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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 3 août 1842

(Moniteur belge n°216, du 4 août 1842)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l'appel nominal à midi et quart.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Vandewynckel, cultivateur, demande une indemnité du chef des pertes qu'il a éprouvées par suite de l'incendie de sa grange. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les fabricants de vinaigre artificiel prient la chambre de s'occuper des réclamations qu'ils lui ont adressées relativement aux mesures prises à leur égard par le département des finances. »

M. Rodenbach. - Messieurs, lors de notre dernière réunion, nous avons reçu plusieurs pétitions des vinaigriers artificiels qui ont demandé qu'il leur fût rendu prompte justice. Si je me rappelle bien ce qui s'est passé, nous avons demandé des explications à M. le ministre des finances, et il nous les avait promises. Je désirerais savoir s'il est à même de nous les donner aujourd'hui.

On me fait observer que M. le ministre n'est pas présent ; j'attendrai sa présence pour renouveler mon interpellation.

Je crois qu'il y a eu plusieurs démarches faites au ministère et qu'il y a une résolution prise. S'il en est autrement, M. le ministre nous fera connaître ses intentions relativement à la fabrication de vinaigre artificiel. Il s'agit d'une branche importante d'industrie, qui se prétend froissée dans ses intérêts. Il faut examiner ses réclamations ; le droit de pétition ne doit pas être une simple formalité.

- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions.


M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) adresse à la chambre un exemplaire des exposés de la situation administrative des provinces de Liège et de Luxembourg.

- Dépôt à la bibliothèque.


M. Savart-Martel, admis membre de la chambre dans une précédente séance, prête serment.

Fixation de l"ordre des travaux de la chambre

M. Zoude. - Messieurs, dans la séance du 17 juin, j'ai présenté une proposition tendant à interpréter l’art. 30 de la loi du 28 avril sur la milice. La chambre a décidé le renvoi de cette proposition aux sections ; mais je ne sais si jusqu'à présent elles s'en sont occupées. Je prierai M. Je président d'inviter les présidents des sections à convoquer leurs sections pour s'en occuper le plus tôt possible ; la chose me paraît urgente.

M. le président. - Je convoquerai MM. les présidents des sections pour décider l'ordre des travaux des sections.

M. de Garcia. - Messieurs, la proposition que nous a présentée l'honorable M. Zoude a pour objet de faire disparaître une imperfection de la loi sur le contingent de l’armée. Mais pour moi cette imperfection est une des moindres de celles qui existent dans la loi. Je crois qu'il vaudrait mieux renvoyer l'examen de la proposition de l'honorable membre à la révision complète de la loi. Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette assemblée, j'ai réclamé la révision de la loi tout entière, et je déclare que si l'année prochaine on ne nous présente une bonne loi sur les matières, je voterai contre le budget de la guerre. Messieurs, la loi sur la milice est la plus imparfaite, la plus arbitraire de toutes celles qui existent ; elle règle pourtant l'impôt le plus cruel, elle règle la contribution des hommes. Je le répète donc, la révision de cette loi est des plus urgentes, et je la réclame avec instance.

M. Zoude. - Je demande que la chambre maintienne sa décision, qui est le renvoi de ma proposition aux sections.

M. de Garcia. - Je propose formellement le renvoi de la proposition de l'honorable M. Zoude à la révision de la loi générale sur la milice nationale.

M. le président. - C'est impossible ; la chambre a pris une décision quant au renvoi.

M. Dumortier. - Je voulais faire remarquer à l'honorable M. de Garcia qu'il n'existe pas de projet de loi sur la milice nationale. La chambre a été saisie dans le temps d'un projet de loi sur le contingent de l'armée ; mais cette loi n’a jamais été discutée ; je pense qu'elle figure toujours sur la liste nombreuse des projets arriérés. Je crois que c'est à la commission qui est chargée de l'examen de ce projet, et qui doit être la même que la section centrale qui a été chargée de l'examen du budget de la guerre en 1839 ou 1840, qu'il faudrait renvoyer la proposition de l'honorable M. Zoude.

M. le président. - La chambre a ordonné le renvoi aux sections.

Projet de loi organique de l'instruction primaire

Motion d'ordre

M. Cools. - Messieurs, dans la séance d'hier, j'ai insisté avec plusieurs de mes collègues pour qu'on n'intervertît pas l'ordre du jour, et qu'on s'occupât sans retard des lois sur l'instruction publique, mais en commençant par la loi sur l'instruction supérieure. La chambre en a décidé autrement ; elle a décidé qu'on aborderait d'abord le projet sur l'enseignement primaire.

Voulant me conformer autant qu'il dépendait de moi à la décision de la chambre, qu'il n'entre pas dans mon intention de faire changer aujourd'hui, je me suis mis à étudier les documents relatifs à la loi sur l'instruction primaire ; mais je n'ai pas tardé à m'apercevoir que les membres qui comme moi ne faisaient par partie de la chambre en 1834 (et je crois que la moitié de la chambre est dans ce cas), ne pourraient être prêts pour demain. Jusqu'à présent je n'ai pu examiner que le texte du projet proposé par le gouvernement et par la section centrale, ainsi que le rapport de l'honorable M. Dechamps. Quant au volumineux recueil qui nous a été distribué par M. le ministre de l'intérieur, non seulement je n'ai pu étudier les pièces qu'il renferme, mais je n'ai eu que temps de jeter un coup d'œil sur la table des matières. Si la chambre voulait aborder dès demain la discussion, je ne pourrais que faire un choix de quelques pièces, et cet examen superficiel ne suffirait pas. Car je remarque qu'il est plusieurs pièces qui ne se trouvent pas dans ce recueil. Ainsi je n'y ai pas trouvé l'exposé des motifs du projet de 1834.

Je demanderai donc, et sous ce rapport je ferai un appel à l'impartialité, je dirai même à la générosité de la chambre, qu'on retarde la discussion non pas indéfiniment, mais jusqu'à lundi prochain. D'ici là nous aurons le temps de prendre connaissance des pièces les plus importantes et nous serons suffisamment éclairés pour aborder la discussion. Je demanderai aussi, qu'on fasse imprimer dans l'intervalle les pièces qui nous manquent encore et particulièrement l'exposé des motifs.

M. de Mérode. - Messieurs, il me semble que puisqu'il y aura une discussion générale, l'honorable M. Cools aura le temps d'examiner les pièces dont il a parlé. On ne va pas voter le projet sur l'instruction primaire du jour au lendemain ; il y aura probablement une discussion assez longue et un second vote ; on pourra donc étudier avant la fin de la discussion toutes les pièces qui concernent cette loi.

M. Mercier. - Il me semble que, pour entamer la discussion générale, il faut être tout aussi éclairé que pour entrer dans la discussion des articles ; si une partie des membres de la chambre n'ont pas étudié le projet, comment voulez-vous que ces membres prennent part à la discussion générale ? Si l'honorable M. Cools se trouvait seul dans ce cas, j'approuverais les observations de M. de Mérode, mais hier nous avons entendu plusieurs honorables membres déclarer qu'ils n'avaient pas encore pu prendre une connaissance suffisante de la loi, et dès lors on doit convenir que la proposition de M. Cools est extrêmement juste. Cet honorable membre ne demande pas qu'on revienne sur la décision qui a été prise hier ; il ne demande pas non plus un ajournement indéfini ; tant s'en faut ; l'intention de M. Cools est que l'on discute la loi sur l'enseignement primaire, mais il désire comme plusieurs de ses honorables collègues qu'on la discute avec connaissance de cause. Quant à moi, je n'ai pas, non plus, pu étudier suffisamment les documents qui nous ont été distribués. Je demande donc aussi que la discussion soit remise à lundi prochain.

M. Dumortier. - Je suis vraiment surpris qu’on vienne proposer à la chambre de revenir sur une décision formelle qu'elle a prise hier après deux heures de discussion. Je ne puis m'empêcher de répéter ce que je disais hier, que le document principal, qui est relatif au projet de loi sur l'instruction primaire, a été distribué au mois de janvier dernier, de sorte que ceux qui ont voulu l’examiner en ont eu tout le temps ; quant à moi, je l'ai examiné parce que j'ai voulu l'examiner, et je crois pouvoir dire que s'il est des membres qui ne l'ont pas fait, c'est qu'ils ne l'ont point voulu.

Quant au projet de loi lui-même, il y a environ un mois qu’il nous a été distribué ; il l'a été précisément pendant la vacance, alors que nous n'avions rien à faire dans cette chambre et que nous avions par conséquent tout le loisir de l'examiner.

Maintenant on demande un ajournement de 5 jours, mais je crains fort que, si cet ajournement est adopté, la chambre ne finisse par ne plus être en nombre. Je ne dirai pas que c'est là le but de la proposition ; parce que je ne veux point inculper les intentions, ce n'est point là mon habitude, mais je dis que l'adoption de la proposition pourrait avoir ce résultat. Nous ne sommes pas, messieurs, dans une session ordinaire, mais nous sommes dans une session extraordinaire qu'il importe de ne pas prolonger outre-mesure. Je ne vois donc pas que nous devions encore rester une semaine sans rien faire, alors que nous pouvons très bien commencer la discussion dès demain.

On nous parle, messieurs, des pièces de 1834 ; je crois qu'à cet égard nous sommes tous dans le même cas, et que personne dans cette assemblée, peut-être, n'a ces pièces sous les yeux ; mais je pense que ces pièces ne sont pas indispensables pour la discussion. D'ailleurs, la seule de ces pièces qui nous manque, c'est l’exposé des motifs, car le texte du projet de loi se trouve dans le rapport de M. Dechamps.

Avec ce système de demander toujours des ajournements, sous prétexte qu'il manque des pièces, je ne vois pas pourquoi l'on ne viendrait pas lundi, par exemple, demander un nouveau délai pour prendre connaissance du projet qui a été rédigé en 1832. De cette manière nous finirons par ne rien faire ; eh bien, je demande, moi, que nous fassions quelque chose. Lorsqu’on a été pendant dix ans à se plaindre qu’il ne se fît rien pour l’instruction primaire, on a mauvaise grâce à venir demander des ajournements au moment où nous saurons nous occuper de cet objet.

Je demande que la chambre maintienne la résolution qu'elle a prise hier ; en d'autres termes, je demande l'ordre du jour sur la proposition de M. Cools.

M. Lebeau. - Je m'étonne de l'opposition que rencontre une proposition aussi simple, aussi naturelle, aussi légitime que celle de l'honorable M. Cools. Je m'étonne, messieurs, qu’on puise dans la décision d'hier une fin de non-recevoir contre cette proposition. L'ordre du jour avait été fixé et il désignait la loi sur l'enseignement supérieur, quand, sur une simple observation du ministre de l'intérieur, demandant que la chambre et le gouvernement eussent le temps d'examiner un nouveau document fourni par l’université de Louvain, on a changé un ordre du jour également fixé par la chambre. Aurait-on moins d'égards pour les membres de cette chambre que pour une réclamation que M. le ministre de l'intérieur a prise sous son patronage ?

Si hier, lorsqu'on vous a dit qu'un document fourni par une des quatre universités pouvait jeter un jour nouveau sur l'enseignement supérieur, vous n’avez pas hésité à changer l'ordre du jour précédemment arrêté. Vous devez avoir les mêmes égards pour une partie de cette chambre qui vous dit qu’elle n’est pas en mesure de prendre immédiatement une part utile à la discussion, et qu’elle ne pourrait y assister qu’en simple spectatrice.

L’honorable M. Dumortier a raison de penser qu'il n'y a pas ici d’arrière-pensée, que c'est sérieusement qu'on demande un ajournement limité, uniquement afin de pouvoir participer utilement à la discussion de la loi sur l'enseignement primaire ; car si on avait un but caché, rien ne serait plus facile que de paralyser la décision de la chambre ; il suffirait, dans l’état où est la chambre, qu’une dizaine de membres de la minorité se retirassent pour empêcher de délibérer. Mais il n'est entré dans la pensée de personne de manquer à la décision de la chambre ; c'est par respect pour cette décision que les membres qui viennent de prendre la parole se sont, comme moi, livrés à l'examen des nombreux documents qui nous ont été fournis sur l'enseignement primaire. On a tort de dire qu'on a eu plus que le temps nécessaire pour lire ces documents. Il suffit de savoir comment les choses se passent dans le cours de la session. Ce n'est pas à mesure qu'on nous les distribue que nous étudions les pièces, mais à mesure qu'on met à l'ordre du jour la discussion du projet auquel elles se rapportent.

Si on avait étudié les volumineux documents sur l'enseignement primaire, quand ils nous ont été distribués, les discussions importantes auxquelles nous avons pris part depuis, nous les auraient complètement fait perdre de vue, et nous aurions été obligés de recommencer cette étude. Du moins pour moi c’est ainsi que je procède ; je ne lis les documents qu’au fur et à mesure que je vois approcher le moment où la discussion s’ouvrira.

En me livrant à l’examen des documents principaux fournis par M. le ministre de l'intérieur sur l’enseignement primaire, j’ai constaté une lacune ; c’est l’omission de l’exposé des motifs de la loi en discussion, exposé des motifs que n’ont pas eu l’occasion de lire la moitié au moins des membres de cette chambre qui ne faisaient pas partie de la législature de 1834. Nous constatons l’omission d’un document important, celui qui fait comprendre l’esprit de la loi de 1834, c’est-à-dire de la loi même qui va être en discussion. Rien que par l'omission de ce document, nous sommes assurément en droit de demander un ajournement qui n'est ni de quinze jours ni de huit jours, mais seulement de trois jours. Nous le demandons avec la ferme volonté d’être prêts à prendre part dès lundi à la discussion d’une loi des plus importantes, si, comme nous l’espérons, la chambre adopte la proposition de M. Cools.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai pas pris sous mon patronage l’opinion de l’université catholique de Louvain, je me propose même d’attaquer cette opinion. C’est par égard envers cette opinion, qui est contraire au projet de révision que j’ai cru que la justice exigeait qu’on prît le temps de l’examiner.

M. Lebeau. - J’ai dit que vous avez pris la réclamation de cette université sous votre patronage.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai pris note à l’instant même de vos paroles et vous vous êtes servi du mot opinion.

M. Lebeau. - Si je me suis servi de ce mot, je me suis trompé, c’est le mot réclamation qu’il était dans ma pensée.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Comme on suppose souvent que je suis à la remorque de l’une ou de l’autre opinion, je tenais à relever cette expression.

Mais si l’université de Bruxelles avait fait parvenir ses observations, j’aurais également demandé que cette pièce fût imprimée. Je crois savoir que cette université en fera parvenir soit directement à la chambre, soit par l’intermédiaire du département de l’intérieur. Dès hier, j’ai reçu un premier document.

Je me suis borné à reproduire dans le rapport du 28 janvier dernier le projet de loi sur l’enseignement primaire. Il y a une lacune, mais je crois qu’on en exagère l’importance ; l’exposé des motifs ne s’y trouve pas. Vous vous rappellerez que le projet de loi présenté en 1834 était général, comprenait tous les degrés de l’enseignement ; l’exposé des motifs était général aussi, comprenant les trois degrés d’enseignement.

Il n’y a qu’un extrait à faire imprimer ; il n’est pas de deux pages et pourrait être imprimé dès aujourd’hui. Je regrette qu’il n’ait pas été compris dans le rapport, mais je crois pouvoir dire sans manquer à mon prédécesseur qu’il n’a pas l’importance qu’on lui attribue. Je crois qu’on pourrait dès à présent ordonner l’impression de la partie de l’exposé des motifs de 1834 qui se rapporte à l’enseignement primaire. On pourrait fixer la discussion à demain deux heures et je m’engagerais à prendre le premier la parole.

M. Lebeau. - Ce délai est illusoire ; qu’on fixe la séance de demain à midi ou à deux heures, c’est la même chose. Je ferai observer que je n’ai pas présenté comme raison déterminante du léger délai que nous demandons l’omission de l’exposé des motifs du projet de 1834 ; je n’ai présenté que comme un des motifs cette omission sur l’importance de laquelle on peut varier d’opinion. Jamais la chambre ne sépare un projet de loi de son exposé des motifs.

Je le répète, qu’on commence à midi ou à deux heures, c’est la même chose. Refuser un délai de trois jours à une grande partie de la chambre qui déclare en avoir besoin pour prendre une part utile à la discussion, c’est lui faire violence ; c’est la condamner à assister à cette discussion les bras croisés, en simple spectatrice.

M. de Garcia. – Je ne puis que me rallier à la proposition de M. Cools. Il demande trois jours pour examiner la loi sur l’instruction primaire. C’est une des lois les plus importantes qui nous aient été soumises, et quant à moi, je pense qu’on ne peut raisonnablement refuser la demande appuyée par un grand nombre de nos honorables collègues. Si nous en commençons la discussion demain, qu’arrivera-t-il ? Si quelques membres n’ont pas une connaissance suffisante des documents sur la questions, les débats se prolongeront sans ordre, et par cela même beaucoup plus longtemps. Au surplus, en fixant hier l'ordre du jour, la chambre n'a pas décidé la question dont il s'agit en ce moment, car il s'agissait de décider à quelle loi on donnerait la priorité. Ici on ne demande pas de changer la priorité, mais de remettre la discussion à lundi prochain.

Beaucoup de membres ont manifesté la crainte qu'on ne soit plus en nombre ; quant à moi je ne puis admettre une semblable supposition, qui ne serait qu'une mauvaise défaite et un défaut de franchise. Du reste, je ferai observer que si on ne veut pas voter la loi sur l'enseignement primaire, vous aurez beau commencer la discussion demain, lundi on ne reviendra pas, et vous ne pourrez pas la terminer, car la loi ne pourra pas être votée lundi. Qu'arrivera-t-il ? vous vous croiserez les bras et vous devrez partir. Dans tous les cas je veux rester juste. Dans une autre circonstance j'ai demandé un ajournement, c'était lorsqu'il s'agit de l'examen de la loi sur la compétence ; la chambre alors m'a accordé huit jours ; je ne refuserai pas les trois jours demandés.

M. Dumortier. - Si nous remettons la discussion de trois jours, ce sera un vacance.de trois jours que nous donnerons à ceux qui habitent près de Bruxelles, tandis que ceux qui sont éloignés resteront ici à attendre ; et au bout de trois jours nous serons aussi avancés que maintenant. Si nous examinons au fond du cœur, nous voyons que c'est ainsi que cela sera. Je dis que nous avons eu un loisir suffisant pour examiner la loi dont il s'agit. Voilà sept mois que les documents sont présentés. Je ne vois pas pourquoi on prononcerait encore un ajournement de trois jours. Je le concevrais si nous avions quelques petits projets dont nous pussions nous occuper dans l’intervalle.

Un membre. - On étudiera.

M. Dumortier. - On s'en ira chacun chez soi et les députés étrangers resteront ici trois jours à prendre patience, en attendant que les autres soient revenus.

Quand on demandait des ajournements, M. Lebeau lui-même a souvent répondu qu'un député qui n'était pas prêt à aborder l'ordre du jour ne remplissait pas son devoir. C'est ici le cas d'appliquer cette observation. Pendant la vacance d'un mois que nous avons eue, il était du devoir des députés d'examiner les projets à l'ordre du jour et parmi ces projets était la loi sur l'enseignement primaire.

M. Lebeau. - Je pourrais demander la parole pour un fait personnel. M. Dumortier, se servant de mes paroles, vient de dire : il faut toujours être prêt à aborder l'ordre du jour annoncé. Mais nous étions prêts hier à aborder l'ordre du jour. Quel était cet ordre du jour ? La loi sur l’instruction supérieure.

M. Dumortier. - Et la loi sur l'instruction primaire.

M. Lebeau. - C'était la loi sur l'instruction supérieure d'abord et avant tout.

Je sais qu'a près cette loi nous devions arriver à la loi sur l'instruction primaire, mais ce n'est pas pousser trop loin les suppositions que de penser que les débats sur l'instruction supérieure auraient tenu de dix à quinze jours ; tout en suivant ces débats, on pouvait, en dehors des séances de la chambre, s'occuper de l'étude des documents nombreux qui nous ont été distribués sur l'enseignement primaire, et se préparer à en aborder la discussion.

M. Dumortier a donc fait une fausse application de mes paroles, car nous étions prêts hier ; on a changé l'ordre du .jour, nous demandons trois jours pour nous préparer ; si on persistait à nous les refuser, cette persistance autoriserait de fâcheuses suppositions.

M. Cools. - L'honorable député de Tournay a dit que si vous adoptiez ma proposition, ce serait une vacance de trois jours que vous prendriez ; moi j'y trouve un moyen d'étude pour me préparer à la discussion d'une des lois les plus importantes qui nous aient été soumises depuis longtemps. On prétend que si l’on accorde le délai que je demande, la chambre va se séparer et que nous ne pourrons pas utiliser ce temps. Je reconnais que c'est un inconvénient, mais cet inconvénient est moindre que celui de devoir aborder, sans y être préparé, la discussion d'une loi aussi importante ; mais je ne sais pas du reste si cet inconvénient existe, s'il n’y aurait pas moyen d'utiliser notre temps d'ici à lundi.

Ainsi, par exemple, j'indiquerai l'art. 442 du code de commerce. Je sais que le rapport n'est pas encore fait sur le changement apporté au projet de loi par le sénat. Mais c'est une matière sur laquelle chacun de nous a une opinion formée. Peut-être le rapport pourrait-il être fait, et le projet de loi mis en discussion.

M. le président. - La commission n'est pas même nommée.

M. Cools. - Soit. Mais je persiste à dire que l'inconvénient de ne pas avoir séance est moindre que celui d'avoir une discussion à laquelle la moitié de la chambre devrait assister les bras croisés.

M. de Mérode. - Il me semble que le délai demandé par l’honorable M. Cools serait à peu près accorde par l’adoption de la proposition de l'honorable M. Cools, si la séance est fixée a 2 heures. Jusque-là on aura le temps d'étudier le projet de loi. Demain M. le ministre de l'intérieur parlerait. On n'aurait donc qu'à entendre des explications qui faciliteraient l'intelligence du projet de loi. S'il fallait un jour de plus, on pourrait ne pas avoir séance samedi. Mais au moins, quand la discussion serait engagée, on serait assuré que la chambre s'occuperait du projet de loi, et que si l'on nous a convoqués au milieu de l'été, ce ne sera pas absolument pour rien.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je viens de vérifier les pièces. Il y a un exposé du ministre de l'intérieur très court, et un rapport au Roi très étendu. Les deux extraits formeront 14 pages. Il me paraît impossible que ces documents puissent être réimprimés et distribués pour demain matin. J’y mets beaucoup de sincérité. Néanmoins je ne pense pas que ces documents soient aussi importants.

Quoi qu'il en soit, il est désirable que tous les membres puissent prendre part à la discussion, que la loi ait le caractère que doivent avoir toutes nos lois, qu'elle soit mûrement délibérée. Si donc l'on veut ajourner à lundi, pourvu qu'il soit bien entendu que la discussion commencera sans nouvel ajournement, je n'insisterai pas sur ma proposition.

M. Dumortier. - Si le gouvernement se conduit de la sorte, je retire ma proposition. Je déclare que je prendrai trois jours de congé.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Nous ayons un projet assez urgent ; c'est le projet de loi sur la police maritime. On pourrait le mettre à l'ordre du jour de demain, ainsi que la demande de grande naturalisation formée par le général Prisse. (Adhésion.)

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C'est cela, et demain on réglerait l'ordre du jour d'après-demain.

M. d’Hoffschmidt. - Je ferai observer à la chambre qu'il y a un rapport déposé sur la garantie d’un minimum d'intérêt pour construction, par les particuliers, de routes et canaux. Le rapport est déposé depuis assez longtemps. La question a été soumise à la chambre, il y a plusieurs années, par d'honorables collègues. On doit avoir eu le temps de l'examiner.

On pourra peut-être m'objecter que la discussion de cette proposition serait un moyen d'entraîner le gouvernement dans de nouvelles dépenses. Mais quand la loi sera votée, il n’e résultera pas de dépenses, du moins immédiates pour le trésor.

S'il y a d'autres projets urgents, je n'insisterai pas. Mais je voulais faire observer qu'il ne manque pas de projets de loi qu'on pourrait discuter d'ici à lundi.

M. le président. - Nous avons encore un autre projet ; c'est la proposition de M. Zoude, relative au tarif des glaces.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous ne pouvons mettre à l'ordre du jour deux questions aussi importantes que celles que viennent d'indiquer l'honorable M. d'Hoffschmidt et notre honorable président. Ce sont deux questions d'une extrême gravité, dues à l'initiative des membres de la chambre. Il faut que le gouvernement ait le temps de les examiner.

Je pense en outre que si l'on veut définitivement aborder la discussion du projet de loi sur l'instruction primaire, il ne faut pas donner une nouvelle direction aux idées, en mettant vendredi et samedi, en discussion des questions extrêmement importantes. Or, la loi relative à la garantie du minimum d'intérêt pour les travaux d'utilité publique entrepris par des particuliers est une loi d'une extrême importance. C'est une loi neuve, non seulement en Belgique, mais partout. Une loi générale de ce genre n'existe pas. Je demande donc qu’on s’occupe de lois qui ne soient pas de nature à occuper longtemps la chambre, et à donner une autre direction aux esprits.

M. le président. - L’ordre du jour de demain est fixé. On pourrait fixer demain celui d’après-demain.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Oui, à chaque jour sa peine. L'ordre du jour de demain est fixé. Nous verrons demain ce que nous ferons après-demain.

M. de Garcia. - D'après l'observation faite tout à l’heure par notre honorable président, qu'il n'y a pas de commission nommée pour examiner le projet de loi tendant à interpréter l’art. 442 du code de commerce, je demanderai que cette commission soit nommée, pour que nous puissions traiter cette question avant de nous en aller ; car c'est un véritable déni de justice. (Adhésion.) Les tribunaux n'oseraient pas agir ainsi. Il y a six ans que la question est suspendue et tient en suspens toutes les questions de même nature. Je demande que le projet de loi soit renvoyé soit à la commission qui a déjà examiné le projet de loi, soit à une commission qui sera nommée à cet effet par le bureau. J'en fais la proposition formelle.

M. le président. - Je dois rendre compte à la chambre des motifs du retard apporté à la nomination de la commission. La chambre, en ne renvoyant pas à la première commission l'amendement du sénat, avait semblé n'avoir pas désiré que l'examen de l’amendement fût soumis aux membres de l'assemblée qui avaient déjà manifesté une opinion sur la question, et d'ailleurs plusieurs membres de l’ancienne commission avaient témoigné le désir de ne plus intervenir. Nous avons pensé alors que la matière était assez importante pour que tout le bureau se réunît afin de composer la commission, et nous avons attendu le retour de M. le premier vice-président.

Le bureau se réunira demain à cet effet.

M. Dechamps. - Je partage l'opinion de M. le ministre de l'intérieur, que la question relative à la garantie d'un minimum d'intérêt est très importante et ne peut être discutée immédiatement.

Je pense comme lui qu'à la veille d'une discussion aussi importante que celle de la loi d’instruction primaire, il ne convient pas de donner une autre direction aux idées.

Cependant je me permettrai d'appuyer sous certains rapports l'observation de l'honorable M. d'Hoffschmidt. Je pense que la chambre devrait dès à présent fixer son attention sur la question de la garantie du minimum d'intérêt à laquelle plusieurs de nos grandes industries et spécialement l'industrie métallurgique attachent une grande importance, une importance aussi grande que celle que l'industrie linière attache à la convention qui a été votée hier.

Je pense que nous aurons une occasion naturelle de traiter cette question dans la discussion du projet de loi d'emprunt pour l’achèvement des travaux du chemin de fer. D'ici là on pourra étudié le rapport qui a été présenté.

M. le président. - Ainsi nous aurons à l'ordre du jour de demain : l° le projet de loi sur la police maritime ; 2° la demande de grande naturalisation du général Prisse : 3° rapport de pétitions.

Nous réglerons demain l'ordre du jour de la séance d'après-demain. (Adhésion.)

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L'honorable préopinant a fait une observation fort juste, en supposant que quand on discuterait la demande d'emprunt pour achèvement du chemin de fer, l'occasion se présenterait, dans la discussion générale, d'examiner la proposition relative à la garantie du minimum d'intérêt. C'est ainsi que j'ai compris son observation.

C'est pour cela que je demande que cette proposition ne soit pas mise à l'ordre du jour. L’honorable préopinant lui-même trouvera l'occasion d'en parler dans la discussion générale du projet de loi d’emprunt.

M. de La Coste. - Je ferai observer que la proposition rappelée par les honorables préopinants a sous certains rapports de l’analogie avec un travail très important présenté, je crois, à la chambre et dont on a annoncé la publication. Je veux parler du travail général relatif au perfectionnement et à l'achèvement des voies de communication. Je demanderai si l'impression de ce document sera bientôt terminée.

M. le président.- Ce n'est pas le bureau qui est chargé de l'impression, c'est le département des travaux publics.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, le département des travaux publics a dans ce moment deux rapports étendus à l'impression : l'un sur le chemin de fer, et l'autre sur les travaux hydrauliques. Ces deux rapports seront prochainement distribués.

M. le président. - Il est entendu que la discussion du projet de loi sur l'instruction primaire est fixée à lundi. Demain nous avons à l'ordre du jour le projet de loi sur la police maritime ; le vote pour la prise en considération de la demande en grande naturalisation de M. le général Prisse et les rapports de pétitions, s'il y a lieu.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est entendu qu’on fera imprimer l'exposé des motifs de 1834.

M. le président. - Le bureau fera imprimer cette pièce.

- La chambre décide encore que la séance de demain ne s'ouvrira qu'à 2 heures.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre, pour primes d'engagement et de réengagement

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi allouant au département de la guerre un crédit supplémentaire pour primes d'engagement et de rengagement. La section centrale chargée de l'examen du budget de la guerre avait alloué le crédit porté au budget ; elle vous propose maintenant un projet ainsi conçu :

« Il est alloué au département de la guerre une somme de 8000 francs, pour primes d'engagement et de rengagement.

« Cette somme formera l'art. 13 du chap. 2 de la sect. 3 du budget de la guerre, pour le présent exercice. »

M. Meeus. - Messieurs, en demandant la parole à l'occasion de l'allocation qu'on demande pour primes d'engagement et de rengagement, mon intention n'est pas de refuser cette allocation, mais vous vous rappellerez, messieurs, qu'à l'occasion du budget de la guerre, ce chiffre a été distrait, afin d'amener une discussion qui devait s'ouvrir alors sur certain arrêté royal en date du 14 octobre 1841, si ma mémoire est fidèle.

Messieurs, cet arrêté peut être examiné sous différents rapports. Pour mon compte, je ne suis pas apaisé sur la question de savoir s'il est réellement constitutionnel ; mais j'avoue franchement que je ne veux pas traiter cette constitutionnalité, Si l'arrêté dont il s'agit, soulève une question de ce genre, il y a dans cette enceinte des membres plus à même que moi de la discuter.

Il s'élève également une question de convenance. Quant à cette question je pourrais la traiter, et peut-être la traiterai-je si la discussion s'engage très avant. Mais pour le moment, fidèle à ce que j'ai eu l'honneur d'annoncer à la chambre lors de la discussion du budget, je ne traiterai que le point saillant de l'arrêté du 14 octobre dernier ; c'est celui qui blesse le droit de remplacement, celui qui rétrécit la base du remplacement.

Il est sans doute inutile, messieurs, que j'entre dans de grands développements pour prouver combien il est intéressant pour les pères de familles, et combien par conséquent il est utile à l'Etat que le droit de remplacement ne soit pas entravé. Je n'ai pas besoin de citer tout ce qui s'est passé sous l'Empire, tout ce qui s'est passé sous le Royaume des Pays-Bas même ; je n'ai besoin que de recourir à vos propres discussions en 1835.

En effet, en séance de la chambre des représentants du 25 février 1835, M. le ministre de la guerre lui-même disait :

« La difficulté qui existe actuellement pour trouver des remplaçants qui réunissent toutes les conditions exigées par la loi sur la milice, a été signalée au gouvernement. Il a effectivement reconnu qu'il était nécessaire d'apporter, vu les circonstances où nous nous trouvons, quelques modifications dans les dispositions de la loi qui sont relatives à l'admission des remplaçants.

« C'est l'objet principal du projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen. »

En séance du 11 mars suivant, M. Dumortier disait :

« Parmi les pétitions présentées à la chambre, il en est une sur laquelle je crois devoir appeler son attention, à cause de son urgence ; c'est la pétition de divers pères de famille d'Ath, de Chièvres et de Leuze qui demandent de promptes modifications à la loi sur les remplacements. Vous savez, messieurs, que M. le ministre de la guerre a déposé une proposition relative à cet objet. Les conseils de milice vont s'assembler et si on ne se presse pas, les bienfaits qui doivent résulter de cette loi ne seront pas applicables cette année. Je prends la confiance de dire à la chambre que dans la province que j'habite et que j'ai l'honneur de représenter, les remplaçants coûtent jusqu'à 3,000 fr, ; c'est une charge réellement accablante pour les familles. »

Huit jours après, c'est-à-dire en séance du 18 mars 1835, M. Dubus s'exprimait ainsi :

« Le but de la loi n'est pas d'augmenter ni de diminuer les cas d'exemptions, mais de faciliter les moyens de trouver des remplaçants qui, dans quelques provinces, sont très rares, parce que neuf classes sont en ce moment sous les armes.

« Je prie, ajoutait-il, la chambre d'avoir égard à ces considérations. »

M. Fallon, dans la même séance, ajoutait :

« Il s'agit d'une loi d'urgence qui puisse être utile à la classe de 1835. L'amendement de M. Seron ne peut avoir aucune influence sur cette classe ; ainsi nous avons le temps de le discuter : Nous devons uniquement aujourd'hui nous occuper de procurer des remplacements à la classe de 1835. »

Vous voyez, messieurs, qu'alors on sentait la nécessité d'élargir les bases du remplacement, et en effet, la loi du 28 mars 1835 fut votée. Et, messieurs, qu'il me soit permis ici d'établir un parallèle entre la position de la Belgique à cette époque et la position où nous nous trouvons aujourd'hui. Alors nous n'avions point encore obtenu la ratification du traité avec la Hollande ; alors la Hollande ne reconnaissait pas encore la Belgique ; alors, à cause de la Belgique une conflagration générale pouvait devenir imminente et la Belgique, sans aucun doute, était appelée à produire dans la lutte un contingent au delà de ses moyens financiers, au, delà de ce qu'un petit Etat peut fournir dans des temps ordinaires ; c'est cependant à cette époque qu'on a élargi les bases du remplacement, et la loi du 28 mars 1835 fut votée.

D'après cette loi, et depuis cette époque, les miliciens qui ont 5 années de service et dont la classe se trouve en congé illimité, sont devenus aptes à être substitués aux deux plus jeunes levées, et en outre les miliciens de la classe la plus ancienne peuvent être admis à remplacer ceux de toutes les autres classes. Il y a plus, messieurs, les conditions d'admission et les charges imposées au remplacé furent modifiées en faveur du remplaçant , par les art. 3 et 5 de cette loi.

Or, messieurs, si en 1835, alors qu'il nous fallait un état militaire, alors qu'il pouvait arriver à chaque instant que nous dussions produire sur nos frontières une armée considérable ; si, à cette époque, il pouvait convenir d'élargir les bases du remplacement, comment cela ne conviendrait-il pas aujourd'hui que la Belgique s'est condamnée à une neutralité perpétuelle, aujourd'hui que pour la Belgiqne.il, n'y a plus de guerre possible, si ce n'est pour défendre son sol ?

Si, en 1835, il y avait momentanément neuf classes de milice sous les armes, aujourd'hui il y en a huit, d'une manière définitive, depuis la loi du 9 avril 1841, qui a porté, même pour le temps de paix, le nombre d'années dues par le milicien, de cinq à huit !

Aussi, est-ce parce que je suis convaincu que, plus nous avançons dans la période de paix, plus l'exercice de la faculté du remplacement deviendra un. besoin de plus en plus indispensable pour les familles, que je désapprouve certaines dispositions de l'arrêté du 14 octobre dernier.

Ces dispositions sont celles qui, d'une part, admettent le temps de service du milicien, (8 années) dans la supputation des dix années exigées pour l'obtention de la croix d'ancienneté, alors que d'autre part, elles excluent de cette faveur le temps de service du remplaçant, en assimilant l’action légale du remplacement à l'action la plus infâmante, car l'art. 11 de cet arrêté est ainsi conçu :

« Art. 11. La croix d'honneur et les prérogatives y attachées se perdent de plein droit :

« 1° Par le remplacement ;

« 2° Par la dégradation ;

« 3° Par la désertion ;

« 4° Par la condamnation à une peine afflictive ou infamante, ou à une peine correctionnelle pour l'un des délits prévus par les art. 401, 405, 406 et 408 du code pénal commun ou pour un délit militaire quelconque.

« Toutefois, dans les cas prévus par les numéros 2 et 3 (dégradation et désertion) elle pourra être récupérée, d'après le rapport motivé du chef de corps, appuyé par l'inspecteur-général et sur la proposition de notre ministre de la guerre approuvée par nous. »

Vous le voyez, messieurs, le remplaçant est placé plus bas que le dégradé et le déserteur. Pour ceux-ci, il y a rémission possible ; pour le remplaçant, jamais. Le remplaçant reste frappé à tout jamais pour une action, non seulement légale, honnête, admise de tout temps sous tous les gouvernements, mais encore encouragée par la loi du 28 mars 1835 qui convie le militaire encore lié au service pour son propre compte à y rester comme remplaçant.

Messieurs, il résultera nécessairement de cette disposition de l'arrêté, que l'exercice de la faculté du remplacement sera entravé, si tant est que cet arrêté soit exécuté, parce que jusqu'à présent je ne sache pas qu'il l'ait été. L'arrêté annulerait donc les bienfaits de la loi du 28 mars 1835, bienfaits qu'on a voulu offrir aux pères de famille comme une faible compensation de la lourde charge de la milice.

Qu'on récompense extraordinairement les services volontaires, rien de mieux, mais pour cela on ne doit pas tenir plus compte des années de service du milicien que de celles du remplaçant ; encore une fois, on ne le pourrait pas, sans méconnaître l'esprit de la loi du 28 mars 1835.

Pour justifier les articles 3 et 11 de l'arrêté, on s'appuie sur des arrêtés antérieurs ; passant au-dessus de la loi de 1835, on recourt à de simples arrêtés qui ont été abrogés par la loi du 28 mars 1835 et par l'arrêté du 14 janvier 1837, qui en est vraiment le complément ; on s'appuie, dis-je, sur des arrêtés antérieurs, ceux du 19 février 1825 et du 8 juin 1832.

Messieurs, quand bien même ces arrêtés contiendraient des dispositions semblables à celles dont il s'agit, cette circonstance ne pourrait pas encore justifier le dernier arrêté, car celui-ci doit avant tout être conforme à la loi du 28 mars 1835, d'abord parce que c'est une loi, et ensuite parce que c'est une disposition postérieure à celles invoquées des 19 févriers 1825 et 8 juin 1832 ; mais il y a plus, l'arrêté du 19 février 1825 qui institue une médaille pour services fidèles, contient pour l'obtention de cette médaille des conditions tout autres que celles qui ont été établies pour la croix d'ancienneté par arrêté du 14 octobre dernier.

En effet, l'article de cet arrêté exclut de l'obtention de la croix tout militaire qui a reçu une prime, et déclare par là indignes tous les remplaçants d'une manière absolue ; les art. 9 et 10 de l'arrêté du 9 février 1825 mettent au contraire le remplaçant sur la même ligne que les autres militaires, pourvu qu'il ait pris ensuite un engagement volontaire, c'est-à-dire pourvu qu'il ait couvert par un engagement volontaire sa qualité de remplaçant, faculté que ne lui donne point l'arrêté du 14 octobre dernier.

Voici ces articles de l'arrêté du 19 février 1825, dont les termes sont bien clairs et décisifs :

« Art. 9. pour avoir droit aux marques distinctives susdites, il est exigé :

« A Un service non interrompu de 12 ou 24 ans dans les Pays. Bas, conformément aux art. 3, 5 et 6, y compris les campagnes faites au service du royaume, depuis le 1er janvier 1814, soit que ce service ait été fait par suite d'un enrôlement volontaire, soit qu'il ait eu lieu en vertu des lois du royaume, à l'exception toutefois, des services rendus comme remplaçant, à moins qu'il n'ait été suivi d'un enrôlement volontaire.

« B. Une conduite et un zèle qu'on peut à juste titre qualifier de service loyal et fidèle, pendant les deux époques précitées. »

« Art. 10. Le militaire qui, pour douze ans de service, aurait reçu deux fois la prime d'engagement, n'obtiendra que la moitié, ou 6 florins de gratification fixée par l'art. 4. Le remplaçant qui a commencé son service comme tel, et qui a contracté après un engagement volontaire, n'aura également droit qu'à ladite moitié. »

Voilà bien, messieurs, le principe d'exclusion posé dans l'article 3 de l'arrêté du 14 octobre dernier, formellement condamné par l'arrêté du 19 février 1825.

Quant à l'art. 11. de l’arrêté du 14 octobre précité dont je viens de vous donner lecture, et par lequel le remplaçant, pour la perte de la croix d'ancienneté, est assimilé au plus grand malfaiteur, quant a cet article, dis-je, il n'a certes point été puisé non plus dans l'arrêté du 19 février 1825, dont l'art. 12, indiquant comment se perd la médaille pour service fidèle, s'exprime ainsi :

« Art. 12. La médaille se perd par suite d'un jugement portant une peine infamante ; dans ce cas le juge civil ou militaire, en informera de suite le département de la guerre, pour qu'il puisse faire retirer la médaille. »

Ainsi, le remplacement jusqu'en 1830 (époque depuis laquelle l'arrêté du 19 février 1825 est tombé en désuétude), n'empêchait point le bon militaire d'obtenir la médaille pour service fidèle et il ne la lui faisait pas perdre. Pourquoi en serait-il autrement en 1842, alors que le remplacement des militaires sous le drapeau a été non seulement permis, mais encouragé par la loi du 28 mars 1835 comme une nécessité de l'époque où nous vivons ?

Ainsi, jusqu'en 1830, point de démarcation dans l'armée entre le sous-officier exclusivement volontaire et le sous-officier remplaçant-volontaire ; tous étaient placés sur la même ligne ; et dans l'intérêt de la bonne harmonie qui doit régner dans l'armée, on ne doit pas permettre qu'il s'établisse ainsi des catégories ; le soldat ne doit voir dans ses officiers que tous hommes honorables au même degré, et non pas, d'un côté, des hommes frappés d'une tache, et, de l'autre, au contraire, des hommes jouissant d'une plus grande considération ; et cependant voilà ce qui arrivera par l'arrêté du 14 octobre dernier.

L'arrêté du 19 février 1825 s'occupait aussi des règles d'admission à certaines fonctions civiles pour les anciens militaires ; à cette époque, le remplaçant était reconnu, comme les autres militaires apte à exercer un emploi civil, aux mêmes conditions que pour l'obtention de la médaille, c'est-à-dire après avoir pris un engagement volontaire.

L'art. 18 qui consacrait ce principe, était ainsi conçu :

« Art. 18. Dans le cas d'un nombre égal d'années de service, cette faveur sera accordée de préférence aux militaires qui ont fait un service volontaire quelconque, ou qui sont encore en activité de service.

« Le remplaçant qui a seulement servi comme tel, n'y aura aucun droit. »

Vous le voyez, messieurs, sous le régime de l'arrêté du 19 février 1825, le remplacement n'était pas d'une manière absolue pour les sous-officiers une cause d'exclusion pour l'obtention de la médaille, ni un motif de perte de celle-ci. Il y a plus, le remplacement n'était pas nécessairement une cause d'exclusion pour une certaine classe d'emplois civils. A la vérité, le sous-officier qui quittait le service pour y rentrer ensuite comme remplaçant, ne pouvait jamais, d'après l'arrêté de 1825, être promu à un grade militaire quelconque. C'était là une disposition spéciale, qui prouve que l'on voulait conserver au service les sous-officiers en leur donnant cet avertissement, et qui prouve aussi que le remplaçant était, en règle générale, apte à l'avancement : une exception est faite pour une catégorie spéciale, et l'exception, nous le savons tous, confirme la règle.,

Et il n'est pas hors de propos de faire remarquer encore une fois que cette disposition de l'art. 25 de l'arrêté du 19 février 1825 est formellement rapporté par la loi du 7 juin 1836 sur l'avancement dans l'armée, loi qui ne renferme aucune exception pour une catégorie quelconque de militaires dans les règles communes posées pour leur avancement.

Je vous ai, messieurs, cité les articles de l'arrêté du 19 février 1825 où il est question du remplacement ; vous êtes à même de voir maintenant que cet arrêté ne peut pas plus en fait qu'en droit justifier les articles 3 et 11 de l'arrêté du 14 octobre dernier.

On invoque encore, ai-je dit, un arrêté du 8 juin 1832 pour justifier celui du 14 octobre ; cet arrêté de 1832, qu'on dit conforme à celui du 14 octobre, renferme cependant dans son art. 4 le principe que le remplaçant, lié par un engagement volontaire, devient par là l'égal de tous les autres militaires. Or, tons ceux qui étaient remplaçants pouvaient, en suite de l'arrêté, couvrir leur qualité de remplaçant en prenant un enrôlement volontaire dans l’armée permanente. Eh bien, messieurs, c'est là le principe que je voudrais au moins voir proclamer, si l’on tient à exécuter l'arrêté du 14 octobre 1841, parce que ce principe est essentiellement légal et juste, parce que d'après les articles 171 et 172 de la loi du 8 janvier 1817 sur la milice, le remplaçant qui prend, en outre, un engagement de 6 ans, passe de la milice à l'armée permanente où il est soumis à de plus grandes obligations que celles qui incombent aux remplaçants, non liés par un tel engagement.

Je ne terminerai pas, messieurs, sans vous faire remarquer que la loi du 16 juin 1836, a rapporté celle de 1818, sur laquelle on s'appuie dans le rapport de la section centrale pour refuser aux sous-officiers remplaçants les droits à l'avancement. Lorsque par la loi du 28 mars 1835, vous avez invité les miliciens de la classe la plus ancienne, sous-officiers ou non, à rester au service, comme remplaçants, en les dispensant de l'année de service qu’ils avaient encore à remplir, vous avez bien par là encouragé et voulu encourager le remplacement ; vous avez agi équitable et logiquement en laissant les miliciens égaux devant la loi pour l'avancement, parce qu'en effet tous font le même service.

Il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer qu'en 1818 l’armée était divisée en troupes de ligne et en troupes de milice ; or, comme on voulait conserver ces divisions et que cependant les enrôlements volontaires étaient insuffisants, on résolut de donner quelques préférences aux enrôlés volontaires sur les remplaçants et les miliciens, alors seulement que les uns et les autres n'étaient pas liés en outre par un engagement volontaire. Nous ne sommes plus en 1818 ; en 1836, comme aujourd'hui, il n'y avait plus de corps spéciaux de volontaires. Aussi la loi sur l'avancement n'a-t-elle donné de préférence à aucune catégorie spéciale de militaires. Or, si tous les militaires sont égaux devant la loi d'avancement, peut-on décider par un arrêté qu'il en sera autrement pour l’obtention d'une autre récompense donnée aussi comme l'avancement à l'ancienneté et aux bons services, sans violer non seulement les principes de la justice distributive, mais encore l'esprit de la loi du 28 mars 1835 et de celle du 16 juin 1836 ? Et cela au détriment de qui ? Au détriment des pères de famille qui trouveront plus difficilement des remplaçants ; car en plaçant le remplaçant plus bas que le soldat dégradé et le déserteur, on entrave certainement l'exercice de la faculté légale de remplacement.

Ainsi, les dispositions de l'arrêté du 14 octobre dernier contre lesquelles je m'élève sont condamnées par de nombreux antécédents, outre qu'elles sont contraires aux principes de la justice distributive et entravent l'exercice d'une faculté légale des plus précieuses, faculté qu'il faut chercher à agrandir, au lieu de la rétrécir dans l'intérêt des pères de famille qui, en définitive, font la force des royaumes. N'oublions pas que les pères de famille, à raison de cette position même, doivent nécessairement avoir des maisons plus grandes, payer plus de contributions que les célibataires : de plus, ils ont à supporter un impôt terrible, impôt qui est écrasant dans les campagnes. Nous voyons tous les jours des fermiers vendre jusqu'à leur dernier bonnier pour payer le remplaçant de l’un ou de l'autre de leurs fils. Je demande s'il est juste d'augmenter encore la charge déjà si lourde qui pèse sur les pères de familles.

Messieurs, le ministre qui a contresigné cet arrêté, prédécesseur du ministre actuel, méconnaissant les besoins de l'époque, voulant, sous l'influence d'un vieux préjugé contre les remplaçants, restreindre l'exercice de la faculté du remplacement que l’association pour l'encouragement du service militaire, fondée en 1836, est destinée, elle, au contraire à faciliter en l'améliorant par une large application de la loi du 28 mars 1835, comme moyen d atteindre son but : le maintien sous le drapeau SANS INTERRUPTION DE SERVICE de bons sujets choisis par les chefs de corps, au lieu et place de remplaçants pris au hasard en dehors de l'armée.

Or, pour porter un coup mortel au remplacement, ce ministre a saisi l'occasion que lui offrait l’accomplissement du désir de Sa Majesté de récompenser extraordinairement les services volontaires.

Je vais le prouver :

Voici d'abord le préambule de l'arrêté du 14 octobre dernier.

« Voulant donner aux sous-officiers qui se sont dévoués volontairement au service militaire une marque particulière de notre bienveillance, et récompenser leurs bons et anciens services.

« Sur la proposition, etc. »

Or si c'était une pensée excellente que celle de récompenser extraordinairement les services volontaires, il n'était certes pas nécessaire, pour l'exécuter, de glisser dans le dispositif des conditions à la fois contraires à la volonté exprimée dans le préambule de l'acte et A L'ESPRIT DES LOIS SUR LA MILICE EN CE QUI CONCERNE LE REMPLACEMENT.

Qu'il me soit permis de faire ici une petite digression.

L'arrêté du 9 septembre 1836 qui a été pris sous l'influence de la loi de 1835, n'a pas été, une œuvre faite à la légère, n'a pas été l'œuvre d'un ministre seul, cet arrêté est émané du cabinet entier. Une commission a été nommée à cette époque, à l'effet de rechercher l'utilité qui pourrait résulter de l'établissement d'une association pour l'encouragement du service militaire. Le ministre de l'intérieur de l’époque, et le directeur du commerce, aujourd’hui ministre des finances, faisaient partie de cette commission. C'est à la sollicitation des chefs de départements que des personnes honorables ont contribué à cette œuvre, persuadées qu'elles étaient de faire en cela une chose utile à l'armée. Et aujourd'hui que l'arrêté existe depuis 5 ou 6 ans, qu'arrive-t-il ? On prend un arrêté qui détruit entièrement celui-là.

Et qui détruit cet arrêté ? Est-ce le cabinet ? Non, c'est le ministre de la guerre tout seul, à l'insu de ses collègues. Je vous le demande, un gouvernement gagne-t-il de la force, de la considération, quand, à un arrêté qui a été approuvé par le cabinet entier d'une époque, on vient opposer un arrêté qu'un seul ministre a signé, sans consulter ni M. le ministre de l'intérieur dans les attributions duquel est la milice ; ni M. le ministre des finances que la question regardait. Soit dit en passant, j'ai chiffré que cet arrêté augmenterait les dépenses du budget de 70 à 80 mille francs. Je vous le demande, n'est-ce pas là saper toutes les bases d'un gouvernement fort, d'un gouvernement qui veut se faire respecter ?

Le ministre précédent, messieurs, voulut porter un coup à cette association. Pourquoi ? Je ne veux pas le rechercher. Bien certainement il me serait impossible de le savoir. Mais qu'il l'ait voulu, j’en trouve la preuve dans sa conduite et dans le dispositif de l’arrêté.

Je dis que j'en trouve la preuve dans sa conduite. En effet, il a fait pleuvoir sur l'association pour l'encouragement du service militaire une quantité de griefs, sans s'apercevoir que ces griefs retombaient sur le gouvernement lui-même, car soit dit en passant officieusement ou officiellement, directement ou indirectement, bien que le gouvernement ait un commissaire près de cette association, jamais il ne lui a adressé la moindre demande pour changer une mesure, ou pour en modifier une autre. Jamais rien de semblable n'a été fait. Or, si le ministre de la guerre, qui a eu connaissance de tout ce qu'a fait l'administration, avait des griefs contre elle, il pouvait s'adresser à la commission, et c'est quand elle aurait refusé de faire droit à sa demande, qu'il aurait pu, avec quelque fondement, l'attaquer. Alors il aurait pu dire : Ne partageant pas l'opinion de mon prédécesseur, j'ai demandé à l'association des modifications auxquelles elle n'a pas consenti. Mais je le répète, ni directement ni indirectement, on n'a pas demandé la moindre modification à une mesure quelconque de l'association. Une seule lettre lui a été adressée pour lui demander si elle n'avait pas quelques changements à proposer à son règlement. Elle a répondu qu'elle attendrait les propositions du ministre ; il n'en est jamais venu.

J'ai dit aussi que dans le dispositif de l'arrêté on voyait les intentions hostiles à l'association, tandis que le préambule qui donne la pensée de la mesure à prendre ne faisait point présager ces conditions hostiles au remplacement.

Si c'était une pensée excellente que de récompenser le service volontaire, il n'était pas nécessaire de glisser des conditions à la fois contraire à l'esprit de la loi sur la milice et en ce qui concerne le remplacement et contraire à l'union qui doit exister dans l'armée. C’était tout à fait inutile.

Si l'ancien ministre de la guerre avait pris une disposition qui frappât l'association et la frappât seule, mon rôle ici serait extrêmement faible, car président honoraire de cette association, je comprends qu'on ait pu faire naître des préjugés qui donneraient peu d'autorité à ma parole ; mais laissons un moment encore l'association de côté et ne voyons que le remplacement ; supposons que l'association n'existe plus, est-il possible aux pères de famille de trouver encore des remplaçants dans l'armée ? Si un militaire ayant dix ou douze ans de fidèles services, quitte les rangs de l'armée avec la croix d'ancienneté, si après avoir porté cette croix sur son habit bourgeois, il désire, pour sauver son père ou sa mère de la misère, je ne fais pas ici de romantisme, c’est souvent pour des causes semblable qu'un ancien militaire rentre dans l'armée ; si, dis-je, il veut prendre un remplacement, le peut-il ? Il sera, du jour où il voudra rentrer dans l'armée, diffamé. Cette croix qu'il a portée, en sortant des rangs de l'armée, que devient-elle ? Vous le placez entre un préjugé et son devoir envers sa famille. S'il ne se laisse pas arrêter par le préjugé, et que, guidé par le sentiment naturel, il remplace, en rentrant dans le régiment dans lequel il a servi avec honneur pendant dix ou douze ans, on lui arrachera cette croix qu'il y a portée. Il est vrai que s’il a obtenu la croix de Léopold, celle-là, il la conserve ; mais la croix d’ancienneté, il la perdra.

Je le dis, pour l'acquit de ma conscience, il n'y a que trop de militaires qui quittent l’armée ; au lieu de chercher à les y retenir, vous les en éloignez ; ne pouvant entrer dans l'industrie faute d'apprentissage, ces hommes vous leur ferez faire un peu de tous les états. Quand nous verrons sur le pavé de Bruxelles ou sur le siège des voitures publiques ces hommes décorés de la croix d'ancienneté, je vous demande si ce sera honorable pour l'armée.

Je pourrais m'arrêter ici, car je crois avoir prouvé suffisamment que l'action légale du remplacement si utile pour les pères de famille, sera restreinte en fait, si l’arrêté du 14 octobre dernier est exécuté tel qu'il est aujourd'hui.

Mais je vous l'ai dit comme président honoraire de l'association, j'ai quelques mot à dire, en échange des nombreuses récriminations qu'on n a pas manque de faire pleuvoir sur elle pour détourner l'attention de la véritable portée de l'arrêté.

On a d'abord cherché à trouver une objection contre l'association, de ce qu'elle n'avait pas éprouvé des pertes ; et dans cette chambre plusieurs collègues sont venus me demander si l'association n'avait pas gagné de deux à trois cent mille francs, ce qui en cinq ans ferait 1,500 mille francs, avec un capital de 500 mille francs. J'avais peine à leur faire comprendre que le bénéfice se borne 6 p. c., non que j'aurais à rougir que ce bénéfice, au lieu de 6 p, c. s'élevât à 20 p. c., car ce serait un bénéfice légitime fait loyalement d'après des conditions approuvées par le gouvernement. Si en courant des chances aléatoires on ne pouvait pas faire des bénéfices, je ne sais où on en ferait.

N'oublions pas d'abord que bien que les actions n'aient pu été entièrement versées, l'intérêt et le dividende ne peuvent imputés que sur le capital garanti. Je ne saurais faire de différence entre le capital garanti et le capital versé. Dans toutes les sociétés d'assurance, on a toujours calculé ainsi. Qu'est-il arrivé ? Pour ma part, j'insiste, parce ce que je vois M. Delfosse faire un signe négatif. J'ai pris part à deux associations d'assurance, on avait versé une fois 5 p. c. et une fois 10 p. c, et dans trois ans j'ai reçu le capital que j'avais versé ; mais la quatrième année, on a demandé les 95 p.c. qui n'avaient pas été versés et j'ai tout perdu. Sans aller chercher ce qui est à ma propre connaissance, je vois des députés d’Anvers qui ont connaissance de sociétés qui ont procédé de cette manière.

Quand je vous garantis une somme ou que je la verse, c'est la même chose. C'est même souvent un mal de ne pas pouvoir verser de suite, car on peut venir vous demander à toute époque de verser. Quand on s'engage on sait de quel capital on peut disposer et si quelques années après on vient vous demander de verser, vous pouvez vous trouver dans la nécessité de vendre des biens, de vous gêner pour satisfaire à votre engagement. C’est ainsi que la plus grande partie des actionnaires ne demanderaient pas mieux que de verser tout le capital de leurs actions. Il produirait intérêt.

Beaucoup d'actions sont déposées à des banques et sur lesquelles on a prêté de 90 à 95 p. c. et qui reçoivent un dividende de 50 p. c. Le possesseur de ces actions est comme celui qui s'est engagé à fournir un capital dans un cas donné. Il y a identité.

Je ne veux pas insister davantage sur ce point. Mais comme les chiffres ont une certaine portée, il est bon de faire connaître celui de ces bénéfices qu'on est venu grossir jusqu'à 1,500 mille francs, L'association a fait en 4 ans et neuf mois 155 mille francs de bénéfice, c'est-à-dire 55 mille fr. par an.

Voilà, messieurs, les immenses bénéfices dont on a élevé le chiffre à 1,500,000 fr.. .

Une autre objection que je veux rencontrer (car je passe sous silence les moins saillantes), c’est que l'association aurait fait hausser le prix du remplacement. J'avoue franchement que c'est une de celles qui me paraissent le plus extraordinaires. Avant l'association où prenait-on les remplaçants ? hors de l'armée. C'est ce qu'on fait encore aujourd'hui. L’association que fait-elle ? Elle ne les prend pas hors de l'armée, elle est créée pour les prendre dans l'armée, Il y a donc, si je puis m'exprimer ainsi, augmentation de la matière du remplacement. L'association tend à retenir dans l'armée les sous-officiers, ce qui est dans l'intérêt de l'armée, et ce qui est dans l'esprit des arrêtés des 9 septembre 1836 et 14 janvier 1837. Ainsi, comment voulez-vous que l'association fasse hausser le prix des remplacements ? Cela est impossible en principe et en fait, puisque, loin de faire concurrence aux pères de famille qui les prennent hors de l'armée, elle cherche une autre classe de remplaçants qui n'existait pas.

A cette occasion, je ferai remarquer que le milicien qui donne à l'association 1,700 fr., pour être, par ses soins, remplacé avec sécurité et garantie pendant les 8 années de service, ne paie pas plus, en définitive, que celui qui, traitant directement avec un remplaçant, donne à celui-ci 800 fr. ; car ce milicien conserve alors à sa charge tons les frais accessoires s'élevant de 200 à 500 fr., et dont le détail exact est donné page 29 de la réponse de l'association au rapport de la section centrale ; il conserve aussi à sa charge la responsabilité pendant les 8 années, laquelle, évaluée conformément à la loi du 27 avril 1820, équivaut, elle seule, à 635 francs 42 centimes.

Comment serait-il possible que l'association fît hausser le prix des remplaçants, alors qu'elle ne peut fournir le dixième des remplaçants demandés, alors qu'elle prend les remplaçants ailleurs que dans la catégorie des remplaçants ordinaires ?

L'on a été jusqu'à dire que l'association avait une foule d'actionnaires dans l'armée et à insinuer ensuite qu'à l'aide d'eux elle parvenait à y faire rejeter, comme impropres au service, les remplaçants fournis par d'autres intermédiaires : et pour cette allégation-ci, votre section centrale a même réuni des documents authentiques dans le but de prouver ces énormités à charge de l'association.

En bien, messieurs, il résulte des chiffres fournis par messieurs les gouverneurs et publiés par la section centrale que les rejets à l'armée ont été moindres depuis 1837, date du commencement des opérations de remplacement de l'association, que de 1834 à 1837, époque qui les a précédées, à l'exception toutefois de l'année 1841, pendant laquelle les rejets se sont tout à coup follement accrus. Or, est-ce à l'influence des 22 (Je dis 22, remarquez-le bien, messieurs), est ce à l'influence des 22 actionnaires militaires, influence qui aurait sommeillé pendant les années 1837,1838, 1839 et 1840, que ce résultat si subit de 1841 est dû ?

Non, messieurs, et pour vous le prouver, je citerai un passage page 268 du rapport de la députation du Hainaut au conseil provincial ainsi conçu :

« Le tableau ci-dessus fait voir également que le nombre des remplaçants refusés par l'autorité militaire en 1841 excède de beaucoup le chiffre des années antérieures ; cela provient de ce que les hommes admis par la députation permanente sont soumis à une contre-visite devant une commission militaire, instituée par une circulaire de M. le ministre de la guerre en date du 8 février 1841, 2° division, n° 153. Cette circulaire impose aux médecins militaires une certaine responsabilité, en ce qu'elle met à leur charge les frais qui pourraient résulter de la visite et de la contre-visite des remplaçants qui, à leur arrivée au corps, seraient jugés impropres au service.

« On doit reconnaître, ajoute le rapport cité, que cette responsabilité imposée aux médecins militaires est de nature à influer sur les décisions qu’ils sont appelés à prendre. »

Voilà donc l'association reconnue étrangère aux nombreux rejets effectués en 1841, lesquels sont exclusivement dus à M. le ministre de la guerre lui-même, comme conséquence nécessaire de sa circulaire du 8 février 1841.

D'un autre côté, il est prouvé à toute évidence, par le tableau fourni par votre section centrale lui-même, que les rejets à l'armée, de remplaçants acceptés par l’autorité civile, n ont point augmenté depuis l'établissement de l'association. (Voir réponse de celle-ci, page 16.)

Dès lors l'insinuation à cet égard est aussi gratuite qu'elle est malveillante et l'association ainsi que ses actionnaires militaires et l'armée elle-même doivent nécessairement être reconnus innocents d'un fait qui n’a point existé ; mais eût-il existé, il n'aurait pu être reproché avec justice à l’association, puisque celle-ci n'ayant jamais assez de rengagés pour tous les miliciens qui désirent être remplacés par ses soins, n’a jamais eu aucun intérêt à ce que de nombreux rejets aient lieu pour forcer les miliciens à recourir à son intermédiaire ; donc elle n'a pu avoir l'idée de provoquer des rejets de remplaçants, et si, par impossible, elle eût eu cette mauvaise pensée, comment eût-elle cherche à la réaliser sans qu'il se trouvât quelque part une trace quelconque de cette audacieuse entreprise de corruption envers l’armée entière ?...

La tâche que je me suis imposée, messieurs, doit se terminer ici parce que, d'une part, le mémoire au Roi et la réponse de l'association au rapport de la section centrale réfutent suffisamment l'assertion, et parce que, d'autre part, certaines objections contre elle se rapportent à des actes du pouvoir exécutif, actes qui, datant de 4 à six ans, se justifient assez d'eux-mêmes, et qu'il appartient d'ailleurs aux dépositaires de ce pouvoir d'expliquer et de défendre eux-mêmes, s'il en est encore besoin après ce qui a été dit à cet égard, pages 17, 18 et 19 de la réponse de l'association.

Je me résume donc en déclarant de nouveau que je voterai le chiffre de 6,000 fr. demandés pour primes d'engagement et de rengagement, parce que le vote de ce chiffre, n'ayant aucun rapport avec l'arrêté du 14 octobre dernier, ne peut emporter approbation de cet acte, à l'égard duquel il ne me reste qu'à prier le gouvernement d'en revoir la rédaction, avant de le mettre à exécution à l'effet de conserver la récompense extraordinaire destinée aux services volontaires d'une certaine durée, sans pour cela restreindre la faculté légale du remplacement au moyen d'une assimilation déshonorante. Je lui adresse cette demande avec d'autant plus d'espoir de la voir accueillir que, si je suis bien informé cet arrêté n'a point été délibéré en conseil des ministres, ni même seulement communiqué au chef du département qui, ayant la milice dans ses attributions, est moralement responsable envers les pères de famille des mesures administratives qui viennent entraver l'exercice des droits qu'ils tiennent de la loi.

J'ai dit.

M. Lys. - Je ne parlerai pas, messieurs, de ce que vous avez déjà lu dans le rapport de la section centrale. Je me bornerai à répondre au mémoire qui vous a été distribué de la part de l’association, mémoire que l'honorable préopinant a en partie développé.

Je défendrai, messieurs, l'arrêté du 14 octobre 1841 en peu de mots. Je dirai donc qu'il ne modifie nullement l'arrêté du 14 janvier 1837, il le laisse dans toute son intégrité.

Je demande quels sont les droits que l'arrêté du 14 octobre enlève, malgré son article 6, aux remplaçants de l'association ?

Cet arrêté laisse intacte la législation sur les chevrons.

Il n'a par conséquent privé qui que ce soit des droits que cette législation a pu lui conférer ; tout ce qu'il a fait, c'est de créer une nouvelle catégorie d'ancienneté pour les sous-officiers, celle des années de service combinée avec celle des années de grade.

A cette double ancienneté il accorde des distinctions et des récompenses nouvelles, tout en respectant celles accordées précédemment, ou à accorder par la suite à l'ancienneté pure et simple, en vertu des règlements existants.

Sous l'arrêté de 1832, les remplaçants perdaient leurs chevrons acquis.

Sous l'arrêté de 1837, ils conservent les chevrons acquis, et par cela même, en les conservant pour leurs services antérieurs, ils sont exclus pour leurs services postérieurs. Ils ne perdent pas leur ancienneté, par l'arrêté du 14 octobre 1841, mais ils ne peuvent prétendre à la récompense nouvelle, accordée à l'ancienneté accompagnée de certaines conditions données.

L'avancement du grade de sous-officier au grade d'officier n'est pas la conséquence de l'ancienneté, car il ne faut pour obtenir cet avancement que deux années de grade de sous-officier ou d'école.

Mais l'ancienneté de service qui donne des droits aux chevrons et à la croix est une circonstance dont l'avancement ne dépend en aucune façon et dont il n'est pas non plus la conséquence nécessaire.

Il n'est pas exact de dire que les remplaçants conservent, comme les autres militaires, tous leurs droits à l'avancement ; cela serait contraire à l'art. 6 de loi du 8 novembre 1818 ; contraire à l'arrêté de 1832, qui exclut de tout avancement les sous-officiers qui se font remplaçants ; contraire à l'esprit de l'arrêté de 1837, qui, en laissant aux remplaçants les chevrons acquis, ne leur permet plus d'en acquérir.

« Ce qui précède, démontre que ce n'est point, comme le dit le rapport de la section centrale, page 11, l'association qui a mal interprété l'article 24 de l'ordonnance royale du 16 mars 1838, laquelle établit un droit éventuel, mais permanent, pour tous les sous-officiers qui deviennent remplaçants, et non point seulement une tolérance, une exception en faveur des seuls sous-officiers sous le drapeau, car il s'agit aussi de ceux qui, ayant quitté le service, y rentrent comme remplaçants. »

Nous n'avons pas dit, messieurs, que l'association avait mal interprété l'art. 24 de l'ordonnance royale du 16 mars 1838.

Mais nous avons démontré qu'en France on n'agit pas comme en Belgique à l'égard des remplaçants militaires.

En Belgique, par l'arrêté du 14 janvier 1837, le remplaçant de l'association conserve le grade et les chevrons acquis ; tout cela au préjudice des enrôlements volontaires et aussi contrairement à la loi du 28 novembre 1818.

En France on permet seulement par tolérance et par exception que les sous-officiers qui se font remplaçants, soient maintenus dans leur grade, lorsque leur chef de corps veut bien y consentir.

Nous avons dit ensuite :

« Les exemples tirés de ce qui se fait en France ne sont pas heureusement choisis ; il est vrai qu'aux termes de l'ordonnance sur la solde du 25 décembre 1837, le temps passé sous les armes comme remplaçant peut compter pour l'obtention de la haute paye, mais il faut pour cela que le remplaçant ait contracté un engagement volontaire après avoir parfait son terme de service comme remplaçant ; telle est la disposition de l’art. 155 que M. le directeur-gérant n’a pas cité.

« La décision ministérielle du 25 décembre 1838 est bien loin aussi d'avoir consacré les principes émis dans les arrêtés du 14 janvier 1837 et du 10 mars 1838 ; tout ce qu'a fait cette décision, c'est de permettre, par tolérance et par exception, que les sous-officiers qui se font remplaçants soient maintenus dans leurs grades, lorsque leur chef de corps veut bien y consentir. Du reste, les principes des arrêtés du 14 janvier 1837 et du 10 mars 1838 n'ont pas été mis en question par l’arrêté du 14 octobre 1841, qui n'a touché en quoi que ce soit, à la législation antérieure.»

En en effet que disait M. le directeur-gérant dans sa lettre à M. le président de la chambre du 1er février :

« Finalement, je rappellerai la décision royale du 27 décembre 1841 (Moniteur français du 29 décembre dernier) par laquelle des places de gardes-forestiers et de douaniers sont offertes éventuellement à tous les sous-officiers sans distinction aucune s'ils servent pour leur propre compte ou pour celui d'autrui. »

Et que lui répond M. le ministre de la guerre :

« Enfin, M. le directeur-gérant cite encore la décision royale du 27 décembre 1841, par laquelle des places de gardes-forestiers et de douaniers sont, dit-il, offertes éventuellement à tous les sous-officiers sans distinction aucune, s'ils servent pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, Il suffit de jeter un coup d'œil sur cette ordonnance, pour acquérir la conviction qu'elle dit précisément le contraire. En voici un extrait textuel :

« M. le ministre des finances, animé, comme moi, du désir de faire obtenir à ces militaires le juste prix de leurs services, vient de m'informer qu'il était prêt à admettre dans le personnel des gardes-forestiers royaux, et dans celui des préposés des douanes, au fur et à mesure des vacances, un certain nombre de sous-officiers remplissant des conditions d'âge, de service, de conduite et de capacité, à l'égard desquelles nous nous sommes préalablement entendus.

« Parmi ces conditions, il en est une sur laquelle je dois appeler l'attention de Votre Majesté : c’est celle d’avoir, comme sous-officier, contracté et terminé au moins un engagement. En effet, par l’accomplissement de la durée du service légal, le militaire satisfait à ses obligations comme citoyen et paie sa dette à la patrie ; mais en restant volontairement sous les drapeaux, il ajoute aux titres qu'il a dû se créer déjà pendant la durée de son service obligé, soit par sa bonne conduite, soit par l'instruction qu'il a acquise, soit par son zèle, et il se recommande alors davantage à la bienveillance du gouvernement du roi. Ainsi, cette condition d'avoir terminé au moins un rengagement pour être l'objet d'une proposition d'emploi dans une administration civile, est juste à l'égard du sous-officier ; et elle n'est pas moins utile à l'armée , qui, par là conserve dans ses rangs , jusqu'à l'expiration du rengagement, une classe de militaires dont l'influence et l'exemple sont d'un si bon effet sur l'organisation et la force morale des corps. »

Le rapport de la section centrale ne renferme donc de ce chef aucune inexactitude.

(erratum Moniteur belge n°218 du 6 août 1842) L’association dit que « Le rapport supplémentaire de la section centrale chargée de l'examen du budget de la guerre, déposé le 18 mai, commence (page 1re) par dire « qu'il a paru constant à une section de la chambre que le prix des remplaçants était fortement augmenté par suite des opérations de cette société, ce qui serait très préjudiciable aux citoyens peu fortunés. » II est à présumer que la preuve de ce fait n'est point ressortie des investigations auxquelles s'est livrée la section centrale, ni des renseignements qu'elle a pu recueillir soit du département de la guerre, soit de MM. les gouverneurs de province, puisque la section centrale se borne à énoncer l'opinion d'une section, et, quant à elle, elle se tait, dans son rapport, sur ce point que l'association ne peut cependant laisser sans réponse.

« L'assertion de la 6ème section n'est appuyée d'aucune preuve ; il suffirait donc de la nier, mais nous ferons remarquer que l'effet contraire a été produit depuis l'établissement de l'association qui eut pour résultat de créer une nouvelle concurrence dans les moyens de remplacement ; d'où il est nécessairement résulté que le prix a dû baisser. Celui demandé par l'association a d'ailleurs toujours été inférieur à celui exigé par d'autres intermédiaires. »

Le fait est, messieurs, que l'association a réduit son prix de remplacement à fr. 1,705 92 : mais il est de notoriété publique qu'antérieurement à l'association, on obtenait des remplaçants à un prix inférieur.

Loin qu'il y ait ici une concurrence, le prix très élevé de l'association a fourni nécessairement l'augmentation du prix des autres remplacements.

Loin qu'il y ait concurrence : d'un côté, les facilités données pour les remplacements de l'association, et les difficultés pour l'admission des autres remplaçants.

Les députations des Etats doivent aujourd'hui être fort difficiles pour les admissions des remplaçants, parce qu'à côté d'elles se trouvent les admissions au corps. Cette admission est devenue très difficile, a rendu à son tour fort difficile l'admission par la députation.

(erratum Moniteur belge n°218 du 6 août 1842) L’association dit aussi que « Quant à l'allégation relative aux agents de l'association, à l'aide desquels celle-ci se serait écartée du but primitif et avoué de son institution, il suffira de faire observer que l'association n'a aucun agent en rapport avec l'armée, qu'ainsi elle n'a pu, par leur intermédiaire, choisir un militaire plutôt qu'un autre ; que ce sont exclusivement les chefs de corps seuls qui admettent les militaires à se rengager par les soins de l'association, lorsque ceux-ci ont l'aptitude exigée. (Art. 3 de l'arrêté royal du 14 janvier 1837.)

Nous répondons à cela que le directeur-gérant de l'association correspond directement avec l'armée.

L'association donne des ordres aux corps, des ordres contraires à ceux du ministre.

Par l'art. 1er du règlement de 1839, le ministre prescrit aux chefs de corps, de lui adresser les listes des militaires dont le terme est expiré, qui désirent se rengager pour compte de l'association

Par sa circulaire du 14 décembre 1840, M. le directeur gérant ordonne aux quartiers-maîtres de lui adresser la liste, non seulement de ceux qui désirent se rengager pour son compte, mais de tous ceux dont le terme doit expirer avant le 1er juillet. C'est, dit-il, pour prévenir tout retard dans l'emploi des hommes.

Dans cette même circulaire, M. le gérant étend de son autorité privée aux militaires des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg la mesure que le ministre, par sa circulaire du 25 août 1837, avait prise en faveur des militaires nés dans les villes de Maestricht et de Luxembourg.

Il y a mieux, les 16 et 17 mai 1838, M. le gérant s'adresse au ministre et demande avec instance de faire jouir des avantages de l'arrêté du 14 janvier 1837 les militaires congédiés depuis moins de 3 mois qui voudront se rengager pour compte de l'association.

Par dépêche du 26, qui n'a été ni publiée, ni communiquée aux chefs de corps, le département de la guerre informe M. le gérant, qu’il n'y a pas d'inconvénient à ce que ledit arrêté soit étendu, de manière que les militaires congédiés, qui veuillent rentrer dans l'armée dans les trois mois de leur licenciement, soient admis par l'association à contracter un rengagement pour remplacer un milicien, pourvu qu'ils soient présentés par le chef du corps qu'ils ont récemment quitté, et pour ceux qui étaient gradés à condition de ne rentrer au service que comme soldats et non avec leur ancien grade.

Comme on voit : tout en accordant le principe, le ministre y met des restrictions dans l'application.

Les militaires de cette catégorie, que la société voudra faire jouir des avantages de l'arrêté du 14 janvier 1837 devront être présentés par leur ancien chef, et s'ils étaient gradés, rentrer comme soldats.

Que fait l'association ?

Elle expédie une circulaire aux quartiers-maîtres, sous date du 2 mai 1839, et y dit hardiment : Non que le chef de corps devra proposer les militaires congédiés pour être admissibles, mais qu'ils seront admissibles dès qu'un chef de corps voudra les accepter sur la proposition de la société, elle n'y parle pas du tout de la perte du grade du rengagé, et laisse croire qu'il doit jouir intégralement de tous les avantages de l'arrêté du 14 janvier.

Ce n'est pas tout : elle assure que ces rengagés, comme ceux encore en activité de service, doivent jouir de l'incorporation sans déplacement. (Arrêté du 10 mars 1838).

(erratum Moniteur belge n°218 du 6 août 1842) L’association dit encore : « L'association ayant d'ailleurs toujours rengagé tous les hommes mis à sa disposition par l'armée, alors qu'ils étaient admis par l'autorité civile, cette allégation d'un choix fait en violation du but primitif et avoué de l'Association est fausse de tous points, et s'il y a beaucoup de sous-officiers parmi les rengagés, c'est parce que le but primitif et avoué de l'association était de les rengager plutôt que les soldats et les caporaux, puisque l'arrêté royal du 14 janvier 1837 oblige l'association à donner au sous-officier une prime supérieure de 200 fr. à celle du simple soldat. »

« Mais l'admission, par l'autorité civile, des remplacements de l'association est un simulacre, l'arrêté royal de mars 1838 disant qu'ils seront reçus par les députations, sur la production d'un simple certificat d'examen, délivré par deux médecins militaires.

« Cette disposition, d'une illégalité manifeste, introduit une distinction qui nulle part n'est dans la loi et aboutit à une absurdité. Elle force les députations à déclarer qu'elles ont reconnu propres au service des individus qu'elles n'ont pas vus.

« C'est une mesure humiliante pour les députations, et il est à désirer qu'elles s'entendent et refusent unanimement de se soumettre à l'arrêté du 10 mars 1838, attendu son illégalité.

« Et s'il y a beaucoup de sous-officiers parmi les rengagés c'est, dit-on, parce que le but primitif et avoué était de les engager plutôt que les soldats et les caporaux. (erratum Moniteur belge n°218 du 6 août 1842) J'ai démontré le contraire : « Il est aussi établi qu'au lieu de donner de préférence le grade de sous-officier, aux miliciens qui avaient contracté un engagement volontaire, on voit dans le cadre des sous-officiers un grand nombre de remplaçants de l'Association ; d'abord on avait voulu réserver aux enrôlés volontaires le moyen d'arriver à ce grade ; en exécution de la loi de 1818, il avait été stipulé dans le règlement du 12 novembre 1836, que, pour conserver les moyens d’accorder un juste avancement aux miliciens et aux enrôlés volontaires, les admissions des remplaçants de l'Association n'auraient lieu que dans le rapport d'un sous-officier à deux caporaux et à sept soldats ; mais le règlement du 14 janvier 1837 permit à l'Association d'engager un sous-officier sur quatre hommes, et la disposition du premier règlement a été totalement abrogée par le règlement du 24 février 1839. C'est pour faire cesser un pareil abus, qu'en exécution des art. 5 et 6 de la loi du 28 novembre 1818, et en vue de faire cesser aussi les principaux inconvénients résultant de l'action que ladite société exerce sur les sous-officiers de l'armée, le ministre de la guerre a provoqué l'arrêté royal du 14 octobre 1841, ayant pour objet une marque de distinction destinée à stimuler les rengagements volontaires des sous-officiers. »

L'association n'a pu dénier l'exactitude des calculs de la section centrale pour l'intérêt perçu par les actionnaires de l'association.

« Aussi, outre les frais d'administration qui s'élèvent à plus de fr. 20,000 annuellement, les dividendes particuliers, les fonds de réserve et les actionnaires ont encore reçu du montant de leurs actions :

« En 1837, 47/100 p. c.

« En 1838, 4 69/100 p.c.

« En 1839, 5 94/100 p. c.

« En 1840, 13 58/100 p.c.

« Ce qui fait, année commune, un intérêt de 6 17/100 p. c.

« Et si l'on fait attention que les actionnaires n'ont versé qu'un dixième du montant de leurs actions, on arrive à ce résultat qu'en quatre années ils ont perçu 246 p. c. de leur capital ; qu'année commune leur bénéfice est de 61 p, c., et qu'il a été pour 1840 de 135 p. c. ; tout cela est constaté par le rapport fait à l'assemblée générale des actionnaires de l'Association générale, le 12 mai 1841. »

Et remarquez-le bien, messieurs, ce n'est là que le résultat de 40 p. c. sur les bénéfices. Art. 16 du règlement du 16 août 1836.

Vous voyez qu'il leur reste nécessairement à partager le fonds de réserve, qui chaque année s'augmente de la moitié des sommes distribuées aux actionnaires, sans parler des 20 p. c. distribués aux membres de l'administration et des 20 p. c. destinés à un fonds particulier qui n'ont encore reçu aucune destination réelle.

La section centrale a dit dans son rapport, qu'il était facile de se convaincre par l'examen de l'état statistique que le nombre des remplaçants refusés par l'autorité militaire est augmenté depuis l'établissement de l'association générale.

Il y a dans ces mots, dit l'association, inexactitude d'abord et ensuite une insinuation gratuite, qui ne peut pas plus atteindre l'association que l'armée, quoi qu'elle soit dirigée contre toutes deux.

Comment prouve-t-elle l'inexactitude.

Les quatre premières années de ses opérations, donnent, avance-t-elle, une moyenne de rejet moindre que celle des trois années qui ont immédiatement précédé sa création.

Mais d'abord, pour établir une moyenne, on ne peut pas prendre quatre années d'un côté, et trois années de l'autre, on prend quatre années de chaque côté, et on ne néglige pas une année à volonté.

C'est une manière de calculer qui n'est propre qu'à l'association qui dans sa manière de discuter, ne connaît que le moyen de réussir, et pour y parvenir tout est bon.

La section centrale a fait son calcul en prenant la moyenne des cinq années écoulées, depuis l'existence de l'association, et des cinq années qui l’avaient précédées.

Or, il résulte de l'état statistique que le nombre des remplaçants refusés avant l'association, était :

en 1832, sur 2,297 miliciens de 22, ainsi le 104e.

en 1833, sur 853, de 25, ainsi le 34°

en 1834, sur 876, de 73, ainsi le 12e

en 1835, sur 1,006, de 120, ainsi le 9°

Pour ces années : sur 6,084, de 322.

Et depuis l'association :

En 1837, sur 1,190 miliciens, 100 refusés, donc le 12e

En 1838, sur 1,560, 139 refusés, donc le 11e

En 1839, sur 1,092, 74 refusés, donc le 15e

En 1840, sur 1,649, 118 refusés, donc le 14e

En 1841, sur 1,103, 268 refusés, dont le quart.

Pour ces années : sur 6,594, 699 refusés.

Vous aurez pour moyenne avant l'association que le nombre des remplacés refusés sera du 19e.

Et depuis l'association sera du 9e au 10e.

Mais il y a une observation bien essentielle à faire encore :

C'est que les chiffres figurant dans ce relevé sont loin de donner une idée exacte de la progression qu'a suivie la sévérité de l'autorité militaire ; en 1841 comme dans toutes les années depuis l'association, il faut observer que parmi les remplaçants admis par l'autorité civile figurent les remplaçants de l'association, dont aucun n'est refusé par l'autorité militaire, de manière que les rejets de celle-ci tombent exclusivement sur les remplaçants particuliers admis par la députation ; ainsi la moyenne devrait être établie d'une manière bien plus avantageuse pour les remplaçants particuliers.

Je crois, messieurs, avoir complètement justifié l'exactitude des calculs de la section centrale.

Je vous ai prouvé par là qu'il n'y avait de sa part aucune insinuation.

Le bonheur qu'annonçait l'association ne pouvait durer qu'aussi longtemps que la discussion était ajournée.

Je désire que l’honorable préopinant veuille me dire si l'association a été en droit de dénier qu'elle n'eût aucun agent en rapport avec l'armée ; si le chiffre des intérêts perçus par les actionnaires n'est pas beaucoup plus considérable que celui annoncé par la section centrale et enfin si la statistique des remplaçants refusés depuis l'association n'est pas de beaucoup plus du double de ce qu'elle était avant son établissement ; la démonstration que j'ai fournie sur ces trois points essentiels est incontestable.

M. de Mérode. - On ne peut contester que le remplacement ne soit utile. La meilleure classe des remplaçants se trouve parmi les anciens militaires, et parmi ces anciens militaires les plus utiles sont les sous-officiers. Ces considérations ont sans doute engagé le gouvernement, le ministère entier, à favoriser l'établissement de l’association pour l’encouragement du service militaire.

Le gouvernement s'est-il trompé ? a-t-il manqué son but ? pourquoi le ministre de la guerre n'agit-il pas alors contre les abus par son commissaire ? Si après avoir tenté ce moyen il n'obtient aucun résultat, pourquoi ne cherche-t-il pas à amener franchement la suppression de la société ?

Selon moi, que l'association ait obtenu ou non de grands bénéfices, qu'elle ait ou non rempli son but, on ne peut que désapprouver l'arrêté du 14 octobre 1841, qui prive de leur croix d'ancienneté les sous-officiers remplaçants ; ce n'est pas par des coups fourrés, des expédients, que procède un ministre à l'insu de ses collègues, Ce n'est point ainsi qu'il combat une société qui deviendrait nuisible en ne satisfaisant point aux désirs qui avaient décidé sa formation, il aborde le mal en face et non par l'invention subite d'une croix d'ancienneté dont il fait pour une classe de militaires une sorte de signe comparatif dégradant. Une croix qui se porte par celui qui l'a reçue au service, hors du service même et après congé, est une véritable décoration dont l'établissement appartient à la loi.

Pour moi, je ne puis que blâmer un arrêté semblable, parce qu'un gouvernement doit agir avec franchise et hautement, et ne pas prendre des moyens détournés comme celui qui a été employé. Je ne vois pas pourquoi l'on chercherait à dégrader la classe des remplaçants. J'ai connu plusieurs officiers qui l'ont été et qui ont remplacé pour pourvoir aux nécessités de leur famille. Il serait donc tout à fait injuste de dégrader cette classe de militaires.

Quant aux sous-officiers, je pense que c'est une institution très utile que celle qui tend à les conserver sous les drapeaux, Je regrette qu'on ne fasse rien pour cela. Dans les autres pays, on leur donne des places dans les administrations qui sont à leur portée. On pourrait les placer dans l'administration du chemin de fer où il y a un grand nombre de places, et où des hommes qui ont l'esprit d'ordre et d'obéissance seraient très utiles, au lieu d'y mettre des hommes qui n'ont rien fait pour le service de l'Etat.

Dans un gouvernement il faut que toutes les branches d'administration s'aident entre elles. C'est un tort que chaque ministère fasse son ménage à part, sans s'inquiéter de ce que font ses collègues. J'espère que plus tard les ministres comprendront mieux la solidarité qui existe entre eux.

Puisqu'on a traité indistinctement la question des sous-officiers, je dirai un mot des soldats.

L'honorable M. Meeus a parlé du droit de remplacement ; On devrait, autant que possible, donner aux pères de famille les moyens de faire remplacer leurs enfants

Tous les militaires devraient aussi avoir des droits de congé égaux. Or, dans l'état actuel des choses, tout individu qui ne peut payer sa masse, doit rester indéfiniment sous les armes, tandis que celui qui paie sa masse est pour ainsi dire libéré presque aussitôt qu'il entre au service. Il en résulte que les régiments se composent d'hommes qui sont retenus sous les armes pour leur faire payer leur masse. Ceux qui veulent se faire remplacer vendent, comme l'a dit l'honorable M. Meeus, leur champ, un bonnier de terre pour avoir une somme suffisante pour fournir un remplaçant ; eh bien ! d'autres, pour obtenir de quoi payer leur masse, vendent leurs vaches, les objets les plus nécessaires à la famille.

C'est là un véritable abus. J'espère qu'on agira avec plus de justice et qu'à l'avenir, les congés seront accordés en raison du temps qu'on a passé au service et non du plus ou moins de promptitude que le soldat met à s'acquitter de sa masse. Nous n'avons pas une armée pour qu'elle fasse rentrer dans le trésor public des masses ; le but de la formation d'une armée doit être plus élevé.

Je dirai aussi un mot du couchage des soldats, J'ai déjà appelé l'attention de M. le ministre de la guerre sur ce point ; je lui demanderai s'il a pris des mesures pour que désormais les soldats couchent seuls, comme cela est établi en France et en Prusse. S'il n'en était pas ainsi, je ne pourrais plus à l'avenir voter pour la loi du contingent de l'armée. Mais j'espère que M. le ministre s'est occupé de cet objet et qu'il nous donnera à cet égard les renseignements désirables.

M. Meeus. - Messieurs, je dois quelques mots de réponse à l'honorable M. Lys. D'abord je ferai remarquer à la chambre que M. le rapporteur de la section centrale ne m'a pas suivi sur le terrain où j'ai d'abord porté la question. Il s'est contenté d'incriminer les actes de l'association. Pour moi, je vous le déclare, que le gouvernement en définitive croie de son devoir aujourd'hui de défaire ce qu'il a fait en 1837, je puis en être mécontent pour ma part, à raison de ce qu'on m'a engagé et de très haut à être de cette affaire ; mais je vous le déclare, ce n'est pas là que je porte la question. La question tout entière, je la porte sur la base du remplacement. Je dis que le remplacement est en définitive atteint par l'arrêté du 14 octobre 1841, et c'est là, il faut bien le dire, la question principale dont devait s'occuper M. le rapporteur de la section centrale ; c'est sur ce point que j'attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, du gouvernement tout entier, parce qu'encore une fois tout ce qui a rapport à la milice est dans l'intérêt des pères de famille, et que c'est M. le ministre de l'intérieur qui a dans ses attributions cette organisation importante

L'honorable M. Lys vous a cité plusieurs points où il croit l'association vulnérable. Messieurs, je ne répondrai pas à l'honorable M. Lys, car je lui ai répondu une fois pour toutes. Je demande s'il est exact, oui ou non, que le gouvernement n'a jamais demandé à l'association le redressement de ce qu'on appelle des griefs. Alors, n'attaquez pas l'association, attaquez le gouvernement ; car encore une fois, s'il existe des griefs, comment le gouvernement, qui a un commissaire près de l'association, n'en a-t-il jamais demandé le redressement ? Comment se fait-il que jamais le ministre de la guerre, s'il était mécontent du commissaire, n'a demandé à la société même de modifier ce qu’il croyait devoir être dans l'intérêt général, dans l'intérêt de l'armée ?

L'honorable M. Lys vous a dit que la part des bénéfices était beaucoup plus forte que M. le directeur gérant ne l'avait dit. Mais encore une fois, pour moi c'est une question qui importe peu. Pour ma part, je suis charmé de pouvoir déclarer que, président honoraire de cette association, jamais je n'ai touché la moindre part de bénéfices. Mais il me reste à dire que, quant aux administrateurs, il est juste et naturel qu'ils reçoivent un prélèvement sur les bénéfices, alors qu'ils n'ont pas de traitements. C'est ce qui se passe dans une foule de sociétés, et je ne sais ce qu'on peut trouver en cela de blâmable.

M. le rapporteur a dit que le prix des remplaçants était augmenté depuis que l'association existait. Mais en 1835, alors, remarquez-le bien, que la duré du service n'était que de cinq ans, l'honorable M. Dumortier disait : « Les remplaçants coûtent aujourd'hui 3,000 fr. » Eh bien ! aujourd'hui ils ne coûtent que 8 à 900 fr. Et cependant remarquez-le bien, le terme de cinq ans a été porté à huit. On dit : l'association fait payer 1,700 fr. Encore une fois pourquoi ? Parce que, lorsqu'un particulier prend un remplaçant ordinaire, il paie tous les frais, tous les actes qu'il faut passer, et cela s'élève à 250 fr. De plus, il reste chargé de toute responsabilité pour les dernières années, et cela est évalué à 635 fr. Or, l'association prend tout cela à sa charge. Ajoutez 800 a 900 fr. vous arriverez bien à 1,700 fr.

Vous le voyez donc, l'association n'a pas fait augmenter le prix des remplaçants, et comme je l’ai dit, précisément parce que l'association n'a pris et ne prend ses remplaçants que dans une classe où on n'en prenait pas auparavant ; et le gouvernement lui-même a cru dans le temps utile qu’il en fût ainsi.

Si aujourd'hui, comme l'a dit l'honorable comte de Mérode, ce que le gouvernement approuvait en 1837, 1838, 1839 et 1840, il ne l'approuve plus le 14 octobre 1841, alors il eût dû attaquer loyalement l'association ; mais ne venez pas, par des moyens détournés, détruire une des garanties que les pères de famille demandent de pouvoir exercer librement, le droit de remplacement. Et ne soyez pas surpris si d'ici à quelques années vous voyez déposer sur le bureau de la chambre une masse de pétitions de pères de famille qui seront les victimes des mesures que vous prendrez contre le remplacement. Encore une fois, c'est sur ce point que j'appelle l'attention de la chambre.

Je n'en dirai pas davantage. Je craindrais d'abuser de vos moments. J'ai répondu d'une manière générale à l'honorable M. Lys. Je ne veux pas discuter tout ce qui regarde l'association. Encore une fois, je place la question sur un autre terrain.

M. de Garcia. - Messieurs, en prenant la parole, mon intention n'est pas d'attaquer l'arrêté du 14 octobre, An contraire, cet arrêté me paraît et constitutionnel et légal. Je veux me placer sur le véritable terrain où l'honorable M. Meeus vient de poser la question.

L'association rend-elle service au pays en favorisant le remplacement ? Voilà la question, la seule question que je veuille examiner,

A mes yeux, cette question doit être examinée sous deux points de vue : Favoriser le remplacement est une nécessité du jour ; .. d’un autre côté, il faut que ce soit sans blesser les intérêts de l’armée, c'est-à-dire, qu'il faut que l'armée soit composée de bons soldats. Les privilèges (car je dois me servir de ce mot), qui sont accordés à l'association pour opérer le remplacement, sont-ils légaux ? J'ai déjà en quelque sorte tranché la question, en employant le mot de privilège.

Messieurs, l'association pour l'encouragement militaire a été, je dois le dire, reçu généralement dans le pays avec confiance ; on a espéré que cette association atteindrait le double but que je viens d'indiquer, c'est-à-dire qu'elle favoriserait l'encouragement au service et la facilité du remplacement. Pour atteindre ce but, l'association (je dois nécessairement parler de l'association), a obtenu depuis 1836 différents arrêtés. Or, ces arrêtés constituent de véritables privilèges en faveur de cette société, au détriment des particuliers qui fournissent des remplaçants. Il suffit de donner lecture des différents arrêtés accordés en faveur de cette société pour démontrer qu'elle existe comme un privilège dans le pays.

Messieurs, les principaux avantages que le département de la guerre a accordés pour engager les militaires dont le temps de service est expiré, à contracter avec l'association, sont d'abord la conservation de leurs grades à ceux de ces militaires qui en sont pourvus et d'être aptes a l'avancement comme les autres militaires, de pouvoir même être nommés officiers. Je demanderai si cette règle existe pour tous les remplaçants, pour ceux qui sont fournis par les particuliers comme pour ceux qui sont fournis par l’association. S'il en était ainsi, il n'y aurait pas de privilège ; mais, dans tous les cas, à mes yeux cette mesure ne devrait pas exister. J'ai été fort étonné d'entendre l'honorable comte de Mérode dire que les remplaçants devaient pouvoir obtenir le grade d’officier. Quant à moi, j'ai eu l'honneur d’être militaire ; il est possible qu’à cette époque quelques remplaçants soient parvenus au grade d'officier, mais j'ai toujours vu mes camarades et généralement tous les officiers considérer comme un déshonneur d'avoir pour camarades des gens qui ont fait argent de leur personne. Sous ce point de vue encore, l'arrêté du 14 octobre aurait mon assentiment, parce qu'il s'oppose à ce qu'un remplaçant parvienne au grade d’officier et obtienne même la croix d'ancienneté.

Un autre avantage accordé aux remplaçants fournis par la société, c’est de conserver les droits qu'ils ont acquis pour leurs services et leurs chevrons. Je demanderai sil en est de même des autres remplaçants, des remplaçants fournis par les particuliers.

Un troisième avantage accordé à ces remplaçants, et celui-ci ne fait point de doute sur son illégalité, c’est de pouvoir se rengager sans se déplacer, c’est-à-dire sans paraître devant la députation du conseil provincial. Messieurs, la loi est formelle à cet égard et un arrêté ne pouvait déroger à la loi. Elle veut que le remplaçant passe devant la députation et devant le régiment. Il s’agit ici d’un privilège épouvantable, d’autant plus épouvantable que les chefs de corps sont intéressés à ce recrutement ; que plusieurs d’entre eux ont des actions dans l’association et que dans les corps et dans les régiments, il est accordé des primes et des récompenses aux officiers, sous-officiers, chirurgiens, etc. , qui sont appelés à concourir à faire recevoir ou à procurer des remplaçants pour l’association pour l’encouragement du service militaire.

Je le demande, messieurs, de quel droit et dans quel but existe un ordre de chose semblable ? Evidemment ce ne peut être ni dans l’intérêt des pères de famille, ni dans l'intérêt de l'armée. Voici comment s'exprime le rapport de la section centrale à cet égard :

« Il est à regretter que les intérêts de l'association paraissent en opposition directe avec les intérêts de l'armée et du pays ; le pays, autant que l'armée, semble intéressé à ce qu'il y ait beaucoup d'enrôlements volontaires ; on ne retient ordinairement sous les armes que le nombre de miliciens nécessaire pour compléter avec les volontaires et les remplaçants l’effectif exigé, pour faire face aux besoins du service ; le reste est renvoyé en permission, et ce sont autant de miliciens qui rentrent dans leurs foyers ; Ainsi, plus l’armée compte de volontaires dans ses rangs, moins il faut retenir de miliciens sous les drapeaux.

« L’armée, de son côté, éprouve un double préjudice, et par le fait du décroissement des enrôlements volontaires, et par l’introduction dans son cadre d’un nombre disproportionné de sous-officiers remplaçants ; car, malgré tous les palliatifs possibles, les militaires qui contractent un engagement à prime, pour des tiers, seront toujours considérés dans l’armée comme remplaçants, et, s’il est vrai que l’idée attachée à ce mot soit un préjugé, c’est, à coup sûr, un préjugé honorable, qu’il faut respecter.

« Ce qui a pu contribuer à amener ce résultat, c’est qu’il résulte d’une note remise par M. le directeur gérant de l’association, que plusieurs officiers supérieurs et chefs de corps auraient accepté des intérêts dans cette entreprise. D’après cette même note, les agents de l’association ont en outre promis et décerné des primes, savoir : dix francs par homme au secrétaire des colonels, vingt-cinq francs aux capitaines quartiers-maîtres, cinq francs aux sergents-majors, six francs à chacun des officiers de santé, chargés de visiter et contre-visiter les sujets. »

Je vous le demande, messieurs, n’est-ce pas un véritable privilège qu’une disposition semblable, qui autorise l’association à faire admettre des remplaçants sans qu’ils aient été reçus par la députation ? N'est-ce pas là une véritable illégalité ? Aussi est-ce à cause de ce privilège, de cette illégalité, que j'attaque l'association, et non pas parce qu'elle fait des bénéfices.

On a mis en avant des sentiments de philanthropie, on a parlé au nom des pères de famille ; mais, messieurs , il est facile de parler ainsi quand on réalise 60 p. c. de bénéfice.

Si l'on veut faire quelque chose dans l'intérêt des pères de famille, que le gouvernement se charge du remplacement ; qu'il le fasse sans bénéfice. Voici le système qu'on pourrait prendre : Il y aurait des rôles de rengagement ; il serait fait au ministère une liste de tous les soldats qui voudraient reprendre du service ; les citoyens pourraient se présenter au ministère pour être remplacés, et l'on ferait également une liste par ordre de date de ceux qui feraient cette demande ; ainsi les citoyens qui voudraient se soustraire au service militaire n'auraient qu'à s'adresser au ministère de la guerre, et pourraient se faire remplacer moyennant le paiement de la somme qui serait fixée par le gouvernement, par exemple, mille francs ; de cette manière, ils seraient déchargés de toute obligation en ce qui concerne la milice. D'après ce système, qui a été mis en avant dans la section centrale, on adoucirait ce qu'a de rigoureux la loi sur la milice nationale ; le gouvernement accepterait des engagements même en dehors de l'armée, et il en résulterait peut-être qu'un jour la conscription deviendrait une chose insignifiante, que l'on trouverait la plus grande partie du contingent de l'armée dans les volontaires. Surtout si, comme nous devons l'espérer, l'état de paix, dans lequel se trouve l'Europe, continue à exister.

Je le répète, messieurs, ce système a été proposé dans la section centrale, et je le crois de nature à rendre de grands services aux pères de famille ; au moins alors il n'y aurait pas de privilèges, et nous ne verrions pas le gouvernement protéger une association qui fait marché de chair humaine. C'est là, messieurs, une chose odieuse, et le peuple méprise les agents qui se chargent d'un trafic semblable.

L'honorable M. Meeus s'est étendu longuement sur d'autres points ; je ne prétends pas le suivre dans tous les détails où il est entré, mais il a prétendu que nous voulons entraver le remplacement ; quant à moi, je ne suis pas contraire au remplacement, mais je dois dire que tel qu'il se fait aujourd'hui, c'est une véritable lèpre pour l'armée. J'ai la certitude que l'association fait admettre à peu près tous les remplaçants qu'elle propose ; je connais des personnes qui se sont fait remarquer et à qui tout le monde disait : « Adressez-vous à l'association, et vous aurez beau jeu, mais si votre remplaçant est présenté par un particulier, vous pouvez être certain qu'il ne sera pas reçu. »

En résumé, messieurs, si M. le ministre ne déclare pas qu'il rapportera l'arrêté qui dispense l'association de faire recevoir les remplaçants par la députation provinciale, je voterai contre le subside, non pas pour le subside en lui-même, mais pour manifester ma désapprobation de ce que je considère comme un grief révoltant.

L’arrêté du 14 octobre 1841 a sans doute frappé l'association, mais il n'a pas fait assez ; il faut qu'on rapporte l'arrêté dont j'ai parlé tout à l'heure et qui crée au profit de l'association un privilège contraire à la loi sur la milice ; si M. le ministre de la guerre ne me donne sa parole qu’il rapportera cet arrêté, je voterai contre le subside, et contre toutes les mesures qui pourraient être proposées par le département de la guerre, cette conduite étant le seul moyen constitutionnel de faire cesser les abus et les griefs.

M. Lys, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Meeus se plaint de ce que je ne l'ai pas suivi sur le terrain où il s'est placé et de ce que j’aurais fait de longues observations sur certains points. Je dirai d'abord que je suis loin de vouloir qu'on ne favorise pas le remplacement, mais je veux aussi qu'on favorise les volontaires ; je crois m'être bien placé sur le terrain de l'honorable comte Meeus lorsque je lui ai répondu que le remplacement n'est pas plus atteint par l'arrête du 14 octobre 1841 qu'il ne l'avait été depuis les arrêtés de 1832 et de 1837. L'arrête de 1832 considérait le remplacement comme un acte déshonorant, l'arrêté du 14 octobre 1841 n'a pas fait d'avantage. Par l'arrêté de 1837 rien n'a été changé à l'arrêté de 1832, si ce n'est que l'arrêté de 1837 conservait au remplaçant les chevrons acquis, droit dont le privait l'arrêté de 1832 ; mais l'arrêté de 1837 ne lui permettait pas d'acquérir de nouveaux chevrons depuis qu'il avait pris la qualité de remplaçant.

Je désire, messieurs, qu'on favorise le remplacement, mais que ce ne soit point au détriment des volontaires ; or, dans l'état actuel des choses, les remplaçants de l'association sont favorisés, ils ont un véritable privilège, en ce qu'ils continuent de jouir de leurs grades, ce qui empêche les volontaires de recevoir aucun avancement.

M. le comte Meeus s'est plaint en second lieu de ce que j'étais entré dans de longues considérations sur divers points ; mais je ferai remarquer à M. le comte Meeus que j'ai suivi pas à pas les observations renfermées dans le mémoire que l'association nous a fait distribuer ; il fallait bien que, comme rapporteur, je vinsse réfuter toutes les fausses allégations que contient ce mémoire.

En 3ème lieu, M. le comte Meeus a dit qu'avant 1835 le remplacement était beaucoup plus cher qu'aujourd'hui ; à cet égard, je raisonne, moi, d'après ce qui s'est passe dans ma province. Il est constant que dans la province de Liége les remplaçants ne coûtaient pas 1,000 francs avant l'existence de l'association ; or aujourd'hui l'association fait payer 1,700 francs pour un remplaçant. Je dis que si l'association voulait faire quelque chose d'utile, si elle voulait favoriser les malheureux pères de famille dont on a tant parlé, elle se contenterait de bénéfices beaucoup moindres et fournirait des remplaçants à beaucoup meilleur marché.

M. le ministre de la guerre (M. de Liem) - L'arrêté du 14 octobre 1841, qui institue les croix d'ancienneté et de bons services, a été l'objet d'attaques intéressées de la part de l'association générale pour l'encouragement du service militaire. Il a été répondu par des notes communiquées à la section centrale, et que celle-ci a reproduites dans son rapport à toutes les objections soulevées par le directeur gérant de cette société anonyme, en même temps qu'il a été donné des éclaircissements sur le but et le résultat des opérations de cette société elle-même. Je n'ai donc plus à m'occuper de cet objet. Cependant, si quelques membres de la chambre n'étaient pas suffisamment éclairés sur la question morale, je pourrais mettre sous leurs yeux des pièces qui, sans aucun doute, porteraient la conviction dans leur esprit.

Il ne me reste à répondre qu'à quelques objections qui paraissent puisées dans l'intérêt général, ou dans l'intérêt de la légalité.

Est-il vrai que l'arrêté du 14 octobre 1841 tende à rétrécir la base du remplacement, et à aggraver, par cela même, les charges de la milice ?

Je ne le pense pas, messieurs : l'arrêté du 14 octobre ne s'adresse qu'aux sous-officiers, et ce n'est pas là que se trouve la souche du remplacement. Mais en supposant que cet arrêté détourne quelques sous-officiers du dessein de se faire remplaçants, ces sous-officiers resteront au service comme volontaires, et dès lors leur enrôlement profilera à la généralité des miliciens, au lieu de profiter exclusivement à la classe qui a les moyens de se faire remplacer ; ils resteront au service, parce que le motif qui les empêchera de se faire remplaçants sera le désir d’obtenir la croix d’ancienneté, et que ce ne serait pas en quittant le service que ce désir pourrait être satisfait. Il ne faut jamais perdre de vue que l’enrôlement volontaire est plus profitable aux familles que la facilité du remplacement.

Tous les miliciens, indistinctement, ont intérêt à ce que l’armée se recrute du plus grand nombre possible de volontaires, d’abord, parce que leur présence sous les drapeaux permet d’accorder des congés à un nombre égal de miliciens, ensuite, parce que ceux d'entre eux qui font partie de la milice viennent en déduction du contingent de leur commune (articles 19 et 30 de la loi du 8 janvier 18I7, 2,12 et 15 de la loi du 28 novembre 1818). Toute mesure qui aurait pour résultat d'augmenter le nombre des enrôlés volontaires serait donc favorable aux familles lors même qu'il devrait en résulter une diminution dans le nombre de remplaçants. L'arrêté du 14 octobre aura ce résultat, quant aux sous-officiers seulement, et il produira en outre un bien moral immense, en détournant du dessein de se faire remplaçants des militaires dans la classe desquels l'armée doit recruter ses officiers.

Je puis d'ailleurs donner l'assurance à la chambre qu'il n'est aucunement dans mon intention de rétrécir la base du remplacement. Dans une des notes remises à la section centrale, mon prédécesseur avait fait pressentir le dessein de présenter à la chambre un projet de loi qui réglât le remplacement direct au corps, de telle sorte que la totalité du prix passerait des mains du remplacé dans les mains du remplaçant. Je n'ai pas abandonné ce projet, dont la réalisation aurait pour résultat de faire diminuer considérablement le prix du remplacement. Ceux dont les alarmes n'ont d'autre cause que l'intérêt des familles peuvent donc se tranquilliser : cet intérêt n'a jamais couru moins de danger. .

Une autre question fort grave a été soulevée à l'occasion de l'arrêté du 14 octobre. On s'est demande si cet arrêté n'avait pas institué un ordre militaire, et si, par suite, il ne pouvait pas être considéré comme inconstitutionnel.

La solution de cette question dépend du sens que l'on attache aux mots ordre militaire, qui se trouvent écrits dans l'art. 76 de la constitution.

Si, dans cette disposition, qui est placée immédiatement après celle qui est relative aux titres de noblesse, le congrès a eu en vue les ordres de chevalerie, la négative n'est pas douteuse, attendu que les croix d'ancienneté et de bons services ne confèrent ni le titre de chevalier, ni aucun autre titre d'ordre.

Mais s'il a eu en vue des décorations, des ornements, des signes distinctifs quelconques, alors, non seulement la croix à l’ancienneté, mais toutes les croix, les médailles, les chevrons, les galons, les épaulettes même, sont inconstitutionnels, à moins d'avoir été décrétés par une loi.

Or, il suffit d'ouvrir le premier dictionnaire venu, pour acquérir la certitude qu’il n'y a pas de doute possible. Les ordres, proprement dits, sont des corporations, et il n'y a point d'ordre sans chevalerie, sans une sorte de noblesse. Le titre de chevalier de la Légion d'honneur fût même rendu héréditaire, dans certains cas, par un décret impérial. Tous les ordres ont un grand-maître, qui est ordinairement le souverain du pays. Ils ont une organisation hiérarchique, qui suppose l'existence d'une corporation et d’un ordre, des chevaliers, des officiers, des commandeurs, des grands-officiers. L’institution des ordres relève du droit public. Tel ordre est reconnu par toutes les chancelleries européennes, tel autre ne l'est pas, il y a pour cela des règles spéciales qui n'ont été déterminées qu'en vue des titres de chevalerie qu'emporte toujours la collation des ordres, et qui, par cela même, ne sont d'aucune application aux médailles et aux croix qui ne confèrent point de titre.

Il est incontestable que le congrès, en se servant des mots ordres militaires, les a entendus dans leur sens propre, c'est-à-dire dans le sens d’ordres de chevalerie, C'est pour cela qu'il a placé la disposition relative aux ordres militaires immédiatement après celle qui concerne les titres de noblesse. Le rapport de la section centrale du congrès ne laisse d'ailleurs aucun doute à cet égard. Voici les termes qu'on lit dans ce rapport :

« Des sections ont proposé d'attribuer au chef de l'Etat le devoir de conférer les titres de noblesse et les ordres civils et militaires. La section centrale a partagé l'avis de ces sections, quant aux titres de noblesse, à la majorité de huit voix contre trois. Relativement aux ordres de CHEVALERIE, la section centrale a adopté à l'unanimité leur avis quant aux ordres militaires, et elle l'a rejeté quant aux ordres civils. »

Il s'agissait donc bien, au congrès, d'ordres de chevalerie, comme le dit, en termes exprès, le rapporteur de la section centrale, et c'est pour cela que les titres de noblesse et les ordres civils et militaires furent confondus dans la même discussion.

C'est dans ce sens aussi qu'on l'entendit plus tard, dans la chambre des représentants, lorsqu'on y discuta la constitutionnalité d'un ordre civil. « L'art. 76 de la constitution, » y dit-on alors « est une conséquence de l'art. 75, qui n'est pas obstatif à l'ordre civil, puisque le Roi a le droit de conférer des titres. Cet article ne fait que corroborer la première disposition, en prescrivant au Roi l'institution d'un ordre militaire. » (il des 6 et 7 juillet 1832). Conférer un titre et conférer un ordre était donc, dans la pensée de la chambre, deux choses équivalentes : cela prouve bien qu'elle n'avait en vue que les ordres de chevalerie, les seuls auxquels cette dénomination puisse être donnée, les seuls auxquels des titres soient attachés.

L'article 76 de la constitution n’a donc aucune espèce de rapport avec l'institution des croix d'ancienneté. Ces croix ne sont pas plus des insignes d'ordre, que les nombreuses croix et médailles décernées eu Russie, en Prusse, en Hanovre, en Espagne, en Portugal, à la suite de quelque événement ou de certaines campagnes ; elles ne sont pas plus des insignes d'ordre que ne furent en France, la décoration du Lys et la croix de Juillet ; en Hollande, la médaille de 1814 et la croix de bronze de 1831 ; et que ne sont enfin, dans notre pays, la croix de fer et les médailles décernées par le département de l'intérieur, pour acte de dévouement, de courage, etc.

J'espère, messieurs, que ces considérations suffiront pour vous démontrer qu'il n'y a, dans l'arrêté du 14 octobre 1814, rien d'inconstitutionnel ni d'illégal, et qu'aucune de ses dispositions n'est contraire à l'intérêt public ni à l'intérêt des familles, dans lesquelles se recrute la milice nationale.

Messieurs, j'aurai encore quelques mots à ajouter pour répondre à différentes questions qui m'ont été adressées, entre autres, par l'honorable M. de Garcia, sur le point de savoir si un remplaçant peut devenir officier. A cette question, je répondrai que le gouvernement évitera toujours autant que possible à donner des grades à des remplaçants ; et qu'il ne le fera que dans des cas graves.

La deuxième question posée par l'honorable membre est celle-ci : « Les remplaçants ordinaires ou de l'association perdent-ils leurs chevrons ? »

Pour répondre à cette question, je devrai rappeler différents arrêtés qui ont été portés à cet égard. L'arrêté royal du 8 juin 1832 détermine la nature du service donnant droit aux chevrons, et le service des remplaçants en est formellement exclu. Le même arrêté statue que le remplacement fera perdre le droit acquis aux chevrons. L'arrêté du 14 janvier 1837 a fait une exception à la dernière règle, en faveur des remplaçants fournis par l'association, en donnant à ces remplaçants le droit de conserver les chevrons acquis pour des services antérieurs ; mais les services subséquents du remplaçant continuent à ne pas donner droit aux chevrons. L'honorable M. de Garcia a posé une 3ème question, et il a demandé qu'on rapporte l'arrêté qui autorise l'admission des remplaçants de l'association sans qu'ils doivent remplir les formalités prescrites pour les autres remplaçants. Cette question est plus difficile à résoudre que les deux autres, attendu qu'elle doit être examinée et qu'elle se rattache à la loi sur la milice ; je m'occuperai de cette affaire.

M. le comte de Mérode a fait quelques observations sur un sujet tout à fait en dehors de celui que je viens de traiter, mais sur lequel je puis répondre immédiatement, c'est relativement aux plaintes que l’honorable membre a déjà faites plusieurs fois dans cette chambre relativement au couchage des soldats ; il s'est plaint surtout du couchage à deux ; déjà différentes fois j'ai écrit aux régences des villes pour les engager à améliorer le couchage et à remplacer le couchage à deux par le couchage isolé. Déjà plusieurs régences ont satisfait à la demande du département de la guerre, et j'ai lieu d'espérer que les autres suivront cet exemple.

M. de Garcia. - J'avais demandé qu'on rapportât l'arrêté qui établit un privilège en faveur de l'association pour l'encouragement du service militaire. M. le ministre de la guerre dit qu'il ne peut répondre à ma question, attendu que cette disposition se rattache à la loi sur la milice. Je ne demande pas mieux que de rattacher cet objet à la loi sur la milice ; me renvoyer à cette loi, c'est dire implicitement qu'on rapportera l'arrêté qui est contraire à la loi, puisque celle-ci exige que les remplaçants soient visités par les députations permanentes et par les chefs des corps. J'espère donc que M. le ministre de la guerre prendra mes observations en considération, et qu'il rapportera l'arrêté dont l'illégalité est incontestable ; et c'est plein de confiance dans ses intentions à cet égard que je voterai le crédit.

M. le ministre de la guerre (M. de Liem) - Comme cette question ne concerne pas uniquement mon département, je devrai en conférer avec mes collègues.

M. Rodenbach. - M. le ministre de la guerre vient d'assimiler la croix de fer aux médailles qu'on accorde aux anciens militaires. Le ministre a eu tort de faire cette assimilation. C'est la nation, et non un ministère, qui a institué la croix de fer. On l'a instituée pour récompenser ceux qui avaient versé leur sang ou qui avaient rendu d'autres services éminents, pour conquérir l'indépendance de la patrie. Si nous siégeons ici, c'est grâce au dévouement des hommes qui ont obtenu la croix de fer. M. le ministre de la guerre n'a sans doute pas voulu jeter du blâme sur la croix de fer qui est aussi respectable que la croix d'un ordre quelconque. (Sans doute.)

Je le répète, cette croix est le prix du sang répandu pour l'indépendance de la patrie.

M. de Garcia. - Messieurs, je ne pense pas qu'on puisse voir la moindre intention offensante dans la comparaison qu'a faite M. le ministre de la guerre ; M. le ministre s'est borné à comparer la médaille accordée aux anciens militaires pour services fidèles, à la croix qu'on a conférée aux braves qui ont versé leur sang pour l'indépendance du pays. Quel déshonneur y a-t-il en cela ? Qu'y a-t-il là de blessant pour ceux qui ont mérité et obtenu cette marque de gratitude nationale ? Je n'en conçois aucun, et la comparaison ne peut être que favorable aux uns et aux autres.

M. le ministre de la guerre (M. de Liem) - Messieurs, je n'ai voulu jeter aucun blâme sur la décoration de la Croix de fer ; cette décoration est très respectable, et je la respecte ; j’ai seulement voulu faire observer que la décoration de la croix de fer n'était pas un ordre de chevalerie.

M. Lebeau. - Messieurs, l'attention de M. le ministre de la guerre ayant été appelée sur l'importante question du remplacement, je suis tout naturellement amené à lui soumettre quelques doutes à cette occasion.

Je regarde la faveur accordée aux remplacements comme un véritable bienfait, et sous ce rapport, je crois qu'il est dans les devoirs du gouvernement de l'encourager. Mais dans toutes les combinaisons, il resterait un inconvénient qui me paraît assez grave, ce serait la participation des officiers de l'armée aux bénéfices d'une société quelconque qui s'occuperait du remplacement militaire.

Je dis, messieurs, que cet inconvénient me paraît assez grave. D'abord, il accrédite, dans l'opinion publique, la supposition que la société qui intéresse à ses bénéfices une partie de l'armée, a, par la seule force des choses, un véritable monopole, et qu'ainsi d'autres sociétés qui n'appelleraient pas des officiers de l'armée à une participation dans leurs bénéfices sont nécessairement entravées, et que dès lors la concurrence n'est pas possible. Les citoyens qui ont des fils à faire remplacer sont ainsi sous l'empire de cette idée, qu'ils doivent nécessairement en passer par l'association ; cette opinion peut être erronée, elle peut faire injure et à la société et aux militaires de haut grade qui en font partie ; mais enfin cette opinion existe, et il est impossible qu'elle n'existe pas.

Il y a, me semble-t il, un autre inconvénient, que je soumets volontiers à l’expérience de M. le ministre de la guerre, à laisser participer des officiers supérieurs aux bénéfices d'une association destinée à favoriser le remplacement ; c'est qu'on peut altérer ainsi ce principe même de la discipline, c'est qu'on peut affaiblir dans le soldat le respect et la sympathie qu'il doit avoir pour ses chefs. (C'est bien vrai.) C'est qu'au lieu de lui laisser voir dans ses chefs des tuteurs, une autorité paternelle, on les lui fait envisager en quelque sorte comme des exploiteurs de lui soldat (nouvelle adhésion). Je ne dis pas que cela soit : je ne dis pas que l'intérêt que peut avoir un officier supérieur dans une association semblable soit de nature à le faire manquer à ses devoirs ; mais il suffit que cela soit possible dans quelques cas exceptionnels et qu'il y ait un prétexte de le supposer, pour porter la plus funeste atteinte à la discipline, pour relâcher, je le répète, ces liens de respect et de confiance qui doivent constamment unir les subordonnés au supérieur. J'ai vu plusieurs officiers généraux tellement convaincus de l'atteinte que leur participation à de semblables bénéfices pouvait porter à la discipline, à l'union des chefs et des soldats, qu'ils se sont obstinément refusés aux offres les plus pressantes, qui leur ont été faites par des membres de la société, de prendre part à ses bénéfices, sans même bourse délier, et avec engagement de faire toutes les avances et de leur donner, en quelque sorte, des actions gratuitement. Je pourrai citer tels officiers supérieurs qui m'ont dit avoir résisté à de pareilles offres, dans la conviction où ils étaient qu'ils perdraient à l'instant même dans le respect et la sympathie de leurs subordonnés.

Ces considérations, je les produits sans aucune arrière-pensée contre une institution quelconque, mais guidé seulement par la sollicitude que je porte à l'armée ; je les soumets volontiers à l'expérience de M. le ministre de la guerre.

M. Meeus. - Messieurs, avant de répondre à M. le ministre de la guerre, je dois un mot de réplique à l'honorable préopinant.

S'il est vrai que des offres aient été faites à un officier, n'importe de quel grade, d'accepter gratuitement des actions de l'association, ce n’est autre chose qu'un crime à mes yeux, et quand on avance de tels faits, il faut les prouver, car moi, qui ai l'honneur d'être président honoraire de l'association, j'enverrais sur l'heure ma démission si de tels faits m'étaient prouvés.

En fait d'honneur, je tiens jusqu'à preuve du contraire que tous les administrateurs et directeurs-gérants de l'association sont des hommes sur le compte desquels il n'y a rien à dire.

Messieurs, c'est un fait très grave que celui qui a été avancé par l'honorable préopinant. Je le somme d'administrer la preuve de ce fait, car enfin il faut savoir qui a poussé l'impudence jusqu'à offrir gratuitement des actions à un officier.

Messieurs, je répondrai en peu de mots à l'honorable ministre de la guerre. Je demanderai à M. le ministre de la guerre s'il est exact oui ou non, que par les lois que vous avez arrêtées, vous avez élargi les bases du remplacement. Est-il vrai que par l'arrêté du 14 octobre 1841, vous diffamez le remplacement ? La croix se perd par le remplacement, par la dégradation, par la désertion, etc. ; dans ces deux derniers cas, il est possible de récupérer la croix, mais pour le cas de remplacement jamais. Et vous croyez que des remplaçants se trouveront encore aussi facilement lorsque l'arrêté sera exécuté !

Qu'arrivera-t-il pour l'armée elle-même, si la prime à accorder pour les miliciens qui veulent se faire remplacer, si cette prime grossit assez, pour que les sous-officiers décorés dont le terme est expiré, préfèrent cependant se faire remplaçants ? Eh bien, ils perdent la croix, mais ils ne perdent pas leur grade de sous-officier. Ainsi, vous allez voir dans l'armée deux catégories de sous-officiers. Quel respect ces sous-officiers pourront-ils inspirer à l'armée ?

Quant à ce qu'a dit M. de Garcia, qu'il était facile de faire du sentiment, quand on gagne 60 p. c., je ne puis en définitive que lui rappeler ce que j'ai dit, c'est-à-dire que je n'admets pas que les bénéfices de l'association aient été aussi élevés. Le chiffre pour 4 années se réduit à 135,000 francs. Ce chiffre en dit plus que tous ces tantièmes dont on vient nous parler.

Mais remarquez-le bien, l'honorable M. de Garcia, ayant été officier, ce que j'ignorais, peut certainement avoir conservé un de ses anciens préjugés contre le remplacement ; mais moi, qui n'ai pas été militaire, je considère ce qui convient surtout à l'action civile, au bien-être des citoyens, aux pères de famille et pour ma part, je vous déclare que dans un pays comme le nôtre, neutre en principe, ce que je désire, c'est que l'action du remplacement ne soit pas entravée, ne soit pas gênée : or, elle sera sans aucun avantage pour l'armée, parce que vous allez créer dans l'année des partis, des sous-officiers qu'on montrera au doigt et des sous-officiers décorés. Dans l'intérêt de l'armée, où on doit chercher à entretenir l'esprit d'union, cette mesure est mauvaise, car elle y fera germer la désunion.

Encore une fois, ceci répond au ministre de la guerre, qui a cité des arrêtés ; ce ne sont pas les arrêtés que j'invoque, mais les lois. Il vous a cité des arrêtés de 1817, de 1825 et de 1832. Mais il y a des lois qui ont formellement établi la pensée de la législature sur cette matière, et un arrêté intervient pour la redresser. Voilà le terrain sur lequel j'ai trouvé la question.

Quant à ce qu'a dit M. le ministre, qu'il n'a pas abandonné le projet qu'avait élaboré son prédécesseur, si ce projet est utile aux pères de famille, je suis prêt à lui donner mon assentiment. Je déclare que toute mesure qui aura pour but de réduire le prix du remplacement, comme père de famille, je suis prêt à y souscrire dans l’intérêt général ; mais si vous voulez établir un mode de remplacement, n'importe lequel, je vous en conjure, n'allez pas diffamer ce dont vous voulez vous servir.

M. Lebeau. - J'avais peu parlé de l'association, je n'en avais parlé que dans ses rapports avec les mesures gouvernementales à l'examen desquelles nous procédons, et je l'avais fait avec une modération et une circonspection qui me paraissent motiver assez peu la chaleur de la réponse que m'a faite l'honorable préopinant. Je dois lui dire que quand une institution quelconque est mêlée à des actes du gouvernement, nous avons le droit de l'examiner, de la critiquer même, mais que je ne reconnais pas à ces institutions celui de nous faire des sommations du haut de cette tribune. Il n'y a ici que des députés du pays, et non des représentants parlant au nom de telle institution privée, de telle association commerciale, anonyme ou autre.

Je pourrais donc me refuser à répondre. Toutefois, je n'ai pas l'habitude de me retrancher dans l'inviolabilité de la tribune pour jeter légèrement des paroles de blâme contre des corporations ou des individus.

J'admettrai, avec l'honorable M. Meeus, que l'association se compose d'honorables citoyens, qu'elle est en grande partie composée de philanthropes désintéresses, mais l'honorable membre aventurerait beaucoup sa caution s'il la donnait sans distinction pour tous les membres, pour tous les agents d'une association aussi nombreuse. Tous les hommes qui y sont engagés se conduisent-ils avec la même prudence, avec la même délicatesse ? Un seul qui s'écarterait de cette prudence et de cette délicatesse ne prouverait rien contre le plus grand nombre. Je serais désolé si on attachait à mes paroles l'idée de vouloir jeter sur l'association, en général, le moindre blâme. Voici les faits :

Je ne me crois pas le droit de signaler le nom de tel officier supérieur très respectable, qui a pu me certifier ces faits. Je répète qu'il en est plus d'un qu'on a engagé à faire partie de cette association ; qu'il en est plus d'un qui s'est montré contraire à l'idée que des officiers supérieurs puissent entrer convenablement dans une association de cette nature. L'un d'eux ayant répondu à de pareilles propositions que quand même il n'aurait pas ces scrupules, sa situation financière ne lui permettrait point d'entrer dans une association commerciale quelconque il lui fut répondu : Vous n'aurez rien à débourser, on vous remettra des actions, et au moyen des dividendes très forts qui vous seront remis prochainement, vous pourrez faire les versements exigés. Voilà les faits. Quant aux mots, je n'y tiens pas. Si je me suis servi du mot gratuitement, rigoureusement parlant, je reconnais que l'expression peut paraître impropre.

Je ne suis pas autorisé à faire connaître les noms des officiers qui m'ont donné ces renseignements, mais je suis convaincu, que si je faisais un appel à leur franchise, ils ne reculeraient pas devant la publicité de leurs noms.

M. Demonceau. - L’arrêté qui a été pris a pour effet d'anéantir des dispositions de la loi sur la milice ; il a pour but de jeter un blâme sur le remplacement. Je voterai cependant le crédit, mais en exprimant l'espoir que MM. les ministres s'entendront pour faire en sorte que les lois soient exécutées et ne soient pas annulées.

Vote de l'article unique

- La loi n'étant qu'en un seul article, il est procédé à l'appel nominal sur cet article, qui est ainsi conçu :

« Il est alloué au département de la guerre une somme de 6,000 fr. pour primes d'engagement et de rengagement.

« Cette somme formera l'art. 13 du chap. Il de la section 3 du budget de la guerre pour le présent exercice. »

Il est adopté à l'unanimité des 54 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au sénat.

Les membres qui ont répondu à l'appel sont : MM. Angillis, Coghen, Cools, de Baillet, de Behr, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Putter, Deprey, de Renesse, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, de Villegas, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Le jeune, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Osy, Pirmez, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Simons, Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vanderbelen, Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude et Fallon.


M. le président. - Le service funèbre, ordonné par la chambre, aura lieu samedi. L'heure n'est pas encore fixée. Les bulletins la feront connaître. On se réunira au Palais de Nation. Il y aura des voitures.

- La séance est levée à 4 heures et 1/2.