(Moniteur belge n°250, du 7 septembre 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn fait l’appel nominal à deux heures.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn communique à la chambre les pièces de la correspondance.
« Le conseil communal de Hasselt présente un mémoire en faveur du prolongement du chemin de fer du Limbourg et prie la chambre d’allouer les fonds nécessaires pour le maintien de ce prolongement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant l’emprunt, sur la proposition de l’honorable M. Coghen.
M. le président. - La disposition principale n’a pas été adoptée au premier vote ; elle est remise en discussion ; c’est le chiffre de 400,000 fr. de rente.
Je prierai les orateurs de vouloir bien se renfermer dans l’objet de la discussion.
La parole est à M. Vandenbossche.
M. Vandenbossche. - Messieurs, malgré mon désir de venir au secours de la capitale, j’ai cru devoir m’abstenir au premier vote, parce que la chambre n’avait pas voulu se prononcer sur le moyen que j’avais proposé pour la tirer des embarras où elle se trouve, moyen que je crois plus favorable à la ville, et tout en même temps moins onéreux à l’Etat que ne serait la convention du 5 novembre, même telle qu’elle se trouve amendée par l’honorable M. Mercier, ou adoptée au premier vote. L’honorable M. Dubus aîné a dit que dans son opinion, il n’y avait qu’une seule question a résoudre ; celle de savoir s’il faut approuver, oui ou non, la convention du 5 novembre 1841. Je ne puis partager ici son opinion ; la question réelle à résoudre est, à mon avis, celle de savoir, si l’Etat veut, oui ou non, soutenir la capitale ? Car la convention du 5 novembre n’est rien autre chose qu’un mode de secours que le ministère nous propose ; or à ce mode tout membre était en droit de proposer un autre mode, et le vote de la chambre ne peut, par conséquent, être assimilé à voter par un oui ou un non sur la convention. J’ai donc cru être dans mon droit de proposer à la chambre de prêter une somme, sans intérêts, ainsi que l’honorable M. Malou, de lui garantit un emprunt ; ces deux propositions méritaient donc d’être examinées et d’être soumises à un vote.
Le ministre suppose que nous voulions tous que le gouvernement fût propriétaire de certains bâtiments et de certaines collections dans la capitale, et que c’était dans cette pensée que nous avions autorisé le gouvernement, il y a quelques années, à acheter, à un prix très élevé, une bibliothèque.
Telle n’a jamais été mon intention. J’ai voté en faveur de l’acquisition de la bibliothèque de feu M. Van Hulthem, pour conserver cette collection dans le pays, mais nullement pour en faire le noyau d’une bibliothèque nationale. Je désirais, au contraire voir distribué cette collection entre les différentes bibliothèques qui se trouvent établies dans le royaume, à commencer par celles de la capitale, et je crois que j’aurais mieux servi les sciences et l’honneur du pays, qu’en érigeant une bibliothèque nationale spéciale, dont la garde nous coûte autant peut-être que toutes les bibliothèques du royaume ; et dans l’intérêt du pays, je ne balancerais pas un moment à voter la suppression de notre bibliothèque nationale, pour en distribuer les ouvrages entre celles que nous possédons dans nos différentes villes. Quel que soit l’exemple que nous offrent les autres gouvernements à ce sujet, je ne me trouve aucunement tenté à les imiter, persuadé que tout en épargnant à l’Etat une grande dépense, le pays dans son ensemble n’en serait que plus brillant.
M. le ministre a cru devoir recourir à la convention pour laisser intacte la loi du 10 vendémiaire an IV. Je veux aussi laisser cette loi intacte et c’est pour cela que j’ai déclaré ne pas vouloir rechercher les causes de la détresse de la capitale. Je ne vois que sa fâcheuse situation et sa qualité de capitale pour lui porter secours ; s’il y a des membres qui n’y voient qu’une ville ordinaire et qui prétendent que ce que nous faisons pour elle, nous devons également le faire pour toutes nos cités, que c’est un précédent que nous devons établir en principe général pour l’avenir, je ne voudrais pas m’y refuser. Qu’on me montre une ville où on impose le foncier de 25 c. additionnels pour la commune, où l’octroi en général est aussi élevé qu’à Bruxelles, et que ce nonobstant elle n’est pas encore en état de payer ses dettes, qu’on me montre, dis-je, cette ville et je lui accorderai mon secours de même qu’à la capitale.
Tout le monde veut faire quelque chose pour elle ; mais n’est-ce pas là une amère dérision si on lui refuse un secours pécuniaire ?
Le noble comte de Mérode vent attendre, pour assister la capitale de son pays, jusqu’à ce que l’Etat se trouve dans l’abondance. Il veut augmenter au préalable toutes les contributions ; il veut que ses concitoyens de Bruxelles, restant courbés sous des impôts communaux énormes, voient encore augmenter leurs impôts au profit de l’Etat. Il ne rêve qu’impôts. Quand je signale à l’Etat d’autres ressources que des impôts ; quand je dis que les domaines dont la société générale prétend être propriétaire, sont les domaines de l’Etat, que ces domaines nous offrent des ressources, sans devoir recourir à de nouveaux impôts ou à des augmentations d’impôts existants, alors le noble comte, avec mes autres honorables collègues, ne daignent pas seulement y faire attention. Il veut, lui aussi, dépouiller le pays au profit de la société générale. Il veut aussi, lui, reconnaître la propriété de ses domaines, et chose étrange, sans savoir et sans vouloir s’enquérir si elle en possède seulement un titre. M. le ministre a très bien dit que, si vous refusez, messieurs, le secours pécuniaire, il se trouvera dans une position difficile envers la capitale ; si vous négligez les ressources que je vous ai si souvent signalées, le gouvernement se trouvera bientôt dans une position autrement difficile envers le pays. Mais la justice triomphera un jour, et alors nous n’aurons plus à craindre pour nos finances. Si nous avons sérieusement en vue d’être justes et de poursuivre nos négociations avec la Hollande, avec tant soit peu d’intelligence, nous pouvons hardiment prêter à notre capitale des secours efficaces. Pour tous ceux qui aiment avoir une capitale digne de ce nom, il ne s’agit que de déterminer le mode de venir à son aide.
Je propose un prêt de huit millions de francs en actions, sans intérêts, remboursable au fur et à mesure que les ressources de la ville le permettront. Le ministre propose pour mode de secours de lui acheter ses bâtiments et ses collections. Je m’oppose à ce mode ministériel, parce qu’il est plus onéreux pour le pays et moins efficace pour la ville. En effet, qu’achèterons-nous ? Des établissements dont la destinée est fixée, en d’autres termes rien, et cela pour une somme perpétuelle de 300,000 francs par an, outre des frais de conservation et d’amélioration qui ne coûteront pas moins de 100,000 francs ; je propose au contraire un prêt gratuit, qui se trouvera remboursé peut-être au bout d’une quinzaine d’années.
D’ailleurs, quel effet aura la convention ? La ville, dit-on, doit immédiatement se livrer à un emprunt que M. le ministre évalue à 12,000,000 de fr. Cet emprunt, la ville ne le contractera qu’à des conditions onéreuses ; et pour fermer un gouffre, elle devra en creuser un autre. Au bout de quelque temps la ville se trouvera dans une situation aussi malheureuse que celle dont nous voulons la tirer ; avec mon prêt elle peut se suffire ; elle peut traiter avec les victimes des pillages, et leur offrir des obligations à un petit intérêt ; elles seront toujours assez payées, car on m’a dit que tel, qui avait évalué ses pertes à 150,000, n’avait pas 20,000 fr. sous le soleil ; elle pourra satisfaire tout ce qui est urgent, et elle aura encore de grandes sommes de reste, et des sommes qui lui vaudront directement des intérêts.
Quant à la loi de vendémiaire, je partage complètement les opinions du noble comte de Mérode. J’en ai donné et justifié les motifs dans une pétition que j’ai adressée à la chambre en mai 1835, avant que j’eusse l’honneur d’en être membre.
M. le président. - Voici l’amendement présenté par M. Vandenbossche.
« 1° Le gouvernement est autorisé à prêter à la ville de Bruxelles une somme de huit millions de francs en obligations du nouvel emprunt qu’il se propose de faire.
« 2° La ville ne payera pas d’intérêt mais elle remboursera le capital au fur et à mesure dé ses ressources, ce dont le gouvernement décidera.
« 3° Les droits attribués en matière de comptabilité à la députation permanente du conseil provincial par la loi du 30 mars 1836, quant à la ville de Bruxelles, seront exercés par le gouvernement qui pourra modifier le budget, la députation permanente entendue, aussi longtemps que la ville restera débitrice de l’Etat, du chef de la susdite somme précitée.
« 4° A défaut par le conseil communal, soit de dresser les budgets à l’époque fixée par la loi, soit de décréter les impositions communales directes ou indirectes, il y sera pourvu d’office par le gouvernement, la députation permanente entendue.
« 5° Le gouvernement fera les stipulations nécessaires pour la conservation des bâtiments et des collections à leur destination actuelle, etc. »
- Cet amendement n’est pas appuyé.
- Personne ne demandant plus la parole, M. le président met aux voix la disposition principale ; elle n’est pas adoptée.
On procède ensuite au vote par division de la disposition qui a été adoptée lors du premier vote.
« Art. unique. Le gouvernement est autorisé à conclure directement une convention avec la ville de Bruxelles, sur le pied de celle du 5 novembre 1841, mais sous les conditions suivantes
« 1° Que la recette annuelle de 400,000 fr., stipulée à l’art. 2 de ladite convention, sera réduite à 300,000 fr. »
- Adopté.
M. Malou. - Messieurs, avant que la chambre ne procède au vote du n°2, je demande à faire une observation.
Il n’entre pas dans mes intentions, il n’est pas non plus dans les usages de la chambre de se livrer à une discussion générale, lors du second vote d’un projet ; j’ai cru pourtant ne pas devoir passer sous silence une observation de la section centrale, sur la propriété des bâtiments de l’observatoire.
D’après les arrangements qui sont intervenus lors de la construction de ces bâtiments, l’Etat et la ville y ont pris chacun une part ; la question de propriété a été décidée dans un sens par le ministère, mais la section centrale n’a pas pu se ranger à son opinion.
Aujourd’hui, si la convention était ratifiée, deviendrions-nous propriétaires des bâtiments de l’observatoire ? ce serait une singulière anomalie de ne pas les comprendre dans la convention, par laquelle l’Etat acquiert la propriété du terrain.
Je ne crois pas qu’en ajoutant cette condition nouvelle à la convention du 5 novembre, nous puissions créer une difficulté. Si la ville de Bruxelles conservait ses droits, quels qu’ils soient, ou si même cette propriété pouvait être contestée, il s’élèverait aussi des difficultés sur le point de savoir à qui incombe la charge des grosses réparations. En comprenant donc les bâtiments de l’observatoire dans la convention, en ajoutant une nouvelle réserve à celles que nous avons déjà faites, on n’aura pas, je le répète, créé un embarras nouveau, on aura, au contraire, prévenu une discussion qui aurait pu se présenter. La cession sera d’ailleurs pour la ville une décharge lucrative, et la disposition nouvelle aura ainsi le même caractère que les autres dispositions de la convention du 5 novembre.
Il suffirait donc d’insérer entre les numéros 1° et 2° un paragraphe ainsi conçu :
« Que les droits de la ville de Bruxelles aux bâtiments de l’observatoire seront cédés au gouvernement. »
- L’amendement est appuyé.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, on pourrait, à la rigueur, contester la nécessité de cette addition ; je crois que la cession doit être entendue dans ce sens. Néanmoins, pour plus de certitude, on pourrait adopter l’amendement. Toutefois je pense qu’au lieu des mots seront cédés au gouvernement, il faudrait mettre ; seront compris dans la cession.
M. Malou déclare se rallier à ce changement de rédaction.
- Le § ainsi modifié est mis aux voix et adopté. Il forme le n° 2° de l’article.
La chambre adopte ensuite sans discussion les paragraphes suivants
« 3° Que la ville de Bruxelles renoncera à toute prétention qu’elle pourrait avoir, à la date de la présente loi, à charge du gouvernement ;
« 4° Que la rente ne pourra être déléguée ni affectée directement ni indirectement, qu’en vertu d’une autorisation préalable du gouvernement ;
« 5° Que les droits attribués, en ce qui concerne l’approbation des dépenses des budgets et des comptes, à la députation permanente du conseil provincial, par la loi du 30 mars 1836, seront, quant à la ville de Bruxelles, exercés par le gouvernement, la députation permanente entendue ;
« et 5° qu’à défaut, par le conseil communal, soit de dresser les budgets à l’époque fixée par la loi, soit de décréter les impositions communales, directes ou indirectes, suffisantes pour couvrir les dépenses, il y sera pourvu d’office par le gouvernement, la députation permanente entendue. »
Voici le résultat du vote :
75 membres ont répondu à l’appel nominal.
38 ont répondu oui.
35 ont répondu non.
4 se sont abstenus.
Ont répondu oui : MM. de la Coste, Coghen, de Behr, de Brouckere, Dechamps, Dedecker, de Muelenaere, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Jadot, Jonet, Lebeau, Lejeune, Liedts, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Raymaeckers, Rogier, Smits, Vanderbelen, Van Volxem, Verhaegen, Wallaert, Zoude et Fallon.
Ont répondu non : MM. Brabant, Cools, Coppieters, de Garcia, Delehaye, Delfosse, Demonceau, de Nef, de Potter, Desmet, Donny, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Kervyn, Lange, Lys, Malou, Peeters, Pirmez, Puissant, Raike M. Sigart, Simons, Thienpont, Trentesaux, Van Cutsem et Vanden Eynde.
MM. Cogels, de Renesse, Savart-Martel et Vandenbossche, qui se sont abstenus, sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Cogels. - Si j’avais pu ne considérer la convention qu’en elle-même je n’aurais pas hésité à la repousser, parce que je la regarde comme fort onéreuse dans son principe et comme devant donner lieu par la suite à des conséquences beaucoup plus onéreuses encore pour le trésor. Mais on a fait valoir des considérations pouvant primer celle-là. Cependant, comme je n’ai pas pu suivre la discussion que je n’ai pas pu prendre part aux débats, que je n’ai pas assisté au premier vote, j’ai cru devoir m’abstenir.
M. de Renesse. - Je regrette de n’avoir pu donner un vote favorable à l’arrangement conclu entre le gouvernement et la ville de Bruxelles, ni à la modification qui y a été apportée ; si je considère la situation actuelle de nos ressources, je ne puis admettre que de nouvelles charges extraordinaires, toutes improductives, et de luxe, viennent graver les budgets de l’Etat, lorsque surtout, d’autres localités, sacrifiées à l’intérêt général, n’ont jusqu’ici, malgré leurs vives réclamations, pu obtenir une juste compensation, pour les pénibles sacrifices qui leur sont imposés par un fatal traité.
J’eusse volontiers donné mon assentiment à un secours financier raisonnable, calculé d’après nos moyens actuels qui, sans trop surcharger le trésor de l’Etat, aurait, cependant, pu améliorer la fâcheuse situation financière de la ville de Bruxelles ; comme les moyens proposés me paraissent être trop onéreux, pour les ressources du trésor, je ne puis les accepter, mais j’ai préféré m’abstenir, ne voulant pas donner un vote, en définitive, contraire aux intérêts de la capitale du royaume qui, sous plusieurs rapports, a quelques droits à la bienveillance nationale.
M. Savart-Martel. - Une indisposition m’ayant empêché de suivre la discussion, j’ai cru devoir m’abstenir.
M. Vandenbossche. - Je crois avoir suffisamment développé les motifs de mon abstention à votre dernière séance.
M. le président. - Je prie M. le ministre de déclarer s’il se rallie au projet de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Le gouvernement ne peut pas se rallier au projet de la section centrale, parce qu’elle a proposé d’ouvrir un crédit pour des travaux qui n’ont pas été décrétés en principe. Jamais le gouvernement n’a cru devoir se rallier à des propositions ayant pour objet d’ouvrir des crédits pour l’exécution de travaux non décrétés par la législature. C’est par ce motif qu’il croit ne pas pouvoir se rallier au projet de la section centrale.
M. Delehaye. - Messieurs, bien que le projet dont il s’agit soit présenté par M. le ministre des finances par cela seul qu’il se rattache aux travaux publics, je viens adresser à M. le ministre des travaux publics une interpellation sur deux pétitions concernant son ministère qui lui ont été renvoyées il y a deux mois. La première, émanée d’un grand nombre de propriétaires, proposait des mesures propres à prévenir les inondations dont nous sommes souvent menacés. La deuxième émanée de plusieurs propriétaires, concernait à peu près le même objet. Ces deux pétitions ont été renvoyées à M. le ministre avec demande d’explications. Comme nous sommes à la veille de terminer nos travaux, je lui demanderai s’il est en mesure de nous donner ces explications.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Les pétitions dont vient de parler l’honorable préopinant, concernent des travaux de canalisation qui se rattachent au système général d’amélioration des voies navigables et de création de voies nouvelles dont l’utilité pourrait être reconnue. Je crois donc devoir m’abstenir de toute explication jusqu’à ce que le travail qui se fait relativement aux voies navigables à améliorer ou à créer soit assez avancé pour mettre le gouvernement à même de faire une proposition aux chambres.
M. Delehaye. - M. le ministre, n’étant pas prévenu de mon interpellation, je comprends qu’il ait pu se tromper dans la réponse qu’il m’a faite. La première pétition ne concernait pas des travaux de navigation, mais des mesures administratives qui devaient mettre un terme aux inondations. Si je ne me trompe, il s’agissait de nommer une commission chargée d’examiner le cours de l’Escaut tant en France qu’en Belgique, mais nullement de nouvelles constructions.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - J’ai cru que l’honorable membre demandait la construction du canal de Nevele, parce qu’il en est question dans une des pétitions qui m’ont été renvoyées. Et c’est sur cette pétition que portait ma réponse. Mais il vient de m’expliquer qu’il y a aussi une pétition relative à des mesures administratives à prendre, que les pétitionnaires considèrent comme devant mettre un terme aux inondations de l’Escaut. Ici je dois faire une réponse à peu près semblable à l’honorable membre.
Il n’ignore pas qu’il y a une commission instituée depuis un an à peu près pour examiner tout le régime de l’Escaut et surtout ce qui concerne les inondations. Cette commission touche au moment de faire son rapport ; elle m’a fait connaître que son travail était terminé et qu’elle était occupée à le mettre en ordre pour me l’envoyer, ce qui aura lieu sous peu de temps. Ainsi, je ne puis pas répondre comme le voudrait l’honorable M. Delehaye à l’interpellation qu’il m’est faite, car je ne tiens pas encore ce rapport.
M. de Nef. - Lorsque l’emprunt décrété en 1840 fut envisagé comme le dernier, et suffisant pour achever toutes les lignes adoptées du chemin de fer, j’étais loin de penser que l’erreur dans les prévisions eût été de près de trente millions ; cependant je me complais à croire qu’au moins cette fois-ci le calcul sera fait avec prudence et avec l’exactitude la plus minutieuse.
Il est vrai que deux millions peuvent être alloués aux constructions des communications dans le Luxembourg pour récompenser le non-rattachement du chemin de fer à la province, mais il est vrai aussi que ce principe de rattachement a été voté par un motif de conciliation ; et en effet quel avantage, par exemple, a produit à un des trois arrondissements de la province d’Anvers, l’application dudit principe du rattachement du chemin de fer à la province, puisque les localités les plus populeuses sont distantes du point le plus rapproché du chemin de fer de huit à dix lieues ?
Toutefois. j’applaudis à la proposition en faveur du Luxembourg ; parce que je prévois que le bon résultat en sera immense ; mais je ne puis pas concevoir pour quel motif une certaine somme pour commencer l’exécution de la canalisation de la Campine n’a pas été comprise dans le nouvel emprunt, puisque le ministre des travaux publies, en répondant en mon absence à l’honorable M. Peeters, a reconnu lui-même, qu’en canalisant la Campine, nous acquerrons en quelque sorte une nouvelle province. Peut-être répétera-t-il que l’instruction n’en est pas faite, précisément comme si l’instruction était déjà faite dans le Luxembourg, précisément comme si dans la Campine anversoise et limbourgeoise, où selon lui-même une nouvelle province est à acquérir, l’œuvre de communication n’est pas pour le moins aussi utile que dans le Luxembourg, et précisément comme s’il ignorait que le projet de MM. Teichmann et Masui, amendé par M. Kummer, et dont les études sont faites, a un double but, celui de rattacher plus avantageusement la Meuse à l’Escaut, de manière à ce que les marchandises d’Anvers et les houilles de Liége puissent être débarquées plus près des grandes localités intermédiaires et celui de fertiliser plus facilement toutes les bruyères de la Campine.
Messieurs, connaissant très spécialement toutes les localités et les diverses situations de la Campine anversoise, et en partie celles du Limbourg, j’ai la conviction intime que, sans l’adoption du projet amendé par M. Huveners, la canalisation de la Campine, et entre autres certain projet beaucoup plus borné, conçu par M. Vifquain, ingénieur du reste très distingué, ne produira qu’un intérêt secondaire ; sans cette adoption, on devra s’abstenir dorénavant de penser au bel avenir réservé à cette contrée pour le bien-être général du pays, on devra s’abstenir enfin de songer à l’acquisition d’une nouvelle province dont le projet précité rend la réalisation certaine.
Partant de là, et présumant que le gouvernement, pour conserver le crédit dans le pays, n’a pas l’intention de faire par la suite des emprunts nouveaux, je pense qu’il serait bon de comprendre dans l’emprunt, pour la canalisation et routes nécessaires dans la Campine, quatre millions, dont le paiement pourra être ordonnancé ultérieurement à fur et à mesure de la dépense, et de cette manière le tout pourra être réglé sans devoir songer à des emprunts nouveaux, puisque la prévision de l’amélioration de notre situation financière et les amortissements annuels de nos emprunts donnent une garantie certaine, que l’on trouvera très facilement le restant du montant qui pourra être jugé nécessaire tant pour achever la canalisation et l’exécution des routes indispensables dans la Campine, que pour faire en d’autres provinces de nouvelles communications dont la nécessite sera reconnue.
En tous cas, j’ai remarqué avec une certaine satisfaction que la section centrale, suivant les bonnes dispositions de presque toutes les sections, a reconnu le principe de la nécessité en comprenant une certaine somme dans l’emprunt pour la canalisation de la Campine ; mais, puisqu’il ne s’agit pas en ce moment de discuter un projet quelconque, je m’abstiens de parler de ce qu’elle dit concernant la construction d’une canalisation à petites dimensions moyennant le concours des communes et des propriétés jusqu’au temps opportun, jusqu’à ce qu’un projet, que, pour le bien général du pays, je désire être dans le sens des ingénieurs précités, soit présenté par M. le ministre des travaux publics, et j’espère que la chambre, partageant mon avis, ne voudra pas se lier d’avance.
M. de Brouckere. - Messieurs, le projet présenté par M. le ministre des finances et celui qu’y a substitué la section centrale diffèrent particulièrement sous trois rapports. D’abord le projet ministériel demandait 30 millions pour être affectés à l’achèvement des lignes du chemin de fer, la section centrale a réduit ce chiffre à 28,250,000 francs. En second lieu le gouvernement avait demandé 1,500 mille francs pour l’agrandissement de l’entrepôt d’Anvers. La section centrale a rejeté cette demande ou ajourné, quant au projet c’est la même chose. En troisième lieu le projet du gouvernement n’a pas fait mention de la canalisation de la Campine ; et la section centrale a proposé, pour commencer cette canalisation, une allocation de 1,700,000 fr. Pour simplifier la discussion, je désirerais que le gouvernement voulût bien s’expliquer sur chacun de ces trois points, voulût bien nous dire si, sauf ce qui concerne la canalisation de la Campine sur laquelle M. le ministre des finances s’est déjà expliqué, a fait valoir une fin de non-recevoir, il se rallie aux propositions de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Smits) - J’ai demandé que la discussion s’établît sur le projet du gouvernement parce que le gouvernement ne renonce pas à la demande qu’il a faite pour l’entrepôt d’Anvers. Il peut renoncer à la somme qu’il avait demandée pour l’achèvement des lignes du chemin de fer et se rallier à celle proposée par la section centrale, car c’est celle qui avait été indiquée par les ingénieurs. Ainsi le gouvernement se ralliera à la proposition de la section centrale en ce qui concerne le chemin de fer, mais il maintient la proposition relative aux constructions à faire à l’entrepôt. Quant à la Campine, j’ai expliqué pourquoi le gouvernement ne pouvait se rallier à la proposition de la section centrale bien qu’il reconnaisse la nécessité des travaux qu’elle avait en vue.
M. de Brouckere. - Je cherchais seulement à éclaircir un fait. Ainsi il résulte de M. le ministre des finances que le projet du gouvernement tend à affecter ainsi les fonds de l’emprunt.
Parachèvement des travaux du chemin de fer : fr. 28,250,000
Amélioration des voies de communication dans la province du Luxembourg : fr. 2,000,000
Entrepôt d’Anvers : fr. 1,500,000
M. de Renesse. - Messieurs, lorsque, par le projet de loi présenté à la chambre, dans la séance du 11 mai 1840, le gouvernement demandait l’autorisation de contracter un emprunt de 90 millions de francs, destiné en grande partie pour l’entier achèvement du chemin de fer, il fut démontré, non seulement, par MM. les ministres des finances, des travaux publics, mais aussi, par M. le rapporteur de la section centrale, et par plusieurs de nos honorables collègues, que, en accordant pour les chemins de fer, une somme de 57,660,000 fr., l’on mettait à la disposition du département des travaux publics, tous les fonds nécessaires pour terminer entièrement la voie ferrée.
La section centrale chargée d’examiner le projet d’emprunt de 1840, avait établi, par son rapport du 29 mai de la même aunée, qu’avec les ressources extraordinaires que le pays possédait, et que l’avenir nous réservait, l’on pouvait se borner à n’accorder pour le chemin de fer qu’une somme de 40,000,000 francs, sauf à parfaire en 1843, le restant de l’emprunt demandé pour l’entier achèvement du railway, si alors ces ressources extraordinaires n’étaient pas à la disposition du département des travaux publics ; mais, sur la vive réclamation du gouvernement, qu’il fallait voter toute la somme nécessaire à l’entière construction de la voie ferrée, pour fermer plus tard la porte aux emprunts, pour forcer l’administration à se renfermer dans les crédits demandés, et à travailler avec économie, la grande majorité de la chambre, ayant confiance dans cette déclaration du gouvernement, consentît à accorder la somme postulée par M. le ministre des travaux publics.
Après la longue discussion, qui eut lieu, tant à la chambre, que notamment au sénat, et d’après l’assurance formelle donnée par le gouvernement, que ce serait le dernier emprunt à voter pour la voie ferrée, nous avions droit d’espérer, que l’administration du chemin du fer se serait strictement renfermée dans les crédits qui lui avaient été alloués, d’un commun accord avec les chambres, et qu’elle ne viendrait plus réclamer une somme aussi importante, que celle de 30,000,000 fr., lorsque surtout en 1840, cette administration, dont les calculs avaient été révisés par le conseil supérieur des ponts et chaussées, nous certifiait que la somme de 57,660,000 fr. devait suffire pour terminer entièrement le chemin de fer, décrété par la législature. Par le compte rendu du chemin de fer, présenté à la chambre le 4 février 1841, il fut encore déclaré que le coût d’établissement des chemins de fer belges, décrétés par les lois des 1er mai 1834 et 26 mai 1837, comprenant une étendue de 113 lieues, avait été fixé et arrêté définitivement à la somme de 125,664,707 fr., et que la dernière somme demandée et accordée par l’emprunt de 1840 suffirait à l’exécution du système entier de la voie ferrée, et cependant l’on vient encore nous demander 30,000,000 de fr. Je ne puis assez blâmer la légèreté avec laquelle l’administration du chemin de fer a présenté aux chambres en 1840 ses calculs sur les frais de construction du railway ; en soumettant des chiffres erronés, de beaucoup au-dessous de ceux qui doivent actuellement être considérés comme exacts, elle induisait la législature en erreur sur les véritables dépenses du chemin de fer ; cependant depuis 1835, où les études spéciales avaient commencé pour le chemin de fer de Liége à la frontière de Prusse, qui présentait de grandes difficultés à vaincre, l’administration avait eu tout le temps nécessaire pour établir avec plus d’exactitude ses devis estimatifs, pour calculer toutes les chances de construction de cette partie de la voie ferrée.
Cette administration voulait-elle ne pas faire connaître les dépenses réelles de cette section du chemin de fer, et engager ainsi la législature dans des dépenses exorbitantes qui auraient pu être évitées en donnant peut-être une autre direction à cette partie du railway ? Si j’avais la conviction que cette administration a sciemment soumis des calculs inexacts aux chambres, je demanderais qu’une enquête fût ordonnée sur tout ce qui a rapport à l’administration et à la construction du chemin de fer ; et certes, ce serait bien le moment d’user de cette prérogative de l’art. 40 de la constitution, lorsque cette administration publique occasionne par ses mécomptes, qui me paraissent être hors de toute proportion raisonnable, une nouvelle dépense aussi considérable que celle qui nous est postulée, pour l’achèvement du chemin de fer, et que, d’ailleurs, nous n’avons aucune garantie que c’est la dernière somme qui nous sera demandée à cet effet.
Cette administration, si elle avait eu réellement à cœur les intérêts du pays, si elle tenait à ménager les ressources de l’Etat. pour pouvoir les appliquer à d’autres travaux d’utilité publique dans des localités qui sont privées des avantages du chemin de fer, aurait dû faire des études plus approfondies des plans et du coût d’établissement du railway avant de demander à la législature la somme nécessaire à son entier achèvement, et surtout lorsque déjà les dépenses de cette voie ferrée avaient dépassées de beaucoup les premières prévisions, il fallait éviter toutes les constructions de luxe, travailler avec la plus grande économie, se renfermer strictement dans l’exécution des ouvrages nécessaires pour terminer ce chemin de fer au meilleur compte possible.
Maintenant l’on dépense des sommes énormes pour la voie ferrée, en dehors de toute proportion des premières demandes ; toutes les ressources de l’Etat doivent être absorbées pour cette construction, et l’on ajourne indéfiniment les nombreuses demandes de routes et de canaux, vivement réclamés par des localités et provinces, qui n’ont peu ou aucun avantage du chemin de fer. Ces localités et surtout la province de Limbourg, sacrifiée à l’intérêt général méritent cependant d’obtenir aussi l’attention et la bienveillance du gouvernement et des chambres ; il est plus que temps, que, conformément aux nombreuses promesses faites, l’on mette la main à l’œuvre aux constructions d’utilité publique, réclamées par ces localités. Les chambres et le gouvernement, pour être justes et équitables, doivent, autant que faire se peut, avoir une justice distributive, pour toutes les provinces du royaume ; il ne faut pas que l’on dépense constamment tous les millions des emprunts dans certaines provinces, singulièrement privilégiées depuis 1830 ; il faut surtout que les provinces sacrifiées à l’intérêt général, reçoivent une certaine compensation, qui leur a été formellement promise, pour les pertes notables qu’elles ne cessent d’éprouver depuis le morcellement de leurs territoires. Aussi la proposition d’accorder à la province de Luxembourg une somme de deux millions pour la construction des routes pavées et ferrées obtiendra mon assentiment, parce qu’il est équitable de donner à cette province une indemnité pour le chemin de fer qui lui avait été formellement promis, et en outre, pour la dédommager des sacrifices imposés par un fatal traité.
Le gouvernement, qui avait pris pareillement l’engagement de soigner et d’améliorer les intérêts du Limbourg, froissés par la perte d’une forte partie de son territoire, aurait lui-même dû saisir l’occasion de cet emprunt, de proposer aussi une certaine somme pour cette province, pour les constructions de routes, vivement réclamées par diverses localités qui n’ont aucun avantage du chemin de fer et pour la canalisation de la Campine.
Lors de la discussion du dernier emprunt, en 1840, il paraissait que le gouvernement allait s’occuper plus activement de cette canalisation ; l’honorable ministre des travaux publics, interpellé par plusieurs membres de la chambre, répondait « que les travaux du chemin de fer ne détournaient pas l’attention du gouvernement de travaux plus modestes et qui n’ont pas une moins grande utilité ; que l’on ne pouvait pas se dissimuler que les contrées connues sous le nom de Campine tant de la province de Limbourg, que dans celle d’Anvers, sont au premier rang de celles qui ont droit à des constructions publiques, à des travaux de canalisation ; que des compensations étaient dues à la province de Limbourg ; que probablement en 1841 le gouvernement pourrait présenter le projet de cette canalisation. »
Depuis 1840, malgré les vives démarches du conseil provincial du Limbourg et des représentants de cette province, le ministère a toujours ajourné la présentation d’un projet de canalisation de la Campine, dont la grande utilité n’a pas même été contestée par le gouvernement, d’ailleurs déjà reconnue par l’unanimité d’une commission d’enquête, convoquée à Anvers en 1838 ; cependant les études des trois différents systèmes de canalisation sont achevées depuis assez longtemps ; l’on aurait donc pu s’occuper plus activement d’un travail qui doit avoir une si heureuse influence pour les intérêts matériels de nos provinces.
La province de Limbourg ne sait à quoi attribuer que la plupart de ses demandes de travaux d’utilité publique sont presque toujours ajournées par le gouvernement ; s’il y avait encore neuf représentants de cette province, il est probable que ses réclamations trouveraient plus d’écho auprès du gouvernement et des chambres ; ce n’est qu’avec peine qu’elle obtient de temps à autre un bout de route dont l’exécution marche avec si peu d’activité, qu’il faut toujours un grand nombre d’années avant son entier achèvement. Quant aux fonds à accorder pour le service de la Meuse, ce n’est qu’à force d’instances que, pour la première fois, cette année-ci une somme extraordinaire de 150,000 fr. a été accordée pour les réparations réclamées impérieusement par la situation fâcheuse de la navigation sur ce fleuve, interrompue pendant une forte partie de l’année, et pour prévenir de grands désastres, si la Meuse abandonnait son lit naturel comme elle menace de le faire dans différents endroits de cette province. Aussi, j’espère qu’au budget de 1843, une pareille somme sera portée pour le rétablissement d’une prompte et bonne navigation sur ce fleuve.
Le bout de chemin de fer qui a été accordé au Limbourg, par la loi du 26 mai 1837, touche à peine à l’extrémité de ses limites ; il est de peu d’utilité pour la généralité de ses habitants, et ne peut être considéré comme une compensation, pour les nombreux sacrifices imposés à cette province, par un traité qui lui est, sous tous les rapports, si fatal ; ce chemin de fer, qui ne parcourt le territoire du Limbourg, qu’à peine de 1 1/2 lieue, d’après le tableau n° IV du compte rendu sur la voie ferrée, n’a coûté qu’environ 1,200,000 fr. ; certes, lorsque dans d’autres provinces, on a dépensé de 20, 30 et même jusqu’à 40 millions, pour les travaux du chemin de fer, le Limbourg peut réclamer avec droit, qu’il ne soit plus oublié, qu’il obtienne enfin une part équitable dans les fonds des emprunts, et dans ceux qui sont mis, chaque année, à la disposition du gouvernement, par les budgets, pour les constructions d’utilité publique, et notamment pour des routes qui lui sont indispensables pour faciliter l’accès vers les autres provinces du royaume, pour améliorer ses moyens de communication et pour l’exécution du canal de la Campine. Cette canalisation doit changer entièrement la face de cette contrée, en fertilisant ses vastes bruyères ; par ce moyen en peu d’années, l’on parviendra à créer une nouvelle province dans cette partie de la Belgique, qui sera probablement plus utile à l’industrie nationale, que les colonies, que l’on cherche à établir dans les pays transatlantiques ; en outre, cette canalisation, en établissant une communication navigable entre la Meuse et l’Escaut, offre un intérêt majeur pour plusieurs de nos provinces ; elle permettra surtout, au commerce d’Anvers, de concourir avec succès, contre le commerce hollandais, qui se fait en grande partie, pour les denrées coloniales, par la navigation de la Mense et par le canal de Bois-le-Duc à Maestricht ; ce canal pourrait aussi servir avec utilité, pour les inondations à établir en cas de guerre et surtout, pour former une ligne de défense contre la fraude, qui se fait actuellement sur ces frontières, ce pays étant entièrement ouvert.
La proposition de plusieurs sections, de comprendre la canalisation de la Campine, pour une certaine part, dans l’emprunt qui nous est demandé, appuyée par l’unanimité de la section centrale, me paraît d’autant plus devoir obtenir l’assentiment de la chambre, qu’actuellement, presque toutes les parties de la Belgique jouissent, ou vont jouir des avantages du chemin de fer, pour lequel le pays a dépensé des sommes très considérables, auxquelles ont contribué des localités qui jusqu’ici ont été entièrement négligé sous les rapports des travaux publics.
Si la Belgique a fait de grands sacrifices, pour la voie ferrée, il lui reste à soigner les voies navigables, d’irrigation et de fertilisation de nos vastes bruyères ; l’argent appliqué aux travaux d’aménagement de ces contrées, portera, dans un temps assez rapproché, ces intérêts assez majeurs pour augmenter les ressources du trésor ; les dépenses à y faire ne seront pas infructueuses. En fertilisant la Campine anversoise et limbourgeoise le pays y gagnera une augmentation très notable de produits en céréales et surtout forestiers.
En appuyant la proposition de la section centrale, j’espère que le gouvernement, se rappelant enfin les nombreuses promesses faites à la province de Limbourg, soutiendra avec énergie la demande de crédit pour le commencement de la canalisation de la Campine, et qu’il dotera bientôt cette contrée d’une voie navigable et d’irrigation, qui la tirera de l’état d’isolement et d’infériorité où elle n’est restée que trop longtemps.
M. d’Hoffschmidt. - Quand une nation se décide à exécuter par elle-même un vaste système de communications, on dirait qu’il y a une sorte de fatalité à laquelle elle ne peut se soustraite : c’est que les premières évaluations se trouvent constamment dépassées. Elle a beau confier la rédaction des plans et des devis estimatifs à d’habiles ingénieurs, toujours le résultat vient démontrer que leurs calculs étaient bien au-dessous de la réalité.
En France, par exemple, le pouvoir législatif avait décidé, en 1821 et 1822, l’exécution par l’Etat d’un vaste système de canalisation, système qui comprenait un développement de plus de 600 lieues. Les ingénieurs avaient calculé la dépense totale à 179 millions. Qu’est-il arrivé ? Que cette canalisation, qui est maintenant presqu’entièrement exécutée, a coûte 290 millions. Par conséquent il y a eu erreur de 111 millions.
En Belgique., la même chose nous est arrivée.
En 1834, lorsque le premier système de chemins de fer fut décrété, on croyait que la dépense ne dépasserait pas 35 millions.
En 1837, on reconnut qu’il y avait déjà une erreur de plus de 18 millions. Mais enfin lorsqu’on vota la loi du 6 mai 1837 on croyait que la dépense n’excéderait pas 70 millions.
Enfin, en 1840, vous savez que lorsqu’il fut question du dernier emprunt, le gouvernement et les chambres étaient convaincus que la dépense totale ne dépasserait pas 126,000,000 fr.
Deux ans sont à peine écoulés, et déjà l’on reconnaît qu’il y a encore erreur de 28 millions, ce n’est plus 120 millions c’est 154 millions que doivent absorber les travaux du chemin de fer.
Certainement il est glorieux pour la Belgique d’avoir devancé les autres nations du continent européen dans l’exécution d’un vaste système de chemins de fer. Mais on doit en convenir, ce bonheur lui aura coûté fort cher. La Belgique a cru devoir confier à son gouvernement seul l’entière exécution de ses railways, du moins du réseau construit jusqu’à présent. Je pense que, puisqu’elle voulait jouir promptement de cette voie, elle a bien fait de procéder ainsi. Cependant il me semble qu’il eût été plus avantageux pour le trésor si l’on avait pu, éclairé par l’expérience, adopter un système mixte, comme celui qui va recevoir son exécution en France. Ce système consiste à donner une large part au gouvernement, mais aussi à confier une partie de la dépense aux localités traversées par les lignes de fer, et en même temps aux compagnies.
Quoi qu’il en soit, il serait oiseux de discuter maintenant si la Belgique a bien ou mal fait, (et loin de moi, surtout, de vouloir blâmer cette œuvre glorieuse) ; mais notre devoir à tous, quelle que soit notre opinion sur le chemin de fer, et sur son influence dans l’avenir quant à la prospérité du pays, notre devoir, dis-je, est de chercher à ce qu’il soit terminé le plus promptement possible ; car c’est alors seulement que nous pourrons juger en pleine connaissance de cause de l’influence qu’il est appelé à exercer sur les revenus du trésor et sur l’accroissement de la richesse nationale, il n’en est pas moins fâcheux cependant, que, contrairement aux prévisions primitives, ce grand ouvrage national ait dû coûter des sommes aussi considérables.
J’avoue que, quant à moi, j’ai été étrangement surpris, la première fois qu’il m’a été annoncé qu’on allait faire un nouvel emprunt de 30 millions pour son achèvement. J’avais foi dans les calculs qui avaient été présentés en 1840. Certainement, il n’est nullement dans ma pensée d’en adresser un reproche aux ministres qui étaient aux affaires à cette époque ; car les ministres ne peuvent juger dans ces sortes d’affaires que par les yeux de leurs agents. Mais enfin il est étrange qu’avec un corps d’ingénieurs aussi habile, aussi distingué que celui que nous possédons, il y ait eu d’aussi grandes erreurs.
Malgré les explications de la section centrale, j’ai peine à me rendre compte des raisons qui ont pu causer les erreurs commises, soit pour le matériel, soit pour les stations.
Quant à la construction de la ligne de la Vesdre, c’est là un chemin de fer tout à fait exceptionnel, où il y a un grand nombre de montagnes à traverser, de vallées à combler. Là je conçois qu’il y ait eu erreur de calcul ; il ne pourrait guère en être autrement ; mais encore cette erreur est énorme.
Quoi qu’il en soit, c’est là un fait accompli. Il faut bien s’y résigner. Mais ce que nous devons chercher, c’est que ce fait ne se représente plus ; c’est qu’on ne nous demande plus un nouvel emprunt ; car tous ces emprunts successifs sont évidemment nuisibles à notre crédit public. Certainement, si nous n’avions fait que deux emprunts, au lieu de quatre, nos fonds seraient bien plus élevés qu’ils ne le sont actuellement.
D’ailleurs, si dans une couple d’années, on venait encore réclamer de nouvelles sommes pour construction du chemin de fer, ne serait-ce pas, pour le coup, une véritable dérision ; ne serait-ce pas se jouer de la chambre et du pays ? La section centrale paraît fort rassurée à cet égard. D’après l’état d’avancement des travaux, dit-elle, on peut juger, avec connaissance de cause, des dépenses à faire. Il ne reste plus rien d’imprévu. Quant à moi, je partage cette opinion ; je l’ai puisée dans l’examen des détails des travaux à exécuter, et pour lesquels on nous demande les 28 millions.
Par exemple, pour le matériel, il me paraît qu’avec les données qu’on possède actuellement et l’expérience, on a pu calculer rigoureusement la quantité nécessaire pour l’exploitation de toutes les lignes.
Pour les stations on nous demande aussi une somme fort élevée. Ici il s’agit de constructions de bâtiments, et les calculs doivent aussi approcher tacitement de la réalité.
J’ai dit qu’on nous demande, pour établissement des stations des sommes fort élevées. Par exemple, pour la station du nord de Bruxelles, les travaux sont évaluées à 1,315,000 fr. Cela me paraît exagéré. J’en tire la conséquence qu’on veut des constructions monumentales. Certes, si nos finances étaient dans un état prospère, si le chemin de fer, au lieu de laisser un déficit, donnait un déficit net au trésor, alors je comprendrais parfaitement l’érection de stations aussi brillantes. Je serais un des premiers à y donner mon approbation.
Mais dans l’état actuel de nos finances, en présence du déficit que laisse le chemin de fer, j’avoue que je ne puis que blâmer des constructions aussi dispendieuses. Plus tard, quand le chemin de fer sera devenu plus profitable au trésor, s’il laisse de l’excédant, qu’on l’emploie à des dépenses de luxe ; d’accord. Mais, je le répète, il me semble que, pour le moment, on affecte une trop forte somme pour la construction des bâtiments destinés au chemin de fer.
Je l’ai déjà dit dans une autre occasion, le mérite des chemins de fer ne consiste pas, selon moi, dans l’élégance de leur construction, mais dans le mode merveilleux de locomotion qu’ils procurent ; et ce n’est point par des stations plus ou moins monumentales que vous attirerez sur la voie ferrée un plus grand nombre de voyageurs et de marchandises.
Pour les quatre stations d’Anvers, Vient-Dieu, Contich et Duffel, on demande un supplément de 1,140,000 francs.
Pour la station de Charleroy, on demande 1,075,000 fr.
Je ne puis m’empêcher de trouver ces chiffres extrêmement élevés.
Pour la ligne du chemin de fer de la Vesdre, beaucoup de membres de cette chambre croient encore à l’insuffisance des sommes demandées.
Cependant, messieurs, indépendamment de ce que nous dit le rapport de la section centrale, ce qui me rassure quant à moi, c’est l’énormité du chiffre qui est réclamé pour cette section. La dépense était évaluée autrefois à 2,200,000 fr. par lieue de 5,000 mètres ; on nous demande maintenant 3,815,000 fr.
Eh bien, messieurs, il en résulte que notre chemin de fer de la Vesdre sera certainement un des plus coûteux du globe. Dans le compte-rendu de M. le ministre des travaux publics, il y a un tableau qui nous fait connaître le coût des chemins de fer en Angleterre. Or, sauf quelques exceptions pour ceux qui traversent les rues de Londres, il en est peu qui soient aussi coûteux, aussi dispendieux que celui de la Vesdre. Le fameux railway de Liverpool a Manchester ne coûte que 3,500,000 fr. par lieue, y compris le matériel. En Allemagne, si je ne me trompe, il est peu de chemin de fer qui coûtent plus de 1,500,000 fr. la lieue. En France, seul ceux partant de Paris, ils n’atteignent pas à beaucoup près le chiffre de 3 millions. Aux Etats-Unis, Michel Chevalier nous apprend que les chemins de fer ne coûtent que 320,000 fr. la lieue de 5,000 mètres,
Je me plais donc à croire que cette fois les évaluations sont suffisamment larges, et j’espère même que, sur la somme que nous allons voter, que nous allons mettre à la disposition du département des travaux publies, on pourra faire des économies.
Cependant il me reste un doute et j’adresserai à cet égard une question à M. le ministre des travaux publics. J’ai vu que, pour la ligne de Braine-le-Comte à Namur, on ne demandait que les fonds nécessaires à la construction d’une seule voie. Je demanderai à M. le ministre si son intention est de laisser ce chemin de fer avec une seule voie ; car dans le cas contraire on devrait encore plus tard nous demander des fonds pour construire la seconde voie.
Messieurs, le gouvernement demande 30 millions pour terminer le chemin de fer. D’après ce que je viens de dire, je crois que la section centrale a parfaitement bien fait de réduire cette somme à 28,250,000 fr. Je l’approuve également d’avoir consacré 1,750,000 francs à un commencement de canalisation dans la Campine. Je regrette que le gouvernement, comme il vient de l’exprimer, par l’organe de M. le ministre des finances, n’ait pas cru devoir spontanément se rallier à cette proposition. Certainement, messieurs, l’idée de canaliser la Campine, qui a été produite si souvent dans cette enceinte, qui a été réclamée avec tant d’insistance par les honorables députés de cette partie du pays, a toujours rencontré dans cette chambre beaucoup de faveur. Dès lors, messieurs, le moment n’est-il pas arrivé de faire droit à ces réclamations ? Si je ne me trompe, la Campine attend depuis Philippe-le-Bon cette bienheureuse canalisation, Eh bien ! ne serait-il pas très glorieux pour le gouvernement actuel de réaliser un projet conçu par Philippe le Bon ?
Messieurs, le projet qui vous est soumis, est destiné aussi à accomplir un grand acte de justice distributive. Je veux parler de la disposition qui concerne le Luxembourg. Je félicite le gouvernement d’avoir pris l’initiative pour cette proposition. La section centrale l’a adoptée à l’unanimité, ainsi il y a tout lieu de croire qu’elle ne rencontrera pas de nombreux adversaires dans cette enceinte. Je tiens cependant à démontrer que ce n’est pas là une grande faveur que vous ferez à cette province, et que cet acte est vraiment commandé par la plus rigoureuse équité.
Je sais qu’en vous parlant de la province à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, je m’expose à l’accusation banale d’être mû par intérêt de localité. Cependant, il faut distinguer à un égard. Moi, j’entends par intérêt de localité, ce sentiment d’égoïsme qui veut tout pour cette localité et rien pour les autres. Mais quand un député a toujours voté toutes les idées proposées en faveur des autres provinces, quand il n’a jamais reculé devant l’admission des sommes si considérables appliquées ailleurs que dans la province qui l’a envoyé dans cette enceinte, alors ce député a le droit aussi de parler de l’intérêt de ses commettants et d’être écouté avec bienveillance par ses collègues. Je prie donc la chambre de mettre de côté cette préoccupation d’intérêt de localité et de ne s’occuper que de l’appréciation impartiale des faits. Elle reconnaîtra alors que la proposition ministérielle, loin d’être exagérée, est même d’une extrême modération.
Messieurs, vous connaissez tous l’article de la loi du 26 mai 1837, qui accorde un embranchement de chemin de fer au Luxembourg. Inutile donc de vous lire cet article. Mais il ne sera pas inutile de vous faite connaître quelques passages de la discussion qui a eu lieu à cette époque, pour vous faire bien apprécier le sens de la disposition qui concerne cette province.
D’abord, messieurs, la loi a été conçue dans un esprit de justice distributive. Le rapport de la section centrale en fait foi. Il s’exprime à cet égard de la manière la plus formelle.
« Il est juste, porte ce rapport, qu’aucune partie du royaume ne soit déshéritée dans le partage des chemins de fer. »
« Toutes les provinces contribuant à la confection des railways, il est juste qu’elles y participent de même. »
Comment, ensuite, se sont exprimés la plupart des orateurs qui ont pris la parole, soit dans le cours de la discussion, soit dans d’autres circonstances ?
« La compensation que le Luxembourg doit obtenir, s’il n’a pas de chemin de fer, disait l’honorable M. Dolez, est dans la loi même des chemins de fer, puisque le ministre a dit que, s’il était impossible de faire un tel chemin dans cette province, on lui donnerait un équivalent. Ainsi, attendez donc que cette impossibilité soit constatée : quant à moi, si un chemin de fer ne peut vous être donné, je serais des premiers à voter la compensation. »
De son côté l’honorable M. Desmanet de Biesme s’exprimait ainsi :
« La route que nous vous demandons est un acheminement vers le Luxembourg ; il est très possible d’obtenir la communication par la vallée de la Lesse. On pourra, par différentes autres vallées, suivre le cours de la Semois, et faire pénétrer ce moyen de communication jusque dans le cœur du Luxembourg.
« Vous établiriez par là une communication avec la Prusse par le Luxembourg, et vous procureriez à cette province, qui se trouve dans un état assez malheureux par défaut de route, les moyens de conduire ses produits sur le marché intérieur de la Belgique.
« Si vous ne donnez pas de routes en fer au Luxembourg, quand vous en donnez aux autres, cette province, qui a déjà tant de mal à lutter contre elles, se trouvera dans une position plus difficile, ses produits n’auront plus d’écoulement, toute lutte avec les autres provinces lui sera devenue impossible. »
Mais ce qui est plus positif encore, c’est la manière dont se prononçait le rapporteur de la section centrale, l’honorable M. Dumortier ; répondant à l’honorable M. Devaux, il disait :
« Il me semble que l’honorable préopinant a grand tort de présenter ainsi cette disposition comme un appât offert aux députés des provinces qu’elle concerne pour les engager à voter la loi. L’amendement que propose la commission est un amendement juste et politique. Vous avez admis le principe de l’exécution du chemin de fer aux frais de l’Etat. Il faut être conséquent. Toutes les provinces participant à la dépense, il faut qu’elles participent aussi aux avantages du chemin de fer. C’est là ce qu’exige la justice distributive qu’on n’invoque jamais en vain près de vous.
« La disposition proposée est bien sans doute le moins que nous devions à ces malheureuses provinces envers lesquelles nous avons été si souvent injustes et pour lesquelles nous n’avons rien fait depuis la révolution. Je me trompe, nous avons fait quelque chose pour elles : nous les avons lâchement abandonnées à nos ennemis. Mais je veux que nous revenions sur cette lâcheté et que nous donnions à ces provinces la preuve que c’est là notre intention bien réelle, en leur faisant voir par nos actes que nous ne les considérons pas comme bâtardes, mais qu’elles sont, à nos yeux, Belges comme nous-mêmes. »
L’honorable M. Devaux, auteur de l’amendement adopté à l’art. 3, n’était lui-même pas opposé à l’établissement de chemin de fer dans le Luxembourg. Voici ce qu’il disait :
« Ce n’est pas que je sois contraire à la construction de chemins de fer dans le Luxembourg. J’ai toujours désiré, pour ma part, que, lorsque les hommes de l’art se seront assurés de la possibilité et de l’avantage de pareils travaux dans cette province, nous pussions consacrés, à compenser le déficit que laisseront probablement les péages, l’excédant des produits d’autres chemins de fer d’autres provinces. Je crois même qu’on pourrait y faire encore d’autres sacrifices. »
Mais ce qui détermine tout à fait le sens de la loi, c’est la manière dont s’est exprimé l’organe du gouvernement :
, « Pour le Luxembourg, disait M. le ministre des travaux publics, il y a d’abord une question de possibilité à examiner. S’il est reconnu que la chose n’est pas praticable ou quelle ne l’est qu’à des frais énormes, cette promesse de la législature sera censée non-avenue, et la province réclamera une compensation par suite de l’abandon de cette partie de l’art. 2 de la loi. C’est ainsi que l’article doit être raisonnablement entendu. »
Au sénat, messieurs, les opinions et les explications n’ont pas été moins explicites.
C’est d’abord, d’une part, l’honorable comte Joseph de Baillet qui s’exprime ainsi :
« Il est positivement dit dans l’art. 2 que le Luxembourg sera rattaché au chemin de fer. »
L’art. 3 dit ensuite :
« Néanmoins, il ne sera donné suite à la disposition précédente, en ce qui concerne le Luxembourg, que lorsque le trace aura été fixe par une loi ultérieure.
« Que résulte-t-il de cette disposition ? C’est qu’il n’y pas d’époque fixée ; mais il y a obligation pour la législature de fixer le tracé par une loi ultérieure ; et, quand le tracé sera fixé il n’y aura plus besoin d’une nouvelle loi. Pourrions-nous nous refuser à fixer le tracé ? Il y aurait mauvaise foi à le faire après que la loi a dit qu’il sera donné suite au projet quand le tracé sera fixé. Après avoir décidé que le Luxembourg sera rattaché au système général des chemins de fer, il y aurait, dis-je, mauvaise foi à se refuser à fixer le tracé. »
C’est ensuite M. le ministre des travaux publics qui répond :
« Que si le chemin de fer était impossible dans le Luxembourg, la législature accorderait à la province une compensation dans le système général des communications à établir. »
Veuillez remarquer, messieurs, que cette opinion n’a été combattue par personne et que les différents ministères l’ont successivement adoptée.
En effet l’honorable M. Rogier, quand il s’est trouvé à la tête du département des travaux publics, répondant à une interpellation que je lui avais adressée, dans la séance du 17 février 1841, s’exprimait ainsi :
« Messieurs, il m’est impossible de ne pas reconnaître la justice des observations présentées par l’honorable préopinant. Je crois que tout le monde dans cette enceinte est d’accord sur la justice qu’il y aurait à accorder à la province de Luxembourg la compensation qui lui est due. »
Maintenant, messieurs, que le sens de la loi est aussi clairement expliqué, dira-t-on que cette disposition n’avait rien de sérieux ? qu’elle n’était qu’un moyen d’engager les députés du Luxembourg à voter la loi du 26 mai 1837 ? En vérité, messieurs, une pareille opinion, si elle était manifestée, ne vaudrait pas la peine d’une réfutation ! Qu’y a-t-il donc de plus sérieux que la loi ? Quel est le membre de cette chambre, parmi ceux qui ont voté l’art 2 de la loi du 26 mai 1837, qui viendrait dire maintenant, qu’en la votant, il faisait une espèce de restriction mentale et que son but était en quelque sorte de tromper ses collègues ? Messieurs, j’ai trop bonne opinion de mes honorables collègues pour croire qu’aucun d’eux ait pu jamais avoir cette pensée. S’appuierait-on aussi sur ce qu’il y a impossibilité de construire une ligne du chemin de fer dans le Luxembourg ? D’abord, si cette impossibilité était constatée, nous aurions toujours droit à une compensation. Mais, messieurs, cette impossibilité n’existe point, surtout depuis qu’on a reconnu que les rampes du chemin de fer peuvent être beaucoup plus fortes qu’on ne le croyait d’abord. On peut voir dans le rapport de M. le ministre des travaux publics, qu’une commission d’ingénieurs envoyée par lui en Angleterre, a reconnu que les locomotives peuvent circuler sur des pentes d’un centième ; ils en ont même trouvé en Angleterre qui s’élèvent jusqu’à un trente-septième, tandis que les rampes que nous avons à notre chemin du fer ne dépassent guère quatre millièmes.
Naguère on croyait encore, messieurs, que les locomotives ne pouvaient également circuler que sur des courbes d’environ 1,000 mètres de rayon ; depuis, on a reconnu que c’était aussi là une erreur, et l’on admet maintenant des courbes de 500 mètres de rayon ; on en admet même de 200 mètres.
Enfin pour la ligne de Luxembourg, il aurait suffit d’une seule voie. Ainsi, messieurs, avec ces trois conditions que je viens de signaler, il et été très facile de faire un chemin de fer dans cette province quelque accidentée qu’elle soit.
Messieurs, si nous avons renoncé au chemin de fer qui était promis à notre province, et si le conseil provincial s’est associé à cette renonciation, c’est donc uniquement dans l’intérêt du trésor public.
Supposons, maintenant, messieurs, que la disposition de la loi du 26 mai 1837, qui nous concerne, n’existe point, pourrait-on même dans ce cas, nous refuser les millions que nous demandons ?
Je n’hésite pas à dire qu’on ne pourrait le faire qu’en violant les règles de la plus stricte justice distributive. En effet, serait-il permis à une association politique sans enfreindre ces règles de consacrer tout à coup des sommes énormes en travaux d’amélioration, et d’en exclure entièrement une bonne partie des membres de l’association ?
Non, certainement, cela serait trop injuste. En France, lors des dernières discussions sur la loi des chemins de fer, l’on a admis des principes tout à fait contraires. D’abord, les localités traversées par les lignes du chemin de fer devront contribuer dans l’acquisition des terrains, pour les deux tiers, ce qui n’a pas eu lieu chez nous ; ici ces localités n’interviennent pour rien dans la dépense, et l’on va beaucoup plus loin, car les frais des réjouissances qui ont lieu à l’occasion des inaugurations, sont même en partie supportés par l’Etat. Mais voici, messieurs, comment s’exprimait le ministre des travaux publics dans l’exposé des motifs du projet de loi en France, à l’égard des localités privées du railway national :
« Les localités qui ne sont pas traversées par les lignes de fer ou qui du moins seront assez éloignées pour ne pas participer à leurs bienfaits, réclameront avec instance que le système de leurs routes de terre soit étendu et perfectionné, et qu’on s’occupe des voies navigables qui peuvent féconder leur territoire. Ces demandes justes et fondées, ne sauraient être écartées, et nous devons y réserver, pour y faire droit, une partie des ressources dont le trésor peut disposer.
« Mais, dira-t-on (et c’est une objection qui m’a été faite dans ma section), cette compensation que vous réclamez, vous l’avez déjà obtenue ; vous avez été largement partagés dans le produit des emprunts de 6 et 2 millions et dans l’excédant du produit des barrières. » Messieurs, je vais examiner sincèrement cette objection.
Voyons d’abord ce qui a été dépensé en Belgique pour la construction des voies de communication, depuis son émancipation politique.
A - Chemins de fer.
La dépense totale pour l’achèvement complet de toutes les ligues, y compris les stations, est évaluée à fr. 153,870,905
Mais à cette dépense il faut ajouter :
1° Ce qui a été pris sur le capital pour couvrir les frais d’exploitation en 1835 et 1836, ci fr. 599,908
2° Les 4,000 actions du chemin de fer rhénan, ci fr. 3,349,000
3° L’excédant des intérêts des divers emprunts joints aux dépenses d’exploitation sur les revenus du chemin de fer ; or, d’après l’exposé des motifs de la loi, les intérêts, l’amortissement et les frais de négociation des emprunts, depuis le 1er juin 1834, jusqu’au 1er juillet 1842, s’élèvent à fr. 20,521,114. J’en déduis l’amortissement, fr. 4,015,766. Reste, fr. 16,505,548
Ajoutant les dépenses d’exploitation prises par les allocations portées aux budgets : fr : 15,634,272
On arrive à un total de fr. 32,139,620
Déduisant les produits du chemin de fer recouvrés jusqu’au 1er juillet 1842, fr. 24,509,700
On trouve un excédant de fr. 7,629,920
Total général : fr. 165,450,333 (153,870,905 + 599,908 + 3,349,600 + 7,629,920)
Ainsi, il résulte des calculs qui précèdent que le chemin de fer aura coûté, lors de son entier achèvement, négligeant même de faire figurer le capital nominal des divers emprunts contractés, ci fr. 165,450,333
B. Routes.
1° Emprunts des 6 et 2 millions, fr. 8,000,000
2’ Excédant du produit des barrières employé en construction de routes, fr. 7,000,000
Total, fr. 15,000,000
C. Canaux.
1° Rachat de la concession de la Sambre (transaction du 15 avril 1835), fr. 12,958,730
2° Rachat du canal de Charleroy. (Loi du 1er juin 1839), fr. 10,652,108
3° Canal de Zelzaete (4 millions, dont un à charge des propriétaires), 3,000,000
Total : fr. 26,610,838
Additionnant ces diverses sommes, nous trouverons que la Belgique aura dépensé, d’ici à un an ou deux, pour chemins de fer, routes et canaux, depuis son émancipation politique, la somme énorme de :
Chemin de fer, fr. 165,450,000
Routes, fr. 15,000,000
Canaux, fr. 26,610,000
Soit, fr. 207,060,000
Et remarquez que je ne fais pas encore entrer en ligne de compte les travaux d’amélioration faits et d’autres voies navigables comme la Meuse, l’Escaut, etc.
Voyons maintenant quelle est la part du Luxembourg dans cette dépense.
D’abord le Luxembourg n’a ni chemin de fer ni canal.
Quant aux routes, voici ce qu’il a obtenu depuis la révolution. Les chiffres que je vais donner sont de la plus grande exactitude :
1° Sur l’excédant du produit des barrières, il figure pour (y compris 1842), fr. 1,239,000
2° Sur les emprunts des 6 et 2 millions, fr. 1,737,000
Total, fr. 2,996,000
Mais dans cette somme une forte partie a été employée dans la partie cédée, je l’estime au moins à 600,000, c’est peut être plus.
Reste en définitive, fr. 2,396,000
Ainsi sur une dépense de 207 millions, la province de Luxembourg a obtenu 2,396,000 francs.
Mais, messieurs, ce n’est pas tout. Veuillez, s’il vous plaît, faire attention que cette province a contribué à payer d’autres dépenses considérables dont elle n’a point profité, comme par exemple :
Les travaux exécutés aux polders qui ont coûté, au moins, 7,000,000 fr.
Les indemnités pour les victimes de la guerre, 9,000,0000 fr,
Puis les 300,000 fr. de rente que nous venons de voter pour la ville de Bruxelles, 6,000,000 fr
Puis l’achat de la British-Queen, 2,000,000 fr.
Puis le traité avec la France qui coûte au trésor, par an, 1,000,000 francs.
Messieurs, ce simple exposé vous démontre déjà combien le Luxembourg a été mal partagé jusqu’à présent.
Mais voyons combien il devrait lui revenir si l’on calculait, soit d’après sa population, soit d’après son territoire, soit d’après les contributions qu’il paie à l’Etat. Cependant je suis loin de prétendre que c’est de cette manière qu’il faut répartir les sommes consacrées à des travaux publics, je veux seulement répondre à l’argument que l’on m’a opposé.
Population. - Au 1er janvier 1842, la population totale du royaume s’élevait, nombres ronds, à 4,100,000 habitants.
Celle de la province du Luxembourg à 176,000 habitants.
La population de cette province forme donc la 23ème partie de la population totale du royaume.
D’après cette base, il lui reviendrait dans les 207 millions, pour sa part, 9 millions de francs.
Contributions. - Les revenus de l’Etal, suivant le budget des voies et moyens, non compris les recouvrements et les produits portés à l’article intitulé : Administration du trésor public, s’élèvent, somme ronde, à 102,000,000 francs.
En 1841, le trésor public a perçu dans le Luxembourg, 3,135,497 francs.
C’est le 32ème du revenu total.
D’après cette base, il reviendrait au Luxembourg, dans les 207 millions, 6 1/2 millions.
Superficie. - La superficie totale du royaume est de 2,942,575 hectares.
Celle du Luxembourg est de 440,000 hectares.
Elle forme donc la 6 2/3 partie de l’étendue totale au royaume.
D’après cette base, elle aurait droit, dans les 207 millions à une somme de 30 millions.
Si on calcule maintenant ces trois bases, ce qui représente assez exactement l’importance relative d’une province, on trouve que dans les 207 millions que la Belgique aura sous peu dépensés pour voies de communication, la quote-part du Luxembourg devrait être de 10 millions de francs.
Or, quelle a été jusqu’à présent la part de cette province ? 2,400,000 francs !
A combien s’élèvera-t-elle avec l’adoption des 2 millions ? à 4,400,000 francs.
D’ailleurs, messieurs, cette dépense que l’on vous propose sera-t-elle inutile ou sera-t-elle perdue pour l’intérêt général du pays ? Non certainement elle ne sera pas perdue ; si le développement de l’industrie dans notre province fait des progrès, si des terrains incultes deviennent fertiles, si la population continue à s’accroître, le Luxembourg acquerra bientôt une importance double de celle qu’il a maintenant, et la richesse nationale sera considérablement augmentée.
Je livre, messieurs, ces considérations à votre examen, et à vos méditations, et je ne doute pas que vous ne soyiez favorables à la proposition qui vous est soumise et qui intéresse si vivement la province à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, plusieurs honorables membres ont fait des observations sur les différences qui existent entre les estimations de 1840 et celles d’aujourd’hui ; ils se sont surtout étonnés de la grande différence qui existe en ce qui concerne les travaux de la vallée de la Vesdre. Mais, ainsi que l’ont fait remarquer plusieurs de ces honorables membres eux-mêmes, les travaux du chemin de fer de la Vesdre sont complètement exceptionnels ce sont là des travaux tout à fait gigantesques, et j’ajouterai même à l’appui de ce que vient de dire l’honorable préopinant, pour prouver la possibilité de l’exécution d’un chemin de fer dans le Luxembourg, que lorsque, à force d’efforts et de talents, on est parvenu à exécuter un chemin de fer dans la vallée de la Vesdre, on doit croire pouvoir en exécuter partout.
L’honorable membre qui vient de parler s’est rassuré sur l’avenir et vous a dit qu’il ne craignait pas que le gouvernement pût venir demander encore de nouveaux fonds ; il a fait remarquer à l’appui de son opinion sur ce point, que l’on avait demandé pour l’achèvement du chemin de fer de la Vesdre 3,800,000 fr. par lieue. Il a trouvé ce chiffre assez élevé, en le comparant au coût des chemins de fer d’autres pays, et notamment de l’Angleterre. Il vous a cité, messieurs, le chemin de fer de Liverpool à Manchester dont il est fait mention dans le tableau, page 186, de mon compte rendu.
IL vous a dit : Ce chemin a coûté 707,149 francs par kilomètre, donc, 3,535,745 par lieue. Mais si l’honorable membre eût poussé un peu plus loin ses investigations, il aurait vu que le chemin de fer de Londres à Blackwai a coûté 4,445,270 fr. par kilomètre, et en conséquence 22,216,360 fr. par lieue.
Messieurs, vous connaissez tous probablement la vallée de la Vesdre, qui se trouve étroitement resserrée entre des hauteurs considérables. Il a fallu construire un chemin de fer dans cette vallée déjà coupée par une route et par une rivière, souvent torrentueuse. On conçoit dès lors quelles difficultés on a dû rencontrer et par conséquent rien d’étonnant que ce chemin de fer soit si coûteux.
L’honorable membre a parlé des stations dont il a trouvé les estimations très élevées.
Il a cité les stations de Bruxelles, d’Anvers et de Charleroy.
Messieurs, quant à la station de Bruxelles, quoique par la première loi du chemin de fer, on ait établi Malines comme point central, on ne peut pas se dissimuler qu’aujourd’hui, c’est Bruxelles qui est en réalité le centre du mouvement sur le chemin de fer ; il en résulte que la station de Bruxelles est la station centrale du mouvement, surtout en ce qui concerne les voyageurs ; cette station a donc besoin de bâtiments beaucoup plus vastes : il y aura toujours à Bruxelles un matériel plus considérable à mettre à l’abri des intempéries de l’air ; et en définitive il faudra bien se résoudre à couvrir les stations de manière que le matériel puisse être mieux conservé qu’il ne l’est maintenant.
En ce qui touche la station d’Anvers, personne n’ignore que la ville d’Anvers est notre métropole commerciale ; c’est là que se concentre presque tout le mouvement commercial du pays. On peut s’en assurer, en jetant les yeux sur les états de recettes qui sont renseignés dans mon compte-rendu ; la recette plus considérable du chef des marchandises se perçoit à Anvers. L’on comprend dès lors que la station de cette ville coûte beaucoup plus cher que les autres.
Pour ce qui regarde la station de Charleroy, cette ville est une place forte. Il a fallu se décider à y établir la station dans l’intérieur, car le département de la guerre, à l’heure qu’il est, demande encore pour des raisons stratégiques que la station du Borgethout soit établie dans l’intérieur de la ville d’Anvers. Pour pouvoir établir la station de Charleroy à l’intérieur, il vaut déplacer des ouvrages de fortification. Mais, messieurs, quoique la dépense de cette station soit évaluée dans le tableau à un peu plus d’un million, il ne faut pas croire cependant que ce million soit entièrement perdu pour le trésor ; car par la combinaison à laquelle on s’est arrêté pour rétablissement de la station de Charleroy, il y aura plus tard huit à neuf hectares de terrain à bâtir autour de la station, et que le gouvernement pourra vendre sans doute à des prix très élevés. Ainsi, le trésor récupérera une grande partie des fonds nécessaires à l’établissement de cette station.
L’honorable préopinant m’a demandé si le gouvernement était dans l’intention de ne faire exécuter la section des chemins de fer de Braine-le-Comte à Namur qu’à une seule voie.
Messieurs, cette section est établie, quant aux ouvrages d’art et aux terrassements pour deux voies ; mais elles n’est comprise que pour une voie dans les estimations de la dépense des rails, comme cela a lieu pour d’autres sections du chemin de fer. On est en effet fondé à présumer que le mouvement sur cette ligne ne sera pas d’abord assez considérable, pour exiger la pose de la seconde voie ; ce ne sera peut-être que dans quelques années qu’il sera nécessaire d’établir cette seconde voie.
Messieurs, en ce qui touche la canalisation de la Campine, ainsi que vous l’a déclaré tout à l’heure M. le ministre des finances, le gouvernement a cru de son devoir de ne vous demander des fonds que pour les chemins de fer décrétés. C’est ainsi qu’il a été amené à vous demander 30 millions pour les lignes en voie d’exécution, somme qu’il réduit aujourd’hui à 28,250,000 fr., comme le propose la section centrale, parce que les estimations des ingénieurs ne vont pas au-delà ; et je dois vous l’avouer franchement, messieurs, j’ai recommandé aux ingénieurs et au conseil des ponts et chaussées d’être un peu larges dans leurs estimations, pour n’être plus obligé plus tard de demander de nouveaux fonds pour les lignes décrétées. Mais la canalisation de la Campine n’est pas décrété, et dès lors le gouvernement a cru devoir s’abstenir de venir pétitionner des fonds pour cet objet.
Maintenant, me demande-t-on, si le gouvernement croit que la construction du canal de la Campine est utile, je répondrai, comme j’ai déjà répondu dans plus d’une occasion, que le gouvernement regarde cette canalisation, non seulement comme utile, mais même comme nécessaire dans l’intérêt général du pays.
Mais, messieurs, le gouvernement ne pourra vous faire de propositions qu’après qu’il aura achevé l’étude des divers projets qui ont été présentés, après qu’il se sera fixé sur le choix à faire entre ces projets.
J’ai fait connaître à la section centrale la situation actuelle des études relatives à la canalisation de la Campine. Voici, messieurs, cette situation :
Quatre projets ont été mis en avant. Le premier est à grande dimension de 40 mètres de largeur pour le plafond, 7 mètres pour le passage d’écluses, et 2 mètres 10 cent. de mouillage. Ce travail est estime a 7,400,000 francs, dont 2,800,000 fr. pour la section de Bocholt à la Pierre-Bleue, 3 millions pour la section de la Pierre-Bleue à Herenthals, et 1,600,000 fr, pour la section de Herenthals au Ruppel ; ensemble 7,400,000 fr.
Le second projet est à dimension moyenne. La largeur du plafond est toujours de 10 mètres, mais il n’a que 5 m. 20 pour le passage d’écluse, et 2 mètres de mouillage. Les auteurs du projet ont cru qu’il fallait faire aussi la section de Bocholt à la Pierre-Bleue à grande dimension, de manière qu’ils portent aussi pour cette section 2,800,000 fr ; pour la section de la Pierre-Bleue à Herenthals, 2,700000 fr. ; et 1,500,000 fr. pour la section de Herenthals au Rupel ; ensemble 7,000,000 fr. Ainsi, il n’y a qu’une différence de 400,000 f r.
La différence est plus forte pour le projet à petite dimension. Les auteurs de ce projet ont aussi pensé qu’il fallait exécuter la section de Bocholt à la Pierre-Bleue à grande dimension ; ils évaluent donc également la dépense de cette section à 2,800,000 fr. ; pour la section de la Pierre-Bleue à Herenthals, ils portent 1,300,000 fr, et pour la section d’Herenthals au Rupel 300,000 francs ; ensemble 4,400,000 fr.
Est venu ensuite un quatrième projet par lequel on propose de construire le canal entièrement à petites sections. Ce projet a obtenu l’assentiment du conseil des ponts et chaussées ; mais ce n’est que depuis peu de temps que le conseil m’a soumis cette proposition, et depuis lors il s’est présenté de nouvelles considérations qui sont venues combattre l’opinion du conseil des ponts et chaussées ; dès lors, le gouvernement n’a pas pu encore se prononcer sur ce débat contradictoire.
M. de Theux. — Quelle est la dépense de ce quatrième projet ?
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - 3,200,000 fr., savoir : 1,600,000 fr. pour la section de Bocholt à la Pierre-Bleue, 1,300,000 fr. pour celle de la Pierre-Bleue à Herenthals, et 300,000 fr, pour cette de Herenthals au Rupel.
J’ai cru bien faire en donnant à la chambre ces renseignements, puisque la section centrale a fait une proposition formelle à l’égard de la canalisation de la Campine ; il est bon que la chambre soit instruite des délais qui concerne cette canalisation.
Messieurs, en ce qui touche les deux millions qui vous sont demandes pour le Luxembourg, je crois que c’est une proposition qui ne rencontrera pas de contradicteurs dans cette chambre. Le gouvernement, en vous la faisant, est resté fidèle au principe qu’il avait admis, de ne demander des fonds que pour les chemins de fer décrétés. La loi du 26 mai 1837 a bien décidément décrété que le Luxembourg serait rattaché au chemin de fer, que par conséquent il y aurait un embranchement du chemin de fer dans le Luxembourg ; et quoique je partage aussi l’opinion, qu’il est possible de faire un chemin de fer dans le Luxembourg, je dois ajouter que ce chemin de fer serait sans aucun doute très coûteux ; et par conséquent c’est être très raisonnable que de demander seulement 2 millions en compensation de ce chemin de fer.
M. Osy. - Je voudrais adresser une demande à M. le ministre. Il vient de vous dire qu’il y avait quatre plans pour la canalisation de la Campine. Comme il y a déjà un canal, je désirerais savoir si on se propose de s’arranger avec la province.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Oui certainement.
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 1/2 heures.