable aux employés des commissariats d’arrondissement, comme on veut le rendre applicable aux fonctionnaires et employés des gouvernements provinciaux ?
On ne peut pas contester que ces employés font partie de l’administration centrale.
Par qui sont-ils rétribués ? Certainement par personne d’autre que par le trésor. Il est vrai qu’on met à la disposition du commissaire d’arrondissement une certaine somme pour les payer ; mais, en définitive, il est bien certain que ce n’est pas le commissaire d’arrondissement, que c’est le trésor public qui les paye, et conséquemment ils se trouvent dans les conditions qui sont exigées par l’art. 1er, pour pouvoir demander à être admis à la pension, après les années de service et l’âge requis par la loi.
La section centrale, pour contester cette opinion, dit que ce ne sont pas des employés publics, que ce ne sont pas des fonctionnaires de l’administration générale, mais que ce ne sont que des commis particuliers de certains fonctionnaires.
Pour vous prouver, messieurs, que ce sont des fonctionnaires publics tout comme les employés des gouvernements provinciaux, je n’aurai qu’à vous donner lecture de quelques dispositions de la loi provinciale et de la loi communale qui sont les seules dispositions législatives qui traitent de ces sortes d’employés.
D’abord l’art. 40 de la loi provinciale dit :
« Ne peuvent être membres du conseil provincial :
« … 5° Les employés au gouvernement provincial, ainsi que les employés aux commissariats d’arrondissement et de milice. »
Vous voyez, messieurs, que les employés des commissariats d’arrondissement sont mis sur la même ligne que les employés des gouvernements provinciaux, Et, en effet, je ne sais réellement pas ou l’on pourrait trouver une distinction pour les ranger dans une classe particulière.
Le gouverneur représente le gouvernement dans le chef-lieu de la province ; c’est en cette qualité qu’il est délégué par le gouvernement et qu’il nomme les fonctionnaires et employés à ses bureaux. Un commissaire d’arrondissement, dans un cercle plus rétréci, il est vrai, dans un arrondissement, représente également le gouvernement, et il nomme les employés et fonctionnaires du commissariat d’arrondissement par la même délégation que le gouverneur provincial. Vous voyez donc, messieurs, que les uns se trouvent sur la même ligne que les autres.
En ce qui concerne maintenant les rétributions, le gouverneur paye-t-il les fonctionnaires attachés à son gouvernement ? Non, c’est le trésor public. Le commissaire d’arrondissement paye-t-il les employés de son commissariat ? Non, c’est le trésor qui salarie ces employés tout comme les employés des gouvernements provinciaux. L’unique différence qu’il y ait, c’est qu’une espèce de forfait est établi avec le commissaire d’arrondissement ; on met à sa disposition une certaine somme pour payer les employés de son commissariat. Mais, je vous demande si ce n’est pas le trésor public qui paye cette somme, si ce n’est pas du trésor public que sortent les deniers qui sont remis entre les mains du commissaire d’arrondissement pour rétribuer ses employés ?
Si, messieurs, nous examinons les dispositions de la loi communale, nous voyons que les employés des commissariats d’arrondissement sont encore reconnus par cette loi comme fonctionnaires publics.
Ainsi lorsqu’il s’agit d’établir les incompatibilités, on n’a pas envisagé les employés des commissariats d’arrondissement, ainsi que le suppose la section centrale, comme de simples commis des commissaires d’arrondissement, mais la loi a reconnu que c’étaient de véritables fonctionnaires, et par ce motif elle a déclaré que les incompatibilités leur sont propres comme à beaucoup d’autres fonctionnaires.
L’art. 48 de la loi communale établit que : « ne peuvent faire partie de ces conseils communaux… 4° les commissaires de district et de milice et les employés de ces commissariats. »
Plus loin à l’art. 53 vous voyez que : « ne peuvent exercer les fonctions de secrétaire ou de receveur communal, les employés du gouvernement provincial et du commissariat d’arrondissement. »
Vous voyez, messieurs, que d’après la loi ces employés ne peuvent être envisagés comme de simples commis des commissaires d’arrondissement, mais que ce sont, dans toute la force du terme de la loi, de véritables fonctionnaires publics qui font partie de l’administration générale. Je ne vois donc pas pour quels motifs ces fonctionnaires qui rendent de grands services à l’Etat, sont exclus du bénéfice de la loi que nous discutons.
Messieurs, si l’on devait faire une exception, ce devrait être surtout en faveur de ces employés, parce qu’il est impossible qu’on leur accordé des traitements tels qu’ils puissent faire des économies. Ainsi un malheureux employé aura pendant 30 ou 40 ans rendu des services réels et très pénibles à l’Etat, et pour récompense de ces services à la fin de sa carrière, il ne lui restera qu’à aller mendier son pain, ou demander d’être soutenu dans quelque établissement de charité publique. Telle ne peut être, messieurs, l’intention de la chambre. Les employés des commissariats d’arrondissement sont mis par la loi sur la même ligne que les employés des gouvernements provinciaux ; leur nomination, comme celle de ces derniers, émane par délégation au gouvernement ; leurs appointements sont aussi payés, d’une manière indirecte si l’on veut, par le trésor public. Je crois donc qu’ils doivent être mis sur la même ligne que les employés des gouvernements provinciaux, et que vous ne pouvez faire une exception à leur égard sans commettre une injustice.
M. Malou, rapporteur. - Messieurs, la discussion s’est reportée sur deux points dont je veux m’occuper aussi brièvement que possible.
Il s’est agi de nouveau du système des distinctions à établir selon la fortune des personnes qui auraient des titres à la pension. Sans doute, messieurs, en se plaçant au point de vue purement théorique, il y a quelque chose qui milite en faveur de ce système. La rémunération des services qui ne sont plus rendus, qui est en quelque sorte une rémunération posthume se comprend difficilement en théorie, lorsqu’il s’agit de personnes très fortunées. Mais ici, messieurs, législateurs que nous sommes, nous n’avons pas nous occuper de théories abstraites ; lorsqu’une idée se produit dans cette chambre, elle doit être réalisable. Or, je ne veux de meilleure preuve de l’impossibilité de réaliser l’idée émise par l’honorable M. Savart et défendue par différents membres, que l’absence, jusqu’à présent, de toute proposition.
Messieurs, cette distinction des fortunes répugnerait à nos mœurs ; les inquisitions qu’elle rendrait nécessaire démoraliseraient l’administration, ce serait un germe de fraude, de mensonge. L’homme qui toucherait à la limite extrême serait sans cesse entre ce que lui suggérerait les intérêts et ce que lui suggérerait sa conscience.
Les mêmes conséquences se produisent alors même qu’on s’en réfère à la simple déclaration.
Quelle est d’ailleurs la portée de cette déclaration ? Quel est le nombre de personnes occupant des fonctions publiques qui se trouveraient placées dans cette exception ?
Mais ne pouvons-nous pas dire tous que cette exception est très restreinte, que si l’on espère réaliser par là des économies, l’on se trompe. Il est impossible de préciser des faits à cet égard, mais je crois pouvoir affirmer qu’il n’existe pas 400 fonctionnaires ou employés de l’Etat qui atteignent la limite posée par l’honorable M. Savart ; la moitié de ces fonctionnaires n’arrivent pas à la pension.
Ainsi, messieurs, il y a impossibilité matérielle d’exécuter ce système, et d’un autre côté il n’aurait aucune portée pour le trésor public.
Je suppose, d’ailleurs, qu’une personne, arrivée à l’âge de 60 ou de 65 ans, ait rendu des services à l’Etat pendant 30 ans. Une déclaration lui est demandée ; elle déclare qu’elle a 10,000 fr. de revenus, mais les aura-t-elle encore l’année suivante ? Devra-t-elle faire tous les ans une nouvelle déclaration ? Pourra-t-elle revenir sur une première déclaration ? Si elle ne peut y revenir, quelle justice y a-t-il dans ce système ?
On a fait observer aussi avec beaucoup de raison que l’aisance est relative. Poserez-vous une limite absolue, uniforme pour le célibataire et pour le père de famille chargé de dix enfants, et si vous entrez dans des distinctions, comment sera-t-il possible d’organiser notre système ?
Je ne m’arrêterai pas davantage à ce système, messieurs, car il me paraît démontré à toute évidence qu’il ne peut pas entrer dans la loi.
J’arrive, messieurs, à l’examen des droits de la classe de fonctionnaires dont l’honorable M. Simons a surtout parlé. Je dirai d’abord que la section centrale n’a nullement perdu de vue ces fonctionnaires. Elle s’en est occupée ; elle a examiné ce qui pouvait être fait en leur faveur, si elle ne propose rien, ou plutôt si elle déclare que, d’après le texte de la loi, ces employés ne sont pas admissibles à une pension à charge de l’Etat, ce n’est point qu’elle méconnaisse les services qu’ils rendent, mais c’est dans l’intérêt de tous les fonctionnaires. Il est évident que si le principe posé dans l’art 1er n’est pas strictement et sévèrement maintenu, nous nous perdrons dans les exceptions qui, prises une à une, peuvent toutes se justifier, mais dont l’ensemble serait très préjudiciable pour le trésor. Ce principe, c’est que les fonctionnaires rétribués directement par le trésor ont seuls des droits à une pension à charge de l’Etat.
M. Simons. - Vous ajoutez ce mot : directement.
M. Malou, rapporteur. - Lorsqu’on dit « fonctionnaires rétribués par l’Etat, » on entend que c’est le trésor qui paie directement ces fonctionnaires. On l’a toujours compris ainsi, et l’on n’a jamais employé une autre expression que celle qui se trouve dans le projet.
Ces exceptions, messieurs, nous mèneraient très loin. Il est une foule d’établissements dans lesquels l’Etat intervient au moyen de subsides souvent très considérables, et qui parfois couvrent la moitié des dépenses. L’on en viendrait à donner des droits à une pension, à charge du trésor, aux employés de tous ces établissements.
La chambre s’est préoccupée jusqu’à présent, comme elle l’a fait en 1841, de l’énormité des charges (ce sont les expressions dont on se sert), que la loi des pensions peut imposer au trésor. Eh bien, si l’on veut diminuer ces charges, il faut se renfermer rigoureusement dans le principe de l’art. 1er, n’admettre aucune exception à ce principe.
S’ensuit-il que les fonctionnaires auxquels s’intéresse à bon droit l’honorable M. Simons ne puissent jamais acquérir des droits à une pension à la charge de l’Etat ? Je ne le pense pas. Il sera très facile là où la nécessité de pareils faits sera reconnue (car il n’en existe pas, si je suis bien informé, dans tous les commissariats indistinctement), il sera très facile, dis-je, de faire rentrer ces employés dans la règle générale, de régulariser leur position au point de vue de la loi. Mais alors il n’y aura plus un contrat à forfait entre l’Etat et le fonctionnaire qui les salarie. Il y aura intervention du gouvernement, et au-dessus du gouvernement, intervention des chambres, pour apprécier si ce sont là des services rendus qui peuvent un jour donner des droits à la pension.
Le remède que l’on invoque pour les employés dont il s’agit, n’est pas dans une exception au principe de l’art. 1er, maïs bien dans les mesures qui pourront régulariser leur position.
L’honorable membre a cité des dispositions de la loi communale et de la loi provinciale, relatives aux incompatibilités, mais on ne peut tirer de ces dispositions aucune conséquence quant aux pensions ; les employés des commissariats du district sont assimilés aux employés provinciaux, sous le rapport des incompatibilités ; et quel est le principe des incompatibilités ?
Ce principe n’est autre que le conflit des devoirs ; il ne faut pas que celui qui, comme commis particulier d’un fonctionnaire, peut concourir à certains actes, puisse être appelé ensuite en une autre qualité, à contrôler ces mêmes actes. La différence qui existe en ce qui concerne les pensions, entre les employés des commissariats d’arrondissement et les employés provinciaux, c’est précisément que ceux-ci sont payés directement par le trésor, tandis que les autres sont rétribués par le commissariat d’arrondissement. Il en est de même d’une foule d’employés, comme ceux des conservateurs des hypothèques, des receveurs de l’enregistrement, des commis des directeurs, qui sont payés par ces fonctionnaires eux-mêmes, soit sur leur traitement, soit sur les frais qui leur sont alloues à titre d abonnement.
Je désire, messieurs, que la chambre se prémunisse contre les considérations d’équité, d’ailleurs très fondées, que l’on peut faire valoir en faveur de telle ou telle classe de personnes. L’intérêt de la généralité des fonctionnaires exige le maintien intact du principe posé dans l’art. 1er et dans quelques autres dispositions de la loi, qui sont corrélatives de l’art. 1er, principe d’après lequel les services rendus à l’Etat et rétribués directement par lui sont seuls susceptibles de conférer des droits à la pension.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je partage l’opinion de l’honorable rapporteur de la section centrale, en ce qui concerne les employés des commissariats de district. Si en effet l’importance des fonctions de ces employés est telle qu’on le dit, alors la question à examiner sera celle de savoir si on doit les comprendre dans la catégorie des fonctionnaires publics commissionnés par le ministre, et s’ils doivent être rétribués directement par l’Etat. Si cette question n’est pas résolue en leur faveur, je ne crois pas qu’on puisse les admettre à la pension comme fonctionnaires publics.
J’avais demandé la parole principalement pour donner quelques explications nouvelles sur la question de savoir à quel âge les fonctionnaires pourront être admis à la retraite. On craint les abus. Mais je ferai remarquer de nouveau que les abus proviennent actuellement de deux sources ; la première est dans le fait des fonctionnaires eux-mêmes qui demandent la retraite, et j’ai déjà dit qu’une seule classe de fonctionnaires se trouve dans la position de pouvoir désirer l’admission à la retraite. La deuxième cause d’abus consisterait dans la tolérance de l’administration qui admettrait trop facilement ces fonctionnaires à la retraite, Cette deuxième cause disparaîtra par cela même, que la première n’existera plus. Aucun fonctionnaire n’aura plus maintenant intérêt à réclamer de pension.
Voici, messieurs, quelle serait la position du gouvernement si l’âge fixé par la section centrale était adopté. Je ferai remarquer d’abord que ce ne pourrait être qu’une très puissante considération qui pût faire porter un changement à une disposition consacrée par toutes les législations connues. Ce n’est certainement pas sans motifs que l’on a fixé, en général, l’âge de 60 ans. Je poserai une hypothèse : je suppose qu’un fonctionnaire occupant un emploi important soit jugé par l’administration supérieure incapable de remplir convenablement ses fonctions, par suite de l’affaissement de ses facultés intellectuelles ; ce fonctionnaire n’aura que 60, 62 ou 64 ans, il sera chef d’une administration importante, comme celle des douanes et accises, par exemple ; eh bien, s’il est réellement incapable de remplir ses fonctions il causera au trésor un préjudice considérable, il y aura perturbation dans le service, l’administration ne marchera plus régulièrement et le gouvernement se trouvera dans cette alternative ou de renvoyer ce fonctionnaire sans lui accorder une pension, ou de le laisser dans ses fonctions où son incapacité cause à l’Etat des préjudices considérables.
En général, messieurs, cet affaissement des facultés intellectuelles, n’arrive pas avant l’âge de 65 ans, mais il est des administrations où le travail est souvent excessif et où les fonctionnaires s’usent vite et peuvent par conséquent devenir insuffisants à l’accomplissement de leurs devoirs dès l’âge de 60 ans. Ce motif, messieurs, me force d’insister pour le maintien de la proposition du gouvernement ; je ne le demande que dans l’intérêt d’une bonne administration. J’ai prouvé que les abus étaient impossibles ; qu’ils n’avaient leur source que dans deux causes qui vont cesser d’exister ; et que dès lors il n’y a aucune inconvénient à adopter l’âge de 60 ans plutôt que celui de 65 ans. C’est une faculté laissée au gouvernement, uniquement dans l’intérêt d’une bonne administration. Je le répète, s’il arrive qu’un fonctionnaire supérieur ne puisse plus remplir convenablement ses fonctions à l’âge de 62 ou de 64 ans, le gouvernement se trouvera dans l’alternative de le révoquer sans lui donner de pension ou de le conserver au grand détriment du service public et souvent du trésor.
- La clôture est demandée.
M. de Haerne (contre la clôture). - Je crois, messieurs, qu’il y a des motifs suffisants pour ne pas prononcer la clôture. M. le rapporteur a dit qu’on n’avait pas formulé de proposition, cela s’adresse notamment à moi. Je désire donc expliquer pourquoi je n’ai pas formulé de proposition.
C’est une espèce de reproche. (Non ! non !) En tout cas, je vais vous déposer mon amendement, dès lors il n’est pas possible de clôturer.
M. de Garcia (contre la clôture). - L’article est toute la loi. (Non ! non !) Moi, je soutiens que l’art. 1er est la base fondamentale de la loi ; il faut dès lors laisser la discussion s’épuiser sur un article.
M. Savart-Martel. - Si vous prononcez la clôture, l’honorable M. de Haerne qui veut préparer une proposition, ne pourra pas la présenter.
M. de Mérode. - Je pense aussi que l’art. 1er est toute la loi. Je désire donc avoir le plus de lumières possibles sur cette disposition. Je crois donc que la discussion doit continuer.
M. Orts. - L’honorable M. de Haerne prétend qu’il faut faire entrer en ligne de compte la fortune de celui qui doit être pensionné. L’honorable membre annonce qu’il va déposer un amendement. Nous ne pouvons donc pas clore la discussion.
M. Rodenbach. - Je pense aussi que la discussion ne peut pas être close, d’autant plus que l’honorable M. de Haerne a annoncé un amendement, avant qu’il ne fût question de la clôture. Si on prononçait la clôture, je me verrais forcé de voter contre l’art. 1er, parce que je trouve qu’accorder des pensions à des millionnaires et je pourrais citer des exemples, des pensions accordées à des personnes de cette catégorie, c’est dilapider les fonds du trésor public.
M. d’Hoffschmidt. - Si, effectivement, M. de Haerne a une proposition à présenter, je crois que la discussion doit continuer ; dans le cas contraire, on pourrait clore sans inconvénient ; après une discussion de trois jours, il n’y aura de surprise pour personne.
- La demande de clôture est mise aux voix ; après une double épreuve, elle est rejetée. La discussion continue.
M. le président. - Voici l’amendement qui vient d’être déposé par M. de Haerne ; il consiste à ajouter à l’article ces mots ;
« Dans le cas où les revenus ne dépasseront pas le double de la moyenne du traitement qu’ils ont touche pendant les 5 dernières années de l’exercice de leurs fonctions, sauf les droits acquis à la caisse de retraite. »
M. de Haerne. - Messieurs, si je n’ai pas formulé ma proposition plus tôt, c’est que je ne voulais pas empiéter en quelque sorte sur les droits de l’honorable M. Savart. (On rit.)
Messieurs, je présenterai quelques courtes observations en réponse aux objections qui ont été faites contre la proposition.
L’honorable rapporteur nous a dit que la recherche de la fortune entraînerait une espèce d’inquisition.
Je ne partage pas cette opinion ; car, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le faire remarquer, on pourra se contenter d’une simple déclaration. Je sais bien qu’on pourra faire abus de cette disposition de la loi, que des personnes feront peut-être des déclarations peu sincères. Mais là n’est pas la question ; j’ai déjà dit que j’avais en vue les fonctionnaires, homme d’honneur, qui, se trouvant dans une position aisée, renonceront à la pension, s’ils trouvent dans la loi une raison suffisante pour y renoncer. Or, c’est là le résultat que je veux obtenir par mon amendement.
N’y eût-il qu’une centaine de personnes dans ce cas, on réaliserait déjà, au profit de l’Etat, une économie assez notable. On dit que nous procurerons par là un bien faible soulagement au trésor public. Quelque économie que l’on fasse, c’est toujours soulager le trésor public, et en faisant des économies par-ci, et des économies par là, nous parviendrons à dégrever le trésor public d’une manière importante, et à combler une partie du déficit.
On a dit encore, et ici je réponds à l’honorable rapporteur ; on a dit que la personne qui, par suite de la déclaration qu’elle aurait faite, se trouverait dans le cas de posséder une fortune trop considérable pour avoir droit à la pension, pourrait, quelques années plus tard, ne plus avoir la même fortune, et par conséquent, a-t-il ajouté, cette personne aurait alors droit à toucher la pension.
Je suis d’accord sur ce point avec l’honorable rapporteur ; la personne qui se trouvera dans ce cas, fera alors une nouvelle déclaration, et on pourra lui accorder une pension.
Tout est relatif, me dit-on ; oui, sans doute, et mon amendement répond à cela. La fortune du fonctionnaire est relative au traitement dont il aura joui pendant les cinq dernières années de sa carrière administrative.
On m’a fait une observation au sujet de l’art. 25 qui concerne les membres du clergé.
Messieurs, je n’ai pas la mission de défendre ici le clergé, je ne suis pas ici son organe ; je suis représentant de la nation. Mais je crois pouvoir vous dire que mon opinion a toujours été que le traitement accordé aux membres du clergé est basé sur l’indemnité. Mais cette indemnité est relative à la position des divers membres du clergé, elle n’est pas absolue, dans ce sens qu’elle devrait être égale aux biens que le clergé possédait autrefois. Lorsque M. Portalis a fait décréter dans le temps les traitements des membres du clergé d’après le principe de l’indemnité, il n’a pas voulu dire qu’il fallait une indemnité absolue.
Mais, messieurs, en partant de ce principe, je ne trouve aucun obstacle, aucun inconvénient à appliquer aux membres du clergé aussi bien qu’à tous les autres l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous proposer. Je crois pouvoir déclarer, d’après les relations suivies que j’ai avec les membres du clergé que ces messieurs, se trouvant dans le cas de l’application de la loi, se feront un devoir de suivre ces principes d’honneur, que j’ai exposés tout à l’heure, en faisant une déclaration sincère de leur fortune et donneront à cet égard l’exemple du respect à la loi.
Un grand nombre de membres. - La clôture ! la clôture !
M. Dumortier. - J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à M. le ministre des finances. Dans ma manière de voir il faut admettre le système de la section centrale. Quant à la limite des années qu’il faudrait atteindre pour pouvoir être admis à la pension, M. le ministre vous a dit que dans certains administrations financières, il pourrait se faire qu’un fonctionnaire supérieure fût insuffisant à remplir ses fonctions et qu’il y eût nécessité absolue de le mettre à la retraite. Mais je ferai observer que ces fonctionnaires se trouvent dans la catégorie du tableau dont il est fait mention à l’art. 2, catégorie pour laquelle il ne faut que 55 ans d’âge pour pouvoir obtenir la retraite.
Quand nous en serons à cet article, il nous restera à examiner si tous les fonctionnaires compris dans ce tableau doivent y rester. Je pense que laisser une latitude trop grande au gouvernement pour la mise des fonctionnaires à la pension serait faciliter les abus. Trop souvent on a cherché à écarter de leurs fonctions des fonctionnaires supérieurs des finances pour créer des positions de favoritisme. Je n’adresse ici de reproche à personne et moins à M. le ministre des finances actuel qu’à aucun autre ; je signale un fait dont la chambre s’est plainte dans plus d’une occasion, parce que la disposition dont il s’agit peut prêter à son renouvellement.
Je pense que des abus du système des pensions sont très grands, je n’en cherche pas ailleurs la cause, elle est dans deux des questions qu’on veut reproduire dans la loi. La première est celle relative aux certificats. Il n’arrive que trop souvent qu’un fonctionnaire se fait donner un certificat d’incapacité par un médecin complaisant et obtient par ce moyen une pension à laquelle il n’aurait pas été admis. La deuxième question qui ouvre la porte aux abus est celle qui prend pour base de la liquidation de la pension, la moyenne du traitement. On augmente pendant quelques années le traitement d’un fonctionnaire afin de pouvoir lui donner une pension élevée. Vous cherchez à faire de petites économies, des économies insignifiantes, qui se borneront à une réduction de quelque mille fr., tandis que la question dont je vous parle est grosse de millions.
C’est là qu’est le mal, c’est là qu’il faut frapper. Il faut qu’à l’avenir on ne puisse pas obtenir une pension basée sur la moyenne des trois dernières années, qu’on envisage si, pas l’existence entière du fonctionnaire, du moins qu’on prenne en considération un temps plus long. Un autre membre a proposé dix années, cela pourrait me satisfaire, mais, je le répète, c’est là que l’économie doit frapper. Le surplus serait insignifiant. En portant votre attention sur cet article, vous mettez le doigt sur la plaie à laquelle il est urgent de porter remède, car les abus des pensions menacent d’engloutir le trésor public si vous n’y prenez garde.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ferai remarquer qu’une partie de l’argumentation de l’honorable membre, à propos de l’âge qu’il convient de fixer, repose sur une erreur de fait. Il dit que les fonctionnaires supérieurs de l’administration financière se trouvent dans la catégorie de l’art. 2. Mais les directeurs qui sont les chefs de l’administration provinciale, et les inspecteurs d’arrondissement ne sont pas dans cette catégorie. Il s’agit seulement des inspecteurs de douane, des inspecteurs du service actif, et non des inspecteurs d’arrondissement. Ainsi les directeurs qui ont les attributions les plus importantes, les inspecteurs d’arrondissement qui ont aussi des fonctions d’une très grande importance, ne sont pas compris dans l’exception.
Il y a d’autres fonctions encore qui sont fort importantes, et qui exigent beaucoup de zèle, de travail et de dévouement, et des capacités spéciales. Lorsque les titulaires de ces fonctions ne seront plus propres à les bien remplir, l’administration serait, comme je l’ai déjà dit, dans la nécessité de les renvoyer sans pension. Ne changeons donc pas l’âge fixé jusqu’à ce jour.
L’honorable membre signale deux causes d’abus ; d’abord les certificats qui ne sont pas toujours exacts. Je conviens que cet abus a existé, et je demanderai à l’honorable membre de me signaler un remède à ce mal, et je l’accepterais avec empressement. La deuxième cause d’abus qu’il a signalée consiste dans la fixation de la moyenne du traitement des trois dernières années.
Pour établir la pension, sans aller aussi loin que quelques membres de cette chambre, je crois qu’il y aura quelque chose à faire. J’adopterai la proposition de la section centrale, mais je n’irai pas plus loin. En résumé, j’admets les deux causes d’abus, et je reconnais qu’on doit y porter remède. Mais quant au premier motif que l’honorable membre a fait valoir à l’appui de l’amendement de la section centrale, j’ai démontré qu’il était basé sur une erreur de fait, relativement à un grand nombre de fonctionnaires. Quant aux autres intéressés je ne demande rien pour eux, ils sont compris dans le tableau dont parle l’art. 2.
- La discussion est close.
M. le président. - Je vais mettre l’article aux voix par division.
Le § 1er de l’article du gouvernement est ainsi conçu :
« Les magistrats, fonctionnaires et employés, faisant partie de l’administration générale et rétribués par le trésor public, pourront être admis à la pension, à 60 ans d’âge et après 30 années de service. »
La section centrale propose l’âge de 65 ans au lieu de 60.
- Cet amendement est mis aux voix. La première épreuve est douteuse.
A. la seconde épreuve l’amendement est déclaré adopté.
Le paragraphe additionnel proposé par la section centrale est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’amendement de M. de Haerne est ensuite mis aux voix. Il n’est pas adopté.
M. le président. - En conséquence l’article du gouvernement est adopté avec la substitution de 65 ans à 60.
« Art. 2. Il suffira de 55 ans d’âge et de 25 années de service, pour les fonctionnaires et employés qui auront passé au moins vingt années, en service actif, dans les emplois et les grades compris dans le tableau annexé à la présente loi. »
Il est procédé au vote sur le tableau suivant :
« Tableau des fonctionnaires et employés désignés dans les articles 2 et 7 de la loi.
« I. - Ministère des finances.
« Douanes.
« Inspecteurs, contrôleurs, lieutenants, sous-lieutenants, brigadiers, sous-brigadiers, préposés de 1ère classe, préposés de 2ème classe, patrons, matelots, mousses.
« Accises.
« Contrôleurs, commis de 1ère classe, commis de 2ème classe, commis de 3ème classe.
« Eaux et forêts.
« Brigadiers, gardes.
« II. - Ministère de la marine.
« Chefs-pilotes, sous-chefs-pilotes, patrons-pilotes, pilotes, élèves-pilotes, aspirants-élèves-pilotes, matelots, machinistes, chauffeurs.
« III. - Ministère des travaux publics.
« Chemin de fer.
« Machinistes, chauffeurs, gardes-convoi, gardes-tender, gardes-frein, coke-fourniers.
« Postes.
« Facteurs, courriers des malles, postillons.
« Ponts et chaussées.
« Ingénieurs, en service dans les poldres.
« Sous-ingénieurs, id.
« Conducteurs, id.
« Mines.
« Ingénieurs, sous-ingénieurs, conducteurs. »
- Les articles de ce tableau et l’art. 2 sont successivement adoptés.
La chambre passe aux articles 3 et 4 ainsi conçus :
« Art. 3 (« projet du gouvernement). Tout magistrat, fonctionnaire ou employé, reconnu hors d’état de continuer ses fonctions, par suite d’infirmités, pourra, quel que soit son âge, être admis à la pension, s’il compte au moins dix années de service. »
« Art. 3 (projet de la section centrale). « Tout magistrat, fonctionnaire ou employé reconnu hors d’état de continuer des fonctions par suite d’infirmités, pourra, quel que soit son âge, être admis à la pension, s’il compte au moins huit années de service.
« Néanmoins, les magistrats inamovibles ne pourront être mis à la pension que sur leur demande ou en vertu de la loi. »
Article 4 (projet du gouvernement) :
« Le magistrat, fonctionnaire ou employé, atteint d’infirmités provenant de l’exercice de ses fonctions, et qui le mettent dans l’impossibilité de les continuer, pourra être admis à la pension, quel que soit son âge, s’il compte au moins cinq années de service. »
- La section centrale propose la suppression de cet article.
Sur la proposition de M. le ministre des finances (M. Mercier), la chambre décide que ces deux articles seront discutés ensemble,
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Dans le système du gouvernement, quand un fonctionnaire est hors d’état de continuer ses fonctions, à raison d’infirmités qui ne proviennent pas de l’exercice de ses fonctions, il peut être mis à la pension, s’il compte au moins dix années de service, et si ces infirmités proviennent de l’exercice de ses fonctions, on n’exige que cinq années de service.
La section centrale propose de réunir les deux cas, et d’adopter le chiffre de huit années.
On a fait observer avec raison qu’il est des fonctionnaires que des infirmités peuvent mettre assez promptement hors d’état de continuer leurs fonctions, par exemple les employés du service actif des douanes et certains agents du chemin de fer, tels que les chauffeurs. Il serait possible qu’ils n’eussent que 5 ou 6 ans de service, et qu’on ne pût dès lors leur donner la modeste pension, à laquelle le projet du gouvernement leur donnerait droit. Par ce motif, je maintiens cette disposition, qui crée une distinction entre les infirmités provenant de l’exercice des fonctions et celles qui n’en proviennent pas.
Il y a d’ailleurs un autre motif pour ne pas restreindre le chiffre des années de service après lequel on a droit à la pension, dans le cas d’infirmités qui ne proviennent pas de l’exercice des fonctions. Il ne faut pas que les personnes qui ont des infirmités cherchent à entrer dans l’administration pour obtenir une pension.
Dans l’autre cas, c’est à leur position que les fonctionnaires doivent d’avoir contracté leurs infirmités, il serait donc peu convenable de leur refuser une pension.
On m’objecte que ces fonctionnaires peuvent être considérés comme tombant sous l’application de la disposition de l’art. 3. Mais cet article parle de blessures reçues ou d’accidents survenues, il serait fâcheux que, faute de pouvoir constater des faits de cette nature on ne pût mettre à la pension un fonctionnaire, qui ne pourrait continuer de servir l’Etat, par suite d’infirmités contractées dans l’exercice de ses fonctions.
M. Malou, rapporteur. - Le motif de la proposition de la section centrale a été précisément la difficulté de constater si les infirmités proviennent ou ne proviennent pas de l’exercice des fonctions. Cette difficulté, l’on ne peut, ce me semble, la méconnaître. En effet, dans la plupart des cas, si l’on appelle deux ou trois médecins pour constater des faits, ils pourront être du même avis. Mais s’il faut remonter à la cause, je crois ne pas médire en disant qu’ils seront rarement d’accord. S’il faut remonter à la cause, le gouvernement sera porté à placer les fonctionnaires dans la position qui leur sera le plus favorable.
La majorité de la section centrale a voulu rendre impossible tout abus de ce genre, et définir avec plus de rigueur les droits des fonctionnaires.
Sur cette question, j’étais de l’avis de la majorité. Il m’a paru et je pense encore qu’il suffit que le gouvernement prenne, en vertu de l’art. 41, de grandes précautions, pour éviter les abus.
Mais lorsqu’il est bien constaté que les infirmités proviennent de l’exercice des fonctions, je pense aussi que l’on ne doit pas exiger plus de cinq années de service.
M. Verhaegen. - Je crois que c’est le moment de dire un mot des garanties qui seraient nécessaires pour qu’à l’avenir on n’accordât plus des pensions pour infirmités à ceux qui n’y ont pas droit.
L’honorable M. Dumortier s’est occupé tantôt de cet objet. M. le ministre des finances lui a répondu qu’il ne demandait pas mieux que de voir admettre une disposition qui donnerait, à cet égard, des garanties. C’est, de toutes les questions que soulève la loi, la plus grave peut-être à raison des abus qui ont eu lieu. Comme je l’ai dit, on a accordé des pensions des trois quarts du traitement à des individus qui auraient été capables de servir l’Etat pendant 20 ans encore, et on les a remplacés par des personnes infirmes qui ont dû être mises immédiatement à la pension.
Je crois que le moyen le plus convenable de prévenir le retour de ces abus serait celui-ci : Tout en laissant les règlements à l’administration il serait bon cependant d’écrire certains principes dans la loi. Je voudrais l’insertion non seulement au Bulletin officiel, mais encore au Moniteur de tous les arrêtés accordant des pensions et des certificats à l’appui. Ce serait une garantie. On n’oserait alors demander des certificats de complaisance ; les médecins n’oseraient pas en donner.
Je sais qu’il y aurait des inconvénients ; mais inconvénients pour inconvénients, mieux vaut quelques petits inconvénients que celui très grave d’obérer le trésor par des pensions injustement accordées.
Puisque M. le ministre des finances est d’avis qu’il faut donner des garanties, je crois qu’il appuiera ma proposition. Je la formulerai.
M. Malou, rapporteur. - La question soulevée par l’honorable M. Verhaegen se rattache à l’art. 41.
M. Verhaegen. - Si l’on veut renvoyer à l’art. 41, je ne demande pas mieux. Je l’annonce dès à présent.
M. Malou, rapporteur. - Cela se rattache aux art. 41 et 43.
Aux termes de l’art. 41, le gouvernement détermine, par arrêté royal, les formes dans lesquelles sont justifiées, les causes, les suites des infirmités ou blessures pouvant donner des droits à la pension, les pièces à produire, etc.
L’art. 43 oblige le gouvernement à publier au Bulletin officiel les arrêtés accordant des pensions ; ces arrêtés doivent énoncer les motifs et les bases légales de la liquidation de la pension. Je pense qu’il est satisfait ainsi au vœu de l’honorable préopinant.
M. Verhaegen. - Je voudrais en outre l’insertion au Moniteur.
M. Malou, rapporteur. - En d’autres termes, la création d’un il particulier ; car il est évident qu’on ne peut insérer au Moniteur tous les certificats, toutes les pièces qui se rattachent aux pensions. Pour peu qu’on en ait vu, on sait que ces pièces forment souvent des volumes.
M. de Mérode. - Cela coûterait plus cher que les pensions. (On rit.)
- Le chiffre de huit années de service, proposé par la section centrale, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le 2ème § de l’art. 3, proposé par la section centrale, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Les art. 3 et 4 du gouvernement sont successivement adoptés.
« Art. 5. Aura droit à une pension, quels que soient son âge et la durée de ses services, tout magistrat, fonctionnaire ou employé qui, par suite de blessures reçues ou d’accidents survenus dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions , aura été mis hors d’état de les continuer et de les reprendre ultérieurement. »
- Adopté.
- La chambre renvoie à demain la discussion de l’art. 6 et d’un amendement présenté à cet article par M. le ministre des finances (M. Mercier) et tendant à déclarer susceptibles de donner des droits à la pension les années de services des seconds secrétaires et des attachés de légation pour tout le temps pendant lequel ils sont employés soit à l’étranger, soit à l’intérieur près le département des affaires étrangères.
La séance est levée à 4 heures 3/4.