(Moniteur belge n°37, du 6 février 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à deux heures.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Patenostre, maître de poste à Enghien, prie la chambre de s’occuper du projet de loi sur la poste aux chevaux. »
« Même demande du sieur Leclercq, maître de poste à Anderlues.»
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la poste aux chevaux.
« Le sieur L.-J. Peiffer, garde-forestier à Membach, né en Prusse, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Plusieurs professeurs et littérateurs prient la chambre de donner son approbation à l’arrête royal du 1er janvier 1844, concernant la traduction du Bulletin officiel en langue flamande. »
Dépôt au bureau des renseignements.
« Des propriétaires et cultivateurs de la commune de Frasnes-lez-Gosselies présentent des observations contre le projet de loi sur les céréales. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi.
« L’administration communale de Blandain présente des observations contre le projet de loi sur les tabacs. »
« Mêmes observations du sieur Bona, fabricant de tabac à Rœulx, et des fabricants et débitants de tabac de Lokeren, Beaumont, Jodoigne, Aerschot, Anvers et du conseil communal de Loo. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi.
« Le sieur A. Vandooren, maître de musique à Maeseyck, né à Thom (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Les habitants de la commune de Haneffe présentent des observations contre le projet de loi sur les céréales. »
« Mêmes observations des habitants d’Oteppe, Visoul, Trongnée, Gouy-lez-Pieton, Kessenich, Moll et des membres des conseils communaux de Moll et Cras-Avernas. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi.
« Plusieurs habitants de la commune de Frasnes-lez-Goselies demandent que les lins étrangers soient soumis à un droit d’entrée. »
Renvoi à la commission permanente d’industrie.
M. Kervyn demande une prolongation de congé.
- Accordé.
M. le ministre de l’intérieur informe la chambre qu’il transmettra, sous peu de jours, les avis des chambres de commerce, etc., sur le projet de loi relatif aux céréales.
- Pris pour notification.
Par message en date du 3 février courant, le sénat informe la chambre qu’il a adopté le budget du département des finances dans sa séance ou même jour.
- Pris pour notification.
M. le président. - Messieurs, la grande députation chargée de présenter au Roi les compliments de condoléances de la chambre à l’occasion du décès de S.A.R. le duc régnant de Saxe-Cobourg-Gotha, désignée par le sort, dans votre dernière séance, députation à laquelle s’était joint un grand nombre d’autres représentants, a été reçue aujourd’hui au palais avec le cérémonial ordinaire. Le Roi a répondu en ces termes au discours prononcé par votre président :
« Je vous remercie, messieurs, des sentiments que vous m’exprimez au nom de la chambre des représentants, et je suis vivement touché de la sympathie que vous me témoignez dans cette douloureuse circonstance.
« Si je perds un frère bien-aimé, la Belgique perd un ami sincère. Mon frère s’était attaché à ce pays ; vous avez pu le voir, il n’y a guère plus d’un an, s’intéressant vivement aux travaux, à l’industrie, aux arts dont il était un protecteur éclairé. Les regrets que vous lui accordez sont le prix de ses sentiments pour la Belgique. »
M. le président. - Messieurs, il a été nommé en 1839 une commission chargée d’examiner le projet de loi sur le dépôt des étalons prototypes des poids et mesures. Il manquait deux membres dans cette commission. Le bureau a remplacé M. de Langhe, par M. Coghen, et M. Du Puydt, par M. Pirson.
M. Osy. - Messieurs, d’après le projet de loi présenté par M. le ministre des finances, je devais croire qu’avant de demander l’autorisation de démonétiser les pièces de 25 cents, le gouvernement n’avait pas conclu de convention avec des particuliers pour opérer cette démonétisation ; par le rapport de la section centrale, je vois qu’il y a eu un traité, et de la manière dont on présente les choses, je conviens que c’est très avantageux pour le pays.
Mais, messieurs, il me paraît que M. le rapporteur n’a pas eu toutes les informations, et que nous devons en demander à M. le ministre des finances.
D’après les calculs que nous avons, les pièces de 25 cents, perdent environ 1 1/4 p.c. ; de manière qu’il est impossible qu’un particulier ou un établissement se soit chargé de cette affaire, sans que le gouvernement ait fait un sacrifice ; car il n’est pas possible qu’un particulier fasse une affaire aussi certaine que celle-ci, sans avoir un avantage. Comme la section centrale ne nous fournit pas de renseignements, je dois croire qu’il y a des conventions que nous devons connaître.
En 1840, vous avez voté une loi pour démonétiser les anciennes monnaies provinciales ; cette opération a été faite avec publicité et concurrence ; de cette manière, il n’y a pas eu de réclamation ; cette année, on nous annonce qu’on a fait une opération dont le public n’a pas eu connaissance.
Si je suis bien informé, il paraît qu’on a donné aux entrepreneurs un an de crédit, en prenant des garanties. Un an de crédit fait 3 p. c. Or, c’est bien peu de calculer aujourd’hui le taux de l’intérêt à 3 p. c. ; les entrepreneurs font un bénéfice de 1 3/4 p.c.
N’aurait-on pas pu, comme en 1840, mettre cette affaire en adjudication ? Peut-être le gouvernement aurait-il pu faire alors une convention plus avantageuse ? On assure même que les personnes qui on fait l’affaire ont payé en bons du trésor à 3 p. c.
Je trouve que le gouvernement aurait pu ne pas faire cette opération maintenant. En effet, nous sommes à la veille de payer à la Hollande une somme considérable ; ou aurait pu lui donner un dixième de cette somme en pièces de 25 cents et de 10 cents.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, ainsi que je l’ai annoncé dans l’exposé des motifs, l’opération dont il s’agit ne coûtera rien au trésor public. Si j’avais suivi le mode qu’indique l’honorable membre, l’opération aurait nécessairement entraîné une dépense ; car en précédant à une adjudication quelconque, il est évident qu’il y eût eu à supporter les frais de la conversion de la monnaie des Pays-Bas en monnaie belge.
Le trésor se trouvant suffisamment fourni, la somme qui était comprise en valeurs des Pays-Bas a pu en être distraite, et remise à un établissement qui s’est chargé de la remplacer par une somme équivalente en monnaie belge.
Il n’est résulté de là aucune nouvelle émission de bons du trésor. Le taux étant réduit à 3 p.c., comme je l’ai déjà fait remarquer dans une autre circonstance, cette émission est extrêmement restreinte en ce moment.
En outre, c’est au mois de septembre dernier que l’établissement en question, qui est la banque de Belgique, s’est chargé de cette transformation. Déjà, au 28 février courant, je puis, aux termes de la convention, exiger la rentrée de la moitié du capital, et au 28 mars prochain celle de la seconde moitié.
Cette opération est donc en tous points favorable au trésor public ; elle est très économique, puisqu’elle épargne une dépense à l’Etat. Ces renseignements satisferont sans doute l’honorable préopinant.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, d’après les explications que vient de donner M. le ministre des finances, on voit que le trésor n’est pas privé pendant très longtemps de la rentrée des fonds qui doivent être donnés en échange des pièces de 25 cents. L’honorable M. Osy croyait que ces pièces devaient être refondues. Mais ceci n’était pas obligatoire, c’était tout à fait facultatif pour l’établissement qui a traité avec le gouvernement. La seule obligation qu’il ait contractée, c’est de ne pas remettre ces pièces en circulation dans le pays même. Et c’est en effet la seule chose qu’on dût chercher à éviter.
Au reste, l’opération qui a été faite dans cette circonstance par le gouvernement est parfaitement semblable à celle qui a eu lieu en France pour la démonétisation des anciens écus de 6 livres. Seulement les conditions que notre gouvernement a obtenues sont beaucoup plus favorables, puisque les termes pour l’échange ont été bien plus courts que ceux qui ont été accordes au directeur de la monnaie de Paris, et qu’en outre le taux de l’intérêt est beaucoup moins élevé.
L’honorable M. Osy a parlé de l’opération qui s’était faite en 1840, et qui a eu lieu avec publicité et concurrence ; il a dit, à cette occasion, que cette opération n’avait été critiquée par personne.
C’est une erreur. J’ai critiqué l’opération, et je crois l’avoir critiquée avec fondement, parce que l’opération, telle qu’elle a été faite, n’était pas exactement conforme aux stipulations de la loi, qui avait exige la fonte et la constatation du titre des anciennes monnaies provinciales avant la mise en vente !
Qu’est-il arrive ? C’est que, comme il était impossible pour un grand nombre de personnes d’apprécier le titre de ces monnaies, celui qui a acheté les 2 millions de vieilles monnaies fait une excellente affaire ; il a réalisé, si mes renseignements sont exacts, un bénéfice de 40 à 50,000 fr. que le gouvernement se serait réservé, si les monnaies avaient été converties en lingots, soumis à l’affinage et vendus ensuite, ou si l’on avait acheté une quantité d’argent fin suffisante pour convertir ces anciennes monnaies en monnaie belge.
Je ne veux pas revenir sur cette mesure qui est un fait consommé. La chambre n’a pas eu égard à mon observation, quand je l’ai présentée ; et elle a donné, pour ainsi dire, une approbation tacite au parti que le ministère d’alors avait pris.
M. Osy. - Si on avait déposé la convention sur le bureau, j’aurais pu juger l’affaire en parfaite connaissance de cause, je n’ai pu l’apprécier que par le rapport de la section centrale.
J’ai dit et je répète que j’ai appris dans le public qu’on avait payé en bons du trésor à 3 p. c.
Une partie des pièces de 25 cents a été fondue à Lille : il y a eu une perte résultant de cette opération, et il n’est pas à croire que les personnes qui se sont chargées de l’entreprise n’ont pas fait une affaire à leur détriment.
Si M. le ministre des finances peut nous donner l’assurance que le paiement aura lieu en écus et non en bons du trésor, alors je dis que le gouvernement a très bien agi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Il ne s’agit nullement de bons du trésor dans les conventions ; ce sera bien en écus que les rentrées seront faites au trésor. J’ai dit que j’avais droit d’exiger la rentrée de la moitié du capital le 28 février courant, et le restant le 28 mars. Ce n’est pas à dire que j’exigerai cette rentrée immédiate si le trésor était suffisamment fourni. J’ai la conviction que, si j’ordonnais la rentrée à cette époque, l’établissement éprouverait une perte considérable. Mais les versements auraient lieu, aussitôt que je jugerai l’encaisse insuffisant.
M. Rogier. - J’ai à présenter une observation que ne s’applique pas précisément au projet de loi. J’appelle l’attention de M. le ministre des finances sur les pièces de deux francs qui ont été frappées et qui ont été très mal frappées. Il faut que la monnaie belge soit aussi belle que la monnaie des pays voisins.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’observation que vient de faire l’honorable préopinant est juste. J’avais déjà remarque moi-même que les pièces nouvellement frappées laissaient à désirer. J’ai appelé l’attention de la commission des monnaies sur ce point, et tout récemment, je me suis adressé au président de cette commission pour lui demander un rapport sur les moyens propres à prévenir les défectuosités que je lui signalais.
M. Lesoinne. - Je demanderai aussi si les pièces sont ramenées à un système général de poids et mesure. Il m’a paru que les pièces de 5 fr. étaient plus épaisses que les pièces françaises ; il en résulte que la mesure ne peut plus coïncider avec les pièces mises en tas.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Les pièces de 5 francs se battent d’après un modèle adopté il y a plusieurs années. Il paraît, en effet, qu’elles ne remplissent pas les mêmes conditions d’épaisseur que les pièces françaises.
- La discussion est close.
« Art. unique. Les pièces d’argent des Pays-Bas, dont fait mention l’art. 49 de la loi monétaire du 5 juin 1832, n°442 cesseront d’avoir cours en Belgique à une époque que le gouvernement indiquera.
« Le gouvernement fixera en même temps un délai postérieur à cette époque, dans lequel ces monnaies pourront être échangées au trésor sur le pied des tarifs existants. »
- La section centrale propose de remplacer les mots : Les pièces d’argent des Pays-Bas, par ceux-ci : Toutes les pièces de monnaie du Pays-Bas en argent, etc.
M. le ministre des finances (M. Mercier) adhère à cette modification.
- L’article ainsi amendé est adopté.
Il est procède au vote par appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 48 membres présents.
Ce sont : MM. Eloy de Burdinne, Goblet, Huveners, Jadot, Lange, Lebeau, Lesoinne, Malou, Manilius, Mercier, Nothomb, Osy. Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Troye, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude, Cogels, Coghen. de Baillet, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, Delfosse, de Meester, de Mérode, de Nef, de Renesse, de Sécus, Desmet, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dumont, Duvivier et Liedts.
M. le président. - Je propose de fixer la séance de demain à 3 heures, afin de pouvoir continuer le travail en section. (Oui ! oui !)
Demain, nomination d’un membre pour compléter la commission permanente de finances ; prise en considération de la demande en grande naturalisation du major Colins ; rapport de pétitions.
- La séance est levée à 3 heures et demie.