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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 22 février 1842

(Moniteur belge n°54, du 23 février 1842)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l'appel nominal à midi et demi.

M. Dedecker donne lecture ou procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l'analyse des pièces suivantes.

« Des négociants et boutiquiers de Grez-Doiceau, Waterloo, Orp-le-Gand et Jauche demandent la répression des abus du colportage. »

- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet.


« Le conseil communal de Liége demande que la chambre ne donne pas son assentiment aux projets présentés par le gouvernement tendant à apporter des modifications à la loi communale. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen des projets.


« Le sieur P.-J. Luys, propriétaire d'un moulin situé dans la province de Limbourg demande une indemnité pour pertes essuyées pendant la révolution. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion.


« L’administration communale de Wanfercée-Baulet adresse des observations sur la loi relative à la milice. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Messages du sénat faisant connaître la prise en considération de 25 demandes de naturalisation.

- Pris pour notification.

Motion d'ordre

Suppression des avantages douaniers accordés au grand-duché de Luxembourg

M. Rodenbach. - Un traité de réunion douanière et commerciale a été conclu le 8 février entre les plénipotentiaires du roi grand-duc et ceux de Frédéric-Guillaume IV, roi de Prusse. Le même jour, ces souverains ont ratifié ce traité, qui doit même être mis à exécution le 1er avril. Je demanderai si notre gouvernement est disposé à maintenir les faveurs commerciales et douanières que nous faisons au grand-duché, lorsque nous ne recevons en échange aucune compensation. Il me semble qu'à défaut de compensation il conviendrait de mettre un terme à ces sacrifices.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le maintien de la loi du 6 juin 1839 fait l'objet d'une négociation avec l'union douanière allemande représentée par le gouvernement prussien. Il est bien entendu que cette loi ne peut être maintenue sans quelques compensations. Ce sont ces compensations que nous demandons. (Approbation.)

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du mministère des travaux publics

Motion d'ordre

M. Peeters. - Puisque le rapport sur le crédit supplémentaire demandé par le ministre des travaux publics vient d'être distribué, je proposerai que cet objet soit mis à l'ordre du jour en même temps que l'article « Chemin de fer », ce qui abrégera beaucoup nos discussions.

M. Rogier. – Je crois qu'il serait assez difficile de mêler les deux discussions ; je ne vois pas l'avantage qu'on pourrait en retirer. Le budget supplémentaire est relatif aux dépenses faites en 1841. Il s'agit d'apprécier ces dépenses et de les voter si on les trouve fondées. Que la discussion du budget supplémentaire ait eu lieu avant le budget, je le concevrais, parce que cela aurait pu éclairer la discussion. Mais, discuter à la fois le budget et le crédit supplémentaire, il me semble que ce serait s'engager dans une voie obscure et embarrassée. Il me semble que cela n'est pas possible.

M. Peeters. - Je crois, au contraire, qu'il y a beaucoup de connexité entre les deux objets et que par conséquent on peut les discuter simultanément. Il est bien entendu qu'ensuite on voterait séparément sur les deux objets.

M. David. - J'appuie la proposition de l'honorable M. Rogier. Il me semble qu'il faut la division. Nous aurons déjà trop à faire dans la question du chemin de fer ; je suis certain que la discussion sera très longue. Il me semble que la discussion du crédit supplémentaire doit avoir lieu après.

M. Peeters. - Il y a des tableaux qui sont communs au crédit supplémentaire et à l'article « Chemin de fer. »

M. de Behr. - Cela est vrai ; il y a aussi beaucoup d'observations qui seront communes aux deux objets. Il me semble qu'il y aurait avantage à avoir une discussion générale sur les deux objets.

- La proposition de M. Peeters est mise aux voix et adoptée ; en conséquence la chambre décide qu'il y aura une discussion générale sur l'article Chemin de fer et le projet de loi de crédit supplémentaire concernant le département des travaux publics.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Roo. - Dans la séance d'hier, j'ai demandé la mise à l'ordre du jour du projet de loi sur les lins ; ce projet a été présenté en 1834, avec un autre projet relatif aux toiles. Le projet de loi dont je demande la mise à l'ordre du jour a été réimprimé et distribué le 9 mars 1841 avec le rapport de la section centrale. Je renouvelle donc ma motion tendant à ce que ce projet de loi soit mis à l'ordre du jour après le dernier projet qui s'y trouve déjà, c'est-à-dire après le projet de loi relatif au canal de Zelzaete.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il convient que cette question de la sortie des lins soit discutée dans cette session ; le gouvernement le désire autant que l'honorable membre. Ce serait peut-être trop s'engager que de mettre tant de choses à l'ordre du jour d'une manière fixe. Je ne m'oppose pas à la mise à l'ordre du jour après les objets déjà fixés. Mais il est bien entendu que si d'autres rapports sont faits, sans inconséquence on pourra leur donner la priorité sur le projet de loi relatif aux lins. Nous avons, par exemple, le projet de loi relatif aux prud'hommes ; je pense que le rapport sur ce projet ne tardera pas à être présenté. Un nouveau travail sur l'instruction supérieure a été transmis par moi à la section centrale. Si le rapport était fait sur ces deux projets de loi, je demanderais que la priorité leur fût accordée sur le projet dont M. de Roo vient de parler. Ne pourrions-nous pas attendre au moins qu'on ait discuté la grande question des indemnités, et fixer un jour pour la question des lins, si d'ici là aucun rapport n'était déposé.

M. Cools. - Puisque M. le ministre de l'intérieur a parlé du projet de loi relatif aux prud'hommes, je dirai que la section centrale chargée de son examen n'aura plus à s'en occuper qu'une fois, et que sous très peu de jours elle présentera son rapport.

M. Rodenbach. - M. le ministre vient de déclarer formellement que dans cette session on s'occuperait de la loi sur la sortie des lins. Puisqu'il y a eu une enquête commerciale et l'enquête linière, on a eu le temps d'étudier cette question. Comme l'a dit M. le ministre, il y a plusieurs objets à l'ordre du jour ; il ne convient peut-être pas d'y en ajouter d'autres. Je crois que l'honorable M. de Roo doit se rallier à la proposition de M. le ministre de l'intérieur, puisqu'il a déclaré formellement que le projet de loi relatif à la sortie des lins serait discuté dans cette session. Il est temps de ne plus se borner à des promesses ; car toutes ces promesses fallacieuses font un très mauvais effet dans les provinces. Cette incertitude est pire que le mal.

M. de Roo. – Je persiste dans ma demande avec la réserve que, s’il est présenté des rapports sur tel ou tel projet que la chambre juge plus urgent, ils auront la priorité sur le projet de loi relatif à la sortie des lins. Je crois qu’ainsi tout le monde sera d’accord avec moi.

M. Dubus (aîné) – Je crois qu’il sera temps de s’occuper de la mise à l'ordre du jour d'un projet de loi sur la sortie des lins, quand nous serons saisis d'un projet de loi de cette nature ; car il importe de savoir ce qu'il s'agit de mettre en discussion. Pour moi je ne le sais pas encore. En effet il ne s'agit pas sans doute de discuter la proposition qui a été faite en 1835, avant que la question fût examinée, proposition qui tendait à établir à la sortie des lins un droit prohibitif ; car c'était un droit de 20 p. c. Est-ce là ce qu'on veut ? Depuis 1835, une enquête a été faite par le gouvernement. A la suite de cette enquête, il viendra sans doute une proposition du gouvernement ; il me semble qu'il faut attendre cette proposition, avant de s'occuper de la mise à l'ordre du jour.

M. de Roo. - Avant de faire ma motion, j'ai demandé si M. le ministre de l'intérieur avait à présenter un autre projet de loi. Il paraît que non. Peut-être M. le ministre compte-t-il présenter les amendements dans la discussion ? Quant aux questions qui se rattachent au projet de loi, elles se présenteront dans la discussion. Mais, pour qu'on puisse s'en occuper, il faut commencer par mettre le projet de loi à l'ordre du jour.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je n'ai demandé la parole que pour rectifier une erreur échappée à l'honorable M. Dubus : La proposition qui avait été faite à la chambre, concernant la sortie des lins, élevait en effet les droits à 25 p. c., mais la section centrale, dont j'étais le rapporteur, avait proposé à la chambre de réduire ce droit à 7 et demi pour cent de la valeur.

M. de Roo. - Je demande la mise à l'ordre du jour du projet de loi après la discussion du projet de loi relatif au canal de Zelzaete.

M. Peeters, rapporteur. - Je ferai observer à l'honorable membre qu'il n'y a rien de décidé pour le canal de Zelzaete. (Dénégation).

M. Rodenbach.- Il est mis à l'ordre du jour après le projet de loi relatif aux indemnités.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous avons déjà une très grande loi à l'ordre du jour, la loi sur les indemnités. La chambre voudra bien ne pas perdre de vue qu'elle aura à s'occuper de nombreuses lois de finances, sans parler de lois très importantes qui seront présentées très prochainement, et notamment de la loi sur les sucres. Si nous surchargeons notre ordre du jour, comment mettrons-nous de l'ordre dans les travaux des sections ? comment parviendrons-nous à donner la priorité aux lois vraiment urgentes, aux lois de finances ?

Ce serait trop s'engager, qu'adopter la proposition de l'honorable membre.

Je répète que la question des lins doit être décidée dans cette session, n'importe dans quel sens. Une proposition existe. Le gouvernement et les membres de la chambre peuvent y proposer des amendements. Il y a une proposition de faite. L'année dernière, la chambre a fait réimprimer, sous la date du 9 mars 1841, n° 162, cette partie de l'ancien projet, sur laquelle il vous a été fait un rapport en règle par la section centrale.

M. d’Hoffschmidt. - Il me semble, messieurs, que la chambre perd beaucoup de temps dans ces discussions sur l'ordre du jour, et qu'elle n'y gagne rien, à en juger d'après ce qui s'est passé dernièrement pour le canal de Zelzaete.

On a discuté longtemps, et d'une manière même très animée, pour savoir si on mettrait le projet sur le canal de Zelzaete à l'ordre du jour ; et d'après ce que vient de dire l'honorable M. Peeters, la chambre ne paraît pas encore fixée sur ce point. (Oui ! oui !) Vous voyez donc qu'une nouvelle discussion peut encore s'élever à cet égard. J'en conclus qu'il ne faut pas que nous décidions encore dès maintenant que tel ou tel projet sera mis à l'ordre du jour, puisque nous n'y gagnons rien.

D'ailleurs, pour savoir les projets qui doivent avoir la priorité, il faudrait avoir la liste de tous ceux qui sont soumis à la chambre, pour voir quels sont les plus urgents. Quant à moi, je ne saurais donner la priorité à la discussion d'un projet, sans savoir s'il n'est pas de question plus importante à examiner.

M. Desmet. - Lorsqu'on veut savoir si la chambre a pris une résolution, je crois qu'il faut avoir recours au procès-verbal. Le fait est qu'il a été décidé qu'après le projet sur les indemnités la chambre s'occuperait de celui relatif au canal de Zelzaete.

M. Peeters conteste cette décision ; eh bien ! je demande qu'on consulte le procès-verbal. Sans cela, nous ne ferons jamais rien.

Quant à ce qui concerne les lins, je dis qu'il faut absolument que la chambre s'occupe de cet objet, mais je pense qu'on ferait aussi bien de faire une nouvelle proposition que de remettre sur le tapis l'ancienne, quoique j'aie contribué à la faire.

M. Mast de Vries. – Messieurs, nous allons, par la loi des indemnités, nous charger d'une dette assez considérable. C'est ce que le gouvernement a compris, puisqu'il vous a proposé des projets de finances, Ces projets, me paraît-il, sont urgents, car par exemple si vous ne discutez pas immédiatement le projet sur les distilleries, il sera perdu pour cette année, On va fabriquer tant de genièvre que le projet, au lien de rapporter les millions qu'on en attend, ne rapportera rien. Ces considérations sont de nature à faire rejeter, je pense, la proposition d'ordre du jour que vient de vous faire l'honorable M. de Roo.

M. Dubus (aîné). - Je propose l'ajournement de la motion de M. de Roo.

La proposition d'ajournement est mise aux voix ; elle est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1842

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées ; canaux, rivières, polders ; ports et côtes ; bâtiments civils ; personnel des ponts et chaussées

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles du budget des travaux publics.

La discussion sur le chap. Il a été fermée hier. Nous passons à celle des articles.

Section I. Ponts et chaussées
Article premier

« Art. 1er. Entretien et améliorations des routes, construction de routes nouvelles, ponts à bascule, études de projets : fr. 2,600,000 »

M. Peeters, rapporteur. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous prouver hier, à l'évidence selon moi, que la province d’Anvers n'avait obtenu que fort peu de routes pavées en proportion d'autres provinces, un coup d'œil sur le relevé de l’entretien de routes, page 7, annexes du rapport, devait seul vous en convaincre.

La carte qui a été distribuée hier m'avait assuré également que, dans ces nouveaux projets, la Campine avait de nouveau été oubliée, mais j'étais loin de m'attendre à ce que la province d'Anvers y aurait été pour zéro ; aussi, ai-je lu avec étonnement que cette annexe portait la signature de l'inspecteur-général des ponts et chaussées, qui a administré pendant quelque temps la province d'Anvers, et aurait dû par conséquent mieux connaître ses droits et ses besoins.

J'ai produit des chiffres irrécusables pour vous prouver que l'Etat fera une très bonne opération financière, en construisant des routes dans la Campine.

J'ai souvent entendu parler de la justice distributive dans cette enceinte ; je pense, quant à moi, qu'elle doit diriger nos débats et nos décisions. Comme je vous ai souvent parlé de l'arrondissement de Turnhout, j'ai voulu séparer un instant cet arrondissement de la famille belge, et j'ai eu soin de me procurer au ministère des finances le produit exact de cet arrondissement tant en foncier personnel, accises, qu'en droit d'enregistrement. Le relevé général de ces différentes ressources dans cet arrondissement me donne une somme de l,028,572 francs par an ; j'en conclus que l'Etat a retiré de l'arrondissement de Turnhout, depuis la révolution, au moins dix millions de revenu net ; car, d'après les renseignements que je me suis procurés dans les différents budgets de l'Etat, vous venez que le gouvernement n'y dépense presque rien.

Au budget de la justice, par exemple, vous trouverez un tribunal de 4e classe pour cet arrondissement qui contient cent mille habitants ; j'insiste sur ce point, qui vous prouve que la Campine est toujours traitée d'une manière fort peu avantageuse, même lorsqu'il s'agit de ses tribunaux, comme j'ai eu l'honneur de vous le prouver dans une autre occasion ; nous y trouvons aussi 5 justices de paix, et les traitements de nos vicaires et curés, qui sans doute ne sont pas favorisés, lorsqu'on considère que, par suite de la grande extension des paroisses, leur service doit être d'autant plus pénible.

Au budget de l'intérieur, vous y trouverez un commissariat de district et peut-être un millier de francs pour l'instruction publique ; je ne sais pas que l'on ait tant de monuments ou de statues dans la Campine.

Au budget des finances on trouve, il est vrai, les dépenses pour nos receveurs de contributions et quelques contrôleurs, car on ne peut exiger qu'ils viennent payer chez le caissier-général à Bruxelles.

Au budget de la guerre vous y trouvez, il est vrai, les dépenses de quelques brigades de gendarmerie, qui doivent être même très peu nombreuses dans un pays aussi paisible que la Campine.

Au budget des travaux publics, l'arrondissement de Turnhout n'a guère obtenu plus que six cent mille francs depuis la révolution.

Il est inutile d'ajouter qu'au budget des relations extérieures il ne peut pas figurer.

J'étais donc fondé à dire que le gouvernement a un revenu net de dix millions de l'arrondissement de Turnhout seul, depuis la révolution. Dans cet état de choses, nous sommes fondés à réclamer la canalisation de la Campine, ainsi que toutes les routes dont j'ai parlé hier, que je recommande à l'attention toute particulière de M. le ministre comme très utiles à la province et devant procurer de grandes ressources au trésor. Ces routes sont, sans contredit, plus utiles que celles qui se trouvent dans le projet présenté hier, et sur lesquelles elles doivent avoir la priorité.

M. Eloy de Burdinne. - Tous, nous voulons augmenter nos moyens de communication ; nous sommes d'accord de donner à toutes les localités des moyens faciles de circuler ; pour parvenir à ce résultat chacun de nous est appelé à communiquer ses réflexions et ses idées.

Je viens soumettre quelques réflexions concernant l'utilité d'une loi qui assimilerait les concessions temporaires à l'immeuble ; j'aurai l'honneur de vous faire observer que lors de la discussion du budget des travaux publics, durant la session de 1840 à 1841, il a été établi que chaque province sollicitait de nouvelles communications, telles que canaux, routes pavées, empierrées et chemin de fer. La dépense que nécessiteraient les travaux réclamés à cette époque a été évaluée, par l'honorable M. de Puydt, à la somme de 65 millions de francs. Veuillez remarquer, messieurs, que c'est la difficulté de pouvoir réaliser une pareille somme sans frapper de nouveaux impôts qui suspend l’exécution de la plupart des constructions projetées. Aussi M. le ministre des travaux publics a dit, en séance du 18 février 1841, que c'est souvent les difficultés qu'éprouvent les sociétés de réunir des capitaux qui sont cause que les concessionnaires doivent suspendre, retarder et quelquefois même renoncer à l'exécution des travaux entrepris. Or, messieurs, mon but est de vous soumettre quelques vues qui tendent à faire disparaître les inconvénients signalés par M. le ministre, et à donner pour l'avenir aux concessionnaires la facilité de se procurer des fonds pour construire à leurs frais des communications utiles au pays.

La difficulté qu'éprouvent les concessionnaires pour se procurer le numéraire nécessaire à l'exécution de leur projet provient de ce que les concessions temporaires sont considérées, d'après la loi, comme MEUBLES et qu'un meuble ne peut être hypothéqué. De là résulte que les détenteurs d'argent ne se hasardent pas de prêter sur la garantie d'un meuble dont la cession ou le transport à un tiers peut ou pourrait facilement s'effectuer à l'insu du prêteur, car cette garantie ne peut être soumise à l'inscription hypothécaire. Il suit de là, que lorsque des bailleurs de fonds prêtent sur pareil gage, c'est toujours à des taux exorbitants et ruineux pour les concessionnaires. Si une concession temporaire pouvait être assimilée à une propriété immobilière et susceptible d'être hypothéquée, les capitalistes présenteraient leur argent de préférence sur une route, un canal, etc. que de l'offrir sur des propriétés bâties qui peuvent devenir à chaque instant la proie des flammes, tandis qu'une route, un canal, etc., ne présentent pas ces risques. Voici encore d'autres motifs, qui sont cause qu'on rencontre si peu de personnes disposées à établir des constructions au moyen de concessions temporaires : Supposons qu'un concessionnaire, possédant un capital de 200 mille francs, aura calculé la dépense des travaux à cette somme ; et si, contre son attente et par des circonstances imprévues, ces mêmes travaux doivent absorber 250,000 fr., il sera impossible à ce concessionnaire de trouver à emprunter sur sa concession les 50,000 fr. manquant ; d'où il résulte qu'il doit abandonner ou suspendre momentanément ses travaux, et cela parce qu'il n'existe pas de loi qui facilite le moyen d'hypothéquer pareille concession, D'un autre côté, un concessionnaire place, par exemple, dans une concession 200,000 fr., montant de tout son avoir ; ne pouvant trouver à emprunter sur une concession temporaire, il lui sera impossible de faire une seconde entreprise de même nature, tandis qu'un capitaliste qui aurait bâti une maison avec cette somme de 200,000 fr., trouvera à lever sur cette propriété les trois quarts de sa valeur et pourrait de nouveau bâtir avec l'argent qu'il aura emprunté, et continuer ainsi à lever et à construire, de sorte qu'avec une somme de 200,000 fr. il pourrait construire pour une valeur de plus de 600,000 fr. ; de manière qu'en admettant qu'il ne bénéficie que de 2 p. c. au-delà de l'intérêt de l'argent emprunté, il se procurera, avec un capital de 200,000 fr., un revenu de 16 à 18 mille fr. l'an, ce qui ne saurait avoir lieu en plaçant son argent dans une concession temporaire, puisqu'on ne peut, sur pareil gage, trouver à emprunter.

On a dit, et vous partagerez avec moi, que la marche croissante de l'agriculture et de l'industrie en Belgique est due aux développements de ces communications intérieures : or, messieurs, comme nous désirons le progrès de l'industrie et de l'agriculture dans notre belle patrie, j'engage M. le ministre, à faciliter ces progrès par de nouvelles communications, et pour y parvenir sans frapper de nouveaux impôts, ni faire de nouveaux emprunts, je l'invite à présenter un projet de loi par lequel les canaux, les routes pavées, empierrées, ou ferrées et concédées temporairement, soient déclarées, par la législature, immeuble susceptible d'être hypothéqué : avec une telle loi, avant dix ans la Belgique aura pour plus de 100 millions de francs de nouvelles communications, qui, en définitive, deviendront la propriété de l'Etat, sans qu'elles aient coûté un centime au trésor. Si on peut hypothéquer des biens susceptibles de retour à un tiers, après 90 ans révolus (l'emphytéose), à plus forte raison, devrait-on pouvoir hypothéquer les concessions temporaires ; si par le silence de la loi, des obstacles s'élèvent à l'égard des inscriptions hypothécaires à prendre sur des concessions temporaires, ces obstacles peuvent être levés par des dispositions législatives.

Ces réflexions m'ont été communiquée, je les partage, et je viens les soumettre à M. le ministre des travaux publics et à la chambre.

M. Cogels. - Messieurs, j'ai été frappé, comme l'honorable M. Peeters, de l'exiguïté du chiffre des dépenses pour l'entretien des routes dans la province d'Anvers. Certainement, messieurs, ce chiffre prouve combien peu de routes il existe dans cette province et combien il lui en manque, eu égard à son étendue.

J'ai remarqué cependant avec plaisir, à l'état annexé à la page 10, que, pour la construction de routes nouvelles, la province d'Anvers avait été dotée avec un peu moins de parcimonie que cela n'avait eu lieu jusqu'à présent.

Je crois, messieurs, que ceci résultait d'une fausse application que l'on a faite de l'emploi de l'excédant du produit des barrières. Cet excédant doit servir à la construction de routes nouvelles, mais on a cru assez généralement que cet excédant devait être dépensé dans les provinces mêmes qui l'avait produit. Vous concevez combien un semblable système serait vicieux. Car de cette manière les provinces qui seraient dotées d'un très grand nombre de routes, les verraient toujours accroître dans une progression indéfinie, tandis que les provinces qui n'auraient pas de routes ou qui n'en auraient que fort peu, en manqueraient encore pendant des siècles.

Ce système serait d'autant plus vicieux que le produit des barrières dans les provinces n'est pas payé par les provinces elles-mêmes. Car le produit des barrières, dans la province du Hainaut, par exemple, dans la province de Liége, dans celle de Namur, provinces qui envoient une quantité de produits de leurs mines, de leur sol dans nos provinces, ce produit se paie, non par la province elle-même, mais par le consommateur, puisque le transport est payé par ce dernier. Ainsi lors même qu'une province serait sillonnée de routes, si ces routes s'arrêtaient aux limites de la province, elles seraient improductives. Ce qui doit augmenter le produit de ces routes et surtout la prospérité des provinces, c'est qu'on donne à ces routes leur complément pour que les produits des provinces puissent être transportés. Cela est tellement vrai que depuis la construction de la route de Turnhout, on a vu la consommation de charbon et des pierres s'augmenter dans une proportion considérable dans cet arrondissement.

J'ai cru devoir soumettre ces observations pour que dans la répartition du produit des barrières on n'ait pas égard aux produits, mais aux véritables besoins des provinces.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) – Messieurs, l'honorable préopinant a parfaitement raison en demandant qu'on ne suive pas, dans la répartition du produit des routes, la proportion qui se trouve établie par les revenus des barrières dans chaque province. Ce système n'a jamais été suivi, que je sache, jusqu'ici, jamais on n'a eu égard au revenu des barrières dans chaque province. On a eu égard, comme le prescrivent la loi et l'intérêt général du pays bien entendu, au besoin de chacune des provinces en rapport avec cet intérêt général.

L'honorable M. Peeters se plaint de ce que, sur les cartes des affluents proposés pour le chemin de fer par le conseil des ponts et chaussées, la province d'Anvers ne se trouve dotée d'aucun de ces affluents. J'ai déjà eu l'honneur de faire observer à la chambre que cette question est encore à l'état d'enquête et que je recevrais avec plaisir toutes les observations que les membres de la chambre croiraient devoir me faire à cet égard. Si donc l'honorable M. Peeters me renseignait des affluents auxquels les ingénieurs n'auraient pas pensé, je recevrais avec plaisir la communication qu'il voudrait bien me faire à cet égard.

Je dois faire remarquer aussi, avec l'honorable M. Cogels, que la province d'Anvers n'a pas été là moins dotée sur le crédit des routes en 1841 ; je dirai même que déjà en 1842, il y a 68,000 fr. engagés pour la province d'Anvers.

Dans une autre séance un honorable député du Limbourg a parlé de la route de Beeringen à Maseyck ; je dirai à cet égard qu'au département des travaux publics l'instruction de cette route est faite ; mais on le trouve arrêté par les considérations stratégiques que présente le département de la guerre. Peut-être les objections du département de la guerre pourront-elles être levées, dans tons les cas, je dois faire remarquer d'avance qu'il s'agira d'une route dont les frais de construction sont évalués à 1,200,000 francs et que par conséquent elle ne pourra se faire sans que les localités intéressées y contribuent pour une part raisonnable.

M. Fleussu. - J'ai demandé la parole lorsque l'honorable Cogels a dit que c'était sans doute par erreur que l'on voulait appliquer à chaque province le produit des barrières de cette province. Il a déjà été répondu à cette observation, qui est évidemment basée sur une erreur. D'abord la loi sur les barrières, ensuite tous les antécédents de la chambre, établissent le contraire. On se souviendra peut-être qu'en 1832 ou 1833, le produit des barrières présentait un excédant de 600,000 fr. pour toutes les provinces. Les députés des diverses provinces présentèrent alors des projets ; il n'y eut plus moyen de s'entendre. C'est moi, je pense, qui fis la proposition d'abandonner ces 600,000 fr. au gouvernement pour qu'il les employât, soit dans les provinces qui feraient de leur côté des sacrifices, soit dans celles qui seraient dans l'impossibilité de contribuer aux frais de construction des routes qu'il serait nécessaire d'y établir. Cette proposition. fut adoptée par la chambre, et depuis lors le produit des barrières a été ou a dû être employé indistinctement dans toutes les provinces de la Belgique. C'est ainsi, en effet, que les choses doivent se passer ; toutes les provinces du pays ne forment qu'une seule et même famille ; il faut que celles qui produisent beaucoup viennent en aide à celles qui produisent peu.

M. de Villegas. - Lors de la discussion du budget des travaux publics de l'année dernière, j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre quelques observations sur le projet de route entre Nederbrackel et Renaix. je réitère aujourd'hui ces observations, que j'avais puisées dans la connaissance que j'ai des besoins des localités que je viens d'indiquer. Depuis lors nous n'avons cessé d'attirer sur cet objet l'attention sérieuse de M. le ministre des travaux publics, et nous avons soumis à son examen un nouveau tracé qui devait accorder plus d'avantages que le projet primitif du gouvernement ; ce tracé nous avait été communiqué par une personne aussi désintéressée dans cette affaire que tous les députés des Flandres qui l'avaient appuyé au ministère des travaux publics.

Il paraît que le nouveau tracé n'a pas reçu l'approbation des ingénieurs de la province ; le rapport des ingénieurs dont je viens à l’instant de prendre connaissance, porte en substance que les frais de construction du tracé nouveau dépasseront de 222,000 fr. le chiffre de la dépense présumée du premier tracé. Ensuite, que le terrain qui parcourt le second tracé est difficile et accidenté, qu'il est moins central que le premier, et qu'il divise moins favorablement le territoire à traverser.

Tout ce raisonnement pourrait être exact, si l'étude nouvelle avait été réellement faite conformément au tracé indiqué, mais il n'en a pas été ainsi, si mes informations sont exactes. De cette façon, il était très facile de trouver des accidents, des difficultés à vaincre, et surtout un surcroît de dépense que l'on pouvait élever à loisir.

Quant au second motif consistant à dire que le second tracé est moins central que le premier, C'est là une grande erreur, et que l'inspection de la carte provinciale mise en regard avec le tracé indique suffisamment. Je ne suis entré dans ces détails que pour faire comprendre à M. le ministre des travaux publics la nécessité de s'abstenir de prendre, à l'égard de la route de Nederbrackel à Renaix une décision définitive, et d'ordonner une étude nouvelle conformément au tracé que nous avons eu l'honneur de lui soumettre.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je prendrai en considération les observations que vient de faire l'honorable préopinant. Il s'agit d'une route de Nederbrakel à Renaix, dont la dépense est évaluée à 607,000 fr. Plusieurs tracés ont été indiqués, mais rien n'est encore décidé.

- Le chiffre de 2,600,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Plantations : fr. 50,000. »

- Cet article est adopté sans discussion.

Section II. Canaux, rivières, polders
Articles 3 et 4

« Art. 3. Service des canaux de Gand au Sas-de-Gand, de Maestricht à Bois-le-Duc, de Pommerœul à Antoing et de la Sambre : fr. 362,838. »


« Art. 4. Service du canal de Bruxelles à Charleroy : fr. 121,036. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 5

« Art. 5. Service de l’Escaut : fr. 29,095. »

M. de Villegas. - Messieurs, dans les développements du budget des travaux publics, M. le ministre vous indique l'emploi qu'il compte faire de la somme de 60,000 fr. demandés pour travaux d'amélioration au service de l'Escaut ; ces travaux d'amélioration sont : 1° le développement du lit du fleuve, entre l'écluse d'Antoing et celle de Tournai ; 2° première partie de la restauration de l'écluse de mer.

Je ne veux pas contester l'utilité de ces travaux ; ils sont réclamés dans l'intérêt de la navigation et dans celui des propriétés riveraines, mais je dois appeler l'attention de M. le ministre, sur la nécessité d'ordonner l'exécution de quelques travaux extraordinaires à l'Escaut en amont d'Audenaerde. Qu'il veuille consulter les rapports qui lui ont été adressés sur le service de l'Escaut depuis bien longtemps, par les ingénieurs de la province, et il sera convaincu de l'urgence de ces travaux. J'aurai l'honneur d'indiquer en premier lieu une rectification de l'Escaut, à l'endroit qu'on appelle l'Eynedries.

L'année dernière, M. le ministre étant sur les lieux a fait reconnaître par lui-même l'indispensabilité de la rectification que je demande.

En deuxième lieu j'appellerai l'attention de M. le ministre sur la nécessité d'établir un chemin de halage entre l'écluse et le pont d'Audenaerde.

La rectification dont il s'agit est urgente ; si je suis bien informé, des propriétaires ont adressé à cet égard de nombreuses réclamations au ministère des travaux publics.

Quant au chemin de halage dont je demande l'établissement, c’est encore une chose indispensable et qui coûtera fort peu : d’après les évaluations faites par l'ingénieur de la province, la dépense ne dépassera pas 10,000 francs, or l'écluse d'Audenaerde rapporte 23 à 24 mille francs par an, et depuis un grand nombre d'années aucune dépense n'a été faite à Audenaerde.

Je terminerai en demandant à M. le ministre s'il n'a pas encore adopté un système sur le régime à suivre pour l'Escaut, afin d'empêcher les inondations fréquentes de ce fleuve. L’année dernière, la presque totalité de la récolte des foins a été perdue. Je pense que M. le ministre sera à même de formuler un système quelconque, attendu qu'il pourra s'éclairer par le rapport qui lui a été présenté depuis fort longtemps par M. Vifquain, et par le travail de la commission et des nombreuses sous-commissions qui ont été nommées pour cet objet.

M. Doignon. - Messieurs, je crois qu'on peut se féliciter aujourd'hui d'avoir remis au gouvernement l'administration des canaux et des rivières. Quant à l'Escaut, nous voyons maintenant que depuis un grand nombre d'années ce fleuve, à partir de la frontière française, et dans tout son cours, a été administré avec une certaine négligence, et quelquefois même peut-être avec incurie.

Le premier soin de l’administration, aujourd'hui, doit être de remettre en vigueur d'anciens règlements tombés en désuétude, d’y tenir la main, de les modifier ou de les réformer. Le premier de ses soins doit être aujourd'hui de rétablir d'anciens ouvrages qui ont été conçus, exécutés ou commencés par nos pères dans l'intérêt de la navigation et de l'agriculture, tes que petits canaux, rivièrettes, rigoles, ruisseaux, etc.

Le gouvernement, messieurs, montre sans doute beaucoup de sollicitude pour l’administration et l'amélioration de l'Escaut : nous lui en savons gré. Il n'est pas possible, je crois, de déployer plus de zèle, d'activité et de bonne volonté que ne l'a fait M. le ministre. Mais nous croyons que jusqu'ici les résultats ne répondent pas à ses désirs.

Il a institué une commission, à l’effet de rechercher les moyens d'empêcher les grandes inondations de l'Escaut ; une visite de ce fleuve a été faite dans tout son cours, et il sera fait prochainement un rapport.

Mais en attendant que le gouvernement soit fixé sur le meilleur système à suivre, divers travaux à exécuter dans le haut Escaut vers la frontière française, ont été prévus, et les fonds en ont été votés par les deux chambres.

L'exécution de ces travaux marche lentement, et il paraît que ces lenteurs, ces retards, viennent des agents d'exécution. Il semble, messieurs, que le génie trouve quelquefois, dans le génie même, des obstacles à l'accomplissement d'ouvrages réellement utiles.

Relativement à l'Escaut, je ne dois pas laisser ignorer à la chambre une circonstance qui paraît hors de doute.

La France, sans aucun ménagement pour les intérêts de ses voisins ; la France a opéré des changements si importants au cours de l’Escaut, que, par son fait, elle occasionnera au pays des dépenses qu’on peut, dès à présent, évaluer à quelques millions.

La France, dans son intérêt exclusif, a tellement disposé des eaux du fleuve, que notamment dans les crues extraordinaires, les eaux descendent avec tant de précipitation et en si grande abondance qu’il en résulte des inondations qui vont s’étendre jusque dans le bas Escaut, et menacer même l’existence de certains villages.

Nous avons, à la frontière française, cinq affluents considérables qui descendent de France, et qui tous en même temps et sur le même point viennent alors verser précipitamment leurs eaux dans le seul lit de l’Escaut.

Ces cinq affluents sont : l’Escaut, la Scarpe, le canal du Jar, et deux autres grands canaux qu’on appelle Trétoir et Decours. Cette immense quantité d’eaux qui, autrefois, allait se jouer dans les sinuosités naturelles de l’Escaut, et dont la marche était en conséquence ralentie, arrive subitement et presque sans qu’on y attende, à notre frontière, depuis que la France a elle-même coupé toutes ces sinuosités, pour canaliser l’Escaut.

J’aurais désiré que la chambre, ainsi que le gouvernement, examinât si le droit des gens permet à un Etat voisin de changer ainsi pour ses seules convenances le cours d’un fleuve, tel qu’il existait de temps immémorial, et cela au préjudice de tous les intérêts du pays inférieur, sans même lui donner aucun avertissement, sans même demander à s’entendre et à se concerter préalablement sur un plan d’ensemble qui, peut-être, aurait pu s’exécuter de commun accord.

Au termes du droit commun, le propriétaire du fond supérieur a droit de disposer des eaux qui passent sur son héritage, mais pour autant que par son fait, il n’aggrave point la position des fonds inférieurs, pour autant qu’il ne rende pas sa condition plus dure, plus onéreuse.

Je suppose qu’il soit question du Danube ou du Rhin, dont le cours est aussi rapide et traverse plusieurs Etats. Un Etat supérieur pourrait-il, par des ouvrages, augmenter encore la rapidité du cours, à tel point qu’il causerait ainsi des inondations et des dégâts considérables dans les autres Etats inférieurs ?

Je crois difficilement qu’on souffrirait pareille chose sans se plaindre, sans faire entendre de vives réclamations.

Dans tous les cas, il me paraît que la France a au moins ici manqué d’égard envers ses voisins.

Mais quoi qu’il en soit, il y a urgence aujourd’hui de poursuivre l’exécution des travaux qui ont été ordonnés dans le haut Escaut. Ces travaux consistent notamment dans l’élargissement de l’écluse d’Antoing et le dévasement du fleuve, depuis la frontière jusqu’à la ville de Tournay : le dévasement dans la petite rivière autour de cette ville s’exécute en ce moment.

En parcourant les rives de l’Escaut, on reconnaît qu’autrefois on se défendait contre les inondations par nombre d’ouvrages, notamment par des digues, de petits canaux de décharge et de dérivation. Nous appelons l’attention du gouvernement sur ces anciens travaux dont l’utilité a été reconnue de temps immémorial.

En ce moment, deux grands travaux sont en voie d’exécution ; l’un est le barrage d’Autrive que vous avez voté il y a deux ou trois ans ; l’autre s’exécute à Severgem, du coté de Gand.

Mais en voyant sur les lieux comment le génie fait exécuter à Autrive l’ouvrage dont s’agit, j’ai été singulièrement surpris ; je m’attendais, d’après le vote de chambres, à voir construire simplement un barrage. Mais il paraît que le génie n’avait fait qu’imparfaitement ses études et ses prévisions ; et j’ai été étonné de voir qu’au lieu d’un barrage, on a fait à l’Escaut une grande coupure, une coupure de 1,000 à 1,200 mètres, qui coûtera, je pense, au moins 300,000 francs, car la dépense faite jusqu’ici, et dont je vois le détail dans les annexe du budget, monté déjà à 277,000 fr.

Cette coupure enlève au village d’Autrive son ancien rivage ou au moins l’éloigne considérablement : il a même fallu recommencer cette coupure.

Assurément, lorsque nous avons voté le barrage dont il s’agit, personne d’entre nous ne se doutait qu’il fut question d’un travail aussi considérable. Les rapports des ingénieurs ont été sans doute incomplets ou inexacts. L’instruction a été tellement insuffisante qu’il a été impossible de se faire une idée de l’importance de ce travail. Mais en opérant ainsi, le génie pourrait, même à l’insu des chambres, redresser l’Escaut comme il lui plairait, enlever à volonté leur rivage à des communes, et exproprier telle propriétés qu’il voudrait ; c’est là un antécédent que je ne pouvais passer son silence et qui, j’en suis persuadé, ne se reproduira plus aujourd’hui.

L’Etat a l’administration des fleuves et rivières. Mais lorsqu’il s’agit de déranger le cours ordinaire d’un fleuve, ce n’est plus là un acte de simple administration, cet acte sort du cercle des attributions du pouvoir central.

Les observations que je viens de présenter, sont peut-être également applicables aux autres ouvrages qui doivent s’exécuter à Severgem.

Dans tous les cas, je déclare de nouveau, comme je l’ai déclaré l’année dernière, que je ne pourrais assumer sur moi la responsabilité de pareils ouvrages, tant sous le point de vue des intérêts de l’agriculture, que sous celui des intérêts de la navigation.

M. le ministre a annoncé dans la dernière séance, qu’un ingénieur avait terminé un rapport général sur les canaux et les canalisations qui sont en projet ; ce rapport nous sera distribué incessamment ; j’espère qu’on aura compris dans ce rapport un projet de canal dont il a été souvent question dans cette enceinte, et qui a été appuyé chaque fois par plusieurs orateurs, c’est le canal de Bossuyt à Courtray. Lors de la discussion du canal de l’Espierre, j’ai combattu la construction de ce canal, et je reste persuadé qu’on aurait bien fait de mettre cette entreprise à l’écart ; mais, dans tous les cas il convenait en même temps de construire le canal de Bossuyt à Courtray. La construction de ce canal est également réclamée par les intérêts de la navigation et ceux de l’agriculture.

L’on a fait voir dans cette enceinte (et ce fut notamment l’honorable M. de Muelenaere) que ces deux canaux, celui de Bossuyt et celui de l’Espierre ont chacun leur destination, leur but, que l’exécution de l’un n’est pas exclusive de l’exécution de l’autre, que l’un n’empêche pas l’autre.

Puisque j’ai parlé récemment en faveur du projet de canal dans une autre province, vous me permettrez sans doute, messieurs, de recommander aujourd’hui au gouvernement ce projet qui intéresse essentiellement ma province.

J’engage M. le ministre à ne pas l’oublier et à en faire le plus tôt possible l’objet de ses méditations.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, les honorables membres qui viennent de parler, vous ont entretenus des travaux qui s’exécutent sur l’Escaut.

L’honorable M. de Villegas a demandé qu’on s’occupât des travaux qui doivent, selon lui, se faire à Audenaerde et dans les environs.

Messieurs, il est vrai que j’ai été, il y a peu de mois, sur les lieux et que j'ai reconnu qu'il y avait des travaux à exécuter sur ce point.

Mais on comprend qu'on ne peut pas charger le budget tout d'un coup de tous les travaux à exécuter, qu'il faut procéder progressivement.

Quant au système de régime de l'Escaut, dont le même honorable membre a parlé, l'administration ne s'est pas encore prononcée à cet égard, attendu que je n'ai pas encore reçu, ainsi que vient de le rappeler M. Doignon, le rapport de la commission que j'ai instituée.

En ce qui touche le barrage d’Autrive, il est vrai que le travail qu'on exécute sur ce point consiste en un barrage et de plus en un redressement de la rivière, mais je m'étonne que ce soit un honorable député d'une localité qui se trouve en amont de la rivière, qui se plaigne de ce qu'on opère ce redressement. Car ce redressement ne peut dans le temps des grandes eaux que faire évacuer plus promptement les eaux d'amont vers l’aval. Il me paraît même que, s'il y avait quelqu'un qui pût se plaindre de ce travail, ce seraient les habitants des points situés en aval de la rivière.

Quant au rivage d'Autrive, que ce redressement enlèverait à cette commune, il est vrai que le lit actuel de la rivière présente au point d'Autrive un très long circuit et que l'Escaut se trouvant par le travail que l'on fait devoir marcher en ligne droite, le rivage d'Autrive se trouvera éloigné du lit nouveau. Mais le lit ancien continuera jusqu'à certain point à exister. Il y aura toujours suffisamment d'eau pour les besoins d'Autrive, qui n'est, il faut le dire, pas un point commercial de première importance.

(Erratum Moniteur belge n°55, du 24 février 1842) En ce qui touche le travail de M. l'inspecteur Vifquain, j'ai déjà annoncé qu'il était terminé, et que dans très peu de jours j'en recevrais la mise au net. J'ai lieu de croire que le canal de Bossuyt à Courtray, dont a parlé l'honorable M. Doignon, se trouve faire partie de ce travail.

M. de Villegas. - Les explications dans lesquelles est entré M. le ministre des travaux publics me satisfont entièrement. Je suis persuadé que lors de la formation du budget de 1843, M. le ministre des travaux publics aura égard aux observations que j'ai eu l'honneur de présenter. Je ferai pourtant remarquer que, pour établir le chemin de halage entre l'écluse et le pont d'Audenaerde et ordonner les autres travaux indiqués par les ingénieurs provinciaux, il n'est pas nécessaire d'attendre le rapport dont a parlé M. le ministre, car toute l'instruction concernant cet objet figure dans le rapport de l'administration des ponts et chaussées. Je ne pense pas qu'il faille attendre le rapport général pour exécuter les améliorations que j'ai indiquées.

M. Dumortier. - Nous nous sommes opposés autant qu'il était en notre pouvoir au barrage d'Autrive ; aujourd'hui les embarras que ce barrage a fait naître sur le haut Escaut vont se trouver augmentés par la construction du canal de l'Espierre. Ce canal aura pour résultat d'amener dans l'Escaut une partie des eaux de la Scarpe qui se jetaient dans la Lys. Comme aujourd'hui déjà l'Escaut reçoit beaucoup trop d'eau pour son écoulement par suite de la création de ce canal, il y aura encore plus d'embarras que par le passé.

Dans l'état des choses je dois faire une observation à M. le ministre des travaux publics ; c'est relativement à la manœuvre de l'écluse d'Autrive ; c'est un point capital pour les habitants des rives de l'Escaut que la direction de la manœuvre parte du point le plus élevé de la Belgique sur l'Escaut ; car, si elle était placée à un point inférieur, il serait impossible de connaître l'arrivage des eaux. Je prie M. le ministre quand il s'occupera de cet objet, de placer l'inspecteur dans le point le plus élevé possible de l'Escaut, afin que nous ne soyons pas surpris et inondés par les cinq affluents de l'Escaut.

- Le chiffre mis aux voix est adopté.

Article 6

« Art. 6. Service de la Lys : fr. 134,940. »

- Adopté.

Article 7

« Service de la Meuse dans les provinces de Liége et de Namur : fr. 238,380 »

M. de Behr. - Messieurs, la navigation de la Meuse est des plus dangereuses dans son parcours à Liége. Chaque année est marquée par de grands malheurs, auxquels il faut ajouter les ravages causés par les inondations du fleuve. Ces désastres doivent être attribués à trois causes principales : le défaut de chemin de halage, le coude très prononcé que forme le lit de la rivière en amont aux abords de la ville, et l'obliquité du pont principal avec le cours de l'eau, qui a plus ou moins dévié depuis l'établissement de ce pont. Le conseil communal a proposé au gouvernement un plan de rectification de cette partie de la Meuse. L'exécution de ce plan ferait disparaître le coude, et laisserait disponible un terrain de 18 hectares d'une grande valeur, puisqu'il aboutirait d'un côté à la rivière, de l'autre à la voie publique, et en outre à la station intérieure que la ville désire voir établir sur ce terrain, en reliant le chemin de fer à la Meuse par un bassin intermédiaire. Ce bassin servirait en même temps de refuge pour les bateaux que l'on ne peut abriter nulle part en hiver. Le projet dont il s'agit a été examiné et approuvé par la chambre de commerce de Liége ; voici en quels termes se termine le rapport qu'elle a adressé à M. le ministre des travaux publics, le 31 décembre dernier :

« La grande importance que la Meuse acquerra, réunie à celle dont elle est à présent l'objet pour la navigation des provinces de Namur, Liége et Limbourg, ne peut permettre que les dangereux obstacles, qui rendent à peu près impraticable la traversée de cette rivière à Liége, soit à la descente, soit à la remonte, subsistent plus longtemps, alors qu'ils sont la cause permanente du naufrage des bateaux et de la mort des ouvriers bateliers, dont trois viennent encore de périr presque au moment où nous réclamons votre assentiment aux projets utiles qui doivent la faire cesser.

« La chambre de commerce, organe naturel des vœux des commerçants et des industriels de Liége est si pénétrée de l'urgente nécessité des ouvrages dont l'exécution est simultanément demandée qu'elle considérerait comme un véritable malheur l'adoption de plans partiels sans ensemble, et se bornant à des travaux incomplets qui feraient naître plus tard les regrets les plus fondés. »

J'appellerai toute l'attention de M. le ministre sur le plan de rectification du cours de la Meuse que je viens de faire connaître. Déjà le conseil des ponts et chaussées a reconnu que cette rectification était indispensable pour la sécurité de la navigation. La station réclamée par la ville ferait cesser le préjudice irréparable qui résultera pour elle de l'éloignement de celle que l'on a le projet d'établir au pied des plans inclinés. Je regarde d'ailleurs, comme une nécessité, de mettre le chemin de fer en jonction avec la Meuse, si l'on veut soutenir la concurrence avec celui de Maestricht, qui offrira cet avantage pour le transport des voyageurs et des marchandises. L'exécution des travaux demandés par la ville contribuera à améliorer sa situation sous le rapport de la navigation et à dédommager quelque peu son industrie et son commerce des pertes que les événements politiques leur ont fait éprouver. Quant à la dépense, la commune y interviendra pour une forte part et, de son côté, la province pourra y concourir également. Je prie donc M. le ministre de faire accélérer l'étude d'un projet d'autant plus urgent qu'il doit mettre fin aux périls de la navigation dans la traversée de Liége.

M. Delfosse**.** - Je crois devoir soumettre à la chambre quelques observations sur l'allocation de 278,380 fr. demandée pour l'entretien et l'amélioration de la Meuse dans les trois provinces qu'elle traverse.

Cette allocation pourra paraître considérable à quelques-uns de mes honorables collègues, mais elle est, en réalité, très faible relativement aux nombreux travaux qu'il est urgent de faire exécuter.

La navigation de la Meuse est sujette à deux sortes d'entraves : il y a les droits perçus pour la Hollande sur les bateaux belges ; il y a le mauvais état du Fleuve.

Les droits perçus par la Hollande sur les bateaux belges rendent le fret de vos charbons très coûteux et les empêchent souvent de concourir sur le marché hollandais avec les charbons anglais et prussiens.

Si nous en croyons l'honorable M. Liedts, il se passera encore longtemps avant que la Hollande nous fasse quelques concessions sur ce point ; la Hollande, nous disait cet ancien ministre dans la séance du 14 février, n'entrera dans aucun arrangement commercial avec la Belgique avant que nos différends financiers soient aplanis et Dieu sait quand nous venons le terme de ces inextricables débats.

Ce langage, messieurs, n'est pas rassurant et il y a lieu de s'étonner que M. le ministre des affaires étrangères n'ait pas pris la parole pour neutraliser le fâcheux effet qu'il était de nature à produire sur la chambre et sur le pays.

Si nous n'avons pour le moment, rien à attendre de la Hollande, si la cause d'infériorité qui résulte des droits existants doit continuer à peser sur nous, c'est une raison, messieurs, pour faire disparaître le plus tôt possible le surcroît de frais qui peut être attribué au mauvais état du fleuve.

Ce mauvais état est constaté par une foule de pièces qui ont été adressées aux ministres et aux membres de la chambre, il est constaté aussi par les rapports de l'ingénieur spécialement chargé du service de la Meuse.

Les chemins de halage sont insuffisants, défectueux ; ils passent trop souvent d'une rive à l'autre.

Il s'est formé sur plusieurs points des atterrissements qui rendent le passage des bateaux difficile et quelquefois impraticable.

La navigation est interrompue une grande partie de l'année, tantôt à cause des glaçons, tantôt à cause de la surabondance ou du manque d'eau.

Il est du devoir du gouvernement et des chambres d'apporter à cet état de choses un remède prompt et efficace ; l'allocation que nous avons votée l'année dernière et celle que nous allons voter, seront sans doute utiles, mais on ne pourra guère, à l'aide de ces sommes, effectuer que quelques travaux isolés qui ne procureront qu'une amélioration peu sensible et fort lente ; il faudra, si on reste dans cette voie, dix, quinze et même vingt ans, pour que la Meuse soit convenablement améliorée.

Au lieu de dépenser 200,000 fr. par an, pendant dix ou quinze ans, il serait bien préférable de dépenser deux ou trois millions en deux ou trois ans. La dépense, en définitive, ne serait pas plus forte, elle serait même moindre, et les avantages que le commerce et l'industrie doivent en retirer, seraient immédiats.

J'ai dit que la dépense serait moins forte, si elle était faite en deux ou trois ans que si elle était répartie sur un terme plus long ; effectivement, messieurs, je tiens d'hommes spéciaux et je crois que c'est aussi l'avis de l'ingénieur chargé du service de la Meuse, que des travaux isolés offrent moins de changes de durée que s'ils étaient exécutés simultanément avec d'autres travaux, d'après un plan bien conçu.

Je sais qu'on va m'objecter la difficulté de trouver actuellement une somme aussi considérable.

Mais c'est là un obstacle qu'il serait facile de lever. On pourrait contracter un emprunt spécial dont les intérêts et l'amortissement seraient couverts au moyen du produit des péages de la Meuse et en cas d'insuffisance, d'un subside du gouvernement.

Remarquez bien, messieurs, que la navigation de la Meuse est une branche d'industrie très importante. Dans la province de Liége, seule elle a employé 1500 bateaux et un capital de neuf millions de francs uniquement pour le matériel. Elle est surtout importante par l'appui qu'elle prête à d'autres branches d'industrie, et notamment à nos houillères, qui sont une des principales richesses du pays. On peut d'ailleurs affirmer, sans crainte d'être démenti par l'événement, que le produit des péages de la Meuse serait au moins double si l'on y faisait les améliorations que l'industrie et le commerce réclament.

Ne croyez pas, messieurs, que je parle ici dans un intérêt de localité ; la province à laquelle j'appartiens retirerait sans doute de grands avantages de l'amélioration de la Meuse, mais elle serait également avantageuse à d'autres provinces ; la province de Namur, le Limbourg, le Luxembourg surtout, si on achève le canal de Meuse et Moselle, une partie même de la province d'Anvers, à cause du projet de la canalisation de la Campine, sont intéressé comme nous à la réclamer ; si jamais question fût d'intérêt général, c'est bien celle-là.

(Erratum Moniteur belge n°55, du 24 février 1842) Je laisserai aux hommes spéciaux le soin d'indiquer à M. le ministre des travaux publics, les améliorations dont la Meuse est susceptible. Il en est une cependant sur laquelle je ne puis m'empêcher d'appeler, comme vient de le faire l'honorable M. de Behr, toute l'attention de M. le ministre.

Le cours vicieux de la Meuse, dans la partie qui traverse Liége, expose les bateliers et les habitants de la ville eux-mêmes aux plus grands dangers.

C'est ainsi que la Boverie, qui contient des propriétés de grande valeur et bon nombre d'habitants, se trouve exposée chaque année aux inondations les plus désastreuses.

C'est ainsi qu'on voit s'écouler chaque jour les murs d'eau et les bâtiments qui longent la rive droite.

Le mal est venu au point qu'un quartier important de la ville a conçu de sérieuses inquiétudes.

C'est ainsi que les bateaux, poussés par la force du courant, vont souvent se briser contre les piles du pont des Arches ; plus d'un batelier expérimenté y a laissé sa fortune et la vie. La construction d'un second pont va encore aggraver le mal.

Chose affreuse, messieurs, et en même temps étrange, il est plus dangereux de naviguer sur cette partie de la Meuse que sur la mer. Le gouvernement ne peut pas rester impassible en présence de tels malheurs, il doit se hâter d'y mettre un terme, il y a là un intérêt d'humanité que l'on ne peut méconnaître sans encourir la plus grave responsabilité.

Un plan de dérivation, rédigé en vue de mettre fin à ces désastres, a été présenté par M. Franck, il a été approuvé par l'administration communale et par le gouvernement. Si j'avais l'honneur d'être ministre des travaux publics, je n'aurais pas un instant de repos que je n'eusse fait exécuter ce plan ou tout autre pouvant atteindre le même but.

L'exécution d'un tel plan se lie d'ailleurs intimement à l’établissement de la station intérieure qui a été promise à la ville de Liége depuis 1836, et qui ne pourra être placée que sur les terrains que la dérivation de la Meuse aura laissés disponibles. Il est impossible que l'on tarde longtemps encore à exécuter les travaux qui doivent mettre la Meuse en jonction avec le chemin de fer ; il est impossible qu'une ville aussi importante que Liége soit laissée à plus d'une demi-lieue de cette grande voie de communication. Quelle que soit la dépense, il faut qu'elle se fasse : l'intérêt public le réclame ; la justice l'exige.

J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien nous dire s'il se rallie aux vues que je viens d'émettre et s'il est disposé à faire droit aux nombreuses réclamations qui lui ont été adressées tant par le conseil communal que par les habitants de la ville de Liége.

M. d’Hoffschmidt. - Je crois qu'on est généralement d'accord sur l'utilité et la nécessité d'améliorer la navigation de la Meuse. Quant à moi, je suis très grand partisan de cette amélioration ; je la crois une des plus indispensables qu'il y ait à faire dans le pays, en ce qui concerne les voies de navigation. Quand on voit en effet un fleuve aussi important que la Meuse traverser le cœur du pays et des centres d'industrie très importants, on ne conçoit pas comment ce fleuve n'a été rendu jusqu’à présent navigable qu'un tiers l'année. On doit donc s'empresser de changer le plus promptement possible cet état de choses.

Jusqu'à présent, on n'a consacré que des sommes peu élevées à l'exécution de ces travaux, on n'a fait que des essais. Plusieurs membres de la section centrale avaient même une propension à rejeter la somme proposée cette année, parce qu'ils craignaient que si l'on ne faisait encore que des essais, ces essais ne pussent servir dans un système général adopté postérieurement. M. le ministre des travaux publics nous a rassuré ; il nous a dit que les travaux exécutés par voie d'essai serviraient dans tous les cas dans le système général qu'il se propose de présenter à l'ouverture de la prochaine session.

Sous le rapport de la question d'utilité, il ne peut y avoir le moindre doute dans cette enceinte comme dans tout le pays. La difficulté ne commence que quand il s'agit de la question financière ; en, effet, l'an prochain, on nous présentera sans doute, d'après ce qui a été dit, un projet, pour la canalisation de la Campine. On proposera encore d'autres travaux d'une utilité incontestable. Cette année même, après la loi des indemnités, il paraît qu'on va s'occuper du projet de loi relatif au canal de Zelzaete. Tous ces projets sont évidemment utiles ; mais il faut examiner, avant de les décréter, par quels moyens on fera face à toutes 1es dépenses qu'ils nécessiteront.

J'ai donc entendu avec plaisir M. le ministre des travaux publics nous annoncer qu'il se proposait de présenter un système général pour les voies navigables du pays. Lorsque ce projet aura été présenté, il y aura plusieurs questions à examiner : d'abord combien coûteront toutes ces voies navigables ? en combien d'années seront-elles exécutées ? et enfin par quels moyens fera-t-on face à ces dépenses ? sera-ce par des emprunts ? sera-ce par le moyen dont M. le ministre s'occupe, la création d'un fonds commun pour les canaux et les routes ? Enfin, sera-ce avec le secours des sociétés à qui on accorderait soit des subsides, soit un minimum d'intérêts ? Voilà les questions qui, selon moi, devront être examinées avant d'arrêter définitivement l'exécution des travaux nécessaires encore à la bonne viabilité de la Belgique. Sinon nous nous embarquerions dans l'exécution de travaux qui coûteraient beaucoup au trésor ; après cela on en entreprendrait d'autres encore, et nous ne saurions où nous allons. Nous nous exposerions ainsi, messieurs, à entraîner le pays dans des dépenses incalculables en agissant sans ensemble.

Je crois donc indispensable que la chambre s'occupe avant tout de la question de savoir quelles voies de communication sont nécessaires à la Belgique, qu'un projet de loi à cet regard soit rédigé, qu'on voie quel est le montant de la dépense, et quels sont les moyens d'y faire face. Quand ces questions importantes auront été examinées, on prononcera en connaissance de cause, et nous ferons ce qu'on fait aux Etats-Unis, pays qu'on peut citer comme modèle en fait de communications. Nous rédigerons un plan d'ensemble, au lieu de procéder par tâtonnement, ce qui ne conduit à rien.

Dans ce plan d'ensemble, M. le ministre des travaux publics n'oubliera pas, j'espère, le canal de Meuse et Moselle ; car il serait un des plus utiles et formerait également un des affluents les plus productifs de la Meuse. Il paraît cependant qu'on l'a oublié. J'ai adressé, à cet égard à la section centrale une question à M. le ministre. Il a répondu que « le gouvernement s'occupait de poursuivre en justice la déchéance de la société concessionnaire. » Mais il y a déjà 6 ans qu'on s'en est occupé. Il me semble que si l'on avait eu un peu plus d’activité et de bonne volonté (ce reproche ne s'adresse pas seulement à M. le ministre actuel, niais aussi à ses prédécesseurs), cette déchéance devrait être prononcée. Dans tous les cas, je ne regrette pas qu'elle n'ait pas encore été prononcée, parce que je préférerais une transaction avec cette société. Il me semble qu'on pourrait obtenir cette transaction. On a essayé, il est vrai de transiger avec la société concessionnaire ; mais c'était lorsque nos contestations politiques n'étaient pas terminées, lorsqu'il y avait de l'incertitude sur le sort du Luxembourg, lorsque la paix pouvait être troublée d'un moment à l'autre.

Cet état de choses est changé. Le traité du 19 avril a fixé le sort du Luxembourg ; nous sommes en paix avec la Hollande. Je ne vois donc pas pourquoi la société se refuserait à entrer en arrangement avec le gouvernement ; car son intérêt doit l’y porter ; déjà elle a dépensé 3 millions pour l'exécution du canal dont il s'agit ; par conséquent, tant qu'elle ne reprend pas les travaux ces 3 millions restent improductifs pour elle. Il me semble qu'au lieu de continuer la poursuite de la déchéance de la société, le gouvernement devrait entamer une nouvelle négociation avec elle. Il ferait bien, ce me semble, d'entrer aussi en négociation avec le gouvernement grand-ducal qui est également intéressé à l'achèvement du canal de Meuse et Moselle, et qui j'en suis persuadé, interviendrait auprès de la société concessionnaire pour obtenir ce résultat. Je le pense d'autant plus que le chancelier d'Etat qui est à la tête des affaires du LuxemboUrg est un des actionnaires les plus importants de la société, et qu'il a même pris une part active aux travaux du canal. J'engage donc le gouvernement à s'occuper de ces négociations et je recommande spécialement cette affaire à M. le ministre des travaux publics.

M. Peeters, rapporteur, renonce à la parole.

M. Fleussu. - Bien que le chiffre proposé par le gouvernement ne semble pas contesté, puisque je n'ai vu personne se lever pour le combattre, je viens cependant me joindre à mes honorables collègues Delfosse et de Behr. Ne croyez pas que ce soit un intérêt de localité qui nous guide dans cette circonstance ; nous sommes animés par un intérêt bien plus puissant. Il ne s'agit pas seulement de la province de Liège ; il s'agit en outre, des provinces du Limbourg et de Namur ; car, ainsi qu'on vous l'a dit, et que je me permettrai de vous le dire encore, il ne se passe pas d'année que de grands malheurs n'arrivent sur la Meuse. C'est ce qu'expriment et les pétitions qui vous ont été adressées par les bateliers de Liège et par tous les industriels dont les usines sont sur les rives de la Meuse et la pétition qui a été récemment adressée à M. le ministre des travaux publics par les habitants de la Boverie, dont l’existence est menacée chaque année par les inondations de la Meuse, et, enfin, les pétitions récemment adressées au gouvernement par la régence de Liége.

L'importance de la Meuse vous est assez connue ; vous savez qu'elle coupe la Belgique dans une ligne opposée au chemin de fer ; qu'aboutissant d'une part à la Hollande, d'autre part à la France, elle est un moyen de transport vers ces deux pays. Elle est destinée à servir de moyen de transport aux produits qui sont sur ses rives. Ce sont des matières pondéreuses, Vous savez, messieurs, que les principales industries consistent dans les produits de l'alun, du fer, de la houille, des pierres de taille et de la chaux, toutes matières pondéreuses qui ont besoin de la navigation pour pouvoir être exportées à des prix avantageux.

Le chemin de fer aura, sans doute, de grands avantages, mais ces avantages nous les avons achetés à des prix considérables. Eh bien ! vous pourriez en obtenir d'aussi grands sur la Meuse, surtout lorsque des bateaux à vapeur seront établis, et avec une dépense bien moins forte ; car d'après les explications qui m'ont été fournies par les ingénieurs chargés des études des travaux de la Meuse, je crois qu'avec 3 ou 4 millions on pourrait rendre ce fleuve navigable en toutes saisons.

Une chose assez remarquable, messieurs, c'est que l'importance de la Meuse a été reconnue par tous les gouvernements, et qu'aucun, cependant, n'a rien fait pour rendre sa navigation aussi avantageuse qu'elle pourrait l’être, pour lui faire rendre tous les services dont elle est capable. Ce fleuve a toujours été livré à lui-même ; la main de l'homme ne se voit nulle part pour régulariser et conserver ce grand moyen de communication. Il a, par suite de cette insouciance, de cette négligence, subi de notables détériorations. On remarque dans plusieurs points des atterrissements qui s'y sont formés ; presque tous les chemins de halage sont détruits. On peut presque dire qu'il y a absence de chemins de halage. Les courants sont tellement rapides dans certaines parties du fleuve, que la remonte en est presque impossible.

Croiriez-vous, messieurs, je le demande surtout à ceux qui connaissent la ville de Liége, que pour remonter l'espace de la ville, il faut toute une demi-journée ; et encore cela ne peut-il se faire qu'à grands efforts de chevaux et d'hommes qui traînent les bateaux.

Ce qui, il y a une quarantaine d'années, n'était que des fonds de gravier, s'est depuis lors transformé en îles. C'est ce qui vous est attesté par le rapport de M. l'ingénieur Guillery. Il vous indique une île, assez forte maintenant, qui rétrécit par conséquent le lit de la Meuse, qu'elle divise en deux, qui, il y a 40 ans, n'était qu'un fond de gravier. .

Je ne sais si vous avez jeté les yeux sur un autre rapport présenté par M. l'ingénieur Lejeune, du temps que nous étions réunis à la France, et qui date du 26 frimaire an IX. Il est curieux de voir que, déjà à cette époque, le fleuve était dans un état de véritable détérioration. Cet ingénieur aussi indique les améliorations dont il est susceptible.

Messieurs, cette grande négligence qui a été apportée dans l'administration du fleuve, et qui a été apportée sous tous les gouvernements, a rendu la navigation impossible une grande partie de l'année. C'est ainsi, par exemple, que quand les eaux sont basses au lieu d'un tirant d'eau de 1 mètre 50 centim. dont le batelage a besoin, on n'en trouve que de 40 a 50 centim. C'est ce qui rend alors la navigation, sinon impossible, du moins la restreint considérablement, parce que les bateaux ne peuvent prendre qu'une demi-charge, qu'un tiers de charge, bien que cependant les frais auxquels ils sont soumis soient les mêmes.

Tantôt, messieurs, les eaux sont trop fortes ; il y a inondation ; et alors la navigation est encore impossible. Puis viennent les gelées, puis vient la débâcle des glaçons. De manière qu'à vrai dire, dans l'état où se trouve maintenant le fleuve, on ne peut s'en servir pour la navigation que pendant trois mois de l'année tout au plus.

Remarquez du reste que les inondations et les gelées ne sont que des obstacles temporaires, et qui cessent assez rapidement. Mais le plus grand obstacle à la navigation, c est le défaut d'eau. Or si on faisait disparaître les atterrissements, si on creusait une espèce de canal au milieu du lit du fleuve, alors le peu d'eau qu'il y a en été se reporterait vers ce canal, et la navigation serait toujours possible.

En France les mêmes inconvénients avaient été remarqués. Mais déjà depuis longtemps on a cherché à y remédier ; car des études approfondies ont été faites sur la partie du fleuve entre la frontière et Sedan. Je crois même que des travaux ont été pratiqués. .

Notre gouvernement aussi n'a pas perdu de vue les immenses intérêts qui se rattachent à la navigation de la Meuse, et un ingénieur très capable a été désigné pour faire les études de ce fleuve. Ces études sont déjà fort avancées. Elles touchent même à leur achèvement. Car, d'après un rapport qui nous a été distribué, on voit quels sont les moyens qui sont indiqués par l'ingénieur pour rendre la Meuse navigable en toutes saisons, ou du moins, pour faire disparaître les obstacles.

Messieurs, j'espère que nous aussi, à notre tour, nous pourrons, comme l'honorable M. Doignon, adresser notre compliment à M. le ministre des travaux publics, sur les efforts qu’il aura faits pour satisfaire aux vœux qui lui ont été exprimes par tant d'organes différents.

Messieurs, je vous disais que l'intérêt du commerce et de l'industrie de trois ou quatre provinces réclamait ces améliorations. Je dis maintenant, messieurs, qu'elles sont réclamées par l'intérêt de l'humanité ; car je n'exagère pas en vous disant qu'il ne se passe pas d'année où la Meuse ne soit une cause de désastre pour toute une population, Je veux vous parler de la population habitant la Boverie. Tous les ans, messieurs, dans les grandes eaux, il y a des inondations, et les habitants de ce quartier se trouvent véritablement enfermés chez eux ; quelquefois même ils se voient obligés d'arborer le drapeau blanc pour demander des secours.

Maintenant la navigation elle-même présente de bien grands dangers dans les environs de la ville de Liége. C'est ainsi que constamment vous voyez les journaux enregistrer des sinistres. Au commencement de cet hiver même, et bien que cependant les eaux n'aient pas été d'une hauteur démesurée, il y a eu quatre accidents en moins d'un mois, accidents, qui, à part la perte des marchandises, a causé la mort de plusieurs personnes ; et ces accidents se répètent tous les ans. De manière que, je le répète, dans l'intérêt de l'humanité, c'est un devoir pour le gouvernement d'améliorer la navigation de la Meuse. Ce devoir, vous le comprendrez aussi et vous mettrez sans doute le gouvernement à même de le remplir.

L’honorable M. de Behr vous a signalé les causes du danger de la navigation aux environs de Liége. Il avait été compris par la province et par la régence de la ville. Lorsque le fleuve était administré par la province, celle-ci, d'accord avec la régence, et ayant du reste obtenu un subside du gouvernement, avait projeté une dérivation de la Meuse. Il y a même eu plus qu'un projet, il y a eu une mise à exécution ; car il y a eu un entrepreneur ; les plans étaient faits. Mais des difficultés sont survenues avec cet entrepreneur ; les travaux ont été arrêtés, et dans l'intervalle le gouvernement a repris l'administration du fleuve.

Maintenant je dis qu'il y a en quelque sorte chose jugée sur la nécessité de la dérivation du fleuve, puisque la province, comme le gouvernement, en accordant un subside de 200,000 francs, si je ne me trompe, ont reconnu cette nécessité. Aujourd’hui que le gouvernement a l'administration du fleuve, il n'agira pas contrairement à ce qu'il avait fait en accordant un subside.

Un grand avantage qui résulterait, et ici, je l'avoue, je parle plus spécialement dans l'intérêt de la ville de Liége, un grand avantage qui résulterait de cette dérivation, c'est qu'elle permettrait de disposer de dix-huit hectares de terrain qui pourraient fort bien servir à l'emplacement d'une station de chemin de fer.

Remarquez, messieurs, que le premier projet de chemin de fer indiquait le passage par Liége. Mais il n'en a pas été ainsi lors de la mise à exécution ; tous ceux d'entre vous qui ont visité les travaux auront pu s'apercevoir que le chemin de fer s'éloigne de la ville d'environ une demi-lieue. C'est ainsi que la station est deux mille, d'autres disent à deux mille cinq cents mètres du centre de la ville.

La régence a constamment pétitionné pour que la station fût plus rapprochée, Au moment où elle a adressé la première pétition, il semblait que le gouvernement avait pris pour système d'éloigner les stations des villes. Mais depuis lors nous avons vu qu'à Gand, par exemple, on a établi une station au milieu de la ville même. A Bruges, à Ostende et même dans une place forte, à Mons, la station est dans la ville.

Encouragée par cet exemple, la ville de Liège a recommencé son pétitionnement. Vous comprenez, si on doit faire une demi-lieue pour arriver à la station, tous les inconvénients qui pourront en résulter. Cela pourrait déterminer les voyageurs à ne pas descendre à Liége et à passer outre.

Il y a d'autres considérations qui viennent à l'appui du projet de jonction de la Meuse avec le chemin de fer.

Vous savez qu'il est question d'un chemin de fer à établir entre Maestricht et Aix-la-Chapelle. Je crois même que ce chemin est décidé. Eh bien ! il est probable que, mieux avisé, le gouvernement hollandais fera joindre la station à la Meuse. Et dans ce cas qu'arrivera-t-il ? C'est que tous les produits des bords de la Meuse qui devront aller vers l'Allemagne, au lieu de s'arrêter à Liége, où ils devraient subir un transbordement et faire un long trajet avant d'arriver à la station, descendront à Maestricht et arriveront à Aix-la-Chapelle par un chemin bien plus court que par le chemin de fer belge.

C'est là une considération importante que je recommande à l'attention de M. le ministre des travaux publics. Il est évident que s'il n'y a pas jonction entre la Meuse et le chemin de fer, s'il faut faire un trajet de deux mille mètres, tous les industriels feront descendre leurs produits jusqu'à Maestricht et les expédieront de là vers Aix-la-Chapelle, parce qu'il y aura pour eux économie de temps et de dépenses.

D'après ces considérations, je recommande à M. le ministre des travaux publics un plan qui lui a été indiqué et qui est encore à l'étude, mais qui me semble de nature à obtenir l'approbation de la chambre et du gouvernement, d'autant plus que les frais qui en résulteraient ne seraient pas bien considérables, d'autant plus encore que, par un arrêté de 1836, déjà un embranchement du chemin de fer a été décrété jusque dans la ville de Liége, où on établirait une station, mais ce projet ne pourrait se réaliser qu'à grands frais et deviendrait inutile par le projet qui est soumis à l'attention de MM. les ingénieurs.

Quant à la dérivation de la Meuse, le gouvernement est en quelque sorte engagé, puisque déjà il avait accordé un subside et que la province et la commune consentent à intervenir dans la dépense.

M. Fleussu. - Si l’on a dépensé 24 millions dans la province de Liége pour le chemin de fer,ce n'est pas dans l’intérêt de la province que cela a été fait, cela s'est fait dans l’intérêt du royaume tout entier ; si la dépense a été faite dans la province de Liége plutôt partout ailleurs, c'est que cette province se trouvait sur la ligne que devait suivre le chemin de fer.

Quant à la canalisation de la Campine, j'y donnerai mon assentiment s'il est démontré que l'intérêt général exige ces travaux. Mais la Meuse existe, et il me semble qu'il vaut mieux améliorer une chose qui existe que de créer une chose nouvelle dont on ne connaît pas encore les résultats.

M. d’Hoffschmidt**.** - Ce que nous entendons en ce moment, messieurs, prouve à la dernière évidence que j'ai eu raison de dire qu'il est urgent de présenter un système général de toutes les communications, qu'il est urgent de créer dans le pays, Chacun réclame la priorité pour le projet qu'il affectionne. Les honorables députés de Liége disent que c'est à la Meuse qu'il faut d’abord travailler, l'honorable M. Peeters soutient avec force qu'il faut s'occuper d'abord de la canalisation de la Campine ; je pourrais à mon tour dire qu'il faut donner la priorité au canal de Meuse et Moselle qui présente, sur les autres travaux dont on parle, cet avantage qu'il a déjà reçu un commencement d'exécution et que des sommes considérables y ont déjà été dépensées.

Je voudrais, je le répète, que la chambre fût mise à même d'examiner l'ensemble des communications qu'il y a à établir dans le pays, quelles sont les sommes qui doivent être consacrées à leur exécution, comment on couvrira la dépense, dans quel nombre d'années les travaux pourront être achevés. Après avoir examiné ainsi l'ensemble de toutes ces communications, la chambre serait à même de se prononcer en connaissance de cause sur la question de savoir à quels travaux il faut donner la priorité. C'est cet ensemble que la chambre sera appelée, je l'espère, à examiner dans la session prochaine, et jusque là je suis ,quant à moi, disposé à m'opposer à ce que l'on s'occupe de tel ou tel projet isolé.

M. de Behr**.** - On a dit, messieurs, que la Meuse ne rapporte que 64,000 fr. par an ; mais il faut remarquer, messieurs, qu'elle n'est navigable que pendant 4 mois de l'année. Si elle l'était pendant l'année entière, elle donnerait des produits beaucoup plus considérables.

Je ne conteste point les avantages de la canalisation de la Campine ; mais c'est là une affaire toute d'intérieur, tandis que la Meuse nous met en communication avec les autres pays, avec la France, l'Allemagne et la Hollande. Elle a été considérée comme un fleuve tellement important qu'elle a fait l'objet d'une stipulation particulière de la part du congrès de Vienne.

M. Vandensteen. - Dernièrement, messieurs, il vous a été donné connaissance d'une pétition qui vous avait été adressée par des bateliers naviguant sur l'eau d'Ourthe et la Meuse. Par cette réclamation on demande qu'il soit apporté quelques changements au règlement concernant la navigation de la Meuse. Je n'ai pas, en ce moment, la pétition bien présente à la mémoire, mais je sais qu'elle insiste particulièrement sur la disposition de l'art. 21 du nouveau règlement, qui oblige les bateaux à avoir 18 centimètres de bord. Les bateliers prétendent que cette disposition leur porte un grand préjudice parce que, disent-ils, on va diminuer beaucoup leur cargaison, la partie supérieure du bateau étant celle qui peut contenir le plus de marchandises. Ils allèguent, en outre, qu'avec une charge telle que celle qui est exigée par le nouveau règlement, les bateaux manœuvrent beaucoup plus difficilement, puisqu'il est reconnu que tout bateau se conduit mieux à pleine charge.

Je prierai M. le ministre de bien rouloir examiner toutes les réclamations que renferme la pétition dont il s'agit et d'apporter au nouveau règlement les modifications qu'il croira convenables dans l'intérêt des bateliers naviguant sur la Meuse.

M. de Theux, - L'honorable M. de Behr m'a semblé ravaler beaucoup trop la canalisation de la Campine en disant que c'est une affaire purement intérieure, Ce n'est pas ainsi que cet objet est envisagé à Anvers où l’on rattache la canalisation de la Campine aux relations de la Belgique avec les pays étrangers. Evidemment la canalisation de la Campine est destinée à favoriser nos relations d’abord avec la Hollande et ultérieurement avec l'Allemagne. D'ailleurs, si l'on veut considérer l'opération comme une affaire d'intérieur, je dirai que ce n'est pas une chose à négliger, que de favoriser l’accroissement de la population et les progrès de l'agriculture sur une étendue de pays aussi considérable.

Au reste, messieurs, attendons le rapport qui nous est annoncé par M. le ministre des travaux publics ; lorsque nous aurons ce rapport sous les yeux nous pourrons nous prononcer en connaissance de cause. Quant à moi, mon opinion sur l'utilité de la canalisation de la Campine est arrêtée depuis longtemps, et je crois que la plupart des membres de la chambre sont également convaincus de cette utilité.

M. Delfosse. - Ce n'est pas sérieusement, sans doute, que l’on présenté comme faite dans l'intérêt de la province de Liége la dépense de la partie du chemin de fer qui traverse cette province ; il fallait bien que le chemin de fer passât quelque part pour joindre l’Escaut au Rhin ! Mais, dit l'honorable M. Peeters, le plan primitif le faisait passer par la Campine. Je répondrai à cet honorable membre que si ce projet, dont j'entends parler pour la première fois, a été écarté, c'est probablement parce qu'il présentait trop de difficultés d’exécution et aussi parce qu'il eût été déraisonnable de laisser les villes industrielles et commerciales en dehors de cette grande voie de communication ; ce n'est pas pour les localités désertes, c’est pour les villes importantes que les grandes voies et communication doivent être faites ; il n'est d'ailleurs nullement prouvé que la dépense du plan primitif eût été moindre. L'honorable M. Peeters se plaint de ce que la Campine ne peut rien obtenir ; selon lui, c’est parce qu’il est pauvre qu'il faudrait faire quelque chose pour elle ; l'honorable M. d'Hoffschmidt trouve de son côté que l’on devrait s'occuper du canal de Meuse et Moselle, qui a déjà reçu un commencement d'exécution. Je m'intéresse, messieurs, comme ces honorables membres, aux localités en faveur desquelles ils réclament la bienveillance de la chambre, mais je pense qu’avant de créer des intérêts nouveaux, il est bon de ne pas laisser dépérir ceux qui existent ; je pense qu'il ne faut pas, dans le but louable d'enrichir une province pauvre, appauvrir une province riche ; s’il y a un commencement d'exécution pour le canal de Meuse et Moselle, il y a mieux que cela pour la Meuse, il y a un fleuve qui nous a été donné par la nature et dont nous devons tirer tout le parti possible. Mettons une bonne fois de côté, messieurs, les intérêts de localités qui nous divisent trop souvent. J'ai déjà eu l’honneur de le dire, l'amélioration de la Meuse n'intéresse pas seulement notre province, elle intéresse cinq provinces ; j'ai aussi invoqué un intérêt d’humanité qui doit dominer tous les autres ; il y a chaque année des naufrages, il y a des hommes qui périssent ; quelle responsabilité n’encourraient pas le gouvernement et la chambre, s’ils tardaient à porter remède au mal ! J’aime à croire que M. le ministre des travaux publics, qui n’a pas encore parlé dans cette discussion va nous faire entendre quelques paroles rassurantes.

M. Demonceau. - Je ne conteste pas qu’il faille faire beaucoup pour la Campine. Je ne conteste pas non plus qu’il faille faire beaucoup pour le Luxembourg, je reconnais que la partie du chemin de fer qui traverse la province de Liége a coûté beaucoup, mais je tiens cependant à faire remarquer à la chambre que si la dépense a été aussi élevée, il n’est pas certain qu’elle eût été moindre si l’on avait adopté une autre direction. Ne perdez pas de vue, messieurs, que lorsqu’il a été décidé que le chemin de fer traverserait la province de Liège, l’on avait déjà eu à s’occuper du traité de paix, qui place la forteresse de Maestricht entre les mains de la Hollande.

Or vous n’eussiez certainement pas voulu placer le chemin de fer sous le canon de la forteresse de Maestricht ; il n’y avait cependant que ce moyen d’éviter la dépense qui a été faite pour suivre la direction actuelle. Je crois que tous ceux qui se sont occupés de ces questions reconnaîtront que je m’exprime ici avec vérité.

Ne récriminons pas si souvent et si longtemps à propos des dépenses qu’occasionne la direction du chemin de fer dans la province de Liége.

Messieurs, vous pouvez être certains que, proportion gardée entre les dépenses du chemin de fer dans la direction d’Anvers à la frontière de Prusse, et les dépenses du même chemin dans la direction de Malines à la ville d’Ostende, la direction d’Anvers à la frontière de Prusse produira plus de revenus que la direction de Malines à Ostende. Je me borne à cette comparaison ; je pourrais encore citer d’autres lignes.

Maintenant, il y a, messieurs, un point essentiel sur lequel j’appelle tout l’attention de M. le ministre des travaux publics ; c’est la dérivation de la Meuse. C’est là où est le mal. Il ne faut pas que le mal soit fait pour le réparer. Selon moi, retarder la dérivation de la Meuse dans un moment où l’on a construit pour le service du chemin de fer un pont qui doit faire couler les eaux dans une direction toute contraire au lit actuel du fleuve, c’est compromettre la sécurité des habitants de la rive droite de la Meuse, surtout. J’ai examiné par moi-même la position du pont construit au Val-Benoît, et j’ai acquis la conviction que, dans une crue d’eau extraordinaire, la section de la Boverie serait entièrement inondée, et que l’inondation s’étendrait jusqu’au quartier d’Outre-Meuse.

Dans l’intérêt même de la ville de Liége, qui réclame une station à l’intérieur, je voudrais qu’on commençât par la dérivation de la Meuse, parce que cette dérivation laissera disponible un bon terrain sur lequel une station intérieure pourrait être possible. Mais, dans tous les cas, il y aurait moyen d’établir un embranchement qui serait en quelque sorte la liaison de la station du chemin de fer au nouveau lit de la Meuse.

Pour mon compte, et dans l’intérêt général, j’appelle toute l’attention de M. le ministre des travaux publics sur le point que je considère comme le plus important, la dérivation de la Meuse ; j’appelle également son attention sur la possibilité qu’il y aurait de faire droit à la réclamation de la ville de Liége, en rapprochant la station de l’intérieur de la ville de la Meuse tout à la fois.

M. de Mérode. – Messieurs, je pense avec l’honorable M. Demonceau, qu’il importe de travailler à la dérivation de la Meuse, parce que c’est un objet qui intéresse la sécurité de beaucoup d’habitants d’une localité. Mais la difficulté pour moi, c’est toujours de trouver des voies et moyens pour créer tous ces travaux.

J'entends parler de la canalisation de la Campine ; j'entends parler de travaux à faire à la Meuse pour la rendre parfaitement navigable. Tout cela est, sans doute, infiniment à souhaiter. Mais je ne sais pas comment M. le ministre, avec tout le talent imaginable, pourra trouver les ressources nécessaires pour faire face à ces dépenses.

Mais en attendant, ce qui est urgent, ce sont les travaux relatifs à la dérivation de la Meuse dans la ville de Liége, à cause des dangers qui résultent de la situation actuelle des choses.

M. Rogier. - Messieurs, les députés de Liége viennent de signaler à la chambre les inconvénients que présente à la navigation l'état d'un pont qui remonte à une date ancienne.

En effet, le pont des Arches est pour la Meuse un véritable écueil, où chaque année les sinistres se multiplient dans une proportion effrayante.

Mais comme s'il n'eût pas suffi de cet écueil ancien établi sur la Meuse, M. le ministre des travaux publics, cédant aux sollicitations d'anciens concessionnaires, s'est décidé à établir, à peu de distance de cet écueil, un second pont que je considère, moi, comme un second écueil ; et si les renseignements donnés par les journaux sont exacts, il paraît qu'avant même la construction du pont, les sinistres sont arrivés contre les premiers maçonneries.

Des ingénieurs de tout grade, appartenant au corps des ponts et chaussées, avaient été unanimes pour repousser l'établissement d'un pont en pierre sur la Meuse, à la distance où se trouvera celui-ci du pont des Arches. Ils avaient proposé au gouvernement l’établissement d'un pont suspendu. J'avais adopté l'avis du conseil des ponts et chaussées dans cette circonstance. Je pensais avec eux que l'établissement d'un pont suspendu avait, surtout à cet endroit, un immense avantage, celui de laisser la navigation libre, Car il ne suffit pas de procurer un passage libre au-dessus d'une rivière ; il faut, autant que possible, que le passage par-dessous soit également libre.

Eh bien, le pont suspendu présentait cet avantage de ne gêner en rien la navigation. Il procurait encore ce second avantage, que nous propageons dans le pays l'établissement des ponts suspendus. Sous ce rapport, la Belgique est peut-être le pays le plus pauvre de l'Europe. Partout ailleurs, les ponts suspendus ne font plus question. Je ne citerai pas les Etats-Unis et l'Angleterre, mais je citerai la France. Il suffit d'avoir navigué sur les fleuves français, la Seine, le Rhône, etc., pour être convaincu que là les ponts suspendus ne font plus question. On en voit apparaître pour ainsi dire à chaque pas ; ils y figurent par centaines.

Eh bien, on a, suivant moi, eu tort de laisser échapper cette occasion, pour construire un pont qui eût pu servir de modèle à d'autres localités, et donner à une industrie importante du pays de Liége et de Mons un nouveau débouché. Il est probable que M. le ministre aura été déterminé par des raisons nouvelles et particulières ; je crois bien qu'il parviendra à en donner de satisfaisantes. Mais pour ma part, je ne pourrai que regretter qu'il ait dû renoncer à l'idée, qui avait été donnée par le conseil des ponts et chaussées, d'établir un pont suspendu à Liége.

Aujourd’hui, une des premières nécessités de l'établissement de ce pont, serait une dérivation à la Meuse. Voilà déjà un grand inconvénient attaché à la construction d'un pont en pierre. Si cette dérivation n'a pas lieu, on peut dire que ce second pont sera véritablement un second écueil pour la navigation.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, on a dans cette discussion beaucoup parlé de la dérivation de la Meuse, demandée par la province de Liége en général, et par le chef-lieu en particulier, car c'est spécialement la ville de Liége qui a demandé cette dérivation en la compliquant avec la station intérieure du chemin de fer.

La ville de Liége, en faisant cette demande, s'est appuyée sur un arrêté d'un de mes prédécesseurs, pris en 1836. Cet arrêté portait qu'un embranchement au chemin de fer serait construit pour se diriger à l'intérieur de la ville de Liége.

Lorsque j'ai reçu la demande que m'a présentée la députation du conseil communal de Liége, je me suis empressé de procéder à l'instruction de cette affaire ; j'ai remis toutes les pièces nécessaires entre les mains de M. l'inspecteur Vifquain, qui a été chargé de s'aboucher avec la commission nommée par le conseil communal de Liége. Le travail est en voie d'exécution, et j'espère qu'il sera bientôt terminé. J'en ferai alors l'objet d'un examen spécial de la part du conseil des ponts et chaussées, et quand ce conseil m'aura fait son rapport, je m'empresserai de prendre une décision.

Quant aux 200,000 fr. demandés pour travaux d'amélioration à la Meuse, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai répondu aux observations des sections et de la section centrale, attendu que le chiffre ne me paraît contesté par personne.

Un honorable député du Luxembourg vous a entretenus, messieurs, du canal de Meuse et Moselle. Il a trouvé que les poursuites qu'on exerçait contre la société concessionnaire duraient fort longtemps.

Mais, messieurs, je dois faire observer qu'il en est ainsi de tout ce qui est procès ; les plaideurs ne peuvent pas faire marcher les procès aussi vite qu'ils le voudraient quelquefois. Cependant, je dois dire que, d'après les rapports que j'ai reçus, il y a quelques jours, nous devons espérer que nous touchons enfin à une solution judiciaire de ce procès ; c'est lorsque cette solution sera intervenue qu'il sera possible de prendre une autre décision sur le travail en lui-même.

L'honorable M. Vandensteen vous a entretenus d'une pétition des bateliers de la Meuse et de l'Ourthe qui m'a été renvoyée par la chambre le 13 janvier dernier.

Messieurs, je puis vous donner connaissance immédiatement des observations qui m'ont été faites, en réponse à cette pétition, par l'ingénieur chargé du service spécial de la Meuse.

La première réclamation de ces bateliers portait sur l'art. 16 du règlement de police générale qui a été arrêté le 3 novembre dernier.

Voici comment est rédigé cet article 16 :

« Art. 16. Lorsque l'administration jugera qu'il y a danger de débordement sur les ports ou que la rivière commencera à charrier des glaces, les marchandises de toute nature et les matériaux, tels que pierres., moellons, pavés, bois, fers ou autres objets qui pourraient occasionner des accidents, seront immédiatement enlevés des ports, des berges et des abords de la rivière.

« Le dépôt de semblables objets sur les points ci-dessus est formellement interdit pendant tous le temps des glaces et hautes eaux.

Dans les mêmes circonstances, les bateaux qui ne se trouveraient pas dans les gares ou dans les bassins devront être immédiatement déchargés et les marchandises enlevées par les propriétaires ou gardiens desdits bateaux. »

« Les bateliers réclamaient contre le dernier paragraphe de cet article, attendu disaient-ils qu'il n'avait jamais été d'usage que les bateliers fussent assujettis à décharger leurs bateaux à leurs frais lors de l’arrivée des glaces ou des hautes eaux, et que ces frais doivent toujours être pour le compte des marchands.

L’ingénieur répond à cette réclamation, en disant que les bateliers ont mal compris l’article 16 du règlement ; s’ils ont effectivement cru que le gouvernement voulait entrer pour quelque chose dans les marchés qu’ils font avec leurs marchands. Le but a été que les bateaux fussent déchargés lors des glaces et hautes eaux, sans frais pour l’Etat et au compte de qui de droit.

Une autre réclamation portait sur l'article 20, qui est ainsi conçu :

« Les bateaux de toute espèce employés à la navigation de la Meuse porteront inscrits sur l'arrière le nom et le domicile du batelier et du propriétaire. »

Les bateliers réclamants trouvent que ce paragraphe de l'art. 20 doit être modifié en ce sens que les bateaux ne peuvent et ne doivent pas porter sur l'arrière leur nom ainsi que le nom et le domicile du propriétaire auquel ils appartiennent, attendu que tel ou tel batelier loue pour une voiture ou deux voyages tel ou tel bateau.

L'ingénieur répond qu'il serait difficile d'expliquer la difficulté que trouvent les bateliers à avoir des bateaux sur lesquels soit écrit le nom du propriétaire, conformément à l'article 20 ; que peu importe que le bateau soit loué ou possédé par le batelier, mais qu'il faut savoir à qui s'adresser en cas de contravention.

Vous voyez, messieurs, que c'est là une disposition tout à fait nécessaire.

Maintenant vient la dernière réclamation, c'est celle dont a parlé spécialement M. Vandensteen : elle porte sur l'art. 21 ainsi conçu :

« Art. 21. Les bateaux bortingiers devront avoir dix centimètres au moins de bord, non compris les bortingles.

« Les autres bateaux, quels qu'ils soient, barques ou nacelles, devront avoir au moins dix-huit centimètres de bord au-dessus de l'eau.

« Les doubles nacelles, chargées de sable ou de gravier, devront avoir au moins dix centimètres de bord. »

Les bateliers prétendent que leurs bateaux doivent pouvoir être chargés comme de coutume, attendu, disent-ils, que tout bateau se conduit mieux à pleine charge.

L'ingénieur fait observer en réponse, que l'obligation de laisser un bord de 18 centimètres est justifié par les besoins de la navigation à vapeur qui deviendrait impossible sans cette précaution et par les accidents qui se renouvellent souvent.

Ainsi, vous voyez, messieurs, que, si l'on n'exigeait pour ces bords 10 et 18 centimètres, il en résulterait que la navigation à vapeur se trouverait à chaque instant empêchée par l'autre navigation. Or, vous savez qu'aujourd'hui, ce qui était un problème ne l'est plus, c'est-à-dire que le procès de la navigation à vapeur sur la Meuse se trouve complètement gagné pour le bien du pays.

L'honorable M. Rogier vous a entretenu du pont de la Boverie, affaire que, selon lui, j'avais eu tort de terminer en accordant la construction d'un pont en pierre, tandis qu'il avait, de son côté, instruit l'affaire pour arriver à la construction d'un pont suspendu.

Mais, messieurs, dans le sens dans lequel M. Rogier a voulu terminer l'affaire, et malgré les très grands sacrifices auxquels il exposait l'Etat (il s'agissait de plusieurs centaines de mille francs), en allouant à forfait le chiffre de la dépense, malgré cela, il n'a pas pu assurer à une solution. Cependant j'ai bientôt reconnu que l'introduction de ponts suspendus en Belgique pouvait être désirée par ceux qui aimaient les ouvrages nouveaux ; pour le pays, il convenait avant tout de satisfaire ses intérêts vraiment en souffrance. Avant de prendre, toutefois, une détermination, j'ai consulté de nouveau les ingénieurs, et quoi qu'ils eussent précédemment été d'avis que, sous le rapport de l'art, il était à désirer qu’on établît un pont suspendu, ils ont reconnu que dans les circonstances qui entouraient cette question importante, il était nécessaire d'arriver, sans plus tarder, à la solution pour laquelle je me suis prononcé. Ce pont de la Boverie n'est pas cause du tout de la nécessité de la dérivation dont il a été parlé. Il se trouve au confluent de la Meuse et d'un embranchement de l'Ourthe.

La difficulté qui résulte du croisement des deux courants est ce qui fait obstacle à la navigation. Mais d'après le projet adopté on prolongera tout d'abord de 15 à 30 mètres, et plus tard de manière à séparer entièrement les deux courants la pèle du pont à construire au point de séparation entre le courant de l'Ourthe et le courant de la Meuse. De cette manière la navigation de la Meuse sera de beaucoup facilitée.

- Le chiffre est adopté.

Article 8

« Art. 8. Service de la Meuse dans le Limbourg : fr. 40,000 »

M. de Renesse**.** - Chaque année le conseil provincial du Limbourg, plusieurs représentants de cette province et les différentes communes, situées entre la Meuse, réclament avec instance, qu'une somme plus forte soit accordée pour exécuter à ce fleuve les ouvrages de défense indispensables, afin de prévenir de grands malheurs.

Encore cette année, par pétition datée de Hasselt, du 5 novembre dernier, la députation du conseil provincial réitère sa demande et expose que les minimes sommes allouées chaque année, n'ont pu produire qu'un faible résultat ; appliquées aux points les plus menacés d'un désastre prochain, ces petites ressources, forcément éparpillées, n'ont servi pour ainsi dire, que de palliatif temporaire, alors que l'intérêt de tous requiert urgemment une restauration plus complète, et d'après un travail d'ensemble.

Suivant un rapport de l'ingénieur en chef, chargé d'un travail sur la Meuse dans le Limbourg, il faudrait une somme de 800,000 fr., pour obtenir des ouvrages durables ; cette somme pourrait être répartie sur plusieurs exercices ; mais il faudrait nécessairement que la somme allouée chaque année, fût plus élevée que celles accordées jusqu'ici.

La longueur développée du cours de la Meuse sur le territoire de la province de Limbourg est de 50,800 mètres ; des relevés faits en 1840 constatent que la rive gauche de la Meuse est fortement dégradée sur une étendue de près de 15,000 mètres ; les endroits les plus menacés sont, en amont et au droit de la ville de Maeseyck, et amont du rivage de Lanaye, à Neerhaeren, Uyckhoven, Boorsheim, au hameau de Cothem, Mechelen, Stockheim et Kessenich.

La nécessité de défendre la rive gauche est surtout devenue imminente, depuis que la Hollande a fait de grands travaux de défense sur la rive droite ; contrarié dans son cours, par les ouvrages faits sur la rive hollandaise, le courant se rejette avec plus d'impétuosité sur la rive belge ; si l'on tarde à porter un remède efficace à cet état de choses, si déplorable, non seulement pour la navigation sur ce fleuve, qui chaque année devient plus difficile et périlleux, mais encore pour la sécurité de plusieurs communes où la Meuse vient se frayer un nouveau passage ; il faudra, plus tard, si malheureusement un pareil sinistre arrivait, dépenser des sommes beaucoup plus considérables, pour réendiguer ce fleuve et le forcer à suivre son lit naturel, qui chaque année devient l'objet d’un accroissement de largeur, et par cela même, d'une diminution dans sa profondeur sous l'étiage.

Le commerce et le batelage réclament avec instance qu’il soit pris des mesures pour rendre la navigation moins périlleuse et praticable pendant la plus grande partie de l'année ; à cet effet, il est indispensable que le gouvernement puisse disposer chaque année d'une plus forte somme que les ouvrages à exécuter puissent se faire dans un temps assez rapproché et d'après un système complet ; n'employer, chaque année, que de faibles sommes, pour des réparations qui demandent nécessairement de plus forts moyens, c'est empêcher l'administration des ponts et chaussées, d'y faire exécuter des ouvrages assez solides ; c'est vouloir maintenir l'état de la Meuse dans une situation déplorable, compromettre entièrement la navigation et la sécurité de nombreuses communes, qui sont menacées de grands malheurs, si ce fleuve perçait les digues, qui actuellement sont déjà si fortement entamées.

La province de Limbourg, par la perte d'une grande partie de ses ressources, se trouve actuellement dans l'impossibilité de prendre des fonds sur son budget, pour intervenir dans les dépenses à faire à la Meuse ; pour satisfaire à ses engagements antérieurs, au morcellement de son territoire, elle a dû créer des ressources nouvelles, et néanmoins, elle se trouve tellement gênée dans ses moyens financiers, qu'il lui faut la plus grande économie dans son administration, pour se mettre au courant de ses dépenses ordinaires. D'ailleurs cette province, ayant dû faire le sacrifice des revenus de la Meuse, que l'ancien gouvernement lui avait accordés, pour l'entretien du fleuve, il y aurait injustice de vouloir lui imposer la charge des réparations à y exécuter.

Quant aux communes riveraines de la Meuse, par la cession de la rive droite à la Hollande, elles se trouvent pareillement frappées dans presque tous leurs intérêts ; actuellement, toutes leurs relations commerciales avec la partie cédée ont dû cesser, et la ligne de douanes qui les entoure, entrave presque tout leur commerce avec l'intérieur ; dans plusieurs de ces communes le batelage y était autrefois très actif ; il est dans ce moment presque nul ; elles sont donc froissées dans leurs ressources, et ne peuvent intervenir dans les dépenses d'entretien de ce fleuve, qu'en journées d'ouvriers et en cédant quelques bois, croissant sur leurs propriétés communales. Si, en principe, les réparations des rives incombent aux riverains, il est aussi observé que presque jamais, sous l'empire ni sous le royaume des Pays-Bas, l'Etat n'a fait les réparations nécessaires aux chemins de halage et au lit du fleuve qui cependant tombaient à sa charge ; de là est résultée la dégradation successive des rives de la Meuse, et que dans différents endroits, la Meuse s'est frayé un nouveau lit, au grand détriment des communes riveraines et de leurs habitants , et que maintenant encore de grands désastres sont à attendre, si le gouvernement n'intervient pas avec des subsides plus considérables, pour réparer les rives de ce fleuve.

Le gouvernement ayant repris l'administration des fleuves et rivières, il est de son devoir de soigner, que leur navigation puisse s'exercer avec facilite et sans danger, et que notamment, les chemins de halage soient entretenus en bon état ; dans la situation où se trouvent les rives de la Meuse. il n'y a pour ainsi dire, plus de chemin de halage, puisque chaque année, suivant que ce fleuve entame les rives, ces chemins doivent être changés.

D'après l'article 9 du traité de paix du 19 avril 1839, les dispositions des articles 108 jusqu'au 117 inclusivement, de l'acte général du congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront appliquées aux fleuves et rivières navigables, qui séparent ou traversent à la fois le territoire belge et le territoire hollandais ; il en résulte évidemment, que le gouvernement doit entretenir en bon état les chemins du halage, qui passent par son territoire, et qui est chargé de faire exécuter les travaux nécessaires, pour la même étendue, dans le lit de la rivière, pour ne faire éprouver aucun obstacle a la navigation. Si cet entretien avait réellement lieu, si le lit de la Meuse était convenablement creusé, les communes riveraines de ce fleuve n'auraient pas à craindre les désastres, qui, chaque année, y arrivent ; si les réparations étaient exécutées d'après un système complet, si, pendant plusieurs années, le gouvernement voulait y employer des moyens plus efficaces, suivant l'obligation qui lui est imposée par le traité, il est certain que l’administration des ponts et chaussées parviendrait à maintenir ce fleuve dans son lit naturel, et la navigation ne devrait plus être interrompue pendant une forte partie de l'année ; ce n'est pas avec la somme minime de 40,000 fr. demandée au budget, dont il n'y a réellement que 25,160 francs destinés aux travaux de réparations, le restant étant affecté au personnel, et devant servir à solder des ouvrages effectués en 1839 et 1840, qu'il serait même possible de réparer les dégâts occasionnés par les dernières inondations ; les pétitions adressées à la chambre, tant par la députation permanente du Limbourg que par les communes riveraines de la Meuse, dont la sécurité des habitants est fortement compromises, sont là pour témoigner qu'il faut nécessairement employer de plus forts moyens, pour empêcher de plus grands désastres ; ces réparations ne peuvent plus être retardés ; il est plus que temps que le gouvernement ait égard aux justes réclamations d'une province qui n'a déjà que trop à se plaindre de la parcimonie avec laquelle elle est traitée sous tous les rapports, tandis que depuis 1830, on a dépensé un grand nombre de millions dans presque toutes les autres provinces, pour construction de toute autre nature ; il serait donc équitable que le Limbourg obtienne les subsides indispensables pour la construction des ouvrages à la Meuse, qui doivent préserver plusieurs de ses communes de grands malheurs.

Intimement convaincu que l'état déplorable de la Meuse ne peut être attribué qu'au défaut d'emploi de moyens suffisants, pour y exécuter des ouvrages solides et durables, je crois qu'il y a nécessité d'accorder un plus fort subside que celui qui est pétitionné au budget et que l'on ne peut plus ajourner indéfiniment des réparations urgentes, puisque les dégâts occasionnés par les dernières inondations de cet hiver, absorberont déjà une grande partie du crédit demandé par M. le ministre ; que le restant ne suffira pas pour faire les réparations vivement réclamées par la députation du conseil provincial, par M. l'ingénieur en chef de la province et par les communes exposées au plus grand danger si la Meuse perçait les digues actuellement fortement entamées qui pourraient encore être réparées, si l'administration des ponts et chaussées avait à sa disposition de plus forts moyens

Je demanderai à M. le ministre s'il n'a pas reçu un rapport récent de l'ingénieur en chef de la province de Limbourg, d'où il résulterait à l'évidence, qu'une somme plus considérable serait nécessaire pour réparer les dégâts occasionnés par les dernières inondations, et prévenir de grands malheurs.

M. Huveners**.** - Messieurs, je ne conçois pas quelles réparations urgentes M. le ministre se propose de faire sur les 20,000 fr. qui lui resteront sur le crédit demandé ; lorsque M. l'inspecteur-général demande 150,000 fr. du même titre, je ne conçois pas comment M. le ministre ait pu dire que c’est exceptionnellement qu'en 1841 60,000 fr. ont été alloués, lorsque je lis dans le rapport de ce budget, « Service de la Meuse dans le Limbourg : Toutes les sections allouent le crédit demandé, la section centrale l'adopte également, elle émet, à cette occasion, le vœu de voir arrêter un plan et un règlement définitif sur l'entretien des rives de la Meuse, » et que je me rappelle ce que M. le ministre d'alors a dit à cet égard. Il est inutile d'examiner la grave question, si les réparations des rives incombent aux riverains ; pour le moment, nous n'en avons nullement besoin ; cependant, soit dit en passant, les antécédents sont en faveur des riverains. Je lis dans le rapport de l'ingénieur Gillery du 23 décembre 1839, page 13 : « La batte de Meulenvelt-lez-Stockheim, antérieure au 18e siècle, a été reconstruite en 1765 pour conserver les rives de la Meuse ; les archives de la province de Liége sont riches en documents sur ces ouvrages ; dans les procès-verbaux des séances de l'état noble, année 1778, sont mentionnées les allocations pour réparations à une foule de digues, contre-digues, battes, etc., entre autres à celles de Berg, d'Ophoven, de Neerharen, de Stockheim, de Maeseyck, de Meulenvelt, de Hocht, etc., etc.

Il est à remarquer que la plupart de ces points sont encore aujourd'hui les plus calamiteux ; l'on peut en inférer que ces ouvrages n'ont pas été conservés parce qu'on les a négligés, parce qu'on ne les a pas entretenus.

Il suffit de vous rappeler, messieurs, que la Meuse est une rivière du domaine public, en quelque sorte européen, que par le traité de Vienne de 1815, les Etats riverains sont chargés de l'entretien des chemins de halage et des travaux nécessaires dans le lit de la rivière, pour ne faire éprouver aucun obstacle à la navigation.

Il s'agit, aussi dans le Limbourg, d'améliorer la navigation, d'en hausser et de redresser les rives, de réparer les chemins de halage ; à ces différents titres, le Limbourg a autant de droit que les provinces de Liége et de Namur ; ces trois provinces ont même un intérêt commun par rapport de la Meuse. Je compte sur l'appui de leurs députés. .

Le gouvernement est obligé, en vertu des dispositions formelles du droit international, en vertu de l'art. 6 du traité de Vienne, combiné avec l'art. 7, d'entretenir les chemins de halage, d'exécuter des travaux pour ne plus faire éprouver d'obstacles à la navigation, et cela aussi bien dans le Limbourg, où elle est détruite, que dans les provinces de Liége et de Namur.

J'ose le dire, c'est à cause d'une coupable négligence d'effectuer ces travaux, d'exécuter ces obligations, que les rives out été si fortement entamées et qu'elles se trouvent dans l'état déplorable dans lequel nous les voyons. La responsabilité est grande, elle pèse de tout son poids soit sur le ministre, soit sur l'administration des ponts et chaussées ; les destructions d'une partie de la commune de Boorsheim, des hameaux de Boyen et de Hyppeneer sont imminentes ; une partie de notre territoire est menacée d'être rejetée sur la rive hollandaise.

Si l'on n'exécute pas des travaux à Hyppeneer, la ville de Maeseyck est fortement exposée ; les travaux exécutés en 1840, pour garantir cette ville et qui ont coûté 40,000 fr., deviennent inutiles, ils seront ou abandonnés ou emportés.

Je ne cesserai d'appeler l'attention de M. le ministre sur cet objet important de son administration, j’aurai fait mon devoir. Je ne suis pas cause que les riverains de la Meuse envient le sort de leurs frères cédés, ceux-ci sont protégés, ceux-là abandonnés.

Je demande des explications aux différentes considérations que j'ai fait valoir.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - En présence des observations faites par les sections et par la section centrale ainsi que des pétitions qui m'ont été renvoyées par la chambre et le sénat, j'ai hâté le rapport du conseil des ponts et chaussées. Ce rapport que j'ai demandé à l'ingénieur en chef chargé du service de la province est très court, je demanderai à la chambre la permission d'en donner lecture. Le voici :

« Bruxelles, le 21 février 1842.

« M. le ministre,

« Ensuite de votre dépêche du 15 janvier dernier n° 1363, j'ai cru devoir appeler l'attention du conseil des ponts et chaussées sur la question importante de l'entretien des rives de la Meuse dans le Limbourg.

« Cette assemblée a invité M. l'ingénieur chef de service dans cette province à venir lui donner verbalement toutes les explications nécessaires, et après avoir arrêté de commun accord avec lui les bases principales des travaux qu'il est indispensable d'entreprendre en 1842, elle l'a chargé de me faire parvenir immédiatement des propositions définitives à cet égard.

« Vous trouverez ci-joint en copie, avec toutes les pièces dont il est fait mention, le rapport de ce fonctionnaire en date du 15 de ce mois n° 2,246 37, contenant les propositions dont il s'agit, lesquelles sont conformes aux instructions qui lui ont été données par le conseil. »

« Ainsi que vous le verrez, Monsieur le ministre, les travaux projetés pour être effectués cette année, et qui nécessiteront une dépense d'environ 150,000 francs, ont pour but essentiel de maintenir la navigabilité de la Meuse, gravement compromise par les dégradations successives de la rive belge dans le Limbourg, et qui pourrait se trouver totalement anéantie par suite des désastres que les ouvrages proposés sont destinés à prévenir.

« Il paraît donc évident que ces ouvrages doivent être effectués aux frais de l’Etat, et qu’ils peuvent l'être sans préjuger aucunement la question de l'intervention des communes et des propriétaires riverains dans la dépense des travaux à entreprendre ultérieurement et qui auraient pour objet principal la conservation des propriétés qui longent la rivière.

« Je conclus, en conséquence, à ce que vous veuillez bien demander aux chambres, pour l'entretien et la réparation des rives de la Meuse en 1842, un crédit de 150,000 francs, au lieu de celui de 40,000 francs porté au budget.

« L'inspecteur général, TEICHMAN. »

Comme je vous l'ai dit, je n'ai reçu ce rapport que ce matin. Il me faudra au moins 24 heures ou deux jours pour la méditer et savoir si je devrai proposer à la chambre une majoration de 110 mille francs sur le crédit demandé pour le service de la Meuse dans le Limbourg.

M. Huveners**.** - Je demanderai alors l'ajournement de l'article à demain, afin que M. le ministre ait le temps d'examiner le rapport dont il vient de nous donner lecture.

M. Peeters**.** - On demandera un crédit supplémentaire.

- L'ajournement est mis aux voix et n'est pas adopté. L’article est adopté.

Articles 9 et 10

« Art. 9. Service de la Dendre : fr. 17,431. »


« Art. 10. Service du Ruppel, de la Dyle et du Demer : fr. 5,900. »

- Adoptés.

Article 11

« Art. Travaux d'amélioration aux voies navigables de second ordre. Frais d'études : fr. 100,000 fr. »

M. de Man d’Attenrode**.** - Messieurs, l'année dernière, lors de la discussion au budget des travaux publics, j'ai élevé la voix pour signaler au gouvernement les inondations, dont sont annuellement affligés les habitants des bords du Demer ; 100,000 fr. étaient alloués, je pense, pour études et améliorations des voies navigables du second ordre ; j'espérais que le Demer eût fait l'objet d'études indispensables pour améliorer la navigation de cette rivière, et rendre la position des riverains tolérable ; concilier un en mot les intérêts de l'agriculture et du commerce.

Rien n'a été fait jusqu'à ce jour ; les habitants du bord du Demer languissent toujours dans l'oubli. Il s'agit, cependant ici de quelque chose de plus important encore que d'améliorer des voies de communication par eau, il s'agit de la conservation des propriétés sur lesquelles sont basées les plus grandes ressources de l'Etat.

M. le ministre des travaux publics, dans une réponse consignée au rapport de la section centrale, a déclaré que les voies navigables, qui ont fixé jusqu'ici l'attention du gouvernement étaient la Dendre, le Ruppel, et les Deux-Nèthes. Je pense que le Démer a plus de titres encore que ces rivières à sa sollicitude ; ces titres sont les inondations destructives des propriétés riveraines, qui se renouvellent tous les ans.

Je demanderai donc à M. le ministre s'il compte faire, sur l'allocation portée au budget de cette année, une part aux études du Demer, s'il compte s'occuper sérieusement des intérêts des habitants de ce canton trop longtemps oubliés ?

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je compte imputer sur le crédit de 100,000 francs une somme pour le Demer, mais je dois faire observer à l'honorable M. de Man, que je n'ai point oublié cette rivière, puisque j'ai déjà imputé en 1841 une somme de 15,000 francs pour travaux d'amélioration au Demer. L'influence de la saison ayant été contraire, il a été impossible d'arriver à l'exécution des travaux projetés. Ils seront exécutés en 1842.

M. d’Hoffschmidt. - J'ai demandé la parole pour présenter une courte observation. Dans les développements à l'appui du budget, je vois figurer parmi les dépenses auxquelles le fonds des routes doit subvenir, une somme assez notable pour des travaux d'amélioration, afin d'obvier aux inondations de ta vallée de la Senne ; je me demande pourquoi le fonds des routes doit pourvoir à ces travaux, puisque nous portons une allocation spéciale au budget. Le fonds des routes est déjà assez restreint ; il ne resterait pas des sommes considérables pour la construction de routes nouvelles ; on ne devrait pas les diminuer par un travail tout à fait étranger à la destination qu'on doit donner au fonds des routes. Je désirerais avoir sur ce point une explication de M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Les travaux faits à la Senne, dans le but de prévenir les inondations, sont des travaux de routes ; les travaux pour lesquels il est demandé un crédit spécial, sont des travaux hydrauliques, indépendants des routes.

M. d’Hoffschmidt. - Mais cependant les travaux à faire aux routes sont occasionnés par les améliorations qu'on veut faire à la Senne. Il serait plus juste et plus naturel de porter ces travaux de routes sur l'allocation destinée aux travaux qui concernent la Senne.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Il faut préserver la route. C'est tout à fait indépendant des travaux hydrauliques.

- L'art. 12 est mis aux voix et adopté.

Article 13

« Art. 13. Confection et entretien des bacs et bateaux de passage et de leurs dépendances : fr. 20,000. »

- Adopté.

Article 14

La chambre passe à l'art. 14 :

« Art. 14. Service des poldres : fr. 14,000 »

M. Cogels. - Plusieurs pétitions ont été adressées à la chambre pour demander le réendiguement du polder de Lillo. Ces pétitions ont été renvoyées à la section centrale du budget des travaux publics. J'avais espéré que la section centrale, d'accord avec M. le ministre, aurait reconnu ce que ces pétitions avaient de fondé. Effectivement ce réendiguement est devenu fort urgent. Il l’est d'abord dans l'intérêt des localités, il l'est dans l'intérêt du trésor : car un retard plus prolongé ne diminuera pas la dépense et fera que le trésor continuera à ne percevoir aucunes contributions sur des terrains qui ne produisent absolument rien. Une autre considération, c'est que le polder de Lillo se trouve dans un état d'isolement complet. Ses habitants sont pour ainsi dire des parias ; ils n'ont pas de communications avec les habitants des contrées voisines ; ils ne peuvent communiquer que par bateaux. Les terres qu'ils cultivaient leur sont enlevées : ils sont obligés de venir chercher à Anvers les vivres nécessaires à leur subsistance. Vous comprendrez combien leur position est difficile. Plusieurs habitants du polder, dont la population est de 80 familles, sont relégués dans le village de paille, composé de misérables cabanes qui constituent à peine un abri. C'est à peine s’ils peuvent remplir leurs devoirs religieux, s'ils peuvent se rendre à l’église. Leurs enfants ne peuvent recevoir l'instruction ; il leur est impossible d'aller à l'école. Vous voyez qu'il s'agit de choses urgentes. Il me semble donc qu'il conviendrait de voter dans ce budget la somme nécessaire pour commencer ce réendiguement, qui doit se faire tôt ou tard, et qui sera plus onéreux si on le fait plus tard.

M. Peeters, rapporteur. - Effectivement deux pétitions des habitants de Lillo ont été renvoyées à la section centrale, qui en a demandé le dépôt sur le bureau pendant la discussion, et le renvoi à M. le ministre des travaux publics ; mais la section centrale n'a pas cru devoir proposer jusqu'à présent l'allocation d'une somme pour réendiguement. Les hommes spéciaux que j'ai consultés m'ont dit qu'il convenait, dans l'intérêt des polders, d'attendre deux années avant de commencer le réendiguement. Voilà ce qui a décidé la section centrale à ne proposer jusqu'à présent aucune allocation.

M. Osy. - Je regrette, comme l'honorable M. Cogels, de ne voir aucune somme proposée pour le réendiguement du fort Lillo. S'il n'a pas lieu, il est à craindre que le fort en souffre et qu’il en résulte ultérieurement des dépenses à charge du ministère de guerre. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de voir s'il ne serait pas convenable de proposer un projet de loi spécial pour cet objet. Je ne veux pas proposer d'amendement, parce que je ne connais pas le montant des dépenses à faire. S'il est vrai que des propriétaires peuvent avoir un jour des terres un peu meilleures, en attendant elles ne leur rapportent rien. Depuis 12 ans, il en est ainsi et le trésor ne perçoit sur ces terres aucune contribution.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Le réendiguement qu'il s’agirait de faire maintenant au polder de Lillo occasionnerait dans l'état actuel des choses une dépense d'environ un million.

Comme l'a fort bien dit l'honorable M. Peeters, il n'est pas du tout dans l’intérêt des propriétaires des terrains de demander ce réendiguement, car, par la rupture de l'ancienne digue, il s'opère journellement un accroissement de bonne terre d'alluvion. L'eau que le flux et le reflux de la mer introduit par cette ouverture, améliore les terrains des polders de manière à leur donner une bien plus grande valeur.

La seule question à examiner dans l'intérêt des propriétaires serait de voir si, dans la loi des indemnités, on ne pourrait pas leur allouer quelque chose pour la perte des revenus qu'ils font. Mais il est certain, et d'ailleurs cela résulte du rapport des ingénieurs chargés du service des polders que les propriétaires ont intérêt à laisser pendant deux ou trois ans les choses dans l'état actuel ; que même alors il n'y aura pas besoin de réendiguement, que les propriétés auront augmenté de valeur et ne seront plus exposées aux inondations.

M. Osy. - Il ne vous est pas adressé des pétitions seulement par les propriétaires, mais encore par les habitants du village de Lillo. S’il est vrai que quelques hectares gagneront quelque chose à l’inondation, pour la majeure partie des terrains inondés, cela n’est pas vrai. Je crois donc M. le ministre des travaux publics mal informé sur ce point. Pour n’en pas douter, il faut être à Anvers et être comme nous le sommes chaque jour depuis 12 ans, assaillis par les réclamations des habitants de ces localités. Je demanderai que M. le ministre, s’il en a le temps, vérifie par lui-même l’état des choses.

M. Rogier. - D’après ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics, il paraît qu’il ne s’est pas encore livré à des investigations approfondies sur l’importante question qui vient d’être soulevée. D’après l’honorable ministre, il aurait appris (ce serait par ouï-dire) que les terrains qui sont sous les eaux iraient chaque année s’améliorant : En telle sorte que le meilleur moyen de satisfaire les propriétaires, serait de laisser les terres sous les eaux, encore autant de temps qu’elles y ont déjà été. Croyez-moi, les propriétaires trouvent leurs terres assez améliorées comme cela et désirent vivement que le gouvernement achève la réparation incomplète résultant d’un premier endiguement.

Les intérêts des propriétaires méritent sans doute considération, mais il y a un autre intérêt qui domine : c’est l’intérêt du fleuve, c’est l’intérêt du fort : Peut-être la navigabilité du fleuve est-elle compromise par cette large ouverture ? Il en résultera peut-être aussi que le fort devra être reconstruit.

Je crois que M. le ministre des travaux publics fera bien de se livrer à une enquête approfondie sur cette question importante, qui du reste, se rattache à la question des indemnités, car il est impossible qu’on procède à la répartition des indemnités pour dégâts résultant de la guerre sans qu’on s’occupe en même temps, par une conséquence naturelle, des victimes de ces inondations.

Plusieurs pétitions ont été adressées à la chambre, la quatrième section a recommandé à M. le ministre des travaux publics l’examen de cette affaire ; j’espère que cette année ne se passera pas sans que des propositions soient faites à la chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - En donnant des explications sur la demande de plusieurs propriétaires de terrains situées dans le poldre de Lillo, je n’ai entendu me prononcer en aucune manière sur cette question. J’ai dit seulement que, non pas sur de simple ouï-dire, comme le préopinant a semblé l’insinuer, mais d’après les rapports formels que m’avaient fait les ingénieurs, confirmés par les renseignements verbaux que je venais encore de prendre ce matin même, il était de l’intérêt de ces propriétaires que l’action du flux et du reflux pût encore se faire sentir au moins jusqu’en 1843 ou 1844, afin d’améliorer les terrains.

Quant à la question en elle-même, certainement, messieurs, elle est très importante ; je n’en disconvins pas. J’ai déjà annoncé que dans quelque temps je me rendrai sur les lieux pour juger par moi-même de la solution à y donner.

Je sais bien aussi que dans le temps le département de la guerre s’y est immiscé ; mais je dois le dire, il ne paraît plus y attacher autant d’intérêt qu’autrefois ; car, bien que je lui en aie écrit plusieurs fois, je n’ai pas reçu de réponse. Et certainement s’il y attachait le même intérêt pour la défense du pays qu’auparavant, il m’aurait déjà répondu à cet égard.

Pour vous faire juger, messieurs, de l’opinion des ingénieurs sur cette question, je vous lirai un fragment d’un rapport que j’ai reçu de M. l’ingénieur Kummer, qui, dans le temps, a été chargé des travaux de réendiguement.

« Il est indispensable d’abandonner la partie du polder de Lillo, non encore endiguée, à l’action des marées, jusqu’en 1843 au moins, dans l’intérêt de l’amélioration du sol, pour faciliter et rendre moins dispendieux l’endiguement définitif à opérer. »

Les marées doivent encore exercer leur heureuse influence en déposant le limon qu’elles amènent depuis les parties basses qui longent le nouveau endiguement, depuis le moulin de Kruisweg jusqu’à la digue de l’Escaut au Blauwegaren.

Elles doivent augmenter l’épaisseur de l’alluvion qui ne couvre encore que faiblement le sol compris entre le vieux Lillo et le moulin prénommé, sur lequel sol le propriétaire a fait déposer des gazons dans le but d’arrêter le limon, de favoriser et d’avancer ainsi l’envasement.

Vous voyez, messieurs, que s’il y a des propriétaires qui demandent le réendiguement du poldre, il en est d’autres qui reconnaissent la nécessité de laisser encore pendant quelques années les terrains inondés.

- Le chiffre est adopté.

Section III. Ports et côtes
Articles 15 et 16

« Art. 15. Port d’Ostende et de Nieuport, côté de Blankerberghe : fr. 219,833 30 c. »


« Art. 16. Phares et fanaux : fr. 5,000 »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Section IV. Bâtiments civils
Articles 17 et 18

« Art. 17. Entretien et réparations des hôtels, édifices et monuments de l’Etat : fr. 34,000. »


« Art. 18. Constructions nouvelles et travaux d’amélioration : fr. 25,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Section V. Personnel des ponts et chaussées
Article 19

« Art. 19. Traitements des ingénieurs et conducteurs. Frais de bureau et de déplacement. Indemnités et dépenses éventuelles : fr. 451,000. »

Cet article est adopté sans discussion.

Chapitre III. Chemin de fer

M. le président. - La chambre en est arrivée au chapitre III : Chemin de fer.

- La discussion sur ce chapitre est remise à demain.

La séance est levée à 4 heures.