Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 22 décembre 1842

(Moniteur belge n°357, du 23 décembre 1842)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure et quart.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

Les sieurs Philippe Gothard et Frédéric-Guillaume Bechtold, commis de commerce à Liége, nés à Mayence, demandent la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le conseil communal de Turnhout présente des observations concernant la loi du 29 septembre dernier et le projet de loi sur le canal de la Campine. »

M. de Nef demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale du budget des travaux publics et qu’elle soit, en outre, insérée au Moniteur.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs fabricants de Courtray demandent une protection contre l’entrée d’habillement confectionnés en Angleterre. »

M. Van Cutsem demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport et qu’elle soit en outre insérée au Moniteur.

- Cette proposition est adoptée.


« La commission administrative des hospices civils de la ville d’Ypres présente un projet de loi sur le domicile de secours. »

M. Malou. - Messieurs, je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport. Les vices de la législation sur le domicile de secours ont été signalés à plusieurs reprises. Comme je pense que le gouvernement a l’intention de s’occuper de cette question, surtout après les observations qui ont été faites dans la discussion du budget de la justice, il importe que le rapport soit fait le plus tôt possible.

M. de Florisone. - Messieurs, M. le secrétaire vient de donner l’analyse d’une pétition de messieurs les administrateurs des hospices civils d’Ypres, ils sollicitent une nouvelle loi, sur le domicile de secours des indigents ; et ils joignent à leur demande un projet de loi toute formulé, qui contient des vues très utiles sur cet important sujet. Les inconvénients graves de la loi du 28 novembre 1818, ayant déjà été signalés à cette chambre, je demande, comme mon honorable collègue M. Malou, le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.

- La proposition de M. Malou est adoptée.


« L’association provinciale et communale de Bruxelles fait hommage à la chambre des 4 premiers cahiers de son recueil intitulé : Ecole des communes : journal des bourgmestres, des échevins : des conseillers et des secrétaires communaux ; organe des conseillers provinciaux. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projets de loi modifiant le tarif des douanes

Rapport de la section centrale

M. Zoude dépose le rapport de la section centrale qui a été chargée de l’examen des projets de loi relatifs, l’un aux droits d’entrée et l’autre aux droits de sortie. M. le rapporteur demande que ces projets dont l’un a pour objet de procurer des ressources au trésor, soient mis à l’ordre du jour de la première séance qui suivra l’ajournement probable de la chambre.

M. Osy. - Messieurs, voilà près d’un mois que le projet de loi pour les droits d’entrée a été présenté, et vous sentez que comme le commerce sait qu’on va augmenter considérablement les droits sur plusieurs objets d’importation, il nous arrive beaucoup de marchandises qu’on s’empresse de déclarer à la consommation, et, si nous tardons à discuter ce projet de toi, et que nous l’ajournions jusqu’après notre rentrée, il se passera encore un mois avant que le commerce sache à quoi se tenir, et en affaires l’incertitude est un très grand mal.

Si nous retardons la discussion encore pendant un mois nous faisons un grand tort au trésor et au commerce pendant cette incertitude. Je demande donc de mettre le projet de loi à l’ordre du jour, après le budget des finances et de ne pas nous séparer avant d’avoir pris une décision sur cet objet important, et, comme en tout cas la session ne pourra pas être longue, je crois que nous devons au pays de prendre le moins de congé possible et de nous réunir encore la semaine prochaine, d’autant plus qu’à notre rentrée nous aurons les budgets des travaux publics et de la guerre, et ensuite le traité avec la Hollande, ct il faut cependant nous occuper des lois financières, et ne pas laisser le commerce dans l’incertitude.

M. de Theux. - Messieurs, la chambre a déjà décidé que le premier objet dont elle s’occupera après la discussion du budget des finances, ce sera le projet de loi sur le canal de la Campine ou la question des sucres. Je demande que cette décision soit maintenue et que les projets, sur lesquels il vient d’être fait rapport soient mis à l’ordre du jour après ces deux objets, ou au moins, qu’on ne préjuge rien sur l’époque de la discussion des projets de lois concernant les droits d’entrée et de sortie.

M. Manilius. - Messieurs, je crois qu’avant de discuter les projets de loi tendant à modifier le tarif des douanes, il convient de s’occuper du rapport qui a été fait par l’honorable M. Mercier sur les projets de lois relatifs à la répression de la fraude. Vous aurez beau modifier les droits d’entrée, si vous n’avez pas un moyen de sanction, vous n’aurez rien fait. Je demande donc que les projets sur lesquels M. Zoude vient de faire rapport, soient mis à l’ordre du jour après la discussion du rapport de M. Mercier, relatif à la répression de la fraude.

M. de Theux. - Je demande que l’on ne préjuge rien quant à présent.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne veux rien préjuger non plus, mais je dois dire qu’il est extrêmement désirable que la chambre discute dans le plus bref délai deux projets de lois : le projet de loi relatif aux droits d’entrée, et le projet sur la répression de la fraude en matière de douanes. Ces deux lois sont urgentes et il serait à désirer qu’elles fussent mises à exécution le plus promptement possible ; la première est entrée dans les prévisions du budget des voies et moyens ; si cette loi est renvoyée à la fin de janvier ou de février il y aura de ce chef un mécompte dans les prévisions du budget des voies et moyens.

La loi, attendue depuis si longtemps, sur la fraude en matière de douanes, est également de la plus haute importance ; elle embrasse tout le système douanier ; elle est en quelque sorte la sanction de notre système de droits d’entrée ct de sortie. (Interruption.) La sanction qui existe maintenant est jugée insuffisante ; il s’agit d’en créer une qui soit plus efficace. Je pense, messieurs, que ces deux lois ne donneront pas lieu à une longue discussion. On pourrait croire que la discussion du dernier projet de loi qui concerne la fraude en matière de douanes sera longue, mais je ne partage pas cet avis ; je crois que ceux qui veulent d’autres mesures encore, ajourneront leur demande et accepteront le projet de la section centrale comme un essai. Par d’autres, cette loi sera considérée comme définitive parce qu’elle leur paraîtra suffisante.

Je demande donc que rien ne soit préjugé, mais je tiens beaucoup à ce que la chambre ait la conviction que les deux lois dont je viens de parler doivent être votées dans le plus bref délai.

M. d’Huart. - Il faudrait y ajouter la loi sur les sucres, qui presse encore plus que les autres.

M. Cools. - J’appuie la proposition de M. de Theux, mais je ferai remarquer que la loi la plus importante dont nous ayons à nous occuper, c’est la loi des sucres qui est déjà mise à l’ordre du jour. Je crois qu’il ne faut rien changer à la décision que nous avons prise il y a quelques jours et que nous devons nous occuper en premier lieu de la loi sur les sucres, sauf à nous occuper immédiatement après de projet de loi sur la fraude en matière de douanes.

M. Lebeau. - Il me semble, messieurs, qu’il y a une question préjudicielle à résoudre et sur laquelle il faut s’expliquer clairement. Y aura-t-il ou n’y aura-t-il pas de vacances à partir du 24 de ce mois ? Si nous prenons des vacances le 24, il est impossible qu’avant de nous séparer nous discutions les lois dont on vient de parler et surtout la loi sur les sucres. Je ne veux pas exprimer d’opinion sur la question de savoir s’il y aura des vacances, mais je crois que cette question doit être décidée afin que chacun de nous sache à quoi s’en tenir.

M. Osy. - Il me semble, messieurs, que le plus simple serait de s’expliquer sur ce que l’on compte faire la semaine prochaine. Si l’on veut s’ajourner le 24, il est certain que nous ne pouvons pas discuter tous les objets dont on a parlé ; mais je demande, moi, qu’on ne se sépare qu’à la fin de l’année, et je crois que c’est sur ce point qu’il faut se prononcer d’abord.

M. Mercier. - Messieurs, nous perdons tous les jours un temps considérable à faire et à défaire l’ordre du jour. Je demande qu’on mette les projets sur lesquels il vient d’être fait rapport, après les objets dont la discussion a déjà été fixée.

M. Pirson. - Je crois, messieurs, qu’il faut décider en premier lieu si nous nous séparerons avant la fin de l’année. Vous serez nécessairement à rien faire lundi et mardi, car tous les membres de la chambre qui peuvent profiter du chemin de fer, retourneront chez eux ; si l’on veut siéger lundi prochain et ensuite toute la semaine, j’y consentirai volontiers, mais je ne tiens pas du tout à rester ici pendant que la plupart d’entre nous seront chez eux, et rendront ainsi nos délibérations impossibles.

M. de Garcia. - Je crois, messieurs, que nous pouvons très bien régler notre ordre du jour sans décider la question de savoir si nous prendrons des vacances ; si la solution de cette question devait influer sur le règlement de l’ordre de nos travaux, nous devrions peut être retrancher de l’ordre du jour la plupart des objets dont nous avons fixé la discussion. Je crois donc que nous devons régler l’ordre du jour sans nous occuper de la question des vacances.

- M. Manilius déclare se rallier à la proposition de M. Mercier tendant à mettre les projets relatifs aux droits d’entrée et de sortie à l’ordre du jour après les objets qui s’y trouvent déjà placés.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Rapports sur des pétitions

M. Liedts (à la tribune). - Messieurs, vous avez renvoyé à la section centrale chargée de l’examen du budget des travaux publics, quelques pétitions sur lesquelles je vais avoir l’honneur de faire rapport.

Par la première, les membres des administrations communales de Couvin et de Philippeville demandent que le chemin de grande communication entre Couvin et le bac du Prince, soit décrété route de 2ème classe.

Les pétitionnaires allèguent à l’appui de leur demande qu’ils n’ont eu aucune part aux nombreux capitaux qui ont été employés depuis la révolution à améliorer les voies de navigation et les communications par terre ; ils indiquent l’importance qu’aurait pour ces cations la route dont il s’agit.

La section centrale vous propose, messieurs, par mon organe, le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics. A cette occasion, elle fait remarquer qu’il serait dangereux d’accueillir trop légèrement les demandes de l’espèce, attendu que ce serait ouvrir aux communes qui doivent participer aux frais de construction des routes vicinales de grande communication un moyen indirect de s’affranchir de cette charge, et de la rejeter en totalité sur le gouvernement.

- Les conclusions de la section centrale sont mises aux voix et adoptées. En conséquence, la pétition dont il s’agit est renvoyée a M. le ministre des travaux publics.


M. Liedts, rapporteur. - Par une autre pétition, plusieurs propriétaires du poldre de Lillo prient la chambre de porter au budget des travaux publics la somme nécessaire pour les indemniser des terrains que le gouvernement a expropriés, en faisant construire la digue intérieure de Lillo.

La section centrale propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics, avec demande d’explications.

La section centrale n’a pas pu apprécier la nature de cette demande. S’il y a eu expropriation proprement dite, il est juste que l’indemnité qui aurait dû être préalable ne se fasse pas attendre. Mais vous savez, messieurs, que, d’après nos lois sur l’endiguement des poldres, il est une certaine catégorie de terrains qu’on peut occuper pour réparer les poldres, dans des cas de force majeure. Il s’agit de savoir, en fait et en droit, si les terres emprises, pour réparer la digue intérieure de Lillo, rentrent dans cette catégorie.

C’est sur ce point que M. le ministre des travaux publics est prié de donner des explications à la chambre.

- Les conclusions de la section centrale sont mises aux voix et adoptées. En conséquence, le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, avec demande d’explication, est ordonné.


M. Liedts, rapporteur. - Messieurs, reste donc à nous entretenir de deux autres pétitions qui se rattachent au rendiguement du poldre de Lillo.

Par la première, les membres de la direction des poldres de Lillo prient la chambre d’ouvrir au département des travaux publics un crédit qui lui permette d’ordonner l’adjudication des travaux aux digues de la partie non rendiguée de ce poldre,

Par la seconde, le conseil communal de Lillo demande que la somme nécessaire pour le barrage de la rupture de Lillo soit allouée au budget du département des travaux publics.

Il s’agirait ici d’une dépense qui est évaluée par les pétitionnaires à 700,000 fr., mais qui probablement dépasserait cette prévision de beaucoup.

La section centrale, vous propose, messieurs, de renvoyer les deux pétitions à M. le ministre des travaux publics.

M. Osy. - Je propose à la chambre que le renvoi aura lieu avec demande d’explications.

- La proposition de la section centrale et celle de M. Osy sont mises aux voix et adoptées.

En conséquence, les deux pétitions dont il s’agit, sont renvoyées à M. le ministre des travaux publics, avec demande d’explications.

Projet de loi qui accorde un crédit provisoire de quatre millions au département de la guerre

Rapport de la section centrale

Projet de loi qui autorise des transferts au budget du département de la guerre de l'exercice 1842

Rapport de la section centrale

M. Brabant. - Messieurs, la section centrale du budget de la chambre à laquelle vous avez renvoyé l’examen de deux projets de loi présentés les 8 et 20 décembre par M. le ministre de la guerre, le premier relatif à un transfert au budget de 1842, le second, relatif à un crédit provisoire de 4 millions à valoir sur le budget du département de la guerre pour l’exercice de 1843, vous propose l’adoption pure et simple des deux projets. Je prierai la chambre de vouloir bien fixer la discussion de ces deux objets immédiatement après la loi du contingent de l’armée qui est à l’ordre du jour.

- La proposition de M. Brabant est adoptée.

Ordre des travaux de la chambre

M. Cools. - Messieurs, il est un objet sur lequel on n’a pas pu statuer tout à l’heure, parce qu’il n’y avait pas de proposition, je veux parler de la question du prochain ajournement de la chambre. Je propose à la chambre de s’ajourner à partir de lundi prochain. Je n’ai, messieurs, aucun intérêt personnel dans la question. Car un travail spécial me retiendra probablement à Bruxelles la plus grande partie des vacances que la chambre se donnera ; mais il importe que les autres membres de la chambre qui ont des affaires à soigner en province, sachent à quoi s’en tenir ; c’est pour obtenir un résultat que je fais ma proposition. Je propose à la chambre de s’ajourner à partir de lundi.

M. de Mérode. - Il me semble que, puisqu’on parle du commencement, il faut aussi parler de la fin, je proposerai à la chambre de s’ajourner au 3 janvier prochain.

M. Lys. - Il y a des membres de la chambre qui sont à Bruxelles depuis l’ouverture de la session, tandis qu’il y en a d’autres qui ne sont arrivés que très tard après notre réunion. Il est convenable qu’on accorde aux premiers assez de temps pour qu’ils puissent aller soigner chez eux les affaires qu’ils ont à terminer. Je demande que la chambre s’ajourne au 10 janvier prochain.

M. de Mérode. - S’il y a quelques membres de la chambre qui ont à terminer des affaires qui exigent plus de temps, eh bien, ces membres ne seront pas nécessairement obligés de se trouver à la chambre au jour fixé pour la rentrée. Mais il est évident que nous avons une foule d’objets importants à traiter cette année, et il importe que la chambre s’ajourne le moins de temps possible.

M. d’Hoffschmidt. - Je viens appuyer la proposition qu’on a faite à la chambre, de s’ajourner au 10 janvier prochain. On considère en général les ajournements comme un temps perdu pour les travaux de la chambre ; moi, messieurs, je ne les considère pas de cette manière. Nous avons des questions fort difficiles à discuter après notre ajournement. Quand nous sommes réunis, nous n’avons pas toujours le temps nécessaire pour étudier les projets soumis à notre examen. Or, un ajournement d’une quinzaine de jours nous sera fort utile, pour prendre une connaissance suffisante de la loi des sucres, du traité, du budget des travaux publics et d’autres projets difficiles sur lesquels nous aurons prochainement à statuer.

- La chambre consultée, décide qu’à partir de lundi 26 décembre inclusivement, elle s’ajournera jusqu’à mardi 10 janvier 1843.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1843

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XVIII. Lettres, sciences et arts

Article 2

M. le président. - Nous sommes parvenus à l’art. 2 du chap. XVIII.

« Art. 2. Beaux-arts : fr. 193,000 »

La section centrale propose une majoration de 2,500 fr., ce qui porte le chiffre à 195,500 fr. M. le ministre a demandé que la majoration fût, non pas de 2,500 fr., comme la section centrale le propose, mais de 4,000 fr., ce qui porterait le chiffre total de l’art. 2 à 197,000 fr.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai demandé incidemment à la section centrale une augmentation de 4,000 francs. Vous en connaissez les motifs ; il s’agit d’attacher au conservatoire de Bruxelles un de nos artistes les plus célèbres, à qui l’on fait en ce moment à Paris des propositions très avantageuses.

La section centrale a accueilli la proposition, mais au lieu de 4 mille fr., elle n’alloue que 2,500 fr. Je pense qu’il ne faut pas faire la chose à demi. Il n’y a entre la section centrale et moi qu’une différence de 1,500 fr. Je pense que la chambre doit, ou écarter complètement ma proposition ou l’adopter tout entière. (Oui, oui.) Je sais que les propositions qu’on fait à cet artiste à Paris excèdent la somme de 4,000 fr. Il aurait 2,000 fr. du conservatoire de Paris, 2,000 fr. de la cour et un logement que j’évalue à 2,000 francs. On peut dire que les avantages qu’on lui offre valent 6,000 fr. Je pense que nous pouvons porter au budget la somme de 4,000 fr. ; chacun sentira les motifs patriotiques qui doivent nous engager à retenir cet artiste parmi nous.

M. Verhaegen. - J’appuie de tout mon cœur les observations faites par M. le ministre de l’intérieur en ce qui concerne de Beriot. Mais avant tout j’ai quelques observations générales à vous soumettre sur l’art. 2. Il est de fait, et nous pouvons le dire avec orgueil, que la Belgique tient un rang distingué parmi les nations sous le rapport des beaux-arts. L’encouragement est le premier élément des arts ; aussi M. le ministre de l’intérieur avait-il porté dans son projet de budget pour 1843 une augmentation de crédit de 25,000 francs à l’article beaux-arts. Je félicite M. le ministre de sou idée première, et j’aurais désiré que l’occasion m’eût été donnée de l’appuyer de mon vote. Malheureusement certaines influences ont amené un revirement d’opinion, et M. le ministre a eu la faiblesse, que je condamne hautement, de rayer de son budget l’augmentation de 25,000 francs qu’il y avait portée d’abord. Qu’il reste responsable de cette faiblesse vis-à-vis des artistes belges.

Il y avait plus d’une raison pour provoquer une augmentation de crédit en faveur des beaux-arts. On veut des économies, je le sais, mais on n’est pas d’accord sur quelles allocations on veut les opérer ; ainsi, nous-mêmes nous avons proposé certaines économies ; nous en proposerons encore d’autres ; et ces économies, j’en ai l’intime conviction, pourraient bien contrebalancer certaines augmentations indispensables. Quand il s’est agi du budget des affaires étrangères, par exemple, nous avions pensé qu’on pouvait diminuer de beaucoup le chiffre des légations ; en confiant à de simples chargés d’affaires certaines missions remplies par des ministres plénipotentiaires, on aurait pu économiser sur le budget des affaires étrangères plus qu’il n’était besoin pour faire face à l’augmentation de 23 mille fr. que M. le ministre avait proposé d’abord en faveur des beaux-arts et qu’il a timidement abandonnée. La Belgique se fera plus avantageusement connaître, dans certaines localités, par ses artistes que par bien de ses diplomates. En voulez-vous une preuve irréfutable ? Les belles toiles de nos compatriotes, Gallait et Debiefve, ont été exposées au musée de Berlin et ont excité l’admiration de toute l’Allemagne. Qu’on encourage les arts de manière à faciliter les expositions à Vienne, à St-Pétersbourg et dans les principales villes de l’Europe, et notre école sera appréciée partout comme elle mérite de l’être.

Et, messieurs, il en est de la musique comme de la peinture, Puisqu’on a prononcé le nom de Bériot dont la Belgique s’honore je pourrais vous rappeler encore cette phalange de musiciens belges qui vont apprendre dans les différentes contrées de l’Europe le rang conquis par la Belgique artistique ; puissions-nous les attacher définitivement au sol qui les a vu naître ; aucun sacrifice ne devrait nous arrêter pour les fixer parmi nous.

Il y a réellement quelque chose d’étrange, pour ne rien dire de plus, à venir faire des observations sur une demande de 4,000 fr. alors qu’il s’agit d’un artiste tel que de Bériot, lui qui disputait à Paganini la palme du violon. N’avons-nous pas vu naguère Liége ou plutôt la Belgique entière revendiquer les restes du célèbre Grétry ? Ce ne sera certes pas un bien grand sacrifice, pour conserver de Beriot tout entier, que d’ajouter 1,500 fr. aux 2,500 fr. proposés par la section centrale. Je n’en dirai pas davantage, car il y aurait inconvenance de parler d’une économie aussi mesquine, quand il s’agit d’un sujet si grand.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je présume que l’honorable membre n’aura pas été compris par nous. Je regrette qu’il se soit exprimé d’une manière aussi énigmatique. Il m’accuse d’avoir retiré du budget une proposition d’augmentation de 25 mille francs pour les beaux-arts. Voici de quoi il s’est agi : Depuis longtemps le gouvernement examine la question de savoir s’il ne doit pas dans la capitale accorder une subvention aux théâtres. Je m’explique clairement. Si d’une part notre situation financière s’était présentée d’une manière plus favorable, si d’autre part de grands avantages n’avaient pas été faits dans ces derniers temps à la capitale, il est très probable que cette proposition aurait été comprise au budget, elle vous aurait été franchement présentée et elle aurait été franchement discutée.

Si un jour cette proposition vous est faite, elle ne le sera pas d’une manière déguisée ; on y mettra la condition que le gouvernement obtienne, dans l’administration des théâtres de la capitale, une part d’action qu’il n’a pas aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, je ne veux rien préjuger sur cette question. Elle a été ajournée en premier lieu parce que notre situation financière l’exigeait ; en second lieu je le répète et j’ai le droit de le répéter, parce que de grands avantages ont été accordés récemment à la capitale. Il ne fallait pas s’exposer à entendre dire qu’on faisait trop pour la capitale. Il ne fallait pas s’exposer à ce reproche, dans l’intérêt même de la capitale. On peut nuire à la capitale par un excès de zèle mal entendu. C’est ainsi que j’entends l’intérêt de la capitale. Je crois que j’ai le droit de parler de l’intérêt que je porte à la capitale et de dire que j’ai beaucoup contribué à lui faire accorder certains avantages ; le budget en fait foi.

Il s’agit de conserver en Belgique un artiste célèbre ; cet artiste sera attaché à un établissement qu’on peut dire être un établissement de la capitale. C’est donc un avantage pour Bruxelles de voir attacher un nom aussi glorieux à un de ses établissements.

En second lieu, vous devez vous rappeler que l’année dernière on a doublé la subvention accordée pour le jardin d’horticulture de Bruxelles. Enfin, messieurs, la loi par laquelle la capitale a cédé à l’Etat certains bâtiments et collections, cette loi va recevoir son exécution, et un nouveau crédit devient nécessaire au budget pour l’entretien et l’administration de ces bâtiments et collections. J’ai proposé pour cela une allocation de 25,000 fr., celle-là je la maintiens. Ainsi je ne puis accepter les reproches que m’adresse l’honorable préopinant. Il n’est pas exact de dire qu’un chiffre a été retiré du budget. Il est vrai que j’ai examiné la question de savoir si le moment n’était pas venu de porter devant la chambre la proposition d’accorder une subvention aux théâtres de la capitale. Je vous ai dit pourquoi cette question a été ajournée et devait l’être. Je crois que cet ajournement est dans l’intérêt de la proposition elle-même.

M. Dedecker, rapporteur. - On rendra, j’espère, aux membres de la section centrale la justice de croire qu’eux aussi voient avec fierté cette phalange d’artistes qui vont répandre, dans toute l’Europe, la gloire du nom belge. De plus, ils aiment à constater que ce résultat a été en grande partie amené par les nombreux encouragements, qui, depuis 1830, ont été accordés aux beaux-arts, aux lettres et aux sciences. Relativement à l’artiste dont il est ici spécialement question, la section centrale apprécie autant que qui que ce soit son mérite ; elle sait que M. de Bériot est un des artistes les plus distingués de l’époque, un artiste qui marche sur les traces des grands maîtres, et qui a conservé les véritables traditions de l’art : elle a donc accueilli favorablement la proposition faite par le gouvernement de l’attacher au conservatoire de Bruxelles, parce que la présence M. de Bériot ne peut que rehausser l’éclat de cette institution et renforcer les études qui s’y font. Si la section centrale a quelque peu lésiné sur la position à faire à M. de Bériot, c’est qu’elle se trouvait sous l’impression des besoins impérieux du trésor. Cependant je crois exprimer sa pensée en déclarant que nous n’insistons pas pour l’adoption du chiffre de 2,500 francs. Nous croyons pouvoir nous rallier au chiffre de 4 mille francs proposé par le gouvernement, parce qu’en effet, il ne faut pas ainsi, à la face de l’Europe, marchander une des gloires du pays.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. Rogier. - La clôture sur l’augmentation de 4,000 fr., soit ; mais sans doute il n’est pas question de prononcer la clôture sur le reste de l’article. (Adhésion.)

M. Verhaegen (pour un fait personnel). - M. le ministre de l’intérieur vient encore une fois, d’après son habitude, caresser la majorité, en se mettant à côté du vrai ; après avoir énuméré les prétendus avantages accordés à la capitale il m’accuse d’être trop exigeant et il prétend qu’un zèle outré pour la ville de Bruxelles est de nature à lui faire du tort. Mais, messieurs, il ne s’agit pas de tout cela. J’en appelle au souvenir de M. le ministre. N’avait-il pas porté dans son projet de budget 25,000 fr. pour les théâtres en général ? Il voulait favoriser l’art dramatique en Belgique ; et il avait raison. Depuis il a changé d’avis et il a eu tort, il a changé d’avis par suite des observations qui lui ont été faites ; il a eu la faiblesse d’y céder. Plus tard il vous présentera, dit-il, la demande d’un crédit. Mais que réclamera-t-il en retour ? La censure théâtrale. Qu’on prenne note de cette nouvelle velléité.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je nie positivement qu’on ait retranché du budget définitivement arrêté…

M. Verhaegen. - Ah ! définitivement arrêté, sans doute !

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis à me demander jusqu’où va la responsabilité morale d’un ministre. Non seulement on examinera les projets de budget ; mais il faudra en quelque sorte rendre compte de tous les travaux préparatoires du budget. Je l’ai déclaré et je le reconnais encore, il a été question cette année, comme les années précédentes, de porter une somme au budget, non pas pour l’art dramatique en général, mais pour les théâtres de Bruxelles ; je veux être vrai. C’est une question que l’on portera un jour devant la chambre. Il ne s’agit pas d’obtenir en retour la censure théâtrale. Il existe une sorte de censure exercée par l’administration communale. Mais si le gouvernement intervient, par un subside, dans les frais des théâtres de Bruxelles, il aura certainement une part dans l’administration financière de ces établissements. Quant à la censure, la loi communale telle qu’elle existe me suffit.

Ainsi, je nie formellement que, dans le projet de budget, définitivement rédigé, on ait retranché un article. On m’a accusé de faiblesse. Je ne sais encore quel est le genre de soupçons que l’on veut élever contre moi.

- La clôture sur la majoration de 4,000 fr. est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - La parole est à M. Rogier, sur le reste l’article.

M. Rogier. - Je remarque sur le litt. A de cet article une diminution de 5,000 fr. sur laquelle j’ai des explications à demander à M. le ministre de l’intérieur.

Pendant les 3 années précédentes, une somme de 60,000 fr. pour encouragements, souscriptions et achats a été demandée et ordonnée. Cette année, on propose une réduction de 5,000 fr. Je demande à M. le ministre de l’intérieur les motifs de cette réduction. La section centrale ne se contenterait pas de cette réduction de 5,000 fr., dont je ne trouve nulle part les motifs ; elle annonce des dispositions à introduire de nouvelles réductions. Déjà elle avait témoigné le désir que des réductions eussent lieu sur l’article sciences et lettres, qui a été, dit-on, voté hier. Là, il y a une réduction de 6,000 fr., dont on n’a pas donné les motifs. Mais il n’y pas à revenir là-dessus. La section centrale annonce cependant, avec l’intention de nouvelles réductions, des travaux gigantesques indiqués par MM. les questeurs de la chambre. Il me serait, quant moi, difficile de concilier la possibilité de nouvelles réductions avec les travaux indiqués par MM. les questeurs.

Il y a encore une observation à faire sur le rapport de la section centrale. Je ne défends pas à M. le rapporteur de glorifier l’année 1843, comme une ère nouvelle pour l’administration des beaux-arts. Mais ce que je ne permets pas à la section centrale de dire, c’est que jusqu’ici les travaux des beaux-arts n’aient pas reçu une direction nationale, « que pour la première fois il est question de donner aux travaux de nos artistes une direction déterminée d’avance, une destination toute nationale. » Je ne pense pas que ce soit pour la première fois qu’il s’agit de donner aux travaux de nos artistes une telle direction. Je dois ici m’opposer à ce que les exercices antérieurs à celui de 1843 reçoivent un pareil reproche.

A partir du monument de la place des Martyrs qui remonte au 25 septembre 1830, tandis qu’on se battait encore au Parc ; je demande si ce monument n’a pas une destination déterminée et essentiellement nationale. Si je passe aux tableaux successivement commandés par le gouvernement, je trouve qu’ils ont un caractère national ; ce sont tous tableaux d’histoire, qui ont pour but de rappeler de grands souvenirs nationaux. C’est ainsi que pour en citer quelques-uns, je rappellerai le tableau de M. Wappers, ceux de MM. Gallait, de Keyzer, et de Biefve, le tableau de M. Decaisne, qui réunit à lui seul toutes les illustrations nationales, politiques, artistiques, littéraires et autres. Je crois donc qu’il y a injustice à reprocher aux travaux des artistes antérieurs à 1843 de n’avoir pas reçu une destination nationale.

J’ai cité la peinture, la sculpture. Pour la sculpture je puis aussi rappeler les subsides fournis pour l’érection de statues à Rubens et à Grétry. Ce sont bien là des gloires nationales ; c’est de la belle et bonne nationalité.

Quant à la nouvelle direction qu’il s’agirait d’imprimer aux travaux de nos artistes, je sais en quoi elle consiste ; je ne vois pas de traces de cette révolution administrative, annoncée par M. le rapporteur de la section centrale. (Dénégations de la part de M. Dedecker.)

Relisez votre rapport

M. Dedecker, rapporteur. - Tout cela n’y est pas.

M. Rogier. - Je vais le lire. Vous ne pouvez nier ce que vous avez écrit.

Je lis dans le rapport : « La section centrale a adopté le chiffre proposé avec d’autant moins de regrets, que, pour la première fois, il est question de donner aux travaux à commander à nos meilleurs artistes une direction déterminée d’avance, une destination toute nationale. »

Vous voyez bien que cela y est en propres termes. Or, je dis que les travaux commandés à nos meilleurs artistes ont reçu depuis longues années la direction et la destination dont vous parlez.

Je ne sais si, d’après le budget de 1843, les travaux commandés à nos meilleurs artistes auront une direction déterminée d’avance, une destination toute nationale. Le seul indice que j’en voie est la statue de Godefroid de Bouillon. Je reconnais que cela est très national. Mais qu’a fait la section centrale ? Elle supprime l’allocation. Et voilà Godefroid de Bouillon ajourné. (On rit.)

Y a-t-il rien là qui présage le nouveau système, annoncé par la section centrale ?

J’entendrai avec beaucoup de plaisir ce que dira M. le rapporteur. Quoi qu’il en soit, messieurs, je demanderai à M. le ministre de l’intérieur quels sont les motifs qui l’ont déterminé à demander une réduction de 5,000 fr. sur la division première de l’art. 2 : Encouragements, souscription, achats. Il y a joint le mot et concours, cette addition pourrait provoquer une augmentation de dépenses, mais elle ne justifie aucunement une réduction,

M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, vous concevez tous qu’après l’interprétation donnée par l’honorable M. Rogier, des intentions de la section centrale, il m’importe de la justifier complètement à vos yeux, et j’espère que cela ne sera pas difficile.

D’abord, messieurs, il est vrai qu’un membre de la section centrale avait proposé, tant sur l’article des lettres et des sciences que sur celui des beaux arts, une réduction de 25,000 frs. Ce membre avait fait cette proposition, parce qu’il prévoyait les frais nouveaux dans lesquels allait entraîner le gouvernement la prise de possession des collections de la ville de Bruxelles. Comme les nécessités du trésor sont comprises par tout le monde, ce membre avait cru agir dans l’intérêt de nos finances en faisant cette proposition. Mais vous avez pu voir qu’elle a été écartée par la section centrale, et il me semble que tout ce qu’elle dit pour justifier le rejet de cette proposition de réduction, est de nature à mettre ses intentions sous leur véritable jour.

Voici ce que la section centrale vous dit pour rejeter la réduction proposée par l’un de ses membres sur le chapitre des sciences et lettres :

« La section centrale n’ignore pas combien sont faibles les ressources que la Belgique présente aux littérateurs et aux savants. Si, depuis quelques années, les études scientifiques et littéraires ont pris un essor remarquable, cette impulsion est due, en grande partie, aux encouragements du gouvernement. Il serait fâcheux que, par des propositions improvisées d’économie, on s’exposât à perdre les fruits des efforts soutenus pendant plusieurs années. »

Ensuite, pour la section des beaux-arts, la section centrale dit :

« Même demande d’une réduction de 25,000 francs sur les beaux-arts, même décision que pour la réduction proposée sur les sciences et belles-lettres. En effet, adopter cette réduction, ce sciait paralyser complètement l’administration des beaux-arts et décourager nos artistes qui, dans le pays comme à l’étranger, continuent à illustrer le nom belge. »

Certes, messieurs, ces phrases ne sortent pas d’une plume hostile à nos artistes ou à nos littérateurs, d’une plume indifférente au progrès intellectuel du pays.

L’honorable M. Rogier, qui semble, dans cette question comme dans beaucoup d’autres, s’arroger le monopole du patriotisme et des vertus civiques, monopole que personne ne doit lui reconnaître, parce que tous nous avons des prétentions légitimes à nourrir les mêmes sentiments d’orgueil national, l’honorable M. Rogier s’est effarouché de voir dans le rapport de la section centrale que, pour la première fois il est question de donner aux travaux à commander a nos artistes une direction nationale, une destination déterminée d’avance.

Je vous demande, messieurs, s’il y a dans cette phrase quelque chose qui soit contraire à la vérité. M. le ministre de l’intérieur, comme vous pouvez le voir dans la correspondance avec la questure, se plaint lui-même que, jusqu’à présent, on ne sait que faire de plusieurs grands tableaux. En effet, messieurs, vous voyez les beaux tableaux de Keyzer et de Wappers exposés dans le vestibule du palais de la nation. Ce n’est certes pas là la place qu’il fallait leur donner ; elle est tout à fait indigne de pages si glorieuses pour nous.

Tous les membres qui ont lu le rapport de la section centrale, non pas toutefois à travers le verre grossissant de quelques préjugés que je ne veux pas examiner, doivent convenir que c’est pour la première fois que, d’après les projets du gouvernement, il est question de déterminer d’avance la place à donner aux tableaux que l’on commandera à nos artistes. Ces projets, vous avez pu le voir tous, messieurs, consistent à accorder des encouragements à nos artistes eu leur faisant faire des œuvres qui serviront à l’embellissement du palais de la nation ; palais déjà l’un des monuments les plus remarquables de la capitale, qui ne pourra que gagner à être embelli des chefs-d’œuvre de nos artistes, tant sculpteurs que peintres.

Voilà, je crois, messieurs, les intentions de la section centrale complètement justifiées.

Quant au rejet du crédit demandé par le gouvernement pour l’érection d’une statue équestre à Godefroid de Bouillon, le mot rejet n’est pas juste, ce n’est que l’ajournement qui vous est proposé. La section centrale elle-même vous dit qu’elle est loin d’être hostile au projet conçu par le gouvernement d’élever un monument à ce héros chrétien, l’une des figures historiques les plus imposantes du moyen âge. Mais elle se hâte de vous expliquer pourquoi elle ajourne la construction de ce monument : c’est que, en face des sommes énormes qui ont été dépensées par l’Etat pour le monument de la place des Martyrs, elle n’ose, sans devis préalable, voter une allocation dont il est impossible d’entrevoir le terme.

J’attends les observations que l’honorable M. Rogier nous a promises sur ce monument ; mais je crois qu’ici encore on peut dire que la section centrale a fait preuve de prudence. Elle ne s’est pas opposée positivement à l’allocation du chiffre ; cela est tellement vrai que si dans la séance M. le ministre peut nous faire à peu près le devis des frais qu’entraînera le monument à élever à Godefroid de Bouillon, je suis sûr qu’au nom de la section centrale il me sera permis de me rallier à la proposition de M. le ministre, tendant à ce qu’il soit alloué un premier septième de la dépense.

M. de Mérode. - Les arts et les lettres sont dans nos comptes traités peu largement. On répare quelques anciens édifices, je le sais, et j’en félicite le pays. Cependant on met dix, quinze ans pour une restauration de cette nature, tandis que les créations d’utilité matérielle, même superflue, se terminent au plus vite, à coups de millions prodigués sans mesure, sans ménagement.

Je ne viens pas, messieurs, demander pour les beaux-arts et les sciences un seul de ces millions. Je réclame simplement le maintien de la modique somme qui leur a été allouée au dernier. Je désire que l’on ne retranche pas du budget actuel sur leur faible part, 3,000 fr. destinés aux beaux-arts, et 15,000 fr sur les cinquante mille votés l’année dernière pour les statues des grands hommes. La moindre économie que peut faire si facilement M. le ministre des travaux publics, nous dédommagerait plusieurs fois des 25,000 francs dont il est à propos que le retranchement n’ait pas lieu sur les sciences et les beaux-arts.

L’on a conçu l’idée d’élever dans la capitale du Brabant, où naquit Godefroid de Bouillon, une statue équestre à ce personnage si grand dans l’histoire du pays et de l’Europe entière. Le rétablissement des 25,000 francs que je sollicite, contribuerait à diminuer les retards auxquels est exposée l’exécution de ce projet vraiment honorable pour le pays, dont les grandes villes ne présentent jusqu’ici sur leurs places principales aucune figure historique. La nationalité d’un peuple se lie cependant à de tels ornements commémoratifs ; et la Belgique offre, eu égard à l’étendue de son sol, plus de noms de premier ordre peut-être qu’aucune autre contrée. A Tournay doit être attribuée l’origine de Clovis, véritable fondateur de la monarchie des Francs. Mons peut présenter comme lui appartenant, Baudouin, comte de Flandre et de Hainaut, devenu empereur de Constantinople. Gand a vu naître Charles-Quint dont l’empire est placé dans tous les atlas d’histoire entre ceux de Charlemagne et de Napoléon. Herstal, près Liége, laissa son nom à l’un des fameux Pépin, et Bruxelles, chef-lieu du Brabant, posséderait à bon droit l’image d’un héros admirable, proclamé roi de Jérusalem par l’assentiment unanime des nations chrétiennes de son temps.

Pour décorer ainsi les places les plus marquantes des cités du royaume en dix ans, il ne faudrait point par année la millième partie du budget ; tandis que le but à atteindre est vraiment noble et relevé. Voyez, messieurs, ce que vaut pour l’amour-propre français, amour-propre qui forme le nœud national le plus fort, la colonne de la place Vendôme, le Musée de Versailles, les statues d’Henri IV et de Louis XIV, de Jeanne d’Are, de Turenne. Voyez ce que fait pour les grands hommes de l’Allemagne le roi de Bavière, tandis que de son vivant même, on a élevé en Angleterre une statue au duc de Wellington.

L’amour de la patrie qui ne peut se séparer des souvenirs dont elle s’honore, fait supporter patiemment à un peuple bien des souffrances sans qu’il perde foi en lui-même. Entretenir une nation de vie matérielle exclusive, c’est au contraire la réduire à l’état de circonscription administrative territoriale dans laquelle se meuvent des intérêts privés ; rien de plus. Un Etat semblable ne serait qu’humiliant. L’intelligence et le cœur humain ne peuvent s’en contenter.

Vous partagerez aussi, sur ce point, messieurs, le sentiment qui m’anime, et la preuve que je ne viens point l’exprimer ici seulement par des paroles, c’est que je m’engage à fournir personnellement trois mille francs pour la statue du Brabançon Godefroid. Jai fait hommage au monument de la place Saint-Michel de ce que la munificence du congrès m’accorda en 1831. Je verrai avec satisfaction ce monument rendu complet par les bas-reliefs qui lui manquent encore, et le rendront plus expressif ; toutefois, l’emblème qui ne s’applique point à un nom propre, produit, on le sait, moins d’impression sur l’esprit public que la représentation d’une célèbre individualité. C’est pourquoi les Suisses personnifièrent leur affranchissement dans Guillaume Tell, qu’on voit chez eux partout. Associons donc devant les yeux du peuple et des étrangers nos hommes illustres à notre indépendance. Pour la fixer sur une base profonde, il faut que notre présent s’unisse au passé, et y trouve un glorieux appui.

Nous donnerons ainsi à nos artistes l’occasion d’exercer leur ciseau d’une manière haute et large, qui leur manquerait autrement, et cela sans recourir à de folles dépenses ; car je ne demande autre chose, sinon que les lettres, les sciences et les arts ne subissent point dans le budget actuel, comparé au précédent budget, une réduction de 25,000 fr. J’ai entendu, je dois le dire, proférer des plaintes sur le prix qu’a déjà coûté le monument de la place St-Michel. J’ignore, messieurs, si ces dépenses n’ont point été convenablement réglées par le gouvernement, mais à l’égard d’autres monuments à élever encore, des arrangements positifs seraient pris avec les sculpteurs. Un maximum fixé d’avance déterminerait tous les frais, posage compris. D’après les informations que j’ai reçues comme certaines, le maximum pour la statue de Godefroid n’excéderait pas cent mille francs.

Messieurs, je tiens à ce qu’on ne m’accuse point de pousser aux magnificences mal entendues ; car je réclame constamment d’importantes économies sur les objets qui en sont susceptibles, et je ne demande jamais que de très faibles sommes employées pour l’honneur du pays. C’est ainsi que j’ai précédemment défendu les allocations nécessaires à l’Observatoire, parce que cet établissement scientifique mérite tout notre intérêt, et fait valoir la Belgique dans le monde savant.

Malheureusement une parcimonie de 3,000 fr, empêche encore l’impression des documents recueillis par le directeur de notre observatoire, avec un zèle qui mériterait plus d’encouragement. Je ne sollicite en quelque sorte que des aumônes pour ce qui est beau, laissant à l’utile et aux superfluités même, qu’on paie bien cher en son nom, l’absorption générale du budget.

Je regrette donc que M. le ministre réduise cette année pour les statues à ériger aux grands hommes la somme accordée l’année dernière Il ne demande qu’un septième de la dépense pour la statue de Godefroid de Bouillon, de sorte qu’il faudra sept ans pour que ce monument soit achevé. Ainsi, pour en élever quatre, il nous faudra trente ans ; nous pourrions être presque tous morts avant de les voir sur pied. (On rit.)

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, les réductions signalées dans les développements du budget ne sont qu’apparentes. L’article premier de ce chapitre est déjà voté ; cependant il me sera permis de donner un mot d’explication, et je dirai de justification personnelle.

Les frais pour la carte géologique ont toujours été pris jusqu’à présent sur le chiffre de 50,000 fr. ; j’ai pensé, messieurs, qu’il valait mieux en faire une mention particulière ; c’est ce qui m’a engagé à reporter du chiffre de 50 mille francs une somme de 6 mille francs pour l’exécution et la publication de la carte géologique. Ainsi au fond, il n’y a pas de réduction ; il y a un simple transfert ou, si l’on veut, un libellé plus exact.

Je passe au deuxième article, celui que nous discutons : beaux-arts. Le chiffre de cet article figurait autrefois dans les développements du budget pour 60 mille francs, et ne figure plus maintenant que pour 55 mille. Il y a donc en apparence une réduction de 5 mille francs.

Mais mes honorables prédécesseurs qui ont eu les beaux-arts dans leurs attributions, se rappelleront que l’on imputait sur ce chiffre de 60 mille fr. des sommes qui aujourd’hui figurent séparément au budget. C’est ainsi que lorsque l’un de mes prédécesseurs a alloué à l’académie des beaux-arts d’Anvers une somme de 6 mille francs, comme premier cinquième d’un subside extraordinaire de 30,000 fr. pour l’agrandissement des locaux, cette somme de 6 mille francs a été prise sur celle de 60 mille, L’année dernière, au contraire, j’ai obtenu de la chambre que la somme figurât séparément.

C’est ainsi que la pension instituée en faveur des lauréats par l’arrêté du 13 avril 1817, 5,000 fr., a été prise, pendant quelque temps, sur le total de 60,000 fr. Ce n’est pas tout ; il y a même des années où la somme considérable de 12,500 fr., payable pendant six ans, pour le monument du chanoine Triest, a été prise sur les 60,000 fr. Voilà trois sommes qui figurent aujourd’hui séparément, au grand avantage de la dotation générale des beaux-arts. Il n’y a donc pas de réduction à proprement parler ; on pourrait plutôt dire qu’il y a augmentation, par suite des votes précédents de la chambre, votes qu’il s’agit de maintenir aujourd’hui.

Il y a un autre fait, messieurs, qui prouve qu’au fond il n’y a pas une réduction de 5,000 fr. Je propose de porter au budget une somme de 25,000 fr. pour l’administration et l’entretien des bâtiments et des collections cédées à l’Etat en vertu de la loi du 4 décembre 1842. La ville de Bruxelles portait à son budget environ 20,000 fr. pour ces bâtiments et ces collections ; je propose d’ajouter 5,000 fr. C’est encore une espèce de transfert, parce que l’Etat, bien que les collections ne lui appartinssent pas, contribuait néanmoins, chaque année, à leur entretien et à leur augmentation ; l’Etat le faisait spontanément.

Je puis donc dire qu’en général, si l’on a égard à tous ces faits. il n’y a pas réduction dans la dotation.

L’honorable comte de Mérode aurait voulu que la somme de 50,000 fr. allouée pour l’érection de statues aux grands hommes fût intégralement reportée au budget de l’exercice prochain.

La chambre, il est vrai, avait alloué l’année dernière 50,000 fr. De ces 50,000 francs, 8,000 environ sont encore disponibles, bien qu’il y ait déjà des engagements provisoires contractés.

Le véritable changement que je propose, c’est de diviser cet article en trois. La première division s’appliquerait au monument du chanoine Triest, 12,500 fr. ; c’est le dernier sixième qui reste à payer. La deuxième division s’appliquerait à l’érection de la statue équestre de Godefroid de Bouillon, 12,500 fr.

D’après les calculs que l’on m’a soumis, la statue coûtera environ 85,000 fr. La somme de 12,500 fr. que je propose comme septième suppose une dépense de 87,500 fr. Reste encore 20,000 fr. pour le piédestal, de sorte que l’ensemble du monument coûterait environ 100,000 fr. Voilà les calculs que l’on m’a soumis.

Mais, dit l’honorable comte de Mérode, nous mettrons donc sept ans à faire cette statue ! Non, messieurs ; rien n’empêche que l’année prochaine on ne vote en même temps les 2°, 3° et même 4° septièmes. Ce qui suffit aujourd’hui, c’est de consacrer le principe, et d’autoriser par là le gouvernement à faire les arrangements nécessaires pour l’érection du monument. Mais la demande du septième suffit pour cette année à l’artiste.

Remarquez d’ailleurs, messieurs, que l’année prochaine vous avez une somme de 12,500 fr. disponible ; le monument du chanoine Triest se trouvera entièrement payé, de sorte que sans augmenter le budget, vous pourrez allouer 2/7 pour la statue de Godefroid de Bouillon ; vous pourrez peut-être même aller jusqu’à 3/7. C’est donc une erreur de croire qu’il faudra sept ans pour achever ce monument.

Quant aux 10,000 fr. demandés pour subsides aux villes et communes, j’ai dit tout à l’heure qu’il reste encore 8,000 fr. disponibles sur le crédit alloué l’année dernière pour cet objet ; d’après des arrangements qui sont sur le point d’être conclus, il est probable que ces 8,000 fr. seront accordés à la ville de Mons, qui se propose d’élever un monument à Roland Lassus.

Un autre chiffre sur lequel je dois insister, c’est celui de l’art. 3 nouveau, qui a été écarté par la section centrale ; il s’agit de l’administration et de l’entretien des collections qui ont été cédées par la ville de Bruxelles ; le chiffre est de 25,000 francs. J’ai eu l’honneur de remettre à la section centrale des extraits du budget de la ville de Bruxelles, qui prouvent que cette ville allouait 19,500 fr. pour les musées qu’elle nous cède ; j’ai ajouté à cette somme 5,000 fr., parce que certaines réparations sont à faire et que le gouvernement se propose d’améliorer autant que possible ces musées ; il continuera aussi à les faire participer aux autres faveurs qu’il accorde.

Je dois dire à la chambre que mon opinion n’est pas encore arrêtée sur l’organisation définitive à donner aux musées de Bruxelles et notamment à la bibliothèque ; c’est là une question qui reste en suspens, mais l’essentiel est que le gouvernement reçoive les sommes nécessaires pour le personnel et l’entretien des musées qui lui sont cédés. Vouloir que ces sommes soient prises sur les allocations ordinaires du budget, c’est vouloir au fond une réduction de 25,000 fr., réduction que je regarde comme tout à fait impossible, et si vous admettez, messieurs, avec les honorables MM. Rogier et de Mérode (ce que je ne regarde pas comme bien exact), si vous admettez qu’il y a déjà une réduction de 11,000 fr., vous arriveriez ainsi à une réduction de 36,000 fr. sur le budget des lettres et des beaux-arts. La réduction de 25,000 fr. serait bien réelle, mais celle de 11,000 fr. n’est qu’apparente...

Un membre. - Plus qu’apparente.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’en appelle, à cet égard, au budget des années précédentes : les frais de la carte géologique se prenaient sur le crédit ordinaire de 50,000 francs, et différentes dépenses qui figurent aujourd’hui sous des articles spéciaux, s’imputaient sur les 60,000 francs des beaux-arts.

Quoi qu’il en soit, messieurs, j’insiste pour que la chambre m’alloue les 25,000 fr. pour les musées de Bruxelles et pour que le chiffre de l’art. 4 soit voté tel qu’il est maintenant libellé. Toutefois si la chambre voulait rétablir le chiffre de 60,000 fr., je ne m’y opposerais pas.

M. de Theux. - Je suis d’accord, messieurs, avec l’honorable M. Rogier, quant aux observations qu’il a faites sur le passage du rapport de la section centrale qui concerne le chapitre des beaux-arts, mais j’étais bien déterminé à laisser passer les remarques de la section centrale sans y attacher aucune espèce d’importance, ainsi que je l’ai fait dans d’autres occasions, parce que, lorsqu’il s’agit de faits publics et notoires, je ne pense pas qu’il faille faire beaucoup attention à une phrase isolée qui peut ressembler à une critique des administrations précédentes ou à une louange de l’administration actuelle. Toutefois, je ne fais aucun reproche, à cet égard, à l’honorable M. Rogier ; je le remercie, au contraire, de m’avoir fourni l’occasion de joindre mes observations aux siennes. En ce qui concerne la direction nationale à imprimer aux beaux-arts, l’honorable membre a fort bien démontré que cette direction leur a toujours été donnée. Quant à l’absence de destination des objets commandés aux artistes, il est également facile de répondre aux observations qui ont été faites sous ce rapport ; s’agit-il d’objets de sculpture ? La destination des objets de ce genre a toujours été indiquée d’avance. S’agit-il de tableaux ? Il me semble que la destination toute naturelle en est le Musée national. Il est vrai qu’il a été commandé quelques tableaux de très grande dimension que l’on a été embarrassé de placer immédiatement, mais il a toujours été dans la pensée du gouvernement d’avoir un local suffisant pour le Musée national, et si une proposition n’a pas été faite sous ce rapport à la chambre, c’est que depuis longues années le gouvernement était en négociation avec la ville de Bruxelles relativement à l’acquisition des bâtiments qui doivent à l’avenir renfermer tous les tableaux de l’Etat. Ce n’était pas là un motif, toutefois, pour suspendre les commandes de tableaux, tels que l’épisode de la révolution de 1830, par exemple, et quelques autres tableaux de grande dimension. C’étaient là des sujets éminemment nationaux que les peintres avaient indiqués ou acceptés avec empressement et dont le gouvernement a bien fait d’ordonner le plus tôt possible l’exécution.

Je ne pense pas, messieurs, que la direction serait plus nationale parce que les tableaux devraient être placés au palais de la nation Il peut être fort agréable aux membres de la chambre de jouir plus souvent de la vue de ces tableaux, mais la direction nationale consiste principalement dans le choix de sujets nationaux, et, quant à l’emplacement, je crois qu’il n’en est pas de plus national que le Musée de l’Etat ; c’est là le local qui convient le plus naturellement pour y réunir les grands tableaux commandés par le gouvernement. Du reste, je ne m’oppose pas à ce que le Palais de la nation reçoive aussi quelques embellissements ; mais, je le répète, l’emplacement le plus naturel pour les tableaux appartenant à l’Etat, c’est le Musée national.

M. Osy. - J’approuve, messieurs, ce qui a été dit par l’honorable M. de Mérode sur la convenance d’élever des statues aux grands hommes, mais je crois que le moment est très mal choisi ; d’abord, parce qu’il existe un déficit dans nos finances, ensuite parce qu’avant de songer aux grands hommes de la Belgique, il faudrait bien s’occuper des malheureux de la Belgique. Vous avez encore, messieurs, dans un coin de ce pays, 500 malheureux qui habitent des cabanes de chaume et de bois et qui depuis 12 ans attendent la réparation des maux que la révolution leur fait souffrir, qui demandent depuis 12 ans l’endiguement des terres que les inondations leur ont enlevées. Eh bien, messieurs, lorsque nous ne pouvons rien obtenir pour ces malheureux, est-ce bien le moment d’élever des statues aux grands hommes ? Lorsque vous aurez réparé tous les malheurs de la révolution, j’appuierai aussi des crédits de la nature de celui dont il s’agit, mais aujourd’hui, je m’opposerai à toute nouvelle dépense.

On nous demande, par exemple, 12,500 francs pour la statue de Godefroid de Bouillon, et cette première dépense doit en entraîner une de 100,000 francs ; eh bien, messieurs, appliquez ces 100,000 francs à l’endiguement de 500 hectares de poldres et vous rendrez le bonheur à 500 infortunés qui depuis 12 ans gémissent dans la misère, parce que leurs terres sont inondées.

M. Rogier. - La transition entre le discours de l’honorable préopinant et ce que je me propose de dire, est assez difficile. Nous nous occupons d’un objet très intéressant pour le pays, des beaux-arts ; et d’ordinaire cette discussion sort du caractère de nos autres débats ; la chambre, en quelque sorte, prend ce jour-là un air de sérénité, elle sort de la discussion des intérêts matériels, et je vous avoue, messieurs, que je ne vois pas grand mal à ce qu’elle en sorte quelquefois ; aussi je ne comprends pas trop l’empressement que l’on témoigne à vouloir clore les débats qui nous occupent en ce moment. Que nous consacrions tous les ans une séance à ce qui fait la gloire du pays, aux artistes, aux littérateurs, aux savants, je crois que l’on ne nous accusera pas de perdre notre temps.

Sans prétendre au monopole de l’humanité pas plus qu’au monopole du patriotisme, je dirai que je m’associe aux sympathies de l’honorable préopinant pour les malheureux dont il a parlé, mais je lui rappellerai que déjà la chambre s’est occupée et avec efficacité du sort des victimes de la révolution. La session dernière a été remarquable en travaux législatifs sous ce rapport. S’il reste encore quelque chose à faire, je ne doute pas que la chambre, fidèle à ses antécédents, n’achève sou ouvrage ; mais il faut qu’une semblable proposition arrive en temps opportun et ne vienne pas en quelque sorte assombrir, je dirai presque rétrécir, des débats auxquels tous les hommes véritablement animés d’un esprit national doivent leurs sympathies.

D’ailleurs, messieurs, il ne s’agit pas ici de grever l’Etat d’une dépense considérable. Pour ma part, je l’ai déjà déclaré dans cette enceinte, je ne m’associerai à aucune dépense nouvelle de quelque importance avant que nous ayons procuré de nouvelles ressources au trésor ; mais il ne s’agit ici que de maintenir l’allocation votée l’année dernière pour les beaux-arts. M. le ministre vient de dire qu’il n’y a pas de réduction ; eh bien, il est dans l’erreur, le budget de 1843, comparé à celui de 1842, présente une réduction non pas de 5,000 fr., mais de 42,000 fr. Ces 42,000 fr., messieurs, se divisent de la manière suivante :

Il y a d’abord 20 mille francs de moins à l’article de l’exposition des beaux-arts ; toutefois, comme il n’y a pas d’exposition cette année, M. le ministre a lieu fait de supprimer ce chiffre, mais je ne puis pas en dire autant des 22 mille francs qui forment le reste de la réduction. Ces 22 mille francs comprennent d’abord 5 mille francs retranchés du littera A : encouragements, souscriptions, achats ; il y a ensuite 2 mille fr. en moins pour le monument de la place des Martyrs, et enfin 15 mille francs déduits sur le crédit destiné aux statues des grands hommes. Ainsi, messieurs, indépendamment des 20 mille francs de l’exposition, le budget de 1843 présente bien réellement, sur celui de 1842, une réduction de 22 mille francs. J’ai demandé les motifs de cette réduction et on ne me les a pas donnés, ou au moins ceux que l’on m’a donnés manquent d’exactitude.

On nous a dit qu’on imputait sur le litt. A certaines dépenses qui aujourd’hui se paient sur des allocations spéciales. Eh bien, cette observation ne s’applique pas au budget de 1842. En effet, le subside extraordinaire pour l’académie royale d’Anvers figurait au budget de 1842 sous un article spécial ; il en est de même des pensions accordées aux lauréats qu’on a citées également comme s’imputant sur le litt. A et qui cependant étaient également portées au budget de 1842 sous un article spécial. En un mot, toutes les allocations qui ont été signalées par M. le ministre de l’intérieur comme se prélevant sur le litt. A en ont déjà été détachées au budget de 1842, où elles forment des articles spéciaux. Ainsi, M. le ministre de l’intérieur ne m’a pas répondu, et je lui demande encore de nous donner les motifs de la réduction de 22,000 francs sur le budget des beaux-arts.

La section centrale aurait dû faire cette observation, d’autant plus qu’elle s’est associée par ses vœux aux travaux demandés par MM. les questeurs de la chambre. Eh bien, messieurs, vous allez voir tout ce que les beaux-arts ont d’entraînant, non pas seulement pour les ministres, mais pour tous ceux qui sont appelés à s’en occuper au point de vue administratif.

L’on a demandé à MM. les questeurs quels sont les travaux qu’on pourrait commander pour la chambre. Les questeurs en indiquent sur-le-champ pour une somme de 4 à 500,000 francs. Que ceci soit dit en passant pour la justification des ministres passes, présents et futurs. On leur a quelquefois reproché de consacrer trop facilement des sommes à l’encouragement des beaux-arts. Eh bien, vous voyez que quand MM. les questeurs qui sont en quelque sorte les ministres de la chambre, sont appelés à s’occuper des beaux-arts, ils n’y vont pas non plus avec une réserve extrême. Ainsi, d’après les indications qui out été données par MM. les questeurs (je ne sais si le bureau de la chambre a été consulté), je trouve des travaux pour 400,000 fr. au moins, et je ne les évalue certes pas d’une manière généreuse. MM. les questeurs demandent d’abord pour les panneaux qui avoisinent le bureau, deux grands tableaux historiques. Je ne décide pas si cela ferait un bon effet, mais ces deux tableaux vous coûteraient au moins 30,000 fr. Pour le cabinet du président et la salle des conférences, on demande six tableaux historiques de moyenne grandeur ; j’évalue le prix de chacun de ces tableaux à 10,000 fr., il y aurait donc de ce chef une dépense de 60,000 fr.

Il faudrait ensuite dans d’autres salles 4 grands portraits historiques : ce qui, à raison de 4,000 fr. par portrait, ferait 16,000 fr. L’on signale aussi le second étage comme pouvant recevoir de grands tableaux. J’avoue qu’ici ou va peut-être trop loin ; je ne crois pas que ce soit là la place de tableaux ; mais enfin MM. les questeurs, dans leur empressement d’embellir le palais national, indiquent aussi le deuxième étage comme pouvant recevoir des tableaux. On parle encore de deux lions qu’on placerait au bas de l’escalier. Ces deux lions coûteraient au moins 15 mille francs. On ajoute 8 bustes ; ces bustes, à 5 mille francs pièce, donneraient lieu à une dépense de 24 mille francs.

On demande aussi une galerie de statues à la façade principale ; je ne sais combien on en voudrait là ; mais en supposant qu’il y en eût 9, cela ferait, à raison de 10,000 fr. chaque, une nouvelle somme de 90,000 fr. Enfin, pour couronner cette œuvre artistique, on érigerait une statue équestre sur la place du Palais de la Nation, et, d’après le devis estimatif qu’on a donné tout à l’heure, le prix de cette statue reviendrait à 100,000 fr. En récapitulant toutes ces dépenses, et en ne comptant que 75,000 fr, pour les tableaux destinés au deuxième étage, j’arrive à une évaluation très modérée de 400,000 fr. au moins pour les travaux artistiques que MM. les questeurs demandent pour le palais de la nation.

Or, le palais de la Nation est sans doute très national (on rit) ; mais je crois qu’il y aurait encore d’autres destinations nationales à donner aux travaux de nos artistes. Quant à moi, je m’opposerai fortement à ce que l’on concentre tous les travaux de nos artistes dans le palais de la Nation. Je crois que leurs tableaux doivent être accessibles à la nation tout entière. Or, comme l’a dit l’honorable M. de Theux, le Musée national seul est accessible à toute la nation. Non pas que je veuille qu’on réunisse dans un seul salon tous les grands tableaux de nos artistes ; je crois, au contraire, qu’au point de vue de l’art et au point de vue politique, il est utile que les travaux de nos artistes soient répartis avec goût et discernement entre tous les monuments de la capitale, et même entre toutes les localités importantes du pays.

Ainsi, messieurs, en évaluant à 400,000 francs au moins les travaux demandés pour le palais de la Nation, et en admettant qu’on traitera le restant du pays d’une manière aussi généreuse, il y aurait en perspective des travaux pour 800,000 francs. Je ne pense pas qu’il soit question de commander immédiatement des travaux aussi considérables ; je serais le premier à m’y opposer ; mais je dis qu’en présence de ces travaux éventuels, il ne convient pas de réduire le budget des beaux-arts. Je ne demande pas que ce budget soit augmenté, je demande seulement que le chiffre que la chambre a voté l’année dernière soit maintenu. Si cependant M. le ministre de l’intérieur croit pouvoir faire face à tous les besoins malgré la réduction qu’il demande, c’est son affaire, je ne veux certes pas lui forcer la main ; mais voici l’inconvénient qu’il y a à éviter :

On s’est déjà plaint des crédits supplémentaires ; l’on a reproché à l’administration de venir souvent demander des crédits supplémentaires. Eh bien, un moyen certain d’être forcé de réclamer des crédits supplémentaires, c’est de proposer trop peu au budget, L’année dernière, M. le ministre de l’intérieur est venu demander des crédits supplémentaires au moyen desquels il a pu liquider tout l’arriéré : pour le passé, il n’y a donc plus rien à craindre ; mais si le ministre demande trop peu aujourd’hui, il est à craindre que dans un an ou deux ans, on ne soit obligé de demander encore des crédits supplémentaires. Sous ce rapport encore je m’opposerai à la réduction.

Je ne répondrai que quelques mots à l’honorable rapporteur de la section centrale. Je ferai observer que, dans cette circonstance, je n’ai pas attaqué, mais qu’encore une fois je me suis défendu

M. Dedecker, rapporteur. - Il n’est pas le moins du monde entré dans les intentions de la section centrale de vous attaquer.

M. Rogier. - M. le rapporteur de la section centrale me répond encore aujourd’hui comme il m’a déjà répondu plusieurs fois ; il attaque, et puis il dit qu’il n’a pas eu l’intention d’attaquer. En tout cas, je ne me suis pas trompé cette fois. Je n’ai pas grossi les objets, j’ai vu dans le rapport ce que l’honorable M. de Theux y a vu comme moi.

M. Dedecker, rapporteur. - Je proteste encore une fois que la section centrale n’a pas eu l’intention de vous attaquer.

M. Rogier. - J’engagerai alors le rapporteur de la section centrale à exprimer à l’avenir ses intentions d’une manière plus claire et qui ne trompe personne.

Je serai cependant forcé de revenir sur l’article relatif au monument de la place des Martyrs. J’ai encore vu là l’intention d’attaquer les administrations précédentes ; peut-être encore une fois l’intention d’attaquer n’existe pas, mais l’attaque existe. C’est très malheureux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il y a quatre changements au budget du département de l’intérieur, en ce qui concerne les beaux-arts. Ces quatre changements, quand on ne s’attache qu’aux apparences, présentent une diminution de 42,000 fr. Voici ces changements :

D’abord, une somme de 20,000 fr. allouée précédemment au gouvernement pour l’exposition des beaux-arts, a disparu ; mais c’était là une dépense extraordinaire qui ne devait figurer qu’au budget de 1842.

En second lieu, on demande pont le monument de la place des Martyrs 10,000 fr. au lieu de 12,000 fr., différence en moins de 2,000 fr. C’est encore là une allocation spéciale, extraordinaire, et l’on ne peut pas dire que de la part du ministre il y ait une espèce de désistement des allocations acquises au budget.

En troisième lieu, la chambre a alloué, l’année dernière, au gouvernement, un subside extraordinaire de 50,000 fr., pour l’érection de statues en l’honneur des hommes illustres du pays.

Aujourd’hui le gouvernement demande, de ce chef 35,000 fr. au lieu de 50,000 fr. ; différence en moins, de 15,000 fr. Y a-t-il là de la part du ministre désistement d’une somme de 15,000 fr. acquise au budget comme allocation ordinaire ? Je ne le pense pas ; la chambre, en votant l’année dernière 50,000 fr. pour cet objet, n’a entendu voter qu’un subside extraordinaire. Ceci est tellement vrai qu’il a été entendu qu’on imputerait, et l’honorable M. Rogier lui-même a appuyé cette opinion à mon grand regret, qu’on imputerait, dis-je, rétroactivement 20,000 francs, savoir : 10,000 francs pour la statue de Rubens déjà érigée alors à Anvers, et 10,000 francs pour la statue de Grétry qui était aussi déjà élevée à Liége. Donc au fond l’on n’a voté l’année dernière que 30,000 francs.

Et en demandant cette année 35,000 fr., on pourrait dire que je demande 5 mille francs de plus que le crédit ordinaire, qui était de 30,000 fr.

Une voix. - C’est vrai !

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je sais que l’honorable M. Rogier ne veut nullement me faire une fausse position. Je veux seulement que nous nous expliquions. Car je ne veux pas me trouver dans une fausse position vis-à-vis des artistes, je ne veux pas avoir le nom de consentir facilement à des réductions au budget en ce qui concerne les beaux-arts. Je le répète, le troisième changement porte sur l’allocation pour les statues des grands hommes. Il avait été entendu que sur les 50 mille fr. alloués, je prendrais 20 mille francs pour les statues de Grétry et de Rubens, déjà commandées. An fond, c’était donc 30 mille francs qu’on m’allouait pour l’année.

Le quatrième changement consiste dans une réduction apparente de 5,000 fr. sur la première allocation. Au lieu de 60,000 fr. j’en porte 55,000. J’ai déjà dit que je demandais, pour l’entretien et l’administration des bâtiments et collections cédés à l’Etat par la capitale, 25,000 fr. au lieu de 20,000 que la ville de Bruxelles portait à son budget, parce que désormais certaines sommes qui se prenaient sur cette allocation de 60,000 fr. se prendront sur le chiffre de 25,000 fr, de sorte qu’en prenant les choses à la rigueur on pourrait soutenir qu’il y a au budget une réduction de 5,000 fr. J’écarte les 20,000 fr. alloués pour l’exposition des beaux-arts, j’écarte les 2,000 fr. qui ne sont plus nécessaires pour la place des Martyrs, j’écarte les 15,000 fr., je pourrais dire les 20,000 fr. extraordinairement votés en 1842 pour les statues de Rubens et de Grétry.

Il reste une différence de 5,000 francs, qui est plus que compensée par la somme de 25,000 francs que je demande pour les musées et collections cédés à l’Etat par la ville de Bruxelles. Maintenant, comme je veux que certains détails ne soient pas ignorés de la chambre, je vais encore lui faire connaître un autre fait qui m’a donné quelque facilité pour le budget de cette année. Il y a deux académies dans le pays qui recevaient autrefois du gouvernement l’une un subside de 9,000 francs, l’autre un subside de 4,000 francs. Ces subsides étaient données à certaines conditions, entre autres, de soumettre le choix des professeurs à l’agréation du gouvernement. Les conseils communaux de ces deux villes ont prétendu que depuis la promulgation de la loi communale, cette partie des arrêtés organiques était venue à tomber. De là contestation entre ces conseils communaux et le gouvernement. En attendant que la contestation cesse, les subsides sont suspendus.

M. de Theux. - Il y a des conseils communaux qui ont continué à soumettre les nominations à l’agréation du gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y a deux académies dont on a suspendu les subsides, ce sont les académies de Bruxelles et de Gand L’académie de Gand recevait 4 mille francs du gouvernement et celle de Bruxelles recevait 4 mille florins. Je crois que l’Etat ne devait pas abandonner son droit d’intervention quand il accorde des subsides. Ceci se rattache à une question qui se présente, non seulement pour les académies, mais pour différents établissements d’instruction moyenne.

Les conseils communaux ont prétendu que l’art. 86 de la loi communale devait recevoir une stricte exécution, que tout établissement communal, même subsidié par l’Etat, était dans les attributions exclusives du conseil communal. On a prétendu que les anciens arrêtés d’après lesquels les nominations des professeurs étaient soumises à l’agréation du gouvernement, étaient venus à tomber. C’est ce qu’ont prétendu les conseils communaux de Gand et de Bruxelles ; les conseils communaux de Liége et d’Anvers n’ont pas élevé la même prétention. De mon côté je dois dire que je continue à défendre l’opinion que le gouvernement a le droit d’exiger que les nominations dans les établissements qu’il subsidie, soient soumises à son agréation. L’art. 86 de la loi communale ne s’applique qu’aux établissements communaux proprement dits, mais non aux établissements qui ont un caractère mixte par suite du subside qu’ils reçoivent de l’Etat.

Le gouvernement peut attacher au subside qu’il accorde la condition que les nominations de professeurs seront soumises à son agréation. Il faut que le gouvernement soutienne cette opinion, parce que cette question ne s’applique pas seulement aux établissements des beaux-arts, mais à d’autres établissements. Il y a un collège, l’athénée de Namur, où le gouvernement fait les deux tiers des frais.

Est-ce là un établissement, à proprement parler, communal ? n’est-ce pas plutôt un établissement du gouvernement auquel la ville accorde un subside ?

Je me suis écarté un moment de la question ; j’en demande pardon à la chambre ; mais j’y reviens. Je répète que je ne crois pas avoir fait, à l’allocation des beaux-arts, les réductions qu’on vous a signalées. Il y a tout au plus une réduction de cinq mille fr., et cette réduction est plus que compensée.

Je désire que le gouvernement puisse s’entendre avec les conseils communaux dont j’ai parlé ; s’il ne le pouvait pas, ce serait une somme de treize mille francs qui resterait à la disposition du ministre de l’intérieur.

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, l’honorable M. Rogier a cru découvrir dans un paragraphe de la section centrale la prétention de donner aux commandes d’objets d’art une destination plus nationale que par le passé, il a cru voir dans cette phrase une condamnation des administrations précédentes.

Telle n’a pas été l’intention de la section centrale, son honorable rapporteur vient d’ailleurs de s’en expliquer suffisamment. La section centrale a voulu exprimer cette pensée, qu’elle adoptait avec d’autant plus de plaisir les 25,000 fr., dont une section proposait le rejet, qu’il résulte d’une correspondance du ministre avec la questure de donner pour la première fois une destination déterminée aux commandes artistiques, qui ne seraient plus exposées comme par le passé à être placées dans un vestibule ou dans quelque garde-meuble à cause de leur dimension embarrassante. Cette destination est, comme nous le savons, de faire servir ces commandes à orner le palais où nous siégeons. Il n’y a là, je le répète, aucune critique des administrations précédentes ; telle n’a pas été l’intention de la section centrale.

L’honorable membre donnant suite à la même idée s’est écrié : mais en quoi l’impulsion à donner aux beaux-arts en 1843 sera-telle plus nationale ? Que fait la section centrale ? elle supprime Godefroid de Bouillon.

La section centrale ne supprime pas Godefroid de Bouillon, mais par une précaution que la chambre approuvera, je pense, elle a voulu, avant de voter le chiffre que coûtera le monument, savoir le prix de cette statue, et cela afin de prévenir ce qui est arrivé pour le monument de la place, dite des Martyrs ; prévenir que nous ne soyons menés beaucoup plus loin que nous ne l’aurions voulu ; prévenir qu’une statue, avec quelques accessoires, ne nous coûte que 370,000 fr.

M. le ministre vient de nous dire que ce monument coûtera 100,000 fr., mais je lui demanderai s’il peut s’engager à ce que cette somme ne soit pas dépassée ; quant à moi, je ne puis voter ce monument qu’à la condition de connaître positivement ce chiffre, de savoir si M. le ministre peut s’engager à ce que ce chiffre ne sera pas dépassé.

L’honorable M. Rogier a cherché à nous prouver que si on veut décorer la chambre d’après les propositions de la questure, on doit demander des sommes beaucoup plus considérables ; il faudrait même demander plusieurs 100,000 fr., mais je me permettrai de lui rappeler que ce projet ne doit pas s’exécuter en un an, que ce n’est qu’un projet. Le ministre propose un commencement d’exécution en désirant allouer 25,000 fr. pour cet objet. C’est ce dont on peut s’assurer aux développements du budget ; 25,000 fr. me semblent suffire pour commencer, alors que notre budget est grevé de l’achat d’un musée entier, de celui de la ville de Bruxelles.

Je pense donc que les sommes allouées pour les arts sont suffisantes, et qu’il n’y a pas lieu de les majorer ; c’est en quelque sorte le même chiffre que les années précédentes. M. le ministre vient de le prouver, il me semble d’ailleurs que l’impulsion que nous avons donnée aux arts, et que nous leur continuons, est très suffisante.

M. Dedecker, rapporteur. - Je tiens à déclarer de nouveau à la chambre, tant au nom de la section centrale, qu’en mon nom personnel, qu’il n’est nullement entré dans nos intentions d’attaquer l’une ou l’autre des administrations antérieures à celle que nous voyons au banc ministériel, non plus que d’adresser une flatterie à M. le ministre de l’intérieur actuel. Messieurs, il arrive de temps en temps qu’on semble se méprendre sur les intentions de la section centrale ; mais vous aurez remarqué que cette méprise part toujours du même honorable membre. J’invoque ici tous les témoignages des membres de cette chambre, et je voudrais pouvoir leur demander un à un, si en lisant le rapport de la section centrale, ils en ont tiré la même conclusion que l’honorable M. Rogier. Je suis convaincu qu’ils me répondraient non.

La section centrale n’est donc pas responsable des interprétations, des insinuations auxquelles peut se livrer l’honorable M. Rogier. L’honorable membre vous a parlé de ce qu’il a appelé les propositions de la questure de la chambre. Il faut rétablir la question dans ses véritables termes. La proposition n’est pas partie de la questure, elle est partie du gouvernement. La questure n’a fait que répondre aux questions qui lui ont été posées par M. le ministre de l’intérieur.

Quant au projet proposé par le gouvernement pour l’embellissement du Palais de la Nation, je regrette qu’il n’obtienne pas les suffrages de l’honorable M. Rogier, cela m’étonne ; car en rédigeant cette partie de mon rapport, je me disais : voilà du moins ce qui satisfera l’honorable M. Rogier ; lui qui passe pour avoir des idées si larges en matière d’art, il ne pourra qu’approuver un pareil projet, n’importe sous quel ministère il est élaboré.

M. Rogier. - Je ne l’ai pas désapprouvé.

M. Dedecker. - Vous ne l’avez pas désapprouvé, mais vous l’avez rendu ridicule à force d’exagération, du moins vous avez tâché de le rendre ridicule.

Dans les intentions de la section centrale, il ne s’agit nullement d’exécuter tous ces travaux à la fois, comme l’insinue M. Rogier, nous en avons pour longtemps.

On craint que les sommes allouées n’y suffisent pas. Mais aujourd’hui, on accorde des sommes sur le littera A presque dans le vague, sans destination déterminée ; qui empêchera le gouvernement de consacrer une partie de cette allocation à l’achat d’ouvrages d’art pouvant convenir au palais de la nation ? Il ne faudra pas une allocation nouvelle ; on pourra destiner à ces acquisitions une partie des fonds alloués chaque année. La section centrale n’a pas entendu non plus faire du palais de la nation un musée ; telle ne pouvait pas être l’intention d’hommes qui s’entendent en matière d’arts et qui veulent que toute la nation puisse jouir du spectacle des chefs-d’œuvre de notre jeune école.

Maintenant, je dirai un mot des 25 mille fr. demandés pour l’entretien et l’administration des bâtiments et collections cédés à l’Etat en exécution de la loi du 4 décembre 1842 ; s’il m’était complètement prouvé que M. le ministre avec un peu de bonne volonté et en faisant quelques économies sur un autre littera, ne peut pas parvenir à couvrir pour cette année les frais occasionnés par cette prise de possession, je ne voudrais pas refuser l’augmentation qu’il demande. Nous avons tous voulu sincèrement l’exécution de la convention. Or, c’est ici le cas de dire : qui veut la fin veut les moyens.

Je me permettrai cependant de faire remarquer que M. le ministre demande ces 25 mille fr. pour administration et entretiens des bâtiments et collections, etc. Or, il y a au budget des travaux publics un chap. Il, section IV, spécialement consacré à l’entretien et aux réparations des monuments de l’Etat. Je demanderai à M. le ministre s’il ne serait pas plus convenable de scinder sa demande et de faire reporter au budget des travaux publics 8 ou 10 mille fr. pour l’entretien des bâtiments ; il resterait 10 ou 15 mille fr. à allouer pour l’administration des collections cédées à l’Etat. Cette somme serait plus que suffisante pour l’administration et les nouvelles acquisitions à faire.

M. Dumortier. - J’avais demandé la parole pour insister en faveur d’un projet auquel j’attache le plus grand prix, pour demander que des fonds soient alloués afin qu’on puisse commencer la statue de Godefroy de Bouillon destinée à orner une des places de la capitale. Selon moi, rien n’est plus propre à former le sentiment national, que de mettre sur les places publiques des statues des plus grands hommes du pays. Quelle nation ne serait pas fière d’avoir donné naissance an vainqueur de Jérusalem ? C’est fort mal à propos qu’un honorable député d’Anvers est venu parler des habitants des poldres, pour demander la suppression de l’allocation nécessaire pour l’érection de cette statue ; s’il veut une réduction sur les beaux-arts pour en appliquer le montant aux poldres, qu’il demande la réduction du crédit demande l’année dernière en faveur de l’académie d’Anvers. De cette manière on donnera à la province d’Anvers ce que d’autre part on lui ôtera. Mais qu’on ne vienne pas empêcher la Belgique d’ériger une statue équestre à un des plus grands hommes de l’Europe.

Messieurs, on a beaucoup parlé des fonds à employer pour les arts dans l’exercice prochain. Je suis convaincu avec le ministre que la somme qu’il demande est suffisante pour les besoins de cet exercice, en y comprenant tout ce qui a été décidé dans le cours de l’exercice dernier.

Je ne vois donc pas de motif pour augmenter la somme. D’un autre côté, je n’admets pas qu’il y ait lieu de la réduire.

Je ne puis m’empêcher de présenter quelques observations sur un objet dont on s’est longtemps entretenu ; je veux parler du placement d’objets d’art dans le palais de la nation. Que l’on mette quelques tableaux dans les salles attenantes à celles des séances, j’y consens. Mais je ne saurais donner mon assentiment à ce que l’on place des tableaux dans la salle de nos séances, d’abord parce que cela nuirait beaucoup à l’acoustique, et que ce serait extrêmement gênant pour les orateurs, ensuite parce que ce ne serait pas en harmonie avec le style architectonique de la salle, Il arriverait ce qui est arrivé pour les églises ; on les a surchargées d’ornement, et on a dû les enlever, pour leur rendre leur ancien style.

Mais veut-on donner aux artistes des encouragements réels, veut-on faire renaître la grande école belge ? Que l’on commande aux artistes de grands tableaux d’église ; car la vraie grande peinture sera toujours la peinture religieuse. C’est là qu’il faut en revenir si l’on veut rendre à notre école son ancien éclat. Commandez aux artistes des tableaux religieux pour les églises de la capitale et des grandes villes. Leurs tableaux seront ainsi exposés de la manière la plus convenable. Voilà comment je comprends l’article.

Quant à un musée de tableaux modernes. je voudrais qu’il se trouvât, comme en France, dans un seul local. Ainsi au palais de la chambre des pairs vous trouverez réunis les tableaux modernes et formant une galerie. C’est pour les artistes un grand sujet d’émulation ; car le placement dans la galerie du Luxembourg du tableau d’un artiste est pour lui une espèce de titre de noblesse. Ici, au contraire, que deviennent les tableaux commandés par le gouvernement ? Les uns sont dans les musées, d’autres dans les antichambres du Palais de la Nation ; d’autres enfin dans les salons du ministère. J’entends dire qu’il y en a à l’école vétérinaire ; en vérité, ce n’est pas impossible. Mieux vaudrait, à mon avis, que tous ces tableaux fussent réunis dans un seul local, afin que tous les étrangers qui visitent notre pays pussent se former une idée de notre école. Ce serait un grand encouragement pour nos artistes, et une grande gloire pour le pays.

On ne se fait pas une idée à l’étranger de la Belgique artistique. Voulez-vous que je vous le prouve ? L’exposition à Berlin des tableaux de MM. Gallait et De Biefve a mis toute l’Allemagne en émoi. Jugez, d’après cela, de l’impression que produirait la réunion dans un même local des meilleures productions de nos artistes. J’insiste sur ce point ; j’espère que cela fixera l’attention du gouvernement.

On a parlé de statues à ériger aux grands hommes. Je suis prêt à voter ce crédit. Je donne mon plein et entier assentiment à cette dépense. Il n’y a rien qui éveille l’orgueil national comme de voir sur les places des principales villes la statue des hommes qui honorent le plus un pays ; mais pour cela il faut qu’on élève des statues à de vrais grands hommes, à des grands hommes dont on n’a pas besoin de demander le nom. (On rit.)

J’ai vu des locomotives pour lesquelles on avait adopté le système d’y donner des noms de grands hommes. Mais c’était, en général, des hommes tellement petits que personne ne pouvait dire ce qu’ils étaient. (On rit.) C’est déplorable, cela finit même par être ridicule.

Il en est de même pour les statues. Ainsi, j’ai vue que l’on a décrété l’érection d’une statue sur une place de Bruges. Qu’on élève sur une place de Bruges une statue à un grand homme, je l’approuve de tout mon cœur ; Bruges a produit assez de grands hommes pour qu’on ne doive pas être embarrassé. Mais qui a-t-on choisi ? un homme dont le principal mérite est d’avoir porté les armes contre sa patrie. Je n’aime pas un tel choix ; jamais il n’aura mon suffrage. Si l’on voulait élever une statue à un grand homme, que n’en élevait-on une à Phillippe-le-Bon ou à quelque autre des ducs de Bourgogne, qui ont régné à Bruges. Mais il ne fallait pas ériger une statue à un homme qui a porté les armes contre sa patrie.

M. Delehaye. - Quel est ce singulier grand homme ?

M. Rodenbach. - Simon Stevin, l’inventeur du calcul décimal.

M. Dumortier. - Il faut élever des statues aux grands hommes, c’est-à dire à ceux qui ont réellement honoré leur patrie, et qui sont purs de pareils reproches.

On a beaucoup parlé des expositions. Il y a à cet égard des améliorations importantes à introduire. Ainsi je vous le demande ; comment se fait-il qu’à l’exposition triennale de Bruxelles, un aussi petit nombre d’acquisitions aient été faites en faveur des artistes nationaux, et un aussi grand nombre en faveur des artistes étrangers. Je suis d’avis qu’il faut encourager les artistes étrangers. Nos artistes ne peuvent que gagner à leur contact la comparaison qu’ils feront de leurs œuvres avec celles que des artistes étrangers de talent envoient à nos expositions ne peut que tourner à leur avantage. Mais faut-il pour cela que tous les encouragements pécuniaires soient donnés aux artistes étrangers ? C’est ce que je ne peux admettre. Je crois que la plus grande partie de ces encouragements revient de droit aux artistes belges.

Il est un autre point sur lequel j’appellerai l’attention du gouvernement. L’exposition de Bruxelles n’est publique qu’un jour ou deux par semaine. Les autres jours on entre moyennant une rétribution. Le produit de ces rétributions ne devrait-il pas être employé en prix donnés aux artistes et en acquisition de tableaux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est ce qui se fait.

M. Dumortier. - Fort bien. Mais cela ne s’est pas toujours fait ; ces rétributions étaient autrefois au profit des pauvres et cela ne doit pas être. C’est ainsi que l’exposition du beau tableau de M. Gallait a rapporté aux aveugles et sourds-muets 15 à 20 mille fr. Quand les pauvres de Bruxelles ont le moyen de s’élever des palais qui coûtent des millions, on peut demander que le produit des expositions d’œuvres d’art tourne, non pas à leur profit, mais au profit des artistes.

Je ne finirai pas sans parler d’une réclamation que j’ai eu l’honneur de faire l’an dernier, en faveur de la ville qui m’a envoyé ici. Lorsqu’on donne des subsides à la plupart des académies, je voudrais savoir pourquoi l’on ne donne rien à l’académie de Tournai qui a produit des artistes d’un talent éminent. L’an dernier M. le ministre m’avait fait espérer qu’il ferait quelque chose pour l’académie de Tournai ; il n’a rien fait, Il n’est pas juste cependant de ne pas faire pour cette académie, ce que l’on fait pour les autres.

M. Osy. - Je dois un mot de réponse à l’honorable M. Dumortier ; il a dit que s’il y avait une réduction à faire, on devait la faire sur le subside de l’académie d’Anvers. Si l’on avait demandé une augmentation pour cette académie, j’aurais été le premier à la combattre. Mais vous savez que ce qui est demandé pour elle l’est en vertu d’un contrat qui a été approuvé l’an dernier.

L’honorable M. Rogier m’a reproché d’avoir, à propos de beaux-arts, parlé de chose aussi matérielle que les malheureux du poldre de Lillo. J’ai cru nécessaire d’en parler parce qu’il est question de nouvelles dépenses. Il ne s’agit, dira-t-on que d’une dépense de 100,000 fr. Sans doute. Mais elle vous entraînera dans une dépense de 100,000 fr. C’est dans cette circonstance que j’ai cru devoir plaider la cause de 500 malheureux de la province d’Anvers, qui souffrent depuis 12 ans.

- L’art. 2, Beaux-arts, est mis aux voix et adopté, avec le chiffre de 197,000 fr.

Article 3

« Art. 3. Administration et entretien des bâtiments et des collections cédées à l’Etat, en vertu de la loi du 4 décembre 1842 : fr. 25,000 »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Monument de la place des Martyrs : fr. 10,000 »

M. Rogier. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur quelle somme sera encore nécessaire pour le complet achèvement du monument de la place des Martyrs. Ce monument d’année en année a figuré au budget. Je suis d’avis avec la section centrale qu’il est temps que cette allocation disparaisse. Voila à peu près 10 ans que ce monument figure au budget. Chaque année une somme nouvelle est réclamée. Je demande quelle somme est maintenant nécessaire pour le complet achèvement du monument.

On a proposé une réduction de 2,000 francs. Mais s’il doit y avoir, l’an prochain, une nouvelle allocation, il faudra y ajouter ces 2,000 francs ; ce ne sera donc qu’un ajournement de dépense. Mais quelle somme nouvelle faudra-t-il y joindre ?

M. d’Huart. - 8,000 fr, vous dit la section centrale.

M. Rogier. - Mais je voudrais avoir à cet égard un renseignement en quelque sorte officiel.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est, d’après mes renseignements, que la section centrale a pu dire, à la page 31, qu’il restait encore 18,000 fr. à payer, 10,000 frs. sont demandés cette année ; reste 8,000 fr. pour l’année prochaine.

Tout ceci est l’exécution d’engagements anciens ; je ne fais qu’exécuter ces engagements. Je ne pense pas que des dépenses nouvelles soient encore nécessaires.

M. Rogier. - Messieurs, je dois un mot d’explication à la section centrale ; et ici encore, ce n’est pas en mon nom personnel que je répondrai, c’est plutôt au nom des administrations antérieures.

La section centrale signale comme énorme la somme de 370,865 francs qu’aura coûtée ce monument. Elle semble regretter que cette dépense ait été faite sans devis préalable et déterminé. Messieurs, je tiens à ce que les actes des administrations antérieures soient expliqués et justifiés. Je crois que dans un gouvernement de publicité et de responsabilité, s’il est du devoir de la chambre de contrôler les administrations, il est aussi du devoir des administrations de justifier leurs actes. Voilà comment j’envisage le gouvernement représentatif.

Messieurs, le monument de la place des Martyrs, contre l’opinion que paraît avoir la section centrale, a fait l’objet de devis préalables et déterminés.

M. Dedecker, rapporteur. - Je demande la parole.

M. Rogier. - En ce qui me concerne, j’ai posé deux actes pour ce monument. Au mois d’avril 1834, le groupe principal a été arrêté à la somme de 75 mille francs, payable en quatre années, avec une retenue de 8 mille francs, payable seulement après l’achèvement complet du travail. Voilà pour le groupe principal.

Successivement, sous les administrations postérieures, ce groupe a été enrichi de nouvelles sculptures. C’est ainsi que sous l’administration de l’honorable M. de Theux, si mes souvenirs sont exacts, quatre génies ont été commandés à l’artiste, auteur du groupe principal. J’ignore si un contrat spécial a été passé pour ces quatre statues ; on pourrait s’en expliquer ; quant à moi, j’aime mieux croire que les choses se sont passées régulièrement.

Au mois d’avril 1841, quatre bas-reliefs ont été commandés à l’auteur du groupe principal, et par une précaution qui justifie complètement l’administration, un contrat spécial, un forfait a eu lieu entre le gouvernement et l’artiste. Par ce contrat spécial, l’artiste s’est engagé à terminer tous les travaux sans aucune exception, depuis le plus grand jusqu’au plus petit, pour la somme fixée au contrat et en ce qui concerne particulièrement les quatre bas-reliefs. Il y a eu devis préalables et déterminés.

L’honorable rapporteur s’étonne, dit-il, que l’on ait caché à la section centrale l’existence de ce contrat. Mais pourquoi aurait-on caché l’existence d’un contrat qui avait pour but de prévenir les observations même de la section centrale ? Ce contrat, s’il avait été communiqué à la section centrale, aurait au contraire épargné à celle-ci des reproches qui semblent beaucoup lui coûter.

Ces quatre bas-reliefs ont été commandés pour une somme de 40,000 fr. ; les 10 mille derniers payables lorsque le quatrième bas-relief serait fourni et placé ; de telle manière qu’au moyen de ce contrat plus aucune somme ne devra être exigée pour le monument.

La section centrale n’a pu ignorer l’existence de la commande des quatre bas-reliefs, car, dans le rapport sur le budget de 1841, il est question de quatre bas-reliefs. L’honorable M. Peeters, au nom de la section centrale, a fait connaître qu’ils étaient nécessaires au complet achèvement, à l’harmonie du monument.

Qu’il me soit permis maintenant d’ajouter un mot en faveur de l’artiste, auteur de ce monument.

Les 370 mille fr. que la totalité des constructions et des objets d’art auront coûtés, n’ont pas profité exclusivement à l’artiste. Voici les sommes qui ont été ou qui seront payées à M. Geefs pour les objets d’art à lui appartenant : 75 mille fr. pour le groupe principal, la grande statue, la Patrie, avec le lion ; 70 mille fr. pour les quatre grands Génies ; 40 mille fr. pour les quatre bas-reliefs. Voilà les sommes qui ont été consacrées aux objets d’art proprement dits.

Mais vous savez que le monument de la place des Martyrs n’est pas seulement un monument de sculpture. On y a associé en quelque sorte l’architecture. Le monument a pour base une crypte où reposent les martyrs dont il doit perpétuer la mémoire. Des pierres tumulaires ont dû être établies ; des travaux considérables de maçonnerie ont dû être exécutés ; un grillage, un jardin, des fontaines : tout cela entre dans les frais du monument. Il y a eu, messieurs, indépendamment de tous les frais accessoires, pour 111 mille fr. de constructions en dehors des objets d’art.

Je dis cela pour la justification de l’administration et pour la justification de l’artiste. Car j’ai entendu quelquefois critiquer les énormes bénéfices qu’aurait faits cet artiste dans l’établissement de ce monument, qui d’ailleurs lui fait tant d’honneur.

Quoi qu’il en soit, j’espère aussi que la somme renseignée par M. le ministre comme encore nécessaire, sera décidément la dernière qui nous sera demandée pour ce monument ; il est temps que l’on s’arrête.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. Dedecker, rapporteur. - Je remercie l’honorable M. Rogier d’avoir appuyé l’assertion émise par la section centrale, conforme, d’ailleurs, à l’opinion de toutes les sections, sur la nécessité d’en finir une bonne fois avec les allocations en faveur du monument de la place des Martyrs.

L’honorable M. Rogier nous a dit que, sous un gouvernement représentatif, il croyait qu’une administration n’était pas obligée de se défendre, que par la publicité seule qui est donnée à ses actes elle était justifiée. Je suis tout à fait de son avis.

M. Rogier. - J’ai dit tout le contraire.

M. Dedecker, rapporteur. - La section centrale s’en réfère aussi à cette même publicité ; elle croit, avec tout le pays, que les dépenses qui ont été consacrées par le gouvernement au monument de la place des Martyrs, sont exorbitantes. Toutefois, messieurs, la section centrale n’a pas voulu se faire l’écho d’accusations vagues qui auraient pu être lancées dans le public contre l’artiste chargé de ce monument. Depuis longtemps, cet artiste m’honore de son amitié ; ce n’est donc pas moi qui aurais voulu me rendre l’interprète de sentiments si peu bienveillants à son égard.

Quant au contrat dont a parlé l’honorable M. Rogier, j’ignore sous quelle administration il a été passé, mais c’est à bon droit que la section centrale s’est étonnée, non pas que le gouvernement eût caché avec intention l’existence de ce contrat, mais qu’il n’en eût été fait aucune mention l’année dernière, lors de la discussion des articles du budget. Du reste, il semble qu’on en est décidément arrivé au terme de ces allocations, et, sous cette condition, la section centrale a admis, comme vous l’avez vu, le crédit demandé.

- La somme de 10,000 fr. est adoptée.

Article 4 (devenu articles 5 à 7)

« Art. 4 devenant l’art. 5. Monuments à élever aux grands hommes de la Belgique avec ou sans le concours des villes et des provinces : fr. 35,000 »

M. le président. - M. le ministre de l’intérieur a proposé de diviser cet article en trois articles ainsi conçus :

« Art. 5. Dernier sixième du prix du monument élevé à la mémoire du chanoine Triest : fr. 12,500 »

« Art. 6. Premier septième pour l’exécution, aux frais de l’Etat, de la statue équestre de Godefroid de Bouillon : fr. 12,500 »

« Art.7. Subsides aux villes et aux communes pour des monuments à élever aux grands hommes de la Belgique : fr. 10,000 »

Je mettrai successivement en discussion ces trois articles :

« Art. 5 Dernier sixième du prix du monument élevé à la mémoire du chanoine Triest : fr. 12,500 »

- Adopté.


« Art. 6. Premier septième pour l’exécution, aux frais de l’Etat, de la statue équestre de Godefroid de Bouillon : fr. 12,500 »

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande le retranchement des mots : aux frais de l’Etat. Ceci semble exclusif ; on peut très bien accepter des dons des particuliers, des villes et des provinces.

M. Osy. - La section centrale a proposé l’ajournement de la dépense.

M. Lebeau. - Ce serait le rejet.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y a une erreur de la part de l’honorable M. Osy ; ce n’est pas une dépense nouvelle que l’on demande ; c’est une somme que l’on prend sur l’ancienne allocation de 50,000 fr., allocation qui n’est pas intégralement reproduite.

M. Osy. - Je demande le rejet de cette dépense.

- Le chiffre de 12,500 fr. est mis aux voix et adopté.


« Art. 7. Subsides aux villes et aux communes pour des monuments à élever aux grands hommes de la Belgique : fr. 10,000 »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Subsides aux villes et communes dont les ressources sont insuffisantes pour la conservation des monuments, et commission royale des monuments : fr. 36,000 »

- Adopté.

Chapitre XIX. Déoenses imprévues et travail extraordinaire

Article unique

« Article unique. Dépenses imprévues et travail extraordinaire : fr. 18,000 »

M. de Theux. - Je dois, messieurs, appeler votre attention sur les mots travail extraordinaire qui ont été ajoutés à ceux de dépenses imprévues. Je crois que si cette addition passe au budget de l’intérieur, elle figurera l’année prochaine à tous les budgets, et s’il en était ainsi, nous ne devrions pas nous attendre à avoir encore des excédants sur le chapitre des dépenses imprévues, comme nous en avons eu jusqu’à présent tous les ans. Il y a quelques années, l’on avait aussi proposé une semblable addition, mais après des observations qui furent faites à cet égard, la chambre rejeta la modification.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ces mots, messieurs, se trouvent dans d’autres budgets, et entre autres, dans celui des finances ; d’ailleurs, la somme qu’il s’agit de prélever sur le chapitre dernier n’est pas considérable, elle est destinée à rétribuer des travaux vraiment extraordinaires, et il y en a en ce moment au ministère de l’intérieur ; je citerai, par exemple, le rapport sur l’instruction publique ; il m’est impossible de faire faire ce rapport par les employés sans leur allouer des indemnités.

On me dira peut-être : Pourquoi ne prend-on pas les sommes nécessaires pour cet objet sur le chiffre du personnel de l’administration ? C’est, messieurs, que tous les crédits du personnel de l’administration sont épuisés. Les sommes dont il s’agit ne seront, du reste, allouées qu’à des employés du ministère.

M. Osy. - Le budget des finances comprend en effet un crédit pour travail extraordinaire, mais ce crédit fait l’objet d’un article spécial ; vous aurez vu, messieurs, par le rapport de la cour des comptes que le ministère de l’intérieur accordait souvent de véritables augmentations d’appointements sur le chapitre des dépenses imprévues, c’est parce que la cour des comptes ne liquide pas de semblables allocations, que M. le ministre de l’intérieur a ajouté au libellé de l’article les mots : Travail extraordinaire. Je pense que si des fonds sont nécessaires pour cet objet, il faut les demander à un article spécial, et je demande la suppression de l’addition proposée par M. le ministre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Alors il me sera impossible de payer un travail extraordinaire quelconque ; car, je le répète les sommes alloués pour le personnel de l’administration sont épuisées.

M. de Theux. - J’engagerai M. le ministre à préciser le chiffre dont il croit avoir besoin pour le travail extraordinaire dont il s’agit et à en faire l’objet d’un article spécial, car si nous adoptions simplement l’addition des mots : travail extraordinaire, au libellé de l’article qui concerne les dépenses imprévues, ce serait un mauvais précédent dont il résulterait, comme je l’ai dit, que cet article ne présenterait plus d’excédants à l’avenir.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je déclare à la chambre que l’on n’excédera pas le chiffre de 4,000 francs, peut-être même n’ira-t-on pas jusqu’à là. Toutefois, je pense qu’il ne faut pas faire de cela un article spécial ; mon observation sera consignée au Moniteur.

M. Osy. - Je demande que l’on fasse ce qu’on a fait pour le budget des finances, c’est-à-dire qu’on divise le crédit en deux articles, l’un au chiffre de 14,000 francs intitulé Dépenses imprévues, et l’autre avec le chiffre de 4,000 francs qui porterait le libellé de : Travail extraordinaire.

- La division proposée par M. Osy est mise aux voix et adoptée, ainsi que les chiffres de 14,000 et de 4,000 francs.

Chapitre XIV. Dotations de la légion d’Honneur

M. le président. - La chambre revient au chap. XIV, dotation de la Légion d’honneur, qui avait été ajourné.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, l’article unique du chapitre XIV est actuellement libellé comme suit :

« Dotation en faveur de légionnaires et veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune, et pensions de 100 fr. par personne aux décorés de la croix de fer qui sont dans le besoin, ou qui n’ont ni autre pension ni traitement quelconque. »

Il y a donc ici deux exclusions : on exclut d’abord ceux qui ont une pension et en second lieu ceux qui ont un traitement quelconque. L’honorable M. Rogier, dans les observations qu’il nous a soumises, nous a dit, messieurs, que même en maintenant ces exclusions, une somme de 13,000 fr. était insuffisante. Cette somme, je l’ai provisoirement indiquée comme pouvant rester disponible par suite de décès parmi les légionnaires. 13,000 fr., à raison de 100 fr par personnes suffiraient pour 130 décorés ; or, d’après un état que j’ai fait dresser, outre ces 130 décorés réputés les plus nécessiteux, il s’en trouve encore 135 autres qui sont dans le besoin.

Il y a donc un véritable déficit de 13,500 fr. et ce déficit existe même en maintenant les deux exclusions que je viens de rappeler. La question est de savoir s’il faut maintenir ces deux exclusions, s’il faut exclure à la fois ceux qui sont pensionnés et ceux qui jouissent d’un traitement quelconque. Je pense qu’il ne faut maintenir qu’une seule exclusion, celle qui s’applique aux décorés qui sont déjà pensionnés et qu’il ne faut pas maintenir l’exclusion des décorés jouissant d’un traitement quelconque. Si un décoré de la croix de fer se trouve dans le besoin, quoique jouissant d’un faible traitement, il y a lieu de le traiter comme on traite les décorés de l’ordre Léopold, et même les décorés de l’ordre Guillaume qui se trouvent dans la même position.

Je dois toutefois faire une réserve. Vous savez, messieurs, qu’il existe un fonds qu’on appelle le fonds spécial des blessés de septembre ; très souvent on alloue sur ce fonds, aux blessés de septembre pensionnés, un secours extraordinaire. Il doit être entendu que si un blessé de septembre pensionné se trouve dans le besoin, on pourra en outre lui allouer un secours qui irait même jusqu’à 100 fr.

M. Rodenbach. - Et les veuves.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Les veuves des décorés de la croix de fer sont assimilées aux veuves des décorés de l’ordre Léopold qui ne jouissent pas de pension, des veuves de légionnaires même ne jouissaient pas de la pension, mais on les admises à en jouir parce que l’on a tenu compte de cette circonstance, que pendant longtemps les légionnaires ont été privés de tout secours.

Ainsi, messieurs, en maintenant l’exclusion des veuves des décorés de la croix de fer, en maintenant l’exclusion des décorés de la croix de fer qui jouissent déjà d’une autre pension, toujours avec la réserve tant en faveur des veuves que des décorés eux-mêmes, qu’on pourra leur accorder un secours sur le fonds spécial ; en effaçant, d’un autre côté l’exclusion des décorés jouissant d’un traitement quelconque, il faudrait augmenter le chiffre et le porter à 76,000 francs. Ce serait une augmentation de 16,000 fr., dont 13,000 fr. seraient destinés à donner une pension de 100 fr. aux 135 décorés nécessiteux dont j’ai parlé tout à l’heure ; le restant de la somme servirait à accorder des pensions aux décorés qui se trouvent dans le besoin quoique jouissant d’un léger traitement.

Je demande en outre que l’allocation ne forme qu’un seul article, parce que le crédit de 76,000 fr. n’est suffisant qu’autant que l’on tienne compte des chances de mortalité qui existent de part et d’autre.

Voici, messieurs, comment serait rédige la dernière partie du libellé :

« Et pensions annuelles de 100 fr. par personne aux décorés de la croix de fer non pensionnés d’autres chefs, qui sont dans le besoin : fr. 76,000 »

M. de Roo. - Si j’ai bien compris M. le ministre de l’intérieur ; les veuves des décorés de la croix de fer ne recevraient point de pension. Eh bien, d’après moi, messieurs, ce sont précisément les veuves qui méritent le plus d’être pensionnées.

J’ai entre les mains le diplôme de l’un de ceux qui ont été décorés. Cet individu laisse dans la plus grande misère une veuve avec 7 enfants. C’est un certain Joseph Lauwens, ouvrier aux poids publics à Bruxelles, blessé d’un coup de feu à la jambe gauche, le 24 septembre 1830, en combattant, montagne du Parc à Bruxelles. A peine rétabli, il fit preuve de bravoure dans les combats livrés sur la ligne de Bruxelles a Maestricht. Cependant, d’après les explications de M. le ministre, sa veuve ne pourra avoir aucune pension. Je désire donc que les veuves des décorés de la croix de fer puissent également jouir de la pension de 100 francs, ou plutôt que la pension du mari, après son décès, soit réversible sur la veuve.

C’est pourquoi je demanderai d’intercaler le mot et veuves de décorés dans le nouveau libellé proposé par M. le ministre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je désirerais savoir si le sieur Lauwers dont on parle, était pensionné.

M. de Roo. - Je ne pourrais pas l’assurer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Eh bien, cela est important à savoir. S’il était pensionné, sa pension est réversible sur sa veuve.

Du reste, l’exclusion n’est pas absolue. J’ai eu soin de le dire, les veuves des décorés pensionnés ou non, pourront recevoir des secours sur le fonds spécial. Je prierai l’honorable M. de Roo de me remettre les pièces, je m’occuperai de la réclamation de la veuve dont il nous a entretenus. Si les faits sont tels que l’honorable député les a indiqués, ce dont je ne doute pas, on allouera à la veuve un secours sur le fond spécial. Mais si vous intercalez dans l’article les mots : Et veuves des décorés, la somme de 76000 fr. sera insuffisante, car le chiffre est corrélatif avec le libellé.

M. Rodenbach. - Messieurs, dans une des dernières séances j’ai dit que dans le libellé on proposait d’accorder une pension aux légionnaires et aux veuves des légionnaires, et que je ne voyais pas pourquoi l’on n’en accorderait pas aux veuves des décorés de la croix de fer. Les légionnaires ont, il est vrai, combattu pour la patrie, quoique hors du pays, leurs veuves peuvent avoir des droits à notre sollicitude, mais je ne sais pourquoi l’on refuserait la même faveur aux veuves des décorés de la croix de fer qui ont encore plus de titres à la gratitude de la nation.

Je sais que M. le ministre vient de dire que l’on pourra accorder à ces veuves des secours sur le fonds spécial. Moi, je crois que si la veuve d’un décoré qui n’était pas pensionné se présentait pour obtenir un secours sur le fond spécial, on le lui refuserait, car elle n’aurait pas la loi pour elle.

Je pense donc qu’il est juste et convenable de mettre au moins sur la même ligne pour la pension les veuves de légionnaires, et celles des décorés de la croix de fer. J’appuie donc l’amendement de l’honorable M. de Roo.

- Cet amendement est mis aux voix, et n’est pas adopté.

Le nouveau libellé du chap. XIV, présenté par M. le ministre, et comportant une somme de 76,000 fr. est ensuite mis aux voix et adopté.

M. Dumortier. - Messieurs, vous venez de voter un crédit pour les braves qui ont combattu pour la révolution. La chambre s’est toujours montrée bien disposée en faveur de ceux qui ont versé leur sang pour la patrie, qui ont défendu la cause nationale dans les grands jours de la révolution.

C’est donc avec confiance que j’appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la position d’une veuve qui a droit à toute notre sollicitude ; je veux parler de la veuve de M. Nicolay, ancien membre du gouvernement provisoire. Les hommes, qui à l’époque où éclata la révolution, se sont dévoués pour la cause nationale, en acceptant le pouvoir, lorsque leurs têtes étaient menacées, ont des titres incontestables à notre gratitude. M. Nicolay, membre du gouvernement provisoire, a été chargé de plusieurs missions très honorables qui ont contribué beaucoup à la consolidation de notre nationalité. Il laisse une veuve sans fortune. Je prie M. le ministre de l’intérieur de prendre la position de cette dame en haute considération.

Je crois que c’est le cas, ou jamais de rémunérer dans une veuve les services éminents rendus par son mari à sa patrie.

J’ajouterai que M. Nicolay a fait l’abandon de la part qui lui revenait dans l’indemnité que le congrès avait votée en faveur des membres du gouvernement provisoire.

Second vote

- La chambre décide qu’elle votera séance tenante sur l’ensemble du budget de l’intérieur.

Les amendements introduits lors du premier vote sont successivement confirmés.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, la chambre a mis à l’ordre du jour de demain le budget des finances. Ce budget ne prend pas ordinairement plus d’une séance. Or, la chambre a aussi décidé, il y a quelques jours, que le projet de loi relatif à la canalisation de la Campine serait mis à l’ordre du jour immédiatement après le budget des finances.

Il serait à souhaiter que ce projet de loi, qui ne demandera pas non plus beaucoup de temps, fût discuté avant la séparation. Cela est désirable dans l’intérêt de l’exécution économique de ce travail, car il faut que l’adjudication des travaux ait lieu le plus tôt possible et que, par suite, les entrepreneurs puissent faire les approvisionnements pendant l’hiver, afin de pouvoir commencer les travaux au printemps.

M. le président. - Je dois faire observer au sujet de ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics, que la chambre a mis à l’ordre du jour, après la discussion du budget des finances, le projet de loi relatif à la canalisation de la Campine, et le projet de loi sur les sucres, sauf à décider ultérieurement la priorité. Ainsi je regarde la proposition de M. le ministre des travaux publics comme tendant à obtenir la priorité pour le projet de loi relatif à la canalisation de la Campine.

Un grand nombre de membres. - Votons d’abord le budget de l’intérieur.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je reproduirai ma proposition demain.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1843

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. le président. - Je vais donc mettre en discussion les articles du projet de loi contenant le texte du budget du département de l’intérieur.

« Art. 1er. Le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1843 est fixé à la somme de quatre millions huit cent cinquante-un mille sept cent cinquante-sept francs quatre-vingt-quinze centimes, conformément au tableau ci-annexé. »

- Cet article est adopté.

« Art. 2. La présente loi sera exécutoire le 1er janvier 1843. »


Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

Le budget du département de l’intérieur est adopté à l’unanimité des 69 membres qui ont répondu à l’appel. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu : M. Angillis, Brabant, de La Coste, Cogels, Coghen, Cools, de Baillet, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Donner, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Huveners, Jonet, Lange, Lejeune, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Puissant, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier. Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vanden Eynden, Vanderbelen, Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude et Raikem.

- La séance est levée à 5 heures.