(Moniteur belge n°62, du 2 mars 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à 2 heures et 1/4. La séance est ouverte.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Joly, casernier à la caserne du Faucon, à Anvers, dont la condamnation en payement du droit de consommation sur les boissons distillées a été annulée, demande la restitution de l’amende qu’il a encourue du chef de cette condamnation. »
« Les sieurs Labiaux, Bataille et autres habitants de Bruxelles et des environs demandent l’organisation du travail et l’extension des droits électoraux. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs propriétaires et cultivateurs de Fumai présentent des observations contre le projet de loi sur les céréales. »
« Mêmes observations des propriétaires et cultivateurs de la commune de Gailhe (province de Liége). »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi.
M. de Naeyer demande un congé de deux jours.
- Accordé.
Dépêche de M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb), accompagnant l’envoi des pièces relatives à l’élection de M. le baron d’Anethan, représentant élu par le collège électoral du district de Louvain.
- Renvoi à une commission de vérification de pouvoirs, désigné par le sort et composée de MM. Vilain XIII, Rodenbach, Verhaegen, Dedecker, de Chimay, de Verwilghem et de Florisone.
M. Malou, au nom de la section centrale, chargée de l’examen du projet de loi générale des pensions civiles et ecclésiastiques, dépose le rapport sur le projet de loi.
- La chambre ordonne l’impression du rapport et, sur la proposition de M. Delfosse, décide qu’après la distribution elle statuera sur la mise à l’ordre du jour du projet de loi.
M. Malou, au nom de la commission des naturalisations, dépose plusieurs projets de loi de naturalisation ordinaire.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces projets de loi.
M. Delehaye, au nom de la commission des naturalisations, dépose plusieurs rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces projets de loi.
« Art. 1er. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service du conseil des mines : fr. 42,000
« Frais de route, indemnités éventuelles pour les conseillers honoraires : fr.1,200
« Entretien et renouvellement du mobilier, fournitures de bureau, achats de livres, chauffage et éclairage : fr. 2,400
« Ensemble : fr. 45,600 »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des ingénieurs et conducteurs : fr. 116,300
« Frais de bureau et de déplacements, et dépenses éventuelles par suite de promotions ou d’admission dans le corps : fr. 40,000
« Ensemble : fr. 156,300. »
M. le président. - M. le ministre des travaux publics a déposé hier l’amendement suivant à cet article :
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre de porter à 120,000 fr., le crédit de 116,300 fr. alloué l’année dernière pour les traitements des ingénieurs et conducteurs. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Depuis longtemps, le corps des mines attend une organisation plus complète. Cette nécessité s’est révélée d’une manière plus évidente encore, lorsque je me suis occupé du remplacement d’un ingénieur distingué que le pays a perdu, il y a quelques années, M. Cauchy. J’ai compris qu’il était impossible de procéder à ce remplacement sans toucher à quelque degré, à l’organisation même du corps des mines.
Les membres de la chambre, qui habitent les provinces comprises dans les districts des mines, connaissent les vues de l’organisation actuelle. Des plaintes ont été formulées à diverses reprises par le conseil provincial de Liége et par les députés du Hainaut, dans cette enceinte.
Depuis la création du conseil des mines, le travail des ingénieurs a doublé. Il y avait à vider un arriéré considérable ; il ne l’est pas encore. Dans l’organisation actuelle, les ingénieurs chargés du service supérieur dans les différents districts, doivent, plusieurs fois dans l’année, se réunir à Bruxelles, en commission spéciale. Ces déplacements fréquents font souffrir considérablement le service dans les provinces. Cette commission qui a pour but de remplacer l’inspection qu’on a supprimée en 1831, outre l’inconvénient de laisser le service en souffrance dans la province, ne peut tenir lieu que d’une manière incomplète (chacun le conçoit) d’une inspection sérieusement organisée.
Je dois reconnaître que les ingénieurs des différents districts font preuve tous les jours de beaucoup de zèle, d’activité et de talent ; mais en l’absence d’un centre d’inspection, chacun des ingénieurs se trouve isolé. Malgré le zèle et le talent dont ils ont fourni le témoignage, ils n’ont pu corriger ce que le défaut d’unité présentait si incomplet dans le service des mines. L’élément qui manque dans l’organisation du corps des mines, c’est donc l’inspection.
C’est comme si dans le corps des ponts et chaussées, au-dessus des ingénieurs faisant le service dans chaque province, il n’y avait pas d’inspection centrale.
Evidemment le corps des ponts et chaussées serait décapité. L’organisation serait défectueuse aux yeux de tous. Le même motif doit nous amener à considérer comme défectueuse l’organisation actuelle du corps des mines.
La somme demandée par l’amendement que je propose est insignifiante et les résultats qu’on est en droit d’en attendre auront un haut degré d’importance.
Je reconnais que la somme ne suffirait peut-être pas pour organiser d’une manière définitive le corps des mines ; mais comme nous sommes parvenus presqu’au second trimestre de l’exercice, il sera permis, avec une somme insuffisante, de procéder aux améliorations les plus essentielles que le service des mines réclame.
M. Fleussu. - M. le ministre des travaux publics, par l’amendement qu’il a déposé hier, demande une augmentation de 3,700 fr. Bien que je ne sois pas partisan des créations d’emplois, ni des augmentations de dépenses, cependant, lorsqu’à défaut d’un rouage, une administration languit, ou marche d’une manière irrégulière, je pense que c’est une véritable économie que de faire cette dépense.
Vous savez que, depuis quelque temps, l’industrie des mines a pris, en Belgique, un très grand développement ; elle mérite, sous ce rapport, une administration parfaitement organisée, cette administration concerne tout à la fois les intérêts généraux, les intérêts du fisc, à un certain point de vue, les intérêts des exploitants, et même les intérêts des ouvriers. L’action de l’autorité publique a un double caractère : elle s’exerce, d’abord, sous le rapport administratif, en second lieu, sous le rapport judiciaire.
Au premier point de vue, c’est-à-dire sous le rapport administratif, elle établit la propriété de la mine, s’assure de l’accomplissement des conditions de la concession, surveille les mesures de sûreté publique, de sûreté individuelle.
Sous le rapport judiciaire, l’action de l’autorité publique a pour objet le maintien des droits légitimes, la répression des contraventions à la loi.
Dans toutes les administrations, il y a un chef et souvent même un inspecteur général. Une administration aussi importante que celle dont je viens de vous entretenir, et sur laquelle je vous ai donné quelques détails, a certainement plus besoin d’un chef que toute autre administration. Il faut que, comme dans les autres administrations, les administrateurs des provinces aboutissent à un centre commun, d’où ils reçoivent leur impulsion.
Nous avons en Belgique trois divisions et sept districts des mines, et dans chacune de ces trois divisions et de ces sept districts, il y a pour ainsi dire une administration différente ; c’est-à-dire que chaque ingénieur de division dirige sa division comme il l’entend, et que chaque chef de district administre aussi son district à peu près comme il le trouve bon.
Il résulte de cet état de choses, messieurs, les résultats les plus bizarres. C’est ainsi, par exempt, que l’honorable M. Dolez vous signalait l’année dernière, si je ne me trompe, que les redevances sont beaucoup plus élevées dans le Hainaut que dans le bassin de Liége. Et ici on ne me reprochera pas de plaider dans un intérêt de clocher. Je dis, messieurs, que la loi doit être observée partout de la même manière, et que si justice est faite au bassin de Liége, le Hainaut a les mêmes droits ; qu’il est de toute équité que les redevances soient fixées partout d’une manière également équitable Eh bien ! c’est précisément parce que l’administration des mines manque d’ensemble que les redevances sont plus élevées dans le Hainaut que dans le bassin de Liége.
Vous serez plus étonnés encore, messieurs, lorsque je vous dirai que, d’après ce qui m’a été rapporté, on tolère sur la rive droite de la Meuse, dans la province de Liége, ce qui est formellement défendu sur la rive gauche. Voila de ces choses qui ne peuvent guère être souffertes plus longtemps.
Il y a, messieurs, il faut en convenir, une véritable confusion, je dirai même du désordre dans l’administration des mines. Si vous voulez que cette confusion cesse, que ce désordre n’ait plus lieu, il faut qu’il y ait un chef à l’administration des mines ; un homme spécial qui donne à cette administration une impulsion régulière ; c’est ce qui lui manque.
Jusqu’en 1831, cette administration, comme toutes les autres, a toujours eu un chef. Si c’est par esprit d’économie, qu‘on a supprimé l’emploi de directeur des mines, cette économie a été mal entendue ; car les frais de déplacement nombreux des ingénieurs l’ont mise en défaut. Mais je pense qu’on a eu un autre motif en 1831. Par la loi du 29 août de cette même année on a décrété un conseil des mines. Ce conseil des mines devait être compose de trois ingénieurs en chef, de trois autres personnes, etc. Ces ingénieurs en chef devaient être en même temps chefs de division au département de l’intérieur. Vous savez que maintenant l’administration des mines ressortit au département des travaux publics.
C’est probablement parce qu’à l’administration centrale devaient déjà se trouver trois ingénieurs en chef, qu’on a cru inutile d’avoir plus longtemps un inspecteur-général. Ces ingénieurs en chef étant ici, auraient pu remplir toutes les attributions que l’on veut donner aujourd’hui à un inspecteur-général.
Mais vous savez que, sous ce point de vue, la loi de 1831 n’a pas été exécutée et que le conseil des mines est formé d’une toute autre manière que celle qui était prévue par cette loi.
Messieurs, veuillez remarquer qu’en France, où l’intérêt minier n’est guère, proportions gardées, aussi puissant que dans ce pays, le nombre des fonctionnaires surveillants est bien plus élevé que dans ce pays-ci. C’est ainsi que je pense qu’il y a en France 47 ou 48 ingénieurs en chef et six inspecteurs-généraux, tandis qu’ici nous avons trois ingénieurs en chef, 7 ingénieurs de 2ème et 3ème classe, et pas un seul homme pour les surveiller, pour mettre entre leurs opérations l’harmonie nécessaire.
Je pense que, vu le peu l’importance de la majoration demandée par M. le ministre des travaux publics, il y a lieu de l’allouer.
M. David. - Je viens appuyer non seulement la proposition de l’honorable ministre des travaux publics, mais encore les observations qui viennent d’être présentées par mon honorable collègue M. Fleussu. Voici les renseignements que j’ai recueillis sur la question qui nous occupe :
Dans toutes les contrées minières l’administration est dirigée par un chef qui possède au plus haut degré la partie technique, les sciences qui s’y rapportent, etc. Ce fonctionnaire donne l’impulsion, dirige le personnel du corps des mines d’après les mêmes principes dans toutes les divisions, dans tous les districts, etc. De là, uniformité, régularité, unité. Tout cela est disparu depuis la suppression de la place d’inspecteur.
En remplaçant cette spécialité par des réunions à Bruxelles de tous les ingénieurs en chef, on a complètement manqué le but… et la guerre s’est déclarée entre ces messieurs d’une manière bien fâcheuse pour le service... Lorsque ces messieurs sont assemblés parfois durant des semaines, leur service de la division souffre considérablement. La députation permanente de Liége s’est plainte plusieurs fois de ce fait et notamment en 1838 et 1839 par l’organe de M. Delfosse.
Les plaintes qui se sont élevées l’an dernier au sein de la représentation nationale (M. Dolez), ne peuvent être attribuées qu’à l’absence d’un inspecteur, car les griefs articulés prouvent que les récompenses, etc., ne sont pas également réparties, que le personnel n’est pas distribué comme il devrait l’être, etc., qu’en l’absence d’un chef, tous les ingénieurs en chef agissent, non dans l’intérêt général, mais bien dans l’intérêt particulier de leur division respective, qu’ils ne satisfont, le plus souvent qu’aux dépens des autres divisions, et en portant involontairement préjudice aux droits acquis, etc.
Les ingénieurs en chef, les ingénieurs ordinaires, chacun dirige son service comme il l’entend. De là, contradiction d’une province à l’autre, d’un arrondissement à l’autre ; ce qui est défendu sévèrement à la rive gauche de la Meuse, par exemple, est toléré, autorisé parfois à la rive droite. De là sept administrations distinctes… L’unité si nécessaire dans cette partie est détruite !...
Les appels des ingénieurs en chef, de députations permanentes, des exploitants, etc., sont examinés par les ingénieurs en chef, c’est-à-dire par des fonctionnaires qui sont tout à la fois juges et partie !...
L’utilité, la nécessité d’avoir à la tête d’une administration telle que celle des mines un chef capable a été comprise depuis de siècles en Allemagne, etc. ; en Belgique cette place a été supprimée par une décision du 14 septembre 1831.
La France qui, toutes choses égales d’ailleurs, est loin de pouvoir être comparée à la Belgique sous le point de vue de la richesse minérale, possède néanmoins huit inspecteurs généraux des mines, trente-deux ingénieurs en chef et quarante-huit ingénieurs ordinaires. La Belgique compte trois ingénieurs en chef et sept ingénieurs ordinaires.
Par la nomination d’un inspecteur on économiserait tous les frais de voyage et de séjour à Bruxelles des ingénieurs en chef, frais qui doivent nécessairement augmenter par la suite à cause de l’arriéré des affaires, etc. L’instruction des affaires se faisait dans les provinces avec moins de lenteur, au ministère elles s’expédieraient avec cette célérité si nécessaire en affaires de mines, à cause des grands préjudices que peut produire le moindre retard dans les décisions de police, etc.
Dans la capitale l’inspecteur serait à la disposition du ministre des travaux publics, et, surtout du conseil des mines.
Dans les provinces les opérations subiraient enfin un contrôle, la correspondance, la police, la planimétrie, la…, tout, en un mot, se ferait régulièrement et conformément aux lois et règlements sur la matière, tandis qu’aujourd’hui cela se fait de dix manières (trois divisions et sept districts). Cette confusion, ce désordre, tout peut cesser avec quelques milliers de francs par an que l’on économiserait dix fois avec une meilleure entente de la division du service, etc.
Sans doute, il y a aux mines un chef extrêmement capable, c’est M. Visschers, messieurs, mais, observez-le bien, ses fonctions sont purement administratives.
Pourquoi n’y aurait-il pas un inspecteur pour le corps des mines, lorsque l’on a admis pour le corps des ponts et chaussées quatre inspecteurs et un inspecteur général ? Pourquoi cette différence entre deux corps du génie également importants sous le rapport de leurs travaux ? Notre sollicitude pour la sécurité, pour la vie des ouvriers mineurs, nous convierait à demander même un contrôle plus rigoureux pour les mines que celui que réclament les travaux des ponts et chaussées.
M. Fallon. - Je ne dirai que quelques mots pour appuyer la proposition de M. le ministre.
Dans les affaires qui se présentent au conseil des mines, il arrive assez souvent que l’ingénieur en chef de la province se trouve en divergence d’opinion avec l’ingénieur du district sur l’application des règles de l’art. Dans ce cas le conseil des mines demande ordinairement la réunion d’une commission d’ingénieurs pour s’éclairer.
S’il existait à l’administration centrale un inspecteur-général, avant que l’affaire n’arrive au conseil des mines, cet inspecteur général donnerait son avis sur cette divergence d’opinion et le conseil des mines ne se trouverait plus dans le cas de recourir si fréquemment à ces réunions d’ingénieurs qui ne laissent pas que de coûter beaucoup.
Sous ce rapport la proposition de M. le ministre des travaux publics est non seulement utile, mais elle est indispensable.
En présence des observations présentées par les honorables préopinants, je crois pouvoir me borner à ces considérations.
M. Castiau. - En présence de l’assentiment unanime qui se manifeste en faveur de la création d’une place d’inspecteur des mines, j’aurais assez mauvaise grâce de soulever seul de l’opposition contre cette création nouvelle. J’admettrai donc, comme les préopinants, qu’il y a lieu de procéder à la nomination d’un inspecteur-général des mines ; mais dans cette supposition je prétends que le gouvernement pourrait trouver facilement dans le crédit primitivement pétitionné les fonds nécessaires pour faire face au payement de ces nouvelles fonctions.
On n’a, je crois, jamais parlé autant de la nécessité de faire des économies que dans le courant de cette session, et cependant jamais aussi nos dépenses ne sont arrivées à un chiffre aussi élevé. Nous avions l’espoir que les budgets présentés seraient sortis de cette enceinte avec certaines réductions et tous ont été successivement votés avec de nouvelles créations de charges et de nouvelles demandes de crédits consenties par la chambre, avec le plus grand empressement.
Si maintenant j’arrive à l’examen de la proposition ministérielle, je ne puis m’empêcher de m’étonner qu’on ait attendu la fin de nos débats et de la discussion du budget, pour la présenter. S’il était tellement urgent de créer un inspecteur général pour le service des mines, d’où vient qu’on n’ait pas même pensé à faire figurer cette proposition au projet de budget ?
Je tiens d’autant plus à combattre l’augmentation de crédit qu’on vient vous demander, quelque insignifiante qu’elle soit en apparence, que M. le ministre vient d’annoncer que son intention n’était pas encore de se renfermer dans ce cercle. Il vient de vous dire, en effet, que ce n’était qu’un commencement d’organisation, qu’il faudrait la compléter, et partant, réclamer encore de nouveaux crédits. Voilà donc encore de nouvelles dépenses qui vous seront successivement présentées et qui vont élever le chiffre déjà fort exagéré, il faut le reconnaître, du budget de l’administration des mines.
Vous ne douterez pas de ce caractère d’exagération, messieurs, si vous voulez bien comparer le chiffre actuel de la dépense à ce que coûtait l’administration des mines sous l’empire français. Savez-vous ce que coûtait alors cette administration ? Une somme de 35 à 36 mille francs seulement. L’administration des mines n’était représentée que par sept agents en Belgique, et ces sept agents suffisaient alors aux besoins du service. Je sais bien que, depuis lors, l’organisation des mines a pris de grands et de puissants développements ; mais remarquez que la surveillance de ces sept agents de l’administration française devait s’étendre non seulement sur toute la Belgique, mas aussi sur les départements voisins, celui de la Roer et plusieurs autres qui constituent aujourd’hui les provinces rhénanes. Voilà où en était le service des mines en 1813. Sept employés, 36,000 fr. de traitement et une étendue territoriale plus grande a surveiller.
Nous voyons ce service recevoir un accroissement notable sous le régime hollandais. Puis vient la loi qui autorisait la création d’un conseil des mines et qui augmentait les cadres de l’administration pour la mettre en rapport avec les exigences du service.
On devait supposer que la loi qui avait ainsi déterminé les cadres de l’administration des mines, les avait déterminées d’une manière définitive. Cependant un arrête royal du 1er octobre 1838 est venu encore les étendre et créer de nouveaux fonctionnaires et de nouveaux traitements.
Il en est résulté qu’au 1er janvier 1842, les ingénieurs des mines se répartissaient de la manière suivante dans les trois divisions : dans la première, 19 ; dans la seconde, 8 ingénieurs conducteurs ; dans la troisième, 16 agents de l’administration des mines. Les traitements et les indemnités réunis s’élevaient à une somme de 138,000 fr.
Voilà où en était le service des mines lors de la dernière discussion du budget des travaux publics. Eh bien, à cette époque des critiques furent dirigées contre l’organisation du personnel des mines. On s’éleva, et avec raison, contre la distribution de ce personnel, et comparant l’importance de la première division des mines à celle des deux autres, on arriva à cette conséquence que le personnel de l’administration était deux fois trop élevé dans les deuxième et troisième divisions. D’après les chiffres produits à cette époque, on prouva que la première division était deux fois plus considérable que les deux autres réunies, par le nombre des puits d’extraction, des ouvriers, des quantités de houille extraites, des machines à vapeur et surtout par l’élévation de la redevance proportionnelle, quoiqu’elle n’eût qu’un personnel égal à peu prés à celui de la troisième division.
On devait donc espérer que les observations faites auraient été prises en considération. M. le ministre des travaux publics, celui qui occupait le banc ministériel en 1843, semblait, en effet, avoir compris la portée et la justesse des considérations qui lui avaient été communiquées sur la nécessité de répartir plus équitablement le personnel et de le réduire là où le nombre des agents paraissait exagéré. Sans prétendre qu’il y ait eu engagement pris, il faut reconnaître que le gouvernement se montrait alors disposé à faire droit à de justes réclamations. Eh bien, loin que ce but d’économie et d’équité ait été atteint, on est arrivé à un résultat tout à fait opposé ; au lieu de le réduire, on a augmenté le personnel, et l’on vient encore aujourd’hui annoncer l’intention de l’augmenter encore.
J’ai dit, en commençant, que je ne viendrais pas combattre formellement la demande faite de la création d’un inspecteur des mines ; cependant je crois que l’on a exagéré l’importance des attributions de ce fonctionnaire et les services qu’il pourrait rendre.
M. le ministre s’est basé sur cette considération que le travail de l’administration des ruines est considérablement augmenté. Sans doute, messieurs, l’augmentation est évidente, mais une partie de cette augmentation de travail n’est pas permanente. Si le travail est maintenant si considérable, c’est qu’il s’agit de liquider, en quelque sorte, l’arriéré de l’administration des mines, de statuer sur les demandes si nombreuses en délimitation et en maintenue de concession. Eh bien en quelques années, il sera statué sur toutes ces demandes, et alors l’administration des mines en aura fini avec ses plus importantes attributions.
On demande donc la création d’un nouveau fonctionnaire au moment même où l’importance de l’administration des mines va diminuer considérablement.
Les honorables membres qui ont soutenu la proposition de M. le ministre, ont beaucoup parlé de l’unité à introduire dans l’administration des mines. Il ne faut pas, messieurs, exagérer l’importance des attributions qui seront données à l’inspecteur dont il s’agit, il ne faut pas croire qu’il aura pour mission d’établir ces règles uniformes dans le service des mines ; dans les différentes divisions du corps des mines, il y a des autorités intermédiaires qui viennent se placer entre l’inspecteur et les ingénieurs, et ces autorités, on ne peut pas modifier leurs attributions sans violer les lois et les arrêtés sur la matière. Ce sont les députations permanentes qui sont chargées, avant tout, de la surveillance des mines, qui sont appelées à prendre les mesures les plus rigoureuses, les plus difficiles, de prononcer les interdictions. Que ferait donc alors votre inspecteur ? Entendez-vous faire prévaloir des attributions sur les attributions légales des députations et du conseil des mines lui-même ? L’inspection générale sera donc, je le crains, ou une sinécure, ou elle vous conduira à bouleverser toute la législation des mines.
Quoi qu’il en soit, messieurs, si l’on croit que l’inspection dont il s’agit puisse produire quelque bien, je ne m’opposerai pas, je le répète, à la création de cette inspection, mais je pense que l’on peut facilement, avec les économies à réaliser par la suppression de la partie inutile du personnel, trouver les sommes nécessaires pour doter le nouveau fonctionnaire. (M. le ministre des travaux publics fait un signe négatif.) Il me semble que si M. le ministre voulait suivre les idées de centralisation qui paraissent le dominer en proposant la création d’un inspecteur et se rapprocher autant que possible de l’unité administrative qu’il vante, il lui serait facile d’opérer des économies. Je demanderai, en effet, à quoi sert la deuxième division des mines, qui n’a véritablement aucune importance ?
Cette deuxième division ne comprend que 90 puits d’extraction et ne compte que 1,200 ouvriers. A quoi bon, encore une fois, une division pour surveiller une extraction aussi restreinte ?
N’y aurait-il pas moyen de faire disparaître la 2ème division et de la fondre partie dans la 1ère er partie dans la 3ème division ? De cette manière on réaliserait des économies notables sur le personnel.
Si j’indique cette modification, c’est qu’elle pourrait être adoptée maintenant sans porter atteinte aux intérêts toujours respectables d’une position créée.
La place d’ingénieur en chef est maintenant vacante à Namur ; elle était occupée par un homme d’un grand talent, et aussi longtemps que cet homme existait, je me serais bien gardé de faire une proposition de cette nature, mais puisque nous avons eu le malheur de le perdre et que la place est vacante, je crois que ce qu’il y aurait de mieux faire, ce serait de la supprimer et de fondre la deuxième direction dans les deux autres. L’économie qui en résulterait permettrait de doter largement l’inspecteur qu’il s’agit de créer, sans augmenter le chiffre du budget.
Je repousserai donc pour ma part l’augmentation de crédit demandée par M. le ministre.
- Le chiffre de 160,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art 3. Subsides aux caisses de prévoyance, secours et récompenses aux personnes qui se sont distinguées par des actes de dévouement : fr. 43,000 »
« Art. 4. Impressions, achats de livres et d’instruments, encouragements et subventions pour la publication de plans et mémoires, essais et expériences : fr. 10,000 fr. »
- Ces deux articles sont adoptés sans discussion.
M. le président. - M. le ministre des travaux publics a proposé un art. 5 nouveau qui serait ainsi formulé :
« Art. 5. Jurys d examen ; voyages des élèves des mines : fr. 6,000 fr. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, pendant les premières années qui ont suivi l’organisation de l’école des mines, peu de candidats se présentaient devant le jury d’examen. La création de l’école des mines avait coïncidé avec l’impulsion donnée à l’industrie, en 1838. Les élèves trouvaient facilement à être employés dans les établissements industriels. C’est là, messieurs, il faut le reconnaître, un des grands services rendus par l’école des mines. Depuis cette époque, une école provinciale de mines a été créée à Mons, et un cours d’exploitation de mines a été fondé par l’ingénieur Cauchy à Namur. Il y a donc eu beaucoup plus d’élèves qui se sont présentés devant le jury d’examen, et cette rivalité entre les écoles exigea du gouvernement qu’il entourât le jury d’examen de conditions d’impartialité plus sévères. On a donc senti la nécessité de rendre les membres du jury plus nombreux, et chaque spécialité de la science a dû être représentée avec plus de soin ; on a dû consacrer la nomination de membres suppléants, ce qui était exigé par le grand nombre des élèves.
Vous savez, messieurs, que le jury, tel que l’arrêté organique de 1838 l’a créé, se compose de trois jurys différents ; le jury pour les aspirants élèves ingénieurs ; le jury pour le passage d’une année d’études à l’autre, et le jury pour l’admission des élèves dans le corps même.
Eh bien, messieurs, à côté de l’augmentation du nombre des élèves qui se présentaient, les sessions du jury ont dû se prolonger souvent au-delà de six semaines. Ce séjour prolongé des membres du jury dans la capitale a occasionné des frais très considérables.
Le nombre plus grand des élèves, la prolongation des sessions du jury, un jury plus nombreux, vous expliquent les causes qui ont amené une augmentation de dépenses. D’un autre côté, les allocations pour le personnel sont devenues de jour en jour plus insuffisantes, parce qu’il était impossible de ne pas accorder les rares promotions que les exigences du service rendaient nécessaires. Du reste, il aurait été irrationnel de faire peser d’une manière permanente sur l’allocation du personnel des mines les frais du jury d’examen, qui n’a aucun rapport avec ces allocations. Dans le principe il y avait peu d’inconvénients à suivre cette marche peu justifiable, parce que l’importance du jury d’examen n’était pas celle qu’il a acquise depuis ; mais aujourd’hui cette anomalie doit cesser.
Quant aux frais de voyage des élèves, c’est une question analogue à celle que la chambre a déjà décidée relativement à l’école du génie civil de Gand. On sait qu’en vertu de l’arrêté organique de l’école des mines, ces voyages forment une partie essentielle du programme de l’enseignement ; c’est l’enseignement pratique qui doit marcher de concert avec l’enseignement théorique. Les frais ne peuvent donc être évités, à moins qu’on ne veuille déchirer l’arrêté organique de 1838.
Messieurs, jusqu’à présent le département des travaux publics avait usé d’une manière fort restreinte de la faculté qui lui était laissée d’accorder des frais de déplacement pour les voyages des élèves ; mais les chances d’admission des élèves dans le corps des mines deviennent plus rares, à mesure que le personnel se complète, c’est une raison de plus pour le gouvernement d’étendre les encouragements déterminés par l’arrêté organique de 1838. A défaut de place, il faut qu’il puisse leur offrir quelque motif d’émulation pour compléter leurs études.
Du reste, messieurs, je le répète, cette allocation forme le corollaire de celle qui a été votée pour l’école du génie civil de Gand, et vous ne pourrez pas refuser ce crédit sans avoir deux poids et deux mesures.
- L’article est mis aux voix et adopté.
M. Verhaegen, rapporteur (à la tribune). - Messieurs, une élection a eu lieu le 29 février dernier à Louvain, pour le remplacement de M. Vanderbelen, démissionnaire, en qualité de membre de la chambre des représentants. Toutes les opérations ont été faites de la manière la plus régulière. Les électeurs étaient divisés en cinq sections (successivement : nombre des votants ; voix obtenues par M. d’Anethan) :
Première section : 163, 155
Deuxième section : 124, 123
Troisième section : 150, 149
Quatrième section : 167, 166
Cinquième section : 153, 152
Total : 757, 745
M. d’Anethan, ayant obtenu 745 voix sur 757, a été proclamé membre de la chambre des représentants. Aucune pièce n’était jointe au procès-verbal d’élection ; mais personne ne doute que l’élu n’ait la qualité de Belge, et qu’il remplisse les conditions d’âge, à raison des fonctions qu’il a occupées.
En conséquence, la commission vous propose, messieurs, d’admettre M. d’Anethan commue membre de la chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
En conséquence, M. d’Anethan est proclamé membre de la chambre des représentants.
Il prête serment.
M. le président. - La chambre reprend la discussion des articles du budget du département des travaux publics.
« Article unique. Secours à des employés, veuves ou familles d’employés qui n’ont pas droit à la pension : fr. 3,000 »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Article unique. Dépenses imprévues, 30,000 »
- Cet article est adopté sans discussion.
M. le président. - La chambre passe à la discussion du texte de la loi du budget.
« Art. 1er. Le budget du département des travaux publics pour l’exercice 1844, est fixé à la somme de 12,424,114 fr. 74 c., conformément au tableau ci-annexé.
- Adopté.
M. le président. - M. Verhaegen a déposé un amendement qui formerait l’art. 2 du projet de loi. Cet article est ainsi conçu :
« Tous traitements non fixes, sous la dénomination de traitements variables, de suppléments de traitements et autres, sont supprimés à dater du 1er janvier 1845. »
La parole est à M. Verhaegen pour développer son amendement.
M. Verhaegen. - Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de développer cette proposition pendant la discussion générale du chapitre qui concerne le chemin de fer. J’ai annoncé alors que je formulerais une proposition, car il faut bien finir par conclure, si l’on ne veut pas frapper de stérilité toutes les discussions.
Messieurs, le débat a roulé naguère sur l’opportunité de l’adoption de l’arrêté royal du 8 avril 1843. C’est en s’appuyant sur cet arrêté que, sous la dénomination de traitements variables, on est parvenu à doubler les traitements fixes ; c’est encore en vertu de cet arrêté qu’on va accorder à certains employés du chemin de fer des tantièmes, indépendamment de leurs appointement ordinaire. Et tout cela est abandonné à l’arbitraire du gouvernement, sans contrôle aucun. Je dis sans contrôle aucun, car alors qu’on vient plus tard dénoncer dans cette chambre les abus qui ont été commis, on répond par les faits accomplis.
J’ai pensé qu’il était nécessaire, au moyen d’un article à insérer dans la loi du budget, de donner un avertissement au gouvernement, pour que les inconvénients que j’ai signalés ne se représentent plus.
Vous l’avez entendu, messieurs, ce n’est pas seulement dans l’administration des travaux publics, c’est dans toutes les administrations que l’on rencontre cet arbitraire, ce vague effrayant. D’une part il y a des indemnités ; d’autre part des suppléments, des traitements variables, des tantièmes, il faut en finir avec tout cela. Je crois avoir remarqué, pendant la discussion du budget des finances, qu’il y avait dans cette assemblée des dispositions très prononcées pour mettre fin à ces abus. L’arrêté du 8 avril 1843 n’a été défendu par personne, si ce n’est par son auteur, l’honorable M. Desmaisières ; je ne pense pas même que M. le ministre des travaux publics en ait pris la défense. J’ai attendu en vain une réponse à mes observations de la part de M. Dechamps.
Encore une fois, il est temps d’en finir. Nous ferons plus tard pour les autres administrations ce que la chambre fera aujourd’hui pour l’administration des travaux publics, si elle adopte ma proposition. Dans tous les cas, l’article que j’ai l’honneur de proposer, servira au moins d’avertissement ; s’il rencontre quelque appui dans cette enceinte, ce sera un vœu que la chambre aura énoncé, et que le gouvernement saura, j’espère, respecter.
- La proposition de M. Verhaegen est appuyée.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, l’amendement de l’honorable préopinant n’a pas un rapport isolé avec le département des travaux publics, mais sa proposition, comme il l’a reconnu lui-même, s’adresse à toutes les administrations où des traitements variables sont accordés.
La proposition faite par l’honorable M. Verhaegen de fixer les traitements relatifs à chaque catégorie de fonctionnaires, à des proportions plus étendues qu’il ne le pense ; elle ne peut pas être discutée incidemment à la fin d’un budget. Il est impossible de traiter cette question pour l’administration des travaux publics, sans l’examiner en même temps pour l’administration financière.
Du reste, vous le savez, messieurs, les traitements variables, les tantièmes existent pour l’administration des finances, pour l’administration des mines, pour l’administration des ponts et chaussées, pour l’administration du chemin de fer, etc. Ce serait bouleverser l’organisation du personnel de ces diverses administrations, si l’on venait ainsi sans préparation, sans vues d’ensemble, risquer une décision dont on ne peut prévoir les suites.
L’honorable M. Verhaegen voudrait qu’il y eût assimilation, sous le rapport des traitements, entre ce qui se passe dans les diverses administrations dont je viens de parler, et dans l’administration de la justice. Mais, messieurs, la différence est immense. L’administration du chemin de fer, par exemple, a sans doute des allures toutes différentes de celles des tribunaux.
Dans l’administration de la justice tout est encadré dans une régularité parfaite et méthodique, les séances ont lieu à des jours déterminés, les heures des séances sont fixées ; si un tribunal ne peut pas terminer toutes les affaires qui lui sont confiées, celle qui restait en souffrance, vont grossir l’arriéré, et les plaideurs attendent. Mais au chemin de fer, il ne s’agit pas seulement de régularité, mais il s’agit encore et surtout d’activité à tous les jours et à toutes les heures. Vous comprenez très bien, messieurs, qu’on ne peut pas procéder dans un service actif de ce genre, comme dans un tribunal ; on ne peut rejeter au lendemain les transports des voyageurs et des marchandises. Je le répète, les allures d’une administration comme celle du chemin de fer, n’ont aucune espèce de rapport avec celles d’un tribunal.
Le traitement fixe représente le travail intrinsèque, les indemnités représentent en général les frais que l’exécution de ce travail nécessite.
Messieurs, il y a économie et utilité à maintenir ce système, dans certaines limites, pour les administrations actives. S’il n’y avait plus de traitement variable, évidemment vous arriveriez à devoir augmenter les traitements fixes, et de constituer ainsi des droits acquis. Or, les indemnités variables ont cela de bon qu’elles ne forment pas des droits acquis pour les fonctionnaires qui en jouissent ; le gouvernement les détermine d’année en année, et ne les accorde que dans la vue de stimuler le zèle des fonctionnaires. J’ai la conviction que, s’il n’y avait que des traitements fixes, vous auriez moins de garanties d’activité, et vous seriez entraînés à augmenter le personnel.
Messieurs, je citerai un fait sur lequel j’ai déjà attiré l’attention de la chambre. Lorsque j’ai été amené à étudier la question de l’entretien des routes ordinaires, j’ai reconnu, avec tous les hommes compétents, qu’il serait peut être utile d’adopter un système mixte de régie pour cet entretien. Eh bien, si ce système était adopté, il faudrait accorder aux conducteurs des ponts et chaussées des indemnités variables, parce que vous auriez besoin de ce stimulant pour ne pas laisser attiédir leur zèle. Or, je ne fais aucun doute qu’une économie résulterait de l’adoption de ce système, et cependant cette économie ne serait obtenue qu’à la faveur des indemnités variables.
Les indemnités variables reposent donc sur des idées d’utilité et d’économie. Si ce principe était abandonné pour y substituer d’une manière absolue celui des traitements fixes, l’administration n’aurait plus ce grand moyen d’influence qu’elle a entre les mains pour exciter l’activité soutenue des fonctionnaires.
Je n’étais pas préparé à la discussion de la proposition de l’honorable M. Verhaegen, cependant les observations que je viens de faire peuvent vous convaincre que cette proposition rencontrerait des inconvénients sans nombre, bouleverserait le système sur lequel repose l’organisation du personnel. Cela est complètement impossible.
J’adjure l’honorable membre, si son intention est de persister dans sa proposition, de la réserver du moins pour en faire l’objet d’une loi spéciale.
Nous pourrons alors traiter la question à fond. Elle mérite d’être examinée, mais non d’une manière incidente, à la fin d’un budget, alors que personne ne devait s’attendre à la voir surgir. Comme la proposition concerne toutes les administrations publiques où des indemnités variables existent, l’honorable membre comprendra qu’il y aura plus d’opportunité et plus de convenance à faire de cette proposition l’objet d’une loi spéciale. Nous pourrons alors discuter sérieusement cette question qui, je le répète, mérite d’être examinée, mais qui ne doit pas être tranchée.
M. Lys. - Je viens appuyer l’amendement présenté par l’honorable M. Verhaegen. Dans la discussion du budget, j’ai aussi signalé les abus résultant des traitements variables qui mettaient à la disposition du ministre, des sommes considérables sur l’emploi desquelles les chambres n’ont rien à dire. Vous voyez que l’amendement proposé pour mettre fin à cet état de choses laisse toute l’année au ministre pour organiser son administration.
M. le ministre des travaux publics, pour répondre aux observations présentées à l’appui de cet amendement a pris pour comparaison les tribunaux, il a dit : vous ne pouvez pas comparer les travaux publics à ce qui se fait dans les tribunaux. Mais je comparerai les travaux publics à ce qui se fait même dans l’administration des finances.
Nous avons des employés, tels que des inspecteurs, des vérificateurs, qui, comme j’ai eu l’honneur de le dire, font des voyages continuels, qui pendant neuf mois de l’année sont en route. Pour quel motif établirait-on une différence entre les employés supérieurs des travaux publics et les employés supérieurs des finances ? Si on s’est résolu à donner des traitements fixes aux employés supérieurs des finances, aux inspecteurs et aux vérificateurs, pourquoi n’en agirait-on pas de même à l’égard des inspecteurs des travaux publics ? Les inspecteurs des travaux publics auraient toujours un grand avantage sur les inspecteurs des finances, car les inspecteurs des finances ont tous leurs frais de voyage à leur charge, tandis que les frais de transport par le chemin de fer ne sont pas à la charge des inspecteurs des travaux publics, ils se placent dans une diligence et tout est dit ; c’est là un avantage réel, car on ne me soutiendra pas qu’un petit commis du chemin de fer fera sortir un ingénieur qui se sera placé dans une voiture sans prendre de bulletin. Leurs voyages sont donc sans frais de transport. Du reste, je ne m’opposerais pas à ce qu’on leur reconnaisse dans la loi le droit de voyager gratuitement par le chemin de fer. Ils auront donc en cela un avantage réel sur les fonctionnaires des finances. Il me semble qu’il n’y a rien à objecter à cela. Si on a pu donner des traitements fixes à des fonctionnaires du département des finances qui sont toujours en voyage, on peut également en donner aux fonctionnaires du département des travaux publics d’une catégorie analogue qui ne voyagent qu’accidentellement.
M. Osy. - Je viens également appuyer l’amendement de l’honorable M. Verhaegen. Dans tout le cours de la discussion, plusieurs honorables membres ont fait des observations sur les abus résultant de la fixation des traitements et de la faculté d’accorder des traitements supplémentaires aussi élevés que ces traitements eux-mêmes. Si on proposait dès aujourd’hui de réduire les traitements fixes et de ne plus donner de traitements variables, je n’appuierais pas la proposition. Mais que demande l’honorable M. Verhaegen ? Que d’ici au 1er janvier 1845 on établisse, pour tous les fonctionnaires et employés des travaux publics, des traitements fixes. D’ici là, M. le ministre a le temps de procéder à cette organisation.
Si vous parcourez le rapport, vous pourrez voir que les traitements fixes sont presque doublés au moyen des traitements variables .Ainsi, un conducteur a 2,400 fr. de traitement fixe et en indemnités 1,800 fr. Si cet employé est assez payé avec 2,400 fr., pourquoi lui donner 1,800 fr. d’indemnité. Si ce n’est pas assez de 2,400 fr., donnez-lui 3,000 fr. et supprimez le traitement variable. Pour l’employé, il vaut mieux savoir à quoi s’en tenir que de compter sur une indemnité qui peut ne pas lui arriver. Pour les employés à petits traitements, tout est fixe, il n’y a pas de supplément de traitement ou d’indemnité, ce n’est qu’à ceux qui déjà jouissent de gros traitements qu’on accorde des indemnités ou des suppléments de traitement.
D’après l’amendement de M. Verhaegen, M. le ministre serait obligé de donner des traitements fixes à tous les employés et fonctionnaires des travaux publics et de supprimer les traitements variables. Je crois que nous pouvons l’adopter sans craindre de bouleverser l’administration, car le ministre a presque un an devant lui pour le mettre à exécution.
M. de Theux. - L’honorable M. Verhaegen propose de consacrer un principe à l’occasion du budget des travaux publics. Il me semble que sa proposition trouverait mieux sa place lors de la discussion de la loi de comptabilité. Il est à ma connaissance que dans une section cette question a été agitée. L’attention de la section centrale a été spécialement appelée sur ce point. Il me semble qu’une question de principe doit être discutée d’une manière générale, d’une manière spéciale, applicable à un budget qui n’a d’autre objet que de régler les dépenses de l’année et ne doit pas renfermer de disposition permanente. C’est dans une loi organique qu’une disposition semblable doit être consacrée d’une manière générale.
Au premier aperçu, on est tenté de se rallier en principe à l’opinion de l’honorable M. Verhaegen, car il y a beaucoup d’inconvénients à accorder des suppléments de traitement et des indemnités , cependant il serait dangereux de se prononcer sans une discussion approfondie sur une question de cette importance ; car on serait conduit peut-être, si le principe était admis d’une manière absolue, à voir exagérer les traitements d’une manière permanente, pour tenir lieu de l’indemnité à laquelle les fonctionnaires et employés pourraient avoir droit. En général, je ne suis pas partisan des suppléments de traitements et des indemnités, cependant je ne suis pas assez préparé sut la question pour me prononcer, dès à présent, contre tout supplément de traitement, contre toute indemnité.
Je désire que l’honorable membre veuille bien ajourner sa proposition jusque la discussion de la loi de comptabilité où elle trouverait sa place toute naturelle.
M. de Garcia. - Le fond aussi bien que la portée de l’amendement de l’honorable M. Verhaegen est digne de fixer l’attention de la chambre ; il se rattache à un grand nombre d’observations qui ont été présentées dans le cours des discussions des différents budgets, à la pensée émise par différents membres de cette chambre, que l’on devrait régler par une loi les traitements des fonctionnaires de toutes les administrations. A la vérité cette dernière prétention a été combattue par des considérations qui ont jusqu’à un certain point démontré l’impossibilité de son application. L’amendement de M. Verhaegen ne va pas aussi loin, mais il arrive à peu près au même résultat, car il obligera le gouvernement à fixer par un arrêté général le traitement de tous les fonctionnaires de l’Etat. Il est urgent, il est de la plus haute utilité, de mettre fin à un ordre de chose qui donne lieu à des abus et de remplir la lacune qui existe, à cet égard, dans notre législation. La proposition de M. Verhaegen, formulée en loi générale, atteindra un but doublement avantageux ; outre les abus qu’elle tend à prévenir, elle conduira à établir un accord plus parfait dans le traitement des fonctionnaires de toute espèce.
Elle fera disparaître, j’espère, les différences inexplicables des traitements alloués à des fonctionnaires remplissant des fonctions qui, tant sous le rapport du travail que sous celui de l’instruction, doivent être mises sur la même ligne. Souvent il est impossible de dire pourquoi ils n’ont pas le même traitement. Je félicite donc l’honorable M. Verhaegen d’avoir proposé son amendement.
La seule question à examiner, selon moi, est celle de l’opportunité, comme l’a bien fait observer l’honorable M. de Theux. Or, pouvons-nous appliquer la règle proposée uniquement au département des travaux publics et ne pas l’appliquer aux autres départements ? Les fonctionnaires de ce département doivent-ils être mis dans une position exceptionnelle ? Je ne le pense pas. Je serais assez disposé à adopter la proposition si elle était généralisée, si elle faisait l’objet d’une loi spéciale ou d’une disposition de la loi sur la comptabilité, mais quand il s’agit de la restreindre au département des travaux publics, je ne puis lui donner mon assentiment.
Je désire donc que M. Verhaegen fasse de son amendement l’objet d’une loi spéciale ou d’une disposition additionnelle de la loi de comptabilité ; alors, je n’hésite pas à dire que je croirai devoir l’adopter, Mais si la mesure ne devait être appliquée qu’à l’administration des travaux publics, l’adopter serait admettre un principe boiteux, une disposition injuste ; il faut qu’elle s’applique à tous les départements.
On a dit que le département de la justice ne présentait pas les inconvénients qu’on avait signalés dans ceux des finances et de travaux publics ; c’est une erreur car il y a des employés de l’administration centrale qui n’ont pas seulement un traitement fixe, mais qui jouissent encore d’indemnités. Je voudrais donc que la mesure fût appliquée à tous les départements sans distinction.
M. Verhaegen. - Le but que j’ai voulu atteindre est atteint en ce moment : je voulais d’abord faire ma proposition lors de la discussion du budget des finances, mais je l’avais ajournée dans l’espoir de trouver l’occasion de la généraliser. Cette occasion ne s’étant pas offerte, force m’a été de saisir la chambre de la question spéciale au sujet du budget des travaux publics. La discussion qui vient d’avoir lieu m’a prouvé qu’une proposition générale par projet séparé aurait des chances de succès. Je me rends donc aux désirs qui ont été manifestés sur presque tous les bancs, et profitant des lumières qui ont surgi au sein de l’assemblée, j’aurai l’honneur de présenter incessamment un projet de loi concernant les traitements des fonctionnaires dans toutes les administrations.
M. le président. - La disposition additionnelle étant retirée, nous passons à l’art. 2.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
M. le président. - Comme il n’y a pas eu d’amendement, il est procédé au vote par appel nominal. En voici le résultat :
71 membres sont présents.
2 membres (MM. Eloy de Burdinne et Castiau) s’abstiennent.
69 prennent part au vote, et se prononcent pour l’adoption.
La chambre adopte.
On voté pour l’adoption : MM. de Muelenaere, Deprey, de Renesse, de Roo, de Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart, Scheyven, Sigart, Thyrion, Troye, Vanden Eynde, Vandensteen, d’Anethan, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, Brabant, Cogels, Coghen, Coppieters, David, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de La Coste, Delehaye, Delfosse et de Meester.
M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu, parce que, s’il est beaucoup de dépenses dans ce budget que j’approuve, il en est beaucoup aussi que je ne puis approuver, et parce que je ne pourrai jamais donner mon assentiment au budget des travaux publics, tant que le chemin de fer ne couvrira pas ses dépenses.
M. Castiau. - Je me suis abstenu, parce que l’état de ma santé ne m’a pas permis d’assister à la partie la plus importante de la discussion.
M. le président. - L’article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Sont ouverts au département des travaux publics, les crédits supplémentaires ci-après mentionnés, savoir :
« Exercice 1840 et années antérieures.
« Pour le paiement de diverses créances, arriérés : fr. 11,873 14
« Exercice 1841.
« Chap. IlI, art. 1er. (Chemin de fer. Entretien) : fr. 11,581 15
« Chap. IlI, art. 3. (Idem. Dépense de perception) : fr. 116,413 31
« Chap. VIII, article unique. (Dépenses imprévues) : fr. 69 25
« Exercice 1842.
« Chapitre II, art. 3. (Canaux et rivières) : fr. 9,612 39
« Chapitre II, art. 5. (Service de l’Escaut) : fr. 8,174 72
« Chapitre II, art. 15. (Ports et côtes) : fr. 2,179 75
« Chapitre II, art. 19. (Personnel des ponts et chaussées) : fr. 1,925 42
« Chapitre III, section 1ère. (Chemin de fer) : fr. 260,327
« Exercice 1843.
« Chapitre II, art. 3. (Canaux et rivières) : Pour indemnité à accorder au sieur Delbrouck du chef de travaux exécutés en 1836, à l’écluse de Hocht du canal de Maestricht à Bois-le-Duc : fr. 10,000 00
« Chap. Il, art. 6. (Service de la Lys) : fr. 38,825 89
« Chapitre II, art. 19. (Bâtiments civils) : fr. 40,000
« Total : fr. 510,985 10 »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi, qui est adopté à l’unanimité des 70 membres présents.
MM. de Muelenaere, Deprey, de Renesse, de Roo, de Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Peeters, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart, Scheyven, Sigart, Thyrion, Troye, Vanden Eynde, Vandensteen, d’Anethan, Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, Castiau, Cogels, Coghen, Coppieters, David, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de La Coste, Delehaye, Delfosse et de Meester.
La séance est levée à 4 heures 1/2.