(Moniteur belge n°345 du 11 décembre 1842)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure et 1/2.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse communique les pièces de la correspondance.
« Les brasseurs de Pâturages présentent des observations contre le projet de loi tendant à modifier les bases de l’impôt sur les bières. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet.
« Le conseil communal de Bocholt demande que cette commune ne soit pas appelée à concourir aux frais d’établissement du canal de la Campine. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur le canal de la Campine.
« Les sieurs Dewael-Cambier et Meeus prient la chambre d’élever les droits d’entrée sur la baleine fabriquée. »
- Renvoi à la section centrale du projet de loi concernant les droits d’entrée.
M. d’Hoffschmidt présente le rapport de la section centrale qui a été chargée d’examiner la convention conclue entre le gouvernement belge et le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, relativement au canal de Meuse et Moselle.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
« Art 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000 »
- Adopté.
« Art. 2. Frais de représentation (mémoire). »
- Cet article n’ayant pas de chiffre, n’est pas mis en discussion.
« Art. 3. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service, et frais à résulter des commissions d’examen : fr. 64,000 »
M. le président. - La section centrale propose de diviser cette disposition en deux articles, comme suit :
« Art. 3. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 62,000 »
« Art. 4. Frais des commissions d’examen : fr. 2,000 »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) déclare se rallier aux diverses propositions de la section centrale.
M. Fleussu. - Messieurs, l’article du projet de la section centrale présente une majoration de 8,000 francs ; je prierai M. le ministre des affaires étrangères de bien vouloir justifier cette proposition.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Messieurs, les motifs de cette augmentation ont été développés à la section centrale. Le ministère des affaires étrangères est loin de pouvoir rétribuer tous les fonctionnaires qu’il emploie. C’est ainsi que plusieurs fonctions d’une importance réelle, entre autres celles de chef de bureau à la direction commerciale, ne rapportent au titulaire aucune espèce d’émoluments, dans l’espoir que cet état de choses ne serait pas de longue durée. Les fonctionnaires dont il s’agit ont patienté jusqu’à ce moment, mais cela ne pourrait continuer sans qu’il en résultat un grand préjudice pour la marche des affaires.
La section centrale, messieurs, a joint à son rapport, que vous avez sous les yeux, un tableau qui indique parfaitement à quelles fonctions les 8,000 fr. demandés devront être alloués. On voit, par exemple, dans ce tableau, qu’à la direction politique le chef de bureau n’a aucun traitement. Il est indispensable qu’il en ait un, et il en est de même à la direction consulaire.
Je le répète, dans l’intérêt des affaires mêmes et pour la dignité du département, cet état de choses doit cesser, d’autant plus que les affaires commerciales prennent chaque jour un développement plus considérable,
C’est pour faire face à ces divers besoins que nous demandons un crédit de 8,000 fr,
M. Fleussu. - Messieurs, avec des motifs tels que ceux que vient de donner M. le ministre des affaires étrangères, il est évident que l’on pourrait demander 50,000 francs tout aussi bien 8,000 francs, car rien n’est plus vague que ces motifs.
Je m’opposerai, quant à moi, à toute majoration qui ne sera pas suffisamment motivée. Tous les ans, lorsque nous nous occupons des budgets dans les sections, on voit les plus grandes dispositions à réduire les dépenses ; le mot économies se trouve dans la bouche de tous les membres ; les rapporteurs des sections arrivent à la section centrale, chargés de demander toutes les réductions compatibles avec la marche des affaires, mais une note du ministre, quelquefois même une explication telle quelle devant la chambre, fait que toutes ces dispositions à l’économie s’évanouissent, et alors ceux mêmes qui, dans les sections, se sont prononcés le plus fortement en faveur des économies, votent en séance publique toutes les sommes demandées par MM. les ministres.
Ici, messieurs, ce n’est pas une économie que je demande, c’est contre une majoration que je m’élève. Il est évident qu’en présence de déficits successifs, en présence de dépenses énormes auxquelles les voies et moyens ne peuvent pas suffire, il faut s’arrêter une bonne fois dans ces dépenses.
J’ai entendu dire dans la discussion du budget des voies et moyens, qu’il y a deux moyens de faire disparaître le déficit : d’une part, on demandait des ressources nouvelles à l’impôt, d’autre part, on demandait des économies ; c’est sur ces bancs que l’on parlait le plus d’économies.
Eh bien, l’occasion de faire des économies se présente. Quant à moi, je pense qu’il faut faire concourir les deux moyens, qu’il faut réduire toutes les dépenses susceptibles de réduction, et demander ensuite le surplus à l’impôt. Voilà, messieurs, comment il faut s’y prendre pour équilibrer le budget des voies et moyens et le budget des dépenses.
Remarquez-le, messieurs, ce n’est pas pour améliorer le sort des employés qui se trouvent au département des affaires étrangères, qu’une majoration de 8,000 fr.. est postulée en ce moment ; c’est pour créer des emplois nouveaux, ou, pour mieux dire, pour rétribuer des emplois nouveaux qu’a crées M. le ministre des affaires étrangères.
Il est assez singulier que ce soit au moment où nous sommes délivrés de tous les embarras diplomatiques, au moment où nous n’avons plus affaire à la conférence de Londres ni à la diète germanique ; au moment où nos différends avec la Hollande sont terminés ; il est assez singulier que ce soit alors que l’on demande une augmentation dans le personnel du ministère des affaires étrangères. M. le ministre des affaires étrangères dit que le chef de bureau de la direction politique, par exemple, et celui de la direction consulaire ne sont point payés mais, messieurs, ce sont là des emplois créés par M. le ministre depuis cette année ou depuis l’année dernière, si l’on veut ; ce sont des emplois nouveaux. Or, je demande comment il se fait que, quand tous les prédécesseurs de M. le ministre des affaires étrangères ont trouvé le nombre de leurs employés suffisants, on crée des emplois nouveaux, précisément au moment où tous nos embarras sont finis ou tendent à finir.
On parle d’employés de la direction consulaire, de la direction du commerce ; mais je crois que les affaires commerciales ressortissent au ministère de l’intérieur. Si je ne me trompe, c’est M. le ministre de l’intérieur qui négocie, ou au moins qui donne les éléments des négociations, lorsqu’il s’agit d’intérêts commerciaux.
D’ailleurs les employés de M. le ministre des affaires étrangères ne sont pas mal rétribués ; il n’y a pas, il est vrai, a ce département une armée d’employés, mais ceux qui y sont, sont, pour ainsi dire, tous gradués. J’en ai fait l’énumération et j’en ai trouvé 22 ; vous comprenez bien que je ne compte pas les messagers, le concierge ni les courriers. Eh bien, il est assez curieux de voir quels sont les grades des employés proprement dits du ministère des affaires étrangères. Il y a d’abord un secrétaire général et trois directeurs, à 6,000 francs ; il y a ensuite un chef de division et 4 chefs de bureau ; ces derniers n’ont presque pas d’employés sous leurs ordres, mais ils n’en sont pas moins chefs de bureau. Il y a encore deux sous-chefs et trois deuxièmes commis ; voilà, je crois, 14 employés qui ont tous des grades comportant dans d’autres départements des traitements assez élevés, et vous sentez bien que ceux qui sont décorés de ces titres, font des rapprochements, qu’ils se comparent aux employés des autres ministères qui sont revêtus des mêmes titres qu’eux et qu’ils trouvent que leurs traitements ne sont pas assez élevés. Cela est tout naturel, mais le défaut, c’est d’avoir décoré de titres aussi pompeux des employés qui peuvent avoir du mérite, mais dont les fonctions ne me paraissent pas indispensables. Je ne crois pas, en effet, qu’il faille trois directeurs, quatre chefs de bureau, etc., alors qu’il n’y a pas de commis dans les bureaux.
Il me semble donc, messieurs, que, puisque nous voulons des économies, c’est bien ici le cas de refuser la majoration qui est demandée. C’est ce que je propose à la chambre, et c’est ce que je voterai.
Je demande le rejet des 8,000 fr. d’augmentation demandée pour la première partie de l’article dont la section centrale propose la division. Quant au crédit de 2,000 fr., qui forme l’objet de la seconde partie de l’article, je le crois utile, et je m’en expliquerai, si l’occasion m’en est fournie.
- L’amendement de M. Fleussu, est appuyé.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Il me semble, messieurs, que jamais allocation ne fut mieux justifiée que celle dont il s’agit en ce moment. L’honorable M. Fleussu dit qu’il est question de fonctions nouvelles, créées par le ministre des affaires étrangères actuel ; c’est là une erreur que je dois relever. Je ne crois pas avoir créé une seule place nouvelle. Je ne viens demander qu’une régularisation de positions qui ont été accordées par mes prédécesseurs, et cette régularisation, je la crois nécessaire, indispensable. Lorsque la section centrale m’a demandé des renseignements sur le chiffre en discussion, je lui ai transmis un tableau synoptique, dans lequel les 8 mille francs demandés semblent plutôt figurer comme traitements accordés à d’anciennes fonctions non rétribuées que comme augmentations pour des traitements insuffisants.
Mais, je vous avoue, messieurs, qu’en présentant cette répartition de l’allocation, je ne me suis pas pour cela cru complètement lié par les chiffres et la disposition de ce tableau, en ce qui concerne les appointements nouveaux et ceux que je me propose d’augmenter. Ce tableau prouve seulement et à l’évidence que la plupart des employés du ministère des affaires étrangères sont beaucoup moins payés que les employés des autres départements, qui ont le titre correspondant ; ainsi les directeurs n’ont que 6,000 fr., tandis que partout ailleurs, ils ont 8,9 et 10,000 fr.
L’honorable M. Fleussu a trouvé que les grades de plusieurs fonctionnaires du département s’accordent peu avec le nombre des employés du ministère ; il me semble, messieurs, que le titre doit être basé bien plus sur l’importance des fonctionnaires que sur le nombre des employés que le titulaire a sous ses ordres.
Et un directeur au ministère des affaires étrangères, ayant à traiter habituellement des questions de la nature la plus délicate et la plus grave doit être placé aussi haut et avoir une importance aussi grande, lorsqu’il a 3 ou 4 employés sous ses ordres que celui qui en a 15 ou 20. Ce titre s’accorde aux services rendus par-dessus tout et avant tout.
Je le répète, messieurs, ce tableau donne la preuve la plus certaine de l’insuffisance des traitements des employés de mon ministère et la nécessité de les augmenter. Ainsi vous y trouverez des sous-chefs de bureau qui n’ont que 1,400 fr. Je ne sache pas que dans aucun autre département ministériel les employés de ce grade soient aussi mal rétribués. Et cependant, messieurs, ces fonctionnaires, payés tout au plus comme de simples expéditionnaires, ont chaque jour entre les mains des papiers de la plus grande importance, et une indiscrétion de leur part pourrait avoir de fâcheux résultats. Refuser cette allocation, ce serait donc laisser en quelque sorte ces fonctionnaires entre les exigences de leurs devoirs et celles de leur intérêt. C’est, messieurs, ce que vous ne ferez pas. Pour ma part, je me serais cru coupable, si j’avais fait se prolonger plus longtemps un état de choses aussi peu digne pour le gouvernement qui les emploie et aussi préjudiciable pour le pays qu’ils servent.
C’est donc à un devoir que je crois obéir, messieurs, en défendant dans cette enceinte cette augmentation de 8,000 francs sur le personnel.
M. de Muelenaere. - Messieurs, l’honorable M. Fleussu ne m’a pas paru s’opposer à ce qu’on améliorât la position de quelques fonctionnaires dont le rang n’est pas convenablement fixé. Mais ce qui a préoccupé l’honorable membre, c’est qu’il a cru voir dans cette augmentation de subside l’intention de créer des positions nouvelles. Je crois que l’honorable M. Fleussu se trompe complètement à cet égard ; je ne crois pas qu’aucune position nouvelle ait été créée, quant au traitement, au département des affaires étrangères par le ministère actuel ; je ne pense pas non plus que l’honorable M. Lebeau ou moi, ayons créé aucune position nouvelle.
Mais, messieurs, il existe depuis plusieurs années au département des affaires étrangères, quelques employés qui n’ont reçu jusqu’ici aucun traitement. Deux de ces fonctionnaires notamment ont reçu successivement les titres de sous-chefs de bureau et de chef de bureau ; ils ont rendu des services importants au département des affaires étrangères ; ils continuent à rendre des services, et les rendent gratuitement depuis trois ou quatre ans. C’est là réellement une position qui ne peut pas durer. Vous sentez, messieurs, que ces fonctionnaires ne peuvent pas rester attachés au département des affaires étrangères, si on ne les rétribue pas d’une manière quelconque. Il faut nécessairement qu’on leur assigne un traitement. Or, je crois que ce département des affaires étrangères ne pourrait pas se passer des services de ces fonctionnaires ; je crois que leur travail est plus ou moins nécessaire, même plus ou moins indispensable ; dès lors, je le répète, il faut leur allouer un traitement quelconque.
M. le ministre des affaires étrangères demande de ce chef une augmentation de 8 mille francs. Je serais assez d’avis avec l’honorable M. Fleussu, qu’il conviendrait de spécifier plus ou moins l’emploi qu’on veut faire de cette somme ; si cette augmentation est destinée en tout ou en partie à rétribuer d’anciens fonctionnaires du département des affaires étrangères qui jusqu’ici n’ont joui d’aucun traitement, je crois qu’il y a justice à donner au gouvernement le moyen de ne plus laisser plus longtemps ces fonctionnaires dans la position où ils se trouvent.
M. de La Coste. - Messieurs, je ne crois pas qu’il ait été dans l’intention de l’honorable M. Fleussu de représenter les rapporteurs réunis en section centrale, comme n’ayant pas fixé leur attention, autant qu’ils l’auraient dû, sur les observations des sections relativement au point dont il s’agit ici.
Messieurs, la plupart des sections avaient demandé que la majoration de 8 mille francs fût justifiée. Les uns avaient fait cette demande purement et simplement ; les autres avaient subordonné leur approbation à cette justification. Ainsi, la tâche de la section centrale était de demander une justification, et M. le ministre des affaires étrangères nous a donné à cet égard des renseignements très étendus, dont une partie, celle qui nous a paru de nature à pouvoir être publiée, figure dans le tableau joint au rapport de la section centrale ; elle a pensé que ce tableau satisferait au désir exprime par les sections. M. le ministre des affaires étrangères nous avait indiqué spécialement et nominalement les emplois qu’il voulait rétribuer et le montant de la somme qu’il voulait attacher à ces emplois. La section centrale a cru qu’il n’était pas dans les intentions de la chambre d’entrer dans un contrôle pour ainsi dire personnel ; il s’agissait uniquement de voir si la somme pétitionnée était nécessaire, et que c’était ensuite une affaire d’administration, de ménage, que d’assigner sa part à chacun des employés à rétribuer.
Je n’ai pas en ce moment sous les yeux l’un des tableaux qui ont été fournis par le département des affaires étrangères, mais je crois ne pas me tromper en disant que les propositions de M. le ministre avaient entièrement pour but d’accorder un traitement à deux ou trois employés qui ont tous été nommés par l’honorable M. Lebeau, lorsqu’il était ministre des affaires étrangères, mais auxquels il n’a pu assigner de traitement, parce que les crédits dont il pouvait disposer n’étaient pas suffisants ; depuis ce temps ces employés ont acquis de nouveaux titres par le zèle avec lequel ils ont rempli leurs fonctions, et l’on ne peut, en vérité, exiger qu’ils exercent leurs fonctions gratuitement.
Messieurs, à défaut du tableau des traitements que M. le ministre des affaires étrangères se propose d’accorder, j’ai devant moi la liste des employés auxquels ces traitements seront attribués. La chambre me permettra sans doute de ne pas citer des noms propres ; je dirai seulement que dans le nombre, il en est d’abord quatre qui ont été nommés sur la fin de 1840 et un à une époque plus ancienne encore.
C’est à assigner des traitements à quelques-uns d’entre eux que l’augmentation de 8,000 fr. serait consacrée en premier lieu.
Un autre objet de l’allocation serait de rétribuer des expéditionnaires qui n’ont rien maintenant. Or, je crois que ce qu’a dit M. le ministre des affaires étrangères, à cet égard, est très fondé, et que réellement on ne peut pas laisser la correspondance délicate que nécessitent les relations étrangères, aux mains d’employés qu’aucun intérêt direct n’attache à leurs fonctions.
C’est ce qui a été dit déjà dans le rapport de la section centrale ; et elle a cru que, par ces renseignements, il était suffisamment satisfait au désir qui avait été manifesté par les sections.
M. Fleussu. - Messieurs, je tiens à ce que les paroles que j’ai dites relativement aux rapporteurs des sections, ne soient pas mal interprétées ; j’ai dit que ces messieurs étaient toujours chargés de demander à la section centrale toutes les réductions possibles ; mais qu’ensuite leur rôle était assez singulier, lorsque à la chambre tous les chiffres demandés par le ministre obtenaient l’assentiment de la majorité ; voilà ce que j’ai voulu dire il a été loin de ma pensée de faire entendre que messieurs les rapporteurs auraient manqué à leur mandat et n’auraient pas réclamé toutes les rétributions qui avaient été demandées par leurs sections respectives.
Messieurs, il n’est pas dans mes habitudes de demander des réductions sur les traitements des employés en général, je crois qu’il est d’une bonne administration de bien rétribuer les employés, mais je crois en même temps qu’il convient d’en restreindre le nombre, pour pouvoir les rétribuer convenablement.
Messieurs, ce qui m’avait particulièrement frappé dans la majoration qui nous est demandée, c’est qu’elle était toute nouvelle ; et je suis singulièrement étonné d’apprendre que les employés, dont il s’agit en ce moment, soient nommés depuis deux ou trois ans sans toucher un traitement ; il est étonnant qu’on n’ait pétitionné aucune somme en leur faveur dans les budgets antérieurs.
Messieurs, j’ai fait un rapprochement entre le budget de 1832 et celui de 1843, alors que vous aviez tous les embarras diplomatiques sur les bras, alors que nous avions à traiter avec la diète pour la question du Luxembourg, ainsi que pour l’affaire de l’arrestation de MM. Thorne et Hanno ; alors que nous avions à traiter avec la conférence de Londres, je conçois qu’il fallait alors au département des affaires étrangères des hommes éclairés, capables, discrets, qui pussent aider le ministre dans la complication de nos affaires étrangères. Mais maintenant que tous ces embarras n’existent plus et que probablement nos démêlés diplomatiques avec la Hollande vont avoir une fin, je demande pourquoi il faut renforcer le ministère des affaires étrangères. Savez-vous, messieurs, quel chiffre était pétitionné au budget de 1832 pour le personnel de ce ministère ? 14,300 fl., 32,000 fr. Eh bien, c’est précisément le double de cette somme qu’on demande aujourd’hui. Et savez-vous, messieurs, comment on est arrivé à doubler cette somme ? C’est que d’année en année, on demande 4, 6 au 8,000 fr. de plus. C’est ainsi qu’à l’aide de ces petites majorations successives on parvient à avoir un chiffre très considérable. Mais, messieurs, il faut s’arrêter un jour, car c’est la dernière goutte qui fait déborder le vase.
Je persiste donc dans la demande que j’ai faite.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Messieurs, que l’honorable M. Fleussu me permettre de le lui dire, je ne trouve pas son rapprochement très exact. Il a comparé les dépenses du budget des affaires étrangères en 1832 à celles que l’on propose au budget de 1843 pour le même département. Mais, messieurs, la Belgique en 1832 n’avait encore ni légations extraordinaires, ni consulats, à peine était-elle reconnue. Tout était encore à faire, aucune relation n’était établie ; nous étions à la vérité représentés à Paris et à Londres, mais des légations belges en Prusse, en Autriche, à Rome et ailleurs n’existaient pas encore et nous ne pouvions songer à en établir. En outre tous nos consulats étaient à créer. Par conséquent de ce côté encore aucune correspondance ne passait dans les bureaux, aucune question de commerce et de comptabilité n’y était traitée. Depuis lors près de 200 consuls ont été créés, des consulats rétribués ont été établis. Nos relations diplomatiques se sont étendues et des traites de commerce importants ont été élaborés et s’élaborent encore dans ce département. Si ces considérations ne suffisaient pas pour faire reconnaître la différence de ces deux époques et l’insuffisance de somme allouée alors aux affaires étrangères, je pourrais rappeler ici le langage que tenait en 1832 même un ancien membre gouvernement, M. Ch. de Brouckere, qui alors n’était plus ministre, mais qui parlait comme représentant.
C’est ainsi qu’il s’exprimait à la séance du 21 mai 1832 :
« J’ai la conviction que si l’on ne peut faire de réduction considérable sur ce département en ce qui touche l’administration intérieure, on le peut encore moins en ce qui concerne le service extérieur. »
Savez-vous ce que coûtait ce département ?
En Hollande, le personnel seul coûtait 76 mille florins, ce qui est bien différent de ce qu’il coûte à présent.
L’honorable M. Fleussu a dit, je suis de son avis, qu’il valait mieux avoir moins d’employés et les rétribuer convenablement, que d’en étendre le nombre et de diminuer les appointements. Sa manière de voir est la mienne. C’est parce qu’elle est telle que je demande une augmentation, non en vue de créer des positions nouvelles, mais seulement de rétribuer convenablement des fonctionnaires utiles et payer des services qui depuis trois années ont été méconnus.
M. de Theux. - J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à un honorable préopinant. Vous aurez remarqué, quant à la date des nominations, par les explications très positives qui vous ont été données, qu’elles ont eu lieu vers la fin de 1840, sous le ministère de M. Lebeau ; mais peu importe, la question est de savoir si les employés dont il s’agit sont nécessaires ou ne le sont pas. S’ils sont nécessaires, il faut allouer les fonds pour que le service marche ; car on ne peut pas exiger que des employés remplissent leurs fonctions gratuitement. Voilà le seul point sur lequel je voulais appeler l’attention de la chambre.
Je répondrai cependant à l’observation de M. Fleussu, qu’il faut choisir des employés intelligents et les bien payer ; je lui dirai que cela ne dispense pas d’avoir le nombre d’employés nécessaires. Vous aurez beau élever le traitement des employés supérieurs, ils auront toujours besoin de subordonnés, d’expéditionnaires. Plus les employés supérieurs auront d’intelligence, moins ils s’occuperont de détails qu’ils doivent remettre à leurs inférieurs. Il faut donc se tenir en garde contre cette pensée exclusive de bien rétribuer les employés capables et d’en avoir peu. Car vous commenceriez par faire à des employés une position magnifique et ensuite on vous demanderait des appointements pour des employés inférieurs, Ceci est incontestable, parce que le travail d’employé inférieur doit être fait aussi bien que celui d’employé supérieur. Les positions doivent être occupées par des personnes en état de remplir leur emploi inférieur ou supérieur.
M. Devaux. - M. le ministre des affaires étrangères ne répond pas la demande qu’on lui a faite. On lui a demandé de spécifier les traitements auxquels il emploiera l’augmentation qu’il réclame. Je suis très disposé à subvenir aux besoins du département des affaires étrangères ; mais si la chambre vote l’augmentation et qu’elle ne reçoive pas la destination qu’on suppose, l’année prochaine on vous demandera encore une augmentation pour combler la lacune qu’on signale, pour payer ceux qui aujourd’hui ne jouissent d’aucun traitement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Je crois avoir répondu à la demande de M. Devaux en disant que je n’avais l’intention de créer aucune position nouvelle, mais seulement de régulariser les positions qui ne le sont pas, quant à présent. Il me semblait que le reste était plutôt une affaire d’administration qu’une chose sur laquelle la chambre dût fixer son attention. Toutefois, puisqu’il le désire, je pourrai spécifier l’emploi que je me propose de faire d’une partie de l’augmentation que je demande. La plupart des expéditionnaires ne sont pas rétribués, et il en résulte que les écritures n’ont pas la correction qu’on pourrait désirer. Trois mille francs seront probablement employés de ce chef. Environ trois mille francs formeront encore le traitement d’un chef de bureau qui jusqu’à ce moment n’a reçu aucun émolument. Les deux autres mille francs seront répartis pour mettre les traitements des sous-chefs de bureaux et des premiers et seconds commis en harmonie avec ceux des employés de grades similaires des autres départements.
- Le chiffre de 62 mille francs est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Frais de commission d’examen : fr. 2,000 »
« Art. 5. Pensions à accorder à des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 2,000 »
« Art. 6. Matériel : fr. 32,000 »
« Art. 7. Achat de décorations de l’Ordre Léopold : fr. 10,000 »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
M. le président. - A ce chapitre, M. Osy propose plusieurs amendements qui viendront au fur et à mesure que les articles seront mis en discussion.
Il propose de réduire le chiffre de l’art. 1er, Autriche, à 15,000 francs au lieu de 40.
M. Osy. - Si je ne me trompe, le premier titulaire de la légation de Vienne était un chargé d’affaires, pourquoi l’a-t-on remplacé par un ministre plénipotentiaire. ce qui a augmenté la dépense de 25,000 fr. ? Sur cet article seul je propose une réduction de 25,000 fr. Hier, M. le ministre a dit qu’un chargé d’affaires ne peut pas traiter directement avec un souverain. Comment se fait-il que M. Rogier a pu traiter à Paris les affaires les plus graves ? Je crois que cet exemple seul doit vous engager à réduire le titre et le chiffre de l’allocation à donner pour la légation d’Autriche.
M. le ministre a dit également qu’on ne pouvait pas faire autrement que de donner le titre d’ambassadeur à la personne qui a été envoyée à Paris, parce que déjà elle avait été revêtue de ce titre. Je ferai remarquer que nous avons en Belgique un des doyens de la diplomatie européenne, un homme d’un mérite reconnu par tout le monde, qui a été revêtu des plus hautes fonctions et qui s’est contenté du titre de ministre plénipotentiaire. On aurait dû suivre cet exemple.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - J’ai demandé la parole pour répondre à ce que vient de dire l’honorable membre relativement à un diplomate étranger dont le mérite est apprécié partout. Cette explication est bien simple. Ce diplomate s’est contenté, par des raisons particulières, du titre qui lui était proposé en Belgique, La même proposition n’a pas été faite à notre ambassadeur à Paris et ne pouvait, je l’ai dit, honorablement lui être faite, à moins que l’on n’ait été à peu près certain de son acquiescement. On ne propose à personne de descendre avant de savoir s’il y consent. Je le suppose.
M. Osy vient de nous entretenir pour la seconde fois de la position de notre chargé d’affaires à Paris pendant l’intérim qui a eu lieu, et il croit que le ministre aura de la peine à expliquer comment il se fait que ce diplomate ait été chargé de suivre des négociations aussi importantes que celles qui y ont été traitées, sans qu’on ait songé à le remplacer par un ministre plénipotentiaire. L’honorable membre ne se rappelle pas sans doute que la correspondance de Paris nous arrive en 18 heures et qu’en 40 heures, le ministre des affaires étrangères peut répondre directement en quelque sorte aux difficultés présentées par le ministre français. A cette considération dont la chambre appréciera la valeur, j’ajouterai que d’autres personnes ont été chargées de défendre les intérêts belges concurremment avec notre chargé d’affaires toutes les fois que ces intérêts pouvaient le requérir. Dès que les négociations dont elles avaient posé les bases ou suivi les progrès ont produit un résultat qui permît d’y introduire ce que j’appellerai un élément nouveau, le gouvernement a pensé à remplir ce poste et l’a ensuite définitivement constitué.
M. Lys. - L’amendement présenté par l’honorable M. Osy, auquel je m’associe, a été accompagne d’explications que je considère comme très importantes dans l’intérêt du pays.
La Belgique est, en effet, représentée à grands frais près de quelques grandes puissances : est-il bien nécessaire qu’un Etat aussi peu étendu que le nôtre entretienne des diplomates au premier rang près de gouvernements étrangers ? Je ne le pense pas, messieurs. Aussi, dès 1839, je vous exprimai le désir, en vue de faire des économies, de voir remplacer nos ambassadeurs par des simples chargés d’affaires, parce que nos relations extérieures étant, pour ainsi dire, purement commerciales, elles devaient être dirigées vers ce seul but : protection du commerce et de l’industrie.
La Belgique est, depuis le traité de paix, sans action dans la politique internationale. La neutralité du royaume a été proclamée et inscrite dans les traités qui ont reconnu la nationalité de la Belgique. Nous sommes donc nécessairement en dehors du cercle de la direction à imprimer aux relations et aux transactions entre les grandes puissances ; dès lors le rôle de nos représentants près des cours étrangères se trouve singulièrement restreint : nous n’avons à traiter avec les nations étrangères et nous ne pouvons traiter avec elles que des questions de douanes, que des questions commerciales. Or, pour négocier des traités de commerce, pour négocier l’abaissement des droits frappés par les tarifs des douanes étrangères sur nos produits, nous n’avons pas besoin de diplomates du premier rang, il suffit d’avoir des chargés d’affaires : une puissance secondaire comme la Belgique, dont le cercle d’action est borné, ne doit pas chercher à imiter les grandes puissances dans le luxe des ambassades ou des missions à l’étranger.
Si nos finances étaient prospères, si les coffres de l’Etat étaient bien remplis, je concevrais que l’on ne mît dans cette branche du service public, aucune économie, aucune parcimonie, mais il n’en est pas ainsi ; le peuple est accable d’impôts ; nous sommes forcés de voter des augmentations dans les charges publiques, pour subvenir aux nécessités du moment ; il est, par conséquent, de notre devoir d’apporter, dans le règlement de nos dépenses, toutes les économies qu’il est possible d’effectuer, sans nuire à la régularité du service et au bien-être du pays. Or, ne vous paraît-il pas, messieurs, que le service de la diplomatie serait généralement fait tout aussi convenablement par des agents d’un rang peu élevé, que par des ministres plénipotentiaires ? Si ce service peut être fait à moins de frais qu’aujourd’hui, il faut, messieurs, que le gouvernement se résigne à introduire des économies dans cette partie de l’administration générale de l’Etat. Il est de notre devoir de réduire les dépenses et de les mettre en proportion avec les revenus ; de calculer de telle manière les dépenses générales, que le pays, les contribuables, ne soient pas écrasés par de nouveaux impôts.
Jusqu’à ce jour, quel fruit le pays a-t-il retiré des missions entretenues prés des gouvernements étrangers ? Je ne veux pas mettre en doute, ni la capacité ni le zèle de nos représentants, mais enfin les faits sont là. Jusqu’à présent la Belgique, bien que reconnue comme nation indépendante, n’a rien obtenu de ses voisins, bien qu’elle leur ait fait toutes les concessions qu’ils ont demandées, et l’honorable M. Osy vous l’a démontré hier, c’est pendant la vacature de l’ambassade, que les objets les plus importants ont été traités à Paris. Le poste de ministre plénipotentiaire près la diète germanique est vacant depuis dix-huit mois, et, de l’aveu de M. le ministre des affaires étrangères, il a suffi pour combler cette lacune, de charger notre ministre à Berlin d’assister aux conférences de Stuttgart.
Vous devez admettre qu’il en est ainsi, messieurs, sinon nous aurions à reprocher au ministère l’oubli de ses devoirs.
Il y a donc des missions qui sont susceptibles d’être simplifiées, et notamment celle près la cour de Rome.
La constitution ayant séparé l’autorité spirituelle du pouvoir civil, le gouvernement ne peut intervenir eu rien dans la nomination des évêques.
Je répéterai donc, ce que vous disait l’honorable M. Dumortier en 1839 : un ministre plénipotentiaire à Rome est tout à fait inutile, et, à mon avis, un simple chargé d’affaires est plus que suffisant.
Qu’on ne nous dise point, messieurs, qu’il ne faut pas mettre chaque année en doute la position de nos diplomates, car c’est là un raisonnement tout usé ; il en est de même de ce que nous disait hier M. le ministre des affaites étrangères, sur la nécessité d’envoyés d’un rang supérieur, afin de faire respecter le pays, de le faire apprécier à sa valeur ; on pouvait se servir de pareils motifs en 1831. Mais à présent ils sont surannés, les ministres des puissances près la cour de Bruxelles ne laissent pas leurs cabinets sans rapports à cet égard, et ils ont nécessairement plus de poids que ceux de la partie intéressée.
Les douanes serrent de tous côtés la Belgique ; notre industrie étouffe faute d’espace, nos manufactures ne peuvent écouler leurs produits, parce qu’elles ne jouissent pas exclusivement du marché intérieur ; de là des souffrances, de là du malaise dans les classes inférieures. Il n’y a d’autres moyens de parer à ces maux que de chercher des débouchés aux produits de notre industrie. Pour arriver à ce résultat, pour aider d’une manière efficace les efforts de nos diplomates, il faut frapper les produits étrangers, il faut repousser de notre marché tous les articles venant des pays où l’on repousse les nôtres, soit par une exclusion totale, soit par des droits supérieurs équivalant à ceux dont sont frappés chez ces nations nos produits similaires.
En matière de commerce et de douanes, les représailles sont indispensables. On obtient fort peu de chose de ses voisins, lorsque les réclamations ne sont pas appuyées par des mesures énergiques, frappant au cœur les industries étrangères ; il faut prouver que notre indépendance n’est pas un vain mot, que la Belgique n’est pas exploitable au gré de nos voisin, si puissants qu’ils soient.
Nous avons au midi pour voisin, la France ; au nord, nous avons l’Allemagne ; il eût été à désirer que l’on pût conclure un traité de commerce avec la France ; mais il est à craindre que le temps ne soit encore éloigné, où l’on puisse espérer la réalisation d’un traité de commerce avec cette puissance ; il y a encore trop de préjuges à détruire chez les industriels français, pour que l’on puisse conclure immédiatement une union avec ce pays. Les intérêts privés sont sans doute alarmés sans aucun fondement, mais il n’est pas moins vrai que les craintes chimériques et mal fondées formeront, au moins maintenant, un obstacle qui fera ajourner à un avenir, peut-être assez éloigné, la conclusion d’un traité. Il ne faut donc pas se bercer de l’espoir d’un traité immédiat avec la France, il faut, au contraire, agir comme si le traité ne devait jamais avoir lieu, c’est le moyen le plus sûr de ne pas être exposé à des déceptions.
Pardonnez-moi, messieurs, cette espèce de digression, j’y ai été amené par la réponse faite hier à mon honorable ami, M. David par M. le ministre de l’intérieur. Il semblerait, messieurs, que ce soit pour la première fois que nous réclamons des augmentations de droits sur les tissus de laine, et déjà depuis près de trois ans, le ministère est nanti de la réclamation de la chambre de commerce et des fabriques de Verviers, à ce sujet. Cette réclamation a été renouvelée ; elle a été appuyée par un rapport de votre commission permanente d’industrie ; nous n’avons cessé de lui prêter notre appui dans cette enceinte, en sollicitant le ministère de faire droit à une aussi juste demande, et cependant, messieurs, le projet de loi à vous présenté, sur les droits d’entrée, ne donne nulle satisfaction à cette réclamation fondée. Le ministère n’ignore donc pas la position de nos fabricants ; et il restera pour constant, qu’il ne sait faire que des concessions à nos voisins, sans s’émouvoir des justes plaintes du commerce intérieur.
La réponse de M. le ministre de l'intérieur est tout à fait évasive. Le gouvernement, dit-il, doit examiner jusqu’à quel point le moment est venu de proposer à la législature une révision générale du tarif ; mais pourquoi la révision peut-elle se faire lorsqu’il s’agit des fers, lorsqu’il s’agit des tabacs, et pourquoi ne peut-elle se faire lorsqu’il s’agit des tissus de laine ? Voilà sur quoi je trouve la réponse du ministre tout à fait évasive.
Et, en effet, messieurs, n’avons-nous pas vu ce ministère accorder à l’Allemagne, tout à fait gratuitement, la remise accordée à la France pour ses vins ?
Avons-nous, de la part du ministère des affaires étrangères, le plus petit rapport sur l’état des négociations avec l’Allemagne ? Le pays reçoit-il la moindre preuve que ses intérêts ne sont pas négligés ? M. le ministre des affaires étrangères voudrait-il bien nous dire quel est le résultat des conférences de Stuttgart ?
Nous verrions sans doute avec plaisir que nous avons obtenu quelque chose par ces avances faites tout à fait gratuitement ; mais je crains bien qu’on accepte toujours et qu’on ne nous rende jamais.
Je déclare donc que, sans des modifications essentielles dans l’organisation de notre diplomatie, sans des explications sur l’état des négociations commerciales, le budget n’aura pas mon assentiment.
(Moniteur belge n°346, du 12 décembre 1842) M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Dans mon opinion, messieurs, où il ne faut pas de ministres plénipotentiaires en Belgique, ou il en faut dans tous les centres importants de la politique européenne. Ces centres sont Paris, Londres, Berlin, Vienne et Rome.
Des ministres, dans ces capitales, se font en quelque sorte un appui l’un à l’autre, leurs rapports s’expliquent, se contrôlent les uns par les autres, et le gouvernement auquel ils parviennent, peut asseoir une opinion fondée sur les affaires européennes, et déterminer le système qui lui convient d’après une base solide. Ceci est tellement vrai, messieurs, et tellement senti, que la plupart des nations de l’Europe, même celles de troisième ordre, même celles auxquelles le peu de ressources du pays et leur position géographique pourraient faire désirer de se soustraire à cette nécessité, ont conservé dans ces capitales des ministres plénipotentiaires. Je citerai entre autres les Pays-Bas, la Saxe et la Sardaigne.
Et en effet, messieurs, qui ne comprend qu’il y aurait presque toujours moins d’inconvénients pour la direction des affaires, à ne rien connaître des événements qui se préparent et des négociations qui se poursuivent, qu’à ne les apprendre que par une seule voie et à recevoir ainsi des rapports écrits sous des préoccupations souvent exclusives. En agir de la sorte, serait s’exposer à de graves mécomptes et à de singulières illusions dans l’appréciation des affaires politiques. Je le répète, mieux vaudrait n’avoir pas de diplomatie que d’en conserver une aussi trompeuse, aussi mutilée.
Si ce point m’est accordé, et j’espère que la chambre reconnaîtra la justesse de mes observations, l’existence de la légation de Vienne et de celle de Rome ne seront plus mises en doute ; de Vienne qui, dans tous les événements européens qui se sont succédé depuis un quart de siècle, a pris une part si large, si influente, si modératrice ; de Rome dont l’importance politique est si généralement reconnue, que des puissances de second ordre, que des peuples protestants s’astreignent à entretenir des légations coûteuses dans ce centre de la catholicité. Ce que les Pays-Bas et le Hanovre ne craignent pas de faire, la Belgique catholique pourrait-elle le négliger ? Il y a une autre considération à ajouter à celle que je viens de faire valoir, celle-ci est tirée de notre constitution même. L’indépendance absolue du clergé a été consacrée par elle, et sa liberté d’action, on peut le dire, est tellement complète, que le rappel du seul agent du gouvernement qui puisse être de quelque poids près du cabinet romain, entraînant nécessairement celui du seul envoyé apostolique qui ait, à Bruxelles, caractère suffisant pour conserver une influence indispensable, il s’ensuivrait que le gouvernement et le clergé n’ayant plus aucun rapport, aucun point de contact, chacun d’eux pourrait suivre isolément une ligne parallèle, et créer ainsi un état de chose dent les conséquences ne seraient pas sans danger. Une légation à Rome est donc indispensable.
A ces capitales, dont je viens de vous entretenir, j’aurai dû joindre Francfort. A Berlin, notre plénipotentiaire connaîtra et nous fera connaître la Prusse ; à Vienne, l’Autriche ; mais c’est à Francfort surtout que nous pouvons connaître l’Allemagne, nous rendre compte des relations mutuelles des peuples qui l’habitent, du degré influence qu’ils exercent les uns sur les autres, et saisir, en quelque sorte, la nationalité allemande dans son centre. Francfort doit être pour la Belgique un point d’observation dont la proximité augmente encore l’importance.
Je sais bien que l’on a déjà dit et que l’on pourra dire encore que s’il en est ainsi, on aurait dû depuis longtemps pouvoir à ce poste ; à cela je répondrai, au risque d’être contredit par l’honorable baron Osy, que dans ces derniers temps, la diète germanique a éprouvé, soit par décès, soit par changement de destination, des pertes assez graves, dont les unes n’ont point encore été réparées, et dont les autres l’ont été si tardivement que la présence du président lui-même n’y a point toujours été jugée nécessaire.
Je ne descendrai pas à justifier le cabinet de toutes les intentions qu’on lui a prêtées, et de tous les bruits qu’on a été recueillir à je ne sais quelle source. Les relever serait y attacher plus d’importance qu’ils ne méritent, et dans peu de jours, les termes de l’arrêté royal aussi bien que le nom du titulaire, auront prouvé suffisamment jusqu’à quel point ils sont fondés. (Moniteur belge n°347, du 13 décembre 1842 : « Par arrêté en date du 10 de ce mois, le prince Joseph de Chimay, ancien ministre plénipotentiaire à La Haye, a été nommé à Francfort en cette même qualité. »)
Maintenant, messieurs, permettez-moi une remarque d’une autre nature.
Plus d’une fois, et l’année passée encore, vous avez recommandé au gouvernement de ne choisir, pour représenter la Belgique à l’étranger, que des hommes dont la Belgique pût être pleinement satisfaite : Ces conseils, messieurs, inspirés par votre patriotisme, ont été compris et je ne crois pas m’en être écarté, mais je demande à la chambre, si chaque année, l’existence de la diplomatie, la carrière de fonctionnaires, dont quelques-uns ont rendus de grands services au pays, doivent être remis en question, si aucun d’eux ne peut se dire qu’il conservera demain le poste dont on l’a jugé digne, et se croit à chaque instant sous le coup d’une destitution financière ; si nos chargés d’affaires savent qu’ils n’ont plus rien à espérer au-delà de ce qu’ils ont, si même à nos attachés de légations ne peuvent prétendre, après les examens qu’ils doivent subir, qu’une position perpétuellement contestée, pensez-vous que ce zèle dont ils ne se sont point départis, ne viendra pas à s’affaiblir ; pensez-vous qu’au milieu des préoccupations de l’existence que vous leur aurez faite, ils puissent s’acquitter avec la même persévérance, la même liberté d’esprit, la même considération, des fonctions que l’on aura bien voulu leur laisser.
Le dernier employé est au moins à peu près certain que, s’il se conduit bien, on ne lui enlèvera pas le pain qu’il a mérité ; et celui qui représente le Roi à l’étranger ne serait pas même sûr de son lendemain.
(Moniteur belge n°345, du 11 décembre 1842) M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, l’honorable M. Osy, dans un système d’économie fort louable, propose de notables réductions sur le chapitre des légations. Nous sentons tous le besoin des économies, et je suis, quant à moi, très disposé à adopter ce système ; mais encore faut-il que les économies ne soient introduites que dans les services qui en sont susceptibles et sans faire tort au pays. Eh bien, je dis qu’on ne peut adopter le système de M. Osy, dans cette circonstance, réduire les traitements de nos agents diplomatiques sans faire tort aux intérêts du pays.
La Belgique est admise, depuis peu d’années, dans la grande famille européenne ; son intérêt est d’y prendre le rang qui lui appartient ; il lui importe de conserver la considération qu’elle a acquise, et de ne pas marcher à la queue du corps diplomatique dans les cours européennes.
Car il est bien à remarquer que la considération du pays à l’étranger dans les contrées lointaines se règle généralement par la considération dont jouissent nos agents diplomatiques et que leur considération est en raison du rang qu’ils occupent dans les cours étrangères.
D’ailleurs, le rang auquel l’honorable auteur de l’amendement voudrait faire descendre plusieurs de nos agents diplomatiques, ne leur permettrait plus d’approcher le souverain, comme le faisait remarquer hier M. le ministre, ce qui est d’une importance très grande, surtout dans les Etats où le régime constitutionnel n’est pas introduit.
Nous avons voulu notre indépendance, et nous avons bien fait de la vouloir, mais aussi faut-il savoir en supporter les charges indispensables ; et je n’hésite pas à dire que les fonds que le gouvernement nous demande pour représenter le pays à l’étranger sont indispensables ; ils sont indispensables, car les Etats du même rang que le nôtre nous dépassent dans leurs dépenses pour cet objet important. Notre diplomatie est, d’ailleurs, loin d’avoir été une charge si onéreuse ; n’avons-nous pas vu deux chefs de nos anciennes familles aller représenter honorablement le pays sans aucun frais pour le trésor public, l’un au couronnement de l’empereur, à Milan, l’autre au couronnement de la reine, en Angleterre ?
L’honorable M. Osy voudrait que le représentant du pays près la cour de Rome ne fût plus qu’un chargé d’affaires ; on se fondé sur ce que le gouvernement belge a peu d’intérêts à débattre avec le gouvernement pontifical depuis 1830. Mais il faut se rappeler que la cour de Rome jouit encore d’une immense influence dans le monde, que Rome est un centre politique d’une grande importance ; et cela est si vrai, que plusieurs Etats y entretiennent des agents diplomatiques de premier rang. Je pense, d’ailleurs, que la considération que nous accordons à la légation de Rome est un hommage convenable rendu aux croyances de la grande majorité du pays.
Je voterai donc pour le maintien des allocations qui nous sont proposées.
M. de Theux. - Je ne viens en aucune manière appuyer le chiffre proposé par le gouvernement, car je pense que les amendements proposés par l’honorable M. Osy n’ont aucune chance de succès, attendu que le chiffre porté au budget a été adopté par les deux chambres après une discussion approfondie au moment de la création des légations dont il s’agit. Je ne pense pas que la chambre ait perdu le souvenir de ces discussions et qu’il soit besoin de lui rappeler les raisons qu’on a fait valoir.
Je me bornerai à rappeler, en réponse à ce qu’a dit M. Lys, que le droit sur les draps en 1838 a été établi conformément au vœu de la chambre de commerce de Verviers. Toutefois, je pense que des circonstances nouvelles peuvent justifier une majoration de droit. Quand la chambre sera saisie d’une proposition à cet égard, nous l’examinerons à fond, mais je prie de ne pas perdre de vue que les droits établis en 1838, la chambre de commerce de Verviers s’en était contentée alors.
M. Verhaegen. - Tout le monde est d’accord qu’il faut faire des économies pour combler le déficit, et nous aurions tort, nous qui voulons sérieusement arriver à ce but, de ne pas appuyer l’amendement de M. Osy. Nous ne répéterons pas tout ce qui a été si bien dit par l’honorable préopinant, nous nous bornerons à répondre quelques mots à M. le ministre des affaires étrangères relativement au poste diplomatique de Francfort. L’honorable M. Osy a dénoncé un fait grave, sur lequel MM. les ministres ont jugé à propos de garder le silence. Il importe au ministère, il importe au pays qu’il soit donné, à cet égard, une réponse catégorique.
L’honorable M. Osy pense, d’après les renseignements qu’il a reçus, que le poste de Francfort n’est resté ouvert que dans l’intérêt d’un membre du cabinet et pour me servir de son expression, pour conserver une pomme pour la soif ; l’honorable membre a ajouté et c’est surtout ce qui a fixé mon attention, qu’il était certain que ce poste avait été offert à deux personnes mais provisoirement jusqu’aux élections de juin ; on comprend pourquoi jusqu’aux élections de juin. (On rit).
Voilà un fait grave ; voilà, si je puis m’exprimer comme il convient de le faire, une accusation contre le ministère ou plutôt contre le membre le plus influent du cabinet ; cette accusation est restée sans réponse. Hier, on a gardé le silence, et aujourd’hui, dans son discours écrit, M. le ministre des affaires étrangères nous a dit qu’il ne répondrait pas aux bruits divers qui s’étaient fait jour au sujet de la légation de Francfort, qu’un arrêté royal ferait bientôt cesser ces bruits et que dans quelques jours on connaîtrait le nom du titulaire. Mais oublie-t-il qu’en ce moment il nous demande pour cette légation 40,000 francs ; et que quand il s’agit de voter 40,000 francs, nous avons le droit de savoir pourquoi et à quel usage nous les votons ?
L’honorable M. Osy, dans son discours d’hier, s’exprimait ainsi :
« Si, pendant dix-huit mois, vous avez été contents du chargé d’affaires, ne nommez pas de ministre. Si vous trouvez qu’il est convenable d’en nommer un, nommez-le immédiatement, et ne dites pas au pays que vous ne trouvez personne convenable pour occuper une place que vous gardez pour vous ou vos amis. »
Et dans une autre partie de son discours, il disait :
« Si vous voulez y nommer quelqu’un, nommez-le d’une manière définitive ; car personne ne voudra aller là provisoirement. Je dirai ici toute ma pensée, c’est une pomme qu’on garde pour la soif. Notre devoir ici est de tout dire. Je dis franchement ma pensée. »
Maintenant M. le ministre des affaires étrangères nous dit (et il ne juge pas à propos de combattre autrement l’accusation de l’honorable M. Osy) que dans quelques jours un arrêté royal fera cesser ces bruits, et fera connaître le nom du titulaire. Mais trouvera-t-il quelqu’un qui acceptera des conditions que d’autres n’ont pas voulu accepter ? Faudra-t-il donc nommer un ministre plénipotentiaire provisoirement jusqu’aux élections de juin 1843 ? C’est dans ce sens qu’a été dénoncé le fait ; car l’honorable M. Osy nous a dit, si je ne me trompe, que les offres ont été faites en ce sens que la mission prendrait fin en juin 1843.
M. Osy. - Je n’ai pas fixé de terme.
M. Verhaegen. - Mais enfin, on ne peut le comprendre autrement. Provisoirement, c’est évidemment jusqu’au moment où le cabinet sera obligé de se retirer.
Maintenant il s’agit de savoir ce que le ministère répond à ce fait articulé par l’honorable M. Osy. Ce ne sont pas de simples bruits. Il paraît qu’au besoin on pourra citer la personne ou plutôt les deux personnes à qui ces offres ont été faites.
Rentrant dans la question du budget, nous dirons que si la position est telle qu’il ne faille pas nommer définitivement, et qu’on puisse se borner à une nomination provisoire, on pourra faire avec un chargé d’affaires ce qu’on ferait avec un ministre plénipotentiaire. Dans ce cas, c’est une raison de plus pour appuyer, quant au fond, l’amendement de l’honorable M. Osy.
Je demande donc à M. le ministre des affaires étrangères qu’il s’explique catégoriquement sur le fait articulé par l’honorable M. Osy. Est-il vrai, oui ou non, que le poste de Francfort ait été offert à deux personnes, mais à condition que la nomination ne fût que provisoire ? D’après les formes que M. le ministre des affaires étrangères apporte ordinairement dans les discussions (ce qui le distingue de son collègue de la justice), j’espère qu’il ne me dira pas que « quand il voudra bien me faire l’honneur de me répondre, il me donnera plus tard des explications. » J’ose croire qu’il me donnera une réponse de suite. Dans tous les cas il la doit au pays ; car le pays qui paye a le droit de savoir ce qu’on fait de son argent.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Je ne reconnais pas à l’honorable M. Verhaegen le droit de m’interpeller sur ce point. Cependant je veux bien lui répondre que le ministre des affaires étrangères n’a pas eu à essuyer de refus de la part de deux personnes au sujet de propositions qu’il ne leur a pas faites. Je crois que les expressions dont je me suis servi pouvaient, à cet égard, servir de réponse catégorique. J’ai dit, et je répète, que les termes de l’arrêté royal qui paraîtra bientôt, ainsi que le nom du titulaire seraient une réponse suffisante à tous les bruits qu’on a pu répandre.
M. Verhaegen. - Je dois le dire, la réponse n’est pas satisfaisante. M. le ministre des affaires étrangères dit que lui n’a pas fait d’offres à deux personnes différentes ; n’aurait-il donc fait d’offres qu’à une seule personne ou peut-être un autre membre du cabinet les aurait-il faites en son nom, à une ou à deux personnes ? La réponse est un peu jésuitique.
Quoi qu’il en soit, d’après des renseignements certains, des offres ont été faites à deux personnes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’étais bien décidé à garder le silence. Cependant l’interpellation devient tellement directe et personnelle, que je crois devoir répondre. Je demande pardon à la chambre de devoir l’entretenir un instant de moi-même ; mais j’y suis forcé.
Quand je suis entré, en avril 1841, au ministère de l’intérieur, j’ai très bien compris que je devais renoncer au poste de Francfort ; j’ai remis mes lettres de rappel à la diète germanique. De cette manière je me suis séparé de la mission dont j’étais chargé à l’étranger.
Il est fâcheux, il est très fâcheux que le poste de Francfort ne soit pas rempli. Si ce poste n’a pas été rempli jusqu’ici, cela tient à des circonstances diverses dans lesquelles mon intérêt n’est entré pour rien. J’avais prouvé de la manière la plus évidente que je me séparais de la légation de Francfort, en remettant mes lettres de rappel. Si j’avais voulu laisser la question en suspens quant à moi, je n’aurais pas remis mes lettres de rappel à la diète germanique. (Interruption.) J’ignore si l’honorable M. Verhaegen connaît la valeur de cette formalité ; mais ceux qui la connaissent savent que le titulaire qui remet des lettres de rappel se sépare définitivement de la mission dont il est chargé.
Il est impossible de rendre compte à la chambre des circonstances diverses et qui ont mis le gouvernement dans l’impossibilité de remplir le poste de Francfort aussi promptement qu’il l’aurait voulu. Mais cela arrivera très souvent. C’est arrivé déjà plusieurs fois. Je pourrais en citer plus d’un exemple. La légation de Berlin a été longtemps vacante ; longtemps elle a été remplie par un simple chargé d’affaires. Pourquoi ne vous en a-t-on pas entretenus ? Parce qu’on ne pouvait faire à cette occasion une supposition désagréable pour qui que ce fût. (Adhésion.) Si l’on avait pu vous dire : C’est un poste que l’on réserve pour un tel, ou pour un tel, on vous en eût parlé. Mais la légation de Berlin est restée vacante pendant plusieurs années. On n’en a jamais parlé, parce qu’un nom propre ne pouvait être mêlé aux suppositions qu’on aurait faites.
Ainsi, quand je suis entré au ministère, en avril 1841, je savais ce que je faisais. Je ne dirai pas que je savais le sacrifice que je faisais. Je n’ai pas le droit de le dire.
J’arrive à la question. Je dirai un mot pour relever une erreur de l’honorable M. Lys et de ceux qui se sont joints à lui pour demander que la diplomatie belge ne soit plus qu’une diplomatie de chargés d’affaires. Vous n’avez plus, dit-on, à traiter à l’étranger que des questions de douane et de commerce. Vos questions politiques sont résolues ; dès lors pourquoi vous faut-il des ministres plénipotentiaires ? D’abord la diplomatie à proprement parler politique n’existe-t-elle plus pour la Belgique ? Certaines questions spéciales sont résolues ; mais un pays qui veut exister a toujours une diplomatie politique, parce qu’il a toujours une politique.
L’existence d’un pays comme la Belgique, née d’hier, est une grande question, une question que le gouvernement doit défendre à l’étranger. Il n’est donc pas exact de dire qu’il n’y a plus pour le gouvernement belge une politique proprement dite à défendre à l’étranger. L’existence de la Belgique ne se rattache-t-elle pas aux plus grandes questions politiques ! ne se rattache-t-elle pas au statu quo territorial de l’Europe ! Ne faut-il pas que son gouvernement soit toujours vigilant, qu’il sache ce qui se passe, qu’il sache ce qui se prépare. C’est donc une erreur de dire qu’au point où sont arrivées nos affaites, il n’ait plus, à proprement parler, de politique à défendre à l’étranger. C’est une erreur de dire que notre rôle à l’étranger doit se borner à s’occuper de douane et de commerce.
Je m’étonne que l’honorable M. Lys surtout, défenseur dans cette chambre des intérêts matériels, méconnaisse l’importance des questions de douane, des questions de commerce. Mais toute la politique n’a-t-elle pas une tendance à devenir de nos jours surtout commerciale, douanière ? Et pour défendre des questions de douanes, des questions de commerce, ne faut-il pas que votre diplomatie ait à l’étranger une position convenable ? Et aura-t-elle, au moyen de simples chargés d’affaires, la position convenable ?
Il vous faut à l’étranger une diplomatie influente ou il ne vous en faut pas. Mieux vaut ne pas en avoir. Selon moi, une diplomatie influente ne peut pas se réduire à une diplomatie n’ayant pour représentants dans les grands centres politiques, que des chargés d’affaires.
Il faut, messieurs, et ceci est une observation que j’ai le droit de faire, d’après mon expérience personnelle, il faut que, dans les grands centres politiques surtout, et chaque fois que vous aurez à traiter une grande affaire, il faut que vos agents soient sur le pied d’égalité avec les ministres du gouvernement avec lesquels on traite, avec les agents du gouvernement étranger, qui peuvent se trouver dans la même résidence. Il faut, en un mot, que l’on puisse traiter de ministre à ministre et sur un pied d’égalité. Il est difficile que les charges d’affaires puissent prendre cette position.
Il arrive quelquefois qu’un chargé d’affaires prend cette position ; mais il ne la prend alors qu’à raison de considérations personnelles. Ainsi, il se peut qu’un chargé d’affaires, dans une circonstance donnée, ait pu traiter, et convenablement traiter avec des ministres étrangers. Mais ceci lui fait honneur, à lui personnellement ; ceci est une exception qui, je le répète, n’a de valeur que pour sa personne ; il ne faut pas en espérer autant de tous les agents qui n’auraient que le titre de chargé d’affaires.
Nous avons vu, par exemple, à Londres, un simple chargé d’affaires de France siéger à la conférence de Londres et signer le traité des détroits du 3 juillet 1841, le signer traitant d’égal à égal avec les ambassadeurs des autres grandes puissances européennes. Est-ce à dire que la France puisse désormais supprimer son ambassadeur à Londres, parce qu’il a été possible que, pour un moment, un chargé d’affaires a, par un concours particulier de circonstances, pu prendre une position tout exceptionnelle ? Evidemment non.
Ce n’est pas, messieurs, la première fois que, soit comme ministre, soit comme député, je défends dans cette chambre l’intérêt de la diplomatie belge. Ces questions, messieurs, sont très anciennes, elles ont été soulevées en 1831, elles se sont reproduites presque chaque année. Mais je croyais cependant qu’elles finiraient par disparaître ; je croyais que la diplomatie belge était désormais hors de cause. Si j’ai pris la parole, c’est surtout parce que l’on cherche à accréditer une idée que je n’hésite pas à déclarer fausse, une idée qui consiste à dire que le gouvernement n’a plus à traiter à l’étranger que des questions de douane et de commerce, et que, pour traiter ces questions, une diplomatie subalterne est suffisante.
C’est là une double erreur, parce qu’en admettant même que vous n’ayez plus à traiter à l’étranger que des questions de douane et de commerce, encore faudrait-il une diplomatie influente pour traiter convenablement ces questions qui tendent à devenir l’objet de toute la diplomatie européenne.
M. Lys. - Je ne répondrai pas à M. le ministre de l’intérieur sur ce qu’il a dit relativement à sa position personnelle. Il vous a donné des explications, le pays en jugera.
Je répète, messieurs, que nous avons peu ou point de questions politiques à traiter à l’extérieur. Et en effet, messieurs, j’en trouve déjà la preuve dans une dernière négociation. Je demanderai ce qui serait arrivé si nous n’étions pas tombés d’accord avec la Hollande ? Eh bien ! je pense que ce qui serait arrivé, c’est que la conférence aurait jugé tout bonnement votre différend comme elle l’a jugé en 1839.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Cela nous aurait fait beaucoup d’honneur.
M. Lys. - Mais, messieurs, M. le ministre change tout à fait la question quant à l’amendement de l’honorable M. Osy ; non n’avons pas dit qu’il n’était pas nécessaire d’avoir dans certaines localités des ministres plénipotentiaires ; mais nous avons dit qu’à part quatre grandes résidences, dans les autres il n’en était nullement besoin.
On vous dit il faut des ministres plénipotentiaires même dans l’intérêt du commerce. Mais, je vous le demande, de quelles relations de commerce avons-nous à traiter avec Rome, de quelles relations de commerce traitons-nous avec Vienne ?
J’ai aussi lieu d’être surpris de ce que M. le ministre des affaires étrangères garde le silence sur les explications qui lui avaient été demandées relativement au résultat des conférences de Stuttgart. Il ne nous a pas dit à cet égard le moindre mot. Messieurs, nous avons fait des concessions à l’Allemagne ; nous lui avons fait la même remise qu’à la France pour les vins, et au lien de faire en notre faveur quelques modifications à son tarif, elle a renforcé le droits d’entrée sur nos tissus de laine.
L’honorable M. de Theux vous a dit que le tarif qui avait établi des droits d’entrée sur les tissus de laine était tel que l’avait proposé la chambre de commerce de Verviers. Cela peut être vrai ; je ne conteste pas ce qu’il a dit à cet égard. Mais si l’expérience a démontré que ces droits n’étaient pas suffisants, si nous voyons sur nos marchés des masses de tissus anglais et français, n’est-ce pas la preuve la plus évidente, la plus complète que notre tarif demande à être modifié ?
Il me semble que c’est l’expérience qu’il faut consulter dans des cas semblables, et je dis que l’expérience vous prouve qu’il faut rectifier votre tarif en ce qui concerne les tissus de laine. Remarquez-le bien, messieurs, c’est une simple rectification qui est demandée, parce que l’expérience a prouvé que le commerce éludait le droit qu’on a voulu réellement établir.
Je crois, messieurs, que M. le ministre des affaires étrangères aurait dû nous donner quelques explications en ce qui concerne les conférences de Stuttgart, et qu’il y a lieu d’adopter l’amendement de l’honorable M. Osy, parce que, comme je viens de le dire, un chargé d’affaires dans les résidences qu’il vous a indiquées peut rendre les mêmes services qu’un ministre plénipotentiaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Messieurs, il me serait bien difficile de donner à la chambre des explications sur le résultat des conférences de Stuttgart. Je dois me borner à dire qu’à en juger d’après les intentions exprimées dans la négociation depuis la clôture de la conférence, les propositions qui ont été traitées doivent nous faire conserver l’espoir d’une conclusion favorable aux intérêts réciproques.
Je ne pense pas, quant à ce qui regarde l’utilité de la diplomatie que l’honorable M. Lys ait bien compris la pensée de M. le ministre de l’intérieur. M. le ministre de l’intérieur a reconnu, au contraire, et il a raisonné d’après cette base, qu’il fallait avoir des diplomates dans les capitales où se traitent les affaires européennes ou n’en avoir nulle part ; et parmi ces grands centres doivent être compris assurément et Vienne et Rome.
Cette pensée que j’ai déjà eu l’honneur de vous soumettre, n’exige pas de nouveaux développements et répond suffisamment je crois, à la remarque faite par l’honorable M. Lys.
Cet honorable membre nous a ensuite demandé quels avantages le commerce pouvait retirer d’une légation à Rome, d’une légation à Vienne. Mais, messieurs, qui ne sait, qui ne comprend que les intérêts du commerce sont intimement liés avec ceux de la politique, et que celui qui voudrait faire de la politique commerciale, qui voudrait ébaucher ou finir un traité de commerce sans être au fait des affaires politiques, du système et des tendances politiques du gouvernement avec lequel il négocie, courrait risque de tomber dans les plus grandes erreurs et de compromettre gravement les intérêts matériels de son pays.
M. Delfosse. - Messieurs, M. le ministre de l’intérieur à cru devoir prendre la parole pour affirmer à la chambre que ce n’est pas dans son intérêt personnel que la légation de Francfort reste vacante. Puisque M. le ministre de l’intérieur s’est placé sur ce terrain, il me sera bien permis de l’y suivre. Je dirai donc à M. le ministre de l’intérieur que les explications qu’il a données ne m’ont pas paru entièrement satisfaisantes.
Je crois bien volontiers M. le ministre de l’intérieur, lorsqu’il nous assure qu’il ne veut plus retourner à Francfort, et les lettres de rappel dont il a parlé et qu’il a remise à la diète peuvent en faire foi. Mais cela ne prouve nullement que la vacance de la légation de Francfort n’ait pas un motif puisé dans l’intérêt personnel de M. le ministre de l’intérieur. J’ai encore des doutes sur ce point nonobstant les explications qu’il nous a données ; et je formule ces doutes par une question.
Vous ne voulez plus, M. le ministre de l’intérieur, retourner à Francfort ; je vous crois ; mais ne tient-on pas la légation de Francfort en réserve, pour la donner plus tard à quelqu’un qui occupe aujourd’hui un poste important qui pourrait vous convenir ? Je ne sais si vous jugerez à propos de répondre à cette question ; mais à défaut de réponse de votre part, les événements répondront pour vous.
Puisque j’ai la parole, je dirai un mot de la légation de Rome dont j’ai déjà eu l’honneur d’entretenir plusieurs fois la chambre.
L’honorable M. Osy vous a proposé un amendement, que j’ai proposé avant lui pendant deux années de suite. Pendant deux années de suite, j’ai proposé de substituer à notre ministre plénipotentiaire à Rome au traitement de 40,000 francs, un simple chargé d’affaires au traitement de 15,000 francs. Deux fois la chambre a rejeté mon amendement, et il est très probable qu’elle rejettera encore celui de l’honorable M. Osy ; mais ce n’est pas une raison pour que cet amendement ne soit pas fondé.
Nous avons, on ne peut le contester, de nombreux et très importants rapports avec la cour de Rome en ce qui concerne les affaires religieuses. Mais comme, aux termes de notre constitution, le gouvernement n’a pas le droit de s’immiscer dans ces sortes d’affaires, il en résulte que notre ministre plénipotentiaire n’a pas à s’en occuper.
Notre ministre plénipotentiaire à Rome ne peut s’occuper que de nos intérêts politiques et de nos intérêts commerciaux. Quant nos intérêts politiques, ils sont nuls. M. le ministre des affaires étrangères a beaucoup vanté l’influence politique de la cour à Rome ; cette influence a pu être très grande dans les siècles précédents ; mais on doit convenir qu’elle a considérablement diminué.
Et quand la cour de Rome exercerait encore l’influence que celle qu’elle a exercée autrefois, ce ne serait pas une raison pour y envoyer un ministre plénipotentiaire.
Nous ne devons pas, je pense, prétendre à jouer un grand rôle dans le monde politique ; nous devons nous contenter de la position que les événements et les grandes puissances européennes nous on faites. Restent donc les intérêts commerciaux ; mais, messieurs, nos rapports commerciaux avec l’Italie ne sont pas d’une très grande importance ; nous avons avec d’autres pays, où nous ne sommes représentés que par de simples chargés d’affaires, des rapports commerciaux beaucoup plus étendus qu’avec l’Italie.
Voulez-vous une preuve, messieurs, de la faible importance de nos rapports avec Rome ? Cette preuve, je la puise dans la circonstance que notre ministre plénipotentiaire à Rome n’est pas très souvent à son poste en hiver, il se trouve à son poste, probablement parce qu’il fait trop froid dans ce pays-ci ; mais en été il se trouve dans ce pays-ci, probablement parce qu’il fait trop chaud à Rome.
Je ferai encore une autre remarque : chaque fois qu’il y a élections, notre ministre plénipotentiaire à Rome se trouve à son poste, non pas à Rome, mais à son poste électoral ; alors il va de porte en porte recruter des suffrages pour ses candidats. Je ne l’en blâme pas ; au contraire, j’admire ce dévouement à une opinion que j’aime à croire consciencieuse ; mais nous ne devons pas, ce me semble, payer 40 mille fr. pour que notre ministre plénipotentiaire à Rome vienne remplir chez nous les fonctions de courtier électoral.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - L’honorable membre s’est mépris sur l’importance que nous avons attachée à la position de Rome. Je n’ai pas parlé de l’influence qui peut avoir actuellement la cour de Rome sur la politique générale de l’Europe, et sur la décision des grandes puissances ; mais nous avons dit, et nous le répétons, que Rome est un des grands centres de la politique européenne. Pour le prouver il me suffira de citer les puissances qui y entretiennent des ministres ou des ambassadeurs. Ce sont l’Autriche, la France, la Russie, la Bavière, le Hanovre, les Pays-Bas, le Portugal et la Sardaigne.
L’honorable membre est revenu sur les reproches qu’il avait adressés à notre ministre plénipotentiaire à Rome, et il m’oblige par conséquent à revenir aussi sur des détails qui probablement ont déjà été mis sous les yeux de la chambre. Notre ministre plénipotentiaire à Rome a le grand tort, aux yeux de l’honorable préopinant, de ne jamais passer les étés dans sa résidence et de ne rester à son poste que pendant les mois d’hiver ; mais l’honorable membre sait-il que, pendant certains mois d’été, la présence de notre ministre plénipotentiaire à Rome serait assez peu nécessaire, par la raison que pendant cette saison, l’insalubrité de la ville disperse dans les campagnes environnantes la plus grande partie des membres du corps diplomatiques, et qu’il ne reste à peu près à Rome que les membres dont la présence est indispensable pour les affaires courantes ; celle de notre ministre serait, je ne dirai pas complètement inutile, mais au moins d’une très faible utilité.
Quant au rôle que, selon l’honorable M. Delfosse, ce diplomate pourrait jouer dans les élections, je ne le connais pas et je n’en parlerai pas, mais je connais le ministre et je ne crains pas d’affirmer que ce rôle doit être sous tous les rapports, et franc et honorable. Si ensuite les élections se font généralement en Belgique pendant l’été ou l’automne, ce n’est pas notre ministre à Rome qu’on doit rendre responsable de cette éventualité.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. Delfosse nous a entretenus, messieurs, d’une combinaison particulière ; je lui répondrai que jusqu’à présent je ne me suis pas enquis de combinaisons relatives à mon avenir ; je ne m’en préoccupe pas à ce point.
Je saisirai cette occasion pour rappeler un fait que probablement l’honorable M. Delfosse n’aura pas oublié ; il s’est montré plus facile en d’autres circonstances envers d’autres personnes : il est arrivé, par exemple, qu’un homme éminent devenu ministre du Roi a laissé, par sa présence au ministère, une place inoccupée dans le premier parquet du royaume. Moi j’approuve ce qui a été fait dans cette circonstance, je m’en félicite et j’en félicite le pays ; je désire que si les mêmes faits se reproduisaient, l’on en fît encore autant. L’honorable M. Delfosse, à cette époque, a approuvé ce qu’il appelait une précaution ; J’ai bien retenu les paroles qu’il a prononcées et j’ai vu avec plaisir qu’il poussait jusque-là ce qui sans doute lui paraissait une indulgence ; ce que je regrette seulement, c’est que cette indulgence se soit bornée à une seule personne. Du reste je ne la réclame pas pour moi, messieurs, et je crois avoir donné tout à l’heure des explications suffisantes en ce qui me concerne.
M. de La Coste. - L’honorable M. Lys a touché une question qui ne me paraît pas se lier bien étroitement à la discussion actuelle et sur laquelle je ne suis pas du reste suffisamment éclairé pour la traiter. Il a aussi été soulevé une question personnelle dont je ne m’occuperai point, par cela même qu’elle est personnelle. Je dirai seulement quelques mots sur la question générale qui nous occupe.
Je regrette que la proposition de l’honorable M. Osy n’ait pas été faite dans les sections, et que rien dans leurs délibérations n’ait pu faire pressentir que la discussion publique roulerait sur une semblable modification au système actuel. Si cette proposition avait été faite dans les sections, nous l’aurions débattue et nous aurions peut-être pu jeter quelque lumière sur l’objet de la discussion qui nous occupe en ce moment et par là concourir à l’abréger,
L’accomplissement de cette tâche nous aurait été facilité par le concours d’un des honorables membres que la section centrale renfermait dans son sein ; membre que ses fonctions précédentes mettaient fort à même de fournir des renseignements précieux et que je regrette de ne pas voir aujourd’hui à sa place. Cependant quelques souvenirs pourront en partie remplacer sa présence. En 1840 les mêmes changements étaient proposés et cet honorable membre, alors ministre des affaires étrangères, donna à ceux qui les demandaient des réponses qui ont sans doute motivé la détermination prise à cet égard par la chambre. Bien loin, disait-il alors, que la Belgique déploie un luxe exagéré relativement à son corps diplomatique, il est (ce sont les expressions que l’honorable membre empruntait à l’un des préopinants), il est à la queue du corps diplomatique de toutes les nations sous le rapport des traitements. Et quant à la légation d’Autriche, dont on proposait de réduire le chiffre non pas aussi fortement que le propose l’honorable M. Osy, mais à 25,000 fr., l’honorable membre disait : « Si vous ne voulez donner que 25,000 fr. pour la légation d’Autriche, c’est 25,000 fr. de jetés, car, ajoutait-il, un chargé d’affaires à Vienne serait un agent diplomatique tout à fait inutile. Il faisait aussi la comparaison de ce que d’autres pays font pour la légation d’Autriche : « La Bavière, disait-il, donne 60,000 fr., la Saxe en donne autant ; les Deux-Siciles, le Hanovre, la Sardaigne, donnent 60,000 fr. »
A cette époque, messieurs, la question du ministre en Italie fut également traitée, et je puis dire, par une espèce de représailles ; tandis qu’aujourd’hui, dans la proposition de M. Osy, il y a à cet égard fusion. Eh bien, comme l’a dit l’honorable comte de Theux, sur tous ces points il y a eu décision et décision répétée de la chambre, et je vous avoue, messieurs, que cette considération me fait moins regretter que l’attention de la section centrale n’eût pas été appelée sur la question. Car je crois que, malgré son vif désir d’apporter des économies dans les dépenses de l’Etat, elle aurait dit : « Il y a chose jugée.»
Messieurs, je dirai un mot du système qui a été mis en avant par l’honorable M. Osy « Qu’importent, a dit cet honorable membre, qu’importent les titres que vous donniez à vos agents diplomatiques ; réduisez leurs traitements et donnez leur les titres que vous voudrez. » Eh bien ! messieurs, je ne veux pas faire ici un reproche à l’honorable M. Osy, mais je repousse ce système comme trop aristocratique. Qu’arriverait-il en effet d’un semblable système ? C’est que les légations ne pourraient être confiées qu’à des hommes qui, par leur fortune, pourraient soutenir l’éclat du titre qui serait attaché à leur place sans que leur traitement y fût proportionné. Je pense, messieurs, que lorsqu’un nom historique peut, dans certaines circonstances, donner à nos agents à l’étranger plus de poids, l’on peut, dans ce cas, jeter les yeux sur ceux qui portent un semblable nom ; je pense que rien ne doit être exclusif, qu’on ne doit pas exclure un homme des fonctions diplomatiques ni d’aucune autre, parce que les ancêtres ont pu rendre des services au pays ; mais comme le veut notre constitution, toutes les places doivent être ouvertes à tous les rangs de la société, à tous les hommes que leur capacité, que leurs qualités personnelles y appellent.
Eh bien, messieurs, dans quelle position serait un homme sorti soit de la classe moyenne, soit même d’une classe inférieure et dénué de fortune, mais qui, par des talents, se serait élevé à un poste diplomatique, dans quelle position serait un tel homme si, avec un titre pompeux, il n’avait qu’un traitement très médiocre ? Ce serait évidemment là une position pénible et presqu’humiliante et pour celui qui y serait placé et pour son pays.
M. de Theux. - L’honorable député de Verviers a dit, messieurs, que si l’on avait commis une erreur en révisant le tarif en ce qui concerné les tissus de laine, ce ne serait pas un motif pour ne pas élever les droits sur ces tissus. Je suis parfaitement de l’avis de l’honorable membre ; aussi, en rappelant ce qui s’est passé dans la discussion de la loi de 1838, je n’ai, en aucune manière, entendu opposer une fin de non-recevoir à des réclamations ni à celles qui ont déjà été présentées dans la discussion du budget des voies et moyens, par l’honorable M. Demonceau. J’espère que le gouvernement prendra ces diverses réclamations en considération, qu’il examinera à fond la question, et qu’il présentera ensuite une résolution affirmative ou négative.
M. Delfosse. - M. le ministre de l’intérieur vient de dire que j’ai montré plus d’indulgence pour d’autres que pour lui. Je suppose que c’est au cabinet précédent qu’il a voulu faire allusion, Eh bien, deux membres de ce cabinet lui ont donné un exemple qu’il aurait dû suivre. Les places de gouverneur qu’ils occupaient avant leur entrée au ministère ont été conférées immédiatement, et ils se trouvent aujourd’hui sans position, bien qu’ils aient rendu de grands services à l’ordre de choses actuel.
Un membre. - Et ils n’en demandent pas.
M. Delfosse. - M. le ministre de l’intérieur a montré moins de désintéressement, ou, si l’on veut, plus de prévoyance ; je ne sais s’il y a lieu de l’en féliciter.
Il est vrai qu’un autre membre du précédent cabinet, et c’est probablement de celui-là que M. le ministre de l’intérieur a voulu parler, a repris à sa sortie du ministère les fonctions qu’il occupait précédemment et qui étaient restées vacantes.
On conçoit que l’honorable M. Leclercq n’ait pas voulu, à une époque où les ministères passent si vite, renoncer à des fonctions éminentes, uniques dans le pays, qui lui avaient été donnés en récompense de longs et honorables services, qu’il n’ait pas voulu, dis-je, y renoncer, pour accepter un portefeuille avant d’avoir obtenu la promesse que ces fonctions resteraient vacantes au moins pendant quelque temps, pour qu’il pût les reprendre à sa sortie du ministère, si ce ministère n’avait pas une trop longue durée.
C’est ce qu’avait fait avant lui un honorable membre de cette chambre qui a été ministre assez longtemps, et qui est encore aujourd’hui comme il était avant son entrée au ministère, procureur général auprès d’une cour d’appel.
La comparaison que M. le ministre de l’intérieur veut faire manque d’ailleurs d’exactitude. La place de procureur-général à la cour de cassation n’a été vacante que pendant une année, et celle de ministre plénipotentiaire à Francfort est vacante depuis deux ans. Remarquez aussi, messieurs, qu’il y avait à côté de M. Leclercq des hommes de talent qui pouvaient momentanément le remplacer, au lieu que la légation de Francfort est confiée à un jeune homme qui peut avoir du mérite, mais qui n’est, certes, pas en état de rendre, à beaucoup près, les mêmes services que M. Nothomb, que j’ai attaqué sous plus d’un rapport, mais dont je n’ai jamais contesté le talent ni surtout l’habileté diplomatiques.
Quoi qu’il en soit, je défie M. le ministre de l’intérieur de citer de moi une seule phrase d’où l’on puisse conclure que j’aurais donné mon approbation à des arrangements du genre de ceux dont je viens de parler ; j’ai toujours, au contraire, professé et je professe encore la doctrine que les places sont créées pour le pays et non pour ceux qui les occupent.
M. Demonceau. - Messieurs, je n’entends point prendre part à la discussion spéciale du budget des affaires étrangères mais je crois de mon devoir de donner quelques explications sur les observations qui nous ont été présentées par mon honorable collègue de Verviers et par l’honorable M. de Theux.
Il est bien vrai qu’en 1838, alors qu’on a levé la prohibition sur les draps français, la chambre de commerce de Verviers, dans la position où elle était placée, par suite de cette mesure, a accepté le tarif qui lui était proposé. Je dois même dire que la chambre de commerce de Verviers m’a engagé à renoncer alors à un amendement que j’avais proposé et qui avait beaucoup de chances d’être accepté ; mais le ministère d’alors, que j’ai combattu dans cette circonstance, parce que j’aurais préféré ne voir lever la prohibition qu’autant que la France aurait levé la sienne, obtint en quelque sorte le consentement des industriels ; et dans cette circonstance, ces industriels se sont montrés, selon moi, très conciliants. Mais ce qu’il y a de fâcheux, c’est que la loi qui devait être interprétée d’après les discussions auxquelles nous nous étions livrés, et qui n’était en quelque sorte que la traduction de mon amendement, a reçu dans l’exécution une interprétation telle, qu’il y a plusieurs tissus qui sont allés d’une classe dans l’autre. C’est donc surtout pour obtenir une rectification nécessaire, selon moi, que la chambre de commerce de Verviers réclame de ce chef. C’est plutôt, je le répète, une rectification qu’une modification à la loi qu’elle sollicite, Il suffirait, en effet, de réunir tous les articles tissus de laine en un seul, alors tout doute disparaîtrait. J’ose espérer que le gouvernement prendra cette réclamation en très sérieuse considération. Il est de l’intérêt du gouvernement de faire droit à la demande des négociants de Verviers, puisque c’est un acte de justice qu’ils réclament ; et je ne dois pas croire que le gouvernement refusera justice à une classe d’industriels qui s’occupent de la branche d’industrie la plus importante peut-être du pays. Messieurs, on a beaucoup parlé de l’industrie linière ; eh bien, eu égard à l’importance respective des deux industries, je puis dire que l’industrie lainière est une des principales industries de la Belgique, et j’apprends avec satisfaction qu’au besoin l’honorable M. de Theux nous prêtera son appui. J’espère, en effet, que nous lui prouverons facilement toute la justice de notre réclamation.
M. Osy. - Messieurs, ce que M. le ministre des affaires étrangères vient de dire me confirme dans l’opinion qu’il y a lieu d’adopter les réductions que j’ai proposées sur le chiffre attribué à quatre de nos légations. Ces réductions montent à 95,000 francs. La situation du trésor nous commande de les réaliser, et elles peuvent sans aucun doute être opérées, sans nuire à nos affaires.
Par exemple, aux Etats-Unis, où certainement nous avons des intérêts très graves à négocier ; aux Etats-Unis, avec lesquels nous avons eu récemment un démêlé assez important, nous n’avions qu’un chargé d’affaires. Ces fonctions sont confiées à un homme qui les remplit parfaitement bien, et auquel tout le monde rend justice ; mais cela seul ne prouve-t-il pas que dans les légations que j’ai citées, un simple chargé d’affaires ferait aussi bien la besogne qu’un ministre plénipotentiaire ?
J’ai sous les yeux le discours qui a été prononcé par M. le ministre des affaires étrangères à La Haye, lors de la discussion aux états généraux des budgets de 1842 et 1843. Ce ministre a dit entre autres que la Hollande ne devait désormais accréditer des ministres plénipotentiaires que dans les grandes capitales de l’Europe ; que partout ailleurs de simples chargés d’affaires devaient suffire. Il a même ajouté que l’on supprimerait la place de chargé d’affaires à Turin où nous avons un agent de cet ordre. Ces exemples ne doivent-ils pas être imités par la Belgique, pays neutre ? Nous n’avons qu’à négocier des intérêts commerciaux, et au moyen de chargés d’affaires et de consuls, ces intérêts seront convenablement défendus.
M. Devaux. - Messieurs, les dépenses qu’occasionne la diplomatie, sont celles qui rencontrent le plus communément des obstacles dans cette enceinte. La chose est assez naturelle ; d’abord à cause de l’élévation des traitements dont plusieurs dépassent les traitements les plus élevés qui se perçoivent à l’intérieur du pays ; en second lieu. parce que nous sommes peu en contact avec la diplomatie et les affaires qu’elle traite, affaires qui, par leur nature, ne reçoivent le plus souvent aucune publicité.
Le gouvernement devrait sentir qu’il a besoin de faire comprendre au pays et à la chambre l’utilité de ces dépenses. Que voyons-nous, au contraire, depuis deux ans ? Le gouvernement semble prendre à tâche de prouver que les plus grandes dépenses de la diplomatie sont inutiles. C’est une chose vraiment bizarre : le gouvernement a chaque année des efforts à faire dans cette enceinte pour obtenir les traitements de ses diplomates ; et quand les chambres ont alloué ces traitements, ce sont elles alors qui ont la plus grande peine du monde a obtenir du gouvernement qu’il en fasse usage, qu’il pourvoie aux places auxquelles les traitements sont affectés ; ce n’est en quelque sorte que l’épée dans les reins que, depuis l’avènement du nouveau cabinet, le gouvernement nomme aux postes diplomatiques.
C’est ainsi que nous avons vu rester vacantes pendant longtemps les légations de Hollande, de France et de Francfort. Il a fallu chaque fois, l’approche d’une discussion dans les chambres, pour amener la nomination à l’une de ces places.
N’est-il pas naturel dès lors que dans cette chambre comme dans le public l’on ait conclu que des places qui peuvent rester si longtemps vacantes, sont en réalité peu utiles. Le gouvernement aurait dû prévoir ce raisonnement depuis longtemps.
La légation de Hollande a été longtemps vacante (dénégations aux bancs des ministres), je dis longtemps, eu égard aux circonstances dans lesquelles se trouvaient les affaires, attendu que nous négocions, dans ce moment des intérêts très graves avec la Hollande. Aujourd’hui la place est remplie ; j’ai entendu tout à l’heure qu’elle ne l’était que provisoirement ; j’ignore si la nomination est définitive, c’est une explication que M. le ministre voudra bien nous donner.
La légation de France est restée vacante aussi, et dans quel moment ? Quand on a annoncé avec grande pompe l’ouverture des négociations commerciales dont, il est vrai, on semble nous cacher le fond, car on n’a jamais voulu nous dire de quoi il s’est agi en réalité.
La légation de Francfort est vacante depuis deux ans. Et dans quel moment ? Lorsque nous y avions des intérêts très graves à traiter, non seulement par rapport aux conférences qui ont été tenues à Stuttgart, mais pour la conclusion du traité de La Haye. Car on n’ignore pas que le commerce avait à soutenir de grands intérêts dans la question des eaux intérieures, des intérêts qui lui sont communs avec nous, et que le traité n’a pas tous respectés. Dans une circonstance aussi importante, nous étions sans ministre à Francfort.
J’ai entendu tout à l’heure M. le ministre de l’intérieur parler de ses lettres de rappel. Il me semble que la réponse que lui a faite l’honorable M. Delfosse est restée sans réplique. C’est au sénat que M. le ministre de l’intérieur avait trouvé une raison décisive pour ne pas pourvoir à la place vacante à Francfort. Il semblait qu’il fût impossible de trouver dans le pays un homme capable de le remplacer.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai rien dit de semblable.
M. Devaux. - C’est le sens de vos paroles, telles que le Moniteur les a reproduites, et on a dit qu’en séance elles avaient été plus explicites encore.
Messieurs, quelque haute idée que nous puissions nous former de la capacité administrative et diplomatique de M. le ministre de l’intérieur, il nous permettra de croire qu’il est encore dans le pays des hommes capables de remplir le poste qu’il a occupé. Quand je lirai qu’il y a dans ce moment en disponibilité quatre diplomates, tous hommes de mérite, que la Belgique a employés comme ministres plénipotentiaires, on reconnaîtra sans doute avec moi, qu’il y avait dans le pays de quoi faire un ministre plénipotentiaire pour Francfort, et je crois que si on n’avait pas accompagné les offres qu’on a faites de la condition quasi-injurieuse de se démettre dans un délai ou une circonstance donnée, le poste serait depuis longtemps rempli.
M. le ministre de l’intérieur a tort de se plaindre des suppositions que l’on fait, car il y a plus que des suppositions, il y a des faits qui n’ont été démentis que par des paroles équivoques de M. le ministre des affaires étrangères. Il y a cet autre fait : la sortie de M. le ministre de l’intérieur de son premier ministère qui a été accompagnée de cette circonstance qu’il s’est fait donner par le ministère démissionnaire une des premières places diplomatiques. Après une pareille conduite on peut soupçonner au ministre d’avoir quelques égards pour ses intérêts personnels.
On vous a déjà parlé de ce qui se passe pour la légation de Rome. Quand on voit notre plénipotentiaire à Rome passer autant de temps sur les routes publiques et dans les districts électoraux qu’à Rome même, on n’est guère tenté de croire à l’utilité d’un ministre plénipotentiaire dans une résidence où la plupart du temps les affaires sont traitées par un chargé d’affaires. Car, messieurs, il est assez difficile de croire que les affaires suivent précisément le caprice des saisons, qu’en été il n’y ait pas d’affaires à traiter à Rome, que toutes arrivent et s’accumulent en hiver. Quoi qu’en dit M. le ministre des affaires étrangères, on aura quelque peine à faire admettre cette grande influence de l’atmosphère sur la diplomatie.
J’ai une autre observation à faire : en même temps que le gouvernement, par sa conduite, accrédite lui-même dans les esprits l’idée de l’inutilité de sa diplomatie, il entre dans une voie d’exagération, sous un autre rapport : je veux parler de la nomination d’un ambassadeur à Paris, nomination qui me paraît sortir des règles d’économie et de prévoyance que je ne veux pas exagérer, mais dans lesquelles il faut se tenir. Je crois que la Belgique ne doit pas avoir d’agents diplomatiques d’un grade supérieur à celui de ministre plénipotentiaire. La nomination dont il s’agit n’est qu’un premier pas, un précédent qui ne tardera pas à avoir des conséquences.
Tout à l’heure M. le ministre des affaires étrangères disait qu’il fallait mettre tous les grands centres de politiques de l’Europe sur le même pied. Si en 1842 nous avons un ambassadeur à Paris, très peu d’années se passeront probablement avant que nous ayons des ambassadeurs à Vienne, à Berlin, à Londres et à Saint-Pétersbourg, quand vous aurez une légation établie à Saint-Pétersbourg.
Sera-t-il possible, quand on a un ambassadeur à Paris, de résister longtemps aux demandes d’autres agents diplomatiques qui auront le même droit, et viendront demander le titre d’ambassadeur. Que répondrez vous à tel agent diplomatique qui a plus d’années de service et dont la résidence est toute aussi importante, s’il vient vous demander ce titre ? Objecterez-vous la différence de naissance ? Jusqu’à présent la naissance n’a pas constitué des droits aux grades administratifs ou diplomatiques. C’est cependant la seule réponse qu’on pourrait lui faire.
Quand vous nommez un ambassadeur, vous ne le faites pas inamovible ; vous pouvez le remplacer ou le faire passer de tel poste à tel autre ; du moment qu’il a le titre d’ambassadeur, si vous voulez le placer ailleurs, il faudra créer une ambassade nouvelle. S’il prend fantaisie à une autre puissance étrangère de vous envoyer un ambassadeur comme la France a fait, vous, vous devrez lui en envoyer un en retour, vous ne pourriez plus vous y refuser, vous manqueriez à cette puissance, st vous ne lui envoyiez pas un ambassadeur belge, puisque vous en avez un à Paris.
Messieurs, aujourd’hui c’est le titre qu’on donne, une autre année ce sera le traitement qu’il faudra accorder. C’est une manière très souvent usitée dans les administrations, et que les solliciteurs connaissent, que celle de demander le grade sans traitement, parce qu’ils savent très bien que le traitement ne peut tarder à suivre le grade. Je dis ceci sans allusion au titulaire de l’ambassade de Paris, je sais qu’il est au-dessus de ces choses là ; mais si vous avez un ambassadeur à Paris avec le traitement de ministre plénipotentiaire, il faudra bien finir par le payer comme ambassadeur. Or, le titre d’ambassadeur entraîne à une très grande représentation et quelque traitement que vous accordiez, vous resterez souvent en-dessous de la dépense à laquelle l’ambassadeur sera normalement tenu. Il en résultera que vous exclurez de la diplomatie tous ceux qui n’auront pas une grande fortune à mettre au service de leur position. Et, comme le mérite n’est pas toujours accompagné de si grandes richesses, vous ne pourrez plus recruter vos légations que dans une classe assez restreinte. Vous éprouverez véritablement de la difficulté à remplir les postes vacants quand il faudra joindre à la capacité des conditions de fortune si difficiles à accomplir.
M. Dubus (aîné) remplace M. Raikem au fauteuil).
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai pas dit au sénat qu’il était impossible de trouver des hommes assez capables pour me remplacer à Francfort. Je n’ai pas dit une chose aussi ridicule pour moi et aussi outrageante pour le pays. J’ai parlé en général ; à l’occasion des légations de Francfort et de Paris, j’ai dit qu’il était plus difficile de trouver des hommes pour les postes à l’étranger que pour ceux de l’intérieur du pays, que les postes à l’étranger exigeaient des conditions particulières et que beaucoup d’hommes en état de les remplir les refuseraient, tandis qu’ils étaient peut-être disposés à accepter de hautes fonctions dans l’intérieur du pays.
C’est dans ce cercle d’idées que je me suis renfermé. Il n’y avait rien de neuf dans mes observations, car elles avaient été faites, avant moi, par des ministres des affaires étrangères dans cette chambre.
Il ne faut pas me supposer des paroles étranges pour se permettre des accusations injurieuses
Je le répète, j’ai quitté franchement ma position diplomatique, je n’ai jamais fait de conditions quelconques ceux à qui on a offert le poste de Francfort.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - La chambre paraît pressée d’en finir, je me bornerai à faire de très courtes observations en réponse à celles présentées par l’honorable M. Devaux. Il vous a parlé encore du titre d’ambassadeur donné à notre représentant à Paris et vous a dit qu’il n’y aurait pas de raison pour le refuser ensuite à d’autres diplomates y ayant les mêmes droits. Dans le cas qui nous occupe, il y a une différence dont il faut tenir compte, entre le titulaire actuel de la légation de Paris et les autres ministres : c’est que le premier était déjà en possession du titre d’ambassadeur. On ne pouvait sans le faire déchoir lui en offrir un autre. On ne le lui a donc pas offert.
L’honorable membre a cru devoir revenir sur l’espace de temps qui s’est écoulé entre le retour de notre ancien ministre à Paris, et la nomination du nouveau. Messieurs, ce reproche est facile à faire, mais vous comprendrez tous que, pour les nominations de cette nature, il y a des difficultés de plus d’une sorte ; elles ne viennent pas toutes de l’intérieur, du pays, des personnes qui sont rappelées, du moins des personnes qui les remplacent, il y en a quelquefois et ce sont les plus graves, qui viennent du pays même près duquel les ministres doivent être accrédités.
Tout n’est pas fait encore lorsque ces premiers obstacles sont levés et que l’on s’est assuré du concours d’un diplomate capable et digne de représenter le pays près d’une cour étrangère ; il faut encore que ses précédents, que son caractère ne soient pas de nature à soulever quelque répugnance. Il faut que le souverain de cette cour le voie arriver avec plaisir s’enquérir de ses sentiments à cet égard. C’est un acte de courtoisie dont aucun Etat européen ne se départit. Cette difficulté s’aggrave encore pour la résidence de Francfort, car là, ce n’est pas auprès d’une cour, mais de toutes les cours de l’Allemagne, que le ministre est accrédité, et un choix qui conviendrait à l’une d’elles, pourrait être nuisible aux intérêts que nous avons à traiter avec une autre. La chambre comprendra par ces observations la difficulté qu’il y avait à remplir immédiatement ces vacatures. Elle la comprendra d’autant plus que le cas s’est déjà présenté en Belgique. Plusieurs vacances ont eu lieu, notamment en Prusse, il n’y a pas été pourvu immédiatement.
L’honorable M. Osy revenant sur les économies qu’il a proposées vous a dit que ces économies monteraient à 95,000 fr. Sans disputer sur le chiffre, je ferai observer qu’il n’a probablement pas porté en compte les pensions qu’il faudrait faire aux titulaires qu’on ne pourrait pas destituer brutalement sans leur donner au moins un traitement de disponibilité. Et les frais de toute nature, qui sont habituellement supportés par les ministres plénipotentiaires et pour lesquels il faudrait donner des indemnités à de simples charges d’affaires ; je dirai de plus qu’aucun chargé d’affaires ne pourrait vivre honorablement avec les appointements attachés à ce grade, dans les capitales dont il est question.
A l’appui de son opinion, l’honorable membre a cité la légation de Vienne, qui autrefois était gérée par un chargé d’affaires, et pourrait l’être encore. Cet exemple est mal choisi ; car c’est précisément parce que le gouvernement a acquis la conviction que ce chargé d’affaires ne pouvait être d’aucune utilité, à cause de l’infériorité relative de sa position, qu’on a changé le caractère de cette mission et qu’on l’a confiée à un ministre plénipotentiaire. J’ajouterai ici que ce chargé d’affaires ne pouvait se soutenir avec son traitement, et que cependant ce traitement n’était pas de 15, mais bien de 20,000 francs, si ma mémoire est fidèle. Si à ces traitements de disponibilité à accorder aux titulaires actuels, vous ajoutez les frais qui résultent nécessairement de certaines grandes cérémonies annuelles dans lesquelles la Belgique doit être représentée et qu’il faudrait bien payer en dehors de leur traitement à de simples chargés d’affaires, vous verrez qu’au lieu de 95 mille fr. l’économie proposée ne serait guère que de 30,000 fr., et peut-être de moins encore, car, je le répète, j’ai accepté le chiffre de M. Osy.
Comme vous l’a dit tout à l’heure M. le rapporteur de la section centrale, la Belgique est à la queue des autres nations, quant aux traitements alloués aux ministres qui la représentent à l’étranger.
Je puis vous en rendre juges. Les Etats-Unis ont à Paris un envoyé extraordinaire qui reçoit 62,000 fr. La Bavière a un ambassadeur qui reçoit 82,000 fr. Danemarck, 60,000 fr. ; Deux-Siciles, 75,000 fr. ; Sardaigne, 100,000 fr. ; Suède, 85,000 fr. ; Saxe, 60,000 fr.
L’ambassadeur de Belgique ne reçoit que 48,000 fr.
Ce que je dis pour Paris, je puis le dire pour Vienne ; à Vienne le traitement des ministres plénipotentiaires est ainsi fixé, indépendamment des frais de premier établissement, pour les trois puissances ci-après : Bavière, 60,000 fr. ; Naples, 50,000 fr. ; Saxe, 60,000 fr.
Notre ministre ne reçoit que 35,000 fr.
Vous voyez que nous sommes à peu près à la dernière limite de ce que nous pouvons faire quant au traitement de nos ministres plénipotentiaires.
M. Devaux. - Je répondrai un mot à M. le ministre des affaires étrangères. Auparavant, je veux rectifier (car je l’avais omis) l’erreur qu’a commise M. le ministre de l’intérieur, lorsqu’il a parlé de la légation de Berlin. Je voulais lui répondre que si la légation de Berlin est restée vacante, c’est parce qu’il y avait des raisons diplomatiques, c’est parce qu’il y avait des difficultés entre le gouvernement belge et le gouvernement prussien.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est une erreur.
M. Devaux. - J’ai dit qu’il y avait quatre ministres plénipotentiaires en disponibilité à Bruxelles on me fait observer qu’il y en a cinq. Je voulais parler de MM. Goblet, Vilain XIIII, de Baillet et Lehon ; je n’avais pas compté le cinquième, M. Lebeau, parce que je sais que celui-là n’est pas disponible pour le ministère actuel.
M. le ministre des affaires étrangères a répondu qu’il avait, pour remplir les postes vacants, de grandes difficultés, non pas seulement à l’intérieur, mais surtout à l’extérieur, qu’il fallait consulter les convenances des gouvernements étrangers et que, comme à Francfort, il y avait un grand nombre de gouvernements représentés à la diète, il y avait d’autant plus de convenances à consulter. Les faits viennent singulièrement amoindrir ces difficultés dont parle M. le ministre des affaires étrangères.
En d’autres temps il n’a pas fallu deux ans pour connaître les convenances des gouvernements étrangers représentés à Francfort. Lorsque M. Nothomb est sorti du ministère, il a été improvisé ministre plénipotentiaire à Francfort, le jour de sa sortie du ministère ou la veille. Loin qu’on ait alors passé deux ans à s’enquérir des convenances des gouvernements allemands, on y a pas mis deux jours.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le poste de Berlin a été très longtemps vacant ; il n’y avait qu’un chargé d’affaires, et nous pouvions y avoir un ministre plénipotentiaire. L’honorable comte M. de Baillet y était resté quelque temps avec ce titre ; il avait résigné ses fonctions et avait été remplacé par un chargé d’affaires ; et rien cependant ne s’opposait politiquement à ce que nous eussions un ministre plénipotentiaire. Je puis l’affirmer ; je sais parfaitement ce qui s’est passé à cette époque.
Quant à la circonstance que j’ai été nommé ministre plénipotentiaire à Francfort, en quittant le ministère, je dirai que jusque-là on n’avait encore donné l’exemple du puritanisme que l’on préconise aujourd’hui.
M. Devaux. - Un puritanisme qu’on aurait dû avoir et qu’on devrait professer dans tous les temps, c’était de ne pas se donner une place à soi-même en sortant du ministère, avec l’intention de voter en public avec ses successeurs et de comploter leur renversement dans des conciliabules de sénateurs.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai jamais comploté en secret, dans des réunions de sénateurs, contre un ministère quelconque. Ce sont là des allégations qu’on doit laisser à la presse. En dehors de la chambre, je n’y ai jamais répondu. Dans cette chambre, je déclare que je ne me suis mêlé à aucun complot contre l’ancien ministère. Quand il sera nécessaire d’expliquer les motifs de mon entrée au ministère, je le ferai. Le moment n’est pas venu.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Comme sénateur, j’ai pris part à quelques conférences, au moment de la dissolution de l’ancien cabinet.
Dans aucune de ces conférences, que motivait l’état des choses, je n’ai vu M. le ministre de l’intérieur. Il n’est pas non plus arrivé à ma connaissance qu’aucune proposition d’un membre du sénat soit venue primitivement de lui. Cet aveu, je le devais la vérité, et il n’est rien de ce que nous fîmes alors qui ne puisse être ouvertement déclarée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’entends que l’on dit que j’ai donné l’idée de l’adresse du sénat ; je le nie formellement. Je ne sais pas de qui est venue cette idée ; beaucoup l’ont eue sans doute. Quant à moi, je n’ai pas inspiré l’adresse ; je l’ai encore moins rédigée. Il y a plus, je me suis tenu constamment a l’écart. Lorsque ces événements se préparaient, je n’ai voulu voir ni mes amis, ni ceux qu’on pouvait supposer mes adversaires. Je me suis tenu constamment en dehors de ces événements.
M. Devaux. - Je maintiens mon opinion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Et moi, je maintiens ma dénégation.
- La clôture et prononcée.
Les art. 1 à 8 du chap. Il sont successivement mis aux voix et adoptés ; ils sont ainsi conçus
« Art. 1er. Autriche : fr. 40,000 »
« Art. 2. Confédération germanique : fr. 40,000 »
« Art. 3. France : fr. 60,000 »
« Art. 4. Grande-Bretagne : fr. 80,000 »
« Art. 5. Pays-Bas : fr. 50,000 »
« Art. 6. Italie : fr. 40,000 »
« Art. 7. Prusse : fr ; 50,000 »
« Art. 8. Turquie : fr. 40,000 »
La chambre passe à l’art. 9 ainsi conçu :
« Art. 9. Brésil : fr. 21,000 »
M. Verhaegen. - J’ai une observation à soumettre à la chambre sur l’art. 9. Cette observation n’a, comme de raison, rien de politique ; car, au Brésil, nous n’avons à nous occuper que de nos intérêts commerciaux. L’observation consiste en ce que cet article constitue un double emploi.
Il y a, en ce moment, au Brésil, un négociant belge qui y est allé pour ses affaires personnelles, et qui paraît avoir donné son temps aux affaires publiques, moyennant une rétribution. Ce négociant appartient, si je suis bien informé, à la ville de Liége. Il a envoyé au gouvernement plusieurs rapports commerciaux, en même temps que des échantillons.
Ce chargé d’affaires extraordinaire doit avoir été payé sur le chapitre VII, missions extraordinaires et dépenses imprévues ; il doit avoir coûté une somme de 10 à 15 mille fr. Maintenant, s’il est vrai que cette personne qui s’est rendue au Brésil pour des affaires particulières, a été chargée d’une mission publique, et qu’elle s’en est acquittée à la satisfaction du gouvernement, pourquoi conservons-nous au Brésil un chargé d’affaires ordinaire ? Car, encore une fois, notre chargé d’affaires ne doit s’occuper que des intérêts commerciaux.
De deux choses l’une : ou la mission extraordinaire suffit aux besoins, et dès lors à quoi bon un chargé d’affaires ; ou bien le chargé d’affaires suffit, et dès lors pourquoi payer des missions extraordinaires ? il est évident qu’il y a double emploi. Je demande à ce sujet une explication à M. le ministre des affaires étrangères.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - L’honorable préopinant a été mal renseigné. Il est faux qu’indépendamment du chargé d’affaires, dont il est question à l’art. 9, il y ait un autre chargé d’affaires qui recevrait 10 ou 12 mille francs sur le chapitre des dépenses imprévues.
Mais ce qui est vrai, c’est que M. le ministre du commerce donné une subvention dont je ne connais pas le chiffre, mais je crois fort modique, à un industriel belge qui a au Brésil un établissement considérable et des relations spéciales à certaines industries ; et de plus, je le répète, c’est une allocation en dehors du budget des affaires étrangères, accordée à un agent commercial ainsi qu’on l’a fait en beaucoup d’autres circonstances avec l’approbation de la chambre.,
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, voici ce qui s’est passé. Un négociant s’est rendu au Brésil, à Rio de Janeiro et a d’abord spontanément transmis au gouvernement des renseignements, des rapports et des échantillons. On l’a engagé à continuer ; il a fait des courses, a été obligé à certains frais et le gouvernement a cru qu’il était juste de lui allouer une indemnité. Cette indemnité lui a été accordée.
Il est vrai aussi qu’ensuite il a reçu une certaine somme pour une entreprise, une tentative d’introduction au Brésil. Je n’ai pas les détails présents à la mémoire ; mais la question pourra se reproduire lorsqu’on discutera le budget du département de l’intérieur. Je dirai seulement qu’il n’y a eu là rien d’inusité, d’extraordinaire. Nous avons, par exemple, un chargé d’affaires en Suisse ; et cependant récemment le ministère de l’intérieur a alloué une indemnité à une personne qui s’est rendue dans ce pays pour recueillir des renseignements sur une question spéciale. Cela s’est toujours fait.
M. Verhaegen. - Messieurs, je viens de vous dire, et MM. les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères l’ont confirmé, qu’il y a double emploi. On ne nous répond pas, quant au chiffre, on ne nous dit pas quelle somme a été allouée à ce négociant que j’appellerai, moi ; et je crois avec raison ; un charge d’affaires extraordinaire. Je conçois que cela soit beaucoup plus commode. J’ai dit que, d’après les renseignements qui m’ont été fournis, cette somme montait à 15,000 francs ; on porte au budget pour un chargé d’affaires 15,000 francs ; j’ai donc eu raison de dire qu’il y avait double emploi.
Pour justifier la chose, on vient vous dire qu’un négociant qui était au Brésil, sans qu’il eût été d’abord chargé d’aucune mission par le gouvernement, lui avait envoyé des renseignements et des échantillons, que le gouvernement avait cru devoir lui donner une indemnité, qu’ensuite il lui en avait accordé une autre pour une entreprise. Mais cette entreprise dure encore ; le négociant est encore au Brésil, et nous avons des raisons de croire qu’il y est pour le compte du gouvernement.
C’est toujours ainsi que les choses se sont passées ; et cela rentre dans une observation que l’on faisait tantôt : on commence par être chargé d’une mission gratuite ; puis on demande des appointements ; puis de gros appointements ; ensuite on va aussi loin que l’on peut aller. Cela peut aller à des individus, je le comprends.
L’exemple que l’on a cité de la Suisse, prouve qu’au lieu d’un abus il y en a deux. Vous avez un chargé d’affaires au Brésil ; qu’il remplisse sa mission ; il est capable ou il ne l’est pas. S’il est capable, il n’est pas nécessaire d’en avoir un second. Il peut donner tous les renseignements dont vous avez besoin. C’est donc de l’argent jeté ; et quand vous êtes en présence d’un déficit, quand vous ne pouvez faire droit à de justes réclamations, quand vous laisse languir la magistrature, il ne faut pas jeter inutilement de l’argent.
M. Rogier. - J’ai une observation à faire, qui m’est suggérée, par celles de l’honorable préopinant.
Les journaux nous ont annoncé la nomination d’un consul-général pour l’Espagne ; ce consul-général a voyagé d’abord dans l’intérieur du pays ; il a convoqué les chambres de commerce pour obtenir d’elles des renseignements de nature à éclairer sa mission. Cette manière de procéder, tout à fait extraordinaire, je n’ai pas m’en occuper dans cette circonstance. Mais je demanderai quel est la nature de la mission de ce consul général ; est-ce une mission définitive ? Va-t-il traiter de nos affaires commerciales et industrielles concurremment avec notre chargé d’affaires, ou bien a-t-il une mission purement temporaire ?
M. le président. - Je ferai remarquer à l’orateur que c’est au chapitre suivant qu’il s’agit des agents consulaires ; il ne s’agit dans celui-ci que des agents politiques.
M. Rogier. - Je le sais bien, M. le président ; mais mes observations se rattachent aussi aux traitements des agents politiques. Je considérerais comme un double emploi la présence d’un chargé d’affaires et d’un consul-général ; car c’est bien avec l’Espagne que nos relations seront essentiellement commerciales et industrielles
De deux choses l’une ; ou le ministre chargé des affaires politiques suffira pour les affaires commerciales, ou il ne suffira pas. Mais, comme je pense, moi, qu’il suffira, la présence d’un consul général chargé des mêmes attributions que notre ministre, formerait véritablement un double emploi, si sa mission devait devenir définitive. Je ne vois, du reste, pas figurer ce consul général dans la liste jointe au rapport de la section centrale ; d’où je conclus qu’il s’agit donc d’une mission purement temporaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Je ne pense pas que l’on puisse considérer les postes des consuls généraux comme des missions perpétuelles ; il me semble que ces fonctions ont toutes un caractère plus ou moins temporaire.
Pour vous rendre compte du caractère de la mission dont s’agit, il est essentiel de vous reporter au temps où le consul général en Espagne a été nommé, c’était quelque temps après que le nouveau tarif eut été mis en vigueur en Espagne. Nous avions alors besoin d’agents commerciaux qui pussent recueillir du commerce tous les renseignements de nature à influer sur la décision que nous sollicitions du gouvernement espagnol. Et c’est sous la pression de ce sentiment, que le nouveau consul général pour l’Espagne fut nommé. je dis consul général pour l’Espagne avec l’intention de faire remarquer à la chambre et à l’honorable membre que le titulaire n’est pas consul général, mais consul général pour la capitale seule où nous avons un chargé d’affaires, mais consul général en Espagne.
Un membre. - Où est-ce, cela ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Il semble que c’est assez explicatif, c’est-à-dire qu’il ne réside pas habituellement dans la même ville que le chargé d’affaires de Belgique. Il peut à volonté se déplacer et aller dans les différentes villes où les besoins de notre commerce avec l’Espagne l’appelleront.
Je n’ai pas besoin d’ajouter qu’aucune rétribution n’est allouée à cet agent, qu’il remplit des fonctions purement gratuites, qu’il peut rendre de très grands services au pays et qu’il ne peut en aucun cas lui être à charge.
M. Rogier. - Messieurs, on vient de dire que la mission de notre consul général était une mission purement gratuite ; je désire qu’elle conserve ce caractère aussi longtemps que possible.
L’inconvénient financier viendrait donc à disparaître. Resterait l’inconvénient que j’appellerai diplomatique. Quant à moi, je crois qu’il ne peut résulter que des inconvénients de ces attributions conférées parallèlement à un consul général et à un ministre plénipotentiaire. Vous amoindrissez la position de ce ministre ; vous le faites paraître aux yeux de la cour près de laquelle il représente le gouvernement ou comme secondaire, ou comme inutile ; vous le découragez. il est évident qu’aux yeux de la cour d’Espagne, notre ministre plénipotentiaire doit être considéré comme étant en quelque sorte incompétent dans les questions commerciales et industrielles ; vous lui donnez une position tout à fait fausse,
Messieurs, j’ai l’honneur de connaître l’un et l’autre des titulaires dont je m’occupe ; mes relations avec eux ont toujours été très bonnes ; ce n’est donc pas une question de personnes que j’agite en ce moment. Si même je n’avais écouté que mes sympathies, je n’aurais pas soulevé cette question. Mais il me semble qu’il y a de véritables inconvénients, au point de vue diplomatique, de maintenir à la fois en Espagne et des fonctions diplomatique et des fonctions de consul général.
Notre diplomatie avec l’Espagne, en ce moment et dans l’avenir sans doute, est une diplomatie commerciale. Si un agent particulier est chargé de traiter des intérêts commerciaux, mais que restera-t-il à faire à l’agent diplomatique ? Quelle sera sa position vis-à-vis le gouvernement espagnol ? Or, je crois que le ministre que nous avons à Madrid est un homme assez capable, assez zélé, assez dévoué à sa position, pour remplir dans toute leur intégrité les devoirs qui lui sont conférés par cette position même.
Vous vous exposez à faire naître des conflits entre vos propres agents ; et ce sont là des inconvénients qu’il faut éviter. Je crois qu’un pareil état de choses est entouré de nombreux inconvénients et que, s’il devait se reproduire ailleurs, vous gâteriez la position de la plupart de vos ministres diplomatiques.
Du reste, je le répète, il n’y a rien dans ce que je dis, de personnel au consul général, que j’ai l’honneur de connaître particulièrement. Mais j’ai été frappé des inconvénients qui pouvaient résulter d’une pareille nomination, des conflits qui pouvaient naître entre les deux agents et surtout de l’atteinte qui pouvait être portée à la considération et à la position de notre agent diplomatique.
M. de Theux. - Je ne veux aucunement m’occuper de la question de fait. C’était au ministère à apprécier si un consul général était nécessaire en Espagne. Ce serait à la chambre à l’apprécier aussi, si l’on demandait un traitement ; ce serait à elle au moins à apprécier s’il y a lien d’allouer ce traitement.
Mais je puis dire un mot de la question de principe. On craint qu’il n’y ait conflit entre le consul général et l’agent diplomatique. C’est une grave erreur. Le consul général n’est revêtu d’aucun caractère diplomatique ; seulement dans les pays où il y a un consul général et des consuls particuliers, il s’établit des relations entre lui et ces derniers.
A l’appui de ce que je viens de dire, quant à la question de principe, je pourrais citer un exemple pris dans notre propre pays. La France a un ambassadeur en Belgique ; et néanmoins elle a un consul général dont la résidence est à Anvers. Mais jamais le consul-général français ne s’est avisé d’entrer en relations diplomatiques avec la Belgique ; et jamais un consul-général n’est entré en relations diplomatiques avec un gouvernement, alors qu’il y a un agent diplomatique près de ce gouvernement. Il faudrait, pour qu’un consul entre en relations diplomatiques, qu’il eût reçu pour cela une mission spéciale, qu’il fut accrédité au moins près du ministre des affaires étrangères, et alors il recevrait le caractère de chargé d’affaires qu’il pourrait peut-être cumuler avec celui de consul général. Maïs, hors ces circonstances, ce sont des fonctions tout à fait distinctes ; et il arrive très souvent que l’on nomme un consul général dans un pays où il y a des consuls particuliers, parce que l’on a ainsi un centre pour recueillir les renseignements commerciaux dont on a besoin.
- L’art. 9 est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Danemarck : fr. 15,000 »
« Art 11. Espagne : fr. 15,000 »
« Art. 12. Etats-Unis : fr. 25,500 »
« Art. 13. Grèce : fr. 15,000 »
« Art. 14. Hanovre, villes libres et anséatiques de Hambourg, Brème et Lubecq : fr. 15,000 »
« Art. 15. Portugal : fr. 15,000 »
« Art. 16. Sardaigne : fr. 15,000 »
« Art. 17. Suède : fr. 15,000 »
- Tous ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
De toutes parts. - A lundi.
M. Dedecker, au nom de la commission de comptabilité, dépose le rapport sur le budget de la chambre.
- L’impression de ce rapport est ordonnée.
La séance est levée à 4 heures 3/4.