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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 15 mai 1840

(Moniteur belge n°137 du 16 mai 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Scheyven fait l’appel nominal à 1 heure.

M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Scheyven communique les pièces adressées à la chambre.

« Les administrations communales de Dison et Peit-Rechain demandent le paiement de certaines sommes, résultant de condamnations judicaires, à charge du gouvernement. »

- Renvoi à la commission des finances.


« Des fabricants de papier de la Flandre orientale, demandent que les fabricats similaires, venant de France, soient imposés au même taux que les nôtres dans ce pays. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Van Hoobrouck de Fiennes – Messieurs, c’est moi qui ai eu l’honneur de déposer cette pétition sur le bureau ; c’est une requête adressée par tous les fabricants de papier de la Flandre orientale : ils demandent qu’on prenne des mesures propres à relever leur industrie souffrante. Sans entrer maintenant dans le fonds de la question, je proposerai que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.

Proposition de créer une commission d'enquête parlementaire sur la situation économique générale du pays

Discussion des articles proposés par la section centrale

M. d’Huart – Messieurs, lorsqu’ l’honorable M. Félix de Mérode a présenté hier ses observations sur le point de savoir si la chambre avait, à elle seule, le droit de décider que des frais spéciaux d’enquête auraient lieu et seraient prélevés sur son budget, j’avais sous les yeux ce budget détaillé, tel qu’il avait servi à la discussion ; mais je perdais de vue que les subdivisions ne font pas loi pour la cour des comptes, parce qu’elles sont résumées et consignées en un seul article global au budget de la dette publique et des dotations. Dès lors les craintes que j’avais manifestées, que la cour des comptes ne refusât de liquider les mandats relatifs à l’enquête sur les allocations qui avaient d’avance leur destination spéciale ; ces crantes, dis-je, viennent à disparaître ; le budget de la chambre ne constituant qu’un seul article global, il est évident que les questeurs ont le droit d’imputer sur cet article et dans ses limites une dépense quelconque ordonnée par la chambre.

En conséquence, messieurs, les observations que j’avais cru devoir vous présenter deviennent sans objet, et je les retire.

M. de Brouckere – Messieurs, des motifs de santé m’ont empêché d’assister à la séance d’hier et avant-hier ; mais je croyais avoir lu dans le Moniteur que la chambre avait manifesté le désir d’avoir un second vote ; l’honorable M. d’Huart avait demandé qu’il y eut un second vote, attendu qu’un amendement avait été introduit dans la proposition de M. de Foere, je demanderai seulement s’il y a eu une résolution à cet égard.

M. le président – M. d’Huart avait fait la proposition d’ajourner la discussion à aujourd’hui, et au moment où j’allais mettre cette proposition aux voix, la chambre s’est séparée.

M. de Brouckere – Si le désir de la chambre est de voter aujourd’hui, je ne m’y opposerai certainement pas. Je manifesterai seulement mon regret de n’avoir pu exprimer mon opinion sur l’enquête, et je déclare à la chambre que je me serais opposé à l’enquête, parce que, dans mon opinion, elle ne peut produire aucun bien.

M. F. de Mérode – Messieurs, l’honorable M. d’Huart n’a pas donné des explications suffisantes sur les observations que j’ai faites à la fin de la séance d’hier. De ce que tel ou tel droit est inscrit dans la constitution en faveur d’un des pouvoirs de l’Etat, il ne s’en suit pas toujours que ce droit ne soit pas directement limité dans ses applications. Ainsi le roi nomme les officier de terre et de mer, cette disposition est absolue, et cependant, quand il s’agit des traitements qui résultent de ces nominations, il faut l’assentiment des autres pouvoirs.

Or, dans le cas dont il s’agit, il est bien dans la constitution que la chambre a le droit d’enquête ; mais si le sénat décrétait une enquête, le sénat pourrait-il dépenser une somme pour ainsi dire indéfinie pour cette enquête ?

M. d’Huart – Dans les limites du crédit qui lui est ouvert.

M. F. de Mérode – Un crédit est ouvert à la chambre, c’est vrai, mais pourquoi ce crédit lui est-il ouvert ? Pour les dépenses de la chambre, pour les dépenses des séances, pour l’indemnité attribuée aux membres. Quant à moi, je ne pense pas qu’on puisse déférer à aucun des pouvoirs de l’Etat une sorte d’omnipotence pour ces dépenses. Les dépenses doivent être votées par les trois pouvoirs. Je ne m’oppose pas à ce qu’on porte au budget une somme pour une enquête, on a indiqué une somme de 10,000 francs, qui serait nécessaire pour les travaux de l’enquête ; eh bien, cette somme devrait être votée par l’assemblée, sauf à être acceptée ensuite par le sénat et par le gouvernement.

M. de Brouckere – Messieurs, je crois que l’article contre lequel l’honorable M. de Mérode s’élève est maintenant voté, de manière qu’il ne peut plus être question de revenir sur cette disposition. Du reste, si la chambre le permet, je répondrai en quelques mots à l’honorable M. de Mérode, car quelque hostile que je sois contre la proposition en elle-même, je dois reconnaître cependant que les observations de M. de Mérode sont sans fondement aucun.

Les détails du budget de la chambre sont votés, il est vrai, par la chambre seule ; mais le budget global de la chambre fait partie de la loi du budget ; par conséquent, il faut que le budget de la chambre ne soit pas seulement approuvé par la chambre, mais approuvé encore par le sénat et par le Roi.

Vous voyez donc que l’omnipotence que craint l’honorable M. de Mérode, relativement aux sommes que chaque chambre pourrait dépenser, sans qu’il eût consentement de la part des autres pouvoirs législatifs ; vous voyez, dis-je, que ces craintes d’omnipotence sont sans fondement.

M. F. de Mérode – Messieurs, d’après ces explications, je ne fais plus d’objections. Dès que les dépenses sont votées par les trois pouvoirs, je n’ai plus rien à dire.

M. de Brouckere – Vous le saviez bien.

Vote sur l’ensemble

Personne ne demandant plus la parole, il est procédé à l’appel nominal sur la proposition d’enquête.

58 membres répondent à l’appel nominal.

1 membre (M. Eloy de Burdinne) s’abstient.

35 répondent oui.

22 répondent non.

En conséquence la proposition est adoptée.

M. Eloy de Burdinne est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Eloy de Burdinne –Je n’ai pas voulu voter contre l’enquête, parce qu’elle me paraît réclamée ; je n’ai pas non plus voulu voter pour, parce que je crains que nous ne nous embarquions dans une voie d’où nous ne sortirions pas.

Ont répondu oui : MM. Brabant, Coppieters, de Behr, Dechamps, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Potter, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Dubus (aîné), Dumortier, Fallon, Hye-Hoys, Jadot, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Morel-Danheel, Puissant, Raikem, Rodenbach, Scheyven, Simons, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Wallaert et Dedecker.

Ont répondu non : MM. de Brouckere, de Langhe, F. de Mérode, de Nef, Devaux, d’Huart, Dubois, Dumont, Lange, Delfosse, Lys, Metz, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, Seron, Sigart, Ullens, Vandensteen et Cogels.

La chambre décide que la nomination des membres de la commission d’enquête aura lieu dans la séance de lundi.

Projet de loi relative aux miliciens des classes de 1833, 1834 et 1835

Discussion générale

M. le ministre de la guerre (M. Buzen) déclare se rallier à la proposition de la section centrale.

- La discussion générale est ouverte.

M. Delfosse – Messieurs, je voterai pour le projet de loi, parce qu’il n’est que temporaire, et parce que je veux laisser au gouvernement le temps d’organiser l’armée sur des bases qui soient en harmonie avec la situation actuelle du pays.

Mais je tiens à déclarer que je ne saurais donner mon assentiment à la mesure, dont ce projet n’est qu’une application provisoire, et qui consisterait à étendre de cinq à huit ans, la durée du service des miliciens. Je ne vois nulle nécessité, dans l’état de paix où nous sommes et alors que notre indépendance est garantie par un traité solennel, à enlever, pour un temps aussi long, à leurs familles et à leurs travaux, ceux d’entre nos concitoyens que leur âge appelle sous les drapeaux. C’est là une mesure grave, que la plus impérieuse nécessité pourrait seule justifier et que je combattrai de toutes mes forces quand le moment de la discuter sera venu.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 à 3

« Article 1er. Les miliciens appartenant aux classes de 1833, 1834 et 1835, resteront provisoirement à la disposition du gouvernement jusqu’au 1er mai 1841. »

- Adopté.


« Art. 2. Les miliciens des classes de 1835 et 1834 pourront contracter mariage, sans la permission des autorités militaires. »

- Adopté.


« Article 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.

Il est adopté à l’unanimité des 61 membres qui ont répondu à l’appel.

Ce sont : MM. Brabant, Cogels, Coppieters, David, de Behr, de Brouckere, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delfosse, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Potter, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Jadot, Lange, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Seron, Sigart, Simons, Trentesaux, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Van Hoobrouck, Wallaert, Zoude et Fallon.

Projet de loi sur l'importation des céréales de la partie cédée du Limbourg dans le district de Verviers

Discussion générale

M. le président – La section centrale a adopté le projet du gouvernement, sauf un léger amendement de rédaction consistant à insérer le numéro du bulletin officiel.

M. de Renesse – Messieurs, le projet de loi actuellement en discussion, tendant à favoriser, d’après l’opinion du gouvernement, les intérêts d’une partie de nos anciens compatriotes du Limbourg, et satisfaisant en même temps aux pressants besoins des consommateurs d’un arrondissement éminemment industriels qui manque de céréales, doit d’autant plus obtenir l’assentiment de la chambre que le haut prix des grains, et de tous les objets de première nécessité, rend très pénible la situation de la classe ouvrière et indigente, il est donc de notre devoir de remédier au plus tôt à un état de choses extrêmement fâcheux pour une classe si intéressante de la population, qui mérite toute l’attention du gouvernement et des chambres.

L’autorisation d’introduire 500,000 kilogrammes de grains de toute espèce par mois, jusqu’au 30 du mois de novembre prochain, ne peut actuellement avoir aucun résultat nuisible à l’industrie agricole, qui, étant la base de notre richesse nationale, a droit à une sage protection, combinée toutefois avec les besoins de nos populations ouvrières. Il est d’ailleurs plus que probable que le haut prix des grains se soutiendra encore pendant cette année, et si plus tard il y avait une baisse sur les prix des céréales, cette baisse ne serait que très minime ; car il faut pour le moins une couple d’années de bonnes récoltes pour rétablir le prix moyen des grains.

Cette loi, du reste, n’est que temporaire ; le gouvernement, en outre, est autorisé à faire cesser ses effets, s’il prévoyait qu’elle pourrait nuire à l’intérêt de l’agriculture ; l’on ne peut donc former aucune objection sérieuse contre une loi toute de nécessité, qui intéresse principalement la classe ouvrière de l’une des provinces les plus industrieuses du royaume, et accorde une bien légère compensation à nos anciens compatriotes du Limbourg, auxquels on avait fait espérer l’obtention de modifications plus importantes au tarif des douanes, pour rétablir les relations de commerce et d’échange, que l’exécution du traité a fat malheureusement cesser.

Lors de la discussion de la loi portant des modifications au tarif des douanes en faveur du Luxembourg, le gouvernement et les chambres paraissaient vouloir aussi accorder quelques autres modifications en faveur de l’industrie de la partie cédée du Limbourg, qui n’avait obtenu alors que la seule modification d’importer dans le district de Verviers, par un bureau à désigner par le gouvernement, une quantité annuelle de 6,000,000 de kilogrammes de grains de toute nature.

Cette seule faveur ne compensait guère la perte qu’éprouve actuellement le Limbourg délaissé, par suite de la cessation forcée de toutes ses anciennes relations avec la Belgique, et particulièrement avec la province de Liége ; encore, tous les districts de Ruremonde et des cantons de l’arrondissement de Maestricht, avoisinant la Meuse, n’ont jusqu’ici pu profiter de la faculté accordée par la loi du 6 juin 1839, parce qu’aucun bureau d’entrée n’avait été établi sur la Meuse ; ces districts n’ont pu concourir avec d’autres cantons de la partie cédée, plus rapprochés de l’arrondissement de Verviers, pour l’importation des grains, à cause des frais de transport ; il est donc indispensable, pour qu’il y ait réellement quelque avantage, pour tout le Limbourg cédé, que le gouvernement désigne un bureau d’entrée sur la Meuse, d’où les grains venant du Limbourg néerlandais, pourraient être conduits au marché d’Aubel, par une route à indiquer par l’administration des douanes.

Je crois devoir rappeler particulièrement à M. le ministre de l'intérieur, que son prédécesseur, l’honorable M. de Theux, avait promis de proposer quelques autres modifications au tarif des douanes en faveur de la partie cédée du Limbourg : modifications qui, depuis l’exécution du traité, étaient vivement réclamées, par suite de la cessation immédiate de toutes les anciennes relations ; ce qui froisse actuellement, non seulement les intérêts du Limbourg délaissé, mais encore fait cesser tout le commerce d’échange, que faisaient avec ce pays les habitants des provinces de Liége, Namur et du Limbourg belge.

J’espère que M. le ministre de l'intérieur voudra examiner les demandes qui ont été adressées à son département, avant l’exécution du traité, par les industriels de la partie cédée du Limbourg, et qu’à la prochaine session des chambres, il pourra proposer quelques modifications réclamées particulièrement pour le rétablissement de nos anciennes relations de commerce ; j’espère aussi que le gouvernement fera les démarches les plus actives auprès du gouvernement hollandais, pour obtenir au plus tôt un traité de navigation sur la Meuse ; navigation qui est actuellement entièrement interrompue par les forts péages imposés par le traité de paix ; cet état de choses occasionne le plus grand préjudice au commerce d’exportation de plusieurs de nos provinces. Cette navigation était, avant la révolution, si importante, que le mouvement de Liége sur Maestricht pour la partie belge en aval et pour la Hollande était d’environ 300,000 tonneaux, dont 230 à 235,000 de houille, le transport de ce combustible occupait à lui seul près de 600 bateaux belges et hollandais, et le retour vers Liége n’était pas au-dessous de 200,000 tonneaux. Il est donc d’un haut intérêt, pour l’industrie et le commerce de plusieurs provinces de la Belgique, de voir rétablir au plus tôt nos anciennes relations avec la partie cédée du Limbourg ; en parvenant à rétablir ces relations, le gouvernement aura procuré surtout un débouché important à l’industrie liégeoise, qui lui manque entièrement depuis l’exécution du traité. J’ose donc espérer que le gouvernement ne perdra pas de vue la situation fâcheuse où, depuis l’exécution du traité, se trouvent toutes nos relations avec la partie cédée du Limbourg. En attendant que d’autres modifications au tarif des douanes soient prononcées, je donnerai mon assentiment au projet en discussion, que je considère toutefois, être plutôt profitable à l’arrondissement de Verviers, qu’à la partie cédée du Limbourg, puisque l’effet de la loi ne doit avoir seulement qu’une durée de quelques mois ; pour qu’il y ait réellement un avantage pour nos anciens compatriotes et un but d’utilité pour le district de Verviers, il faudrait que la loi fût permanente, et que l’entrée fût permise au moyen d’un léger droit de balance qui pourrait être reporté au quart du droit actuel, si le gouvernement, dans l’intérêt de l’agriculture, croyait devoir élever le droit d’entrée, sur les grains venant de la partie cédée du Limbourg.

J’aurai l’honneur de proposer avec plusieurs de mes honorables collègues un amendement qui tend à ce but ; j’espère que la chambre voudra l’accueillir favorablement.

M. Lys – Le but du législateur en portant des modifications au tarif des douanes sur les frontières du Luxembourg et du Limbourg, a été d’assurer certains intérêts qui se trouveraient compromis dans les deux parties de ces provinces (celle cédée et celle conservée) par suite de l’altération de leurs rapports habituels de commerce.

La loi du 6 juin 1839 autorisa l’importation au quart des droits existants et jusqu’à concurrence d’une quantité année de six millions de kilogrammes de grains de la partie cédée du Limbourg dans le district de Verviers, par quotité de 500 mille kilogrammes par mois ; le gouvernement nous propose aujourd’hui de porter cette importation à un million de kilogrammes par mois.

Cette mesure, messieurs, est dictée par les besoins du consommateur du district de Verviers. L’on sait qu’étant composé de l’ancien duché de Limbourg et du marquisat de Franchimont, il ne produit d’autres céréales que de l’avoine en petite quantité.

Mais, ainsi que la loi est proposée, elle n’apportera aucun soulagement aux habitants de ce district ; et en effet, messieurs, le prix des grains au marché de Liége, surpassant de plus de 2 francs ceux des marchés de Louvain et de Hasselt, et le marché d’Aubel présentant encore un prix plus élevé, cette augmentation dans l’importation ne remédiera nullement au mal existant, car, si je suis bien informé, l’importation n’a pas été portée jusqu’à présent à 500 mille kilogrammes par mois.

Le droit d’importer au quart des droits existants ne présente point dès lors un avantage suffisant, et dès lors il convient de réduire ce droit à un simple droit de balance.

La liberté générale d’entrée pour les céréales, n’existe que momentanément ; vous devez chercher à remédier à un état de choses extrêmement fâcheux pour le district de Verviers, où la population ouvrière est si considérable, ce sera, messieurs, une mesure locale, qui ne peut préjudicier à l’agriculture de la Belgique ; on parviendra tout au plus à équilibrer le prix des marchés de la province de Liége, avec celui des autres marchés du royaume. Il n’y a donc rien à craindre de cette mesure exceptionnelle.

Par là, messieurs, vous essayerez d’apporter un remède à la fatale position dans laquelle le traité de paix a placé le marché d’Aubel et par suite tout le district de Verviers, en ce qui concerne son approvisionnement en céréales ; vous maintiendrez nos relations avec les Hollandais du Limbourg, et accomplirez ainsi une partie des promesses que vous leur avez faites, tout en témoignant à leur gouvernement votre bonne volonté pour les relations des deux royaumes.

Vous viendrez au secours de la classe ouvrière si nombreuse du district de Verviers ; vous allègerez ses souffrances, et la récompenserez ainsi de la patience avec laquelle elle supporte la misère qu’entraîne la cherté du pain et des pommes de terre, qui composent toute sa nourriture ; si c’est pour elle un devoir de respecter les lois, elle l’a complètement rempli, car, malgré le prix modique de la journée de travail, aucune infraction à l’ordre public ne s’est manifestée dans le district de Verviers, depuis le renchérissement de ces denrées ; une pareille conduite, messieurs, est digne de toute votre sollicitude ; et c’est en montrant que vous prêtez toute votre attention aux réclamations qui vous sont faites au nom de cette classe ouvrière que vous engagerez les autres localités à imiter leur bon exemple.

D’ailleurs, messieurs, ce n’est pas ici une charge imposée au pays ; ce n’est pas non plus une ressource dont vous le privez, car dans la position actuelle, il vient peu de grains de la partie cédée ; mais en admettant même que le trésor de l’Etat dût perdre quelques légère rentrée résultant de l’impôt actuel, n’est-ce pas par suite du traité que le district de Verviers est privé de la libre entrée des grains du Limbourg cédé, qui alimentaient le marché d’Aubel ? N’avez-vous pas promis d’indemniser, ou au moins d’accorer des subsides à ceux qui souffriraient par suite de ce traité ; et que diraient nos ouvriers du district de Verviers, si vous ne consentiez à une légère remise de droit, pour leur faciliter l’achat de la seule nourriture qu’ils puissent se procurer, lorsque vous n’avez pas hésité d’accorder un subside de 100 mille francs pour le seul transfert du petit séminaire ?

Voilà les motifs, messieurs, qui m’ont engagé à souscrire à l’amendement qui nous est proposé.

J’adhère d’ailleurs à l’opinion émise par mon honorable collègue, M. le comte de Renesse, pour l’autorisation à donner par le gouvernement au bureau de Visé pour que les grains puissent arriver par la Meuse à moins de frais et être dirigés sur Aubel.

M. de Brouckere – Les honorables membres préopinants viennent de s’expliquer sur un amendement qui n’a pas encore été communiqué à la chambre. Nous l’examinerons quand nous en serons à la discussion des articles.

M. le président – Cet amendement est déposé sur le bureau, je n’en ai pas donné communication à la chambre par les motifs que vient d’exprimer l’honorable préopinant.

- La discussion générale est close.

Discussion de l’article unique

M. le président – L’article unique est ainsi conçu :

« Par modification temporaire à l’article 8 de la loi du 6 juin 1839 (n°262, Bulletin officiel), il pourra être importé de la partie cédée du Limbourg dans le district de Verviers, par les bureaux à designer à cet effet par le gouvernement, et moyennant le paiement du quart des droits d’entrée existants, une quantité de 500,000 kilogrammes de grains de toute espèce, par mois, indépendamment de la quantité annuelle fixée par ledit article.

« Cette mesure, qui sera exécutoire le cinquième jour de la promulgation de la présente loi, cessera son effet le 30 novembre prochain.

« Le gouvernement est autorisé, en outre, à la faire cesser en tout ou en partie, avant cette époque. »

Un amendement a été proposé par MM. de Renesse, Demonceau, Simons, Lys, Scheyven.

Cet amendement est ainsi conçu :

« Par dérogation temporaire à l’article 8 de la loi du 6 juin 1839 (n°262, Bulletin officiel), il pourra être importé de la partie cédée du Limbourg dans le district de Verviers, par les bureaux à designer à cet effet par le gouvernement une quantité de 500,000 kilogrammes de grains de toute espèce, par mois, indépendamment de la quantité annuelle fixée par ledit article.

« Le droit d’entrée fixé au quart des droits actuels pour le même article est réduit à un droit de balance de 50 centimes par 1,000 kilogrammes.

« Le gouvernement est autorisé à faire cesser tout ou en partie des dispositions ci-dessus. »

M. Demonceau – Lorsque nous avons proposé dans le temps à la chambre la loi du 6 juin 1839, il fut reconnu que 6 millions de kilogrammes de grains au moins étaient nécessaires pour assurer l’approvisionnement du marché d’Aubel et pour venir en aide à l’alimentation du district de Verviers. Depuis lors il a été constaté que cette mesure n’avait pas suffi, puisque le gouvernement vous a proposé de doubler ce chiffre. Ce qui est aujourd’hui affligeant pour les habitants de la partie cédée du Limbourg et pour les habitants du district de Verviers, c’est que le traité est venu couper en deux l’ancien duché du Limbourg, de manière à laisser à la Belgique la partie consistant en grande partie en pâturages et à donner à la Hollande la partie en terres labourables ; le marché d’Aubel était au centre de l’ancien duché du Limbourg, c’était le lieu d’approvisionnement de tout le district de Verviers, et même d’une grande partie des communes de la partie cédée du Limbourg, c’est à Aubel qu’on fixe le prix du pain. Si vous aviez les mercuriales antérieures à l’exécution du traité de paix, vous y trouveriez qu’à l’exception d’un ou deux marchés, du marché d’Arlon, par exemple, le marché d’Aubel était celui où le prix du grain était le moins élevé.

Aujourd’hui, si mes renseignements sont exacts, le prix est le plus élevé de presque toute la Belgique, et, si je me trompe, je prie M. le ministre de l'intérieur de me répondre, il en est résulté une hausse considérable dans le prix du pain, par suite des entraves mises momentanément à l’exécution de la loi du 6 juin 1839, les approvisionnements du marché ont diminué. La Hollande, de son côté, a voulu s’assurer du montant des exportations. La Belgique a dû prendre des précautions pour empêcher la fraude. Il en est résulté que des cultivateurs qui, depuis des siècles, étaient en relation avec Aubel, ont éprouvé des entraves telles qu’il n’y avait sur ce marché d’Aubel que la moitié du grain nécessaire à la consommation du district. L’on sait que moins il y a de grains sur un marché, plus le prix est élevé. J’en appelle ici à ceux qui connaissent les localités ; nos ouvriers sont tous dans un état qui est loin de l’aisance, les boulangers ne sont pas bien riches non plus, et le marché d’Aubel a été fixé a lundi, probablement exprès pour favoriser les relations des ouvriers avec les boulangers. Les ouvriers recevant leur salaire le samedi, le boulanger réunit les avances qu’il a faites pour aller au marché. S’il n’y trouve pas la quantité nécessaire pour son approvisionnement, il est forcé de payer le prix qu’on lui demande ; parfois il doit recourir à des marchands de grains, qui, de leur côté, doivent aussi avoir leur bénéfice.

L’amendement que nous vous proposons ne peut être, ce me semble, aucunement désavantageux au trésor. Dans ce moment les grains entrent exempts de droits, mais il pourrait se faite que le seigle, par exemple, fût frappé d’un droit, car je crois qu’il ne restera pas au prix où il est coté. Un droit même équivalent au quart du droit actuel suffirait pour empêcher les arrivages sur le marché d’Aubel et amener une nouvelle hausse.

Je puis vous assurer qu’au moyen des précautions prises par le gouvernement, il n’y a guère possibilité de frauder ; qu’on veille à ce que le marché d’Aubel soit alimenté, dès que l’on prend cette précaution, cela paraît suffire.

L’amendement que nous proposons tend à substituer au droit réduit au quart un simple droit de balance. Cet amendement offre un avantage en ce qu’il n’amène aucune entrave dans les relations entre les habitants de la partie cédée et ceux du district de Verviers ; du reste, si le gouvernement juge la mesure préjudiciable aux intérêts du trésor, vous lui donnez le droit de révoquer à volonté l’exemption que nous réclamons. Nous lui donnons en même temps et les moyens de prévenir les inconvénients, s’il y en a, et le moyen d’assurer l’alimentation du marché d’Aubel.

Ce qu’il importe pour le Limbourg cédé comme pour le district de Verviers, c’est que des changements de droits ne se reproduisent pas chaque semaine ; les fermiers sauront qu’ils ne sont exposés qu’à un droit de peu d’importance, ils continueront à fréquenter le marché d’Aubel, tandis que le contraire pourrait arriver, si le droit est maintenu, et un droit du quart de celui perçu ailleurs me paraît encore trop élevé, eu égard à la position tout exceptionnelle dans laquelle se trouvaient et les habitants du Limbourg cédé et les habitants du district de Verviers.

Je crois que l’amendement devrait obtenir l’assentiment du gouvernement, puisqu’il dépendra de lui de révoquer la mesure, s’il croit qu’elle porte préjudice au trésor et à l’agriculture. L’amendement me paraît donc suffisamment justifié, et nous espérons que la chambre en votera l’adoption.

M. de Brouckere – Le projet du gouvernement avait pour but d’introduire à la loi du 6 juin 1839 une modification temporaire ; il tendait à réduire, jusqu’au 30 novembre à un quart du droit ordinaire, pour une quantité déterminée de céréales, le droit d’entrée sur les grains importés de la partie cédée du Limbourg dans le district de Verviers. Aucune voix ne s’est élevée, ni dans les sections, ni dans la chambre contre le projet du gouvernement. Mais plusieurs honorables membres veulent qu’on aille plus loin ; ils proposent un amendement qui a pour but d’admettre deux modifications au projet du gouvernement. La première concerne la quotité du droit. Ils veulent substituer au droit réduit au quart un simple droit de balance. Quant à cette partie de l’amendement, je déclare m’y rallier.

Mais en outre nos honorables collègues voudraient que la modification que nous allons apporter à la loi du 6 juin 1839 n’eût pas de terme ; et cependant ils se mettent en contradiction avec eux-mêmes puisqu’ils commencent par dire : « Par dérogation temporaire. » Voulez-vous que la dérogation soit définitive, il faut effacer le mot temporaire ; voulez-vous qu’elle soit temporaire, il faut dire combien de temps vous voulez qu’elle dure.

Quant à moi, je ne puis souscrire à un amendement qui tend à anéantir la loi du 6 juin 1839, aussi longtemps que cela conviendra au gouvernement. Cette dérogation qualifiée de temporaire, il serait libre au gouvernement de la prolonger éternellement. Je crois que c’est là, chose tout à fait irrégulière, tout à fait insolite.

Je proposerai donc à l’amendement, le sous-amendement suivant :

« Par dérogation à l’article 8 de la loi du 6 juin 1839, et pendant un an, il pourra être importé de la partie cédée du Limbourg, etc. »

Si au bout de l’année, il était constant que le district de Verviers et les parties cédées du Limbourg ont le même intérêt qu’aujourd’hui, on ne trouverait pas plus d’opposition qu’aujourd’hui au renouvellement de la mesure.

Mais encore une fois ne posons pas d’antécédents de cette nature ; n’allons pas dire que nous abrogeons une loi, en laissant le gouvernement maître de laisser subsister cette abrogation tant et aussi longtemps qu’il le voudra. Je crois qu’il n’y a pas d’exemple d’une mesure pareille.

Je ne terminerai pas sans répondre à l’observation de l’honorable M. de Renesse sur la promesse, qui avait été faite, d’apporter des modifications au tarif des douanes en faveur des parties cédées. Il est de fait que les habitants des parties cédées adressent à leurs amis de fréquentes réclamations. Pour ma part j’en ai reçu plusieurs, et notamment une d’un homme très recommandable, de M. Bontemps, bourgmestre de Venloo. M. Bontemps me dit qu’il a adressé une requête à M. le ministre de l'intérieur. J’appelle l’attention de M. le ministre de l'intérieur sur celle requête et j’espère que le gouvernement viendra bien proposer des modifications la loi des douanes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Permettez-moi de vous rappeler la disposition de l’article 8 de la loi du 6 juin 1839 qu’il s’agit de modifier. Elle est ainsi conçue :

« Les grains de toute espèce qui seront importés de la partie détachée du Limbourg, dans le district de Verviers, par le bureau qui sera indiqué à cette fin, par le gouvernement, à proximité du marché d’Aubel, seront admis à l’entrée moyennant la réduction établie par l’article précédent, jusqu’à concurrence d’une quantité annuelle de six millions de kilogrammes. »

Messieurs, si cette quantité avait été suffisante pour alimenter le marché d’Aubel, de manière à y conserver à peu près le niveau des prix du reste du royaume, aucune réclamation ne se serait élevée, aucun projet exceptionnel ne vous aurait été présenté. Mais le conseil communal de Verviers, par suite d’une résolution prise à l’unanimité, voyant la différence qu’il y avait dans les prix des céréales sur le marché d’Aubel et dans le reste du royaume, s’est adressé au gouvernement pour le prier sinon de présenter une loi générale qui permît l’entrée du seigle sans paiement de droits, au moins de présenter une loi dans ce sens pour le district de Verviers.

Au terme d’une session, il était impossible au gouvernement de se livrer à toutes les investigations nécessaires pour résoudre la question de savoir s’il y avait lieu de modifier, d’une manière générale, la disposition de la loi qui établit un droit à l’entrée sur le seigle étranger. Mais il a paru au gouvernement qu’en laissant subsister la loi dans le reste du pays, il fallait avoir égard à la position du district de Verviers, qui ne produit pas de céréales et qui est tellement éloigné des différents marchés que les céréales ne pourraient y arriver qu’en payant d’énormes frais de transport, et qu’il convenait de faire quelque chose pour ce district, en dérogeant momentanément à la loi de juin 1839. Je me suis adressé au conseil communal de Verviers qui à l’unanimité a trouvé que le projet de loi présenté était suffisant et qu’il satisfaisait à tous les besoins. Il peut très bien apprécier les besoins du district, et il a, sans aucune difficulté adhéré à la modification que nous proposons à la loi du 6 juin 1839.

Il est vrai que le gouvernement ne fait dans cette loi qu’étendre d’une quantité de 500,000 kilogrammes de gains par mois la disposition exceptionnelle de la loi de 1839 ; mais je crois qu’il eût été impossible au gouvernement d’aller plus loin sans faire une espèce d’injustice, car la loi de 1839, à laquelle il s’agit de déroger, n’a pas eu pour but unique de faire une faveur au district de Verviers ; elle a eu pour but de faire une faveur non seulement aux parties cédées du Limbourg, mais encore au Luxembourg détaché. En effet, l’article 7 de la loi est ainsi conçu :

« Art. 7. Le froment, l’orge et le méteil, ainsi que leurs farineux, qui seront importés, par le bureau d’Arlon, de la partie détachée du Luxembourg, dans la partie qui restera belge, seront admis à l’entrée au quart des droits établis par les lois en vigueur, mais seulement jusqu’à concurrence d’une quantité annuelle de 3 millions de kilogrammes. »

Il a paru au gouvernement qu’il ne fallait pas faire, à une partie du territoire cédé, une faveur qu’on ne pouvait accorder aux autres, et que, pour cela, il fallait se borner à autoriser l’entrée des grains nécessaires à l’alimentation du district de Verviers.

L’amendement qui a pour but de substituer le droit de balance au payement du quart des droits ne s’éloigne pas beaucoup du projet présenté. Il est à craindre que le projet de loi soit inutile, en ce sens, qu’il est peu probable que le prix des céréales diminue d’ici au mois de novembre, mais encore comme le prix n’est fixé que pour une quinzaine et qu’il peut diminuer ; que dans ce cas les céréales seraient frappées d’un droit assez fort, nous devons y pourvoir ; mais je ferai remarquer que le droit réduit au quart équivaut à un droit de balance, de sorte que la proposition qui vous est faite est à peu près la même chose que le projet. Si je ne m’y rallie pas, c’est qu’il m’est impossible d’en apprécier toute la portée ; cependant si la chambre l’adoptait, il me resterait à examiner jusqu’à quel point cela peut déranger les combinaisons de M. le ministre des finances pour la perception des droits et je m’expliquerais à cet égard au second vote.

Quant au terme que l’on veut fixer à la durée de la loi proposée, il est naturel de prendre le 30 novembre prochain qui est le terme de la durée de la loi principale à laquelle se rattache le projet.

M. Lys – Je pense que lorsque le conseil de régence de Verviers a déclaré que cette mesure serait suffisante, il ne savait pas que les 500,000 kilogrammes de grains, dans la situation actuelle du bureau hollandais et du bureau belge, n’arrivaient même pas chaque mois au marché d’Abel.

Par la nouvelle loi et par les moyens que se réserve le gouvernement, on pourra faire arriver cette quantité de grains, en les faisant aussi entrer par le bureau de Visé et en les dirigeant sur Aubel. Les grains de la partie gauche de la même partie cédée du Limbourg, arriveront dès lors par la Meuse, ne pouvant arriver aujourd’hui à cause des frais de transport.

Comparez le prix du grain à Liége, au prix des marchés de Hasselt et de Louvain, et vous verrez l’énorme différence. Le gouvernement n’a rien à craindre puisque, d’après la loi, il peut renvoyer l’autorisation s’il ne la croit pas utile. Je me rallie au sous-amendement proposé par M. de Brouckère, qui fixe le terme au 30 novembre prochain. Il y a urgence de venir au secours d’une population aussi nombreuse et aussi souffrante.

M. Demonceau – Je ne sais pas si nous nous sommes bien compris. La loi du 6 juin 1839 n’est pas temporaire ; elle est définitive. D’après cette loi, 500,000 kilogrammes entrent pour un quart du droit ; nous demandons que ce droit du quart soit réduit à un droit de balance. Nous ne paraissons donc différer que sur le point de savoir si la réduction sera établie pour un temps limité ou illimité. M. de Brouckere voudrait un temps limité ; nous demandons un temps illimité ; mais nous demandons au gouvernement le droit de faire cesser cette mesure, ainsi qu’il l’avait demandé dans son projet ; si l’on persiste à vouloir fixer le terme de la durée au 30 novembre, nous devrons bien y souscrire.

M. de Brouckere – Le gouvernement conserve, en outre le droit de révoquer la mesure.

M. Demonceau – Quant à cette observation présentée par M. le ministre de l'intérieur, qu’il y avait injustice envers le Limbourg, tout en partageant cette opinion, je ferai remarquer que le Limbourg n’est pas dans les mêmes circonstances que le Luxembourg ; le grain est à bon marché à Arlon, et il est très cher sur le marché d’Aubel. C’est dans l’intérêt des parties cédées du Limbourg et du district de Verviers qu’on fait la loi ; c’est pour ne pas rompre entre ces pays des relations séculaires.

La plus légère diminution engagera les habitants du Limbourg à continuer ces relations. Si je suis bien informé, la Hollande frappe d’un droit faible, il est vrai, les grains à la sortie, nouveau motif de le diminuer à l’entrée. Si, par des mesures mal prises, on forçait les habitants du Limbourg à suivre une autre voie, ou si l’on forçait les habitants du district de Verviers à s’approvisionner ailleurs qu’à Aubel, il y aurait perturbation dans les deux pays ; le Limbourg cédé perdrait ses débouchés vers Aubel, et Aubel, à son tour, verrait son marché abandonné ; or, il est de notre devoir et de celui du gouvernement d’empêcher autant que possible un pareil mal ; pour mon compte, je tiens plus à l’amélioration de la loi qu’à sa rédaction.

La chambre pourra faire son choix.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je pense que l’amendement proposé n’a pas une grande portée dans l’intérêt même du district de Verviers. Si le prix des grains est fort élevé, il n’y a pas de droit, et par conséquent, l’amendement n’a pas d’application, si le prix des grains diminue, le district de Verviers peut se contenter en payant le droit des droits qu’on paie ailleurs. La loi n’est applicable que dans le cas où le grain baisserait considérablement de prix ; la chambre n’a aucun motif pour adopter l’amendement qui, je le répète, est sans portée et sans intérêt.

M. de Brouckere – Je crois que l’on ne donne pas de fort bonnes raisons pour démontrer que l’amendement proposé n’aurait qu’une très faible portée. Je crois au reste que la loi proposée par le gouvernement suffit. Quant au sous-amendement que j’ai présenté, il n’a qu’un seul but c’est de rendre la loi temporaire, au lieu de lui donner un terme indéfini.

M. le président – Voici l’amendement avec le sous-amendement :

« Par dérogation à l’article 8 de la loi du 6 juin 1839 (Bulletin officiel, n°262), et jusqu’au 30 novembre prochain, il pourra être importé de la partie cédée du Limbourg dans le district de Verviers par les bureaux à désigner à cet effet par le gouvernement une quantité de 500,000 kilogrammes de grains de toute espèce, par mois, indépendamment de la quantité annuelle fixée par ledit article.

« Le droit d’entrée fixé au quart des droits actuels par le même article est réduit à un droit de balance de 50 centimes par 1,000 kilogrammes.

« Le gouvernement est autorisé à faire cesser tout ou partie des dispositions ci-dessus. »

M. Eloy de Burdinne – Je ne sais trop, messieurs, où nous marcherons en diminuant ainsi toutes les ressources du trésor, alors que nous augmentons d’un autre côté nos dépenses. Il est vrai que nous avons un moyen de nous tirer d’embarras, c’est la voie des emprunts, mais je vous avoue qu’en fait d’emprunts j’en ferai le moins possible, tant pour mon compte que pour le compte de mes commettants. Depuis un an nous avons constamment diminué les ressources de l’Etat, nous avons réduit les droits sur les grains, sur l’orge ; aujourd’hui on demande encore une nouvelle réduction. Si l’on croit pouvoir marcher ainsi de réduction en réduction, je ne demande pas mieux ; j’espère même, puisque l’on est en si bon train, que dans le budget des voies et moyens de l'année prochaine, on nous proposera de réduire les contributions personnelles, la contribution foncière et les patentes ; s’il en est ainsi, j’appuierai de tout mon cœur toutes les réductions que l’on nous proposera pour autant, toutefois, qu’il ne s’agisse pas de combler le déficit par des emprunts. Aussi longtemps qu’on n’aura pas trouvé le moyen d’échapper aux emprunts, je crois, messieurs, que nous ferons bien de conserver toutes nos ressources, et je ne vois pas de motif pour supprimer les droits dont il s’agit en ce moment, droits qui ne se paient pas actuellement et dont on paiera un quart seulement si le prix des céréales diminue. Il me semble que ces messieurs sont fort exigeants ; on réduit les droits au quart de ce qu’ils sont dans les autres parties de la Belgique, et ils ne sont pas satisfaits, ils demandent la suppression totale du droit ; mais au train dont cela marche, l’année prochaine ils viendront vous demander une prime pour les grains qu’ils reçoivent de l’étranger.

Réfléchissez-y, messieurs ; si l’on croit pourvoir administrer sans impôts, je serai le premier à en voter la suppression, mais je ne pense pas que cela soit possible et dès lors je voterai contre la proposition.

M. Lys – Le gouvernement a déjà démontré, messieurs, que l’impôt tel qu’il se perçoit, est d’une importance insignifiante pour le trésor ; mais cet impôt est d’une importance très grande, relativement au prix du pain ; et vous savez que les ouvriers gagnent à peine de quoi se procurer du pain et des pommes de terre. L’honorable M. Eloy de Burdinne trouve qu’on ferait déjà une très grande faveur au district de Verviers, en permettant l’entrée des grains à un quart du droit existant. Oui, messieurs, cet avantage serait très grand, si on laissait venir le grain du pays de Juliers ; mais on ne le laisse venir que de la partie cédée du Limbourg, et c’est là une grande différence ; cela rend l’avantage très minime. Cependant cela influera toujours d’une manière favorable sur le prix du pain, et ce sera une espèce d’indemnité accordée à la partie cédée du Limbourg. Lorsqu’il s’agit de voter des subsides en argent, on n’hésite pas à le faire, on ne peut donc pas se refuser à faire droit à la demande de malheureux qui réclament uniquement une mesure dont le trésor ne peut pas être lésé et qui doit diminuer le prix du pain.

M. Eloy de Burdinne – S’il ne s’agissait, messieurs, que de nourrir les malheureux, si la proposition ne concernait que le seigle, je l’appuierais, mais il s’agit tout aussi bien du froment que du seigle ; or celui qui veut manger du froment peut bien le payer un peu plus cher.

Au surplus, messieurs, le grain entre aujourd’hui sans payer aucun droit quelconque, tout aussi bien quand il vient du pays de Juliers, dont on vient de parler, que quand il vient de la partie cédée du Limbourg, et si Verviers paie aujourd’hui les grains un peu plus cher, c’est qu’ils n’ont pas mieux réussi dans le pays de Juliers que partout ailleurs. La position de Verviers n’est pas, du reste, aussi déplorable que l’on voudrait bien le faire croire ; si en ce moment on y paie le pain un peu plus cher que dans d’autres localités, c’est là qu’il est le meilleur marché lorsque les prix sont bas, car Verviers est approvisionné par le pays de Juliers comme Liége ; or il est certain qu’il en coûte plus pour transporter le grain du pays de Juliers à Liége, que pour le transporter à Aubel et à Verviers, puisque ces localités sont plus rapprochées de la frontière que Liége.

On dit, messieurs, que le district de Verviers ne produit pas de grains, cela est vrai, mais il produit du drap, et si les localités de la Belgique qui produisent du grain et qui ne produisent pas de draps, venaient demander qu’on leur permît de recevoir les draps étrangers avec ¼ des droits, je ne pense pas que cette demande fût fort goûtée par le district de Verviers, et je crois qu’il aimerait mieux payer l’intégrité du droit sur les grains que de voir adopter une proposition de cette nature.

Je bornerai là mes observations, et je voterai contre la réduction demandée. Je crois que l’on doit être fort satisfait de ne payer que le quart des droits, d’autant plus qu’en ce moment l’on ne paye rien.

M. Demonceau – Je commencerai par calmer les craintes que manifeste l’honorable M. Eloy de Burdinne de voir les grains trop bon marché dans le district de Verviers. Il peut être parfaitement tranquille à cet égard ; depuis l’exécution du traité de paix de 1839 le grain a toujours été cher et très cher, et je désire que je me trompe, mais les entraves qui vont être apportées à l’approvisionnement du marché d’Aubel seront une cause permanente de l’élévation du prix des céréales sur ce marché, et cela sera aussi funeste aux habitants du Limbourg cédé qu’à ceux du district de Verviers. Telle, messieurs, a toujours été ma conviction, et lorsque je l’ai dit il y a un an, on n’a pas voulu me croire, cependant le résultat n’a que trop prouvé la justesse de mes prévisions.

L’honorable M. Eloy de Burdinne a dit qu’il accorderait volontiers la suppression du droit, s’il ne s’agissait que du seigle ; eh bien, messieurs, le froment peut actuellement entrer sans droit et ce n’est que le seigle dont l’importation n’est pas permise ; en tous cas, la réduction que nous demandons ne concerne donc réellement que le seigle, et dès lors l’honorable M. Eloy de Burdinne s’empressera sans doute d’appuyer notre proposition.

- L’amendement est mis aux voix et adopté.

M. le président – Il ne reste plus qu’à voter sur l’article unique du projet ; si la chambre juge qu’il n’est pas nécessaire de remettre le vote définitif à lundi, je mettrai cet article aux voix par appel nominal. (Oui ! oui.)

M. Eloy de Burdinne – Hier, messieurs, nous avons ajourné le vote définitif de la proposition sur l’enquête pour nous conformer au règlement, je ne vois pas pourquoi nous agirions autrement aujourd’hui.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Je crois, messieurs, qu’il n’y a aucune urgence d’adopter la loi immédiatement, car le sénat n’est pas réuni, et le projet ne pourrait dès lors dans aucun cas être transformé en loi que dans quelques jours ; d’ici à lundi, le pourrai examiner si l’amendement qui a été adopté, et que je n’avais pas prévu, n’est pas de nature à déranger l’économie de la loi à laquelle on déroge.

- La chambre décide que le vote définitif aura lieu lundi.

Prise en considération d'une demande en naturalisation

M. le président – Le sieur Nicolas Chevalier, pharmacien à Remich, avait demandé la naturalisation ordinaire ; la demande avait été prise en considération par les deux chambres et nous allons procéder à la discussion du projet de loi tendant à lui accorder la naturalisation, lorsqu’on a fait observer que le pétitionnaire étant domicilié à Remich, il convenait d’ajourner le vote du projet qui le concernait jusqu’à ce qu’on se fût assuré qu’il entend donner suite à sa demande.

Voici la lettre que je viens de recevoir à cet égard (M. le président donne lecture de cette lettre, dans laquelle M. Nicolas Chevalier déclare persister à demander la naturalisation.) Je propose à la chambre de procéder à la discussion du projet de loi qui a pour objet d’accorder la naturalisation ordinaire au sieur Nicolas Chevalier.

M. Dolez – Messieurs, je remarque que sur le bulletin de l’ordre du jour d’aujourd’hui figure encore un projet, c’est celui relatif aux créances arriérées pour le département de la guerre. Ne pourrait-on pas s’occuper de ce projet ?

M. le président – Cet objet n’a été mis que provisoirement sur le bulletin, parce qu’on espérait que la distribution du projet aurait pu avoir lieu hier soir ; mais cette distribution n’a pu être faite.

S’il n’y a pas d’opposition, la discussion est ouverte sur le projet de loi qui a pour objet d’accorder la naturalisation ordinaire au sieur Nicolas Chevalier.

- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l’appel nominal. Le projet est adopté à l’unanimité des 57 membres qui ont pris part au vote. Elle sera transmise au sénat.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président – Messieurs, le projet de loi d’emprunt, et le mémoire y annexé, ont été distribués hier. Comme il n’y a plus rien à l’ordre du jour, je prierai les présidents des sections de convoquer leur section pour demain, à l’effet d’examiner ce projet.

M. de Brouckere – Je demanderai que la convocation n’ait lieu que lundi : Demain, il y a une élection à Bruxelles ; les représentants du district de Bruxelles seront dans l’impossibilité de se rendre dans les sections. Or, pour un objet aussi important, il faut que le plus grand nombre possible de membres soient présents dans les sections.

Des membres – On pourrait aussi fixer la prochaine séance publique à lundi.

M. F. de Mérode – Messieurs, il est très probable que la discussion du projet de loi d’emprunt ne sera pas terminée en un jour dans les sections. Ainsi, ceux de nos collègues qui ne pourraient pas assister demain aux discussions des sections, prendront part à la discussion qui continuera lundi. Il me semble que d’ajournement en ajournement nous n’avançons pas ; il est essentiel que nous employions notre temps, sans cela nous ne finirions jamais nos travaux.

M. de Brouckere – Messieurs, je persiste dans la proposition que j’ai faite. Je le répète, il est indispensable qu’il y ait, dans les sections, beaucoup de membres présents pour un projet si important.

On dit que la discussion ne sera peut-être pas terminée en un jour ; mais il est possible aussi qu’elle soit finie en un jour, et alors les rapporteurs seront nommés, sans qu’aucun des députés du district de Bruxelles n’ait pris part à la discussion. Je suis vice-président d’une section, le président est absent, et je ne pourrai pas non plus me rendre demain dans ma section. Je demande donc qu’on remette à lundi les délibérations dans les sections. C’est un délai qu’on ne peut refuser aux députés de Bruxelles.

- La chambre décide que les sections seront convoquées lundi pour examiner le projet de loi d’emprunt. Elle décide ensuite qu’elle se réunira lundi en séance publique à une heure.

Prise en considération de demandes en naturalisation

M. le président – La chambre a à statuer sur le feuilleton n°5. Quelqu’un demande-t-il la parole ?... Personne ne demandant la parole, on va passer au vote.

On procède à l’appel nominal.

51 membres sont présents.

M ; François-Georges Bardenheuer, employé sous les ordres de l’inspecteur des ponts et chaussées, demeurant à Bruxelles, a obtenu 49 voix.

M. Louis-Joseph Salambier, cultivateur, demeurant à Herinnes (Hainaut), a obtenu 47 voix.

M. Henri-Joseph Salambier, cultivateur, demeurant à Herinnes (Hainaut), a obtenu 47 voix.

M Auguste-Louis Nuguès, capitaine au 12e régiment, chevalier de l’ordre Léopold, a obtenu 49 voix.

M. Benoît Maurer, tambour-major de la 1er légion de la garde civique à Anvers, a obtenu 49 voix.

M. Wanner-A Wanners, aumônier de la maison de correction, demeurant à Saint-Bernard, a obtenu 49 voix.

M. Lucien-Antoine Spinatsch, adjudant sous-officier au 14e régiment de réserve, a obtenu 49 voix.

M. Jean-Baptiste Buffet, garde-champêtre, demeurant à Vresse (Namur), a obtenu 49 voix.

M. Tobie-Const.-Mart. Morel, quartier-maître du dépôt du 9e régiment de ligne, a obtenu 49 voix.

M. Constantin Leuridan, propriétaire cultivateur, demeurant à Marquain (Hainaut), a obtenu 47 voix.

M. François-Joseph Salambier, cultivateur, demeurant à Herinnes (Hainaut), a obtenu 47 voix.

M. Ernest-Philippe Sextus, fourrier au 3e escadron du 2e régiment de chasseurs à cheval, a obtenu 46 voix.

M. Ignace-Marcel Kruszewski, colonel commandant le 2e régiment de chasseurs à cheval, a obtenu 49 voix.

M Armel-Marie Meinnel, cuisinier à bord de la canonnière n°4 de la flottille belge, a obtenu 49 voix.

M. Adolphe Bonniaux, brigadier de douane, demeurant à Mombray, a obtenu 49 voix.

M. Adolphe-Poul Dembinski, capitaine au 7e régiment d’infanterie, a obtenu 49 voix.

M. Coenraed Vieming, brigadier, honoraire de la gendarmerie et décoré de la croix de fer, demeurant à Heerlen (Limbourg), a obtenu 49 voix.

Leurs demandes sont prises en considération, elles seront transmises au sénat.

- La séance est levée à 3 heures et demie.