(Moniteur belge n°28, du 28 janvier 1844)
(Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à 10 heures et 1/4.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les cultivateurs de la commune de Moll présentent des observations contre le projet de loi sur les céréales. »
« Mêmes observations des cultivateurs de Slase, Berg, S’Heeren-Elderen, l’Ecluse. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet.
M. le ministre de la justice transmet à la chambre 7 demandes en naturalisation avec renseignements y relatifs.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Delfosse. - Messieurs, la commission chargée de l’examen du projet de loi qui exempte de l’impôt les vinaigres artificiels m’a chargé de vous présenter son rapport.
C’est un objet urgent. Je demanderai que l’on en fixe la discussion après celle des projets de loi qui soit déjà à l’ordre du jour. Il s’agit de réparer une injustice qui dure depuis trop longtemps.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre en fixe la discussion après celle des projets déjà à l’ordre du jour.
M. Delehaye (pour une motion d'ordre). - Messieurs, probablement le budget de l’intérieur sera voté dans cette séance. Je viens rappeler à M. le ministre la promesse qu’il nous a faite au commencement de la semaine relativement au subside qu’il devait demander pour la rédaction des tables décennales.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai promis de recueillir les renseignements qui me manquaient, lorsqu’un honorable préopinant a bien voulu m’adresser l’interpellation qu’il vient de vous rappeler.
Il est très vrai que d’après l’art. 69, n°8 de la loi provinciale, la moitié les frais des tables décennales est à la charge de l’Etat. Il s’est d’abord agi de savoir si cette somme devait être demandée par le département de la justice ou par celui de l’intérieur. Nous sommes d’accord que c’est le département de l’intérieur qui doit la demander. Mais je ne puis dire encore quel sera le montant de la dépense, parce que deux gouverneurs de province ne m’ont pas encore transmis les renseignements nécessaires. Il faut que la demande en location à la chambre soit subordonnée à l’évaluation qui doit être faite par les gouverneurs.
Je pense que dans quelques semaines, j’aurai reçu les renseignements nécessaires et que je serai à même de demander un crédit à la chambre. Ce sera l’objet d’un projet de loi spécial.
M. Delehaye. - Je prierai M. le ministre de nous présenter le plus tôt possible le projet spécial qu’il nous annonce. Car je crois que le retard apporté dans la demande des subsides apportera aussi un retard dans la confection des listes.
Je sais d’ailleurs que des greffiers ont déjà fait des avances considérables, dans lesquelles ils voudraient rentrer.
M. Fleussu. - Messieurs, on nous a dit que le passé appartenait au passé ; c’est-à-dire, ce me semble, qu’on veut faire divorce avec la politique des dernières années, qu’on renonce à la succession du précédent ministère.
Il nous reste encore, messieurs, quelques projets modificatifs de la loi communale et même de la loi provinciale. Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur si son intention est de retirer ces projets ou s’il les considère comme déjà retirés. Ce sont les projets de loi relatifs a la comptabilité des communes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, en effet, la chambre est restée saisie de deux projets de loi relatifs à la comptabilité communale. Selon moi, ces projets de loi ne portent aucun caractère politique ; ce sont des questions d’administration proprement dite et de comptabilité, surtout l’une d’elles, celle qui concerne les comptes communaux, la gestion purement communale. (Réclamation ; dénégation.)
On pourrait peut-être, en exagérant, donner un caractère politique à la loi, d’après laquelle le gouvernement serait appelé à approuver les budgets communaux de toutes les villes où il y a des octrois municipaux. On m’a demandé de nouveaux renseignements. C’est un très grand travail, que de constater quelle est véritablement la situation financière des communes.
Cette situation se rattache d’ailleurs à la question des octrois. Je vous ai déjà annoncé que je m’occupais de cette question. Mais je saisis cette occasion pour déclarer de nouveau que c’est à tort qu’on donne à ce projet un caractère politique. Je vais plus loin. Je suis persuadé que si l’on s’était borné à présenter ces projets, ils auraient été accueillis avec la plus grande faveur par toutes les opinions. Ce qui a pu leur donner un caractère politique, c’est l’espèce de reflet qu’a jeté sur ces projets celui relatif à la nomination des bourgmestres.
Je pense que je serais prochainement à même de distribuer aux membres un recueil sur les octrois municipaux ; j’ai écrit à la questure pour les frais de publication. Nous verrons alors jusqu’à quel point ces projets sont restes nécessaires.
M. Fleussu. - Au nombre des projets auxquels j’ai fait allusion, il en est, il est vrai de le dire, qui sont purement d’administration. Mais M. le ministre de l’intérieur vient de rappeler un de ces projets qui a un grand caractère politique, et auquel, quoi qu’il en dise, je me serais formellement opposé.
Je croyais, d’après ce qu’avait dit le ministère dans son programme que ce projet était retire, je le croyais surtout d’après les conditions imposées à la ville de Bruxelles, dans le traité entre cette ville et le gouvernement ; car celui-ci s’est fait donner, à l’égard de la ville de Bruxelles, les pouvoirs qu’il réclamait par le projet, pour toutes les villes ayant un octroi. Une pareille clause était inutile si le gouvernement persistait dans son projet.
Il me semble, d’après ce que vient de nous dire M. le ministre de l’intérieur, qu’il restera encore un certain lien entre le passé et l’avenir, puisqu’il ne nous annonce pas formellement que son intention est de retirer le projet, auquel il a été fait allusion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dois protester contre le caractère politique qu’on persiste à donner à ces projets de loi.
M. Fleussu. - A l’un de ces projets.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dis qu’il y a là beaucoup d’exagération. Toutes les opinions s’accordent dans cette chambre pour désirer que la gestion communale, quant aux finances, présente les plus grandes garanties ; et si vous n’avez pas le moyen de trouver ces garanties autrement que par les projets qui vous sont présentes, je dis qu’ils doivent être adoptés. Si d’autres moyens existent, l’un de ces projets pourra être considéré comme superflu en tout ou en partie. C’est là ce qu’il faut examiner et ce que nous examinerons impartialement.
M. de Mérode. - Messieurs, nous avons une quantité de projets de loi à discuter, de sorte que, bien probablement on ne s’occupera pas dans cette session de celui dont vous a parlé l’honorable M. Fleussu. Nous aurons assez de peine à discuter et à voter les projets les plus urgents ; dès lors les honorables membres qui s’inquiètent du projet qu’on nous a présenté pour empêcher les villes de faire des dépenses inutiles, peuvent se tranquilliser provisoirement dans notre système de gouvernement, en ce qui concerne les projets de loi.
Il faut se contenter de vivre non pas au jour le jour, mais du moins année par année. Il est impossible de savoir ce qui arrivera, quels projets on discutera en 1847 ou 1848.
M. le président. - La chambre en est restée au chap. XIX.
« Art. 1er. Lettres et sciences : fr. 185,000 »
La section centrale propose une réduction 4e 6,000 fr.
M. Osy. - Nous sommes arrivés à l’art. 1er du chapitre XIX pour lequel on vous demande une somme de 217,000 francs.
Je me suis rendu à la cour des comptes pour examiner de quelle manière cette somme était employée, mais j’ai trouvé que la partie prenante était presque toujours un employé du gouvernement, de sorte qu’il m’a été impossible de savoir si ce subside était bien employé dans le but que nous nous proposons, c’est-à-dire pour encourager les lettres et les sciences, pour aider de bons auteurs à publier leurs ouvrages.
M. le ministre de l’intérieur a remis sur le bureau un tableau des dépenses faites en 1843. Mais si je suis bien informé, on a fait des dépenses qui ne se trouvent renseignées, ni au tableau, ni à la cour des comptes.
Avant d’aller plus loi, je demanderai à M. le ministre de l’intérieur de vouloir me dire : 1° S’il est vrai qu’on a donné une somme de 6000 fr. à un étranger pour écrire une histoire de la peinture : 2° Si l’on a donné une somme de 2400 fr. pour écrire une histoire des croisés belges.
Je demande ces renseignements parce que je crois qu’en général on donne beaucoup d’argent à des littérateurs avant que les ouvrages paraissent, et que très souvent ces mêmes ouvrages ne paraissent pas.
Je demanderais donc des renseignements sur ces deux points seulement. Je me réserve la parole après M. le ministre, et si mes renseignements sont exacts, je ferai une proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, l’honorable préopinant m’a demandé deux renseignements que je suis prêt à lui donner. L’un d’eux se trouve dans le tableau qui est déposé sur le bureau.
Je ferai d’abord une réflexion générale. Le gouvernement peut-il par anticipation accorder un subside à un littérateur, lorsque l’ouvrage que ce littérateur doit publier n’a pas encore paru ? Je crois que c’est là une question tout à fait de circonstance ; tous mes prédécesseurs l’on fait, et j’ai suivi la même marche, en allant cependant beaucoup moins loin qu’eux. Ce n’est pas que je veuille les inculper le moins du monde, mais ce sont des faits. Beaucoup de littérateurs ont reçu des subsides par anticipation, comme je disais tout à l’heure, pour des ouvrages qui même, à l’heure qu’il est, ne sont pas encore publiés. Le nom de l’un d’eux se trouve en tête du tableau que j’ai déposé sur le bureau. J’ai laissé les noms parce qu’il fallait bien les mettre.
Je n’ai, quant à moi, accordé un subside par anticipation que dans une seule circonstance. J’ai compris que j’engageais ma responsabilité, et que je ne devais pas le faire légèrement. Un littérateur belge s’est engagé de publier une histoire de la part prise par les Belges aux croisades. Cet ouvrage est très avancé ; il paraîtra prochainement et dès lors la responsabilité du ministre se trouve complètement dégagée. C’est le seul cas qui se présente pour mon administration ; et l’engagement que j’ai pris alors, remonte à deux ans. J’ai remplis mon engagement et je n’hésite pas à dire que ce littérateur remplira aussi le sien. C’est le littérateur dont le nom figure le troisième sur ce tableau.
Reste maintenant l’autre question. Le gouvernement a-t il donné une somme de 6,000 fr. à un littérateur français pour publier l’histoire de la peinture flamande. Non, messieurs, je n’ai pas avancé cette somme ; non pas que ce littérateur français, homme fort distingué, ne m’inspirât pas de confiance ; mais ce littérateur ne réside pas en Belgique. Le gouvernement a souscrit à un certain nombre d’exemplaires. Si l’ouvrage paraît, il prendra ces exemplaires. Mais j’ai formellement refusé de faire la moindre avance. De sorte que si la somme de 6,000 francs ne figure pas au tableau, ni à la cour des comptes, la raison en est toute simple, c’est qu’elle n’a pas été donnée.
M. Osy. - M. le ministre nous dit qu’il n’a pas donné la somme de 6,000 fr. à un littérateur étranger pour écrire l’histoire de la peinture flamande. Je croyais mes renseignements exacts. Cependant, d’après la déclaration que vient de faire M. le ministre, je dois m’abstenir d’en parler.
Mais M. le ministre a déposé un tableau de l’emploi de l’allocation dont il s’agit.
Au n°3 de ce tableau je trouve qu’on a donné pour un ouvrage intitulé : les Croisés belges, une somme de 600 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Et 1,800 fr. l’année dernière. Vous ne m’avez demandé que le tableau de cette année.
Un littérateur belge a entrepris l’histoire de la part prise par les Belges aux croisades, ouvrage qui nous manque, selon moi. Ce littérateur a dû recueillir des documents, faire des études. Il a été entendu qu’une somme de 1,800 fr. lui serait avancée. Il a reçu 1,800 fr. en 1841 et 1842 ; il a demandé le complément des engagements pris. Je n’hésite pas à compléter le renseignement du n°3. C’est ainsi que, si on le demandait, je compléterais le renseignement du n°3. Le littérateur qu’il concerne a reçu une somme beaucoup plus forte en tenant compte des subsides qu’il a reçus précédemment.
En faisant ce que j’ai fait, je n’ai pas innové, j’ai suivi les errements de mes prédécesseurs. Je faisais d’ailleurs pour les littérateurs ce qu’on fait depuis longtemps pour les peintres auxquels on fait des avances pour des ouvrages qu’ils doivent fournir plus tard.
M. Osy. - Il est constaté qu’il a été donné 2,400 fr. à un littérateur belge qui a entrepris l’ouvrage des croisés belges. J’aurais proposé un amendement si mes renseignements avaient été exacts, si une somme avait été accordée à un littérateur étranger pour faire un ouvrage. M. le ministre ayant déclaré que cela n’avait pas eu lieu, je ne proposerai pas d’amendement pour une somme donnée à un littérateur belge qui peut avoir du mérite. Mais je vois en général qu’on donne des sommes considérables chaque année pour des souscriptions ; il serait curieux de savoir combien d’argent nous avons déjà dépensé sans avoir jamais vu un seul ouvrage.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je vais dire la marche qu’on a suivie. C’est une marche très régulière. Un employé est spécialement chargé de la garde de tous ces ouvrages, ils sont distribués aux bibliothèques et établissements publics du pays. Une correspondance régulière existe, et, s’il le fallait, je pourrais renseigner jusqu’au dernier exemplaire de ces ouvrages. Je prierai l’honorable membre de s’adresser à la bibliothèque d’Anvers, Dans les lettres d’envoi on transcrit les titres de tous les ouvrages et dans la lettre de réception du bourgmestre, on demande qu’il déclare qu’il a reçu tels et tels ouvrages. Je veux qu’on sache ce que chaque ouvrage est devenu.
M. de Man d’Attenrode. - Comme membre de la section centrale, je tiens à vous donner, messieurs, quelques explications sur ce chapitre.
Ma politique, à moi, c’est de la franchise, c’est d’ailleurs, heureusement pour nous, celle qui a le plus de chances de succès devant une assemblée, qui représente le peuple belge.
Je suis le représentant de la deuxième section à la section centrale qui ait demandé au nom de ma section, un état détaillé de l’emploi du crédit du litt. A pour 1842 et 1843.
En demandant que cet état fût produit à la section centrale, j’ai rempli un devoir, parce que mon devoir me prescrit de connaître l’emploi des fonds que je vote. Or, comme nous ne votons jamais de comptes détaillés, que nous ne voyons jamais les résultats des allocations, que nous votons depuis longtemps pour aider les publications historiques ou littéraires, j’étais tout à fait dans mon droit en faisant cette demande.
Je crois de plus que je pouvais remplir ce devoir sans blesser le moins du monde la susceptibilité ministérielle, sans faire même de l’opposition.
Ce n’est pas faire de l’opposition, que de chercher à s’éclairer en section centrale, ce n’est pas faire de l’opposition politique que de chercher à donner à nos dépenses une destination plus conforme aux intentions du parlement et aux intérêts du pays ; une opposition semblable ne tend pas à renverser le pouvoir, elle tend, au contraire, à le fortifier dans le bien.
J’ai donc rempli ce devoir ; mais comme le dépôt de l’état de l’emploi de la lettre A sur le bureau de cette chambre était de nature à soulever des questions personnelles, que nous devons éviter, dans l’intérêt de la dignité parlementaire, je n’ai pas demandé ce dépôt ; j’espère que mes honorables collègues ne se jetteront pas sur ce terrain glissant sur lequel je ne les suivrai pas.
J’arrive maintenant à une solution ; quel est l’objet de ma plainte ? Eh bien, je me plains aujourd’hui comme je l’ai fait il y a deux ans, je pense, mais d’une manière moins retentissante ; je me plains de ce qu’après avoir voté patiemment pendant de longues années des allocations destinées à aider des publications littéraires, nous n’en voyons jamais de résultats. Nous qui votons les dépenses, nous avons quelque droit à en connaître au moins les résultats. Je demande donc qu’avant d’accorder des subsides pour la publication d’un ouvrage, on s’assure au moins de son existence, ne fût-ce qu’en ébauche ; je demande qu’on s’assure d’une valeur littéraire au moins suffisante pour mériter la publication. Ceci répond à la question que M. le ministre de l’intérieur vient de poser, à savoir si on peut accorder des fonds d’avance pour des ouvrages qui ne sont pas commencés. Ce que je demande enfin, c’est qu’en nous demandant pour l’avenir des fonds pour cet objet on nous rende compte des publications qui auront été faites au moyen des fonds votés précédemment ; je n’en demanderai pas davantage pour cette année et je voterai l’allocation du gouvernement.
M. Dumortier. - Messieurs, j’ai été depuis plusieurs années un de ceux qui ont appelé l’attention du gouvernement sur la nécessité d’encourager les publications des littérateurs belges. Vous vous souviendrez peut-être que c’est moi qui ai proposé de divise l’article afin qu’une somme quelconque pût être affectée aux ouvrages des littérateurs. Je crois donc devoir dire quelques mots en faveur de ceux qui s’occupent de la littérature, quand nous voyons les artistes pouvoir obtenir un salaire suffisant du produit de leurs ouvrages ; il est certain que chez nous la carrière littéraire n’offre pas le même avantage. Peu de littérateurs voulant publier un ouvrage parviennent à trouver un libraire qui se charge de la publication. Il est donc nécessaire que le gouvernement intervienne, pour faciliter les publications.
Je dois dire, pour mon compte, que j’approuve le gouvernement de leur avoir donné des encouragements ; s’il ne le faisait pas, il n’y aurait pas de publications littéraires dans le pays. Quant à l’emploi qu’on a fait jusqu’à présent, je n’ai pas eu le temps d’en examiner le tableau que M. le ministre a déposé sur le bureau. Je désire qu’il ait été fait avec justice et intelligence. Mais s’il était vrai que des sommes eussent été accordées à des littérateurs étrangers, ce serait un détournement des fonds alloués par la chambre, car nous avons entendu donner un encouragement à la littérature nationale, et non à la littérature étrangère. J’espère que le gouvernement comprend assez le vote de la chambre, pour ne pas s’écarter des intentions qui l’ont dicté. Au reste, la déclaration de M. le ministre me suffit.
Quant aux publications pour lesquelles on a accordé des encouragements, je connais plusieurs des auteurs qui ont obtenu des subsides ; je crois que l’on ne doit pas s’étonner si de pareilles publications ne se font pas avec rapidité. Pour ne parler que de la personne qui figure en tête du tableau, je dirai que l’ouvrage qu’elle a entrepris doit avoir 5 ou 6 volumes in-8°.Ce n’est pas en quelques instants que se font de pareils ouvrages ; il faut rassembler les matériaux, faire de nombreuses recherches, ce n’est pas du jour au lendemain qu’on peut les terminer. Quand le gouvernement juge à propos d’encourager des ouvrages de ce genre, il faut donner un temps moral quelconque pour que l’auteur puisse faire toutes les démarches nécessaires pour faire une œuvre complète, sans cela il ne sera plus possible d’avoir des ouvrages sérieux dans notre littérature. Seulement le gouvernement doit s’assurer que les publications qu’il encourage sont des travaux sérieux. Je pense que M. le ministre de l’intérieur s’en est assuré.
Je ferai remarquer que beaucoup de points de notre histoire restent à aborder, Déjà le gouvernement a accordé de grands prix pour des questions d’un haut intérêt historique. C’est un excellent système. C’est ainsi qu’il a donné à l’Académie des sciences un prix de 2.400 fr, pour le meilleur mémoire sur le règne d’Albert et Isabelle. Jusqu’à présent, il n’y a pas de réponse à cette question. C’est un appel fait à la littérature belge qui est extrêmement intéressante et qui peut encourager de bonnes publications Ce qui nous manque, ce sont les publications de longue haleine, les publications sérieuses. On publie beaucoup de brochures, mais peu d’ouvrages solides. C’est afin de remédier à cet état de choses que j’ai proposé la division du crédit pour les sciences et les lettres. Je désire que ce soit avec la pensée d’atteindre ce but que l’emploi ait lieu.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y a un moyen extrêmement simple pour le ministre de l’intérieur de rendre compte de l’emploi de cette somme. J’ai dit que les ouvrages auxquels on souscrivait, au lieu d’accorder des subsides, étaient distribués entre les établissements publics et les bibliothèques, ou donnés en prix. Désormais, je comprendrai dans les distributions la bibliothèque de la chambre, je lui enverrai un exemplaire de tous les ouvrages auxquels le gouvernement souscrira, ainsi que de tous ceux auxquels il a souscrit et dont il reste des exemplaires.
M. Dumortier. - Puisque M. le ministre vient d’annoncer qu’il enverra à la bibliothèque de la chambre un exemplaire des ouvrages auxquels le gouvernement souscrira, j’exprimerai un regret, c’est qu’on n’envoie pas à cette bibliothèque un exemplaire des publications des divers ministères. Il serait à désirer certainement que tous les documents publiés par les divers ministères fussent envoyés en dépôt à la chambre. A Paris, on envoie à la bibliothèque de la chambre des pairs un exemplaire de toutes les publications, quelles qu’elles soient, des différents départements ministériels. Si on agissait ainsi, on trouverait, en cas de malheur, à la bibliothèque de la chambre une partie des ouvrages publiés. J’engage donc tous les ministres à envoyer un exemplaire de leurs publications à la bibliothèque de la chambre qui formera un grand dépôt appartenant à la nation. Je prie MM. les ministres du vouloir bien prendre note de ces observations.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne me rallie pas à cette proposition. Ce que je demande n’est pas au fond une augmentation. L’année dernière il y a eu une réduction. La somme est de 44 mille fr. En y comprenant les 6 mille fr. destinés aux Bollandistes, elle ne serait plus que de 38 mille francs, Je maintiens les 44 mille francs comme allocation générale et les 6 mille francs pour les Bollandistes que je considère comme une dépense permanente, je les fais figurer comme une dépense à part.
M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, quant au chiffre, je ferai remarquer que l’article lettres et sciences présente une majoration de 36 mille fr. sur le crédit alloué l’année dernière. La section centrale, en examinant les différents littera, a remarqué ceci : les années précédentes, le littera A, Encouragements, souscriptions, achats, était de 44,000 mille fr. Sur ces 44,000 fr. étaient pris les 6,000 fr. alloués pour la publication des Acta sanctorum. Cette somme, qui avait toujours été prise sur les 44,000 fr., figure sous un littera spécial. La section centrale, n’ayant pas trouvé de motif pour augmenter l’allocation de 44,000 fr., a répondu que les 6 mille francs pourraient continuer à être pris sur le littera A ; tant qu’on ne démontrerait pas que cette somme est insuffisante, nous sommes obligés de maintenir notre proposition.
D’un autre côté, dans les explications qu’on nous a données, on nous a dit que 2,000 mille fr. étaient destinés à la société de médecine de Gand, que cette somme était prise antérieurement sur le crédit alloué pour le service de santé et qu’il valait mieux la prendre sur celui des lettres et des sciences. La section centrale a pensé que la société de médecine de Gand avait plus d’analogie avec le service de santé qu’avec les sciences et les arts, et que puisque jusqu’à ce moment le subside qu’on lui accorde avait été pris sur le service de santé, on pouvait continuer à l’y prendre.
D’un autre côté, la section centrale a été plus généreuse que le ministre de l’intérieur pour l’observatoire. Une somme de 22 mille fr. figurait au budget pour l’observatoire. La majorité de la section centrale a trouvé cette allocation insuffisante pour acheter les instruments et le matériel nécessaire pour se tenir à la hauteur de la science ; et de ce chef, la section centrale a proposé d’allouer 2,000 fr. de plus et de porter le crédit pour l’observatoire à 24,000 fr.
Ainsi les 6,000 francs des Bollandistes seraient prélevés sur le crédit général de 44,000 fr. ; les 2,000 fr. de la Société de médecine de Gand seraient prélevés sur le fond du service de santé. La section centrale ne refuse donc rien. D’un autre côté, elle propose plus que M. le ministre de l’intérieur, 2,000 fr. de plus pour l’observatoire, Il résulte donc de là que, compensation faite, le crédit devrait être diminué de 6,000 francs, c’est-à-dire, que la majoration, au lieu d’être de 36,000 fr. ne serait plus que de 30,000 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable rapporteur a donné deux motifs à l’appui du chiffre proposé par la section centrale : le premier est si les 2,000 francs alloués pour la société de médecine de Gand continuent à l’être, ce subside devra être pris sur le crédit du service de santé et non sur celui des sciences. Je me suis déjà expliqué sur ce point. Il ne faut pas considérer ces 2,000 francs comme ayant été donnés à une société de médecine. Ils ont été donnés pour la publication d’ouvrages scientifiques. Donc il est plus naturel de prendre la somme, s’il y a lieu, sur le crédit des lettres et sciences.
Je me suis expliqué hier sur ce point j’ai déclaré que si le subside était accordé (car le gouvernement est libre de l’accorder, ou de ne pas l’accorder), je le prendrais sur le chapitre des lettres et sciences ; il me semblait même que c’était convenu, il y a trois jours.
Le deuxième motif, c’est que les 6,000 fr. peuvent être pris sur les 44,000 fr. ; mais, alors, au fond, le crédit, au lieu d’être de 44,000 fr., n’est que de 38,000 fr. C’est ce qu’il m’importe de constater ; il importe que l’on sache que le gouvernement ne dispose pas de 44,000 mais de 38,000 fr. La somme de 6,000 fr. pour les Bollandistes est un crédit permanent ; c’est ce qui m’avait engagé à en faire un chiffre spécial. Si l’on n’en fait pas un chiffe spécial, il est vrai de dire que l’allocation n’est que de 38,000 fr. et non pas de 44,000 fr., comme on le suppose généralement.
M. Desmet. - J’avais demandé la parole, quand on a rappelé à M. le ministre de l’intérieur, qu’il convenait de déposer à la bibliothèque de la chambre toutes les publications qui auraient été faites par le gouvernement ou à l’aide d’un secours du trésor.
A cette occasion, je dois attirer l’attention du gouvernement sur une réclamation à faire à l’étranger dont on appréciera l’importance. M. le ministre doit savoir qu’un atlas de Ferraris qui nous appartient se trouve maintenant en Autriche. Quand Ferraris fit son bel atlas, il en a été fait trois exemplaires particuliers : l’un pour le gouvernement des Pays-Bas, l’autre pour le gouvernement autrichien, le troisième pour la cour de Vienne. Lors de l’invasion des Français, on a sauvé les archives. Alors cet allas a été remis à l’archiduc Charles, qui se trouvait à Cologne et qui l’a emporté à Vienne.
Lors des traités de Campo-Formio et de Luneville, on n’a pas réclamé cet atlas, qui aurait dû être rendu à cette époque parce qu’il était stipulé par ce traité que toutes les archives des anciennes provinces belges devaient retourner au pays ; le gouvernement français a reçu les archives sans prendre attention si ce document important en faisait partie. Après les traités de Paris de 1814 et 1815, on ne l’a pas réclamé non plus. Cet atlas important se trouve maintenant encore aux archives de Vienne. Indubitablement il nous appartient et d’après tous les traités il doit nous être rendu, et j’ose me flatter que le gouvernement ne négligera rien pour le réclamer. Cet atlas se compose de 193 feuilles, tandis que celui qui est dans le commerce, ne consiste qu’en 25 feuilles.
Ceci prouve combien est grande la différence de ces exemplaires particuliers et combien est soignée la partie des détails topographiques. Ces exemplaires ne sont pas gravés, ils ne sont que dessinés, on appelle cet atlas l’atlas de cabinet.
Je fais cette réclamation parce que le gouvernement (et en cela il a très bien) fait faire une carte sur une plus grande échelle que Ferraris. L’atlas qui est à Vienne faciliterait beaucoup ce travail. Je compte donc que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que ce bel atlas nous soit restitué. S’il s’adressait à la cour de Vienne, ne pourrait-il pas espérer qu’on lui remît l’exemplaire qui est le nôtre, et qui nous revient de tout droit, et surtout d’une carte qui intéresse spécialement la Belgique, qui s’est exécutée dans notre pays et aux frais de la nation. C’est un objet trop important pour nous, que je n’ose craindre que le gouvernement n’y prêtera pas toute sa sollicitude.
M. de Villegas. - Puisqu’à l’occasion de l’article en discussion, on a parlé de dépôts littéraires, j’aurai l’honneur de rappeler à la chambre qu’elle est saisie d’une pétition qui lui a été adressée par les membres du conseil d’administration de la bibliothèque de la ville d’Audenaerde, demandant que les doubles de la bibliothèque royale ne soient pas vendus, mais soient distribués entre les bibliothèques des villes de deuxième ou de troisième ordre. Dans la séance du 3 décembre, cette pétition a été renvoyée à M. le ministre de l’intérieur, conformément aux conclusions de la commission des pétitions.
J’ai l’honneur d’appeler l’attention de M. le ministre sur l’objet de cette demande. J’espère que M. Nothomb saisira avec empressement l’occasion d’enrichir ces bibliothèques dont il encourage la formation, dans l’intérêt des sciences.
M. Rodenbach. - M. le ministre de l’intérieur nous a déclaré, il y a un instant, qu’on accordait 2,000 fr. à la Société de médecine de Gand.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Pas comme allocation permanente.
M. Rodenbach. - Depuis environ 15 ans, la Société des sciences médicales et naturelles de la ville de Bruxelles recevait un subside de 600 fr. Il paraît qu’on ne lui accorde plus ce subside. Cependant cette société est l’une des premières qui aient été établies. Je voudrais savoir pourquoi l’on a retiré ce subside.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il existe dans le pays d’autres sociétés de médecine que celle de Gand. Le gouvernement a accordé quelquefois à ces sociétés des subsides, mais ces subsides n’ont jamais été accordés comme crédits permanents. Depuis l’établissement d’une académie de médecine à Bruxelles, ces sociétés ont paru perdre de leur importance. Néanmoins le gouvernement a continué à donner quelques subsides. C’est ainsi que la société de médecine de Gand a reçu un subside de 2,000 fr., parce qu’elle avait d’importantes publications à faire. Il ne faut pas conclure de mes paroles que ce subside soit permanent.
Je dois saisir cette occasion de dire un mot des sociétés qui se forment dans le pays. Certainement, le gouvernement n’entend apporter aucune entrave au droit d’association. Mais de ce que des sociétés se fondent, il n’en résulte pas pour elles un droit de demander un subside au gouvernement. Le gouvernement est libre à cet égard, aussi libre que l’ont été les membres de ces sociétés de s’associer ou de ne pas s’associer.
Je fais cette observation, non pas que je veuille critiquer cet esprit d’association ; je le loue. Mais je n’hésite pas à dire que l’existence de ces sociétés, en dehors de la direction du gouvernement, ne leur donne pas le droit de demander une part dans les allocations du budget.
M. Rodenbach. - La société de Bruxelles existe depuis 15 ans.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On peut tenir compte de l’ancienneté d’existence des sociétés. Mais on vient de former à Anvers, par exemple, une société d’archéologie. Si on distribue l’allocation du budget entre toutes les sociétés qui se forment ainsi dans le pays, il en résultera que les académies fondées par l’Etat, et qui ne sont que de grandes sociétés centrales, deviendront impossibles.
Ainsi vous avez à Bruxelles l’académie de médecine et l’académie des sciences et belles-lettres : ce sont des sociétés instituées par le gouvernement, ou sous son patronage ; ce sont des institutions nationales, des institutions de l’Etat.
Que d’autres sociétés se forment, en vertu du droit d’association, soit ; mais quand vous faites usage de votre liberté individuelle, vous devez user de vos ressources individuelles. Ce principe n’est pas absolu. Mais quand le gouvernement accorde un subside, il faut que ce soit à raison de circonstances toutes particulières.
L’honorable M. de Villegas a soulevé une autre question, celle de savoir ce qu’on fera des doubles des bibliothèques de l’Etat, maintenant que nous avons deux bibliothèques. Cette destination n’est pas décidée. Le catalogue des doubles n’est pas formé.
L’honorable préopinant a rappelé que la bibliothèque d’Audenaerde est au nombre de celles qui reçoivent non pas les doubles qu’il ne m’est pas permis de donner, mais les ouvrages auxquels souscrit le gouvernement. Il a eu raison de dire que j’ai encouragé ainsi la formation de bibliothèques. Plusieurs villes ont demandé des subsides pour la formation de bibliothèques. J’ai répondu qu’il m’était impossible de donner des subsides, mais que ce que je pouvais faire c’était de donner un exemplaire des ouvrages auxquels souscrit le gouvernement. C’est ce qui m’a engagé à restreindre le système des subsides directs et à généraliser les souscriptions.
M. Delfosse. - Messieurs, l’honorable M. de Villegas vient de demander à M. le ministre de l’intérieur, que les doubles de la bibliothèque royale soient donnés aux bibliothèques des villes de second rang et, entre autres, à la bibliothèque de la ville d’Audenaerde.
Je pense, messieurs, qu’il serait beaucoup mieux de les donner aux universités de l’Etat, la mesure aurait un caractère d’utilité plus générale, la plupart des localités du royaume envoient des élèves aux universités de l’Etat, toutes ces localités retireraient un avantage indirect du don que le gouvernement ferait à ces universités.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est mon intention.
M. Lys. - On établit en ce moment une bibliothèque publique en la ville de Verviers ; je recommanderai à la bienveillance de M. le ministre cette nouvelle bibliothèque, qui n’a d’autres ressources que des souscriptions volontaires ; souscriptions qui doivent même couvrir les frais pour se pourvoir d’un local, jusqu’à ce que la ville en ait un disponible.
Je ne demande pas ici un subside pour ce nouvel établissement, je demande seulement que le gouvernement ne l’oublie pas, lorsqu’il aura des livres à distribuer.
M. de Sécus. - Je recommande à la sollicitude du gouvernement la bibliothèque de la ville d’Ath.
M. Vilain XIIII. - Je recommande celle de St.-Nicolas.
M. Sigart. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur s’il aurait quelques renseignements à nous donner sur l’état des travaux des Bollandistes. Si l’on doit en croire le rapport de la section centrale, il y aurait à ce titre une allocation permanente de 6,000 fr. Il me semble qu’une rente perpétuelle de 6,000 fr, c’est un peu cher pour des légendes de saints.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je puis dire à la chambre que, très prochainement une publication se fera. J’ajouterai que c’est là une entrepris (si je puis me servir de ce nom) que le gouvernement a cru devoir conserver au pays pour l’honneur national. (Assentiment.) Si nous l’avions voulu, le gouvernement français se serait chargé de la continuation de la collection des Bollandistes. Il s’est adressé au gouvernement belge pour demander les matériaux qui se trouvaient dans le pays, annonçant qu’il était disposé à continuer la publication ; nous avons cru que l’honneur du pays voulait que la Belgique continuât cette publication belge.
De toutes parts. - Vous avez très bien fait.
Une voix. - Ce sont des vies de saints et des légendes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On dit que ce sont des vies des saints ; c’est vrai, mais c’est dans les vies des saints que se trouve l’histoire de l’Europe à certaines époques. Je sais très bien que l’histoire contemporaine n’est pas précisément l’histoire des saints. (On rit.)
M. de Villegas. - L’honorable M. Delfosse est dans l’erreur, quand il croit que j’ai demandé pour la ville d’Audenaerde surtout la distribution des doubles de la bibliothèque royale. J’ai eu l’honneur d’appeler l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur une pétition que la chambre lui a transmise. M. le ministre ayant déclaré qu’il s’occupe de cet objet, mon but est atteint.
M. Dumortier. - La publication des Bollandistes est une véritable gloire pour la Belgique. Vous savez, messieurs, que dans les siècles derniers, la plupart des grandes nations de l’Europe ont publié des collections qui sont réellement des monuments élevés à la littérature ancienne. La Belgique a publié les Acta Sanctorum, et aucune publication n’a une importance plus grande. Ce ne sont pas simplement des légendes, c’est la vie de toutes les classes du peuple au moyen-âge, et aucun écrivain qui s’occupe de l’histoire de cette époque ne peut se dispenser de puiser dans les Acta Sanctorum. C’est, messieurs, que les saints sont les grands hommes du moyen-âge, et tandis qu’ailleurs on ne trouve que quelques chroniques de guerres, de batailles, la vie des saints présente l’état de la société tout entière au moyen-âge, tout ce qui se rapporte à la vie privée des citoyens, tout ce qui concerne la vie des diverses classes de la population.
La collection des Bollandistes est une œuvre éminemment belge ; elle a toujours été publiée en Belgique ; c’est un monument élevé a la gloire des sciences historiques par la Belgique, et il me serait douloureux de voir qu’une semblable publication n’eût pas l’assentiment de l’unanimité des membres de cette assemblée ; mais je suis convaincu que chacun ici comprend la haute importance de cette œuvre. Certes, aucune publication n’a une valeur bibliographique aussi grande, et ce sera pour la chambre un titre de gloire d’avoir contribue à la continuation d’un semblable monument.
M. Desmet. - Si les hagiographes bollandistes ont publié des vies des saints, ils n’en ont pas moins fait une histoire complète sous tous les rapports, les Acta sanctorum sont une œuvre littéraire qui fait la gloire des Pays-Bas. En encourageant cette publication, le gouvernement n’a fait que continuer ce qu’avaient fait tous les gouvernements qui l’on précédé.
Lors de la suppression des jésuites, le gouvernement autrichien a pris l’ouvrage à lui. (Interruption.) Oui, messieurs, quand en 1773 les jésuites furent supprimés, le prince Charles de Lorraine fit tout ce qui fut en son pouvoir pour conserver la société bollandinienne et après en avoir reçu l’autorisation de la cour de Vienne, il l’établit dans l’abbaye de Caudenberg, où furent ainsi transportées l’imprimerie et les archives de la société, ainsi que les manuscrits et les papiers du musée Belarmin ; le gouvernement avait à sa charge tous les frais de premier établissement à Caudenberg ; il ne payait pas directement les imprimeurs, mais tous les hagiographes qui y travaillaient recevaient un traitement de 800 fl. Lorsqu’en 1784 Joseph II eut supprimé l’abbaye de Caudenberg, l’œuvre des Bollandistes fut continuée à l’abbaye de Tongerloo, où elle resta jusqu’en 1794 à l’entrée des Français, quand les moines de cette abbaye se dispersèrent et que les Bollandistes durent aussi quitter l’abbaye et abandonner leurs intéressants travaux. En 1801, le préfet des Deux-Nethes, d’Herbouville, fit des tentatives près des hagiographes qui existaient encore, pour les engager à reprendre leurs travaux, mais ces tentatives n’eurent point de succès. L’institut de France, qui appréciait toute l’importance des Acta Sanctorum, fit, en 1803, les mêmes démarches pour obtenir la continuation, mais encore une fois, elles restèrent sans succès. Mais la preuve est ici que tous les gouvernements ont su apprécier l’importance de cette publication.
Consultez sur cet ouvrage un homme qui certes n’aime pas beaucoup les saints, consultez Bayle : il en fait le plus grand éloge ; consultez les encyclopédistes, ils y rendent également un hommage complet.
Naguère le bibliothécaire de l’Etat a dû faire des recherches sur l’origine des communes. Eh bien, il n’a trouvé les renseignements dont il avait besoin que chez les Bollandistes. Il n’y a pas longtemps un journal a publié des documents très intéressants pour l’économie politique, qu’il avait également puisés dans l’œuvre des Bollandistes. Je dis que cette publication est de la plus haute importance et que le gouvernement doit l’encourager comme l’ont fait tous les gouvernements avant lui. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande à donner lecture d’un rapport très court du 12 décembre, qui fera connaître à la chambre l’état des travaux des Bollandistes.
Voici ce rapport :
« M. le ministre,
« En réponse à la demande que vous avez daigné nous faire sur la durée probable de nos travaux, j’ai l’honneur de vous répondre que nous pensons que l’ouvrage exigera encore 20 à 25 volumes jusqu’à son entier achèvement, et que nous pourrons fournir tous les 2 à 3 ans un volume ; surtout après le 1er volume, qui est le plus difficile tant à cause de la nouveauté des travaux qu’à cause des matériaux à rassembler, il nous sera possible d’aller plus vite, quoique le deuxième volume doive plus ou moins se ressentir de cette même nouveauté d’une entreprise aussi gigantesque.
« Vous savez, M. le ministre, que le recueil des Bollandistes compte 53 volumes pour les 9 1/2 mois, depuis janvier jusqu’au 15 octobre. Le mois de janvier n’a que 2 volumes, et les 14 premiers jours d’octobre en ont 6 ; car, à mesure qu’on avançait, on avait plus de matériaux. C’est sur la quantité probable des matériaux que nous nous fondons, quand nous disons qu’il faudra encore 20 à 25 volumes avant de parvenir au 31 décembre, c’est-à-dire à la fin de l’ouvrage
« Agréez, monsieur, l’hommage de la haute considération avec laquelle j’ai l’honneur d’être
« A. M. Nothomb, ministre de l’intérieur. »
« Votre très humble serviteur,
« J. VANDERMOERE.
« Au nom de la société des Bollandistes. »
- La clôture est demandée.
M. Devaux. - Je voudrais faire une observation. (Aux voix, aux voix.)
M. Verhaegen. - On a eu l’air de croire qu’il y avait de l’opposition contre le crédit destiné à la publication des Acta Sanctorum. Je pense que tout le monde soutient ce crédit ; je l’ai soutenu, moi, dans la section centrale. Il n’était pas nécessaire de faire tant d’efforts pour le faire passer, personne ne s’y opposait. L’honorable M. Wallaert sait que je l’ai soutenu dans la section centrale.
M. Wallaert. - Je déclare que l’honorable M. Verhaegen a soutenu l’allocation dans la section centrale et de bien bon cœur.
M. Sigart. - Je n’ai pas demandé la parole pour m’opposer à l’allocation de cette année. Je voulais seulement savoir à quoi en étaient les travaux, et pendant combien de temps le subside devra être accordé. J’apprends que nous avons encore à payer au moins 5 fois 6,000 fr. Que d’autres trouvent que ce n’est pas cher, à la bonne heure, mais on me permettra de ne pas être de cet avis.
M. Maertens, rapporteur. - Je dirai à l’honorable membre que le rapport de la section centrale renvoyait à trois pièces qui devaient être déposées sur le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur ; ce sont le rapport adressé au Roi, sous la date du 29 avril 1837, par M. le ministre de l’intérieur, et deux lettres des Bollandistes sur l’avancement de leurs travaux. Si l’honorable membre s’était donné la peine de jeter un coup d’œil sur ces pièces, je suis persuadé qu’il n’aurait pas fait son interpellation.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Le chiffre demandé par le gouvernement est de 227,000 fr. La section centrale propose une réduction de 6,000 fr.
M. Maertens, rapporteur. - Je demande à donner une explication sur le chiffre. Si la chambre adopte les observations de M. le ministre de l’intérieur, il faudra majorer le crédit de 2,000 fr. La section centrale ne propose pas réellement une réduction, elle repousse seulement l’augmentation de 6,000 fr. proposée au litt. A ; je dis l’augmentation, puisque l’on fait un littera spécial des 6,000 fr. accordés aux Bollandistes, et qui ont été prélevés jusqu’ici sur le litt. A. D’un autre côté, la section centrale voulait que M. le ministre prélevât sur le chiffre du service de santé les 2,000 fr. qu’il accorde à la société de médecine de Gand ; or, si cette somme doit être prélevée sur le crédit dont il s’agit en ce moment, ce crédit sera nécessairement inférieur de 2,000 fr. à celui que voulait accorder la section centrale, et dans lequel elle comprenait une somme de 2,000 fr., qu’elle désirait être employée à augmenter le subside de l’observatoire de Bruxelles.
Si donc on veut prélever sur le crédit en discussion le 2000 fr. accordés à la Société de médecine de Gand, et si l’on veut en même temps accorder 2000 fr. à l’observatoire, il faut nécessairement augmenter de 2,000 fr. le chiffre proposé par la section centrale.
M. de Mérode. - Je demande la parole.
M. le président. - Nous allons rentrer dans la discussion du fond.
M. de Mérode. - C’est pour demander une simple explication. Je désirerais savoir si M. le ministre de l’intérieur entend accorder 2000 fr. de plus à l’observatoire. Je considère cette augmentation comme indispensable.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le gouvernement ne pourra que difficilement trouver sur l’allocation demandée, les 2,000 francs nécessaires à l’observatoire. Je ne puis donc considérer que comme un simple vœu l’indication faite à cet égard par la section centrale. Toutefois je ferai ce qui me sera possible pour accorder à l’observatoire l’augmentation dont il s’agit.
Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Frais d’administration (Personnel) : fr. 21,350 »
« Art. 3. Frais d’administration (Matériel) : fr. 2,600 »
« Art. 4. Frais de publication des inventaires des archives : fr. 4,000 »
- Ces articles sont successivement adoptés.
« Art. 5. Archives de l’Etat dans les provinces ; frais de recouvrement de documents provenant des archives, tombés dans des mains privées ; frais de copies de documents concernant l’histoire nationale : fr. 15,000 »
M. Dumortier. - Messieurs, j’ai une observation à présenter sur cet article. L’Etat possède des archives appartenant à diverses localités. Il y a d’abord à Bruxelles les archives générales du royaume, il y a ensuite dans chacune de nos provinces un dépôt des archives provinciales. Il y a quelques années, il fut question de réunir toutes ces archives à Bruxelles ; la chambre n’a pas adopté ce système.
Elle a cru qu’il était préférable de laisser dans chaque province les archives qui l’intéressaient, parce que c’est là que se trouvaient les travailleurs à qui l’exploration de ces archives, d’un intérêt purement local, peut être utile. Chose étrange, il se trouve encore aujourd’hui dans les archives de Bruxelles plusieurs dépôts qui sont des dépôts d’archives provinciales. Je désire que ces dernières archives soient remises aux dépôts provinciaux auxquels elles appartiennent. Je demande ce transfert dans l’intérêt des publications littéraires et historiques de la Belgique. Nous faciliterons beaucoup, par cette mesure, les travaux historiques dans les différentes localités du pays.
Je prie M. le ministre de l’intérieur de prendre mon observation en considération, je le prie d’autoriser le transfert que je demande ; le gouvernement, ferait par là une chose fort utile.
Je sais bien que M. l’archiviste-général, comme tout dépositaire, doit tenir à conserver son dépôt le plus complet possible ; mais ici il y a un autre intérêt à ménager, c’est celui des publications historiques dans les différentes provinces.
Je prie de nouveau M. le ministre de l’intérieur d’avoir égard à mon observation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, rien n’est plus difficile que de faire une distinction entre les archives d’un intérêt général et les archives qui tiennent à l’histoire provinciale ; pendant bien longtemps, la Belgique n’a eu qu’une existence provinciale, et je trouve que le gouvernement central a déjà fait une grande concession, en laissant dans les provinces certains dépôts généraux. Mais aller plus loin, décentraliser le dépôt général qui se trouve à Bruxelles, repartir entre les différentes provinces ce qui doit être considéré d’intérêt provincial, c’est un système auquel je ne veux pas me prêter. Sans doute, s’il se rencontrait une pièce qui fût évidemment d’un intérêt tout local, on pourrait la faire déposer dans les archives provinciales.
Loin d’être de l’avis de l’honorable préopinant, je regrette, au contraire, que la centralisation ne soit pas poussée plus loin, surtout maintenant que Bruxelles est devenue d’un si facile accès pour tous les points du territoire.
Je sais qu’il y a beaucoup de matériaux inexplorés dans les archives de l’Etat, mais cette exploration sera continuée. C’est ainsi que toute la correspondance allemande était inconnue, on ne savait même pas qu’il y eût dans les archives de l’Etat des documents allemands aussi importants ; ce n’est que depuis quelques années que nous le savons, et je saisis cette occasion pour rendre justice au littérateur qui a été chargé de cette exploration ; il a rendu un véritable service à l’histoire, non seulement de la Belgique, mais de l’Europe.
La section centrale exprime le désir de voir cesser prochainement ce travail extraordinaire ; je m’associe à ce vœu, en ce sens cependant que, si cette besogne vient à cesser, l’on ne sacrifiera pas l’homme qui en a été chargé ; il faut que le gouvernement lui trouve un autre emploi, c’est-à-dire qu’il lui fasse, par exemple, entreprendre une nouvelle exploration dans l’une ou l’autre partie encore inconnue des matériaux qui se trouvent déposés aux archives générales.
M. Dumortier. - Je suis d’accord avec M. le ministre de l’intérieur, que s’il s’agissait de distraite du dépôt général, des archives qui ont un rapport direct avec l’intérêt général, ce serait une chose très fâcheuse ; mais ce n’est pas à cela que tend mon observation. J’ai dit qu’à côté du dépôt général se trouvent plusieurs dépôts qui sont exclusivement locaux. Voici comment les faits se sont passés :
Lois de l’invasion française en 1794, le gouvernement autrichien donna ordre aux diverses provinces d’envoyer leurs archives à Bruxelles, pour être transférées en Autriche. La plupart des provinces consentirent à ce transfert, et les dépôts provinciaux furent ainsi transportes en Autriche. A la suite du traité de Campo-Formio, la majeure partie de ces archives ont été restituées au pays, et il serait à désirer que l’on fit rentrer en Belgique le restant de ces archives.
Quant aux archives qui nous ont été restituées, elles ont été réintégrées en grande partie dans les dépôts provinciaux. C’est ainsi que les dépôts de Gand, de Bruges, ont été remis en possession de leurs anciennes archives ; dernièrement le dépôt de Liége a obtenu aussi une restitution partielle. Mais il est d’autres dépôts provinciaux à qui on n’a pas restitué les archives qui leur appartiennent, et qui ont un droit égal à cette restitution.
Ainsi, par exemple, les archives de la province de Namur étaient encore, il y a deux ans, déposées aux archives générales ; ces archives ne seraient-elles pas mieux placées à Namur ? Les archives de l’évêché de Tournay se trouvent encore dans le dépôt de Bruxelles ; ces archives encore une fois, ne seraient-elles pas mieux placées à Tournay ?
M. Maertens. - Je dois, au nom de la section centrale, une réponse aux dernières paroles qui ont été prononcées par M. le ministre de l’intérieur, relativement aux 2,400 francs alloués pour le classement des archives de la secrétairerie d’Etat allemande. La section centrale n’a pas voulu ôter les moyens d’existence au littérateur qui s’occupe de ce travail depuis plusieurs années ; mais aussi depuis plusieurs années, dans les notes fournies à l’appui du chiffre, on a dit et répété annuellement à la section centrale que pour la fin de l’année tout serait achevé : c’est ce qu’on nous a dit encore cette année ; on nous a annoncé que le travail des douze premiers volumes était achevé, et que le tout serait terminé pour la fin de l’année 1844. Dès lors la section centrale a cru pouvoir émettre le vœu que le crédit ne fût pas reproduit l’année prochaine.
La section centrale n’entend pas contester la capacité et les mérites de l’homme à qui on a confié ce travail, et pour mon compte je verrais avec plaisir qu’on pût utiliser ce littérateur à d’autres travaux du même genre aussi utiles que ceux dont il s’occupe en ce moment.
M. Dedecker. - Messieurs, nous devons tous désirer que le travail entrepris par M. Coremans touche à sa fin. Mais je suis heureux de voir qu’on est unanime dans cette chambre pour rendre hommage au zèle, à l’activité et à l’intelligence déployés par M. Coremans dans le classement des archives de la secrétairerie d’Etat allemande. Tous le monde sait que c’est lui qui a fait connaître les richesses qui étaient enfouies dans ce dépôt, et par là il a rendu des services éminents aux sciences historiques. Le gouvernement français a fait demander communication de quelques-unes de ces pièces pour M. Mignet. Le docteur Ranke, dans son histoire de la réformation, a également mis à profit les richesses mises en lumière par le docteur Coremans. La plupart des gouvernements allemands ont aussi demandé la communication des pièces appartenant au même dépôt.
M. de Man d’Attenrode. - M. le ministre de l’intérieur vient de nous dire, à propos de nos archives : Je regrette que le système de centralisation ne soit pas poussé plus loin ; quant à moi, je partage son avis ; mais pour pouvoir faire ce vœu sans arrière-pensée, il faudrait que le gouvernement prît quelque mesure, pour que notre dépôt d’archives eût un emplacement plus convenable, un emplacement qui mît ce précieux dépôt à l’abri du feu.
Le gouvernement, en ne faisant pas plus d’efforts qu’il n’en a fait jusqu’à présent pour se pourvoir d’un autre emplacement, encoure une grave responsabilité.
M. de Theux. - Messieurs, je saisis également l’occasion que m’offre cette discussion, pour rendre un témoignage public au zèle et à l’intelligence qu’a montrés M. le docteur Coremans dans le classement des archives de la secrétairerie d’Etat allemande. Plusieurs fois le gouvernement lui a témoigné sa satisfaction, au sujet de ses travaux, et je crois que ce littérateur a rendu de très grands services au pays.
- Personne ne demandant plus la parole, l’art. 5 est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Frais de classement et d’inventaire des archives de la secrétairerie d’Etat allemande : fr. 2,400 »
« Art. 7. Location de la maison servant de succursale au dépôt général des archives de l’Etat : fr. 3,500 »
- Ces deux articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 8. Beaux-arts : fr. 227,000 fr. (dont 19,000 fr. de charges extraordinaires).
La section centrale propose une réduction de 10,000 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) déclare ne pas se rallier à cet amendement.
M. Delfosse. - Je prierai M. le ministre de l’intérieur ; pour le cas où il serait encore aux affaires lorsqu’on distribuera les subsides... (On rit.)
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est un vœu que vous formez !
M. Delfosse. - Pas du tout, ce n’est qu’une supposition.
Je prierai M. le ministre de l’intérieur de ne pas oublier que nous avons à Liége les artistes de mérite. Il y a à Liége des peintres qui ont figuré avec succès à diverses expositions, qui ont même obtenu la médaille d’or, et cependant le gouvernement ne leur a pas acheté un seul tableau ; je prierai M. le ministre de penser à eux. (Signe d’assentiment de la part de M. le ministre de l’intérieur).
M. Maertens. - Messieurs, bien que j’aie peu d’espoir de voir accueillir la proposition de la section centrale, et que la chambre paraisse très pressée d’en venir au vote sur l’ensemble, je dirai cependant les motifs de la réduction proposée. Sur le crédit de 227 mille francs se trouve une majoration de 30,000 fr., comparativement à l’exercice de l’année dernière. Cette majoration résulte de ce que antérieurement une somme de 5,000 fr. avait été prélevée sur le chiffre global pour le concours de composition musicale et les pensions des deux lauréats.
La section centrale en consentant à l’allocation de 5,000 francs pour cet objet ne voit pas de motifs pour augmenter d’autant le littera A. Le chiffre de ce littera étant maintenu à 55,000 fr. et en demandant un crédit spécial pour le concours de composition musicale et les pensions des lauréats , il y a augmentation. Cette augmentation, la section centrale la refuse. Il y a encore une augmentation de 25,000 fr. dans laquelle figure la dépense pour le musée royal d’armes et d’armures et d’antiquités. Un crédit de 20,000 fr. figure au budget pour cet objet, 10,000 fr. comme crédit ordinaire et 10,000 fr. comme crédit extraordinaire pour l’appropriation de la porte de Hal.
Les dix mille francs de ce crédit ordinaire sont destinés aux achats et au salaire des deux ouvriers. La section centrale a examiné quelles avaient été les sommes dépensées antérieurement pour cet objet. On a trouvé qu’en 1841 on avait dépensé pour achats et salaire 3,400 francs. La section centrale a dit : puisqu’antérieurement 3,400 fr. ont suffi pour cette année, en présence des dépenses extraordinaires qu’il faut faire pour appropriation d’un local, nous avons la conviction que 5 mille fr. suffit-ont pour les achats et le salaire des deux ouvriers. Le gouvernement pourra reproduire le chiffre de 10 mille francs quand il ne faudra plus d’allocation pour des dépenses d’appropriation des locaux. Voilà ce qui a motivé la réduction de 10,000 fr. Nous pensions que M. le ministre se serait rallié aux propositions très modérées de la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La section centrale propose d’imputer sur le littera A. les 5,000 fr. pour pensions de deux lauréats. C’est la même question que celle qui s’est présentée pour les Bollandistes. Il s’agit ici d’une dépense qui est devenue fixe, la somme ne peut plus être considérée comme faisant partie de l’allocation générale qui est à la disposition du gouvernement.
Reste le deuxième point. La somme est déjà très peu considérable ; songez qu’il s’agit ici de la peinture dans tout le pays.
La deuxième réduction est celle qui concerne le musée des armes, armures et antiquités. Jusqu’à présent la chambre a invariablement accordé 10,000 fr. pour cet objet. Il y aura beaucoup de travaux d’appropriation à faire à la porte de Hal où le musée doit être transféré, mais ces travaux d’appropriation forment une dépense extraordinaire qui ne se reproduira pas tous les ans. On a dû la faire figurer comme crédit spécial. Maintenant faut-il diminuer l’espèce de dotation que vous avez toujours allouée pour le musée des armures ? Je ne le pense pas ; le moment serait mal choisi, parce que ces 10,000 fr. ne sont pas exclusivement consacrés aux achats d’armures. Il faudra prélever le traitement d’un concierge et le salaire de quelques ouvriers. Si donc, vous réduisez la somme à 5,000 fr., il vous restera deux à trois mille francs, pour achat d’armures et d’objets d’antiquité.
Je demande si une somme de 2,000 à 2,500 fr. serait suffisante. Il y a une pièce seule qui a coûté 6,000 fr. Elle a une valeur intrinsèque de près de 5,000 fr. C’est une très bonne acquisition, car un très grand amateur a proposé de reprendre cet objet au prix auquel il y a été acheté, parce que j’avais été effrayé de l’élévation du prix, mais j’ai cru devoir maintenir le marché.
Ainsi donc, messieurs, en réduisant l’allocation à 5,000 francs, lorsqu’on aura pris le salaire d’un portier et la main-d’œuvre de quelques ouvriers, il ne vous restera que 2,500 fr. environ pour achat d’objets d’antiquité, somme insignifiante avec laquelle on ne peut rien faire.
M. Lys. - Je voterai le chiffre proposé par le gouvernement, voulant encourager le commerce et l’industrie, nous sollicitons pour elles, des lois protectrices.
Nous donnons des sommes considérables pour venir au secours de l’industrie linière.
Je crois aussi, messieurs, qu’il y a lieu d’accorder le chiffre proposé en faveur des beaux-arts, car c’est un devoir pour nous de les protéger, d’attacher au pays tant d’artistes distingués, qui, si vous les oubliez, devraient chercher ailleurs une protection méritée.
J’espère que le gouvernement se rappellera qu’il existe des artistes distingués en la province de Liège, qui n’ont encore rien obtenu, sinon une médaille d’or, ce qui sans doute, est un titre évident de leur talent, et les rend dignes de toute l’attention de M. le ministre de l’intérieur.
M. Devaux. - Je demande la parole pour faire quelques observations sur l’emploi du crédit dont il s’agit. Cet emploi peut être utile, et pour avoir une garantie de son utilité, je voudrais qu’il reçût une grande publicité. Je voudrais que chaque année le gouvernement joignît, comme développement au budget, le détail des subsides accordés aux lettres et aux arts. C’est la seule garantie que nous puissions avoir du bon emploi de la somme que nous votons. Je sais que le gouvernement fournit des renseignements quand nous les lui demandons, mais ils ne sont pas toujours présentes dans une forme telle qu’ils soient à la portée de tout le monde, j’aurais désiré avoir les tableaux des encouragements accordés aux lettres et aux arts ; je n’en ai eu qu’un, encore n’est-il pas complet, car il contient des etc. Avec cela on dit tout ce qu’on veut.
On porte globalement pour souscription à des ouvrages 5,000 fr. Il s’agit de savoir dans quelle proportion chaque ouvrage prend part à ces souscriptions, pour combien d’exemplaires le gouvernement souscrit. Il y a des ouvrages très utiles, mais il en est aussi qui sont sans intérêt pour le gouvernement et pour le pays, qui n’ont pas vingt lecteurs au-delà des exemplaires auxquels le gouvernement souscrit. Je désire qu’à l’avenir on nous donne un compte détaillé et précis de l’emploi des fonds accordes aux beaux-arts et aux lettres.
Puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour dire que je désirerais aussi que pour plusieurs établissements importants, pour plusieurs écoles spéciales, l’école de gravure de Bruxelles, l’école de dessin d’Anvers, l’école vétérinaire, le conservatoire de musique et, au département de la guerre, l’école militaire, chaque année le gouvernement nous fît un rapport sur l’état de chacun de ces établissements. De même pour le musée de Bruxelles et la bibliothèque de l’Etat, je voudrais que tous les deux ans au moins, la situation de ces établissements fût connue de la chambre et du pays. Ce serait un bien pour le gouvernement, cela le forcerait à porter son attention sur ces établissements. Nous y consacrons beaucoup de fonds, il est important qu’ils soient connus et surveillés. Ce sera une garantie de surveillance que de demander à l’appui du budget un rapport sur ces établissements, ainsi que sur les fonds consacrés aux lettres et aux arts. Sur l’instruction supérieure, nous avons un rapport tous les ans, sur l’instruction primaire, la loi exige qu’un rapport soit fait tous les trois ans. Je désire que ces rapports arrivent en temps utile, afin de pouvoir être examinés avant la discussion du budget, ce qui n’a pas lieu. Je crois qu’aux écoles spéciales que j’ai citées, je pourrais en ajouter d’autres ; par exemple l’école de navigation mériterait qu’on s’en occupât aussi. Si tous les ans on ne pouvait pas nous faire ce rapport sur toutes ces écoles, on pourrait du moins chaque année nous faire un rapport sur quelques-unes, de manière qu’on pût en trois ans avoir la situation de toutes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois avec l’honorable préopinant que la publicité est une garantie pour tout le monde C’est une garantie pour la chambre contre le gouvernement, c’est une garantie pour le ministre contre ses agents ; je suis entièrement de son avis. Les directeurs et chefs des établissements que l’honorable ministre a cités, sont dans l’habitude d’adresser des rapports au gouvernement. En ce qui me concerne, je maintiens cet usage, mon intention est de lui donner un autre but, celui que l’honorable membre a indiqué. Mon intention est de demander des rapports pour chaque année, tels qu’ils puissent être insérés au Moniteur. C’est ainsi que vous voyez figurer au Moniteur plusieurs de ces rapports ; le rapport du directeur de l’observatoire y est inséré chaque année.
De même, je désire qu’un rapport du directeur du conservatoire, du directeur de la bibliothèque et même de l’Académie à Bruxelles, soient insérés au Moniteur. L’Académie faisait autrefois un rapport de ce genre, je le lui demanderai et je le ferai insérer au Moniteur. Le but qu’on se propose sera atteint par ces rapports, j’examinerai s’il faut faire davantage.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, les développements du budget de 1843 contiennent une correspondance entre M. le ministre de l’intérieur et la questure de la chambre, dans laquelle je remarque les passages suivants
« Jusqu’ici le gouvernement, en commandant des tableaux... ne s’est pas préoccupé de leur emplacement.
« C’est ainsi qu’à défaut d’emplacement on a été obligé de mettre dans le vestibule de la chambre… les tableaux de MM. de Kaiser et Wappers, et qu’on ne sait où placer ceux de MM. Gallait et de Biefve.
« Je pense qu’il serait possible, en encourageant vos grands artistes, de faire servir leur talent à rappeler les traits glorieux de notre histoire et à embellir le palais législatif.
« Je vous prie de me faire connaître quelle serait le nombre de statues et de tableaux nécessaires pour orner les vestibules et les salons du palais.
« Le gouvernement y consacrerait annuellement une somme de 20 à 25,000 fr. »
Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur, s’il n’a pas été donné un commencement d’exécution à ce projet ?
Il me semble qu’il serait tout à fait convenable que le salon que nous occupons ici, possédât un portrait en pied de S. M.
Ce serait une véritable convenance ; partout en France les moindres municipalités possèdent le portrait du Roi, et en Belgique le palais des chambres ne possède pas celui du chef de l’Etat.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis en rapport avec la questure de la chambre, au sujet de ces diverses questions. Plusieurs de ces observations m’ont déjà frappé, et seront prises en considération.
- L’art. 8 est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 227,000 fr.
« Art. 9. Monument de la place des Martyrs : fr. 10,000 »
« Art. 10. 2ème septième pour l’exécution de la statue équestre de Godefroid de Bouillon : fr. 12,500 »
« Art. 11. Monuments à élever aux grands hommes de la Belgique avec le concours des villes et des provinces ; médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000 »
« Art. 12. Subsides aux villes et communes dont les ressources sont insuffisantes pour la conservation des monuments, et commission royale des monuments : fr. 36,000 »
- Tous ces articles sont adoptés sans discussion.
« Article unique. Litt. A. Dépenses imprévues et travail extraordinaire : fr. 18,000 »
- Cet article est adopté sans discussion.
La chambre passe au texte du budget :
« Art. 1er. Le budget du département de l’intérieur, pour l’exercice 1844, est fixé à la somme de 5,149,405 fr. 20 c. conformément au tableau ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation.»
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du budget ; voici le résultat du vote.
82 membres sont présents.
6 (MM. de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Lys, Troye et de Baillet) s’abstiennent.
76 prennent part au vote.
59 votent pour l’adoption.
17 votent contre.
La chambré adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Nef, Deprey, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux d’Huart, Donny, Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Huveners, Jadot, Maertens, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Angillis, Brabant, Cogels Coppieters, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega et Liedts.
Ont voté contre : MM. d’Elhoungne, de Tornaco, Devaux, Fleussu, Lange, Lebeau, Lesoinne, Manilius, Orts, Osy, Rogier, Sigart, Verhaegen, Castiau, David, Delehaye et Delfosse.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Villegas. - Je ne croyais pas pouvoir émettre un vote qui fût le témoignage d’une entière approbation du budget Je n’ai donc pas voulu dire oui. D’autre part, le rejet du budget emporte avec lui l’idée d’un refus de concours et entrave la marche du gouvernement. Il n’était point dans ma pensée que mon vote allât jusque-là. Dans cette situation, je me suis abstenu.
M. d’Hoffschmidt. - Je n’ai pas voté contre le budget de l’intérieur parce que, après le débat politique auquel il a donné lieu, je ne voulais pas que mon vote négatif pût être considéré comme impliquant un manque de confiance dans le cabinet tout entier, et parce que le rejet d’un budget est toujours un acte très grave pour les intérêts matériels et administratifs du pays.
Je n’ai pas voulu voter pour ce budget, parce qu’il m’est impossible de donner un vote qui pourrait être considéré comme approbatif de la politique suivie, depuis trois ans, par M. le ministre de l’intérieur.
Tels sont les motifs de mon abstention.
M. Dolez. - Je me suis abstenu par les motifs qui viennent d’être indiqués par mon honorable collègue et ami, M. d’Hoffschmidt. Ces motifs et la mesure de l’abstention résument et caractérisent à merveille la situation de mes convictions vis-à-vis du cabinet.
M. Lys. - Je me suis abstenu, parce que je ne croyais pas devoir voter contre le budget, des dépenses nécessaires, qui y figurent, ne devant souffrir aucun retard, mais je ne pourrai voter pour ce budget aussi longtemps que M. Nothomb dirigera le ministère de l’intérieur, parce que je suis convaincu que c’est là la cause que l’irritation continue à régner dans le pays, irritation qui ne cessera qu’au moment où il sera convenablement remplacé et qu’on aura ainsi l’espoir de voir rapporter les lois réactionnaires qu’il a présentées ou appuyées.
M. Troye. - Je me suis abstenu par les motifs que l’honorable M. d’Hoffschmidt a développés.
M. de Baillet-Latour. - Je me suis abstenu par les motifs allégués par honorable M. d’Hoffschmidt.
- La séance est levée à midi et demi.