(Moniteur belge n°53, du 22 février 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
Entre l’appel et le réappel, il est procédé au tirage au sort des sections du mois de février.
M. Dedecker lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
Le collège des bourgmestre et échevins de Heusy demande la prompte exécution de la route projetée de Verviers à Fraucorchamps par Heusy. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget du département des travaux publics.
« Des fabricants de tabacs de Hasselt adressent des observations contre le projet de loi sur les tabacs. »
« Mêmes observations de plusieurs ouvriers de la même ville et des fabricants de tabacs de la province de Luxembourg et des habitants de Bruxelles, Audenaerde, Thielt et Roux. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi.
« Des propriétaires et cultivateurs des communes de Clermont et Engis (Liége) adressent des observations contre le projet de loi sur les céréales. »
« Mêmes observations des membres du conseil communal d’Eben, Emael, des habitants de Grand-Spauwen, Membruggen. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi.
« La dame veuve Neirinckx, maîtresse de poste à Hal, prie la chambre de s’occuper du projet de loi sur les postes aux chevaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
Messages du sénat faisant connaître l’adoption de 24 projets de loi de naturalisation.
- Pris pour notification.
M. de Sécus informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à la séance.
- Pris pour information.
M. le président. - M. de La Coste a également écrit à la chambre qu’il se trouve momentanément dans l’impossibilité d’assister à ses séances. La lettre est parvenue au bureau lundi dernier, mais il n’a pu en être donné communication, la chambre ne se trouvant pas en nombre.
- Pris pour notification.
M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la chambre n’ayant pas été en nombre lundi, le Moniteur a publié les noms des membres présents et ceux des membres absents par congé. Je ne me trouve pas au nombre de ces derniers, cependant la chambre se rappellera qu’elle avait bien voulu m’accorder un congé.
M. Thyrion. - J’ai été mis dans le Moniteur parmi les absents ; cependant j’étais présent lundi ; j’ai répondu à l’appel nominal ; j’ai signé la feuille de présence, et je n’ai quitté la salle que lorsqu’il a été reconnu qu’il ne pouvait y avoir séance.
M. le président. - Le il publiera ces deux rectifications.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000 »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 143,650 »
M. le président. - La section centrale propose de transférer à cet article, une somme de 51,800 fr. et de réduire, par contre, d’un même chiffre, les art. 1 et 23 du chap. Il et l’art. 6 du chap. IlI, ce qui porterait à 143,650 fr. le chiffre de l’art. 2 du chap. I.
- Le chiffre de 143,650 fr. est adopté.
« Art. 3. Fournitures de bureau, impressions, achat et réparations de meubles, chauffage, éclairage et menues dépenses : fr. 31.600 »
« Art. 4. Ameublement de l’hôtel du ministère : fr. 9,000 »
« Art. 5. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et employés de l’administration centrale : fr. 8,000 »
- Ces trois articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 1er. Litt. A. Entretien des routes d’après les baux existants et ceux à intervenir pour 1844 : fr. 1,705,506.
« Litt. B. Salaires préposés des ponts à bascule : fr. 29,820.
« Litt. C. Etude de projets, frais de levée de plans, achat et réparations d’instruments, matériel et impression du service actif : fr. 20,000.
« Litt. D. Travaux d’amélioration, réparations ordinaires et construction de routes nouvelles : fr. 944,074 »
M. le président. - Le chiffre de 2,700,000 fr. se réduit à la somme de 2,697,400 fr., par suite du transfert d’une somme de 2,600 fr. à l’art. 2 du chapitre Ier.
M. Lange. - Messieurs, je l’ai déjà dit, lorsqu’à l’occasion du budget des voies et moyens, il s’est agi de la reprise par l’Etat de l’administration du canal de Mons à Condé, j’aurais désiré que cette reprise coïncidât avec la classification des routes. La chambre en ayant décidé autrement, je dirai que cette classification ne peut plus se faire attendre. Le gouvernement ne doit pas oublier qu’un des premiers décrets du congrès national fut le décret du 6 mars 1831. Ce décret fit revivre, quant aux routes pavées et empierrées, la disposition de l’art. 225 de la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas de 1815, disposition qui avait été foulée aux pieds par une loi postérieure du 27 décembre 1822. L’art 22 de cette loi avait confondu tous les produits, pour les engloutir dans l’abîme appelé alors syndicat d’amortissement.
Au nombre des dispositions du décret du congrès national que je viens de citer, nous remarquons celle-ci :
« Une loi déterminera définitivement la classification des routes. »
Une loi postérieure du 13 mars 1833, comme le décret du congrès national, faisait au gouvernement une obligation expresse de présenter aux chambres un projet de loi à cet égard. Douze ans et plus se sont écoulés depuis que le congrès national a porté le décret que je viens de citer, et aucun projet de loi ne nous est soumis.
J’appelle, en conséquence l’attention sérieuse de M. le ministre des travaux publics sur cet objet important.
M. de Renesse. - Messieurs, depuis 1841, le crédit affecté pour les constructions de routes a suivi une progression tellement décroissante, qu’au budget de cette année M. le ministre des travaux publics ne pourra guère disposer que d’une somme de 730,000 fr. pour les travaux d’amélioration et pour les constructions nouvelles, et sur ce chiffre, seulement 250,00 francs seraient libres de tout engagement, puisqu’il résulte du tableau annexé au rapport de la section centrale que les engagements déjà pris et sanctionnés par des dispositions royales, s’élèvent à la somme totale de 1,520,500 francs. Ce crédit mis à la disposition du département des travaux publics, pour construction de routes nouvelles, est évidemment trop minime pour satisfaire aux nombreuses demandes adressées au gouvernement par les conseils provinciaux et surtout par les localités qui, jusqu’ici, ont été peu favorisées par des travaux publics, qui ne retirent, d’ailleurs aucun avantage du chemin de fer, mais, au contraire, éprouvent des pertes assez notables, par l’établissement de cette voie ferrée, qui les laisse actuellement dans un complet isolement. Si, depuis 1830, l’Etat a dépensé près de 17 millions de francs à la construction de routes nouvelles, il reste, sous ce rapport, encore beaucoup à faire ; il y aurait injustice d’ajourner indéfiniment les justes demandes de certaines parties de provinces qui, jusqu’ici, n’ont obtenu que peu de subsides sur les fonds de l’Etat pour des constructions d’utilité publique.
Il me semble que le gouvernement devrait rechercher d’autres ressources, afin d’augmenter l’allocation annuelle pour les travaux des routes ; il est d’ailleurs de l’intérêt général et le commerce réclame impérieusement l’amélioration de nos moyens de communication dans toutes les parties du royaume ; il y aurait vraiment un privilège pour certaines parties du pays, comblées de faveurs depuis 1830, sous le rapport des travaux publics, si d’autres localités, manquant de relations faciles, ne pouvaient, à leur tour, obtenir une juste part dans les subsides du budget, soit pour améliorer leur position matérielle ou les relier, par de bonnes routes, à d’autres provinces et au chemin de fer.
D’après les observations fournies aux développements du budget de 1843, les besoins pour constructions de routes sont encore assez considérables, puisque, pour couvrir les dépenses qui résulteront de l’exécution des communications déjà décrétées (celles du Luxembourg non comprises), il faudrait environ une somme de 5 millions de francs ; ce chiffre ne pouvait être atteint par les ressources ordinaires toujours décroissantes, qu’en 12 à 15 années ; certes, si beaucoup de localités devaient attendre un terme aussi long pour l’exécution des routes qu’elles réclament vivement, leur position matérielle continuerait à s’empirer, et l’impulsion donnée jusqu’ici au développement de nos voies de communication par terre ne pourra se maintenir, à moins que l’on ne se décide à créer des ressources nouvelles.
Je crois qu’il est opportun de soulever cette question, au moment surtout où les grands travaux du chemin de fer vont cesser, où il y a réellement nécessité de donner de l’occupation à la nombreuse classe ouvrière qui, sans la continuation de certains travaux de canalisation et de construction de routes, se trouverait dans la plus profonde misère. Après que des travaux aussi immenses que ceux du chemin de fer ont été exécutés, il y a impossibilité de réduire entièrement les travaux publics ; l’on ne peut laisser les ouvriers désœuvrés.
Le gouvernement devrait rechercher les moyens nécessaires pour maintenir et continuer l’impulsion qui a été donnée aux constructions de routes, soit en y appliquant une partie des fonds à provenir de la vente des domaines, décrétée par la loi du 3 février 1843, ou en créant d’autres ressources, spécialement affectés aux travaux publics. D’ailleurs, par l’établissement de ces routes, les revenus de l’Etat s’accroissent chaque année, non seulement pour les nouvelles relations commerciales qui se forment avec des localités, jusqu’ici privées de communications faciles, mais encore par l’amélioration des intérêts agricoles, par la plus forte augmentation de la valeur des terres, et par les constructions de nouvelles habitations s’établissant partout où des routes sont exécutées.
J’ose donc appeler l’attention du gouvernement, et particulièrement celle de M. le ministre des travaux publics, sur la nécessité de créer de nouveaux moyens pour continuer l’amélioration de nos communications par terre, et surtout dans les localités qui en sont privées, qui depuis 1830 n’ont pas été avantagées par des constructions de routes ou par le chemin de fer ; sous ce rapport, le district de Tongres, que j’ai l’honneur de représenter, peut réclamer avec quelque droit une plus large part dans les subsides à accorder dorénavant par le gouvernement ; car jusqu’ici il n’a pas été trop favorisé par MM. les ministres des travaux publics qui se sont succédé ; aussi j’ose espérer que M. le ministre actuel de ce département voudra prendre en sérieuse considération les justes demandes et les besoins d’un arrondissement, sacrifié à l’intérêt général par le traité de 1839, qui lui a enlevé une forte partie de son territoire ; il a, par conséquent, des droits incontestables à la sollicitude des chambres et du gouvernement ; il mérite d’obtenir les subsides nécessaires pour l’amélioration de ses moyens de communication et ainsi réparer en partie les pertes notables qu’il n’a cessé d’éprouver depuis 1839, où toutes ses relations commerciales et journalières avec la partie cédée du Limbourg ont été violemment brisées, où, en outre, depuis 1830, a dû cesser un commerce considérable de transit, se dirigeant d’une grande partie de la Belgique, par Tongres, vers l’Allemagne ; c’était alors la route la plus direct et la plus fréquentée ; il y avait plus de 20 diligences qui arrivaient et s’arrêtaient chaque jour dans cette ville, tandis que maintenant, depuis la perte de ce grand passage vers Aix-la-Chapelle, et surtout par l’établissement du chemin de fer vers Liége, Tongres se trouve dans l’isolement le plus complet ; il n’y a plus que 2 à 3 diligences qui s’y arrêtent. J’espère ne plus devoir inutilement plaider la cause si juste d’une parte de la province de Limbourg, qui semble depuis un certain temps ne plus être connu de l’administration des travaux publics ; cependant depuis 1839 des routes sont plus vivement réclamées, soit pour lui donner des communications avec le chemin le fer pour la relier à d’autres provinces, notamment au district de Verviers de la province de Liége, et compenser, par de mutuelles relations commerciales à y établir, les pertes considérables que ce district éprouve par le morcellement d’une forte partie de son territoire et la perte d’une partie notable de sa population. J’ai dit.
M. Rodenbach. - Messieurs, le rapport de la section centrale contient le tableau les engagements pris par le gouvernement pour construction de routes. Je vois figurer dans ce tableau une route de Dixmude à Roulers. Il est question de construire cette route au printemps prochain. J’inviterai M. le ministre des travaux publics à la faire adjuger le plus tôt possible. Les baux sont faits depuis plusieurs années. Il importe qu’on se mette à l’œuvre de bonne heure, car c’est un pays marécageux.
Je dirai encore un mot relativement à une route entre Roulers et Iseghem.
Cette route pavée rapporte an gouvernement 7 p. c. C’est la route la plus fréquentée de la Flandre occidentale Les communes de Roulers et d’Iseghem ont fait les plus grands sacrifices pour avoir ce pavé ; mais ce pavé n’a que trois mètres, et il arrive parfois des malheurs. On devrait en porter la largeur au moins à 4 mètres.
Les prédécesseurs de M. le ministre des travaux publics, et particulièrement M. Nothomb, ont sur les lieux reconnu l’insuffisance de la largeur actuelle du pavé : je prierai donc M. le ministre des travaux publics de prendre mon observation en sérieuse considération, les 1100 lieues de pavé que nous avons en Belgique ne rapportant pas suffisamment pour pourvoir aux réparations de ces routes et il me semble qu’une route, qui rapporte 7 p.c. au gouvernement, peut bien avoir quatre mètres.
M. de Naeyer. - Messieurs, je viens appuyer les observations qui ont été présentées par la section centrale, en ce qui concerne la nécessité de créer de nouvelles ressources destinées à la construction de route qui sont encore réclamées par les besoins de notre commerce et de notre industrie. Ainsi qu’on l’a fait observer dans la discussion générale, des ressources assez importantes pourraient être réalisées par la vente d’une partie, jusqu’ici improductive, de nos domaines. Mais je pense, en outre, avec d’honorables membres, qu’il conviendrait de faire un appel au concours de l’industrie privée par la garantie d’un minimum d’intérêt.
Il est incontestable que ce système produit de grands et beaux résultats dans d’autres pays. Pourquoi n’en ferions-nous pas au moins l’essai en Belgique ? Sans doute des abus sont possibles, si l’on encourageait de cette manière toute sorte d’entreprises, évidemment, on causerait la ruine de nos finances. Mais on peut abuser des meilleures choses. Tout dépend de la manière dont le principe de la garantie d’un minimum d’intérêt recevrait son application. Je voudrais donc qu’on agît avec la plus grande prudence et avec toute la circonspection possible ; qu’on épuisât tous les moyens de contrôle, pour s’assurer si les projets pour lesquels on réclame la garantie du gouvernement reposent sur des bases solides, c’est-à-dire, sur des évaluations calculées avec sagesse et modération.
D’ailleurs, la garantie du gouvernement ne pourrait jamais être définitivement engagée qu’après l’entière exécution des travaux, A ces conditions, il me paraît que les dangers qui effraient certaines personnes, ne seraient plus à craindre, et il me semble que la possibilité d’abus contre lesquels il y a moyen de se garantir ne doit pas nous faire repousser plus longtemps un système dont l’utilité est démontrée, non par des théories, mais par l’expérience des stations voisines.
Dans tous les cas, le gouvernement manquerait à l’un de ses premiers devoirs, et il commettrait une criante injustice, s’il restait les bras croisés, en présence des besoins nombreux et pressants qui se font sentir peur la construction de nouvelles routes.
Sans doute, depuis 1830, nous avons exécuté des travaux d’utilité publique dont nous devons être fiers ; nous avons tous le droit de nous glorifier de notre chemin de fer, le plus beau qui existe sur le continent. Je dis que nous avons tous le droit de nous en glorifier, parce que toutes les parties de la Belgique ont contribué à l’exécution de cette magnifique et coûteuse entreprise ; mais toutes malheureusement n’en ont pas tiré le même avantage. Il est même vrai de dire que certaines contrées se trouvant aujourd’hui, en ce qui concerne les moyens et les facilités de transport, dans une position moins favorable qu’avant la construction des chemins de fer, et sous ce rapport, l’arrondissement qui m’a fait l’honneur de m’envoyer dans cette enceinte a le triste privilège de pouvoir figurer en première ligne. Avant la construction du chemin de fer, Alost était, sans contredit, un des principaux centres de relations commerciales entre les provinces flamandes et les autres parties du royaume. Noire ville était traversée journellement par 40 ou 50 voitures destinées au transport des marchandises et des voyageurs.
Notre marché était un marché de première classe pour la vente des toiles, des céréales et des huiles ; ce mouvement commercial dont notre chef-lieu était le centre, exerçait la plus heureuse influence sur la prospérité de toutes les parties de l’arrondissement d’Alost ; mais malheureusement le chemin de fer est venu nous dépouiller, pour ainsi dire, de tous ces avantages. Notre marché a considérablement diminué ; déjà nous avons entièrement perdu le marché d’huiles. Les nombreux moyens de transports que possédait alors l’arrondissement d’Alost, sont presque entièrement anéantis ; enfin la construction du chemin de fer a eu pour résultat d’entraîner la ruine de la plus grande partie de nos relations commerciales et de nous isoler en quelque sorte du reste de la Belgique.
La dépense à laquelle le chemin de fer a donné lieu jusqu’ici, s’élève à 160 millions, et comme notre seul arrondissement paie annuellement plus, en fait d’impôts, que certaines provinces, il en résulte que nous avons contribué largement et que nous contribuerons encore longtemps pour une forte part dans ces énormes dépenses.
Sans doute, il est assez pénible, il est même déplorable d’avoir supporter des sacrifices aussi considérables pour la construction d’un ouvrage qui, loin de favoriser nos intérêts, a porté un coup mortel à nos industries et à notre commerce. Plusieurs honorables membres se sont plaints de ce qu’on ne fait pas assez pour améliorer la situation de quelques contrées de la Belgique, ils se sont plaints des retards apporté à la construction de canaux pour fertiliser des bruyères et des landes incultes ; à les entendre, le gouvernement ne saisit pas avec assez d’empressement l’occasion d’enrichir la Belgique de nouvelles provinces et de rendre imposables au profit du trésor des terrains restés jusqu’ici improductifs. Ces réclamations ont trouvé un appui dans cette chambre.
Moi aussi, messieurs, je serai toujours disposé à donner mon appui à des mesures destinées à fertiliser nos contrées incultes ; car, en donnant de la prospérité à ces contrées, je travaillerai à augmenter la prospérité nationale. Mais parce que nous avons fertilisé nos champs par nos propres efforts, parce que, à force de sacrifices, nous les avons rendus productifs au profit du trésor public, est-ce une raison pour ne rien faire en notre faveur, pour nous enlever, sans compensation, nos moyens de communication, nos relations de commerce, nos éléments de prospérité ? Personne n’approuve plus que moi l’idée d’enrichir la Belgique de nouvelles provinces ; mais avant de chercher à nous enrichir de nouvelles provinces, je crois que nous devons nous attacher à conserver les provinces que nous avons le bonheur de posséder, à veiller à ce que les contrées prospères ne deviennent pas stériles, par suite d’une injuste répartition des travaux d’utilité publique.
Les chemins de fer nous ont fait beaucoup de mal, nous ont fait un tort immense. Cependant, ne croyez pas, messieurs, que je veuille protester contre cette grande œuvre nationale ; je mets les intérêts de la Belgique avant tout, et jamais un intérêt de localité ne me fera pas méconnaître ce qui peut faire la gloire et la prospérité de mon pays. Je sais que les intérêts de localité doivent fléchir en présence de l’intérêt général. Mais je sais aussi que le gouvernement, que le pays ont un grand devoir à remplir, qu’une répartition, qu’une indemnité est due à ces localités auxquelles on a imposé des sacrifices, qu’on a dépossédées dans l’intérêt général. C’est cette répartition, cette indemnité que je viens réclamer en faveur de l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter.
Nous ne demandons pas que notre territoire soit couvert de chemins de fer, nous demandons tout bonnement que le gouvernement veuille bien venir à notre secours, veuille bien nous aider dans les efforts que non faisons pour rétablir des relations de commerce si utiles à notre arrondissement, rompues, en partie anéanties, par la construction du chemin de fer. Nous demandons que le gouvernement vienne à notre secours quand nous épuisons toutes ressources pour construire quelques routes qui nous rattachent au vaste réseau du chemin de fer. Sous ce rapport, il nous reste beaucoup à faire.
Je ne veux pas faire l’énumération de tous les travaux conçus dont l’utilité est incontestable, mais je ne puis m’empêcher d’appeler la sérieuse attention du gouvernement sur une route commencée, il y cinq ou six ans, de Ninove à Enghien, qui doit établir une communication directe entre le Hainaut et la Flandre orientale et est destinée à mettre notre arrondissement en relation avec le chemin de fer du Midi, qui est aujourd’hui pour elle comme s’il n’existait pas. Cette route, dont la construction a été décrétée par un arrêté royal du mois d’avril 1838, est composée de trois sections : la première dans la Flandre orientale, la seconde dans la province de Brabant et la troisième dans la province du Hainaut.
La section de la province de la Flandre orientale est achevée et livrée à la circulation depuis trois ans. Les communes et la province de la Flandre orientale ont dépensé 250 mille fr. pour cela, et aucun subside ne leur a été accordé par le gouvernement. Malheureusement rien n’est fait jusqu’ici pour les deux autres sections ; cependant les provinces du Hainaut et du Brabant sont disposées à accorder des subsides, plusieurs communes du Brabant offrent de contribuer à la dépense pour une forte part, et la province de la Flandre orientale offre de céder gratuitement la section qu’elle a construite à ses frais, à condition que les autres sections s’achèveront dans un bref délai.
Voila des propositions qui, ce me semble, méritaient bien d’attirer l’attention du gouvernement. Aussi nous avons pensé que le gouvernement aurait saisi cette occasion pour faire quelque chose en faveur de notre arrondissement si maltraité dans la répartition des travaux faits jusqu’ici. Nous avons été trompés dans nos prévisions. Cependant les sacrifices que nous avons faits et que d’autres localités sont encore disposées à s’imposer pour obtenir l’achèvement de cette route, sont aussi considérables que ceux qui ont déterminé le gouvernement à se charger de la construction de plusieurs routes d’un intérêt purement provincial.
Les barrières à établir sur la route de Ninove à Enghien rapporteraient au moins quatre à cinq mille francs chacune, et il est positif qu’il est plusieurs routes construites par le gouvernement dont chaque barrière ne rapporte pas deux mille francs.
Enfin, il s’agit ici d’une route affluant au chemin de fer ; il s’agit d’une route qui doit développer nos relations commerciales avec deux provinces, le Hainaut et le Brabant, il s’agit d’une route qui doit combler la seule lacune restant encore sur une belle ligne de communication qui s’étendrait de la frontière hollandaise jusqu’à la frontière française. Comment se fait-il donc qu’un tel ouvrage reste inachevé ? Quant il s’agit de travaux publics qui sont de nature à porter préjudice à notre industrie, tout marche avec une rapidité extraordinaire ; c’est ce qui est arrivé pour le chemin de fer de Malines à Gand. Mais pour une route de deux à trois lieues d’étendue qui pourrait nous accorder un faible dédommagement aux pertes que nous faisons depuis quatre à cinq années, aux sacrifices que nous nous imposons, quatre et cinq années ne suffisent pas. Vainement nous épuisons, pour ainsi dire, toutes nos ressources, on nous laisse faire quand il s’agit de dépenser notre argent, mais quand il s’agit de nous aider en achevant ce que nous avons commencé, on ajourne sans cesse ; on dirait que nous n’appartenons pas à la Belgique.
Je voudrais que les hommes qui sont au pouvoir se rappelassent tous avec une égale sollicitude qu’il existe une partie du territoire qu’on appelle le pays d’Alost. Le ministre des finances le sait bien quand il est question de faire exécuter les lois d’impôt, nous ne nous plaignons pas de la sollicitude du ministre des finances, mais nous nous recommandons aussi à la sollicitude ou plutôt à la justice de M. le ministre des travaux publics ; son collègue des finances pourra lui dire que nous payons assez bien, que nous avons contribué largement à faire ces énormes sommes dépensées pour exécuter des travaux publics qui ont eu pour nous des conséquences si funestes.
J’espère que M. le ministre se convaincra que le temps est venu de nous rendre justice et de faire quelque chose pour réparer le tort immense qu’on nous a fait éprouver.
M. Vanden Eynde. - Messieurs, lors de la discussion générale du budget des travaux publics, deux honorables membres du district de Turnhout ont appelé l’attention du gouvernement sur de nouvelles voies de communication à construire dans la Campine.
Je suis loin de vouloir m’élever contre l’appel qu’ont fait ces honorables membres. Depuis quelques années la province d’Anvers a sacrifié de grandes sommes pour rendre ses bruyères à la culture et les mettre en communication avec les autres provinces du royaume. Mais je crois que le gouvernement n’a pas assez pris soin que l’intérêt général ne fût pas lésé par les travaux exécutés par la province d’Anvers. C’est ce qui me fait appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics sur la direction qui a été donnée aux différentes chaussées qu’on a construites. La province d’Anvers longe, dans une étendue de plus de onze lieues, la province de Brabant qui la sépare des provinces du Midi. Les chaussées construites par la province d’Anvers ont toutes reçu la direction de l’ouest à l’est, de manière à isoler la province d’Anvers du Brabant et de la province de Namur. Par les communications existant avant les constructions des nouvelles chaussées, le centre de la Campine était en rapport avec le centre du Brabant et de la province de Namur, d’où la Campine doit tirer la chaux dont elle a besoin pour ses engrais et ses constructions ainsi que ses pierres de taille, son charbon, et autres objets de nature analogue.
Aujourd’hui, par la construction des chaussées qui vont de l’ouest à l’est, le commerce du centre de la province d’Anvers se dirige vers Anvers et Malines ; cet état de choses cause un bouleversement complet dans les relations commerciales entre l’arrondissement de Louvain et le centre de la Campine. Pour rétablir l’équilibre, plusieurs communes de la province d’Anvers et de la province de Brabant ont demandé qu’on réunît les chaussées déjà construites dans la province d’Anvers avec celles de la province de Brabant, afin de rétablir les anciennes relations qui ont existé entre la Campine, le Brabant et la province de Namur. Aerschot et Hersselt ont demandé à cette fin qu’on reliât la route de Heyst-op-den-Berg vers Westerloo à celle de Diest vers Louvain par Aerschot.
La construction à faire, pour rétablir les anciennes relations commerciales, n’a qu’une étendue d’environ deux lieues Je demanderai à M. le ministre des travaux publics ce que le gouvernement a fait et ce qui a été décidé sur les requêtes des administrations communales des provinces d’Anvers et de Brabant, de la ville d’Aerschot et de la commune de Hersselt, et si le gouvernement est décidé à y faire droit.
Je demanderai aussi ce que le gouvernement est disposé à faire pour rétablir les relations commerciales entre l’arrondissement de Louvain et celui de Maeseyck. Le conseil provincial du Limbourg a décrété la construction d’une route de Maeseyck à la grande route de Hasselt à Bois-le-Duc. Si le gouvernement ne continue pas la chaussée de Beeringen vers la chaussée de Hasselt à Bois-le-Duc, il y aura, de nouveau, un bouleversement dans les relations commerciales entre le district de Maeseyck et l’arrondissement de Louvain.
Je demanderai donc au gouvernement s’il est disposé à continuer la route de Diest par Beringen, vers la chaussée d’Hasselt à Bois-le-Duc. J’attendrai la réponse que M. le ministre voudra bien me donner.
M. Lys. - Je remarque dans le tableau des engagements pris par le gouvernement pour la construction de routes, la « route de Dolhain à la forêt de Hertogenwald » avec celle note : « L’instruction du projet de cette route n’est pas complètement terminée ; mais il a également été promis que l’Etat accorderait un subside de 35,000 fr. pour aider à sa construction. »
Je ne comprends pas comment on peut dire que l’instruction de cette route n’est pas entièrement terminée, car depuis longtemps on s’en est occupé, et il s’agit d’une route de fort peu d’étendue, elle tend, en parlant de Dolhain, à se relier, au pont de Bethane, aux routes que l’administration des domaines a fait construire dans la forêt de Hertogenwald, appartenant à l’Etat ? Cette route je le répète, a très peu d’étendue, elle serait très utile à l’agriculture, et augmenterait considérablement la valeur des produits de la forêt d’Hertogenwald.
Tout le préliminaire à la construction de la route est au pouvoir de l’Etat.
Il y a entre les mains du gouvernement devis estimatifs, plans, descriptions du tracé et du profil longitudinal et transversal. Enfin, le gouvernement est en possession du rapport de la commission qui a fait l’enquête et a entendu toutes les communes intéressées. Il me semble donc que l’instruction doit être considérée comme complète ; de nouvelles études topographiques ne seront qu’un véritable récolement.
Mais une autre route dont il n’est pas parlé dans le détail des engagements pris par le gouvernement, est la route de Verviers, se dirigeant par la vallée de Mangonbroux vers Polleur et Sart, et avec embranchement sur Jalhay, tous les travaux préliminaires sont faits. Cependant le gouvernement ne dit pas un mot de cette route, pour laquelle il est en possession de toutes les pièces nécessaires. Il y a aussi pour cette route, plans, devis estimatif, rapport des commissions d’enquête, et avis de toutes les communes intéressées. Cette route serait extrêmement utile pour la ville de Verviers et pour les villages de Polleur, Sart, Jalhay et autres.
Ces villages se trouvent à peu près dans la même situation que la Campine. Il ne leur manque que des routes (il ne faut pas parler ici des canaux ; ce n’est pas le cas d’en construire) pour faire valoir leurs terres. La province et la ville de Verviers se sont engagées à fournir, pour cette route un subside, la première de 175,000 fr., la seconde de 20,000 fr. Il y a encore d’autres subsides particuliers. Je vois, d’après les détails qu’a donnés M. le ministre des travaux publics, qu’il n’y a aucun fonds disponible pour ces travaux. Mais ne pourrait-on pas, vu l’urgence, commencer les travaux et employer, pour 1844 et même jusqu’en 1845, les subsides de la province et de la ville de Verviers. D’ici jusqu’à ce que les fonds fussent dépensés, le gouvernement serait à même de fournir le supplément pour lequel il s’est engagé.
M. Huveners. - Messieurs, depuis 1830, diverses localités du district de Maeseyck n’ont cessé de réclamer une juste part dans les fonds alloués pour construction de routes nouvelles ; ce n’est que l’année dernière que le gouvernement a fait droit à leurs justes doléances. Une route a été décrétée, la route de Hechtel par Peer et Bree à Maeseyck. Je suis heureux et j’aime de témoigner au gouvernement toute ma reconnaissance pour cet acte de justice qu’il a posé en faveur du district de Maeseyck ; mais comme il ne suffit pas qu’une route soit décrétée, le principal est qu’elle soit exécutée. Je prends la liberté de recommander à la bienveillante sollicitude du gouvernement la prompte exécution de cette route, et j’ose espérer qu’elle n’aura pas le même sort que la route de Hasselt à la Meuse, laquelle, quoique décrétée depuis 1840, n’est encore achevée que sur une faible distance de deux lieues.
Je ferai remarquer à M. le ministre des travaux publics que la route de Hechtet à Maeseyck parcourt trois cantons, qu’elle lie deux chefs-lieux de canton encore totalement dépourvus de voies de communication au chef-lieu de l’arrondissement, qu’elle contribuera puissamment au défrichement de ses vastes bruyères, qu’elle satisfera aux plus pressants besoins du district ; enfin, que la justice distributive exige que cette partie du Limbourg jouisse bientôt des avantages d’une route, alors que presque toutes les autres parties de la province possèdent déjà des voies de communication.
La partie de Hechtel à Peer étant achevée, il est nécessaire, dans l’intérêt du trésor, qu’on commence à partir du canal de Bois-le-Duc, afin de profiter de la faculté du transport des pavés ; j’espère donc que l’on fera bientôt adjuger soit la partie de Bree à Peer, soit celle de Neeroeteren à Maeseyck ; la partie intermédiaire, on pourrait ne l’achever qu’après les parties que je viens d’indiquer ; mais quelle que soit la partie qui obtiendra la priorité, il est indispensable, me semble-t-il, que l’embranchement de Bree au canal soit construit le plus tôt possible ; cette partie, le plus souvent impraticable, est très fréquentée, non seulement par les cantons de Bree et de Peer, mais même par une partie du canton de Beeringen qui viennent chercher leur houille, leur chaux et autres matières pondéreuses au canal de Bois-le-Duc près Brée ; d’ailleurs, cet embranchement n’a qu’un développement de quatre à cinq cents mètres, il coûtera peu et il produira beaucoup, quelque faible que soit le droit de barrière à établir.
J’engage aussi le gouvernement à profiter de la première interruption ou de suspension de la navigation sur le canal de Bois-le-Duc pour construire le pont de Neeroeteren, on pourrait de cette manière supprimer le bac de passage et prévenir les malheurs auxquels l’importante commune de Neeroeteren est journellement exposée, à cause de la difficulté d’un pareil moyen de communication.
Je pourrais m’appuyer sur tout ce que le district de Maeseyck a souffert depuis la révolution ; je pourrais rappeler les malheurs et les pertes qui lui ont été imposés dans l’intérêt général ; ils sont tels que le gouvernement devrait saisir avec empressement toutes les occasions de lui être favorables ; je pourrais m’étendre sur ces besoins de communication, sur l’heureuse influence que la route en question exercera sur le défrichement des bruyères ; je pourrais invoquer l’opinion de ceux qui se sont occupés de la grande question de défrichement : tous, sans exception, mettent pour première condition la nécessité de voie de communication ; mais M. le ministre des travaux publics ayant été à la tête de l’administration du Luxembourg, qui, par ses malheurs et par bien d’autres rapports encore, ressemble tant au Limbourg, je crois pouvoir m’en dispenser. M. le ministre sait apprécier les malheurs qui sont la suite inévitable du fatal morcellement ; il connaît les besoins de communications et leurs influences bienfaisantes surtout dans les districts où une grande partie de terrains doit encore être livrées à la culture ; il sait que les communications sont la condition sine qua non de tout défrichement, il pourra se convaincre de l’état d’abandon dans lequel on a laissé le district de Maeseyck, et je ne doute nullement qu’il ne reconnaisse les droits du district de Maeseyck à la bienveillance du gouvernement.
Je termine et j’espère avec confiance que M. le ministre prendra ces observations en sérieuse considération ; le Luxembourg ayant obtenu un système complet de communications pendant que M. Dechamps y était gouverneur, il est impossible que le Limbourg soit oublié par l’honorable M. Dechamps, ministre.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer celles que vient de prononcer l’honorable M. Vanden Eynde : il vient de nous entretenir de la construction d’un petit bout de route d’Aerschot vers la Campine. J’ai remarqué, il y a peu de jours, au Moniteur, que les avant-projets de cette route, ordonnée par le gouvernement, tendant à mettre la ville d’Aerschot en communication avec celle de Westerloo, par la commune de Hersselt, étaient déposés dans les secrétariats des communes, afin que le public en prenne connaissance.
La ville d’Aerschot et la commine de Hersselt m’ont informé qu’elles se chargeraient à peu prés du tiers de la dépense évaluée à 115,000 fr. Je demande à M. le ministre s’il n’est pas disposé à mettre cette route en adjudication ; les sacrifices que ces communes s’imposent, prouvent son importance ; en effet, sans la construction d’une route de 8 kilomètres environ, l’arrondissement de Louvain et la ville d’Aerschot, surtout, se trouvent séparés de la Campine, dont les produits prennent une direction nouvelle depuis la construction de la route de Malines vers Westerloo.
Il est une autre route que je recommande à la sollicitude du gouvernement, c’est celle de Tirlemont à Aerschot ; là les fonds sont faits, il ne reste plus qu’à mettre les mains à l’œuvre, mais le génie militaire s’oppose à sa construction. Je vous avoue que je ne conçois pas les motifs de cette opposition, dans un pays sillonné de routes comme le nôtre. Je demanderai que le gouvernement examine sérieusement cette question, et ne persiste dans son opposition qu’après une étude approfondie.
M. Peeters. - Chaque année, lorsqu’on s’occupe du budget des travaux publics, tous les membres de la chambre viennent demander des routes et des communications. Je n’ajouterai rien à ce que j’ai eu l’honneur de dire à la discussion générale. J’engage seulement M. le ministre des travaux publics à examiner attentivement les besoins de chaque province, et surtout à ne pas perdre de vue les dépenses faites pour les chemins de fer, les canaux et les routes dans certaines localités ; l’année dernière, j’ai communiqué à la chambre un tableau de toutes les dépenses faites par province, tant pour les routes, canaux que chemins de fer, et ce tableau parle plus haut que tous les discours qu’on pourrait prononcer ; car il arrive souvent que ceux qui ont obtenu plus demandent le plus. J’engage donc M. le ministre à y faire une attention particulière et à baser la répartition des dépenses sur les besoins et sur ce qui a été obtenu ; le tableau fourni par M. le ministre sur l’emploi des fonds des routes (page 69 des développements nouveaux au budget des travaux publics), est encore très significatif.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Vous avez pu vous convaincre, à la lecture des développements à l’appui du budget, qu’après qu’on a tenu compte des engagements pris depuis plusieurs années à l’égard des routes décrétées, la répartition entre les provinces des fonds qui restent disponibles ne donne à chacune d’elles que 80,000 fr. pour construction de routes nouvelles.
Cependant si je devais satisfaire à toutes les demandes qui viennent d’être formulées au nom des intérêts de presque tous les arrondissements du royaume, si je devais répondre à ces exigences que je considère du reste comme légitimes, il est évident, messieurs, que je ne le pourrais pas, alors même que je doublerais le chiffre de crédit du budget. Or, les limites de ce budget ne me permettent pas de prodiguer des espérances que je ne pourrais pas complètement réaliser.
Vous savez, messieurs, que le fonds spécial des barrières a diminué successivement depuis quelques années, le mouvement des transports sur les routes parallèles au chemin de fer ayant nécessairement baissé. D’un autre côté, les dépenses pour l’entretien des routes augmentent annuellement à mesure que les routes nouvellement construites sont mises à l’état d’entretien.
Il en résulte que le fonds pour construction de routes nouvelles est réellement insuffisant.
Cependant je considère cette situation comme provisoire. Je pense pour moi, que le fonds des barrières se relèvera.
D’abord le mouvement qui diminue sur les routes parallèles au chemin de fer a une tendance à être transféré sur les routes transversales, perpendiculaires au chemin de fer.
Ainsi, déjà un fait frappant a été constaté cette année dans la réadjudication des barrières ; on craignait en général qu’une baisse très considérable se serait manifestée. Eh bien, la somme totale du produit des barrières n’a diminué que d’une manière assez faible. Le fonds a augmenté dans toutes les provinces, sauf dans la province du Brabant ; cela par une raison assez simple, c’est que le chemin de fer de la double ligne du Midi ayant été exécuté depuis peu de temps, son influence récente a fait abandonner les routes parallèles, et n’a pas permis au mouvement des transports de se reporter sur les routes transversales.
Ainsi, on peut espérer que ce qui s’est passé en Angleterre se reproduira en Belgique ; le mouvement général des transports subira une révolution, mais ne sera pas amoindri, en définitive, sur les routes ordinaires.
Dès les premiers jours de mon entrée au ministère, mon attention a été portée sur la question importante de trouver des ressources nouvelles pour la construction des routes, afin de répondre aux besoins constatés dans toutes les provinces. On vous l’a dit souvent dans cette discussion, à la construction des routes se rattache un immense intérêt, agricole et industriel.
Deux moyens se présentent pour augmenter le fonds de construction : d’une part, les ressources nouvelles à créer, et, d’autre part, les économies à introduire par le mode d’entretien. Ces économies, j’espère que le gouvernement pourra les obtenir, lors du renouvellement du bail d’entretien en 1845.
J’ai saisi depuis un certain temps de cette question le conseil des ponts et chaussées. Une enquête a eu lieu chez tous les ingénieurs en chef des provinces ; leurs rapports sont déjà parvenus. J’attends, dans un bref délai, le travail complet du conseil.
Au point où l’instruction est arrivée, je crois pouvoir dire à la chambre qu’à l’expiration du bail de 6 ans qui prend fin le 1er mai 1845, des économies pourront avoir lieu dans l’entretien des routes. L’avis presqu’unanime des ingénieurs en chef est qu’il serait avantageux pour le trésor public et pour le bon entretien des routes qu’un système de régie modéré fût adopté.
Ce système attribuerait, par exemple, aux entrepreneurs les approvisionnements des matériaux et à l’Etat le travail même.
Du reste, je ne veux pas attirer la discussion sur ce point. C’est une question ouverte et qui n’est pas assez instruite ; je ne fais maintenant que l’indiquer.
J’ai adressé aux ingénieurs des provinces une circulaire récente pour leur prescrire de suivre un mode qui a été adopté, en partie, dans la province de Luxembourg, et qui a produit d’heureux résultats : c’est de faire faire les études des routes comme avant-projets, dans plusieurs directions à la fois. On met ainsi les communes et les particuliers, pour ainsi dire, en concurrence, et on les amène à baisser des prétentions, il faut le dire, souvent exagérées. Il arrive souvent que, lorsque le tracé d’une route est définitif, les riverains intéressés dont les propriétés acquièrent par cette construction une plus-value considérable font monter leurs exigences d’après cette plus-value même, et se font ainsi payer par le gouvernement le bienfait que la route nouvelle leur accorde. Chaque fois donc qu’une route sera décrétée, il sera fait des études provisoires dans différentes directions, et j’ai pris pour système de ne décréter le tracé définitif qu’après avoir recueilli les demandes des propriétaires pour l’acquisition des terrains et les offres des communes pour les subsides à recueillir.
Messieurs, j’ai aussi soumis à l’examen du conseil des ponts et chaussées une question dont l’honorable M. de Theux nous a déjà entretenus : c’est de savoir si le principe qui a été appliqué depuis quelque temps au canal de la Campine et à celui de Zelzaete, le principe de la loi de la plus-value de 1807, renfermé dans certaines conditions à déterminer, ne pourrait être appliqué à la construction des routes, et si l’on ne pourrait ainsi associer à cette construction les propriétaires riverains et les communes intéressées.
Je sais, messieurs, que cette question renferme des difficultés ; ces difficultés vous ont été signalées dans la discussion du projet de loi sur le canal de la Campine ; mais je ne pense pas qu’elles soient insolubles. Ces difficultés, c’est d’arriver à une évaluation équitable et surtout à la formation de la commission d’évaluation. J’ai lieu d’espérer que le travail du conseil des ponts et chaussées sur cette question ne tardera pas à me parvenir.
J’arrive, messieurs, aux différentes observations spéciales qui vous ont été soumises par les orateurs qui ont pris part à la discussion dans la séance actuelle.
L’honorable M. Lange nous a parlé, comme il l’avait fait les années précédentes, de la nécessité pour le gouvernement de déterminer une bonne fois la classification des routes. L’honorable M. Lange sait pour quels motifs le gouvernement a dû ajourner, jusqu’ici, la confection de ce travail, ordonné déjà par le congrès national. Vous le savez tous, messieurs, le chemin de fer a changé complètement les bases de l’ancienne classification des routes.
D’après le système ancien, les routes de 1ère classe étaient celles qui se dirigeaient de la capitale vers les frontières et celles qui traversaient le pays dans toute son étendue, en touchant aux principales villes. Le chemin de fer a complètement changé cet ordre de choses. Les routes de première classe, devenues des routes parallèles au chemin de fer, n’ont plus qu’une importance accessoire. Les routes courant parallèlement au chemin de fer de Bruxelles à Anvers, de Bruxelles à Gand, de Bruxelles à Liége, sont précisément maintenant les routes abandonnées, les routes de second ordre, tandis que les routes qui, dans l’ancien système, figuraient a la 2ème et à la 3ème classe, et qui sont maintenant transversales et affluents au chemin de fer, sont transformées en routes de 1ère classe.
M. Lange. - Je demande la parole.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Ainsi, l’honorable M. Lange comprendra que jusqu’au moment où nous sommes arrivés, jusqu’au moment de l’achèvement du réseau du chemin de fer, il était impossible au gouvernement de déterminer la classification des routes. Mais je reconnais qu’aujourd’hui cette possibilité existe. Aussi j’ai mis ce travail à l’étude. J’ai demandé un projet complet sur la classification des routes, en prenant le réseau du chemin de fer comme base de cette classification. Cette question est aussi entourée de beaucoup de difficultés, et l’on comprendra que le travail que j’attends n’a pu être confectionné jusqu’ici.
Les honorables députés du Limbourg, l’honorable comte de Renesse et l’honorable M. Huveners ont bien voulu adresser au gouvernement des remerciements pour ce qu’il a fait depuis quelques années pour la province du Limbourg et, en effet, cette province figure, dans la répartition des fonds des emprunts et dans la répartition des fonds ordinaires, au troisième rang parmi celles qui ont été le mieux dotées. Mais il faut le dire, messieurs, la province du Limbourg et celle du Luxembourg étaient celles qui étaient le plus dépourvues de routes, et si elles figurent d’une manière heureuse dans la répartition des emprunts et des fonds ordinaires, ce n’est pas une faveur qu’on leur a accordée, c’est une justice qu’on leur a rendue.
Il n’en résulte cependant pas moins que plusieurs routes importantes sont maintenant en voie d’exécution dans le Limbourg : la route de St-Trond à Herck-la-Ville, celle de Hechtel à la Meuse par Peer et Brée, et celle de Hasselt à la Meuse par Genck et le pont de Lanklaar.
L’honorable comte de Renesse a appelé l’attention du gouvernement et sa sympathie sur la route de Tongres à Visé. Je suis le premier à reconnaître toute l’utilité commerciale, agricole et industrielle de cette route, particulièrement pour l’industrie spéciale circonscrite dans cette contrée, celle des chapeaux de paille. Des études avaient été faites ; mais ces études avaient été dirigées de manière à arriver à ce résultat que pour 2 lieues et demie de routes, la somme à dépenser s’élevait à 419,000 fr. Cette somme était considérable relativement à l’étendue même de la route. Afin cependant de pouvoir arriver à l’exécution d’un projet aussi utile, mon honorable prédécesseur avait ordonné à l’ingénieur de la province de s’enquérir s’il n’aurait pas été possible de trouver dans ces localités des pierrailles en quantité suffisante pour substituer à une route pavée une route empierrée, afin de rendre ainsi le coût moins considérable.
Le travail de cet ingénieur ne m’est pas encore parvenu, mais d’après d’autres renseignements qui m’avaient été donnés, j’ai ordonne aux deux ingénieurs des provinces de Liége et du Limbourg (car cette route traverse deux provinces) j’ai ordonné, dis-je, des études nouvelles qu’on m’avait déclarées être possibles, afin, par un nouveau tracé, d’amener une exécution moins coûteuse et plus facile. Le gouvernement attendra le travail de ces deux ingénieurs avant de se décider.
L’honorable M. Rodenbach m’a demandé à quoi en était la question relative à l’exécution de la route de Dixmude à Roulers, qui était pendante depuis tant d’années. Messieurs, la raison des longs retards qui ont été apportés à la décision à prendre, provient des discussions interminables et sérieuses qui ont existé entre les diverses localités sur la direction à donner à cette route. Les pièces ne me sont parvenues de la province que depuis très peu de temps. Je les ai soumises à l’examen du conseil avec demande d’un prompt rapport, de manière, comme je vous l’ai dit dans le travail du budget, que j’ai lieu de croire que la mise en adjudication de cette route pourra avoir lieu sans long délai et que les travaux pourront commencer dès le printemps prochain.
Messieurs, les honorables MM. Vanden Eynde et de Man d’Attenrode, ont entretenu la chambre de la route de Tirlemont par Winghe-St-Georges et Aerschot, se dirigeant vers la route de Heyst-op-den-Berg à Zammel.
Messieurs, cette route se divise en deux sections : la première de Tirlemont à Wingue-St-George, et la seconde de Winghe-St-Georges à Aerschot. L’honorable M. de Man vous a dit que pour cette dernière section, le génie militaire formait opposition. Ainsi, messieurs, cette question, il ne dépend pas maintenant du département des travaux publics de la résoudre ; elle est tout entière dans les mains du génie militaire.
Du reste, une commission mixte d’ingénieurs et d’officiers appartenant au génie militaire a été nommée, afin d’arriver à une solution sur la plupart des questions pendantes, dans la province d’Anvers surtout. L’exécution de plusieurs routes dans la province d’Anvers est ainsi tenue en réserve depuis plusieurs années, à cause de l’opposition du génie militaire, opposition sérieuse certainement, et dont le gouvernement doit tenir compte. Mais j’attends des résultats heureux des discussions qui ont lieu maintenant dans le sein de la commission dont je viens de parler.
Pour la première section de cette route, la province n’a pas encore fait connaître au gouvernement quelle était son intention. Messieurs, en général on perd trop de vue que l’action du gouvernement est subordonnée presque toujours à l’action des provinces. Le gouvernement, à cause des limites restreintes dans lesquelles il est renfermé pour la construction des routes, a besoin du concours des provinces, et ce concours il ne peut pas toujours l’obtenir au degré où il serait nécessaire pour satisfaire aux vœux exprimés par les honorables préopinants.
L’honorable M. de Naeyer s’est plaint de l’abandon dans lequel on laissait, sous le rapport de la construction de routes, la province de la Flandre orientale et spécialement l’arrondissement auquel il appartient. Messieurs, vous savez d’abord que les deux Flandres étaient les provinces les mieux pourvues de routes, et il faut convenir que ces deux provinces avaient moins de besoins que la plupart des autres provinces. Il ne faut donc pas s’étonner si les deux Flandres sont entrées pour une part moins grande dans la répartition des fonds des emprunts et des fonds ordinaires destinés à la construction de routes.
Une autre considération doit être invoquée pour expliquer la conduite du gouvernement à l’égard de la Flandre orientale ; c’est que le conseil provincial de cette province a pris, il y a quelques années, la détermination de ne s’occuper d’aucune route nouvelle avant d’avoir achevé la construction de six routes décrétées, et jugées les plus importantes.
Or, comme je viens de le dire tout à l’heure, l’action du gouvernement étant subordonnée à l’action des provinces, il en est résulté que la dernière de ces six routes ayant été achevée seulement en 1843, ce n’est qu’à partir de l’exercice prochain que le gouvernement pourra utiliser son bon vouloir à l’égard de la Flandre orientale.
L’honorable M.de Naeyer peut donc se convaincre que ce n’est pas par un motif de partialité quelconque que le gouvernement a prêté un concours restreint à la Flandre orientale dans la construction de routes, mais par suite des motifs que j’ai indiqués. Relativement à la route de Ninove à Enghien, l’honorable membre a reconnu que la section de cette route qui est construite sur le territoire de la Flandre est achevée ; l’achèvement des autres parties de la route dépend donc maintenant d’arrangements à prendre avec la province de Brabant et le Hainaut. Or, messieurs, dans les négociations avec ces deux provinces, le gouvernement rencontre des obstacles. Vous savez, messieurs, que le Brabant a beaucoup de peine à réaliser l’emprunt au sort duquel celui des routes à construire est attaché ; d’un autre côté, la province de Brabant a décidé la construction de 17 routes qu’elle a jugées les plus importantes, et jusqu’à présent l’administration provinciale refuse de participer à la construction d’autres routes.
Vous voyez donc, messieurs, qu’il ne dépend pas toujours du gouvernement d’avancer la construction ou l’achèvement des routes qui traversent plusieurs provinces à la fois ; les négociations que ces questions nécessitent, sont souvent longues et difficiles, lorsqu’elles ne sont pas de nature à ne pouvoir aboutir à aucune solution.
L’honorable M. Lys nous a parlé d’abord de la route de Dolhain vers la forêt d’Hertogenwald ; l’honorable membre sait que les études ont été faites par des ingénieurs, dans deux directions différentes, J’ai reçu récemment toutes les pièces et les dossiers complets ; une décision, s’il y a lieu, sera prise sous peu.
Sous le rapport de la direction à donner à la route de Verviers à Francorchamps, avec embranchement vers Jalhay, le rapport du conseil des ponts et chaussées, qui s’est occupé de ce travail ne m’est arrivé que samedi dernier, de sorte que je n’ai pas encore pu examiner suffisamment ce rapport pour me former une opinion définitive sur cette question. Cependant, je ne puis me dispenser de faire remarquer à l’honorable M. Lys que la province de Liége est comprise dans l’excédant présumé disponible pour l’exercice de 1843 , pour une somme de 128,000 fr.
Ainsi, l’honorable membre comprendra qu’il est très difficile au gouvernement, lorsqu’il n’a entre les mains, pour pouvoir aider les provinces dans la construction de routes, qu’une somme de 80,000 fr. pour chacune d’elles. L’honorable membre comprendra, dis-je, que dans cet état de choses, il est défendu au gouvernement de prendre des engagements positifs relativement à la route dont il s’agit.
M. Thyrion. - Messieurs, à la séance de vendredi dernier l’honorable M. d’Hoffschmidt, après avoir rappelé que les contestations qui avaient existé entre la société concessionnaire de Meuse et Moselle et le gouvernement, avaient été résolues à l’avantage de celui-ci par un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, demandait à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien faire connaître ses vues ultérieures au sujet de l’achèvement de cette voie navigable.
Je viens appuyer cette demande de notre honorable collègue, demande à laquelle M. le ministre n’a point encore répondu.
Le canal de Meuse et Moselle est un des ouvrages qui méritent le plus l’attention et la sollicitude du gouvernement.
Il n’est pas seulement utile à la province de Luxembourg, mais encore à la province de Liége et au pays tout entier
Son achèvement ne ferait pas seulement faire un grand pas à l’amélioration de l’agriculture dans des contrées où elle a toujours langui faute de voies de communication, mais elle servirait à un haut degré les intérêts de l’industrie et du commerce.
D’un autre côté, les travaux qui ont été abandonnés sans être achevés se détériorent tous les jours davantage et occasionnent, dans certaines localités, des dommages notables aux propriétés riveraines.
Il est donc extrêmement important que le gouvernement se hâte, aujourd’hui qu’un arrêt souverain a fait cesser les contestations, de prendre les mesures qui lui paraîtront les meilleures dans l’intérêt du pays.
Je me joins à notre honorable collègue, M. d’Hoffschmidt, pour engager M. le ministre des travaux publics à nous donner quelques explications, et à nous faire connaître sa pensée, en ce qui concerne la reprise de ces importants travaux.
J’arrive à un autre point.
Si l’honorable M. Eloy de Burdinne n’avait pas jugé convenable de porter devant cette chambre les justes plaintes des actionnaires de la route de Huy à Tirlemont, je me serais abstenu d’entretenir la chambre de cette affaire, parce que j’ai foi dans les promesses qui nous ont été faites récemment par MM. les ministres des finances et des travaux publics.
Ce n’est donc point pour leur adresser des reproches que je prends la parole sur cet incident. Je reconnais que presque tous les faits sont antérieurs à leur avènement au ministère.
Mais je veux stimuler leur sollicitude en rappelant quelques circonstances qui prouveront qu’il y a eu autant de longanimité de la part des actionnaires qu’il y a eu de négligence de la part du gouvernement ou de ses agents.
En 1836, la route concédée de Huy à Tirlemont est entrée dans le domaine de l’Etat, en vertu d’un contrat contenant des obligations réciproques.
Le gouvernement s’était obligé à fournir, chaque année, aux actionnaires un compte des recettes et des dépenses, et à leur remettre en même temps l’excédant des premières sur les secondes.
Cet excédant devait servir à payer les intérêts à 4 p. c. des sommes dépensées par les actionnaires, ainsi qu’à amortir le capital.
Le gouvernement fut mis immédiatement en possession de la route et de tout l’avoir, très considérable, de la société concessionnaire, mais il négligea d’envoyer les états annuels.
Trois années s’écoulèrent en réclamations inutiles ; enfin, dans le mois de février 1840, ou fit parvenir à la commission un état des recettes et des dépenses pour trois années, présentant un boni d’environ 9,000 fr.
Cet état fut immédiatement approuvé par la commission et renvoyé au gouverneur de la province, avec prière d’en faire verser le boni dans la caisse des actionnaires.
Un an s’écoula sans nouvelles ultérieures.
Le 5 mai 1841, M. le ministre des travaux publics, au lieu de faire payer le solde du premier compte, invita M. le gouverneur de la province à faire dresser le compte des années postérieures, et à le soumettre, comme le premier, à l’approbation des actionnaires.
Il fallut un peu moins de deux ans pour dresser ce compte, qui ne parvint à la commission des actionnaires qu’en janvier 1843. Il était fautif d’un bout à l’autre, et la commission dut le renvoyer en en faisant la critique.
Enfin un nouveau compte lui fut envoyé et fut approuvé par elle le 20 août 1843. L’excédant des recettes sur les dépenses s’élevait alors à plus de trente mille francs.
Le payement de ce boni semblait ne devoir plus éprouver aucun retard, puisque la liquidation était faite de commun accord par les deux parties contractantes.
Cependant un nouvel incident s’élève. Les agents du gouvernement ne sont pas d’accord entre eux quant au montant des recettes qui sont entrées dans les caisses de l’Etat. Les actionnaires doivent maintenant attendre que cet incident soit levé.
Voilà cependant sept années écoulées sans que les actionnaires aient touché un centime, tandis que depuis sept ans le gouvernement encaisse très régulièrement leur argent.
J’aime à croire que MM. les ministres des finances et des travaux publics reconnaîtront qu’il est temps de satisfaire à leurs justes réclamations.
J’ai déjà dit que j’avais confiance dans leurs promesses ; maintenant je les prie de n’en pas faire attendre trop longtemps la réalisation.
Je terminerai en appelant l’attention de M. le ministre des travaux publics sur la création, depuis longtemps en projet, d’une route qui relierait la ville de Huy au chemin de fer à Waremme.
Cette route, comme affluent, serait utile au chemin de fer, et je fais remarquer que depuis Namur jusqu’à Liège, sur une étendue d’environ 15 lieues, le chemin de fer n’a pas un seul affluent.
Elle serait aussi extrêmement utile à l’arrondissement de Huy, et très spécialement au canton de Bodegnée, canton éminemment agricole, canton très populeux, qui ne possède pas encore le plus petit bout de route.
Je recommande cette voie de communication à l’attention spéciale de M. le ministre des travaux publics.
M. Lange. - Je conviens volontiers, avec l’honorable ministre des travaux publics, que l’établissement du chemin de fer, décrété par la loi du 1er mai 1834, doit exercer quelque influence sur le système de classification des routes, mais il est évident qu’il ne peut pas faire obstacle à cette classification. En effet, messieurs. l’art.. 78 de la loi provinciale, promulguée le 30 avril 1836, a confirmé les dispositions de l’art. 3 du décret du congrès national du 6 mars 1831 et l’art. 4 de la loi du 18 avril 1833, puisqu’on lit dans cet article : « Le classement des routes provinciales et de l’Etat est réglé par la loi, sur l’avis préalable des conseils provinciaux. »
J’ajouterai, messieurs, qu’en 1838, lors de la discussion du nouveau projet de loi relatif à la taxe des barrières, M. le ministre des travaux publics, alors l’honorable M. Nothomb, a reconnu, ainsi que la commission spéciale qui avait été chargée de l’examen de ce projet, que la classification des routes devait faire l’objet d’une loi spéciale et indépendante de celle qui concerne la taxe elle-même. En effet, la taxe est uniforme, quelle que soit la classe à laquelle la route appartient. Il est vrai que l’honorable ministre ajouta que ce travail est fort délicat en lui-même et qu’il n’était pas encore arrivé à un état de maturité tel qu’un projet de loi pût être soumis à la législature dans la session de 1838.
Ainsi, messieurs, il est reconnu que la loi du 1er mai 1834 n’est pas un obstacle à la classification des routes. Or, aujourd’hui il y a bien moins de motifs qu’en 1836 pour retarder la présentation d’un projet de loi sur cette matière, puisque notre système de chemins de fer est complet. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir s’occuper très sérieusement et le plus tôt possible de ce travail.
M. Desmet. - L’honorable ministre des travaux publics vient de dire une grande vérité, c’est que le chemin de fer a tout bouleversé dans le pays, à tel point qu’il faut changer la classification des routes, que les routes de l’Etat sont devenues des routes provinciales, et que les routes provinciales sont devenues des chemins vicinaux. C’est là une chose déplorable.
Oui, messieurs, ce que nous avons dit depuis longtemps, tout le monde vient aujourd’hui le reconnaître, tout le monde voit que le chemin de fer a produit une révolution complète dans le pays, tout est réellement bouleversé, tous les intérêts sont froissés, à bien des contrées il a porté des coups terribles ; en place de la prospérité, il y a porté la ruine. Je ne veux plus faire d’énumérations, mais je demanderai aux partisans de ce chemin, quel est l’intérêt agricole, commercial ou industriel qui y a gagné !
Il est très vrai que la classification des routes est très vicieuse ; je ne dis qu’elle le soit quant aux catégories qu’elle établit, mais elle l’est parce qu’elle n’est pas uniforme, qu’elle n’est pas égale partout, et qu’elle présente des lacunes assez criantes ; à cet égard messieurs, on n’a pas bien saisi la portée du discours de l’honorable M. de Naeyer. Que demande, en effet, l’honorable M. de Naeyer ? Il demande que la route de Ninove à Enghien, qui passe par trois provinces, soit déclarée route de deuxième classe et de l’Etat pourquoi ? Parce que toutes les autres routes de même genre sont routes de l’Etat.
De cette route, la grande partie est rangée dans la catégorie de routes de l’Etat. C’est la partie de Ninove à Enghien, qui formerait lacune si elle n’y était pas comprise ; les autres parties de cette route s’étendent, comme le sait bien l’honorable ministre, d’un côté vers Soignies ; et d’Enghien à Soignies, elle est grande route ; de l’autre côté vers Anvers, par Termonde et St-Nicolas, et de Ninove à Alost, comme d’Alost à Termonde, elle est route de l’Etat, route de deuxième classe.
Eh bien, nous demandons qu’il n’y ait point de lacune, nous demandons que la partie de cette route qui se trouve entre Ninove et Enghien soit aussi déclarée route de l’Etat et mise à la charge de l’Etat.
La classification des routes, messieurs, est un objet très important, et cependant cette classification est aujourd’hui très vicieuse, c’est ainsi, par exemple, que dans ma province des chemins vicinaux qui sont de véritables impasses, ont été déclarés routes provinciales, tandis qu’une route, par exemple, qui s’étend d’Ostende jusqu’à Bruxelles est considérée comme composée de chemins vicinaux ; on devrait absolument avoir une règle fixe et certaine pour bien établir les différentes classifications.
Messieurs, l’honorable ministre des travaux publics a dit encore une très grande vérité, c’est que la construction du chemin de fer a eu pour résultat de diminuer considérablement les revenus des barrières, de les réduire tellement qu’il n’y a plus un excédant suffisant pour permettre de donner des routes à ceux qui en ont besoin et qui contribuent comme les autres aux charges de l’Etat ; on espère que les routes perpendiculaires au chemin de fer donneront des produits plus considérables, mais un simple coup d’œil suffit pour démontrer que cette augmentation est impossible. En effet, messieurs, qu’est-ce qui faisait les produits des barrières ? C’est évidemment le roulage, le grand roulage, d’un point central à un autre point central. Eh bien, messieurs, ce roulage n’existe plus du tout ; il a été entièrement absorbé par le chemin de fer.
Cependant, messieurs, si le gouvernement veut consolider l’ordre de choses et conserver l’accord et la tranquillité dans le pays, il faut être juste dans les faveurs qu’on distribue pour la prospérité et la richesse ; il ne faut pas que telles ou telles contrées jouissent de tous les avantages, et que telles autres se trouvent ruinées ; c’est cependant le cas aujourd’hui, par le bouleversement que le chemin de fer a produit. Une quantité de quartiers du pays ont, pour ainsi dire, été expropriés et ont même payé pour l’être. Mais peut-on laisser exister cet ordre de choses ? Non, certainement. Si le gouvernement veut conserver sa popularité, il faut qu’il songe sérieusement à venir au secours des quartiers qui souffrent ; il a le moyen, on le lui a dit, il peut le faire sans devoir toucher au trésor, mais pour la tranquillité du pays, je l’engage sérieusement à ne plus ajourner cet objet, que, je pense, il doit regarder comme important.
J’engage donc sérieusement M. le ministre de s’occuper de la question, que l’Etat puisse prêter son aide aux concessions, c’est surtout pour le creusement des canaux. Mais, d’après moi, il y a impossibilité à construire des routes par concession, sans subside du gouvernement où de la province, ou du moins c’est très rare qu’une concession particulière puisse se réaliser pour la confection d’une route pavée ; les revenus en sont insuffisants pour qu’ils puissent couvrir l’intérêt des capitaux du coût ; s’il y en a, elles sont bien rares et surtout aujourd’hui que toutes les voies de communication sont continuellement paralysées par le chemin de fer.
Ce que je demande aujourd’hui, c’est que dans le budget de l’Etat comme dans les budgets provinciaux, il y ait des fonds sur lesquels on puisse prélever des subsides pour constructions de routes. C’est là, selon moi, le seul moyen qui soit aujourd’hui possible pour obtenir de nouvelles communications et contenter ceux qui souffrent.
M. le ministre des travaux publics a touché un point assez important, je veux parler de l’entretien. Il paraît que le conseil des ponts et chaussées aurait trouvé un moyen plus économique et plus certain d’entretenir les routes.
Il est possible qu’ici je ne sois pas appuyé par la chambre, et que je vais émettre une opinion un peu hardie, qui est celle-ci que l’entretien des routes soit faite par une pure régie, aujourd’hui la régie est bâtarde ; les ponts et chaussées ont tous les frais de la direction et de la surveillance, et ils n’ont point l’objet principal, c’est l’exécution ; cependant tout est dans l’exécution. Qu’arrive-t-il aujourd’hui, l’entrepreneur fait tout ce qu’il peut pour travailler économiquement, pour travailler à son profit. Si la direction peut encore surveiller la livrance des bons pavés, il est néanmoins difficile pour elle de surveiller tous les détails, comme, par exempte, la qualité du sable, à cause de la dépense du transport ; l’entrepreneur prendra du sable dans le voisinage des travaux, et très souvent il n’est pas de première qualité, et cependant dans l’entretien des pavés, le sable joue un grand rôle ; on sait aussi quand l’entretien se fait par entreprise que le calcul des mètres carrés réparés se fait toujours au profit de l’entrepreneur. Il y a encore bien des choses à dire sur l’entretien des pavés, mais ce n’est pas ici le moment ; je dois cependant ajouter que pour ce qui regarde l’entretien des chemins d’accotements, il se fera beaucoup mieux et plus économiquement en exécutant les travaux par régie.
Je dois encore quelques mots quant à l’accotement des routes. Les propriétaires n’aiment pas. et avec raison, à planter le long de leurs terres des peupliers du Canada ; toutefois c’est une plantation très utile, pour être faite le long des routes, non seulement parce que ces arbres sont d’une forte croissance, mais encore il est connu, qu’ils dessèchent fortement les chemins, et que de ce chef il y a économie dans leur entretien et se tiennent ordinairement en bon état ; on plante souvent des ormes et des chênes qui ne viennent par trop bien et qui ne donnent aucun avantage pour tenir les chemins secs.
Je peux me tromper, mais il me semble que le choix des essences d’arbres à planter aux routes est un objet important !
J’appuie ce qu’a dit l’honorable M. de Naeyer ; il vous a parlé de la position déplorable où la construction des chemins de fer a réduit l’arrondissement d’Alost. Oui, messieurs cet arrondissement a tout perdu par le chemin de fer. Il faut cependant qu’une contrée qui contribue pour une si large part dans les impôts publics, soit indemnisée, c’est pourquoi il a demandé que la route de Ninove à Enghien soit rangée dans la classe des routes de l’Etat.
Et avant de terminer, je dois encore appeler l’attention du gouvernement sur le moyen d’aider les particuliers dans les entreprises des travaux publics ; il doit, il me semble, avoir compris toute la bonne portée de la garantie d’un minimum d’intérêt. A cet égard, le gouvernement ne devrait pas tarder à nous soumettre des propositions, ou du moins il devrait nous faire connaître ses intentions, afin qu’on sache à quoi s’en tenir.
M. le ministre des travaux publics a dit tout à l’heure, en répondant à l’honorable M. de Naeyer, que la Flandre orientale était mieux dotée que les autres provinces, qu’elle avait beaucoup de routes faites ; ainsi il ne s’agit pas d’une province, mais d’une partie de province.
Si certains arrondissements de la Flandre orientale ont gagné à la construction du chemin de fer, il n’en est pas moins vrai que cette même construction a causé la ruine d’un autre arrondissement de la même province. Osa dira peut-être aussi que les Flandres sont dotées du canal de Zelzaete ; mais quel avantage ce canal a-t-il procuré à l’arrondissement d’Alost ? Rien, absolument rien, le Hainaut en a un plus grand avantage.
Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien jeter un œil de commisération sur le district d’Alost. Ce district mérite sans doute à tous égards la sollicitude du gouvernement. Car si le gouvernement veut que nous continuions à voter des fonds pour les travaux publics, il faut indispensablement que l’on ne continue pas à négliger le district qui m’a envoyé ici. Car je remplirais très mal mon mandat, si je votais toujours des fonds pour les autres et que je laisserai ruiner mon district.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je profite de l’occasion qu’offre le chapitre actuellement en discussion, pour appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics sur deux routes ou plutôt sur deux embranchements qui serait d’une haute utilité dans la province de Luxembourg.
La première, que j’appellerai une route agricole, est celle de Sibret à Saint-Hubert, qui rattacherait la route de Bastogne à Neufchâteau, à celle de Saint-Hubert à Rochefort, et permettrait, par conséquent, aux habitants de cette partie du pays qui se trouve entre Bastogne et Saint-Hubert, partie couverte aujourd’hui de landes arides, d’aller chercher à bon compte la chaux vers Rochefort. Or, messieurs, vous savez que la chaux est le meilleur amendement qu’on puisse apporter aux terres incultes des Ardennes.
Un second embranchement de route, qui aurait un intérêt plutôt industriel qu’agricole, serait celui entre Bertrix et Florenville. Cet embranchement passerait tout près des ardoisières si importantes d’Herbeumont, et leur permettraient d’économiser une forte partie des frais de transport de leurs produits qui sont très pondéreux. Or, les ardoisières sont en quelque sorte l’industrie prépondérante du. Luxembourg, depuis surtout que, par des circonstances fâcheuses, la principale industrie de cette province, l’industrie de la forgerie au bois, qui y existait depuis des siècles, est en quelque sorte anéantie ; or, l’industrie des ardoisières qui puise tous les éléments de prospérité dans le sol du pays, qui est susceptible de prendre une extension illimitée, qui exerce la plus heureuse influence sur les populations ouvrières de cette contrée, mérite à tous égards l’attention et l’intérêt du gouvernement et des chambres. L’embranchement dont il s’agit ne coûterait qu’une centaine de mille francs. Il est donc facile de trouver encore des fonds pour l’exécuter, surtout que les communes et les particuliers se joindraient au gouvernement pour parfaire la somme nécessaire.
Il est vrai que M. le ministre des travaux publics nous a dit tout à l’heure, avec beaucoup de raison, qu’il n’avait à sa disposition que 80,000 fr. par province, et qu’avec une somme si faible il lui était impossible de satisfaire aux nombreuses demandes qui lui étaient adressées de toutes parts.
Cette année donc, je conçois facilement qu’on ne pourra pas faire grand’chose ; mais, comme je l’ai déjà dit dans une autre séance, il importe qu’on songe sérieusement à augmenter le fonds des barrières pour l’année prochaine, et je désire, quant à moi, que le vote de nouvelles ressources financières nous permette d’accroître les sommes qu’on destine chaque année à la construction de routes nouvelles.
On a mis en avant différends moyens pour y parvenir. On a parlé du produit de la vente d’une certaine partie de nos domaines ; mais nous n’avons pas encore voté la loi d’exécution de cette vente ; lorsque nous serons saisis de cette loi, nous verrons ce qu’il y aura à faire. Je rappellerai cependant que dans la disposition qui a été votée et qui ordonne la vente d’une certaine partie de domaines, il y a un article qui dit que le produit de cette vente sera consacré à l’extinction de la dette publique. Il faudrait donc modifier cette disposition, ce que nous aurons à examiner lorsque nous nous occuperons du projet destiné à l’exécution de la loi de principe.
Je crois que si l’on veut augmenter le fonds des barrières, il n’y aura guère d’autre moyen que de porter à 3 millions le chiffre de 2,700,000 fr. qui figure au budget, ce qui est déjà indiqué par M. le ministre des travaux publics dans les développements qui nous ont été distribués. Or, messieurs, il faut espérer que le revenu de nos barrières augmentera, et il paraît même qu’on a l’espoir fondé que les frais d’entretien diminueront. Dès lors, cette augmentation de 300,000 fr. qui est de nature peut-être à inspirer quelques craintes dans le moment actuel, s’affaiblirait chaque année, par suite de l’excédant du produit des barrières et de la diminution des frais d’entretien.
Il est à croire, en effet, que lorsque le grand nombre de routes qui sont en construction, seront terminées, elles apporteront leur contingent aux revenus de ce genre.
Ainsi, messieurs, je désire vivement que, l’année prochaine, nous soyons à même de pouvoir voter un chiffre plus élevé au chapitre dont nous nous occupons maintenant.
Je ne terminerai pas ces observations, sans témoigner que j’ai entendu avec beaucoup de plaisir un honorable député de Huy se joindre à ce que j’ai dit dans une séance précédente, pour appeler l’attention du gouvernement sur le canal de Meuse et Moselle, et pour demander à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien nous faire connaître ses vues sur l’achèvement de cette grande voie de communication. Tous les obstacles sont maintenant en quelque sorte levés.
La contestation, qui s’était élevée entre le gouvernement et la société concessionnaire, vient d’être vidée. Ainsi, il n’existe plus le moindre motif pour qu’on ne prenne pas toutes les mesures indispensables pour l’achèvement de ce canal, ou du moins de la première section de ce canal, jusqu’à Laroche, par exemple. Peut-être y a-t-il à voir s’il n’y aurait pas moyen de s’entendre avec la société concessionnaire pour l’aider à achever les travaux. J’ignore si la société concessionnaire ne se trouve pas peut-être dans des embarras financiers ; il conviendrait alors d’examiner s’il n’y a pas lieu de lui faciliter les moyens de reprendre l’exécution des travaux déjà commencés et dans lesquels elles déjà placé près de 3 millions de francs.
Cette question n’intéresse pas seulement la province de Luxembourg, comme l’a fort bien dit l’honorable M. Thyrion, mais elle intéresse encore la province le Liége. Je désire donc vivement, dans l’intérêt de ces provinces, qu’on puisse nous donner quelques explications satisfaisantes sur ce point.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis chargé de vous proposer un projet de loi tendant à introduire un mode définitif de nomination du jury universitaire ; je demande, par exception, à vous donner lecture de l’exposé des motifs.
(Note du webmaster : le Moniteur reprend ensuite in-extenso l’exposé des motifs de ce projet de loi. Cet exposé des motifs n’est pas repris dans cette version numérisée.)
- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi dont il vient de donner lecture. Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués aux membres et renvoyés à l examen des sections.
M. de Mérode. - Je reconnais la nécessité d’établir un mode définitif de nomination du jury d’examen ; mais le but à atteindre par le mode de nomination n’est autre que l’impartialité, la capacité des examinateurs. Il ne se présente ici qu’une affaire de pure bonne foi, rien de gouvernemental ne s’y rattache ; car l’idée qu’indique le mot jury et celle qu’indique le mot gouvernement n’ont rien de commun en théorie. Faut-il cependant, en fait, les combiner jusqu’à un certain point ou même d’une manière exclusive ? C’est une question qui exige une recherche très sérieuse.
Je désire donc savoir si M. le ministre de l’intérieur nous laisse pleine liberté d’investigation à ce sujet et, par conséquent, s’il est disposé à se rallier à tout projet différent du sien et dont la discussion démontrerait qu’il présente la meilleure garantie d’impartialité et de capacité réunies dans le jury d’examen, ou si M. le ministre est tellement persuadé de la supériorité du projet de loi qu’il vient de proposer, qu’il y attache son existence ministérielle. Vous comprenez combien il nous est nécessaire de connaître à quel degré nous jouirons de notre indépendance.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je veux nous seulement répondre à l’honorable préopinant, mais encore aller au-devant d’un reproche que quelques esprits positifs adresseront sans doute au gouvernement : pourquoi, diront-ils, vient-on jeter une question de ce genre au milieu d’une session qui devait être consacrée exclusivement aux intérêts matériels ? Cette question, ce n’est pas le gouvernement qui l’a inventée, ce n’est pas même lui qui l’a posée ; ce sont les circonstances qui l’ont amenée. C’est une question ouverte depuis huit ans. Le gouvernement, mis en demeure de toutes parts, vient aujourd’hui vous indiquer une solution définitive. La solution qu’il indique, le gouvernement la croit la plus convenable : d’après lui c’est celle qui renferme à la fois le plus de garanties scientifiques et politiques. C’est sur ce terrain que nous appelons la discussion.
Nous nous adressons librement aux intelligences, et j’espère que toutes les intelligences accepteront librement cet appel. Nous garderons dans cette question la position que nous avons eue dans d’autres circonstances graves, où, pour réussir, nous n’avons pas fait de question de cabinet ; cette fois, nous n’en faisons pas non plus. Nous continuons à avoir la même confiance dans la chambre, nous ne voulons violenter aucune conviction ; ce que nous demandons, c’est une discussion dégagée de toute arrière-pensée, un examen de la question en elle-même et pour elle-même.
M. Dumortier. - Messieurs, j’ai été péniblement surpris en entendant la lecture du projet de loi qui vient de vous être présenté. A mes yeux, la loi sur l’instruction supérieure et la disposition relative aux jurys d’examen exigeaient des modifications importantes, mais la plus grave était une simplification dans les matières d’examen. Toutes les personnes qui se sont occupées de sciences en Belgique sont convaincues qu’avec les matières contenues dans les programmes des examens, il y a impossibilité absolue pour un élève, si l’examen est sérieux, de bien passer. Tous les élèves qui ont fréquenté les universités ont réclamé unanimement pour obtenir la simplification des matières d’examen. Tous les jurys, unanimement aussi, se sont plaints de la trop grande complication des programmes des matières d’examen. Quand on demande la division…
M. le président. - C’est le fond ; des membres pourront demander la parole pour soutenir que les programmes ne sont pas trop compliqués, et nous nous trouverons jetés dans une discussion anticipée de la loi.
M. Dumortier. - Je me bornai à parler sur des faits imprimés dans l’exposé des motifs.
M. le président. - Cela ne suffit pas ; cette discussion n’est pas à l’ordre du jour.
M. Dumortier. - Je fais une motion d’ordre.
M. le président. - Je vous prie de la formuler.
M. Dumortier. - Depuis dix ans, il est tel jury qui n’a pas reçu un seul docteur, et tel autre qui, dans le même intervalle de temps, n’en a reçu que deux.
Je m’attendais à voir le gouvernement condescendre à ce vœu de toutes les personnes éclairées de la Belgique, de tous les membres des jurys, de tous les élèves des universités, et présenter un projet de loi pour simplifier les examens. Je dis qu’à une époque où l’on réclame partout la division du travail, on ne doit pas cumuler le travail de l’intelligence. Je demande si le gouvernement a l’intention de présenter un projet de loi ayant pour objet de simplifier les matières d’examen.
Plusieurs voix. - Il y en avait un, il est retiré.
M. Dumortier. - Mais M. le ministre a dit qu’il se proposait d’examiner la question. Je demande s’il se propose de présenter un projet de loi à l’effet de simplifier les matières d’examen. Si le gouvernement n’a pas l’intention de présenter un projet de cette nature, la chambre, dans l’examen en sections, pourra prendre l’initiative et introduire dans le projet des dispositions pour satisfaire au vœu du pays.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai pas négligé ce côté de la question, j’ai rappelé une tentative de simplification des matières d’examen faite par le projet de mai 1842 ; personne n’a voulu de ce projet ; tous les établissements se sont déclarés contre cette réforme des hautes études. Ils y ont vu une espèce de dégradation scientifique, si je puis me servir de ce mot, de sorte qu’en présence de cette opposition unanime le gouvernement n’a pas hésité à retirer le projet, quant à lui ; si l’honorable préopinant veut proposer une simplification des matières d’examen, je le lui dis avec franchise, il faut qu’il use de son droit d’initiative ; le gouvernement ne veut pas revenir sur une tentative malheureuse. Je regrette que l’honorable membre n’ait pas trouvé dans le temps l’occasion de se prononcer en faveur de ce projet qui aurait eu au moins un défenseur.
M. Dumortier. - L’occasion ne s’en est pas présentée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous l’auriez bien trouvée si vous aviez voulu. Du reste je le répète, je n’ai pas négligé ce côté de la question ; j’ai dit qu’il y a dans le jury une représentation d’autant plus difficile à réaliser que les établissements et les matières d’examen sont en plus grand nombre. La combinaison serait plus facile si, par exemple, les matières étaient en plus petit nombre. Tout cela est discuté dans mon exposé ; j’ai rappelé le projet de simplification des matières, en citant même en note le numéro des actes de la chambre.
M. le président. - Nous revenons à l’ordre du jour.
Un grand nombre de membres. - A demain ! à demain !
La séance est levée à 4 heures et demie.