(Moniteur belge n°231, du 19 août 1842)
(Président de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l’appel nominal à midi et un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn donne lecture de l’analyse de la pétition suivante.
« Le sieur Vercruysse propose des modifications à la loi de 1822, sur le sel, afin de combler le déficit qui résultera de la convention de commerce avec la France. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet pour l’exécution de la convention.
M. Dolez, devant s’absenter pour motifs de santé, demande un congé.
- Accordé.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) présente un projet de loi ayant pour objet de proroger jusqu’au 15 octobre 1847, le terme fixé par l’art. 3 de la loi du 10 février 1836, et par l’art. 3 de la loi du 25 mai 1838. Il s’agit des lois qui ont augmenté le personnel du tribunal de première instance de Charleroy et de la cour d’appel de Bruxelles.
- Le projet de loi sera imprimé et distribué ; sur la proposition le M. le ministre de la justice, la chambre en renvoie l’examen une commission qui sera nommée par le bureau.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) dépose un projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à prohiber, dans certains cas, et temporairement jusqu’au 31 août 1843, la sortie des pommes de terre. (Marques nombreuses d’assentiment).
- Le projet de loi sera imprimé et distribué sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur. La chambre en renvoie l’examen à la commission qui a connu de la dernière loi relative aux pommes de terre.
M. Mast de Vries. - M. le ministre de l’intérieur vient de proposer de prohiber les pommes de terre à la sortie. Je rappellerai qu’une autre loi est près d’expirer. C’est la loi concernant l’orge ; or le prix de l’orge est aujourd’hui plus élevé qu’il ne l’était l’année dernière ; je demanderai si le gouvernement est dans l’intention de faire une proposition à cet égard.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le gouvernement examine la question, et je serai à même de répondre dans quelques jours.
M. Zoude. - Messieurs, le conseil provincial du Luxembourg, par sa pétition du 11 juillet, a l’honneur de rappeler à la chambre qu’en décrétant le chemin de fer, la pensée de la législature a été de faire participer toutes les provinces du royaume aux dépenses de leur construction, comme à la jouissance de leurs avantages.
Que cette pensée envers le Luxembourg a été consacrée par une disposition spéciale, portant qu’il serait rattaché par un chemin de fer au système général de l’Etat.
Cependant, les députés de cette province, effrayés de la dépense que cette construction entraînerait, déclarèrent spontanément à la chambre qu’ils renonceraient à son exécution, moyennant une compensation bien faible, si on la compare avec ce que ce chemin eût coûté.
Cette demande d’indemnité fut vivement appuyée par tous les orateurs qui prirent alors la parole ; elle dérivait d’un droit trop justement acquis pour rencontrer des contradicteurs. On regretta seulement que le gouvernement n’en eût pas pris l’initiative, comme juge compétent de l’utilité des routes auxquelles cette indemnité devait être affectée.
Cet obstacle a cessé aujourd’hui que nos droits reconnus, nos besoins constatés, le gouvernement propose lui-même de nous accorder la compensation si justement réclamée.
Il serait en effet inique, dit le conseil provincial, de faire contribuer le Luxembourg à l’énorme dépense du chemin de fer et de le déshériter en même temps de ses immenses avantages.
Les frais de construction auxquels le Luxembourg prend part, constituent un avantage immédiat pour les populations chez lesquelles elles sont faites ; seul, le Luxembourg y reste étranger.
Les contingents des autres provinces leur sont en quelque sorte restitués par le travail, celui du Luxembourg est absorbé loin de lui et sans profit pour lui.
Il n’en est pas de même en France, les départements sont imposés à raison de l’utilité et de la longueur de la route ferrée qui les traverse.
Oui, messieurs, le contingent que fournit le Luxembourg est bien réel, car si les constructions se font au moyen d’emprunts, il n’en est pas de même des intérêts qui, n’étant pas couverts par les recettes, sont acquittés par le trésor de la communauté, suivant la part proportionnelle du tribut que chaque province fournit à l’Etat.
Cet état de choses s’améliorera sans doute, à mesure que les nations voisines viendront nous rencontrer aux frontières.
Mais le résultat des recettes qui nivelleront les dépenses, ne fût-il jamais atteint, le sacrifice à faire pour combler le déficit ne serait jamais regrettable pour les amis de l’indépendance nationale, c’est-à-dire pour le pays tout entier.
On sait, en effet, que c’est en présence de nos chemins de fer que les nations voisines, celles du Nord surtout, se sont ralliées à la Belgique, que c’est dans nos voies ferrées qu’elles ont trouvé les garanties que nous donnions au maintien de la paix européenne.
Le Luxembourg, après avoir versé son sang pour conquérir la liberté, a voulu la consolider en prêtant son concours efficace pour aider en gage de tranquillité que vous avez donné à l’Europe ; aussi le conseil provincial vous le déclare, il a vu avec satisfaction le vote de ses mandataires s’associer à toutes les conceptions d’utilité publique, alors même que leur province n’aurait été destinée à en recueillir aucun avantage.
Mais ces sacrifices ne seront pas toujours stériles pour une province envers laquelle une promesse solennelle de compensation a été faite. Vous acquitterez cette dette envers la province la plus étendue du royaume, celle qui a été la plus violemment déchirée par le traité de paix, celle qui a le plus besoin de communications pour utiliser ce qui lui reste de territoire et partager avec vous ses richesses naturelles en bois de construction de toute espèce, en ardoises, en plâtre et en marbres.
Pour vous acquitter envers la province la plus étendue, ce que le conseil vous demande, c’est le coût d’une demi-lieue du chemin de la Vesdre.
S’il est permis de faire valoir encore une considération, je rappellerai à la chambre que la section n’a voté la création du chemin de fer d’après le système actuel qu’à la majorité d’une voix, et que cette voix a été celle d’un député du Luxembourg.
La commission des pétitions a l’honneur de vous proposer le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion de la loi d’emprunt.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
(Moniteur belge n°232, du 20 août 1842) M. Orts. - Messieurs, la discussion de l’amendement proposé par l’honorable M. Lebeau, dans un esprit si pur de conciliation, et la crainte qu’un dissentiment, portant sur ce qui ne serait que d’un intérêt secondaire plutôt que sur le fond même de la question, ne vienne entraver nos efforts communs, ont engagé mon honorable collègue M. Dolez et moi vous présenter l’amendement suivant
« Les livres destinés spécialement à l’enseignement de la religion sont soumis à l’approbation des chefs des cultes.
« Les livres de lecture, et ceux destinés à l’enseignement de la morale, sont soumis à l’approbation commune, et du ministre de l’intérieur et des chefs des cultes.
« Les livres destinés à toutes les autres partes de l’enseignement sont approuvés par le ministre de l’intérieur, sur la proposition de la commission centrale, les chefs des cultes entendus. »
Lorsque tout le monde est d’accord sur un principe, il semble impossible de ne pas admettre les conséquences qui en découlent nécessairement.
Ainsi, chacun de nous convient qu’il ne peut exister de bon enseignement primaire sans instruction religieuse et morale ;
Que l’intervention du prêtre dans cette instruction est tout au moins utile et désirable.
Il suit de ces prémisses qu’il faut assurer cette intervention par tous moyens qui ne compromettent pas les libertés et les droits que nous assurent la constitution et les lois.
Prévenir l’absorption du pouvoir civil par l’autorité religieuse, voilà la solution qu’il faut tâcher d’obtenir.
Qu’on cesse de crier à la défiance ; que les partis se rapprochent ; qu’en gage de confiance, ils se tentent la main ; mais la loi peut et doit être défiante.
Je me hâte d’expliquer ma pensée. La loi doit se défier des fausses interprétations, des extensions élastiques, que les hommes appartenant aux diverses opinions peuvent faire subir au texte, pour confisquer l’esprit de la loi.
Cette défiance de la loi est la seule garantie de la clarté et de la précision de ses dispositions. C’est en elle-même qu’il faut trouver son meilleur commentaire.
J’ai cru, messieurs, devoir placer ces réflexions avant d’aborder l’examen des amendements proposés tant par l’honorable M. Lebeau que par M. le ministre de l’intérieur.
D’après l’amendement de M. Lebeau, la désignation de tous les livres employés pour l’instruction primaire doit être faite de commun accord entre l’autorité civile et ecclésiastique ; même concours, même compétence est accordée aux deux autorités.
Le ministre refuse au clergé cette participation égale et directe pour ce qui concerne les livres ²²purement scientifiques ; il la lui accorde exclusivement pour tous les livres de religion et de morale.
L’amendement présenté par l’honorable M. Dolez et moi classe les livres en trois catégories et établit une compétence différente pour chacune d’elles.
Pour la première, qui comprend les seuls livres consacrés à l’enseignement de la religion, tant sous le rapport du dogme que de la discipline de l’église, approbation de l’autorité ecclésiastique.
Dans la seconde, nous rangeons les livres de morale et les livres de lecture ; ici nous demandons le double concours, l’approbation commune des deux autorités. Cette catégorie comprend les livres que le ministre de l’intérieur a qualifiés de mixtes.
Enfin, dans la dernière catégorie se trouvent les livres destinés à toutes les autres parties de l’enseignement. Ils seront soumis à l’approbation exclusive de l’autorité civile, toutefois les chefs des cultes entendus.
Il ne sera pas difficile, messieurs, de justifier cette distinction quant à la nécessité de l’approbation de deux autorités.
A qui appartient-il d’expliquer tout ce qui touche au dogme et à la discipline de l’Eglise ? A qui le droit d’approuver les doctrines qui constituent l’enseignement religieux ? Evidemment à ceux qui en sont les dépositaires.
Sous ce rapport, il existe une différence essentielle entre les doctrines philosophiques, scientifiques, littéraires et les doctrines religieuses. Les premières admettent le libre examen, la discussion contradictoire, parce qu’elles sont susceptibles de démonstration ; le dogme, au contraire, échappe au raisonnement ; c’est un objet de foi, il faut le prendre, dans son intégrité, l’accepter ou le répudier.
Voyez les dangers du système contraire ; un livre de religion consacrant tel point de doctrine de quelque réformateur moderne, d’un abbé Chatel, en France, d’un abbé Helsen, chez nous, s’est glissé dans une école ; qui l’examinera sous le rapport de l’orthodoxie ? qui le condamnera ? Sera-ce l’inspecteur laïque ? personne n’oserait soutenir l’affirmative. Dès lors n’est-il pas évident que l’autorité seule appelée à condamner doit aussi être investie du droit exclusif d’approuver.
Mais, dit-on, il pourrait arriver qu’un livre, destiné uniquement à l’enseignement de la religion, contînt des principes ou des propositions subversifs des libertés publiques et des droits que nous garantissent et la constitution et les lois.
Je dis que, si contre toute attente, pareil événement arrivait, le gouvernement pourrait et devrait s’opposer soit à l’adoption, soit au maintien dans l’école d’un pareil livre, fût-il même approuvé par le clergé.
Pour établir qu’en agissant ainsi, le gouvernement serait dans son droit, qu’il ne ferait même qu’accomplir un impérieux devoir, je n’ai besoin que d’ouvrir le code pénal.
L’art. 204, auquel un honorable membre a déjà fait allusion, statue que tout écrit contenant des instructions pastorales, en quelque forme que ce soit (donc le catéchisme aussi) et dans lequel un ministre d’un culte se sera ingéré de critiquer ou censurer soit le gouvernement, soit tout acte de l’autorité publique, emportera la peine du bannissement contre le ministre qui l’aura publié.
Et l’article 205 aggrave la peine lorsque pareil écrit contient une provocation directe à la désobéissance aux lois et autres actes de l’autorité publique.
Messieurs, n’est-il pas clair pour chacun de nous, que le catéchisme ou tout autre livre d’instruction religieuse qui présenterait les caractères prévus par ces articles, constituerait le corps du délit. Dès lors le gouvernement pourrait-il, sans abdiquer, sans se suicider, laisser entre les mains de la jeunesse, le corps d’un délit bien qualifié ?
L’art. 14 de la constitution vient appuyer la doctrine que je puise dans les dispositions du code pénal.
« La liberté des cultes, celle de leur exercice public ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière sont garanties. »
Voilà le droit ; voici la sanction contre l’abus
« Sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés. »
La section centrale, dans son rapport sur cet article, disait qu’elle avait partagé à l’unanimité l’avis des sections, qu’elle croyait que l’être moral, le culte, devait être responsable, comme l’individu, de ses actes devant la loi.
Qu’il me soit permis de citer un exemple. L’article 16 de la constitution porte que le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi.
Je suppose qu’un catéchisme contiendrait une défense d’obéir à cette prescription du pacte fondamental, qu’il censurerait ou critiquerait cette disposition légale.
L’écrit tomberait dans l’art. 204 ou 205 du code de répression ; il devrait à l’instant être banni des écoles.
Je pense donc, messieurs, qu’il y a d’une part nécessité de maintenir au clergé seul l’approbation des livres d’instruction religieuse, que d’autre part, il y a absence de dangers pour l’autorité civile, en agissant de cette manière.
Je passe aux livres de morale et de lecture.
En les soumettant à l’approbation commune de l’autorité civile et cléricale, nous rentrerons dans l’amendement dé l’honorable M. Lebeau ; il exprime la même pensée en ces termes
« Seront désignés de commun accord par le gouvernement et par le chef diocésain et les consistoires. »
Dans notre amendement, quant à cette catégorie de livres, se trouve remplie une lacune laissée dans la proposition du ministre.
Il s’agit ici de ces livres qu’il a appelés mixtes ; à leur égard, son opinion paraît conforme à la nôtre, quoiqu’il ne l’ait pas aussi explicitement formulée dans le texte de son amendement.
Voici ce que disait, relativement à ces livres, M. le ministre de l’intérieur dans la séance du 16 août ;
« Dans toutes les écoles, messieurs, il a un petit livre, qui porte ordinairement le titre de : Lectures instructives et morales. C’est dans ce petit livre, que l’on enseigne à lire couramment et que l’on enseigne en même temps la morale ; c’est là un cours mixte, et quand nous discuterons la question des livres, je pense que nous serons d’accord, que là où existe un livre de ce genre ayant cette double destination, ce livre devra être soumis à une double approbation. »
Or, notre amendement n’est pas autre chose que la traduction de ce passage du discours de M. le ministre de l’intérieur ; le livre dont il s’agit devra être soumis à une double approbation ; eh bien, nous ne demandons que cela ; nous sommes donc entièrement d’accord sur ce point avec le discours de M. le ministre de l’intérieur ; nous sommes également d’accord avec l’honorable M. Lebeau.
Reste actuellement la dernière catégorie : ce sont les livres destinés à toutes les autres branches de l’enseignement ; l’amendement de l’honorable M. Lebeau soumet les livres de cette espèce à l’approbation commune.
C’était là, je dois l’avouer, l’expression d’un vœu tout de conciliation, tout de confiance ; j’y rends hommage ; mais je dois le dire, ce système présente quelque danger, et le plus grave est celui ci : Dans les écoles primaires, il est un point qui divise les instituteurs beaucoup plus que ne peuvent le faire les opinions religieuses, c’est la question de méthode. Suivra-t-on la méthode simultanée, celle du célèbre Pestafozzi, ou la méthode mutuelle de Lancaster, ou celle plus moderne de Jacotot, l’enseignement universel ? Voilà une question qui importe peu au clergé, car qu’on suive l’une ou l’autre de ces méthodes, on tâchera toujours de concilier la science avec la morale et la religion. Mais la question est très importante sous le rapport scientifique, le clergé peut toujours être consulté.
Il donnera tous les éclaircissements qu’il aura recueillis. Nous avons ajouté : le clergé entendu, parce que cela paraît conforme à l’économie de la loi. L’art. 7 porte que les délégués du clergé seront appelés aux réunions cantonales ; on leur dira : Que pensez-vous de tel livre d’histoire ou de géographie ? Si, dans ces livres, quelques propositions s’étaient glissées qui fussent de nature à blesser la religion ou la morale, le clergé ne tardera pas à éclairer les membres de l’assemblée, et on tiendra compte de son avis quand on le trouvera fondé. J’ai trop de confiance dans les lumières et dans le patriotisme qui distinguent le clergé pour ne pas penser que ses avis seront toujours de nature à être bien accueillis et ne donneront jamais lieu à des collisions.
Je crois avoir justifié l’amendement que M. Dolez et moi avons présenté sous son triple rapport. Je n’en dirai pas davantage dans une discussion qui déjà a été assez longue. Quant à moi, je ne fais qu’un vœu, c’est qu’on arrive à la conciliation, en faisant une loi, qui, garantissant tous les droits et prérogatives de l’autorité civile, accorde à l’instruction religieuse une part juste et honorable, si cette loi n’est point parfaite, qu’elle soit au moins aussi bonne, qu’en raison des difficultés il aura été possible de l’espérer.
(Moniteur belge n°231, du 19 août 1842) M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semble que ce qui a engagé les deux honorables membres à présenter leur amendement, c’est la lacune que, de mon propre aveu, ils ont remarquée dans la proposition que j’ai eu l’honneur de vous faire.
Hier, j’ai parlé plusieurs fois de livres mixtes, de livres de lecture employés en même temps pour l’enseignement de la religion et de la morale. J’ai pensé que dans ce cas les livres devraient être soumis à une double approbation. Il me semble qu’en maintenant l’amendement que j’ai proposé, il serait facile de le compléter. Relisons d’abord l’amendement :
« Les livres destinés à l’enseignement primaire sont examinés par la commission centrale et approuvés par le ministre de l’intérieur, à l’exception des livres employés pour l’enseignement moral et religieux, lesquels sont approuvés par les chefs des cultes. »
Il me paraît qu’on pourrait faire un paragraphe additionnel et amener naturellement ce paragraphe additionnel par l’intercalation d’un mot, ce serait de dire : à l’exception des livres employés exclusivement pour l’enseignement de la morale et de la religion.
J’ajouterai ensuite le paragraphe additionnel suivant :
« Les livres de lecture employés en même temps à l’enseignement de la religion et de la morale sont soumis à l’approbation commune du gouvernement et des chefs des culte. »
De cette manière, je comble la lacune qu’on a signalée en se prévalant des explications que j’ai données hier et avant-hier.
Ne croyez pas que ce soit un motif d’amour-propre qui me porte à maintenir mon amendement, selon moi il conserve mieux au gouvernement la position qu’il doit avoir. C’est le gouvernement qui approuve les livres, sauf les cas exceptionnels. La non-approbation, c’est l’exception.
Un autre reproche que je ferai aux amendements des honorables membres, c’est de déroger à certains égards au principe admis il y a quelques jours, celui de la non-séparation de l’enseignement de la religion et de la morale. Dans les deux amendements, on admet un enseignement séparé de la religion et de la morale. C’est ce que nous n’avons pas voulu. Je ne crois pas pour le moment devoir entrer dans de plus longues explications.
M. Savart-Martel. - Avant de dire quelques mots sur le fond de la question, je demanderai la permission d’appeler votre attention sur un objet dont on vous a entretenus à la séance d’hier. Quelques observations faites à la séance d’hier par l’honorable M. de Theux, ont été rencontrées par moi, à l’occasion de ce qui s’est passé aux élections d’Ath.
M. le président. - Si on revient encore sur les élections d’Ath, nous n’en finirons pas, nous ne pouvons pas ainsi interrompre à chaque instant la discussion.
M. Savart-Martel. - Je ne veux nullement revenir sur les élections d’Ath, mais je veux faire observer qu’il s’est glissé une erreur dans le compte-rendu de la séance d’hier, je ne parle pas du il, car je ne l’ai pas lu, mais j’ai vu dans les autres journaux, qu’on supposait que j’aurais parlé d’excès qui auraient eu lieu aux élections de Tournay, et qui seraient déférés aux tribunaux. Il n’a été question que de la ville d’Ath et non de la ville de Tournay, où il n’y a pas eu d’excès, et par conséquent pas de poursuites. Vous voyez, M. le président, que j’avais intérêt à faire mes observations. (Assentiment).
Je pense que nous sommes d’accord.
M. de Theux. - Je n’ai en aucune manière parlé de faits qui se seraient passés à Tournay et qui seraient l’objet d’investigations judiciaires, et je n’ai pas non plus jeté le moindre blâme sur l’honorable préopinant. Ce que j’ai dit, c’est qu’il s’était passé des faits fâcheux à Ath et à Tournay, que des personnes auraient été insultées, faits dont je n’ai eu connaissance que par les journaux, n’ayant eu aucun rapport entre les mains.
M. Savart-Martel. - Je n’ai voulu appeler votre attention que sur le fait que des excès commis aux élections de Tournay seraient soumis aux tribunaux.
Il n’y a pas eu d’excès à Tournay, et par conséquent rien n’est déféré aux tribunaux.
Passant à la loi qui nous occupe, je ne regretterais point le temps que nous y employons, si nous parvenions à nous entendre ; mais il me semble que nous reculons, au lieu d’avancer dans la discussion. Il n’en serait point ainsi, si l’on s’était arrêté au principe déclaré dans une des dernières séances, savoir : que la mission du clergé n’excéderait point l’enseignement de la morale et de la religion.
L’Etat n’a certainement point la prétention de faire des catéchismes ; mais le surplus de l’instruction est de son domaine. S’agit-il de la doctrine, le clergé choisira ses livres ; dans tous les autres cas la commission décidera, elle décidera même sur le premier point si le clergé refusait son concours.
Je l’ai dit dès le principe, messieurs, nous sommes dans une fausse position, et je n’étais point si mal avisé, en voulant conserver le statu quo pour certaines écoles. Nous faisons une loi basée sur la coopération du clergé, et nous n’avons aucune moyen d’action.
Notre loi ressemblerait à ce qu’on nomme en droit un contrat boiteux, claudiens. L’exécution dépendra de la bonne volonté d’un tiers. Or le législateur ne peut traiter ainsi les affaires de l’Etat ; il ne peut ordonner sans moyen d’exécution.
Notre loi, au lieu d’amener à nous le clergé, l’en éloignera peut-être, ne fût-ce que pour ne rien céder de son indépendance.
Si, pour faire une bonne loi, nous avons besoin de son concours, force serait-il de traiter avec le clergé comme de puissance à puissance ?
Ce langage étonnera peut-être, mais il est la conséquence de la loi qui doit être une vérité pour tout le monde. Jusqu’alors, vous auriez beau entasser concessions sur concessions, vous ne recevriez rien en échange ; car qui vous garantit que le clergé se contentera d’une loi que nous adopterions même à l’unanimité ? Notre loi ne sera point la loi d’amour, mais les caustiques la nommeraient peut-être loi des dupes.
Que l’Etat tente donc un concordat avec le clergé de la Belgique, alors nous ferons une loi organique, non point pour modifier le contrat ; mais pour l’exécuter religieusement ; car en Belgique, la bonne foi, l’exécution des engagements contractés, c’est l’âme de la législation.
Si nous ne voulons un pareil traité, alors ayons le courage de notre position. Admettons le concours du clergé s’il veut nous l’accorder, mais travaillons dans la prévision qu’il faudra nous en passer, dans mon opinion, c’est la chance la plus probable.
Les articles de détail sont d’un faible intérêt ; j’adjure la chambre de s’arrêter sur un principe, les conséquences se placeront d’elles-mêmes ; gardons-nous de vouloir les prévoir toutes !
Quant à moi, je voterai pour les amendements qui laisseront au clergé (s’il veut nous accorder son concours) toute l’instruction religieuse, mais sous la condition que le surplus de l’enseignement restera dans le domaine de l’Etat, qui ne pourrait aliéner son droit à cet égard sans les plus graves inconvénients. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - M. Verhaegen se rallie-t-il au nouvel amendement de M. le ministre de l’intérieur ?
M. Verhaegen. - Je tiens à mon amendement.
M. le président. - Et M. Lebeau ?
M. Lebeau. - Je maintiens mon amendement.
M. le président. - Et M. Orts ?
M. Orts. - Je maintiens également le mien.
M. le président. - Je suivrai, pour mettre ces différents amendements aux voix, leur ordre de présentation.
Amendement de M. Verhaegen
« Les livres destinés à l’enseignement primaire sont examinés par la commission centrale et approuvés par le ministre de l’intérieur ; ceux qui sont employés pour l’enseignement moral et religieux sont également soumis à l’approbation des chefs des cultes. »
- Cet amendement, mis aux voix, n’est pas adopté.
Amendement de M. Lebeau
« Les livres dont il pourra être fait usage dans les écoles primaires de chaque province seront désignés annuellement, et de commun accord, par le gouvernement, sur la proposition de la commission centrale d’instruction, et par le chef diocésain on les consistoires. »
- Cet amendement, mis aux voix, n’est pas adopté.
Amendement de MM. Dolez et Orts
« Les livres destinés spécialement à l’enseignement de la religion sont soumis à l’approbation des chefs des cultes.
« Les livres de lecture, et ceux destinés à l’enseignement de la morale sont soumis à l’approbation commune et du ministre de l’intérieur et des chefs des cultes.
« Les livres destinés à toutes les autres parties de l’enseignement sont approuvés par le ministre de l’intérieur, sur la proposition de la commission centrale, les chefs des cultes entendus. »
- Cet amendement n’est pas adopté.
Amendement de M. le ministre de l'intérieur
« Les livres destinés à l’enseignement primaire sont examinés par la commission centrale et approuvés par le ministre de l’intérieur, à l’exception des livres employés exclusivement pour l’enseignement moral et religieux, lesquels sont approuves par les chefs des cultes.
« Les livres de lecture employés en même temps à l’enseignement de la religion et de la morale, sont soumis à l’approbation commune du gouvernement et des chefs des cultes. »
- Cet amendement est adopté.
Sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb), la chambre décide que cet article formera l’article 8 ou 9 du titre premier, et qu’elle lui assignera plus tard sa place.
M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur l’art. 7.
M. Lebeau. - Je ferai observer qu’il y a dans cet art. un paragraphe qui est impératif et par lequel on fait des injonctions aux chefs du clergé.
M. Verhaegen. - Quel est ce paragraphe ?
M. Lebeau. - C’est le dernier.
Je me borne à signaler le fait. Je demande comment dans les cas de collision, on obtiendra que force reste à la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce dernier paragraphe n’est pas aussi impératif qu’on paraît le supposer. Une simple réflexion fera voir que le paragraphe n’est impératif que dans l’hypothèse du concours du clergé. Le clergé accorde son concours. Voilà comment nous entendons que son intervention s’exécute. Nous ne pouvons rester dans le vague. Je regarde ce dernier paragraphe comme absolument nécessaire.
M. Dechamps, rapporteur. - J’ajouterai une seule observation à celle de M. le ministre, c’est que le paragraphe dont l’honorable M. Lebeau demande la suppression n’est pas plus impératif que l’art. 6, dans lequel nous disons : « L’enseignement de la religion et de la morale est donné sous la direction des ministres du culte. » Nous admettons l’hypothèse du concours du clergé. Dans ce cas, le clergé ne peut avoir d’autres droits que ceux que la loi consacre. Evidemment il nous est permis à nous législateurs de déterminer les conditions du concours du clergé tel que nous l’entendons.
Ainsi cet article n’est pas plus impératif que tous les autres articles de la loi relatifs à l’intervention du clergé dans l’instruction primaire.
M. Lebeau. - Je demande si l’on maintien ce paragraphe de l’article : « Les ministres des cultes et les délégués du chef du culte auront en tout temps le droit d’inspecter l’école. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Oui.
M. Lebeau. - Je conçois qu’on maintienne la disposition, quant aux délégués du chef du culte, mais quant aux ministres qui ont la direction de l’enseignement de la morale et de la religion, c’est un pléonasme ; c’est même un contresens.
M. Verhaegen. - Je désirerais savoir quel sens M. le ministre attache à ce paragraphe. Les ministres des cultes pourront-ils inspecter non seulement l’enseignement de la morale, mais toutes les branches de l’enseignement ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ils n’inspecteront pas tout l’enseignement, mais seulement les parties de l’enseignement dont la direction leur est attribuée par la loi.
M. Verhaegen. - Ils inspecteront en tout temps ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Voici pourquoi les mots en tout temps se trouvent dans ce paragraphe. Il y aura une heure assignée pour l’enseignement de la religion. Le ministre du culte ne sera-t-il admis à l’école que pendant cette heure ? Non ; il pourra se présenter à toute heure à l’école. Voilà ce que nous avons voulu. Je veux bien le déclarer.
M. le président. - M. Lebeau fait-il une proposition ?
M. Lebeau. - Non, M. le président, j’ai fait l’observation. je n’y tiens pas.
L’art. 7 est mis aux voix et adopté avec les modifications suivantes : au deuxième paragraphe, les mots délégués des chefs du culte, au lieu de : ministres du culte où l’école est établie et par le délégué du chef du culte. Au quatrième paragraphe, par suite de l’adoption de l’amendement de M. le ministre de l'intérieur, ces mots sont supprimés : « Les livres employés dans l’école sont soumis à son approbation, en ce qui concerne la morale et la religion. »
M. le président. - La chambre passe à la disposition additionnelle à l’art. 6, proposée par M. Devaux, et dont la discussion a été ajournée après le vote de l’article 7. Cette disposition est ainsi conçue :
« Dans les autres parties de l’enseignement, les ministres des cultes ne pourront intervenir que par voie de conseil et d’avertissement près de l’autorité civile compétente. »
M. de Garcia. - Je pense que, par suite de l’amendement de M. le ministre de l'intérieur adopté par la chambre, il n’y a plus lieu de s’occuper de la disposition additionnelle proposée par l’honorable M. Devaux, puisque la disposition adoptée décide quelle sera l’intervention du clergé et de l’autorité civile dans la surveillance de l’instruction. Ainsi se trouve résolue la question que soulèverait cet amendement ; lorsque M. Devaux l’a proposé, j’ai présenté des observations tendant à obtenir ce qui a été accordé par l’amendement de M. le ministre de l'intérieur.
M. Devaux. - L’amendement de M. le ministre de l'intérieur n’exclut pas mon amendement, ne le rend pas inutile.
Il n’est relatif qu’aux livres. Ici il s’agit des parties de l’enseignement autres que la religion et la morale, ce sont donc deux choses toutes différentes.
J’avais demandé qu’on retranchât de l’art. 6 le mot morale. Je comprendrais la morale dans la religion. Mais je demandais qu’on n’exclût pas les laïques de l’enseignement de la morale. On a répondu qu’on l’entendait bien ainsi, mais qu’on ajoutait le mot morale, pour qu’il fût bien entendu que le clergé avait le droit d’enseigner la morale. Je ne pense donc pas que l’on veuille exclure l’autorité civile de l’enseignement de la morale.
Quoi qu’il en soit, les membres de la chambre qui tiennent le plus à étendre l’influence du clergé, ont étendu la limite, ont adopté le mot morale ; ils ont dit que le clergé aurait le droit d’enseigner la morale et la religion.
Maintenant, cette limite posée, je demande que la loi porte qu’il existera une partie quelconque de l’enseignement où le clergé n’interviendra pas à titre de droit. La loi lui attribue la direction de l’enseignement de la morale et de la religion ; je demande (cette prétention est bien modeste) que dans les autres parties de l’enseignement il ne puisse intervenir que par voie de conseil et d’avertissement.
Je ne conçois pas qu’on puisse étendre au delà les droits du clergé. Je conçois qu’il ait ce droit de conseil et d’avertissement qui appartiendra non seulement à lui, mais encore aux pères de famille et à tous les habitants de la commune.
Je veux, messieurs, que tous ceux qui ont intérêt à surveiller les écoles puissent le faire ; je veux que tout le monde puisse faire parvenir à l’autorité supérieure des avis, des avertissements. Je ne demande pas le huis-clos pour les écoles, je ne recule pas devant le contrôle, devant la publicité ; je ne refuse pas aux membres du clergé le droit de donner leur avis sur ce qu’ils voient.
Remarquez-le bien, messieurs ; qui est le véritable inspecteur de l’école ? mais c’est le ministre du culte. Les inspecteurs civils visiteront deux fois par an, seulement, l’école. Les bourgmestres des campagnes sont le plus souvent fort peu en état d’inspecter l’école. Mais le ministre du culte est toujours là ; il exercera une grande influence dans l’école et verra beaucoup de choses que d’autres ne verront pas. Eh bien ! je ne veux pas interdire à ce ministre du culte le droit de faire parvenir ses observations au gouvernement. Je ne crains pas de lui donner ce droit ; c’est d’ailleurs le droit de tous les pères de famille, de tous les habitants de la commune. Mais je demande que vous constatiez qu’il y a une partie de l’enseignement dans laquelle le clergé n’intervient pas à titre de droit. C’est ce que vous avez reconnu, quant aux livres, par l’adoption de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Eh bien, ce que vous avez reconnu quant aux livres, vous pouvez le reconnaître quant aux parties de l’enseignement qui ne se rattachent pas à la morale et à la religion.
M. Dechamps, rapporteur. - Le but de l’honorable membre, c’est ainsi qu’il vient de le dire, de mettre à l’épreuve la sincérité des opinions manifestées dans cette chambre quant à l’étendue que l’on veut donner à l’enseignement moral et religieux dans l’école. Mais, messieurs, à la simple lecture des articles 6 et 7, il me paraît que le doute ici ne peut exister, et que même l’amendement de l’honorable M. Devaux ne pourrait avoir pour résultat que d’embrouiller une question qui est claire et qui doit rester claire pour tout le monde.
En effet, que dit l’art. 6 ? L’art. 6, après avoir déterminé les matières d’enseignement, dit que l’enseignement de la religion et de la morale est donné sous la direction du ministre du culte professé par la majorité des habitants de la commune. Ainsi, tout ce qui n’est pas enseignement religieux et moral est soumis à l’autorité civile.
Mais l’art. 7 ne laisse aucun doute sur cette interprétation. Il dit : « Quant à l’enseignement moral et religieux, la surveillance par les délégués des chefs du culte. » La surveillance des écoles, quant à l’instruction et à l’administration, sera donc l’autorité communale et par les inspecteurs d’après les prescriptions de la loi.
Ainsi, il est évident, en combinant ces deux articles, et il n’y aucune espèce d’ambigüité à redouter sur ce point, que la direction et la surveillance de la partie civile de l’enseignement appartient uniquement à l’autorité civile, et que la direction et la surveillance de l’autorité religieuse ne peut s’exercer que sur la partie morale et religieuse de l’enseignement. Il me paraît impossible qu’aucun doute puisse s’élever à cet égard.
Mais, messieurs, l’amendement de l’honorable M. Devaux introduirait, pour ainsi dire, ce doute. Car je ne comprends vraiment pas qu’on puisse écrire dans la loi un droit de pouvoir donner des conseils, des avertissements. En pratique, comme l’a très bien dit l’honorable membre, je conçois que ce droit appartiendra non seulement au clergé, mais à tous les pères de famille ; non pas ce droit, mais cette influence ; il est clair que dans la pratique ces conseils, ces avertissements pourront toujours être donnés ; mais je ne comprends pas comment on peut faire de cette influence de conseils et d’avertissements un droit légal, un droit inséré dans la loi même. Il me paraît impossible que l’on dise dans une loi : Je déclare que telle autorité peut donner un conseil ou un avertissement.
Messieurs, on a signalé à l’honorable M. Devaux, dans une discussion précédente, un inconvénient grave qui résulterait de son amendement. On vous a dit : Si la loi est adoptée telle qu’elle est écrite, les inspecteurs ecclésiastiques n’auront le droit, dans leur rapport à M. le ministre de l'intérieur, que de parler de ce qui est instruction religieuse et morale dans l’école primaire ; leur compétence ne s’étend pas plus loin. Et maintenant, messieurs, si l’amendement est adopté, il est clair que les inspecteurs ecclésiastiques se croiront le droit, ne fût-ce qu’à titre de conseil et d’avertissement, de comprendre dans leur rapport non seulement ce qui regarde l’enseignement religieux et moral, mais même les autres parties de l’enseignement. De manière qu’ici les attributions vont se trouver plus ou moins confondues, et que vous allez donner lieu à des conflits qu’il est dans l’intention de l’honorable M. Devaux d’éviter.
Ainsi, messieurs, en résumant ma pensée, je crois que les articles 6 et 7 sont tellement clairs qu’il est impossible de pouvoir les interpréter de manière à reconnaître aux délégués des chefs de culte une compétence dans la partie purement civile de l’enseignement. Je pense que, sous ce rapport, ces deux articles ont un sens plus clair que celui que présenterait l’amendement de l’honorable M. Devaux ; et que, je le répète, cet amendement pourrait introduire une espèce de doute sur le sens de la loi et faire croire au clergé qu’il a des attributions que la loi ne doit pas lui conférer.
M. Devaux. - Messieurs, si on s’oppose à mon amendement, c’est qu’il est inutile, dans l’opinion de ceux qui ne croient pas pouvoir donner trop d’extension aux droits des ministres du culte dans l’école. Mais que ceux-là veuillent bien avoir pour les membres d’une autre opinion cette considération que ce qu’ils trouvent inutile peut être utile selon ceux-ci, et que ce qui abonde ne vicie pas. Si, pour rassurer une autre opinion, vous pouvez adopter un amendement même inutile, il me paraît que vous devriez l’accepter. Mais nous avons la preuve même dans cette séance que la conciliation est une chose vraiment difficile, que ceux qui en parlent le plus font peu d’efforts pour y parvenir.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne regarde pas cet article additionnel comme seulement inutile, je le regarde aussi comme dangereux, et c’est pour ce motif que je pense qu’il ne faut pas l’insérer dans la loi. J’ai présenté, il y a quelques jours, mes objections à la chambre ; on ne les a pas détruites selon moi.
On enseigne sept choses dans une école primaire ; ces sept choses je les désigne, et je dis ensuite : Le clergé, de ces sept choses, en enseignera deux. Faut-il ajouter que le clergé sera étranger à l’enseignement des cinq autres ? Mais évidemment non. Le clergé n’a que ce que je lui attribuai en quelque sorte par exception ; le sens de la loi est évident.
Si donc vous gardez le silence, il est évident que le clergé doit se considérer comme totalement étranger aux cinq autres objets de l’enseignement. Que fait, au contraire, l’honorable M. Devaux ? Il ne dit pas au clergé : Vous serez totalement étranger aux cinq autres objets de l’enseignement ; mais il dit : Pour les deux premiers objets, la direction vous appartient ; pour les cinq autres, vous interviendrez encore, mais cette fois vous n’interviendrez plus que par voie de conseil et d’avertissement. Eh bien ! je dis que cette intervention nouvelle créera une large influence dans la pratique.
Voilà mes objections. Il me peine de ne pouvoir accepter cet article additionnel. Je prie l’honorable membre de croire que je le regrette vivement, et que c’est sérieusement que je le regarde comme dangereux.
M. Devaux. - Il est dangereux, parce qu’il accorde au clergé un droit que ni M. le ministre de l'intérieur, ni M. le rapporteur de la section centrale ne lui contestent pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Cette intervention à titre officieux, le clergé l’a de fait, comme tous les pères de famille et quiconque s’intéresse aux écoles. Mais autre chose est une intervention de fait que l’on peut faire cesser si elle crée une trop grande influence, autre chose est une intervention de droit, à titre officieux, inscrite dans la loi.
- L’amendement de M. Devaux est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
« Art. 8. Tous les ans, au mois d’octobre, chacun des évêques diocésains et les consistoires pour les écoles appartenant aux autres confessions, communiqueront au ministre de l’intérieur un rapport détaillé sur la manière dont l’enseignement de la morale et de la religion est donné dans les écoles soumises au régime de la présente loi. »
- Cet article est adopté.
Articles nouveaux, relatifs à la nomination, à la révocation et à la suspension des instituteurs
M. le président. - Nous arrivons maintenant à la question de nomination, de suspension et de révocation des instituteurs. Voici les deux articles proposés par M. le ministre sur ce point :
« Art. nouveau. La nomination des instituteurs communaux a lieu par la conseil communal, conformément à l’art. 86 de la loi du 30 mars 1836.
« Pendant les deux premières années de la mise à exécution de la présente loi, toutes les nominations seront soumises à l’agréation du gouvernement. Après ce délai, les conseils communaux choisiront leurs instituteurs parmi les candidats qui justifieront d’avoir fréquenté avec fruit, pendant 2 ans au moins, les cours normaux de l’un des établissements soumis au régime de la présente loi.
« Toutefois les conseils communaux pourront choisir des candidats ne justifiant pas de l’accomplissement de cette condition, en soumettant la nomination à l’agréation du gouvernement. »
« Art... Le conseil communal pourra suspendre l’instituteur pour un terme qui n’excédera pas trois mois, avec ou sans privation de traitement ; le gouvernement sera appelé à statuer définitivement sur le maintien ou la révocation de l’instituteur, sur l’avis des inspecteurs, le conseil communal et l’instituteur entendus.
« Le gouvernement pourra aussi, d’office, suspendre ou révoquer un instituteur communal, en prenant l’avis des inspecteurs, le conseil communal ou l’instituteur entendu. »
M. Devaux. - Je voudrais faire une observation sur l’ordre de la délibération. M. le ministre de l’intérieur a proposé, l’autre jour, de discuter les articles dont il vient d’être donné lecture avant le titre II ; je n’avais fait aucune objection à cette proposition, parce que je n’étais pas bien sûr du sens de ces articles. Mais les ayant examinés de près, une difficulté m’a arrêté, et je crois qu’elle va se présenter dans la discussion.
Une partie très importante du premier article nouveau, qui vous est présenté, est celle qui décide qu’après deux ans, les conseils communaux, s’ils veulent se passer de l’approbation du gouvernement, devront choisir exclusivement leurs instituteurs parmi les candidats qui auront fréquenté les cours normaux de l’un des établissements soumis au régime de la présente loi.
Vous voyez que cet article suppose l’existence d’écoles normales et de cours normaux établis près d’autres écoles. On y parle aussi d’établissements soumis au régime de la présente loi. Or, jusqu’ici il y a deux choses que nous ignorons complètement ; nous ignorons ce que c’est que les écoles normales ; nous n’avons rien décidé encore à cet égard ; nous ignorons aussi s’il y aura des cours normaux près d’autres établissements, et dans le cas où il y aurait des cours normaux de ce genre, nous ignorons ce que seront ces cours. Enfin nous ne savons pas encore quels seront les établissements soumis au régime de la présente loi. M. le ministre de l'intérieur dit que ce seront les établissements subventionnés ; mais rien de ce que nous avons adopté jusqu’à présent ne règle ce point ; de plus, nous ne savons pas ce que veut dire : « soumis au régime de la présente loi. » Nous ne savons pas jusqu’à quel point certains établissements subventionnés seront soumis au régime de la présente loi. Sera-ce pour la nomination des instituteurs, pour l’inspection ou sous tout autre rapport ? Si donc nous nous prononcions aujourd’hui sur la proposition de M. le ministre, nous nous déciderions dans le vague.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois, messieurs, que les difficultés signalées par l’honorable préopinant sont très réelles. Il y a évidemment connexité entre la question que soulève ma proposition et la question de l’institution des écoles normales et de l’adjonction de cours normaux aux écoles modèles ; il y a aussi connexité entre la question de la nomination des instituteurs et d’autres questions, celle, par exemple, de savoir de quelle manière un établissement qui ne sera pas une école normale de l’Etat pourra être considéré comme soumis au régime de la présente loi. Je conviens donc que les observations de l’honorable membre sont justes et qu’il faudra ajourner la question de la nomination des instituteurs jusqu’après l’adoption du titre IV.
- La chambre ajourne l’examen de la proposition de M. le ministre de l'intérieur jusqu’après la discussion des articles qui forment le titre IV du projet.
M. le président donne lecture des amendements suivants, déposés par M. Rogier. (Nous donnerons ces amendements.)
M. le président. - La chambre passe à la discussion du titre III
« Art. 9. Il y aura dans chaque canton un inspecteur pour l’instruction primaire. Ce fonctionnaire est nommé et révoqué par le gouvernement, sur l’avis de la députation provinciale. La durée de ses fonctions est de trois ans.
« Il ne reçoit pas de traitement ; une indemnité, qui ne dépassera pas 400 fr. annuellement, lui sera allouée sur les fonds provinciaux.
« Chaque inspection s’étend sur les écoles communales et sur celles qui en tiennent lieu, en vertu de l’art. 3 de la présente loi.
« L’inspecteur cantonal se met en rapport avec l’administration communale.
« Il visite les écoles de son ressort au moins deux fois l’an.
« Il tient note détaillée des résultats de chaque inspection et les consigne dans un registre accessible en tout temps à l’inspecteur provincial.
« Ce registre contiendra un état statistique du nombre des écoles de son ressort et des élèves qui les fréquentent, avec indication des méthodes employées dans chaque école et du degré de zèle et d’aptitude dont chacun des instituteurs fait preuve. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) a proposé de remplacer le commencement du § 1er par la disposition suivante :
« Il y aura un inspecteur pour un ou plusieurs cantons » et de placer après le § 3 de l’art. 9, ce qui suit : « Le nombre des inspecteurs cantonaux est fixé par le gouvernement sur l’avis de la députation permanente du conseil provincial. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, le changement que j’ai proposé se réduit à ceci : le projet supposait d’une manière absolue qu’il y aurait un inspecteur pour chaque canton, On m’a fait observer que cela pouvait être inutile et que très souvent dans les campagnes, il pourrait en résulter des inconvénients. Dans plusieurs viles, il y a différents cantons ; cependant un même inspecteur peut suffire pour une ville, quelque grande qu’elle soit. Dans les campagnes, surtout en l’absence d’une organisation cantonale définitive, il y a beaucoup de cantons très petits, de sorte que très souvent un seul inspecteur pourra suffire pour deux cantons ou même trois cantons qui se touchent. J’ai donc pensé qu’au lieu de dire d’une manière absolue : « Il y a aura pour chaque canton un inspecteur, » il vaut mieux de dire : « Il y aura un inspecteur pour un ou plusieurs cantons. »
Maintenant il faudra fixer le nombre des inspecteurs par province, et j’ai propose de dire : « Le nombre des inspecteurs par province sera par le gouvernement, sur l’avis de la députation. »
C’est à cela que se bornent les modifications que j’ai proposées.
M. Devaux. - Messieurs, je ferai d’abord une observation que j’ai déjà, c’est qu’il faudrait comprendre les art. 7 et 8 déjà votés dans le titre qui nous occupe en ce moment et qui est intitulé : « Inspection et surveillance », attendu que ces articles concernent exclusivement l’inspection et la surveillance.
Quant au changement proposé par M. le ministre, je l’approuve en ce qu’il réduit le nombre des inspecteurs cantonaux. Nos grandes provinces comprennent environ 30 cantons ; or, sous plusieurs rapports, 30 inspecteurs cantonaux par province, ce serait trop. Il serait difficile de trouver dans une province 30 hommes aptes à ces fonctions, que l’honorable M. Brabant a appelés un apostolat. J’aurai voulu qu’on eût limité le nombre des inspecteurs cantonaux à 6 ou 10 par province ; j’aurais préféré cela à la rédaction proposée par M. le ministre ; parce que d’après cette rédaction il semble qu’un inspecteur par canton c’est la règle, et la nomination d’un seul inspecteur pour plusieurs cantons, l’exception. Les inspecteurs cantonaux doivent se réunir ; si vous voulez que ces réunions portent quelque fruit, il ne faut pas y appeler 30 personnes ; si vous n’y appeliez que 6 à 10 inspecteurs, elles auraient certainement de meilleurs résultats.
J’ai une autre observation de détail à faire. On avait fixé le maximum de l’indemnité à 400 fr., dans la supposition qu’il y aurait un inspecteur par canton ; mais là où vous ne nommez qu’un seul inspecteur pour plusieurs cantons, vous ne pouvez pas maintenir ce maximum. Puisque le gouvernement doit fixer le nombre des inspecteurs après avoir pris l’avis de la députation provinciale, je ne sais pas s’il y aurait des inconvénients à lui permettre de fixer de la même manière le montant de l’indemnité.
J’aimerais mieux qu’il n’y eût qu’un nombre restreint d’inspecteurs et que l’on donnât à chacun une indemnité un peu plus forte. Ce qui serait juste puisqu’ils auraient plus à faire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il pourra y avoir un inspecteur pour un, deux ou trois cantons ; la loi ne s’y opposera pas. Quand j’ai cité un inspecteur pour un ou pour deux cantons, je n’ai pas entendu qu’il ne pourrait pas y en avoir un pour trois cantons ; cela dépend des circonstances, et il est absolument impossible de fixer dans la loi le nombre des inspecteurs.
Quant à la question de l’indemnité, je pense qu’il faut fixer un maximum dans la loi, parce que ce sera une disposition obligatoire, en ce qui concerne les budgets provinciaux.
M. Devaux. - On pourrait mettre 400 francs par canton.
M. de Mérode. - Il me semble, messieurs, que d’après l’esprit de l’article, ces inspecteurs doivent exercer gratuitement leurs fonctions et qu’il faut se borner à les rembourser des frais qu’ils sont obligés de faire pour l’exercice de ces fonctions. Il faut prendre garde de ne pas multiplier à l’infini les places rétribuées. Déjà les ressources ne l’Etat sont insuffisantes pour couvrir les dépenses ; les provinces sont dans la même position ; il ne faut donc pas multiplier inutilement les charges du budget général ou des budgets provinciaux. Je suis convaincu que l’on trouvera très facilement des hommes zélés, amis de l’instruction qui consentiront à remplir les fonctions d’inspecteur sans être rétribués de ce chef.
M. d’Hoffschmidt. - Je crois, messieurs, que l’on devrait fixer un minimum plutôt qu’un maximum ; si l’on disait, par exemple, que l’indemnité ne pourrait pas être moindre de 400 fr., on aurait une garantie que les députations ne donneront pas une indemnité insuffisante. Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable M. Devaux sur la nécessité de donner des émoluments convenables aux fonctionnaires dont il s’agit, qui seront chargés de soins très importants et d’un travail considérable. Si vous diminuez le nombre de ces fonctionnaires, il est tout naturel que vous augmentiez leur traitement ; si, d’un autre côté, vous ne fixez pas de chiffre, si vous abandonnez la fixation aux députations permanentes, il pourra arriver que, dans certaines provinces surtout, par des raisons d’économie, l’indemnité soit fixée à un taux trop peu élevé. Vous éviteriez ces inconvénients en fixant un minimum dans la loi.
M. de Garcia. - Messieurs, je ne puis partager l’opinion de l’honorable M. d’Hoffschmidt, qui voudrait fixer dans la loi un minimum d’indemnité, au lieu d’un maximum ; je ne vois pas dans la fixation d’un minimum la garantie que les provinces ne seront pas entraînées dans des dépenses exagérées, tandis que j’ai complètement mes apaisements dans la fixation d’un maximum. Prenons-y garde, messieurs ; en ne fixant qu’un minimum dans la loi, le gouvernement serait dans son droit en exigeant que les provinces portassent à leur budget toutes les sommes qu’il jugerait convenir pour cet objet. Le maximum fixé dans la loi me paraît suffisant. Il s’agit d’une indemnité et non pas d’un traitement. Or, je crains que les dépenses ne soient trop largement faites, alors surtout que les provinces sont déjà grevées de charges considérables. Nous avons voté une loi sur les chemins vicinaux, qui est venue augmenter le poids des impositions provinciales et communales ; la dépense qu’il s’agit de créer en ce moment est indispensable, je le reconnais, mais au moins, je ne veux pas qu’elle soit trop forte, et en disproportion avec les ressources provinciales.
La fixation d’un maximum me paraît indispensable, un minimum, je le répète, ne serait pas une garantie suffisante. Peut-être y aurait-il moyen de concilier les choses ; ce serait d’appliquer aux inspecteurs provinciaux la disposition qui règle l’indemnité que l’on accorde aux conseillers provinciaux qui se rendent aux séances du conseil. Cette indemnité est de 5 francs par jour. On pourrait allouer cette indemnité aux inspecteurs. Il me paraît d’autant plus juste de leur appliquer ce système, que parmi les inspecteurs les uns pourront avoir beaucoup de besogne, et que les autres pourront avoir peu de chose à faire. Conviendrait-il d’accorder aux uns et aux autres la même indemnité ; n’est-il pas juste que les premiers obtiennent une indemnité plus forte que les seconds ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je n’hésite pas à dire que ce système serait un déplorable système. L’inspecteur cantonal ne se considérerait comme tenu de s’occuper d’enseignement primaire seulement aux jours où on lui paie cinq francs ; les autres jours il se considérerait comme hors de cause. L’inspecteur cantonal doit s’occuper de l’enseignement primaire du premier janvier au 31 décembre ; il a, en outre, des tournées à faire, mais ceci est une chose accidentelle ; il recevra pour ces tournées des frais de voyage, et peut même recevoir des frais de séjour ; mais il faut qu’il ait une indemnité fixe, pour qu’il sache qu’il n’est pas seulement tenu de s’occuper d’enseignement primaire à tel jour, à telle heure, mais qu’il doit s’en occuper du premier janvier au 31 décembre.
Messieurs, il est indispensable que l’inspecteur reçoive deux genres d’indemnité, une indemnité fixe et une indemnité variable, à raison des tournées extraordinaires ; si vous n’admettez pas ces deux indemnités, vous n’atteindrez pas votre but ; si l’on n’alloue qu’une indemnité fixe, l’inspecteur ne fera plus de tournées ; si on ne lui alloue qu’une indemnité variable, il croira que tous ses devoirs se bornent à des tournées ; il faut éviter l’un et l’autre inconvénient.
M. d’Hoffschmidt. - Un honorable préopinant a objecté à la proposition que j’ai faite, qu’elle pourrait avoir pour résultat d’entraîner les provinces dans d’assez grandes discussions. Mais messieurs, vous aurez toujours pour garantie que cela n’arrivera pas, les conseils provinciaux eux-mêmes ; et, je ne pense pas que nous voulions nous établir meilleurs conservateurs des deniers provinciaux que les conseils provinciaux eux-mêmes. Or je ne vois pas pourquoi, puisqu’il s’agit d’une charge provinciale, l’on n’abandonnerait pas la fixation de l’indemnité au conseil provincial, car il y a telles provinces riches, par exemple, qui attacheront toujours une grande importance à l’institution des inspecteurs d’école et qui voudront qu’ils soient convenablement rétribués ; pourquoi, dès lors, ces inspecteurs ne seraient-ils pas mieux payés dans ces provinces que dans les provinces qui n’eut pas autant de ressources ?
Mais ce que je crains, c’est que les députations permanentes ou les conseils provinciaux ne fixent des indemnités trop peu élevées. Je le répète, il me semble très essentiel que ces fonctionnaires aient une rétribution suffisante. M. le ministre de l’intérieur vient de dire qu’ils auraient encore une indemnité, une indemnité variable ; en ce cas, cela améliorerait leur position, et je me rallierais volontiers à cette proposition,
M. de Theux. - Messieurs, il importe d’être bien fixé sur le point de savoir si l’inspecteur cantonal recevra tout à la fois une indemnité fixe et des frais de déplacement et de séjour. Quant à moi, je ne vois pas de nécessité d’allouer les frais spéciaux pour tournées ; je crois qu’une indemnité globale serait préférable ; les obligations des inspecteurs sont nettement déterminées dans la loi, il sera tenu de les remplir ; sinon, le gouvernement pourra les révoquer.
Maintenant, on est a fait observer avec raison que si la base de 400 francs était trouvée convenable pour l’inspecteur d’un seul canton, il y aurait lieu de majorer le maximum pour le cas où l’inspecteur serait chargé de plusieurs cantons ; on pourrait ajouter dans la loi que ce maximum pourra être augmenté dans la même proportion, lorsque l’inspecteur sera chargé de plusieurs cantons.
M. de Garcia. - Messieurs, j’avais dit que les conseillers provinciaux recevaient une indemnité de 5 francs par jour, et que je voulais voir appliquer ce système aux inspecteurs cantonaux. L’honorable ministre de l’intérieur me répond que ce système serait déplorable, il ne m’en a pas donné la démonstration ; il m’a seulement observé que dans ce système les inspecteurs ne feraient rien ou rempliraient mal leurs fonctions. Je ne puis admettre la justesse de cette objection.
Je pense que les inspecteurs recevront des ordres, et que celui qui ne remplirait pas son devoir serait destitué. Outre la loi provinciale, nous avons encore d’autres lois qui règlent les frais de voyage et de séjour. Les jurés, par exemple, qui se rendent aux assises, reçoivent une indemnité de voyage et de séjour. D’après ces différents parallèles, je ne trouve pas que le système que je propose soit aussi déplorable qu’a bien voulu le dire M. le ministre. Je crois que ce système est plus juste que celui qui tend à fixer un maximum.
Je demanderai maintenant si, outre l’indemnité de 40 francs l’inspecteur aura encore des frais de voyage et de séjour. La loi n’est pas claire. En lisant la loi, j’ai cru que l’inspecteur ne pourrait avoir au plus que 400 francs, y compris ses frais de voyage et si j’ai bien compris M. le ministre de l’intérieur, il n’en serait pas ainsi ; les inspecteurs recevraient 400 fr. d’indemnité plus des frais de voyages et de déplacement. Je demanderai des explications à cet égard ; je ne puis admettre cette interprétation qui me paraît repoussée par la rédaction de l’article.
M. Devaux. - Messieurs, il me paraît qu’il y a deux systèmes autres que celui du projet de loi ; l’un consentirait à ne donner que des frais de voyage, et l’autre à allouer seulement une indemnité fixe.
Si j’ai bien compris l’honorable M. de Garcia, il veut qu’on ne donne que 5 francs par jour pour frais de voyage ; mais, messieurs, à moins qu’on ne veuille faire voyager les inspecteurs cantonaux comme voyagent les messagers de campagne, ils n’auront seulement pas de quoi faire le trajet d’une commune à l’autre. Il n’y a le plus souvent pas de diligence pour aller d’une commune à l’autre, il faut une voiture ou un cheval ; ce n’est pas avec 5 francs que les inspecteurs pourront payer les frais de leurs voyages. Je crois donc qu’il n’est pas possible d’adopter ce mode par trop économique de faire inspecter les écoles, mais qui conduirait à n’avoir pas d’inspection du tout.
Quant au système de l’indemnité fixe, il aura à peu près les mêmes conséquences. Veut-on des inspections ? Si l’on en veut, il ne faut pas engager les inspecteurs à ne pas se déplacer ; il faut, quand ils se déplacent, qu’ils soient réellement indemnisés de leurs dépenses.
On m’a reproché, tout à l’heure, de vouloir multiplier les places et de vouloir augmenter les frais. C’est tout le contraire ; mon désir est qu’on diminue le nombre des inspecteurs cantonaux, à tel point qu’au lieu de 30 inspecteurs, je me contenterais de six.
Quant aux frais, je me contenterais de beaucoup moins que le projet, car dans plusieurs provinces le projet suppose une dépense de 1000 fr. pour indemnité fixe.
Si vous ne nominez que 6 ou 8 inspecteurs par province, je me contenterai d’une somme beaucoup moindre. Si vous ne voulez pas réduire à rien les fonctions des inspecteurs, il faut leur donner un traitement raisonnable et en diminuer le nombre. Il faut leur donner un traitement fixe pour qu’ils s’occupent de l’instruction primaire, et des frais de voyage pour qu’ils ne se ruinent pas en faisant leurs tournées.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je désire que la chambre soit bien fixée sur un point, c’est qu’il faut éviter, d’une part, de ne donner rien qu’une indemnité fixe, et de l’autre, rien qu’une indemnité variable. J’ai indiqué des inconvénients de l’un et de l’autre de ces systèmes. Je le sais par expérience, comme ministre des travaux publics. Les ingénieurs ont un traitement fixe et des indemnités de voyage ; les conducteurs n’avaient qu’un traitement fixe ; on a reconnu la nécessité de leur donner aussi des frais de voyage, parce qu’il était impossible d’exiger d’eux l’accomplissement de leurs fonctions en ne leur donnant qu’un traitement fixe. L’honorable M. de Garcia a demandé à plusieurs reprises : Pourquoi n’en serait-il pas des inspecteurs cantonaux comme des jurés et des membres du conseil provincial ?
Les positions ne sont pas les mêmes. Un juré siège quinze ou vingt jours. Ces vingt jours écoulés, sa besogne est finie. Ce n’est pas une besogne qui s’étend sur l’année tout entière. Les membres du conseil provincial siègent pendant la session, et la session close, toute leur besogne est finie. La position des inspecteurs est tout autre ; il a des tournées à faire, et il doit s’occuper de l’instruction primaire depuis le 1 janvier jusqu’au 31 décembre ; il a des frais de bureau et de correspondance ; il doit recevoir des lettres et y répondre ; il doit recevoir les instituteurs, causer avec eux, s’occuper des ouvrages qu’on lui adressera, se mettre en rapport avec les bourgmestres et l’inspecteur provincial. Il n’y a pas pour cela des jours fixes pour lesquels vous lui donnerez une indemnité de cinq francs, Il faut, je le répète, que pendant toute l’année, il s’occupe de l’instruction primaire.
Comment voulez-vous ne pas donner une indemnité fixe à ce fonctionnaire à qui vous imposez une besogne continue, une besogne qui n’est pas limitée à quelques jours comme celle du juré, comme celle d’un membre du conseil provincial ? Si vous ne lui donnez qu’une indemnité fixe, il croira sa besogne remplie en restant chez lui ; si vous ne lui donnez qu’une indemnité variable pour faire de temps à autre des tournées, il ne s’occupera pas de l’enseignement primaire, hors de ces jours-là. C’est ce que vous ne voulez pas, c’est ce que vous ne pouvez pas vouloir. C’est ce qui nous engage à vous proposer un système combiné d’indemnité fixe et d’indemnité variable.
Plusieurs voix. - Quel sera le tarif ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le tarif sera fixé par un règlement d’administration générale. Maintenant, il y aurait peut être lieu de fixer un maximum d’indemnité par canton. Si un amendement de ce genre est déposé, on l’examinera. On pourrait au besoin y revenir au second vote.
M. d’Huart. - Quant à moi, je n’ai jamais compris qu’on voulût faire de ces inspections de véritables places à traitement fixe et indemnités variables. J’ai compris qu’on ferait appel aux gens dévoues, aux amis de la jeunesse, aux amis de la diffusion des lumières, seulement qu’on ne voudrait pas qu’ils se déplaçassent à leurs dépens. Je l’ai toujours compris de cette manière, et on ne peut pas le comprendre autrement sans tomber dans des dépenses excessives, ce qui ne manquerait pas d’arriver si nous nous bornions à fixer un minimum. On dit : l’administration provinciale sera là. Mais il sera difficile à l’administration provinciale de ne pas dépenser. L’expérience de ce qui se passe prouve qu’on est toujours disposé à augmenter les dépenses, sollicité qu’on est de différents côtés. Il faut poser des limites précises.
Je n’ai jamais compris qu’il pût s’agir ici de places, car la loi dit que l’inspecteur aura non pas un traitement, mais une indemnité ne dépassant pas 400 fr. Un crédit de 400 fr. serait ouvert à chaque canton et une disposition générale du département de l’intérieur déterminerait de quelle manière ces 400 fr. seront dépensés ; voilà comment j’ai compris la disposition.
Approuvant les observations de l’honorable M. Devaux sur la difficulté qu’il y aurait à trouver dans chaque canton un homme capable de remplir les fonctions d’inspecteur, je pense qu’on pourrait très bien en restreindre le nombre à six ou dix par province. On les trouvera alors plus aisément. Il faudra aussi augmenter la base d’abord adoptée pour leur indemnité. Si on voulait, par exemple, pour chaque canton en plus, ajouter la moitié de la somme allouée, on arriverait à un chiffre assez raisonnable ; pour trois cantons, un inspecteur aurait 800 fr. Avec cela, on peut faire quelques voyages.
M. le ministre me semble dans l’erreur quand il présente les inspecteurs comme exerçant des fonctions de tous les instants. La loi dit qu’ils feront deux tournées pour inspecter des établissements dont les éléments d’enseignement sont déterminés par la loi. Là est toute la fonction de l’inspecteur. La correspondance quotidienne qu’on lui suppose se bornera à 25 ou 30 lettres, ou rapports dans une année, et ses voyages consisteront en deux tournées.
Je le répète, quant à moi, je ne puis pas donner les mains à une disposition qui entraînerait les provinces dans des dépenses excessives. En posant les limites que j’ai indiquées, on ferait tout ce qui est désirable pour la bonne exécution de la loi.
M. Dechamps, rapporteur. - Je dois reconnaître que l’interprétation que j’ai donnée et celle que vient de donner l’honorable M. d’Huart au système que nous avons admis, est celle-ci : Nous avons voulu créer des fonctionnaires dans les inspecteurs provinciaux et nous avons voulu qu’ils fussent largement rétribués, parce que ce seront les seuls qui travailleront exclusivement, qui consacreront tous leurs soins à l’instruction primaire. Les inspecteurs cantonaux, tels que je les ai compris, exerceront des fonctions honorifiques, des fonctions de bienveillance et de dévouement.
Nous n’avons pas voulu en faire des fonctionnaires à places rétribuées, parce que nous avons cru qu’il y aurait plus de chances de trouver du dévouement dans notre système, que dans celui qui en fait uniquement des fonctionnaires.
Messieurs, je ne partage pas l’opinion de M. Devaux, dans un point surtout. Je conviens qu’un inspecteur par canton, c’était trop, qu’il serait très difficile, dès le commencement surtout, de trouver dans chaque canton un inspecteur réunissant les qualités désirables pour exercer des fonctions honorifiques aussi importantes. Il est cependant désirable qu’on en vienne à la longue à avoir des inspecteurs par canton, car nous n’avons plus, comme dans la loi de 1834, un comité local dans la commune.
A défaut de ce comité, il fallait bien placer le premier degré d’inspection aussi près que possible de la commune. C’est ce qu’on a voulu en Hollande, où les districts d’instruction primaire sont moins étendus que nos arrondissements et un peu plus étendus que nos cantons. A mon avis, il est désirable qu’on en vienne à avoir des inspecteurs par canton. Je conviens que dans la pratique, et surtout dans le commencement, il faut adopter l’exception présentée par M. le ministre de l’intérieur. Je ne consentirai pas, dans le but de rétribuer d’une manière plus large les inspecteurs du premier degré, à en restreindre le nombre ; il est nécessaire au système de la loi et aux progrès de l’instruction primaire. Je conviens que l’honorable M. Devaux a fait une remarque très juste. Nous avons calculé les frais d’après les dépenses présumables d’un inspecteur pour chaque canton.
Maintenant, puisque d’après l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, on ne nommera pas nécessairement un inspecteur par canton, puisqu’un inspecteur suffira pour plusieurs cantons, il faudra ajouter dans la loi une disposition qui autorise la députation à déterminer le maximum de l’indemnité de l’inspecteur d’après le nombre des cantons formant son ressort. Cela est conforme aux intentions de la section centrale. Je ne crois pas devoir aller au delà.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il m’a semblé que l’honorable M. d’Huart et moi, nous ne comprenions pas même de la même manière l’article tel qu’il est rédigé. Si j’ai bien compris l’honorable M. d’Huart, (je suppose, pour mieux me faire comprendre, l’ancien système du projet de loi, un inspecteur par canton), les 400 fr. par canton seraient alloués au budget provincial. Mais quel en serait l’emploi ? Il serait déterminé par un règlement d’administration publique. Cette allocation pourrait être ainsi divisée : indemnité fixe ; indemnité pour frais de voyage et de séjour. Il faudrait retrancher le mot loi. Ce serait alors un crédit ouvert par canton. La loi devrait déterminer ce qu’on ferait de cette allocation.
Je désirerais que l’on fît quelque chose d’analogue à ce que fait l’art. 105 de la loi provinciale, au sujet des députations.
Je proposerai donc de rédiger la disposition, ainsi qu’il suit :
« Il ne reçoit pas de traitement ; une indemnité, qui ne dépassera pas 400 fr. par canton, sera allouée annuellement sur les fonds provinciaux.
« La moitié au moins de cette somme sera attribuée à l’inspecteur comme indemnité fixe, le reste étant réservé pour subvenir aux frais de voyage et de séjour. »
Il y aurait un tarif pour ces frais de voyage et de séjour.
M. Rogier. - Je pense qu’il faut donner une indemnité raisonnable aux inspecteurs cantonaux, qu’ils aient dans leur ressort un ou plusieurs cantons. Cependant je ne voudrais pas d’exagération dans cette indemnité. Je ne voudrais pas qu’il en résultât une charge trop lourde pour le budget provincial. Il importe que la loi sur l’instruction primaire conserve sa popularité dans les provinces, qu’elle ne leur cause par des charges trop fortes, alors surtout qu’elle leur donne très peu d’influence sur l’instruction primaire. Si donc, indépendamment d’une indemnité fixe, on admet une indemnité particulière, telle que la suppose l’art. 15, j’aurais désiré que cette seconde indemnité fût à la charge d’un autre budget que celui de la province. D’après l’explication de M. le ministre de l’intérieur, il paraît que la somme dont il est question à l’art. 9 suffit pour les deux indemnités. Dès lors je trouve cette somme réduite à de justes limites.
Sous le rapport de l’indemnité, comme sous le rapport administratif, il serait important de nommer un inspecteur, non pas pour chaque canton, mais pour plusieurs cantons : instituer un inspecteur par canton, ce serait mettre souvent le gouvernement dans la nécessité d’appeler à ces fonctions importantes des hommes en dessous de l’importance de ces fonctions. Quant à moi, je considère cette mission comme des plus importantes ; je tiendrais à la voir aux mains d’hommes dignes de la remplir. Il ne faut pas que ces fonctionnaires descendent trop bas dans la hiérarchie administrative, ou dans la hiérarchie sociale.
Maintenant, il reste à formuler un maximum et un minimum d’indemnité. J’adopterai le chiffre qui me paraîtra assez favorable aux inspecteurs, et qui ne grèvera pas outre mesure le budget provincial.
M. Verhaegen. - Je comptais rester étranger la discussion de cette disposition. Mais comme je vois qu’il s’agit d’une question de principe, je me détermine à prendre la parole.
Je suis fort étonné que M. le ministre de l’intérieur, qui avait présenté son système, l’abandonne pour donner la préférence au système de l’honorable M. d’Huart.
Dans la séance précédente, nous avons fait de vains efforts pour faire attribuer au gouvernement un droit de contrôle. Tous les amendements que nous avons présentés dans ce but ont été rejetés. En définitive, dans notre opinion, le projet de loi met l’instruction primaire dans les mains du clergé. Dans chaque commune, le clergé à la direction de l’école, et l’instituteur se trouve être ni plus ni moins qu’un vicaire du curé.
La seule garantie était les inspecteurs cantonaux. Le gouvernement pouvait compenser par là les inconvénients de la loi. La loi ne nous offrait aucune autre garantie. Cette dernière ressource vient à disparaître par la position qu’on veut faire aux inspecteurs cantonaux. M. le ministre de l’intérieur avait parfaitement raison de dire que l’inspecteur cantonal exercerait ses fonctions depuis le 1 janvier jusqu’au 31 décembre. C’est ainsi que je l’entendais : en effet, un canton abandonné à l’influence du clergé n’avait de garantie pour l’instruction primaire que dans la surveillance continuelle que le gouvernement aurait fait exercer sur les écoles par l’inspecteur cantonal. Cette garantie on devait l’avoir d’après le projet de loi. Mais voici qu’une observation surgit, ayant pour but que les inspecteurs cantonaux soient des hommes de dévouement. Ces hommes de dévouement visiteront l’école 2 fois par an, et en définitive ne feront rien. J’avoue que je ne comprends pas que M. le ministre de l’intérieur. cédant à l’impulsion d’un honorable membre, abandonne sa proposition première pour admettre celle-ci. Voilà un revirement d’opinion d’un instant à l’autre.
Comme je tiens à me prononcer, chaque fois qu’il s’agit d’une question de principe, j’ai cru devoir prendre la parole pour signaler la tendance des observations qui ont été faites.
M. Mast de Vries. - Les inspecteurs dans les villes n’auront aucun frais de déplacement. Si vous attachez à ces fonctions un traitement de 400 francs, vous aurez plus de peine à trouver des inspecteurs que si les fonctions sont gratuites. Pour moi je considère comme suffisante l’indemnité telle qu’elle résulte de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. de Mérode. - L’honorable M. Verhaegen vient de dire que dans le système qu’a fait valoir l’honorable M. d’Huart, l’instituteur ne serait ni plus ni moins que le vicaire du curé. Je ne conçois pas que cela effraie. Si l’instituteur n’est que le vicaire du curé, il en résulte que l’instruction sera morale et religieuse. Je ne vois pas quelle défiance peut inspirer un curé, en fait d’instruction primaire. C’est une chose singulière. Le clergé, en Belgique, est rétribué par le trésor public ; on fait même son éloge. Dès lors je ne conçois pas qu’on craigne son influence sur l’instruction primaire. J’admets que la surveillance du gouvernement par le moyen d’inspecteurs sera utile. Mais je ne vois pas que, pour avoir cette surveillance, il faille créer des places courues par ceux qui fatiguent sans cesse le gouvernement, en demandant des emplois rétribués.
Vous trouverez facilement, à ce qu’il me semble, des hommes de bonne volonté qui se chargeront d’inspecter les écoles ; et c’est pourquoi je désirerai que chaque canton eût son inspecteur. Je voudrais, quant à moi, que les fonctions d’inspecteur fussent tout à fait gratuites.
Autrefois les hôpitaux avaient des administrations gratuites très bien dirigés ; les personnes chargées de cette administration s’en occupaient avec zèle. Aujourd’hui vous avez dans les hôpitaux une quantité de places rétribuées, et c’est pour le directeur qu’est ordinairement ce qu’il y a de meilleur. Nous avons à Bruxelles les hospices de Sainte-Gertrude et des Ursulines qui sont dirigées par des administrations gratuites ; eh bien, ces hospices sont parfaitement dirigés.
Je crois que la bonne volonté, le zèle de plusieurs personnes pour l’inspection primaire sont suffisants, sans qu’on ait besoin du stimulant de l’argent. Comme vous l’a dit l’honorable M. Dechamps, vous aurez des inspecteurs provinciaux qui seront rétribués ; je comprends qu’on fasse de ces emplois provinciaux, des fonctions salariées parce qu’ils occuperont constamment ceux qui en seront chargés. Mais quant aux inspecteurs cantonaux je voudrais, je le répète, que leurs fonctions fussent gratuites, et ce n’est qu’à regret que je voterai les 400 francs que l’on nous demande, parce que je crois que ces 400 francs produiront l’effet qu’a indiqué l’honorable M. Mast de Vries ; c’est que beaucoup de personnes honorables ne se soucieront pas d’être inspecteurs pour recevoir ces 400 fr. et qu’elles préféreraient ne pas avoir de traitement.
Je crois en avoir dit assez sur ce point. Mais nous devons aussi considérer la situation financière du pays ; et celle des provinces n’est pas plus favorable. On nous demande encore un emprunt de 3 millions et jamais les hommes du gouvernement ne proposent sérieusement des contributions qui soient à même de faire face à nos dépenses. En continuant à marcher de cette manière, nous tomberons inévitablement dans le plus grand désordre financier.
M. Lebeau. - Messieurs, j’ai partagé l’opinion de beaucoup de membres de cette assemblée sur l’excellence et l’efficacité des fonctions gratuites ; mais je dois déclarer qu’à mesure que j’ai mis la main aux affaires, J’ai reconnu que c’était là une belle utopie. Savez-vous, messieurs, ce qui arrive lorsque de semblables fonctions sont exercées gratuitement ? On les demande quelquefois dans un accès de dévouement ; on les demande quelquefois aussi pour jeter sur son nom une espèce de considération, une espèce de lustre, mais une fois ces deux sentiments satisfaits, on se croise les bras, on se contente de se faire appeler M. l’inspecteur, et on n’inspecte pas. (C’est vrai.)
Il arriverait, dans mon opinion, pour l’instruction des écoles, ce qui est arrivé pour l’inspection des chemins vicinaux. Je connais plusieurs provinces où l’on a cru faire chose excellente en instituant des inspecteurs honoraires chargés de veiller à l’entretien des chemins vicinaux. On avait fait un appel à leur dévouement, à leurs lumières. Qu’est-il arrivé ? C’est qu’on a inspecté tant bien que mal pendant un an ou deux et qu’on a fini par ne plus inspecter du tout ; c’est que, lorsqu’un gouverneur ou un commissaire par arrondissement donnait un ordre à M. l’inspecteur, il répondait ou faisait entendre que lui, inspecteur à titre gratuit n’avait pas d’ordre à recevoir d’un salarié du gouvernement. Voilà, aux termes près, qui ne comportaient peut-être pas cette crudité, l’espèce de relations qui avait fini par subsister entre les inspecteurs honoraires des chemins vicinaux et le gouverneur ou les commissaires d’arrondissement.
Messieurs, on a beaucoup vanté le système de l’inspectorat substitué au système des comités. Eh bien j’ai pris l’assertion de la section centrale au sérieux ; j’ai supposé que si on voulait des inspectorats, c’est qu’on voulait des inspections. Car si on voulait des inspectorats sans inspection, nous serions en droit de qualifier singulièrement cette partie de la loi. Mais je crois que ce n’est là l’intention de personne, et spécialement d’aucun des membres de la section centrale. Eh bien ! dans ce cas il faut attribuer une rétribution aux inspecteurs cantonaux, si vous voulez avoir des hommes qui s’occupent sérieusement de leur mission.
Remarquez que ces inspecteurs ne doivent pas se borner à voir ce qui se passe dans telle ou telle école ; ils seront forcés aussi à quelques dépenses. Il faut, s’il y a quelque journal qui s’occupe principalement de l’enseignement primaire, qu’ils s’y abonnent ; s’il paraît des livres spéciaux sur la matière, il faut qu’ils les achètent ; il faut qu’ils aient une petite bibliothèque, afin qu’ils puissent s’instruire continuellement des progrès de l’enseignement, des nouvelles méthodes, etc. Eh bien ! pour cela il y a des frais ; et quel que soit le dévouement, quelle que voit la philanthropie que l’on professe, ce dévouement, cette philanthropie n’iront pas jusqu’à faire ces frais sans aucune espèce d’indemnité.
Je demande donc, pour que les fonctions des inspecteurs cantonaux soient efficaces, pour que ces inspecteurs aient une espère de responsabilité, qu’ils puissent recevoir les ordres de leurs supérieurs et y attacher quelque importance, qu’ils soient convenablement salariés. Qu’on en réduise le nombre, je le veux bien ; qu’on pousse l’économie aussi loin que l’on peut, je le veux bien encore ; mais quant au système des fonctions gratuites, je dois dire que superbe en théorie, il est condamné par la pratique.
M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a voulu une inspection cantonale, et elle a voulu que cette inspection fût sérieuse et efficace. Mais, messieurs, il me paraît qu’on ne se rend pas assez bien compte des moyens les plus actifs pour arriver au but que nous voulons tous.
La section centrale, pour établir des liens entre l’inspecteur cantonale et les instituteurs, pour rendre leurs relations fréquentes, le plus fréquentes possible, a voulu obtenir ce résultat par deux moyens, d’abord en rapprochant autant que possible l’inspecteur de l’école primaire. On passe sous silence cette réflexion que j’ai eu l’honneur de présenter déjà, qu’il est essentiel de ne pas placer l’inspecteur du premier degré trop loin de l’école. Car alors l’inspection deviendra impossible. il est certain, par exemple, que si vous ne placez qu’un inspecteur dans chaque arrondissement, l’inspection ne se fera pas ou se fera d’une manière difficile.
Mais, messieurs, on oublie la principale fonction que nous avons attribuée à l’inspecteur cantonal, c’est celle de présider, au moins tous les trimestres, des conférences d’instituteurs.
Messieurs, veuillez vous rappeler un fait que j’aime de signaler ici. En Hollande, où le même système à peu près existe, où il y a des inspecteurs de districts d’écoles (et comme je vous l’ai dit tout à l’heure, ces districts d’écoles sous le rapport de la population qu’ils renferment se rapprochent beaucoup de nos cantons) ; le principal résultat que l’on a obtenu de l’inspection cantonale, mais c’est précisément les conférences d’instituteurs sous la présidence de l’inspecteur cantonal ; c’est le résultat le plus efficace qu’on ait obtenu. Eh bien ! ce résultat n’existait pas dans la loi de 1806 ; c’est un résultat pratique que l’on a obtenu par l’inspection que j’appellerai cantonale : ce résultat nous avons voulu le consacrer par la loi même.
Ainsi, dans l’opinion de la section centrale, les deux moyens qui ont paru le plus efficaces pour rendre l’inspection cantonale sérieuse, et pour établir des liens entre l’inspecteur et les instituteurs primaires, consistent d’abord à ne pas trop éloigner l’inspecteur du premier degré de l’école primaire et en second lieu de lui donner cette attribution, la plus importante de toutes, celle de présider les réunions, les conférences d’instituteurs, au moins une fois chaque trimestre.
Messieurs, vous le comprenez parfaitement bien, les relations que ces conférences d’instituteurs vont établir seront excessivement importantes sous le rapport des progrès de l’instruction primaire. Vous comprenez que les instituteurs du canton se trouvant réunis, tous les trimestres, sous la présidence de l’inspecteur cantonal, on s’occupera dans ces réunions des méthodes, des améliorations à apporter dans les écoles. Ce moyen est bien autrement efficace que les inspections proprement dites.
Ainsi, j’appelle l’attention des honorables membres sur cette attribution nouvelle, de faire présider les réunions d’instituteurs par l’inspecteur cantonal. Je dis que, n y eût-il que ces attributions dans la loi, nous aurions rendu son inspection très sérieuse.
Maintenant, je ne partage pas l’opinion de l’honorable comte de Mérode ; je crois que nous ne devons pas faire de ces fonctions, des fonctions salariées proprement dites, à gros traitements, mais il ne faut pas non plus en faire des fonctions gratuites. Je pense que ces fonctions gratuites auraient pour résultat de ne pas rendre l’inspection assez sérieuse. Je crois que, quelque position que puissent avoir les inspecteurs cantonaux dans leur canton, ce serait les mettre en présence d’une véritable tentation de ne rien faire, que d’exiger d’eux des frais de tournée, des frais d’inspection sans les indemniser.
Ainsi la section centrale s’est tenue dans un juste milieu ; elle a voulu consacrer le principe de fonctions honorifiques, mais avec indemnité suffisante, et n’a pas voulu de fonctions gratuites.
M. Devaux. - Je ne veux dire que deux mots sur la rédaction.
Nous sommes tous d’avis, si je ne me trompe, que si on laisse au gouvernement la faculté de nommer un inspecteur par canton, ce doit cependant être l’exception ; qu’il vaut mieux qu’on réunisse plusieurs cantons. Il me semble que cet avis a été généralement partagé. Je ne m’oppose pas à ce qu’on dise : Il y aura un inspecteur pour un ou plusieurs cantons. Mais ne faudrait-il pas alors supprimer le titre d’inspecteur cantonal ; qu’on dise simplement l’inspecteur ; et quand nous arriverons aux inspecteurs par province, nous les appellerons soit inspecteurs en chef, soit inspecteurs provinciaux, peu importe.
Quant aux fonctions gratuites, il y a dans cette chambre beaucoup de membres de conseils communaux, des bourgmestres et des échevins, qui ont eu l’expérience des inconvénients des fonctions gratuites, en ce que ceux qui les exercent, quoique soumis par la loi à une autorité supérieure, sont dans le fait presque entièrement indépendants de cette autorité, par cela seul que leurs fonctions ne sont pas salariées. C’est ce qui se passe dans beaucoup de communes pour des bureaux de bienfaisance et les administrations des hospices.
C’est un grand inconvénient pour la bienfaisance et pour les hospices, que ces fonctions soient gratuites. Dans les conseils communaux, lorsqu’il y a une injonction à faite à ces administrations et qu’on redoute quelque répugnance de leur part, le premier argument que l’on fait toujours valoir, c’est que ces fonctions sont gratuites et que, si ceux qui les exercent donnaient leur démission, l’on serait bien embarrassé pour les remplacer. Si jamais nous faisons une loi sur les administrations de bienfaisance et les hospices, je crois que le premier service à leur rendre, ce serait de rétribuer les fonctions des administrateurs, afin de les mettre dans la dépendance d’une autorité quelconque.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne partage pas du tout, messieurs, l’opinion de l’honorable préopinant relativement aux fonctions gratuites, et je pourrais prouver, par de nombreux exemples, que ces fonctions sont presque toujours très convenablement remplies. Sous le gouvernement français, les fonctions de bourgmestre, par exemple, étaient gratuites ; eh bien, à aucune époque on n’a vu ces fonctions aussi bien remplies qu’alors ; il en était de même, par exemple, des inspecteurs voyers, et si ces fonctionnaires n’ont pas fait alors tout le bien que l’on aurait pu attendre d’eux, c’est qu’il n’existait pas de règlement qui les mît à même de faire exécuter les mesures qui étaient nécessaires à l’accomplissement de leur mission. La domination française fit place à la domination hollandaise, et vous savez, messieurs, qu’en Hollande on ne fait rien pour rien ; le gouvernement des Pays-Bas a donc voulu rétribuer ces fonctions et bien d’autres ; il est allé jusqu’à payer les commissaires répartiteurs ; les bourgmestres ont été également rétribués. Eh bien, messieurs, qu’en est-il résulté ? C’est que beaucoup d’hommes qui convenaient parfaitement pour les fonctions de bourgmestres n’ont pas voulu accepter la position de fonctionnaires salariés par la commune, et que ces hommes se sont retirés.
Quant aux inspecteurs-voyers, on leur a souvent donné une tâche trop forte, mais sous le gouvernement français ils n’avaient à inspecter que les chemins vicinaux de quelques communes, et alors ils remplissaient leurs fonctions gratuitement et infiniment mieux que l’ont fait depuis des inspecteurs salariés. Lorsque ces fonctions ont été rétribuées, elles ont été tellement mal remplies, notamment dans quelques provinces que je ne nommerai pas, qu’il a fallu et venir à nommer des inspecteurs honoraires pour surveiller les inspecteurs salariés. (On rit.)
Il y a encore assez de patriotisme en Belgique, messieurs, il y a encore assez d’honneur pour que l’on trouve très facilement des hommes pour remplir gratuitement les fonctions dont il s’agit.
M. d’Huart. - Je pense, messieurs, que la modification proposée par M. Devaux est inadmissible ; je veux parler de la suppression du mot cantonal qui est ajouté à celui d’inspecteur dans le § 4 de l’article dont nous nous occupons.
Je crois qu’il faut maintenir cette dénomination d’inspecteur cantonal, puisque l’art. 10 porte que l’inspecteur cantonal doit réunir au moins une fois par trimestre les instituteurs de son ressort. On ne peut pas vouloir réunir les instituteurs de 3 ou 4 cantons à la fois, cela leur occasionnerait des frais de déplacement auxquels il ne faut pas les assujettir. Je crois que les réunions cantonales doivent être maintenues, et que c’est par cantons que l’inspection doit se faire.
L’honorable M. Devaux craint que, si l’on maintient la dénomination d’inspecteur cantonal, il faille nécessairement nommer un inspecteur pour chaque canton. C’est ce que je ne pense pas, surtout après les explications qui nous ont été données par M. le ministre de l’intérieur.
Quant à l’indemnité, messieurs, 400 fr. semblent au premier abord une somme très minime ; mais savez-vous bien que si l’on donne 400 fr, pour chaque canton, il en résultera pour les provinces un déficit de 80,000 fr. ; or, c’est là une charge qui est de nature à jeter la perturbation dans les finances provinciales.
Il me semble, messieurs, que lorsqu’un inspecteur est nommé pour un seul canton, une indemnité de 400 fr. n’est pas trop forte, mais lorsque le même inspecteur a 2 ou 3 cantons dans son ressort, je crois que pour chaque canton excédant le nombre un, il suffirait de lui donner une indemnité de 200 fr. Je connais un arrondissement qui comprend 12 cantons ; eh bien, s’il pouvait convenir au gouvernement de ne nommer qu’un seul inspecteur pour cet arrondissement, cet inspecteur toucherait à raison de 400 fr. par canton, une indemnité de 4,800 fr.
Il est désirable, messieurs, qu’il y ait le plus grand nombre possible d’inspecteurs ; le service ne pourra que s’en ressentir d’une manière fort avantageuse.
Je ne voudrais pas que les fonctions d’inspecteur cantonal fussent tout à fait gratuites ; il faut indemniser ces fonctionnaires des frais qu’ils doivent s’imposer, mais je ne voudrais pas aller au-delà. Or, en ouvrant, comme je l’ai dit tantôt un crédit de 400 fr. pour chaque canton où il y aurait un inspecteur spécial et de 200 fr. pour les autres cantons, je pense que nous aurions pourvu à tout ce que le service exige.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense, messieurs, que l’on n’ira jamais jusqu’à donner 12 cantons à un même inspecteur ; on ira, je suppose, jusqu’au nombre 3, et alors, d’après la nouvelle rédaction que j’ai proposée, l’indemnité serait de 600 fr.
M. d’Huart. - Et les frais de voyage ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mais ce sont là des dépenses qu’il aura faites.
Ainsi, messieurs, on ouvrira un crédit de 400 francs par canton, et la moitié de ces 400 francs sera attribuée à l‘inspecteur à titre d’indemnité fixe, de sorte qu’un inspecteur ayant 3 cantons dans un ressort recevrait 600 fr. d’indemnité fixe. Maintenant il y aura en outre des frais de voyage, mais ces dépenses, il les aura faites. Vous savez, messieurs, que le tarif des frais de route et de séjour n’est pas si élevé qu’on puisse faire d’énormes bénéfices sur les frais de voyage. Quant à ces frais de voyage, ils seront imputés sur la partie restante des 400 francs dont la moitié aura été distraite pour former l’indemnité fixe des inspecteurs.
M. de Theux. - Je dois faire une simple observation, c’est que les inspecteurs ne dépenseront pas 200 fr. en frais de voyage. Il y a des personnes qui sont d’un rang tout aussi élevé que le seront probablement les inspecteurs cantonaux dans les campagnes et qui voyagent à pied. Les juges de paix, par exemple, sont dans ce cas. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Garcia. - Je demanderai que dans l’amendement on supprime les mots au moins.
M. d’Huart. - J’appuie cette suppression.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la suppression demandée par M. de Garcia ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Non. La députation examinera.
- La suppression des mots au moins est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
L’amendement de M. le ministre de l’intérieur est ensuite mis aux voix et adopté.
L’article, ainsi amendé, est adopté.
M. Lebeau. - Je désire demander une explication. Il est dit dans l’article que les inspecteurs cantonaux sont nommés et révoqués par le gouvernement, sur l’avis de la députation provinciale. Ainsi le gouvernement ne pourrait pas révoquer ces fonctionnaires d’office ?
Plusieurs membres. - Si, après avoir pris l’avis de la députation...
M. Lebeau. - Alors il faudrait modifier la rédaction dans ce sens.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est reçu que, quand on dit sur l’avis, le gouvernement est simplement obligé de prendre l’avis ; quand en on veut que le gouvernement soit lié par l’avis, on dit de l’avis ou sur l’avis conforme.
M. Lebeau. - Je le veux bien, mais je ferai remarquer alors qu’il pourra arriver qu’ils soient révoqués, non sur l’avis, mais contre l’avis de la députation.
« Art. 10. L’inspecteur cantonal réunira, en conférence sous sa direction, au moins une fois par trimestre, les instituteurs de son ressort.
« Les instituteurs libres peuvent aussi être admis à ces conférences si l’inspecteur le juge convenable.
« Des jetons de présence seront accordés aux instituteurs qui y assisteront. »
« Ces conférences auront pour objet tout ce qui peut concerner les progrès de l’enseignement primaire et spécialement l’examen des méthodes et des livres employés dans les écoles. »
M. Rogier. - Il est sans doute bien entendu que lorsque le ressort d’un inspecteur comprendra plusieurs cantons, l’inspecteur pourra réunir, soit partiellement, soit simultanément, les instituteurs de son ressort.
Les instituteurs libres, dont il est question dans le troisième paragraphe, auront-ils des jetons de présence ? Sur quels fonds seront imputés les jetons de présence ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, nous pourrons nous occuper de cette dernière question, lorsque nous discuterons l’art. 19. Quant à la première observation faite par l’honorable préopinant, il doit être entendu que l’inspecteur ayant plusieurs cantons dans son ressort, pourra réunir les instituteurs tous ensemble ou séparément, par canton. Cela dépend de l’étendue du ressort. Dans le Luxembourg, par exemple un ressort de trois cantons serait trop étendu ; il faut, je crois, laisser ceci à l’exécution.
M. Orts. - On parle de jetons de présence ; je ferai remarquer que, d’après l’art. 15, ces jetons de présence feront l’objet d’un règlement d’administration générale.
M. Dubus (aîné). - Je désirerai savoir s’il y a obligation pour tous les instituteurs dont s’occupe l’article de se déplacer pour assister aux réunions, et particulièrement là où un certain nombre d’instituteurs sont attachés à une école ; pourront-ils déléguer l’un d’entre eux pour assister à la conférence au nom de l’école ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ces cas seront très rares, mais il pourra y avoir dispense pour un certain nombre d’instituteurs. Il est bien évident qu’une école, desservie par 8 instituteurs, par exemple, peut être suffisamment représentée par l’un d’entre eux. Au reste, je pense qu’on n’ira pas précisément choisir les réunions les jours où l’école se tiendra ; on choisira, s’il n’y a pas d’inconvénient, les dimanches et les jours fériés.
M. Brabant. - Messieurs, je trouve que les réunions des instituteurs sont une excellente chose ; je crois cependant qu’on ne doit pas en faire une application absolue. Je voudrais que l’inspecteur provincial pût dispenser les instituteurs parfaitement au courant de leur état, d’assister aux réunions.
J’ai à faire une autre observation, c’est que dans les grandes villes, il s’agit qu’un instituteur communal ne vive pas seulement du traitement qu’il reçoit comme instituteur communal, mais qu’il donne encore des leçons particulières. Je connais, entre autres, un instituteur communal de la ville de Namur qui, après avoir donné sa leçon avec beaucoup de zèle, emploie le surplus de son temps à donner des leçons dans les langues anciennes. Je demande si l’inspecteur provincial sera autorisé à accorder des dispenses aux instituteurs qu’il croirait n’avoir pas besoin d’assister aux réunions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Rien ne s’opposera à ce que l’inspecteur donne des dispenses ; mais il serait dangereux de l’écrire dans la loi. Je tiens à ce que des instituteurs distingués, comme celui dont a parlé l’honorable préopinant, assistent au moins à quelques-unes des réunions ; ce sont précisément ces instituteurs qu’il faut y attirer. Je ferai, au reste, remarquer qu’il y a des jetons de présence.
M. de Theux. - J’entends qu’on fait des observations sur la déclaration de M. le ministre de l’intérieur qu’on fixerait de préférence les dimanches pour les réunions des instituteurs ; M. le ministre doit examiner si ces réunions fixées au dimanche ne présenteront pas d’inconvénient.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mes paroles ne peuvent être entendues que dans ce sens.
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, je mets aux voix l’art. 10.
M. d’Huart. - Mais l’honorable M. Rogier n’a-t-il pas proposé de modifier le § 1er ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je propose de terminer le § de cette manière : Les institutions de son ressort ou de chaque canton.
- L’article 10, avec ce changement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Un règlement arrêté par le conseil communal, sur la proposition de l’inspecteur cantonal, et approuvé par la députation du conseil provincial, déterminera dans chaque commune, la rétribution des élèves, les jours et les heures du travail les vacances, le mode de punition et de récompense. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai proposé d’ajouter après les mots : l’instruction des élèves, ceux-ci : et le mode de recouvrement. L’insertion de ces mots est indispensable.
M. Rogier. - Je ferai observer que le règlement sera arrêté sur la proposition de l’inspecteur cantonal, et que l’intervention de l’inspecteur provincial ne sera pas exigée. Si l’on veut mettre de l’homogénéité dans ces règlements, il faut que l’inspecteur provincial soit entendu.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’observation me paraît fondée.
M. de La Coste. - Je demanderai une explication sur ce mot : le mode de recouvrement. Entend-on qu’il pourrait y avoir des recouvrement forcés, qu’on pourrait exiger que tous les enfants allassent à l’école et demander ensuite la rétribution scolaire comme contribution. Comme la chose a existé dans quelques provinces, notamment dans la province de Luxembourg, je pense que mon observation n’est pas oiseuse.
M. de Theux. - L’on n’entend nullement parler atteinte au principe que la rétribution est perçue au profit de l’instituteur : le mode de recouvrement m’importe peu.
M. de La Coste. - J’ai demandé si les enfants seraient forcés d’aller à l’école, si, comme certaines observations de M. Pirson peuvent le faire supposer, on emploiera des moyens coercitifs pour les faire aller à l’école, et si, dans ce cas, on forcera de payer la rétribution. On devrait être libre d’aller ou de ne pas aller à l’école. Le recouvrement ne doit être forcé que pour ceux qui vont librement a l’école.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Beaucoup de communes ont un mode de recouvrement humiliant pour l’instituteur. Il doit aller, comme un mendiant, de maison en maison, réclamer la rétribution qui lui est due pour les enfants qui vont à l’école. Cela ne doit pas être. Il faut que la commune sauve la dignité de l’instituteur, qui lui aussi, a sa dignité. La députation permanente sera juge du moyen. Si on ne procède pas ainsi dans beaucoup de communes, on fixera la rétribution des élèves, et l’instituteur l’obtiendra ou ne l’obtiendra pas, suivant qu’il fera ou qu’il ne fera pas de démarches.
M. de La Coste a demandé si les pères de famille ne seraient plus libres de ne pas envoyer leurs enfants à l’école. Ils seront libres d’envoyer ou de ne pas envoyer, mais une fois les enfants envoyés, il faut payer, et de la manière la plus convenable et la plus décente pour l’instituteur, C’est ce que déterminera la députation permanente.
M. de La Coste. - Cette explication me satisfait.
- L’article est adopté.
« Art. 12. Il y aura un inspecteur-général dans chaque province du royaume.
« Ce fonctionnaire est nommé et révoqué par le Roi ; il jouit d’un traitement de 3,000 fr. par an, sur le trésor public.
« Il inspecte, au moins une fois par an, toutes les écoles publiques de son ressort.
« Il doit présider annuellement l’une des conférences d’instituteurs dans chaque canton et y recueillir tous les renseignements consignés dans les registres d’inspection cantonale.
« Il se met en rapport avec les inspecteurs cantonaux qui lui sont subordonnés dans l’ordre hiérarchique. »
M. de Theux. - Je demanderai si, outre le traitement de 3 mille fr., ces inspecteurs auront des indemnités de route.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Oui, il est entendu qu’outre le traitement de trois mille francs, l’inspecteur provincial recevra des frais de voyage et de séjour. Je m’en réfère aux explications que j’ai données quand il s’est agi des inspecteurs cantonaux.
M. Demonceau. - Je crois qu’il faut, dans l’article, retrancher le mot général.
M. Lebeau. - Je ferai observer que ce doit être une faute d’impression, car à l’art. 3, on se sert des mots inspecteurs provinciaux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande qu’on mette le § 4 en harmonie avec l’art. 10 et qu’on dise : « Il doit présider annuellement les réunions d’instituteurs mentionnés à l’article 10, etc. »
M. de Mérode. - On ne nous donne aucun chiffre indiquant ce que coûteront les frais de tournée. Je désirerais connaître approximativement quelle sera la somme de ces frais de voyage. Il devrait y avoir au moins un maximum fixé. Je prierai M. le ministre de nous indiquer à combien cette dépense pourra s’élever approximativement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Cette dépense sera à la charge du trésor public, mais je pense qu’avec l’organisation proposée, le chiffre porté au budget sera peut-être suffisant parce qu’il y aura à certains égards diminution de dépenses pour l’Etat. Nous examinerons cela à l’art. 17.
M. de Mérode. - Et les frais de voyage, à combien s’élèveront-ils ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable membre sait qu’il n’y a pas de prodigalité dans les frais de voyage qu’on accorde, surtout dans l’intérieur du pays.
Quant au chiffre, je ne puis l’indiquer maintenant.
M. Lebeau. - Il est impossible préciser la somme de cette dépense. Le gouvernement est plus intéressé que personne à ce qu’on se renferme dans les limites les plus raisonnables. Je ferai remarquer que ces frais sont essentiellement variables. A mesure que l’enseignement s’améliorera, les inspections pourront être moins fréquentes. Dans le commencement surtout, il me paraît impossible d’indiquer même d’une manière approximative la somme de la dépense.
M. Dedecker. - Je pense que l’intention de tous les membres de la chambre est que l’inspecteur provincial se consacre tout entier à l’accomplissement de ses fonctions. Je désire, à cet effet, qu’on ajoute à l’article un paragraphe additionnel, par lequel il serait défendu à ces inspecteurs d’accepter d’autres fonctions. Tous nous avons intérêt à ce qu’ils ne puissent, en aucune occasion, revêtir un caractère politique.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’article 12 peut être voté sous la réserve de la question que vient de soulever l’honorable membre, il pourrait présenter un amendement, on l’imprimerait, et on l’examinerait.
M. Devaux. - Je demande la discussion immédiate.
M. le président. - Voici le paragraphe additionnel que propose M. Dedecker :
« Les inspecteurs provinciaux ne pourront exercer aucune autre fonction salariée. »
- Cet amendement est appuyé.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Les principes généraux sur le cumul existant, je ne vois pas pourquoi, par exception, on introduirait cette disposition dans la loi que nous faisons. Le gouvernement appliquera ici ces principes comme il les applique à d’autres cas.
Une voix. - Il n’y a pas de loi sur le cumul.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le gouvernement a admis en principe qu’en l’absence de toute loi sur le cumul il fallait suivre certains principes, il les applique.
Je crois que l’on pourrait citer très peu de cas de cumul.
Je conçois que l’on puisse être inspecteur provincial en occupant un autre emploi très secondaire ; je conçois que l’on puisse dans ce cas cumuler les deux fonctions. Mais j’admets une autre hypothèse où l’on ne puisse pas cumuler les fonctions : c’est lorsqu’outre son traitement de 3,000 francs, l’inspecteur provincial recevrait un autre traitement supérieur peut-être même à 3,000 fr. Dans ce cas, le gouvernement ne permettrait pas le cumul. Voilà les principes que suit le gouvernement. Je ne sais pourquoi l’on anticiperait dans cette loi sur la loi spéciale que nous devons faire sur le cumul.
M. Lebeau. - Outre les raisons données par M. le ministre de l'intérieur, je crois que dans des cas que n’a pas prévus l’honorable M. Dedecker, il pourrait résulter de sa proposition d’assez graves inconvénients. Il pourrait arriver que dans tel arrondissement judiciaire un bourgmestre d’un chef-lieu de canton convienne aux fonctions d’inspecteur provincial ; il ne pourrait y être appelé, car les fonctions de bourgmestre sont salariées. L’amendement de l’honorable M. Dedecker dit simplement fonctions salariées, il ne distingue pas entre les fonctions salariées par l’Etat, la province ou la commune.
En général, ce sont là des dispositions qui ont quelque chose de petit et d’étroit. Je n’aime pas beaucoup à la voir se glisser dans la législation. Vous avez la garantie du choix du gouvernement, vous avez la responsabilité morale du ministre. Vous aurez la loi sur le cumul, dont vous pourrez étendre les dispositions autant que vous voudrez. Je crois qu’il ne faut pas aller plus loin.
Je viens de citer un exemple qui a échappé à l’honorable M. Dedecker. Il y en a d’autres qui ne me reviennent pas maintenant à la mémoire, mais qui peuvent être tels que l’honorable membre lui-même regretterait l’adoption de sa proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Qu’entend-on par fonctions salariées ?
M. Dedecker. - Je crois que, pour atteindre complètement le but, il faudrait substituer au mot salariées les mots donnant lieu à un traitement ou à une indemnité.
Plusieurs membres. - A charge de qui ?
M. Dedecker. - A charge de l’Etat.
Je suis étonné que mon amendement rencontre de l’opposition précisément de la part des honorables membres qui avaient paru craindre que les fonctionnaires chargés de la surveillance de l’instruction publique ne devinssent des hommes politiques. C’est pour prévenir cet inconvénient que j’ai présenté ma proposition, parce que je veux que dans une question tout à fait sociale comme celle-ci les hommes auxquels le gouvernement accordera sa confiance n’aient aucun caractère politique.
Quant à l’inconvénient signalé par l’honorable M. Lebeau, il n’existe pas au degré qu’il a indiqué. S’agit-il d’un bourgmestre d’une grande ville, évidemment il ne pourra cumuler avec ses fonctions celles d’inspecteur provincial. Dans une petite ville, le bourgmestre pourra renoncer à son traitement de bourgmestre et recevoir celui d’inspecteur. Il est salarié par la commune. Mais on voit que dans tous les cas l’inconvénient n’existait pas.
M. d’Hoffschmidt. - Il me semble aussi que la disposition proposée est trop absolue. On pourrait établir quelques incompatibilités, mais il me semble qu’il ne convient pas de déclarer que tous les fonctionnaires quelconques ne pourront être inspecteurs provinciaux, par cela seul qu’ils touchent un traitement. Je trouverais tout naturel que les commissaires de district, les membres de la députation et des chambres fussent exclus. Mais je ne vois pas la nécessité de le déclarer d’une manière absolue. Il ne faut pas restreindre le choix du gouvernement.
M. Rogier. - Je crois qu’on aura beau faire, les fonctionnaires qui seront nommés inspecteurs provinciaux par le gouvernement, auront nécessairement un caractère public, un caractère politique. Si donc l’amendement a pour but d’éviter à ces fonctions leur caractère politique, je ne pense pas qu’il l’atteigne.
Je ne sais pas pourquoi les membres de la chambre, qu’on doit supposer choisis parmi les hommes les plus éclairés du pays, seront exclus des fonctions d’inspecteur provincial. Je crois que l’on trouverait parmi eux des hommes de loisir, des hommes de dévouement qui se consacreraient avec beaucoup d’utilité à ces fonctions.
En second lieu, dans une sphère moins élevée, on pourra trouver des inspecteurs provinciaux excellents, par exemple parmi les juges de paix.
M. Vanden Eynde. - La constitution s’y oppose.
M. Demonceau. - Tous les membres de l’ordre judiciaire sont exclus.
M. Raikem. - A moins qu’ils n’exercent leurs fonctions gratuitement.
M. Rogier. - Oui, ils pourront exercer leurs fonctions gratuitement.
Ensuite il faut qu’on puisse prendre les inspecteurs parmi les professeurs extraordinaires, et parmi les professeurs agrégés qui ne reçoivent qu’une indemnité de 1,000 ou 1,2000 fr. ; assurément ce sont là des hommes compétents.
En général, je crois que le gouvernement préférera pour ces fonctions un homme qui pourra y consacrer tout son temps ; cependant il ne faut pas interdire au gouvernement de prendre les hommes qui conviendraient à ces fonctions parmi les fonctionnaires recevant un traitement ou une indemnité. Pour ma part, si l’amendement de M. Dedecker était admis, je crois que, loin d’exclure des fonctions d’inspecteur provincial les hommes politiques, il les y appellerait en quelque sorte. En effet, les professeurs, les fonctionnaires qui se trouveraient exclus n’ont pas de couleur politique ; ils ne se compromettent ni dans l’une, ni dans l’autre opinion. S’ils sont exclus, le ministère se trouvera forcé de prendre les inspecteurs parmi les hommes de telle ou telle couleur, selon qu’il sera de telle ou telle couleur.
Je pense donc qu’il ne faut pas établir des incompatibilités d’une manière absolue.
M. Dechamps, rapporteur. - Il est assez difficile de pouvoir apprécier d’une manière rapide un amendement qui a une certaine portée. Tout en convenant qu’il ne faut pas introduire dans la loi des principes trop absolus, il faut reconnaître que cette proposition a un côté sérieux. Nous voulons que les inspecteurs provinciaux remplissent leurs fonctions avec tout le dévouement que réclame une œuvre de patience comme l’instruction primaire. Sans doute le gouvernement aura égard dans son choix aux qualités qui sont nécessaires pour bien remplir ces fonctions. Cependant le gouvernement peut avoir la main forcée par les influences politiques. Vous concevez que les membres des chambres et des conseils provinciaux ont auprès du gouvernement une certaine influence qui rend son choix moins libre qu’il est désirable qu’il ne le soit. Je voudrais que ces fonctions fussent le moins du monde politiques. Je ne partage donc pas l’avis de l’honorable M. Rogier.
Je ne ferai pas de proposition. Cependant j’aurais voulu, comme l’honorable M. d’Hoffschmidt, que l’on établît quelques incompatibilités telles que celles des membres des conseils provinciaux et des chambres.
M. de Garcia. - Je crois que la proposition de l’honorable M. Dedecker est utile en elle-même, mais qu’elle ne serait pas à sa place dans la loi en discussion. Cette matière doit être traitée d’une manière générale et d’après des principes coordonnés entre eux. La loi sur le cumul sera rédigée d’après les divers principes qui doivent la dominer. Elle aura pour effet, non seulement d’empêcher les inconvénients politiques de la réunion des fonctions diverses, mais encore de diminuer les dépenses. C’est-à-dire que dans la loi du cumul, nous admettrons dans certains cas, je pense, qu’on puisse cumuler des fonctions, en renonçant au traitement, ce qui dans d’autres cas, dans d’autres circonstances ne pourra avoir lieu.
Quant à moi, je le répète, je crois la proposition de l’honorable M. Dedecker utile. Mais je crois qu’il conviendrait de l’ajourner.
Plusieurs membres. - Oui, à demain.
M. de Garcia. - Non, pas à demain, mais à la discussion de la loi sur le cumul. En effet comment établir un principe absolu, général dans une matière spéciale. Il faut poser des principes généraux ; ils ne peuvent être posés que dans la loi sur le cumul. Je demande donc l’ajournement de la proposition.
M. Devaux. - Je crois aussi que la loi sur le cumul doit suffire à tous, et que dans le choix assez difficile de ces fonctionnaires, il faut laisser toute liberté au gouvernement. Ainsi, si dans un tribunal peu chargé de besogne, à la cour de cassation, par exemple, il se trouve un homme qui renonce au traitement, et qui offre assez de garanties personnelles, assez de garanties d’activité pour occuper ces fonctions, les lui refusera-t-on ? Evidemment non. Il faut laisser une grande latitude au gouvernement, d’autant plus qu’à raison des règles observées sur le cumul, la seule chose qui puisse arriver, c’est que des fonctionnaires touchant un traitement très faible perçoivent les trois mille francs de l’inspectorat en renonçant à celui dont ils jouissent. Cet homme, ce sera peut-être un bibliothécaire, homme qui, par ses fonctions, s’occupe le plus de livres, des matières qui touchent de près à l’enseignement. C’est peut-être un archiviste, un homme qui remplit quelque fonction philanthropique ; ces hommes sont toujours très rares et quand on peut les utiliser de deux manières, je ne vois pas pourquoi on s’y refuserait.
Voyez quelle singulière situation vous allez créer au gouvernement. Il ne pourrait nommer, par exemple, un professeur d’une université de l’Etat, même sans cumul ; mais il pourrait nommer un professeur de l’université libre, et celui-ci toucherait le traitement. Il ne pourrait nommer un professeur ou un inspecteur d’un collège, lorsque le collège est à l’Etat ; mais il pourrait nommer ce professeur ou cet inspecteur s’il appartenait à un collège libre.
Jamais on n’a élevé pour des fonctions analogues de semblables difficultés. Ainsi, les membres des chambres peuvent être administrateurs d’université. Nous connaissons un honorable membre qui, avant d’être sénateur, recevait une indemnité comme représentant, et qui exerce les fonctions d’administrateur de l’université de Gand. Je ne pense pas que personne s’en soit plaint.
Une chose singulière, c’est que vous contrevenez vous-même chaque année à ce principe. Car s’il est des fonctions qui ressemblent à celles que nous instituons, ce sont celles de membres du jury d’examen. Or, vous n’avez pas exclu de ces fonctions les fonctionnaires, les membres de l’ordre judiciaire, les membres des chambres, au contraire, chaque année vous y nommez des membres des deux chambres (en quoi je pense que vous avez peut-être tort), et le membre qui vient de demander la parole probablement pour me combattre, siège lui-même comme membre du jury d’examen.
M. Demonceau. - Je n’ai nullement l’intention de vous combattre.
M. Devaux. - Il s’agit cependant de fonctions du même genre ; il s’agit également d’inspection. Et quand vous trouvez les membres de la chambre capables, par dessus tous les autres, de faite cette inspection, ici où il s’agit d’un enseignement moindre, vous devez à plus forte raison les trouver capables.
Convenez donc qu’il n’y a pas de raisons pour mettre ces seules fonctions dans ce cas exceptionnel. Je crois qu’à certains égards on a déjà établi trop d’exclusions. Quant à moi, je regretterai toujours l’exclusion de la législature que vous avez prononcée contre les membres de la cour de cassation. Je crois qu’on a eu grand tort, et je crois qu’on aurait grand tort d’écarter de l’inspection des écoles, les hommes aptes a ces fonctions, quelque part qu’ils se trouvent, ils ne seront jamais trop nombreux.
Je vous rappellerai que lorsque les fonctions d’inspecteurs existaient sous le gouvernement hollandais, il y avait des fonctionnaires salariés qui les exerçaient très convenablement. Je pourrais citer M. de Gerlache qui faisait partie de l’inspection de la province de Liége. Je connais aussi dans d’autres provinces des hommes qui faisaient partie de ces commissions et qui en étaient des membres très utiles ; il y avait des fonctionnaires administratifs, des greffiers de tribunaux. Je ne vois pas pourquoi sir Walter Scott, qui était greffier, n’aurait pas pu exercer les fonctions d’inspecteur. Quant à moi je désirerais qu’on trouvât beaucoup d’inspecteurs de ce mérite.
Je demande donc qu’on ne fasse pas d’exception pour ces fonctions et qu’on les laisse dans la classe de toutes les fonctions quelconques qui sont à la nomination du gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je désire beaucoup qu’on laisse au gouvernement toute latitude. Messieurs, je pense qu’autant que possible il faudra choisir les inspecteurs provinciaux en dehors des assemblées délibérantes, et, en second lieu, aussi en dehors d’autres fonctions. Il faut que ces fonctionnaires appartiennent entièrement aux fonctions qu’il s’agit de leur conférer, fonctions qui exigeront toute leur activité, surtout la première année. Mais cependant, tout en exprimant ces intentions, je ne voudrais pas qu’elles fussent inscrites d’une manière absolue dans la loi.
Maintenant, il y a d’autres incompatibilités à respecter. Les fonctions d’inspecteurs sont-elles compatibles avec celles de ministre d’un culte quelconque ? Moi, je pense qu’il ne faut pas nommer inspecteur provincial, ni même cantonal, un ministre d’un culte. Mais cependant faut-il le mettre dans la loi ? Je ne le pense pas. Il y a certaines convenances qui indiquent ces incompatibilités comme beaucoup d’autres ; il faut s’en rapporter, sous ce rapport, au gouvernement.
M. Demonceau. - Messieurs, si la proposition de l’honorable M. Dedecker avait pour but d’empêcher qu’un fonctionnaire à qui l’on déléguerait les fonctions d’inspecteur, ne reçût pas ce traitement, mais reçût seulement des indemnités de déplacement, je l’appuierais. Mais prononcer une exclusion aussi étendue que celle que prononce l’amendement de l’honorable membre, il me semble que c’est aller trop loin,
Quant aux fonctionnaires de l’ordre judiciaire, on peut sans doute leur donner ces attributions, mais ils devront les exercer gratuitement, seulement ils obtiendront une indemnité lorsqu’ils se déplaceront. C’est dans cette position que je me trouve comme membre du jury d’examen ; et je suis vraiment peiné pour l’honorable M. Devaux, que cet honorable collègue ait cru devoir s’occuper de moi, sans m’avoir entendu.
L’honorable membre n’aurait pas dû supposer que j’aurais voulu combattre un principe dont je profite moi-même pour remplir le mandat dont vous m’honorez. Dans cette assemblée, comme dans la magistrature, il existe des hommes honorables qui ont rempli et remplissent encore les mêmes fonctions. Je borne là ma réponse à M. Devaux.
M. Dedecker. - D’après les observations qu’on vient de présenter, je conviens également qu’il y a des inconvénients à une exclusion trop générale et trop absolue. Je m’en réfère donc aux explications données par M. le ministre, et je retire mon amendement.
M. le président. - L’amendement étant retiré, nous passons à l’art. 13.
« Art. 13. Les inspecteurs provinciaux se réunissent tous les ans en commission centrale sous la présidence du ministre de l’intérieur.
« Le ministre pourra les convoquer en session extraordinaire, quand l’intérêt de l’instruction l’exigera. »
« Art. 14. Chaque inspecteur provincial soumet à la commission centrale, pour en délibérer, un rapport sur les écoles primaires de son ressort, comprenant l’analyse des registres d’inspection cantonale. La commission réunit en un seul travail général les renseignements qui sont consignés dans ces rapports, sur les écoles, les maîtres et les élèves, en ce qui concerne autant les données statistiques que l’usage des méthodes et le zèle et la capacité des instituteurs. Elle provoque les améliorations et les réformes jugées nécessaires, et fournit au ministre les renseignements dont il pourrait avoir besoin. »
« Art. 15. Un règlement d’administration générale déterminera plus spécialement, d’après les principes de la présente loi :
« 1° Les attributions des inspecteurs et de la commission centrale d’instruction ;
« 2° Les objets des conférences cantonales, ainsi que les localités où ces conférences devront s’ouvrir ;
« 3° L’indemnité à accorder aux inspecteurs cantonaux et celles à répartir en jetons de présence entre les instituteurs ;
« 4° Les frais de déplacement et de séjour, ainsi que la rétribution extraordinaire que touchera le secrétaire de la commission centrale d’instruction. »
- Ces trois articles sont adoptés sans discussion.
Plusieurs membres. - A demain.
M. le président. - Je prierai MM. les présidents des sections de convoquer leurs sections pour s’occuper de l’examen du projet d’emprunt. L’exposé des motifs a été distribué hier.
Le bureau a nommé la commission chargée de l’examen du projet de loi présente au commencement de cette séance, par M. le ministre de la justice. Elle se compose de MM. Delfosse, Henot, Orts, Pirmez et Thienpont.
M. Mast de Vries présente le rapport sur le projet de loi présenté au commencement de la séance par M. le ministre de l’intérieur et tendant à autoriser le gouvernement à prohiber la sortie des pommes de terre.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l’ordre du jour de demain.
M. Osy. - Messieurs, on va distribuer aujourd’hui le rapport relatif à la question des marchands de vin. Je demanderai qu’il soit mis à l’ordre du jour de demain. La discussion du projet dont nous nous occupons peut encore durer huit jours, et cependant je crois qu’il est urgent de décider la question des marchands de vin : la convention conclue avec la France est exécutable le 15 et les marchands français peuvent introduire des vins dans le pays.
M. Dubus (aîné). - Je ferai remarquer qu’on demande une discussion par urgence qui n’est pas motivée. Car enfin lors même que la chambre adopterait un projet sur cette matière, le sénat n’est pas réuni pour le voter. Ensuite il faut laisser aux membres de la chambre le temps d’examiner le rapport, d’autant plus que la question pourra être discutée samedi ou lundi aussi utilement que demain.
M. Delehaye. - Messieurs, je ferai observer que la loi que nous discutons ne pourra avoir immédiatement ses effets ; personne ne souffrira du retard que pourrait éprouver sa discussion. Mais beaucoup de personnes pourraient souffrir des retards que vous mettriez à discuter la disposition qui est la conséquence de la demande des marchands de vin. Vous remarquerez que la convention est mise à exécution ; dés lors chaque jour de retard rend plus pénible la position des marchands de vin. Je demande, eu égard à ces motifs que vous discutiez immédiatement la question des marchands de vin sauf à reprendre après le projet dont nous nous occupons.
Il faut que nos marchands de vin sachent à quoi s’en tenir relativement à la décision qu’on pourrait prendre ; car leurs intérêts sont gravement compromis ; il s’agit pour eux de lutter contre les négociants français, qui exploitent aujourd’hui leur position. Or, je pense qu’il n’est dans l’intention de personne, dans cette enceinte, et surtout dans celle du gouvernement, de consentir qu’une part notable de notre commerce soit sacrifiée au profit du commerce étranger. Là est toute la question. Il s’agit de savoir si vous voulez ruiner votre commerce de vin en Belgique et l’abandonner à la France. Je demande qu’on mette un terme à la position ou se trouvent nos négociants.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demanderai qu’on attende au moins la distribution du rapport ; cette distribution aura lieu ce soir. Or, quel inconvénient peut-il résulter d’un retard de 24 heures, alors surtout que le sénat n’est pas réuni ? Je suppose que la chambre se prononce demain et qu’elle prenne une décision favorable aux marchands de vin ; eh bien, cette décision ne sera pas convertie immédiatement en loi, puisque le sénat n’est pas réuni.
M. Hye-Hoys. - Je propose de mettre cet objet à l’ordre du jour de lundi.
M. Delehaye et M. Osy. - Alors à l’ouverture de la séance.
- La chambre décide qu’elle s’occupera du rapport dont il s’agit à l’ouverture de la séance de lundi.
Elle décide ensuite qu’elle s’occupera à l’ouverture de la séance de demain, du projet relatif à la sortie des pommes de terre.
- La séance est levée à 4 heures et demie.