Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 17 janvier 1843

(Moniteur belge n°18, du 18 janvier 1843)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn fait l’appel nominal à midi et quart.

M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Kervyn présente l’analyse des pièces de la correspondance.

« Les habitants de Marchienne-au-Pont demandent que le gouvernement ne change pas la direction de la route de Beaumont dans la traverse de Marchienne. »

- Sur la proposition de M. Pirmez, cette pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics ; elle sera ensuite renvoyée à la commission des pétitions.


« Le sieur Ransonnet, adjudicataire de la barrière n°5, établie à Battice, demande la résiliation de son bail. »

M. Lys. - Cette pétition vous est adressée par un fermier de barrière qui demande la résiliation de son bail. Il cite des faits pour l’obtenir, avançant que des faits identiques l’ont fait obtenir à deux autres fermiers de barrières ; cette affaire étant urgente, je conclus au renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur J. .E. Delerre prie la chambre de statuer sur sa demande en naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Les brasseurs de l’arrondissement de Mons présentent des observations contre le projet de loi tendant à modifier les bases de l’impôt sur les bières. »

- Sur la proposition de M. Lange, cette pétition est renvoyée à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les bières, et elle sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi ; sur la proposition du même membre, la chambre en ordonne, en outre, l’insertion au Moniteur.


« Les détaillants de boissons à Leupeghem présentent des observations contre le projet de loi relatif au droit de consommation sur les boissons distillées. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Fraipont, greffier de la justice de paix du canton de Waremme, prie la chambre de s’occuper du projet de loi sur les traitements des membres de l’ordre judiciaire, immédiatement après l’adoption du budget des travaux publics. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

Composition des bureaux de section

Les bureaux des sections, pour le mois de janvier 1843, sont composés ainsi qu’il suit :

Première section :

Président : M. Duvivier

Vice-président : M. Osy

Secrétaire : M. Van Cutsem

Rapporteur de pétitions : M. de Garcia


Deuxième section :

Président : M. Jadot

Vice-président : M. Fleussu

Secrétaire : M. Sigart

Rapporteur de pétitions : M. Delfosse


Troisième section :

Président : M. Coppieters

Vice-président : M. Eloy de Burdinne

Secrétaire : M. Dedecker

Rapporteur de pétitions : M. Morel-Danheel


Quatrième section :

Président : M. Fallon

Vice-président : M. Raymaeckers

Secrétaire : M. Pirmez

Rapporteur de pétitions : M. de Roo


Cinquième section :

Président : M. de Theux

Vice-président : M. Lange

Secrétaire : M. Dumont

Rapporteur de pétitions : M. Zoude


Sixième section :

Président : M. de La Coste

Vice-président : M. d’Hoffschmidt

Secrétaire : M. de Renesse

Rapporteur de pétitions : M. Maertens

Projet de loi concernant la canalisation de la Campine

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le canal à creuser pour la jonction du Ruppel au canal de Bois-le-Duc, se composera de deux sections, savoir :

« 1ère section de Bocholt à la Pierre-Bleue ;

« 2ème section, de la Pierre-Bleue à Herenthals »

M. le président. - La section centrale a adopté cet article.

- L’article est adopté sans discussion.

Article 2

« Art. 2. Les propriétés communales et privées, situées de part et d’autre du canal, sur une profondeur de 5,000 mètres, seront appelées à concourir aux frais de son établissement. »

M. le président. - La section centrale adopte cet article.

M. Huveners propose d’y ajouter le paragraphe suivant :

«Seront toutefois exemptes de ce concours les propriétés qui se trouvent dans le rayon de 5,000 mètres du canal de Bois-le-Duc. »

M. Huveners. - Les propriétés, situées dans le rayon de 5,000 mètres du canal de Bois-le-Duc, ne peuvent être assujetties au concours ; les bases du projet s’y opposent, comme je l’ai prouvé lors de la discussion générale ; elles ne peuvent trouver dans le canal aucun avantage qu’elles ne possèdent déjà. D’ailleurs, il n’y a pas plus de raisons de les appeler au concours que d’appeler toutes les propriétés situées le long du canal de Bois-le-Duc, depuis Maestricht jusqu’à la frontière hollandaise, et qui, plus est, quelques-unes des propriétés dont il s’agit dans l’amendement que j’ai présenté, au lieu de retirer un avantage marquant du nouveau canal y perdent d’abord par la division des propriétés, et probablement par des filtrations à travers les digues du nouveau canal qui seront sur cette partie assez élevées et surtout parce que les propriétaires seront obligés à des détours considérables pour les exploiter.

L’amendement est tellement justifié que je croirais faire injure à vos lumières si j’insistais davantage. Le rejeter, ce serait de l’arbitraire, pour ne pas dire plus.

- L’amendement proposé par M. Huveners est appuyé.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, vous avez pu lire dans les réponses que j’ai faites aux observations que la section centrale a cru devoir me présenter, que je reconnais qu’il y a une certaine équité à exempter de la contribution les propriétés auxquelles l’honorable M. Huveners veut accorder cette exemption par sou amendement. Bien que je proclame ce principe d’équité, je ne puis pas me rallier à l’amendement de l’honorable M. Huveners, tel qu’il est présenté, parce qu’il peut se trouver encore d’autres propriétés qui devraient, à raison de leur situation particulière, obtenir quelque modération.

Je crois, messieurs, avoir obvié à tout à cet égard, par le projet de loi, tel qu’il a été adopté. Voyez, messieurs, l’art. 7 ; la proposition finale de cet article s’applique à tous les cas particuliers d’exemption ou de modération de contribution qui peuvent se présenter. Il est vrai que la section centrale a proposé la suppression de cette disposition ; quant à moi, je crois devoir maintenir l’article en son entier.

L’art. 7 du gouvernement est ainsi conçu :

« Art. 7. Le gouvernement prendra les mesures d’exécution et arrêtera toutes les dispositions réglementaires dont la nécessité sera reconnue pour l’application des articles qui précédent ; il pourra, dans des cas exceptionnels, accorder les modérations qui lui paraîtront équitables. »

M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a cru devoir proposer la suppression du dernier paragraphe de l’article 7 pour prévenir une foule de réclamations qui surgiraient de toutes parts, et auxquelles certainement le gouvernement ne serait pas toujours obligé de faire droit ; pour mettre, en un mot, le gouvernement à l’abri des obsessions auxquelles il serait indubitablement exposé. Cependant cette résolution n’a été prise que par trois voix contre une, trois membres s’étant abstenus.

Quant à moi, j’aurais voulu conserver au gouvernement le droit d’accorder des modérations dans le cas où elles seraient équitables ; car bien certainement il y aura des circonstances exceptionnelles où le propriétaire, loin de recevoir un bénéfice du canal, éprouvera une perte. Dans la section dont je faisais partie, j’ai parlé en faveur du maintien du paragraphe. Nous aurons l’occasion de revenir là-dessus, lorsque nous en serons à l’art. 7. Pour le moment je me borne à demander que le vote sur l’amendement de l’honorable M. Huveners soit remis jusqu’après la discussion de l’art. 7 ; car si la rédaction du gouvernement est adoptée, l’amendement de l’honorable M. Huveners deviendra inutile ; si au contraire la proposition de la section centrale est admise, on pourra alors voter sur l’amendement.

M. Simons. - J’avais demandé la parole pour faire la même proposition. Je crois aussi que, pour le moment, il s’agit ou d’examiner si on adoptera le paragraphe qui a été rejeté par la section centrale, ou bien de suspendre la discussion de l’amendement de l’honorable M. Huveners jusqu’après le vote de l’art. 7. Si le dernier paragraphe de cet article est adopté, l’honorable M. Huveners pourra peut-être renoncer à son amendement ; mais si, au contraire, la chambre adhère à la proposition de la section centrale, je crois qu’il sera indispensable que nous adoptions alors l’amendement, parce que, d’après M. le ministre des travaux publics, personnellement, il s’agira alors d’expliquer l’exception dont il s’agit.

M. Peeters. - Je viens aussi appuyer la motion de l’honorable rapporteur, car si l’amendement de l’honorable M. Huveners venait à passer, je devrais présenter un amendement semblable pour les propriétés des environs de Herenthals ; jusqu’à Herenthals, même jusqu’à Casterlé, on est en possession d’un canal ; les mêmes motifs que M. Huveners a fait valoir militeraient en faveur de l’adoption d’une exception pour les localités que je viens de citer. D’autres réclamations analogues peuvent surgir. Il faut laisser le gouvernement juge de toutes ces réclamations.

M. Huveners. - J’ai entendu avec une vive satisfaction que M. le ministre reconnaît la justice de mon amendement. Quant aux réclamations dont a parlé l’honorable M. Peeters, je n’en dirai rien, car je ne connais pas assez les localités. Je ne m’oppose pas au reste à ce que mon amendement soit mis en discussion après le vote de l’art. 7.

- La chambre décide que cet amendement sera discuté après le vote de l’art. 7.

L’art. 2 tel qu’il a été proposé par le gouvernement est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Ce concours consistera dans le remboursement d’une partie des frais d’établissement du canal, et ce au moyen d’annuités à payer pendant vingt-cinq années consécutives. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. (Projet du gouvernement.) Les annuités dont il s’agit seront calculées d’après les bases suivantes, les propriétés assujetties au concours étant réparties, à partir du franc-bord du canal, en cinq zones, chacune, de 1,000 mètres de profondeur :

« Pour les propriétés de la première zone, par hectare, fr. 2 50

« Pour les propriétés de la deuxième zone, par hectare, fr. 1 75

« Pour les propriétés de la troisième zone, par hectare, fr. 1 25

« Pour les propriétés de la quatrième zone, par hectare, fr. 0 75

« Pour les propriétés de la cinquième zone, par hectare, fr. 0 50 »

M. le président. - La section centrale propose à cet article l’amendement suivant :

« Les annuités, dont il s’agit seront calculées d’après les bases suivantes, les propriétés assujetties au concours étant réparties, à partir du franc-bord du canal, en cinq zones, chacune de 1,000 mètres de profondeur :

« Pour les propriétés de la première zone, par hectare, fr. 2 00

« Pour les propriétés de la deuxième zone, par hectare, fr. 1 40

« Pour les propriétés de la troisième zone, par hectare, fr. 1 00

« Pour les propriétés de la quatrième zone, par hectare, fr. 0 60

« Pour les propriétés de la cinquième zone, par hectare, fr. 0 40 »

M. Huveners propose de remplacer le 2° paragraphe de cet article par le suivant :

« Pour les bois et bruyères de la première zone, par hectare, fr. 2 00

« Pour les bois et bruyères de la deuxième zone, par hectare, fr. 1 40

« Pour les bois et bruyères de la troisième zone, par hectare, fr. 1 00

« Pour les bois et bruyères de la quatrième zone, par hectare, fr. 0 60

« Pour les bois et bruyères de la cinquième zone, par hectare, fr. 0 40

« et la moitié pour les propriétés cultivées.

Un autre amendement vient d’être déposé par lequel on propose de réduire le concours demandé pour la canalisation de la Campine, par hectare :

« Pour les propriétés de la première zone, fr. 1 50

« Pour les propriétés de la deuxième zone, fr. 1 10

« Pour les propriétés de la troisième zone, fr. 0 75

« Pour les propriétés de la quatrième zone, fr. 0 45

« Pour les propriétés de la cinquième zone, fr. 0 30 »

Cet amendement est signé par MM. Peeters, Osy, Huveners, Simons, de Renesse et Scheyven »

La parole est à M. Huveners pour développer son amendement.

M. Dubus (aîné). - Lequel ? car on ne peut proposer deux amendements à la fois.

M. Huveners. - Je demanderai si, dans l’exposé des motifs, M. le ministre range les bois parmi les terres cultivées ou parmi les bruyères.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L’honorable M. Huveners me demande si les bois sont rangés parmi les bruyères ou les terres cultivées. Il est évident que les bois sont des terres cultivées ; on y fait croître du bois au lieu d’y faire croître autre chose.

M. Cogels, rapporteur. - La section centrale n’a pas cru devoir s’occuper de cette distinction entre les bruyères et les terres cultivées, le projet de loi ne l’établissant pas. Elle ne pourrait d’ailleurs avoir d’objet que pour autant qu’on adopterait l’amendement primitif de M. Huveners auquel il semble renoncer puisqu’il en a signé un autre avec plusieurs de ses collègues et que les deux amendements sont inconciliables, le second ne faisant pas la distinction établie dans le premier.

L’honorable M. Huveners devrait s’expliquer et dire auquel des deux amendements qu’il a signés, il donne la préférence.

M. Huveners. - J’ai signé l’amendement proposé par mes honorables collègues, parce que je le trouve plus favorable que le mien. Mats je maintiens celui-ci pour le cas où l’autre ne serait pas adopté. Il est subsidiaire. J’avais développé en peu de mots mon amendement dans la séance précédente et j’ai été l’objet d’attaques de la part de différents membres de cette chambre, Mais je dois leur dire qu’ils ont confondu deux choses bien distinctes. Ce sont les bruyères et les propriétés cultivées. Je ne conteste pas pour les bruyères le grand avantage de la canalisation de la Campine, mais j’ai dit et je soutiens que pour les terres cultivées l’avantage n’était pas le même. M. le ministre des travaux publics a cru que, dans les quelques mots que j’ai dit du canal de Zelzaete, je me trouve en contradiction avec moi-même lorsque j’ai dit que les terres du bassin du Zwyn étaient en plein rapport. M. le ministre en a tiré la conséquence que les terres cultivées dans la Campine pouvaient supporter la charge qu’il veut lui imposer, je ferai remarquer à M. le ministre que j’ai fait une comparaison entre le concours de Zelzaete et le concours dont il s’agit en ce moment, ensuite qu’il y a une grande différence entre les terres cultivées du bassin du Zwyn qui rapportent 50, 60 francs et plus, et celles de la Campine qui en rapportent tout au plus de 15 à 20 francs.

On a dit que le concours qu’on demande est très modéré. Mais on aurait dû justifier cette opinion par quelques preuves. J’ai demandé des renseignements à cet égard et jusqu’à présent je ne les ai pas obtenus. Il s’agit de prouver par des faits que l’augmentation de valeur qu’éprouveront les propriétés cultivées sera assez grande pour qu’elles puissent supporter la charge qu’on veut leur imposer. Cette grande augmentation de valeur n’est nullement prouvée et ce que je regrette c’est qu’elle ne puisse pas se réaliser, car ce serait la fortune de toute la Campine.

Je vais en peu de mots vous donner la mesure de modération du concours demandé par le gouvernement.

Je vous prie de consulter le tableau qui a été distribué, vous y verrez d’abord la population des différentes communes qui seront traversées par le canal. Vous avez ensuite les terres situées dans les différentes zones et le taux du concours fixé par la section centrale. Il faudrait augmenter ce taux d’un cinquième pour avoir celui proposé par le gouvernement. Je vous prie d’observer que le montant de la contribution foncière dans ces différentes communes, fixé par la députation permanente pour 1842 est comme suit, voir Mémorial administratif, n°4 :

Bocholt, fr. 4,233

Reppel, fr. 614

Groot-Brogel, fr. 1,067

Caulille, fr. 1,058

Hamont, fr. 2,075

Lille-St.-Hubert, fr. 1,058

Achel, fr. 1,504

Neerpelt, fr. 2,033

Klein Brogel, fr. 512

Overpelt, fr. 2,775

Lommel, fr. 1,927

Dans le tableau annexé au rapport de la section centrale, vous trouvez les sommes que ces communes doivent payer pour se libérer envers l’Etat :

Bocholt, fr. 5,200

Reppel, fr. 1,700

Groot-Brogel, fr. 2,100

Caulille, fr. 21,000

Hamont, fr. 13,100

Lille-St.-Hubert, fr. 18,500

Achel, fr. 3,000

Neerpelt, fr. 31,000

Klein Brogel, fr. 800

Overpelt, fr. 30,700

Lommel, fr. 119,200

Il n’y a qu’une commune qui tombe entièrement dans les terres fixées pour le concours, c’est la commune de Lille-St.-Hubert dont la population est de 574 habitants, la contribution foncière de 1,055 et le concours pour 600 hectares de terres cultivées de 1,445 fr. Les habitants de cette commune paient donc par hectare de terre cultivée, la moyenne de 1 fr. 76 c., et pour le concours 2 fr. 37 c. ; outre cela, pour les biens communaux, la même commune, pour se libérer, paiera encore 18,500 fr., et l’on appelle cela de la modération.

On pourrait m’objecter que les contributions ne sont pas assez élevées, je préviendrai cette objection en prouvant, par des pièces officielles, que les communes traversées par la première section, sont surtaxées. Je lis dans l’exposé de la province du Limbourg, dle 1840, page 116 :

« Conformément à la résolution du conseil du 14 octobre 1839, la députation a fait, le 11 décembre suivant, de nouvelles instances auprès du gouvernement pour qu’il soit fait droit à la juste réclamation du canton d’Achel, en accordant une somme de trois mille francs sur les fonds de non-valeurs de 1841, qui servirait à indemniser les propriétaires fonciers de ce canton du chef de la surtaxe qui pèse sur eux.

« S’il n’est pas encore intervenu de décision à cet égard, tout annonce que la reprise des opérations du cadastre de cette province est très prochaine. Un nouveau subside, plus considérable que le premier, figure au budget du département des finances, pour l’exercice courant. »

L’opinion que j’ai émise en ce qui concerne les propriétés cultivées est consciencieuse, elle est le résultat de nos propres investigations. Le long du canal de Bois-le-Duc, l’augmentation de leur valeur n’a pas été plus forte qu’ailleurs, leur situation près de ce canal n’a exercé aucune ou au moins qu’un très faible influence sur cette augmentation ; j’ai en outre demandé des renseignements auprès d’un homme des plus respectable de la Campine, qui, par sa position est très à même de connaître la valeur des terres, et notez bien qu’il n’est nullement intéressé, il habite un autre canton que celui qui est traversé par le canal, voici ce qu’il dit :

« Venant aux renseignements que vous me demandez, j’ai à vous faire connaître, que, sans aucun doute, le canal de Bois-le-Duc par le bien-être qu’il a apporté en Campine a eu une influence indirecte sur la valeur des terres cultivées, mais son influence s’est fait particulièrement sentir sur la valeur des bois de sapin et des terrains propres à être convertis en sapinières, tels que les bruyères ; il est de fait qu’un hectare de bruyères qui a deux lieues et au-delà ne vaudra que 30 à 40 fr. en vaudra 80 fr. à une lieue, et 100 fr. près du canal, il en est de même des sapins et il n’en est pas de même des terres cultivées, l’on ne peut pas dire que le canal influe d’une manière directe sur la valeur de ces terres. Un hectare à une lieue du canal, en vaut autant et se vendra au même prix qu’une terre de même nature longeant le canal ; enfin je vous dirai que la valeur vénale d’un hectare de terre labourable de 1820 à 1826, varie fr. 400 à fr. 900, suivant les localités, et de 1830 à 1842, fr. 600 à fr, 1,500. Ces différences doivent être attribuées, d’une part, au bas prix des céréales et du bétail, joint à quelques mauvaises récoltes de 1820 à 1828, et aux bonnes années de 1830 à 1842, d’autre part aux différentes qualités des terres plutôt qu’à leur situation près du canal. »

Voilà sur quoi mon opinion est basée. Je demande en vain sur quoi est fondée celle de M. le ministre.

M. Dubus (aîné). - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

On ne peut considérer l’amendement de l’honorable M. Huveners comme subsidiaire ; car, d’après l’usage, on vote d’abord sur le chiffre le plus élevé ; c’est donc l’amendement principal, et non un amendement subsidiaire.

Si au contraire, par dérogation à l’usage, on votait d’abord sur l’amendement de MM. Peeters et collègues, l’honorable M. Huveners devrait voter contre cet amendement, bien qu’il l’ait signé, afin qu’on arrive à l’amendement qu’il a signé seul.

La chambre comprendra que cela n’est pas admissible.

M. Huveners. - Je demande que M. le président veuille bien rayer ma signature sur l’amendement de M. Peeters et collègues.

M. le président. - La parole est à M. Peeters, pour développer son amendement.

M. Peeters. - L’amendement que j’ai eu l’honneur de présenter avec quelques-uns de mes honorables collègues, me paraît assez élevé et une charge assez pesante pour ces localités. D’après ce système la Campine contribuerait pour un septième dans la dépense à faire pour sa canalisation, ce qui me paraît plus que suffisant, cet amendement a été assez développé hier ; car, je ne puis assez le répéter, notre tort, à nous, habitants de la Campine, est seulement de venir un peu tard. Si nous avions pu marcher de pair avec le chemin de fer, certainement on ne nous aurait pas demandé de subside, l’on n’aurait pas exhumé la loi de 1807. La preuve en est que le gouvernement avait présenté lui-même un projet de loi, il y a 8 ans, pour la construction d’un canal de Lierre à Zommel, projet que l’on paraît avoir perdu de vue et en compensation duquel je vous ai demandé dans une autre discussion quelques améliorations à la grande Nèthe, et que, d’après ce projet, on ne demandait pas de subside aux communes qu’il devait traverser, et qui y étaient spécialement intéressées. Si l’on demande un subside aujourd’hui pour la canalisation de la Campine, c’est que nous arrivons un peu tard, comme je l’ai dit tout à l’heure. Après qu’on a dépensé des sommes énormes en travaux publics, après qu’on a dépensé 1,600,000 fr. pour un pont sur la Meuse, après qu’on a construit de superbes tunnels et dépensé plus de vingt millions en travaux d’arts dans les environs de Verviers, on veut maintenant lésiner sur la Campine, on demande de grands sacrifices à un pauvre pays, après n’avoir rien demandé aux riches.

Ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que le premier projet de chemin de fer, le chemin de fer véritablement commercial était par la Campine, vers les provinces rhénanes. Ce projet a été abandonné, pour rejoindre à grands frais les grandes villes. J’espère que les députés de ces localités nous tiendront compte de ce que, dans une autre occasion, nos députés ont fait pour eux.

Notre amendement réduit la rétribution annuelle des localités à 18,000 fr., qui, payée pendant 25 ans, produit 450.000 fr. Un subside pareil est certainement assez considérable. Il forme plus que le septième de la dépense totale.

Veuillez bien prendre en considération, messieurs, que la Campine ne peut profiter du chemin de fer, et qu’on a donné deux millions à la province du Luxembourg pour l’indemniser de ce qu’elle n’a pas de chemin de fer. L’on doit donc être juste, doter la Campine d’un canal, sans lui imposer un subside plus considérable que celui que j’ai l’honneur de proposer, ce subside serait certainement trop élevé et je me serais bien gardé, si je ne considérais pas de pouvoir, par là, arriver plus tôt, ainsi que l’a bien voulu promettre positivement M. le ministre, à un système général de canalisation pour la Campine. Je pense donc que la chambre fera un acte de justice, en adoptant notre amendement qui constitue un subside très considérable, surtout lorsqu’on considère que les pays riches n’ont jamais contribué autant pour de pareilles constructions.

M. Cogels, rapporteur. - J’ai déjà eu l’occasion, dans la séance d’hier, de combattre l’amendement de l’honorable M. Huveners et principalement la distinction qu’il veut établir entre les propriétés cultivées et les bruyères. J’ai expliqué comment les propriétés cultivées peuvent avoir acquis une plus-value aussi considérable que les bruyères, sans avoir acquis une plus-value proportionnelle aussi considérable. Ce que l’honorable M. Huveners vient de dire n’a pas détruit ma conviction. Je crois devoir lui opposer une autorité qu’il ne récusera pas ; c’est ce qu’il a dit dans la séance du 8 septembre. J’ai déjà cité, dans la séance d’hier, un passage de son discours ; je continue mes citations. Après avoir énuméré les avantages résultant du canal projeté pour Liége et d’autres provinces, il nous dit :

« Anvers livrera des denrées coloniales et des cendres de mer servant d’engrais ; la Campine ses bois de sapin et les produits de la culture, excédant la consommation. »

Vous voyez bien qu’il y a là un avantage pour la culture, et par conséquent pour les propriétés cultivées. Au reste, l’honorable M. Huveners nous a dit que les communes que le canal de Bois-le-Duc a traversées, ont senti cette influence, que par suite des capitaux répandus par la construction de ce canal, les propriétés cultivées situées dans la proximité ont acquis plus de valeur que celles qui en sont éloignées.

Quant à l’importance des contributions à payer par les communes, il est vrai que si l’on ne considère que la charge comparativement à la contribution foncière actuelle de ces communes, la charge peut paraître exorbitante ; mais il perd de vue qu’à mesure que les terres sont livrées à la culture, les contributions sont diminuées ; car, en vertu de la loi de frimaire an VII, les terres semées ou plantées de sapins sont exonérées de la contribution pendant 30 ans. Par conséquent, il y a une diminution, quoique légère. D’autre part, il faut considérer que ces communes se composent, en grande partie, de bruyères ; la contribution foncière est très peu importante ; elle deviendra plus considérable par la culture des terres dans un avenir que l’on peut calculer.

Mais il y a une considération qui domine toutes les autres, c’est que ce n’est pas en numéraire que les communes devront s’acquitter ; qu’en cédant une partie de leurs terres elles feront acquérir aux terrains qu’elles conservent une plus-value bien supérieure à la valeur des terres qu’elles cèdent. Outre cela, par les terres qu’elles cèdent, elles obtiennent des ressources sur lesquelles elles ne peuvent compter, sur lesquelles elles n’auraient jamais pu compter, si elles avaient conservé ces propriétés ; car ces propriétés seront ainsi livrées à la culture, et en ce cas, au bout de 10 ans elles seront soumises à la contribution foncière, tandis que les propriétés plantées de sapins le seront au bout de 30 ans. Par conséquent les communes, recevant des centimes additionnels, verront s’accroître aussi leur revenu.

Si les communes entendent leurs intérêts, elles vendront leurs bruyères et les capitaux qu’elles retireront de cette aliénation, convenablement appliqués, les mettront dans une situation plus avantageuse que celle où elles sont maintenant.

A ce propos, je citerai un exemple que j’ai puisé dans l’étude de la loi sur l’instruction primaire : celui d’une commune en France, où non seulement les habitants ne payent aucune contribution, mais où la commune distribue plus de 60 francs à chaque ménage.

Eh bien ! messieurs, je dis qu’il est des communes qui, en vendant convenablement les terrains qu’elles possèdent, pourraient venir sinon à distribuer 60 fr. à chaque ménage, du moins à dispenser tous les habitants de l’impôt communal.

M. Huveners. - Je dois encore répéter ce que j’ai dit tout à l’heure, c’est que l’on confond deux choses bien distinctes, les bruyères et les terres cultivées. Tous les arguments que vient de faire valoir l’honorable rapporteur sont applicables aux bruyères, mais nullement aux terres cultivées.

On nous dit qu’au moyen du canal on pourra transporter la cendre pour servir d’engrais. Eh bien, je trouve que cet engrais sera d’une haute utilité lorsqu’il s’agira de défricher des bruyères pour les livrer à la culture.

On nous dit que les contributions ne sont pas aussi fortes, que les bruyères ne paieront pas pendant un certain temps, d’après la loi de 1807. Or, ceci est encore une fois uniquement applicable aux bruyères. Quant aux terres cultivées, elles sont imposées et même surtaxées, comme je viens de le prouver par l’exposé de la députation de la province et par d’autres documents. Sous ce rapport on ne répond rien à tout ce que j’ai dit. Il faudrait prouver avant tout que les terres cultivées recevront de la construction du canal une augmentation de valeur.

M. Simons. - J’ai soutenu, dans la séance d’hier, que la quotité du concours dont on veut frapper cette localité pauvre est exagérée ; je tiens à justifier cette allégation.

Cependant, avant de me livrer à cet examen, je sens le besoin de déclarer que ce n’est pas un esprit étroit de clocher qui me fait prendre la parole.

Non, messieurs, l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter dans cette enceinte, n’a aucun intérêt à la chose. Il a, au contraire ; un intérêt tout opposé ; en effet, par le défrichement de ses landes stériles et improductives, la partie de la Campine dont il s’agit, après un certain laps de temps, fera nécessairement concurrence aux plantations, aux sapinières qui se trouvent dans mon district.

Si donc je ne consultais que l’intérêt de clocher, je devrais faire cause commune avec les honorables membres de cette assemblée qui se montrent si peu favorables à la réalisation d’un projet, que l’intérêt général bien entendu réclame aussi vivement que celui en particulier de la malheureuse contrée que la chose concerne plus particulièrement.

Mais un autre sentiment me domine ; celui de la justice, de l’équité. Ce sentiment me dit que les habitants de la Campine font également partie de la grande famille belge et qu’ils ont droit de participer aux faveurs du gouvernement. Jusqu’à présent ils n’ont fait que souffrir ; ce sont eux qui ont dû eu quelque sorte soutenir tout le fardeau de la révolution, puisque depuis 1830 jusqu’en 1839 inclusivement, ils ont dû supporter les charges d’une occupation militaire. Lorsqu’il s’est agi de faire le traité de paix avec la Hollande, ils ont en outre été atteints dans une affection toute particulière : on les a séparés de leurs frères. Et maintenant, pour récompenser cette malheureuse contrée de tout ce qu’elle a souffert, on ne rencontre partout que de l’opposition, je dirai même de l’opposition exagérée, et je le prouverai.

J’ai eu l’honneur de dire à l’assemblée que, pour la partie de la canalisation dont il s’agit dans ce moment, on n’aurait pas dû exiger le concours des localités. Pourquoi ? Parce que cette partie du canal n’apporte immédiatement aucun avantage aux localités. Ce n’est pas ainsi que je vous l’ai fait observer hier ; l’artère principale qui doit faire fructifier les bruyères maintenant stériles, ce sont les canaux d’irrigation. Car supposons qu’on arrête la canalisation au canal qui est maintenant en projet, est-ce que la localité en profilera ? Pas du tout, messieurs ; vous avez entendu que dans une partie de ce canal l’irrigation était impossible.

Cependant, messieurs, je ne m’appuierai pas sur cette considération, sans citer à l’appui l’opinion d’un homme qui a étudié la matière, qui l’a approfondie. Vous verrez qu’il est absolument d’accord avec moi, que les frais de la construction de ce canal auraient dû être supportés exclusivement par le trésor. Voici ce que je trouve dans le rapport de M. Vifquain, à la page 429 :

« Après avoir combiné l’ensemble du système de la manière la plus large et la plus convenable, l’Etat ne peut et ne doit intervenir dans ses détails que pour y maintenir l’ordre et la régularité. Ce rôle supérieur lui appartient. Sous le rapport de l’exécution, il ne doit s’occuper que de la partie du système qui concerne la généralité, celle qui ne peut incomber à personne et dont l’influence favorable doit s’étendre sur toute la plaine ; ainsi, (messieurs, veuillez faire attention à ceci), l’établissement du canal principal (c’est celui dont il s’agit), destiné à conduire l’eau de la Meuse au sein de la Campine, tout en y amenant à bon marché les accessoires nécessaires à l’exploitation générale, devrait être à la charge du trésor. »

Peut-on être plus explicite que ne l’est ici celui qui a été spécialement chargé de l’étude de la canalisation de la Campine ? Vous voyez donc bien, messieurs, que déjà nous faisons un grand sacrifice en admettant le concours, puisque rien, absolument rien n’aurait dû être imposé à la localité dont il s’agit. Et pourquoi ? Parce que, je le répète, l’artère principale qu’il s’agit de construire n’est immédiatement d’aucun avantage à la généralité de la Campine ; elle servira seulement plus tard à alimenter les canaux d’irrigation qui devront fertiliser ce malheureux pays.

Vous voyez donc, messieurs, que nous faisons déjà un grand sacrifice en nous soumettant à un concours. Mais nous demandons que ce concours soit modéré.

J’ai dit, messieurs, qu’il était véritablement inconcevable que l’on eût été exhumer une loi qui était tombée en désuétude pour frappé par exception un pays malheureux, et j’ai cité à cette occasion le chemin de fer. En effet, messieurs, le trésor se trouverait-il dans l’embarras dans lequel il se trouve actuellement, aurions-nous été obligés à faire des emprunts consécutifs, si l’on avait demandé l’application de cette loi à l’établissement du chemin de fer ? Certainement non. Mais, que répond-on ? Il a été répondu, et personne n’a encore rencontré cette réponse : que « le chemin de fer n’a nullement augmenté la valeur des propriétés qu’il traverse. » Je suis d’accord, à cet égard, avec l’honorable M. Dubus, pour ce qui concerne certaines localités ; mais il est certain que les localités où le chemin de fer aboutit en ont retiré de très grands avantages. Et en effet, s’il n’y eût pas eu quelque intérêt en jeu, pourquoi eût-on combattu avec tant de force le premier projet de MM. Simons et de Ridder, d’après lequel le chemin de fer devait être construit en partie par la Campine, en partie par le Limbourg pour aboutir dans la direction de Visé. Avec cette direction, le chemin de fer n’aurait pas coûté la moitié de ce qu’il coûte actuellement. Mais on n’a pas pu résister aux exigences de quelques localités. C’est certainement par intérêt qu’elles ont demandé un changement dans la direction. Eh bien ! qu’a-t-on demandé à ces localités ? Rien, messieurs. Or, ne dites pas que cette demande a été faite sans intérêt, parce qu’on ne demande pas des choses d’une importance pareille, et le gouvernement n’accepte pas des changements aussi onéreux lorsqu’aucun intérêt ne les demande.

Malheureusement, messieurs, ce sont ordinairement les localités qui ont les moindres besoins qui sont le plus appuyées, tandis que les malheureuses localités qui souffrent ne sont jamais écoutées. Messieurs, je le répète on ne peut soutenir, que le chemin de fer n’a été d’aucune utilité pour certaines localités. Car il est de fait, messieurs, que partout où le chemin de fera a passé, on a payé au prix de l’or les terrains qui ont été empris. Le fait est que je connais des propriétaires qui m’ont dit qu’ils auraient bien voulu qu’on eût pris le double, le triple des terrains qui avaient été empris.

Et pour les stations, qu’on examine ce que coûtaient avant la construction des stations, les terrains sur lesquels elles sont établies, et qu’on fasse la comparaison avec ce qu’ils se paient maintenant ; en verra la différence entre le prix d’alors et le prix actuel. Mais là, la loi de 1807 n’était d’aucune application ; c’est maintenant qu’il s’agit d’un malheureux pays, qu’on doit l’appliquer.

Si, par exemple, messieurs, on avait demandé à la province de Liége et surtout à la ville de Liége et à la ville de Verviers, lorsqu’elles ont fait des efforts inouïs pour faire changer la direction, si on leur avait demandé seulement quelques centimes additionnels, vous auriez vu quelle opposition une semblable demande aurait rencontrée. Eh bien, messieurs, ici il ne s’agit pas de quelques centimes additionnels, car nous consentirons volontiers à payer jusqu’à 50 centimes additionnels, mais il s’agit de doubler au moins les contributions. D’après ce qui m’a été dit, les meilleures terres cultivées de la Campine paient 1 fr.75 c., et sans aucune distinction, l’on veut faire supporter aux terres de cette malheureuse contrée une charge de deux fr. par bonnier. Je le demande, messieurs, est-ce là agir d’après les principes de la justice ; n’est-ce pas avoir deux poids et deux mesures ?

On a fort bien compris, messieurs, qu’il est impossible aux localités dont il s’agit, de payer cette contribution, et c’est ce que peuvent certifier tous ceux qui ont parcouru la Campine ; aussi on a proposé une disposition qui permettrait aux propriétaires et aux communes intéressées de se libérer de ce paiement, mais de quelle manière pourraient-ils se libérer ? En cédant le quart de leurs propriétés ! Eh bien, messieurs, peut-on dire que c’est là de la modération ? Evidemment non. Si lors de la discussion du projet de loi sur le canal de Zelzaete, on avait dit aux propriétaires intéressés : « Vous qui allez profiter de la construction du canal, vous abandonnerez le quart de vos propriétés. » Je vous demande si l’on ne se serait pas opposé de toutes ses forces à une semblable proposition.

« Mais, dit-on, de quoi vous plaignez-vous ? Vos terres n’avaient aucune valeur ou au moins elles n’en avaient qu’une très faible et maintenant leur prix va augmenter de 100 pour 100. »

D’abord, messieurs, je n’admets pas ce que l’on a dit, qu’avant les études, les terrains dont il s’agit ne valaient que 25 francs par bonnier. Hier, M. le ministre nous a donné lecture d’une lettre particulière qui lui a été adressée et qui constate que, même dans les localités les plus éloignées du canal, les terres se vendaient déjà 50 fr. le bonnier avant qu’il ne fût question de la canalisation de la Campine. Mais en supposant même, ce que je n’admets pas, je le répète, que le seul espoir de cette canalisation ait eu pour résultat de doubler le prix des bruyères, dans ce cas il faudrait défalquer de l’augmentation de 25 fr. que le prix de ces bruyères aurait éprouvée, les 19 fr. qu’on veut leur faire payer dans les frais de la canalisation, et alors il ne resterait plus qu’une augmentation insignifiante.

Hier, messieurs, l’on a raisonné comme si, par la seule canalisation de la Campine, les bruyères de cette contrée allaient, sans frais quelconques, devenir des terres d’une fertilité extraordinaire. « Il s’agit, a-t-on dit, de propriétés qui recevront immédiatement une augmentation de valeur telle que le seul espoir de la canalisation a déjà doublé le prix de ces propriétés. » Mais, messieurs, lorsque le canal sera construit, celui qui voudra fertiliser ses terres ne devra-t-il pas faire des avances considérables ? Certainement oui, et chacun doit reconnaître que la canalisation ne fera que créer un moyen de fertiliser les terres dont il s’agit, mais que cette fertilisation ne pourra être réalisée qu’au prix de sacrifices considérables de la part des propriétaires. A cet égard, messieurs, je citerai encore l’opinion de M. Vifquain. Voici, en effet, ce que cet ingénieur dit dans son rapport :

« Les irrigations ou la grande navigation ne sont point capables, isolément, d’aviver la Campine, et de transformer les plaines en un autre pays de Waes. L’irrigation est, sans doute, un puissant moyen de production ; mais, pour en tirer parti, il faut posséder les objets indispensables aux défrichements, tels que bâtiments, outils aratoires, bestiaux, etc., ainsi que la facilité des transports intérieurs, toutes choses qu’on obtient mieux et à meilleur marché lorsqu’il existe de bonnes voies de communication vers les pays qui regorgent de produits. »

Vous voyez donc, messieurs, que, pour fertiliser la Campine, il faudra autre chose que la canalisation ; il faudra donc encore de l’argent. Cependant, on commence par épuiser les malheureux habitants, en leur faisant payer une contribution extraordinaire qui est beaucoup au-dessus de leurs forces ! Il ne faut pas se faire illusion : celui qui connaît la Campine, l’honorable M. Peeters, par exemple, qui a été dans le cas de parcourir la Campine limbourgeoise, pourra nous dire ce qui en est.

C’est un pays misérable, où dans la plupart des maisons, l’on aurait peine à trouver une pièce de 5 fr. Comment voulez-vous que ces malheureux habitants auxquels il faut bien laisser quelque chose pour les mettre à même de profiter de la canalisation, comment voulez-vous qu’ils puissent supporter une charge aussi exorbitante que celle qu’il s’agit de faite peser sur eux ! Cette charge me paraît tellement exorbitante que je ne conçois pas que le gouvernement ait pu proposer un semblable projet. Vous ne demandez pas 10, 15, 20 centimes additionnels, mais vous proposez de doubler les contributions ; a-t-on jamais vu une application pareille de la loi de 1807 ?

Nous avons, messieurs, accepté le concours des propriétés intéressées, parce que sans cela nous n’aurions jamais obtenu ce que nous réclamions depuis tant d’années, mais si l’amendement que j’ai proposé avec d’honorables amis était adopté, je crois que les propriétés intéressées seront encore chargées beaucoup plus qu’elles ne devraient l’être. Ne perdez pas de vue, messieurs, que le gouvernement retirera des avantages immenses de la canalisation de la Campine ; les droits de toute espèce qu’il perçoit augmenteront dans une proportion extraordinaire et l’augmentation de la population lui fournira de nouveaux impôts.

Dans d’autres circonstances on accorde des subsides extraordinaires, des encouragements ; ici, au lieu d’accorder un encouragement aux propriétaires, vous commencez par les épuiser alors qu’ils auront besoin de leurs capitaux pour tirer parti du canal qu’il s’agit de construire ! En vérité, messieurs, je ne puis admettre un pareil système et bien que je sois partisan de la canalisation de la Campine je déclare que si la loi n’est pas modifiée, je me verrai forcé de la repousser par mon vote.

Il est vrai, messieurs, que la canalisation de la Campine intéresse cette contrée, mais elle intéresse aussi au plus haut degré le pays en général ; j’ai déjà démontré les avantages que le trésor public en retirera, mais le commerce et l’industrie y gagneront aussi. Chacun sait, en effet, que la fraude se commet sur une large échelle, surtout par la frontière de Hollande ; eh bien, messieurs, la canalisation de la Campine sera un moyen, sinon de faire cesser entièrement la fraude, au moins de la restreindre considérablement. Cette canalisation permettra du surveiller cette partie de notre ligne de douanes d’une manière efficace, elle nous permettra de réduire de beaucoup le personnel de la douane.

On a parlé de forteresses à construire sur la frontière de la Hollande ; eh bien, les canaux qu’il s’agit de construire dans la Campine serviront de rempart contre toute invasion de ce côté. Croyez-vous, messieurs, que si, au mois d’août 1831, ces canaux avaient existé, les Hollandais auraient pu pénétrer aussi facilement dans le pays ? Non, sans doute.

Je dis donc que, sous tous les rapports, la canalisation de la Campine sera avantageuse au pays. Sous le rapport financier, elle produira une foule de ressources par l’augmentation de la contribution foncière des droits d’enregistrement, de mutation, etc., ce sera un capital extrêmement bien placé ; sous le rapport de l’économie politique, l’opération sera encore excellente, car elle donnera au pays une province nouvelle ; elle nous dispensera de passer les mers pour créer à grands frais des colonies ; vous aurez là une colonisation naturelle au sein de votre propre pays.

Le malheureux peuple de la Campine qui, jusqu’à présent, a été victime de la révolution, auquel on a fait des promesses qui jusqu’ici sont restées sans aucun résultat, qui a éprouvé des souffrances sans nombre, ce malheureux peuple mérite bien que l’on fasse enfin quelque chose pour lui, et certes je n’exige pas beaucoup en me bornant à demander l’adoption de l’amendement que j’ai proposé avec quelques-uns de mes honorables amis.

M. Mast de Vries. - Je regrette, messieurs, comme la plupart des orateurs qui ont pris la défense de la Campine, que l’application de la loi de 1807 se fasse précisément pour un pays aussi malheureux que la Campine l’a été jusqu’ici, mais je conviens que la canalisation dont il s’agit aura une heureuse influence sur toute cette partie du pays, et que ce n’est pas une légère contribution qui peut lui porter préjudice. J’adopterai donc les chiffres proposés par la section centrale, pour ce qui concerne les bruyères et les propriétés boisées ; ce sont les bruyères et les propriétés boisées qui profiteront principalement de la canalisation ; il est évident non pas seulement que les bruyères reçoivent une augmentation de valeur, mais qu’elles acquièrent une valeur réelle, alois que, jusqu’à présent elles n’en avaient aucune. En effet, messieurs vous auriez beau, dans l’état actuel des choses, créer dans la Campine les plus belles sapinières, ces sapinières n’auraient aucune valeur, parce qu’elles ne seraient en communication avec aucun marche où elles puissent placer leurs produits. Les belles sapinières qui existent dans la province d’Anvers, par exemple, n’auraient aucune espèce de valeur si elles se trouvaient dans la Campine, parce qu’alors leurs produits n’auraient pas de consommateurs. Les bruyères et les bois trouveront donc un immense avantage dans la canalisation.

Mais les terres cultivées ne doivent n’en retirer aucun avantage. Je n’aurais peut-être pas pris la parole, si je n’avais entendu l’honorable rapporteur de la section centrale déclarer que les terres cultivées vont recevoir des engrais, des cendres de mer, vont enfin recevoir tout ce qu’il leur faut, pour qu’elles se transforment probablement en terres de première classe. Je ne sais où l’honorable rapporteur a puisé ces renseignements ; moi, j’habite la localité qui est a l’embouchure de la Campine ; c’est, sans doute, là où tous les engrais et les cendres de mer destinés à la fertilisation de la Campine devraient passer ; eh bien, un canal existe jusqu’à Herenthals et même jusqu’à Casterlé ; d’après les informations que j’ai prises, beaucoup de navires ont navigué et naviguent sur le canal, mais pas un seul n’a transporté et ne transporte du fumier dans la Campine. Où irez-vous prendre le fumier ? Est-ce à Anvers où le fumier coûte à 4 fr. la charrette ? Est-ce à Bruxelles d’où une voiture de fumier ne peut être transportée dans la Campine qu’au prix de 5 francs ?

Je conclus de là que la nécessité du canal n’existe pas pour les terres cultivées ; ce canal ne doit nullement augmenter la valeur de ces terres ; il leur fera peut-être beaucoup plus de mal que de bien ; en divisant les propriétés cultivées, il en rendra l’exploitation difficile ; car on ne fera pas de pont. Est-ce pour le transport des grains que l’on jugerait le canal utile aux propriétés cultivées ; eh bien, je dirai que pour les grains, on a plus d’intérêt à transporter les grains d’Herenthals à Anvers par voie de terre que par les bateaux.

Cette utilité est-elle plus grande pour les prairies ? Mais, messieurs, les prairies de la Campine dont nous nous occupons, sont des prairies qui ne doivent pas rapporter assez de foin pour qu’on en fasse un article d’exportation. On y a besoin des prairies pour objet de consommation sur les lieux.

J’ai voulu prouver que les propriétés cultivées ne doivent gagner en rien à l’établissement du canal ; et comme ceci ne forme pas pour moi l’ombre d’un doute, j’appuierai l’amendement de l’honorable M. Huveners, pour que les terres cultivées ne soient imposées qu’à la moitié de la taxe à laquelle on veut assujettir les autres propriétés.

M. de Theux. - Messieurs, j’approuverai aussi une réduction du chiffre de la redevance proposée par le gouvernement.

Vous aurez remarqué que, d’après les calculs mêmes du gouvernement, les redevances rapporteront 400 et quelques millions de fr. ; c’est le quart de la dépense. D’autre part, à l’expiration du terme des redevances, les bruyères qui vont être mises en exploitation devront être frappées de la contribution foncière ; cette contribution vient à remplacer la redevance fixée par le projet du gouvernement. Voila donc l’équivalent d’un second quart.

On me répondra peut-être que cette contribution foncière ne viendra pas augmenter le chiffre global de la contribution foncière, qu’elle opérera seulement un dégrèvement indirect pour tous les habitants du royaume.

Telle n’est pas ma manière de voir ; je voudrais que, comme conséquence de la canalisation et du défrichement de la Campine, le gouvernement, à l’expiration des redevances, majorât le principe de la contribution foncière du total de l’augmentation de contribution qui sera le résultat du défrichement des bruyères. Il n’y aurait rien là que de juste ; ce serait un moyen pour le gouvernement de rentrer dans une partie de ses avances. Ainsi, de ces deux chefs, le gouvernement récupérerait la moitié des avances qu’il fera pour le canal.

D’autre part, l’on a fait valoir avec raison, comme un grand avantage pour le gouvernement, l’augmentation dans les droits de mutation, de transcription et de succession. D’après les calculs qu’on a faits il y a quelques années, on a supposé qu’en 25 ans, le gouvernement gagnait, au moyen de ces diverses contributions, le prix total du sol foncier. Ce calcul peut au moins être admis pour cette spécialité, parce que, comme conséquence de la cession des bruyères par les communes, il y aura immédiatement un droit de mutation, le gouvernement devant, d’après le projet de loi, mettre ces bruyères dans le commerce.

Ces droits de mutation se répéteront, du moins pour une grande partie de travaux, plusieurs fois dans le terme de 2 années. Il y aura ainsi des droits de succession. D’après le projet du gouvernement, 3,000 hectares doivent lui être abandonnés par les communes et les particuliers, rien que pour racheter les redevances sur les bruyères.

Or, il n’est douteux que ces 3,000 hectares de bruyères qui seront mis dans le commerce, ne gagnent beaucoup de valeur, par suite des dépenses que les propriétaires feront pour le défrichement. On peut admettre que les droits de mutation et de succession seront perçus en moyenne avec une valeur de deux cents francs par hectare ! Le gouvernement réalisera encore de ce chef une somme de 600,000 fr. dans les 25 ans.

Et ici, je suis très modéré, car je n’établis les droits de mutation que sur les 3000 hectares qui seront cédés au gouvernement pour le rachat de la taxe ; je ne parle pas des 13,000 hectares dont les communes resteront propriétaires et dont une partie au moins pourra être mise également dans le commerce, par suite de la valeur vénale que ces terrains vont acquérir, je ne parle pas non plus de l’augmentation probable des droits de mutation sur les propriétés qui sont déjà cultivées.

Il y aura aussi augmentation du droit de consommation, des droits de patente et de la contribution personnelle ; car ce pays deviendra nécessairement plus habité, c’est là une conséquence qui me paraît indubitable.

Vous voyez donc, messieurs, que le gouvernement ne se borne pas à faire d’avance des fonds à la Campine, mais qu’il s’assure encore un bénéfice dans l’avenir. Cependant, je pense qu’il doit être de principe en matière pareille que le gouvernement fasse quelques dépenses, au profit des localités, comme cela se fait pour la construction des routes pavées, lorsqu’elles ont pour objet de favoriser l’agriculture. Le gouvernement doit donc se relâcher sur le taux des redevances qu’il a réclamées, s’il veut favoriser les cultures dans la Campine.

Jusqu’ici, messieurs, je n’ai parlé que de la ligne principale ; c’est à raison de cette ligne que le gouvernement demande des redevances équivalant au quart de la dépense totale. Cependant par les divers calculs que j’ai présentés, le gouvernement arrive à être complètement remboursé de ses avances, mais quant aux embranchements, les avantages du gouvernement seraient bien plus considérables que ses avances ; car les embranchements devant être établis dans des dimensions moindres, et la contribution restant la même, ce ne serait plus à raison du quart que les propriétés privées contribueraient, mais probablement à raison de la moitié ou des trois quarts. Dès lors, il me paraît évident que le chiffre du gouvernement doit subir une réduction.

Je n’ai pas encore fait mention des péages sur le canal. Cependant plus ce canal aura eu de durée, plus les péages augmenteront ; je ne dis pas que les péages seront très considérables pendant les premières années, mais ils le deviendront par la suite ; et cependant dès les premières années, il y aura déjà des péages assez notables.

Messieurs, quelques membres ont combattu l’amendement proposé par l’honorable M. Huveners qui, en admettant le chiffre proposé par la section centrale pour les propriétés boisées et pour les bruyères, propose une réduction de moitié pour les terrains cultivés.

Il est à remarquer que cet amendement a peu de portée pour le trésor ; car, après les explications données par M. le ministre, à savoir que les bois sont compris dans les terrains cultivés, tels qu’ils sont donnés à l’appui du projet du gouvernement, il en résulterait que cette réduction sur le chiffre du gouvernement ne serait guère que de 2,000 à 2,500 fr. Mais on me dira que si cela est peu important pour le trésor, cela est également peu important pour les localités. Non, messieurs, il y a une très grande différence, parce que, pour percevoir cette somme, il faut s’adresser aux propriétaires, c’est là une contribution directe.

Mais cette contribution est en général mal vue. La contribution sur les bruyères est une contribution indirecte. C’est la communauté qui peut se libérer en cédant au gouvernement à un prix convenable, une partie des bruyères qu’elle possède, en en conservant une grande partie. Je conçois donc l’importance que l’honorable M. Huveners attache à son amendement en ce qu’il concerne les propriétés privées, et que d’un autre côté, il aurait très peu d’influence quant au trésor. Je n’en dirai pas davantage, parce qu’il me semble que tout a été dit dans cette discussion.

Par l’amendement proposé, en ne sortant pas des bornes de la justice envers les particuliers et les communes on maintient un concours suffisant pour déterminer l’adoption du système de canalisation proposé.

M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, j’ai été surpris d’entendre l’honorable M. Simons, dire que le projet avait rencontré partout de l’opposition et même une espèce d’hostilité. Ce reproche ne peut pas s’adresser à la section centrale car elle n’a fait qu’exécuter la loi, c’est-à-dire, régler l’application d’une loi qui avait été votée et appuyée, telle qu’elle avait été proposée par les honorables membres qui viennent s’en plaindre aujourd’hui. Tout le monde se rappellera que, lors de la discussion de l’emprunt, le concours fut proposé par le gouvernement et par la section centrale et qu’il n’a rencontré aucune opposition, parce qu’on sentait fort bien que cette condition était nécessaire pour obtenir le vote du crédit. Quant à l’importance de ce concours, de la contribution à établir, certainement je ne m’opposerai pas à ce qu’on la réduise autant que possible. La section centrale a proposé une réduction sur le projet du gouvernement. Si la majorité de la chambre veut opérer une réduction ultérieure, je ne m’y opposerai pas. Cependant, je prierai les honorables membres de ne pas aller trop loin dans leurs propositions pour ne pas rendre ce concours illusoire.

L’honorable M. Mast de Vries a cité un passage de mon discours dont il veut faire peser la responsabilité sur moi, et pour lequel il aurait mieux fait de s’adresser à l’honorable membre qui siège à côté de lui. Quand j’ai parlé des engrais, des cendres, et des produits qui emprunteraient la voie du canal, je n’ai fait que citer les paroles de l’honorable M. Huveners qui paraît avoir étudié la matière et que personne certainement ne supposera être hostile à la Campine.

L’honorable M. Mast de Vries a parlé des terres cultivées qui par la construction du canal, éprouveront une détérioration plutôt qu’une augmentation de valeur. Si le fait existe, en votant l’art. 7 tel qu’il a été proposé par le gouvernement, vous remédierez à tous les inconvénients ; car pour ces circonstances extraordinaires il accorderait l’exemption du concours aux propriétés qui, loin de recevoir une augmentation de valeur par la construction du canal, éprouveraient une détérioration.

L’honorable M. Theux, en appuyant l’amendement de M. Huveners, nous a dit qu’en réduisant à la moitié la contribution pour les terres cultivées, cela ne s’étendrait pas aux bois, le ministre ayant déclaré qu’il ne comprenait pas les bois dans les terres cultivées. J’ai cru comprendre que M. le ministre des travaux publics avait dit le contraire, que les bois étaient des terres cultivées. Il faudra donc, pour autant que l’amendement fût adopté, maintenir la distinction entre les terres cultivées proprement dites et les bois et bruyères.

M. de Theux. - L’explication est toute simple. D’après l’amendement de M. Huveners les bois seront formellement exceptés de la réduction.

M. Huveners avait supposé que dans le chiffre des terrains cultivés qui figure dans un des tableaux de l’ingénieur Kummer, on n’avait pas compris les bois. Alors la réduction s’élevait de 4 à 5 mille francs. Mais comme M. le ministre a dit tout à l’heure que les bois étaient compris dans ce chiffre et qu’ils y figurent pour la moitié à peu près, il en résulte que la réduction proposée sur le chiffre de la section centrale ne serait que de 2 mille à 2,500 francs au plus.

M. Dubus (aîné). - La canalisation de la Campine réalisera-t-elle les avantages qu’on se promettait en septembre dernier ? Voilà la première question à poser d’après la discussion qui s’agite en ce moment ; car, si je ne me trompe, les avantages qu’on avait fait sonner si haut quand il s’agissait de faire décréter cette canalisation, sont aujourd’hui remis en question. Qu’avait-on dit pour démontrer les immenses avantages de cette canalisation ? Quelle était pour nous la conquête d’une demi-province ; eh ! messieurs, on vous signalait de vastes terrains comme un désert inabordable ; on vous disait qu’il n’y avait ni moyen de communications pour y arriver, pour y faire arriver des engrais, ni moyen d’exportation pour les produits de la terre, et que dans de pareilles circonstances, il était impossible de faire de défrichement, ou du moins que les défrichements ne pouvaient être que de rares exceptions.

Aujourd’hui on vous dit que le canal que vous avez voté ne servira ni à amener des engrais, ni à exporter des récoltes, qu’il sera sous ce double rapport inutile. Il ne fallait pas le voter ! car vous n’atteignez pas le but que vous vous étiez proposé. Les avantages qu’on avait énumérés s’évanouissent, ils sont tout à fait chimériques. Ce qu’on dit aujourd’hui est en opposition manifeste avec ce qu’on disait en septembre dernier, alors que l’on exaltait beaucoup ce grand ouvrage non seulement comme un moyen d’enrichir tous ses propriétaires de tous ces terrains qu’on présentait comme un désert, mais comme un moyen d’enrichir la Belgique, à tel point, disait-on, que la construction de ce canal amènerait une augmentation si considérable de la valeur des propriétés, que l’Etat serait remboursé de l’intérêt de ses avances par la seule augmentation du produit de l’enregistrement et des droits de succession. Je vous prie de faire mentalement un calcul et vous verrez quelle augmentation énorme de valeur devaient acquérir les propriétés pour que les droits d’enregistrement et de succession fussent augmentés dans une proportion telle que cette augmentation pût suffire pour couvrir l’Etat de l’intérêt de ses avances. On disait même que cela irait beaucoup au-delà ; c’était tout bénéfice,

Aujourd’hui, cette augmentation de valeur des propriétés s’évanouit en quelque sorte. Aussi le concours, quant aux terres cultivées, va-t-il se réduire à rien ! Car, après que la section centrale l’a réduit d’un cinquième, on propose de le réduire encore de moitié ce qui revient à le réduire de 3/5.

M. Peeters. - C’est une erreur.

M. Dubus (aîné) . - C’est incontestable. Du chiffre proposé par le gouvernement, la section centrale retranche un cinquième, il en reste quatre. L’amendement que j’ai sous les yeux réduit le concours pour les propriétés cultivées à la moitié du chiffre proposé par la section centrale. Or, la moitié de quatre est deux ; et deux plus un, dont la section centrale a réduit le chiffre du gouvernement, font bien trois. C’est donc bien de trois cinquièmes qu’on veut réduire le chiffre proposé par le gouvernement. Ainsi ce que je dis est exact, on propose pour les terres cultivées une réduction de 3/5 sur la proposition du gouvernement. C’est le seul amendement que j’ai sous les yeux, il a été imprimé et distribué à tous les membres, et encore en faisant cette proposition on semble faire une grâce au trésor public, on prétend que c’est trop. Cependant ce n’est pas au hasard que le gouvernement a fait sa proposition, il ne l’a fait qu’après s’être entouré de tous les renseignements qu’il a pris sur les lieux. Vous ne pouvez pas supposer que le gouvernement est venu présenter un pareil chiffre à la légère. Où est la preuve, dit-on, que ce chiffre est équitable ? C’est qu’il doit être la conséquence d’un grand nombre de faits constatés sur les lieux. Mais à celui qui demande où est la preuve que le chiffre du concours proposé est équitable, je dirai aussi où est la preuve que ce canal, contrairement à ce que vous annonciez quand vous en demandiez à cors et à cris la construction, ne procurera aucun avantage aux propriétés cultivées ? Est-ce que par hasard il serait indifférent pour des propriétés cultivées d’être enfermées au milieu d’un vaste désert sans communication avec le pays habité, ou d’être mis en communication avec le pays habité ? Cela serait-il indifférent aux propriétaires ?

La proposition du gouvernement consiste, pour les terres les plus imposées, à payer 2 fr. 50 par hectare pendant 25 ans. Quel est le propriétaire qui, ayant une propriété en quelque sorte perdue, enclavée dans un désert, privée de toute communication, qui ne consentirait pas à payer 2 fr. 50 par hectare pendant 25 ans, pour obtenir de faire partie du monde civilisé ? Il me semble que c’est payer bien peu un immense avantage. Si quelque chose m’étonne, c’est l’exiguïté du prix qu’on demande pour un avantage aussi considérable.

Du reste, j’ai fait, moi, un aperçu, en comparant les chiffres des deux projets qui ont été imprimés ; et de cette comparaison il résulte que, dans l’opinion des ingénieurs, il y a pour les bruyères et pour les terres cultivées, comme résultat immédiat de la canalisation, un immense avantage, une augmentation considérable de valeur.

J’ai remarqué qu’en septembre dernier tout le monde s’accordait à dire que la seule espérance de voir exécuter cette canalisation, espérance fondée sur les études que le gouvernement faisait faire dans la Campine avait déjà doublé la valeur des bruyères et en avait porté la valeur de 25 à 50 fr. par hectare, en moyenne. J’en conclus que la réalisation de cette espérance doit amener une augmentation encore plus forte, car cette augmentation n’était fondée que sur une espérance ; l’exécution, c’est la certitude ; or, on donne beaucoup plus pour une certitude que pour une espérance ! On en trouve d’ailleurs la preuve dans le chiffre même des deux projets.

Dans le projet de MM. Teichman et Masui on évalue à 53 hectares la quantité d’hectares de terres cultivées, à exproprier pour l’exécution de la première section. De ces 53 hectares de terres cultivées, il y en aurait 32 de bruyères récemment mises en culture, évaluées à 400 fr. l’hectare, 12 hectares évaluées à 800 fr. et 9 des meilleures terres et prairies évaluées à 1,600 fr. Cela donne un total de 36,800 fr. pour les 53 hectares, et une moyenne de 700 fr. par hectare.

Ce premier rapport remonte à 1835.

Dans le second rapport de 1840, on suppose 60 hectares de terres cultivées expropriés pour la construction du canal et estimés en moyenne à 1,860 fr. par hectare. Ainsi il y a une augmentation de 1,100 fr. par hectare.

Voilà un premier aperçu assez remarquable qui résulte de la comparaison des deux devis.

Quant aux bruyères, dans le premier rapport, elles sont évaluées à 20 fr. par hectare, et dans le second elles sont évaluées à 100 fr. par hectare. On vous a dit, en effet, qu’avant qu’il s’agît de canaliser la Campine, les bruyères valent 20 fr. par hectare, et que leur valeur avait plus que doublée par la seule espérance de voir la canalisation. Ainsi il y a lieu de croire, d’après cela, que les premiers ingénieurs avaient calculé le prix d’après la valeur avant la canalisation et que la deuxième estimation a eu lieu, en supposant la construction du canal décrétée.

Comment ! des propriétés augmenteraient, en moyenne, de 1,000 à 1,100 fr., et une somme de 2 fr 50 c. par hectare serait exagéré ? Pour moi, je n’admets pas comme réelle l’augmentation qu’il y aurait d’après la comparaison entre les deux rapports. Si elle était réelle, un chiffre six fois plus élevé ne serait pas trop considérable. Cela est évident, mais toujours est-il que pour des terres cultivées que je suppose ne valoir que mille francs, et qu’on suppose privées de toute communication, de tout moyen d’importation et d’exportation ; c’est acheter bien peu une communication aussi importante que l’acheter par la modique somme de 35 fr.

On a produit bien d’autres observations, qui tendent à remettre en question ce que vous avez voté. On est revenu sur l’application qu’on a prétendu être faite ici, pour la première fois, d’une loi qu’on dit être tombée en désuétude ; de manière qu’il serait sans exemple qu’on eût fait contribuer les propriétés à l’exécution de travaux quelconques d’utilité publique. On a cité le chemin de fer ; mais on a répondu à satiété qu’il n’apporte aucune augmentation de valeur, qu’au contraire, il diminue la valeur des propriétés qu’il traverse. Mais, dit-on, les stations ! Pour les stations, on fait concourir les localités. Je citerai la ville de Tournay, qui a fait un sacrifice de 300,000 fr. pour avoir une station intérieure. Tous les terrains des stations intérieures ont été fournis au gouvernement par les villes. Je sais qu’il n’en est pas ainsi, dans certaines capitales, où l’on a dépensé des millions, sans faire contribuer la ville. Mais il paraît que les capitales seules sont privilégiées au point de vue des intérêts du trésor public.

On a aussi fait valoir que, pendant 25 ans la contribution serait notablement plus forte que l’impôt foncier, qu’elle serait de 1 fr. à 1 fr. 75 c. par hectare. Un autre orateur a dit qu’il y aurait surtaxe. Je voudrais que, dans ma province, les terres qui peuvent valoir 1000 fr. ne payassent que de 1 fr. à 1 fr. 75. Je vous assure que les cultivateurs ne se plaindraient pas d’être surtaxés ; ils considéreraient cette situation comme très favorable, comme plus favorable que la situation actuelle.

Enfin on est revenu sur le malheur de cette commune de Bocholt, qui doit abandonner le cinquième de ses propriétés, pour se libérer de l’impôt. Mais si la valeur des propriétés qui restent à cette commune est doublée par la canalisation, n’est-ce pas pour elle un très grand avantage de se libérer par le cinquième de ses propriétés ?

Mais si l’on avait adopté l’idée qui avait été mise en avant dans la discussion de septembre, les communes auraient été bien autrement sacrifiées ; car l’honorable M. de Theux ne faisait pas de difficulté d’accorder au gouvernement le droit d’exproprier les communes de toutes leurs bruyères à un kilomètre à droite et à gauche du canal. Il a dit que si cette expropriation pouvait être inconstitutionnelle pour les propriétés privées, il la trouverait très juste pour les communes. Les communes auraient eu à faire un sacrifice plus fort que le cinquième de leurs propriétés, si cette idée avait été adoptée par le gouvernement.

Je me réfère, du reste, aux observations que j’ai présentées hier.

M. Rogier. - Je viens appuyer l’amendement proposé par l’honorable M. Peeters, qui consiste à réduire à une annuité de 18,000 fr. l’annuité de 30,000 fr. proposée par le gouvernement et réduite à 24,000 fr. par la section centrale ; de sorte que M. Peeters réduit de 6,000 fr. la proposition de la section centrale. Voilà sur quelle somme porte le débat : Vous voyez qu’au point de vue financier il n’a pas grande importance.

Pour ma part, fidèle au système d’économie que je persisterai à défendre aussi longtemps que l’équilibre ne sera pas rétabli entre les recettes et les dépenses, j aurais combattu une proposition qui aurait eu pour résultat d’entraîner le pays dans des dépenses trop considérables eu égard à ses ressources actuelles. Mais quand je vois qu’il s’agit d’une différence de 6,000 fr., je ne puis m’empêcher de donner mon concours à une telle proposition, certes 6,000 f. pendant 25 ans, ce n’est pas une charge trop onéreuse pour le trésor public.

Mais une somme annuelle de 6,000 fr. répartie surtout entre un grand nombre de petits contribuables, peut devenir une charge très pesante.

Et vous le voyez vous-même, ce canal de la Campine qui avait été annoncé et accueilli comme un bienfait dans cette partie du pays longtemps oubliée, ce canal, si nous devons en croire les pétitions qui nous arrivent de cette contrée, serait considéré comme une sorte de calamite, s’il devait être construit aux conditions proposées par le gouvernement. Voici comment s’explique la commune de Lommel dans une pétition contre le projet :

« Ce triste projet a porté la désolation au milieu de nos populations et les a réduites à cette extrémité de faire des vœux pour qu’il ne soit plus question d’une œuvre que l’intérêt national réclame depuis longtemps. »

Ce langage n’est sans doute pas exempt d’exagération ; mais lorsqu’une loi excite de tels sentiments de la part de ceux à qui elle semble destinée à apporter des bienfaits, on doit supposer qu’elle présente des inconvénients qu’il faut tâcher de faire disparaître.

Messieurs, tout ce que l’on peut dire en faveur de la canalisation de la Campine, a déjà été dit dans cette enceinte par des orateurs très convaincus, et qui ont dû, me semble-t-il, convaincre la majorité sur la justice de leurs réclamations, Pour ma part, j’ai toujours considéré comme un des premiers devoirs du gouvernement et de la chambre de chercher à amener la civilisation, la prospérité, l’abondance dans celles de nos contrées qui manquent de pareils éléments. Je me suis dit depuis longtemps qu’avant de songer à coloniser les pays étrangers, nous ferions bien de songer à coloniser notre propre pays, où tant de choses restent encore à faire.

Messieurs, nous nous donnons souvent beaucoup de peine pour chercher des débouchés lointains, et à nos propres portes, dans notre propre pays, nos produits ne peuvent pas pénétrer. La houille, la fonte, la chaux sont encore choses rares dans beaucoup de nos contrées et notamment dans la Campine. Ce n’est donc pas seulement pour la Campine que l’on plaide, quand on demande la canalisation de cette contrée, c’est pour l’industrie du pays en général. Sans doute, il sera avantageux à la Campine de pouvoir recevoir le fer, la houille, la chaux ; mais il sera aussi très avantageux au producteur de fer, au producteur de houille, au producteur de chaux, de trouver de nouveaux consommateurs dans la Campine.

Ainsi, messieurs, l’intérêt général réclame ces travaux. L’intérêt du fisc s’y trouve également engagé. On vous a démontré comment les droits de mutation et d’enregistrement avaient été en s’accroissant dans la Campine depuis qu’on avait commencé à y faire quelques travaux.

Enfin, quant à la Campine elle-même, je reconnais que les travaux qu’il s’agit d’y exécuter lui seront fort utiles ; que les propriétés traversées par le canal ou qui en seront voisines auront une plus grande valeur que dès lors il est juste en principe qu’elles contribuent dans la dépense. On a longtemps laissé dormir la loi de 1807. Cette loi renfermait un principe bon en soi, principe en vertu duquel les propriétés, profitant d’un travail, devaient concourir pour une part dans les frais de ce travail. Mais ce principe a été, il faut le reconnaître, appliqué un peu tardivement chez nous. Si on veut le populariser, si on veut le rendre acceptable, il ne faut pas qu’il entraîne des charges trop grandes pour ceux qu’il doit atteindre.

Messieurs, je n’ai pas connaissance que les routes empierrées exécutées aux frais de l’Etat, l’aient été avec le concours forcé des particuliers.

M. Savart-Martel. - Et les routes provinciales ?

M. Rogier. - On a voté deux millions en faveur du Luxembourg, et en n’a pas exigé des propriétaires riverains une part contributive dans la dépense.

Le canal de Zammel, c’est-à-dire la canalisation de la Grande-Nèthe, avait été promis à la province d’Anvers, Il existe même un projet de loi qui, je pense, n’a pas été retiré ; eh bien, dans ce projet, il n’était demandé aucun concours de la part des propriétaires riverains.

Au surplus, déjà une partie de la contrée, dont il est question aujourd’hui, a contribué dans une proportion très forte aux travaux qu’il s’agit d’exécuter. La province d’Anvers a construit le canal d’Herenthals avec ses propres deniers au moyen de centimes additionnels qui pèsent encore sur elle. L’Etat n’a rien payé, sauf un subside d’une trentaine de mille francs pour une rectification.

A ceux donc qui disent que les contrées que doit traverser le canal, doivent concourir à la construction, nous répondrons qu’elles y ont déjà concouru, que les propriétaires de la province d’Anvers ont concouru pour une somme de 800 mille fr. à la canalisation dont il s’agit. Et certes ce concours est déjà très considérable en présence des dépenses qui doivent être faites.

Quoiqu’il en soit, messieurs, ainsi que je l’ai dit en commençant, les différences ne sont pas grandes. Le débat ne porte que sur une somme annuelle de 6 mille fr. à payer pendant 25 ans. Une somme de 6 mille fr. peut être considérable pour des contrées pauvres ; pour le fisc, elle n’est absolument rien ; elle n’est, à mon avis, pas digne de nos débats.

La somme proposée par l’honorable M. Peeters comprend le septième de la dépense ; si l’on y joignait les 800 mille. fr. qu’a coûtés le canal d’Herenthals, et dont il faut tenir compte, on arriverait à un tiers de toute la dépense.

Lorsqu’on a discuté l’article premier, je n’étais pas présent. Je n’ai donc pu adresser une question à M. le ministre des travaux publies. Je profiterai de l’occasion pour la lui poser.

Par l’article premier on décrète une première section de Bocholt à la Pierre-Bleue, et une seconde section de la Pierre-Bleue à Herenthals. Sur la première section il n’y aura pas d’écluse, mais sur la seconde, de la Pierre-Bleue à Herenthals, il y aura des écluses. Dans le rapport de M. l’inspecteur Vifquain, j’ai remarqué qu’il s’agissait de donner à ces écluses une largeur de 2 mètres 60 cent. J’appellerai l’attention de M. le ministre sur ce point. Lorsque nous avons exécuté le canal de Lierre à Herenthals, tout le conseil provincial d’Anvers a reconnu la nécessité de donner aux écluses au moins une largeur d’au moins 5 mètres, attendu la nature des produits qui doivent être transportés par ce canal. Ainsi, pour le bois entrer autres on a reconnu qu’une largeur inférieure à 5 mètres serait insuffisante.

Si vous donnez une largeur moindre de 5 mètres aux écluses à construire, vous pourriez nuire considérablement aux transports, outre que vous établiriez en quelque sorte une solution de continuité entre le canal d’Herenthals et le canal de Bois-le-Duc. Je crois qu’il faut donner la même largeur d’écluses à toute la ligne du canal. J’appelle l’attention de M. le ministre sur ce point.

J’appellerai encore son attention sur une observation que M. l’ingénieur Vifquain a jetée en passant dans son rapport et qui m’a, quant à moi, beaucoup plu ; car elle rentre jusqu’à certain point dans mes opinions. M. l’inspecteur Vifquain, parlant d’une tranchée considérable à faire sur un point, dit que pareil travail serait exécuté en très peu de temps, par un corps de troupes.

Il ne s’agit pas ici, messieurs, d’appliquer en grand notre armée aux travaux publics. Mais si à l’imitation de ce qui s’est passé dans beaucoup de pays et de ce qui se passe encore aujourd’hui en France et en Algérie on voulait faire un essai de l’emploi de troupes aux travaux publics, je crois que la Campine serait un terrain merveilleusement choisi pour un pareil essai. Je crois avec M. l’inspecteur Vifquain qu’un corps de troupes peu nombreux creuserait en peu de temps de très grands travaux dans la Campine. Je parle de travaux de terrassements, comme ceux de la première section du canal qu’il s’agit d’exécuter, et qui ne présentent aucune difficulté. Il n’y a pas sur cette section de travaux d’art, il n’y a que des tranchées à faire.

L’armée, messieurs, a occupé longtemps la Campine, on s’est plaint dans cette contrée des cantonnements, des logements onéreux ; il ne serait peut-être pas mal que ces mêmes soldats, dont on s’est plaint comme d’une charge, vinssent rendre quelques services à cette partie du pays. Je ne fais du reste que signaler ce moyen ; pour qu’il fût susceptible d’exécution il faudrait que M. le ministre des travaux publics et M. le ministre de la guerre fussent d’accord.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, dans cette discussion l’on en est revenu de nouveau à faire des comparaisons avec le canal de Zelzaete ; je tiens à prouver qu’il n’y a eu ni de la part du gouvernement, ni de la part de la chambre aucune espèce de partialité en faveur de ce canal. Ainsi que je l’ai dit hier, dans la question du canal de Zelzaete, il s’agissait d’une institution de valeur et non pas d’une restitution de valeur, d’une donation, et, par conséquent, on pouvait être moins exigeant, en ce qui concernait le concours des propriétés intéressées. Cependant, messieurs, probablement en raison de la position des propriétaires aux eaux des terrains desquels l’écoulement devait être rendu au moyen du canal de Zelzaete, la législature a fait à ces propriétaires des conditions plus onéreuses que celles qu’il s’agit de faire aux propriétés intéressées au canal de la Campine, car vous vous rappelez, messieurs, que la chambre introduit dans le projet relatif au canal de Zelzaete un amendement d’après lequel, si la construction du canal coûte plus de 4 millions, les propriétés intéressées devront contribuer dans l’excédant jusqu’à concurrence de un quart, car une semblable disposition ne se trouve pas dans le projet actuel. Je crois, messieurs, que ces simples observations prouvent qu’il n’y a eu aucune partialité en faveur des propriétés intéressées au canal de Zelzaete.

Il n’y a pas de doute, du reste, messieurs, qu’en ce qui concerne la Campine, il faut prendre en considération la situation actuelle de cette contrée, situation qui n’est pas heureuse, mais il faut aussi tâcher d’améliorer cette situation autant que possible, et par conséquent, il faut arriver à l’exécution complète du système de canalisation qui doit donner à cette partie du pays de la vie et de la prospérité.

« Mais, a-t-on dit, on n’a pas fait contribuer les communes et les propriétés intéressées lorsque l’on a construit des routes de l’Etat. » C’est là une erreur, messieurs, qui m’étonne chez l’honorable préopinant, car il est arrivé très souvent que les communes et les propriétés intéressées ont contribué à la construction de routes de l’Etat dans le Luxembourg lui-même. Les communes et la province contribuent pour de très fortes sommes dans les dépenses des routes à construire au moyen des deux millions qui ont été votés en sa faveur. Cependant il s’agit là de routes de l’Etat.

L’honorable préopinant vous a cité, messieurs, la pétition de Zammel, il vous a lu un passage de cette pétition où le projet dont nous nous occupons est traité de triste projet, de projet odieux, etc. Les gros mots, messieurs, n’ont jamais été des raisons, et par conséquent, je crois qu’ils ne peuvent avoir aucune influence sur nos esprits ; on aurait donc pu se dispenser de s’en faire l’écho, mais pour vous faire juger de ce que sera la construction du canal pour la commune de Zammel, pour cette malheureuse commune de Zammel, je n’ai qu’à citer les chiffres d’un tableau qui se trouve aux pages 24 et 25 du rapport de la section centrale.

La commune de Zammel, messieurs, pourra se libérer de toutes les annuités en cédant à l’Etat, 1,503 hectares des bruyères qu’elle possède et alors il lui en restera 5,216 hectares qui aujourd’hui ne valent rien ou qui du moins valent très peu de chose, qui dans tous les cas ne rapportent rien. Eh bien, en vendant 5,216 hectares à raison de 200 fr. seulement, et c’est là être entièrement modéré dans l’évaluation du prix vénal après la construction du canal, cette commune acquerra un capital de 1,043,200 fr. Voilà, messieurs, dans quelle position malheureuse la commune de Zammel se trouvera bientôt, si le projet que nous discutons est converti en loi.

Maintenant, messieurs, je dois l’avouer, telle n’est pas la position de toutes les communes, de toutes les propriétés, mais c’est ce que le gouvernement a pris en considération lorsqu’il nous a présenté son projet ; en effet le gouvernement ne devait pas le régler sur une seule commune, qui fait à la vérité exception sous ce rapport, parce que les autres communes ne possèdent pas autant de biens que celles-là, surtout dans les zones qui doivent profiter plus spécialement du canal. Le gouvernement a cru être assez modéré en nous proposant les chiffres des annuités qu’il nous a présentés dans son projet de loi. Ces chiffres, messieurs, sont de 2 fr. 50. c. par hectare pour la première zone ;

1 fr. 75 c. pour la deuxième zone ;

1 fr. 25 c., pour la troisième zone ;

75 c. pour la quatrième zone ;

50 c. pour la cinquième zone.

La section centrale a réduit ces chiffres de 1/5, et elle a émis à l’appui de cette réduction plusieurs considérations qui avaient jeté dans mon esprit quelques doutes sur la question de savoir s’il ne fallait pas admettre sa proposition. C’est pourquoi, ainsi que je l’ai dit hier, je n’avais pas cru devoir m’expliquer de suite, à cet égard ; mais je vous ai dit aussi hier que si l’on ne faisait pas valoir à l’appui de la proposition de la section centrale, d’autres raisons que celles que l’on avait présentées jusque-là, je serais forcé de maintenir les chiffres proposés par le gouvernement. Je dois avouer, messieurs, qu’aujourd’hui l’on a fait valoir diverses considérations, notamment les honorables MM. Simons et de Theux, qui m’ont ébranlé en ce qui concerne la proposition de la section centrale. Il est vrai que la contrée, connue sous le nom de Campine, est une contrée très pauvre et qui a toujours été assez malheureuse pour ne pas pouvoir prendre part aux divers travaux publics qui ont été exécutés dans l’intérêt général du pays. Il y a bien un chemin de fer qui conduit à Anvers, il y a bien un chemin de fer très court dans le Limbourg, mais ces chemins de fer ne se trouvent nullement sur le territoire de la Campine et ne viennent pas en aide à cette partie intéressante du pays. D’un autre côté peu de routes ont été construites dans le Limbourg et même dans la province d’Anvers, ce qui a tenu, en ce qui concerne cette dernière, à ce que la position financière où elle s’est trouvée par suite de la construction du canal d’Herenthals, ne lui a pas permis de concourir à la construction de routes dans une proportion suffisante pour que ces routes s’exécutassent. C’est là un motif qui milite en faveur de la partie de la Campine qui est située dans la province d’Anvers, puisque cette province a exécuté à ses propres frais le canal d’Herentbals qui fait suite au canal de la Campine.

Je crois, messieurs, par ces nouvelles considérations qui ont été émises aujourd’hui, pouvoir me rallier à l’amendement de la section centrale, mais faire plus ce serait agir contrairement aux intérêts de la Campine elle-même et contrairement à l’intérêt général du pays. Je dis contrairement aux intérêts de la Campine, parce que, je le répète, elle a le plus grand intérêt à ce que le système de canalisation se complète, et que si le concours des propriétés intéressées à la construction de la première section du canal n’était pas assez élevé, il n’y a pas de doute que l’exécution du reste de la canalisation se trouvât gravement compromise.

- La clôture est demandée.

M. Peeters (contre la clôture). - Je désirerais, messieurs, dire quelques mots en réponse au discours de l’honorable M. Dubus, qui s’est placé sur un terrain où je voudrais le combattre. Je n’ai pas contesté l’utilité du canal ; s’il n’était pas utile nous n’en voudrions pas ; mais j’ai dit que le gouvernement en profiterait le plus, et je désire le prouver. Les députés du Hainaut…. (La clôture, la clôture.)

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Nous avons diverses propositions. Il y a celle de la section centrale à laquelle M. le ministre s’est rallié ; il y a ensuite deux amendements présentés, l’un par MM. Peeters, Osy et autres membres, l’autre par M. Huveners. L’amendement de M. Peeters diffère de la proposition de la section centrale en ce qu’il réduit d’un quart les chiffres de cette proposition ; celui de M. Huveners diffère du projet de la section centrale, en ce qu’il tend à établir une différence entre les bois et bruyères et les propriétés cultivées en en réduisant de moitié la contribution pour ces dernières propriétés. Il s’agit de savoir à laquelle de ces propositions on donnera la priorité : commencera-t-on par le chiffre le plus élevé ou par le plus bas ?

M. Simons. - Messieurs, je pense qu’il faut d’abord mettre aux voix l’amendement qui s’écarte le plus du projet du gouvernement. C’est le chiffre le plus bas, Il est vrai que lorsqu’il s’agit des allocations proposées an budget, on commence ordinairement par le chiffre le plus élevé ; mais pour les autres projets de loi, l’on commence toujours par les amendements qui s’écartent le plus du projet primitif.

M. Osy. - Il me paraît qu’il faut mettre l’amendement de l’honorable M. Peeters le premier aux voix ; car c’est cet amendement qui entraîne le plus grand sacrifice de la part du gouvernement.

M. Dubus (aîné). - D’après les précédents de la chambre, quand il s’agit de chiffres, on met toujours aux voix le chiffre le plus élevé. Lorsque le gouvernement propose un chiffre pour une dépense et qu’on dépose des amendements qui diminuent ce chiffre, on ne met jamais aux voix le chiffre proposé par cet amendement, avant la proposition du gouvernement.

- La chambre, consultée, décide qu’elle votera en premier lieu sur l’amendement présenté par M. Peeters.

Plusieurs membres demandent l’appel nominal.

On y procède.

64 membres prennent part au vote.

28 répondent oui.

36 répondent non.

En conséquence, l’amendement n’est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Cogels, David, de Behr, Dechamps, de Man d’Attenrode, de Mérode, de Nef, de Renesse, Desmet, de Theux, d’Hoffschmidt, Dolez. Duvivier, Huveners, Jadot, Kervyn, Mast de Vries, Meeus, Orts, Osy, Peeters, Raymaeckers, Rogier, Scheyven, Simons, Vilain XIV, Zoude et Raikem,

Ont répondu non : MM. de La Coste, Coghen, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Potter, Deprey, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Villegas, Savart, Dubus aîné, Dumont, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Jonet, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Malou, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Puissant, Rodenbach, Sigart, Smits, Troye, Van Cutsem, Vandensteen et Van Volxem.

M. le président. - Vient maintenant la proposition de la section centrale, amendée par M. Huveners. Je mettrai d’abord aux voix l’amendement de M. Huveners ; cet amendement reproduit la proposition de la section centrale, sauf qu’il réduit la taxe de moitié pour les propriétés cultivées.

Plusieurs membres. - L’appel nominal.

On procède à l’appel nominal.

64 membres prennent part au vote.

23 répondent oui.

41 répondent non.

En conséquence l’amendement n’est pas adopté

Ont répondu oui : MM. David, de Garcia, de Man d’Attenrode, de Mérode, de Nef, de Renesse, de Theux, d’Hoffschmidt, Dolez, Duvivier, Huveners, Jadot, Kervyn, Liedts, Mast de Vries, Orts, Osy, Peeters, Raymaeckers, Scheyven, Simons, Vilain XIIII et Zoude.

Ont répondu non : MM. de La Coste, Cogels, Coghen, de Behr, Dechamps, de Florisone, de Foere, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Potter, Deprey, de Sécus, Desmaisières. Desmet, de Terbecq, de Villegas, Savart-Martel, Dubus (aîné), Dumont, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye- Hoys, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Matou, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Puissant, Raikem, Rodenbach, Rogier, Sigart, Smits, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Van Volxem.

- L’art. 4, tel qu’il a été amendé par la section centrale, et accepté par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. L’annuité sera due par les propriétés riveraines de chaque section, à partir du jour où la section aura été livrée à la navigation ; elle sera recouvrable par les mêmes moyens que les contributions directes. »

La section centrale adopte cet article.

M. Huveners propose le paragraphe additionnel suivant :

« Les annuités auxquelles sont obligés les riverains de la section de Bocholt à la Pierre-Bleue ne seront dues qu’après l’entier achèvement de la ligne de Bocholt à Herenthals.

M. Huveners. - J’ai proposé ce paragraphe, parce que les propriétés riveraines de cette section ne retireront les avantages qu’ils peuvent attendre de la construction du canal que quand la ligne de Bocholt à Herenthals sera entièrement achevée.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je ne puis admettre l’amendement proposé par l’honorable M. Huveners. Reculer comme il le propose le commencement du paiement des annuités jusqu’à l’achèvement de la seconde section, c’est s’exposer à voir reculer indéfiniment l’exécution de cette seconde section ; car ce serait créer un intérêt contraire à cette seconde section. Tous les propriétaires intéressés dans l’exécution de la première section seraient en effet, si l’amendement de M. Huveners était adopté, intéressés à ce que la seconde section ne s’exécute pas, parce qu’aussi longtemps qu’elle ne s’exécutera pas, ils n’auront rien à payer.

- L’art. 5 proposé par le gouvernement est adopté.

Le paragraphe additionnel proposé par M. Huveners n’est pas adopté.

Article 6

« Art. 6. Elle sera rachetable à raison de 100 fr. de capital pour 7-10 fr. d’annuité.

« En cas de rachat, les débiteurs de l’annuité (communes ou particuliers) auront l’option de s’acquitter, soit par un paiement en numéraire, sois par la cession de partie de leurs propriétés, jusqu’ due concurrence et aux prix suivants

« Propriétés de la première zone, par hect. fr. 130

« Propriétés de la deuxième zone, par hect. fr. 100

« Propriétés de la troisième zone, par hect. fr. 80

« Propriétés de la quatrième zone, par hect. fr. 60

« Propriétés de la cinquième zone, par hect. fr. 50 »

M. le président. - La section centrale propose d’ajouter à cet article les § suivants :

« Les art. 23 et 31 de la loi du 16 septembre 1807 sont applicables aux cas spécifiés dans le présent article.

« Le gouvernement est autorisé à vendre aux enchères publiques, et d’après le mode à régler par lui, les propriétés qui lui au.ont été cédées en vertu du même article. »

M. Huveners propose un 3ème § ainsi conçu :

« Les communes auront la faculté de libérer les propriétés cultivées de leurs habitants, sous l’approbation du gouvernement et de l’avis de la députation permanente. »

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L’article 6 a été amendé par la section centrale de deux manières. Elle a d’abord proposé de rendre applicable aux cas spécifiés dans cet article les articles 23 et 31 de la loi du 16 septembre 1807. En ce qui touche cet amendement, je ne me rallie qu’à une partie, à celle relative à l’article 23. Je crois qu’à l’égard de l’article 31, il est inutile de le rendre applicable ici. Je me rallie donc, quant à l’art. 23, mais je pense que le paragraphe devrait être rédigé autrement. Voici comment je proposerai de le rédiger :

« L’article 23 de la loi du 16 septembre 1807 sera appliqué par analogie aux propriétés qui seraient grevées d’hypothèques. »

Quant au deuxième paragraphe qui autorise le gouvernement à vendre aux enchères publiques et d’après le mode à régler par lui les propriétés qui lui auraient été cédées en vertu de cet article, je m’y rallie.

M. Huveners. - J’ai suffisamment développé, dans la discussion générale, l’amendement que je propose à l’art. 6, J’ajouterai seulement qu’il rentre complètement dans le principe du projet, qui est de rendre à la culture les propriétés communales. Il faut fournir aux communes l’occasion de céder ses bruyères en allégeant le fardeau imposé aux habitants.

M. Peeters. - Je suis assez disposé à admettre l’amendement de M. Huveners, s’il veut retrancher les mots de leurs habitants. Il ne doit pas pouvoir admettre que le rachat profite exclusivement aux propriétaires habitant actuellement la commune. Je suppose deux propriétaires de terrains cultivés, l’un habitant la commune, et l’autre ne l’habitant pas. Pour celui qui l’habite maintenant, la commune rachèterait, au moyen d’une cession de bruyères communales, ce qu’il devrait payer à l’Etat pour la canalisation de la Campine. Dans quinze jours il délogerait, et il serait exempté de toute charge, et celui qui habiterait dans une autre localité et qui viendrait se fixer dans la commune devrait continuer à payer la charge imposée à sa propriété.

C’est une chose qu’on ne peut pas admettre. Les propriétaires habitant actuellement la commune profiteraient des biens communaux au détriment de ceux qui pourraient venir l’habiter plus tard.

J’appuierai l’amendement rédigé comme suit : « Les communes auront la faculté de libérer les propriétés cultivées, situées sur leur territoire sous l’approbation du gouvernement et de l’avis de la députation. »

C’est une faculté qu’on accorde, mais on ne doit pas donner la faculté de se libérer d’une charge qui pèsera sur d’autres.

M. Malou. - Je ne dirai que quelques mots sur l’amendement de l’honorable M. Huveners. Cet amendement est contraire à tous les principes. Les propriétés communales appartiennent à la généralité des habitants et on propose d’en dispenser au profit de quelques habitants ; et les personnes au profit desquelles on propose d’en disposer sont précisément celles qui sont propriétaires. Tous les habitants, même les pauvres, sont copropriétaires des biens communaux. Je n’en dirai pas davantage. Car il me paraît impossible que cet amendement soit admis par la chambre.

M. Cogels, rapporteur. - Je ne m’arrêterai pas à l’amendement de M. Huveners, car il n’a pas la moindre chance d’adoption.

Je parlerai seulement de la nouvelle rédaction proposée par M. le ministre des travaux publics, en ce qui concerne les hypothèques. La section centrale avait cru devoir faire mention des articles 23 et 31 de la loi de 1807, parce que l’art. 23 ne s’appliquait qu’aux marais, et que l’art. 31 disait que les dispositions de l’art. 23 s’appliqueraient aux expropriations pour routes et canaux. La nouvelle rédaction proposée me paraît satisfaisante.

M. Huveners. - Je ne fais aucune difficulté de me rallier à la rédaction de M. Peeters. J’ai soutenu que les propriétés cultivées dans la Campine appartenaient aux habitants des communes. Il n’y aurait plus que la question de savoir si on doit comprendre ou non les bois Quant à moi, je pense que les bois peuvent supporter la redevance qui leur est imposée.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) J’entends qu’on fait observer que les mots par analogie sont inutiles je ne les ai insérés dans ma rédaction, que parce que les cas prévus par l’art. 23 de la loi de 1807 ne sont pas identiques avec ceux prévus par la loi actuelle. Mais s’il est entendu que l’application pourra se faire de cette manière sans que les mots par analogie soient insérés dans la loi, je n’ai pas d’objection ce qu’on les supprime.

- L’art. 6 est mis aux voix et adopté.

La première disposition additionnelle du projet de la section centrale est adoptée dans les termes suivants proposés par M. le ministre des travaux publics :

« L’art. 23 de la loi du 16 septembre 1807, sera appliqué aux propriétés qui seront grevées d’hypothèques. »

La seconde disposition additionnelle du projet de la section centrale est adoptée avec la substitution des mots présent article aux mots même article.

L’amendement de M. Huveners est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

Article 7

La chambre passe à l’art. 7 ainsi conçu :

« Art. 7. Le gouvernement prendra les mesure d’exécution et arrêtera toutes les dispositions réglementaires dont la nécessité sera reconnue pour l’application des articles qui précèdent ; il pourra, dans des cas exceptionnels, accorder les modérations qui lui paraîtront équitables. »

M. le président. - La discussion est ouverte sur cet article sur la proposition de la section centrale tendant à supprimer les mots « il pourra dans des cas exceptionnels, accorder les modérations qui lui paraîtront équitables » et sur l’amendement présenté par M. Huveners à cet article et ajourné jusqu’à la discussion de l’art. 7.

M. Peeters. - Je crois que la proposition du gouvernement doit être maintenue ; car, ainsi que nous l’avons dit dans une autre discussion, il y a quelques exceptions à faire ; car il y a quelques propriétés qui, par la construction du canal, diminueront de valeur. Je suppose une ferme, une exploitation, où par le creusement du canal les bâtiments seraient séparés des terres. Là le canal aurait porté un véritable dommage à la propriété.

Je pense donc que nous devons maintenir la disposition du projet pour que le gouvernement, dans quelques cas, puisse l’appliquer. Mais je ne puis adopter la proposition de l’honorable M. Huveners ; car si cette proposition était admise, je devrais proposer la même chose pour les environs d’Herenthals ; ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire comprendre tout à l’heure, il y a probablement d’autres localités qui peuvent faire valoir les mêmes motifs, le gouvernement doit rester seul juge de cette affaire. La proposition de l’honorable M. Huveners, qui tend à exempter entièrement certaines localités me paraît inadmissible. Je voterai pour l’art. 7 du projet du gouvernement.

M. Huveners. - Je demande qu’il soit statué sur l’art. 7, avant que mon amendement soit mis en discussion.

M. Malou. - Le paragraphe final de l’art 7 porte « Il (le gouvernement) pourra, dans des cas exceptionnels, accorder les modérations qui lui paraîtront équitables. » Je pense que, quoiqu’on se soit servi du mot modérations, on entend que le gouvernement pourra accorder aussi un dégrèvement total, pour une année par exemple, ou pour plusieurs années. Je reconnais qu’il peut y avoir certaines circonstances où il serait très rigoureux d’exiger les annuités. Cependant je suis peu disposé à adopter cette disposition. Il y a d’abord pour moi un scrupule constitutionnel.

Il est de principe que le gouvernement n’a pas d’action pour dégrever les particuliers qui ont une dette envers le trésor public. C’est un des principes de notre constitution. Je sais qu’on me répondra qu’il s’agit d’un concours à des travaux d’utilité public, qu’il ne s’agit pas d’un impôt proprement dit, mais plutôt d’une dette civile.

Il n’en est pas moins vrai que nos institutions financières répugnent à ce que de tels pouvoirs soient donnés au gouvernement. J’y verrais moins d’inconvénients en fait si la part de ceux qui ne payeront pas devait accroître la part de ceux qui payent ; mais s’il en est autrement, le gouvernement, qui est exposé beaucoup d’obsessions, peut voir diminuer de beaucoup le subside sur lequel il a compté. Ne serait-il pas possible de limiter l’excédant à des cas déterminés, de dire que le gouvernement pourra réduire la contribution, lorsqu’il serait constaté que des propriétés sont détériorées par l’exécution du canal. Dans ce cas, l’exception serait justifiée, parce que le principe de l’impôt, c’est l’existence d’une plus-value pour la propriété.

M. Cogels, rapporteur. - Je n’ai pas voté la suppression du dernier paragraphe de l’art. 7, parce que je reconnais qu’il est des cas exceptionnels où le gouvernement devra accorder, non seulement une modération, mais même l’exemption totale. Je n’ai pas sous les yeux la loi du 16 septembre 1807, mais si ma mémoire est fidèle, cette loi contient une disposition semblable ; il y est dit positivement que la loi ne sera appliquée qu’aux propriétés qui effectivement seront reconnues avoir acquis une plus-value. Maintenant, il est vrai que les termes du projet de loi ne sont pas assez formels, qu’ils peuvent exposer le gouvernement à une foule d’obsessions dont il aura de la peine à se défendre.

Par conséquent, je serais assez disposé à adopter une rédaction, dans le sens indiqué par l’honorable M. Malou ; car c’est là l’intention du législateur ; il a voulu affranchir de la contribution celui dont les terres ne retirent aucun avantage des travaux exécutés et à plus forte raison celui dont les terres sont détériorées par ces travaux. C’est ce qui s’est fait pour les travaux du chemin de fer et pour d’autres travaux publics, où dans les expropriations on a tenu compte de la dépréciation des parties conservées par les propriétaires.

M. de Theux.- J’appuie aussi la proposition du gouvernement, parce que la taxe ayant été établie d’une manière générale, il doit y avoir quelques cas où la loi ne pourrait être appliquée avec justice. Il faut donc laisser au gouvernement la faculté de modérer dans certains cas la disposition de la loi.

On a déjà indiqué une disposition particulière. L’honorable M. Huveners a proposé un amendement tendant à exempter du concours les propriétés qui se trouvent dans le rayon de 5000 mètres du canal de Bois-le-Duc. M. le ministre des travaux publics a dit que l’on devrait avoir égard à cette circonstance, mais qu’on ne pouvait admettre l’exception d’une manière générale. Je crois donc qu’il faut admettre la disposition du projet ; on n’a pas à craindre qu’il en abuse ; on n’a pas à craindre qu’il exempte sans motifs légitimes les propriétés qui doivent supporter la taxe.

M. Pirmez. - Si l’on adopte la disposition du projet du gouvernement, c’est comme si la loi n’existait pas. Vous avez déjà entendu soutenir qu’une très grande partie des terrains ne profite nullement de la canalisation de la Campine. On sera donc fondé à dire qu’on ne doit aucune rétribution. Ainsi la loi sera nulle. Si l’on veut admettre une exception, je voudrais qu’elle résultât d’une disposition postérieure, lorsqu’on aura reconnu l’inconvénient qu’il y a à rendre la loi générale.

M. Peeters. - Je crois, messieurs, que nous devons adopter la proposition du gouvernement ; sinon, on devra commettre plusieurs injustices. Ainsi, je suppose un marais qui ne pourra être desséché et qui ne produira jamais rien. Il devra donc être obligé de contribuer à la construction du canal ? Je suppose encore des propriétés qui seraient situées assez près du canal, mais qui n’auraient pas de chemin pour y arriver. Vous les feriez encore coopérer à la construction du canal, bien qu’ils n’en recevraient pas une plus-value ; je suppose des dunes qui ne produisent ou ne pourront jamais rien produire, d’autres terrains enfin qui se trouveront dans une position à ne pouvoir jamais profiler du canal, et vous iriez les imposer pour la plus-value en interprétant la loi de 1807. Cela serait une criante injustice.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je crois devoir maintenir la proposition du gouvernement, on vous a cité plusieurs cas, et je crois qu’il est impossible de prévoir tous ceux qui pourront exiger d’une manière absolue que certaine modération soit apportée dans le concours à la dépense. Cette modération ne pourra jamais être telle qu’il en résulte un dégrèvement total pour les propriétés intéressées en général ; mais il pourra en résulter un dégrèvement total pour des propriétés particulières.

On ne doit d’ailleurs pas craindre les abus. Il est certain, comme on vous le disait tout à l’heure, que le gouvernement veut avant tout obtenir l’exécution complète du système de canalisation de la Campine, et que, s’il allait accorder des modérations là où il n’y a pas lieu d’en accorder, il travaillerait contre le but qu’il veut atteindre. On ne doit donc pas craindre qu’il s’expose à des mécomptes de cette espèce.

M. Vandensteen. - Messieurs, je ne veux faire qu’une simple observation je suis de l’avis de l’honorable M. Pirmez, je ne suis pas opposé à ce que dans quelques circonstances on établisse une cotisation modérée ; mais je voudrais pour cela un règlement spécial. En effet, l’honorable M. Peeters nous a cité le fait que le canal, sur une partie de son parcours, traverserait des localités où le terrain lui serait bien supérieur, et il a cru qu’il n’y aurait pas lieu à les faire participer à la dépense.

M. Peeters. - Je n’ai pas dit cela.

M. Vandensteen. - Si mes renseignements sont exacts, une partie du canal se trouverait beaucoup plus bas qu’un grand nombre de propriétés. Eh bien ! si nous adoptons la rédaction du gouvernement, qu’arrivera-t-il dans cette circonstance ? C’est que les propriétaires viendront réclamer la faveur que sollicite M. le ministre et que la cotisation que l’on veut faire payer par les propriétés intéressées, pourra finir par être nulle.

M. de Theux. - Messieurs, je conviens que si l’on faisait de l’exception l’usage indiqué par l’honorable préopinant, ce serait détruire ou s’exposer à voir détruire par l’art. 7, le principe même de la loi. Mais un tel usage ne peut, dans mon opinion, en être fait. La loi agit ici d’une manière exceptionnelle. Elle introduit un principe nouveau ; elle statue, sans examen préalable, que dans un rayon de 5,000 mètres, toutes les propriétés quelconques bénéficient,

La loi de 1807, qui établit le système du concours des propriétés intéressées à la construction d’un ouvrage, suppose une expertise préalable pour savoir les propriétés qui en profitent. Eh bien ! je crois que le gouvernement doit appliquer la loi d’une manière générale, et que, quant aux exemptions, il devra être institué une commission d’expertise, qui fera un rapport, en vertu duquel le gouvernement jugera si réellement une propriété n’a obtenu aucun avantage de la construction du canal, L’exception appliquée de cette manière, ne peut, à mon avis, détruire la loi ; je serais fâché, quant à moi, que par une exception, on détruisît le principe. Je ne sais si c’est de cette manière que M. le ministre entend exécuter la loi.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Certainement.

- L’article, tel qu’il a été proposé par le gouvernement, est mis aux voix, il est adopté.

M. Huveners. - Par suite de l’adoption de la proposition du gouvernement, je déclare retirer l’amendement que j’avais propos à l’art. 2.

La chambre renvoie à demain la discussion de l’art. 8.

La séance est levée à 4 heures et demie.