(Moniteur belge n°44 du 13 février 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. Scheyven procède à l’appel nominal à une heure et ½ ; il lit ensuite le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée, et il rend compte des pièces adressées à la chambre :
« Des habitants de la commune de Lovendegem (Flandre occidentale) demandent une augmentation de droit sur le lin à la sortie. »
« Des propriétaires, fermiers et marchands de lin, des communes d’Ath et d’Estinnes (Hainaut), s’élèvent contre les réclamations tendant à augmenter le droit sur le lin à la sortie. »
M. le président – Conformément aux antécédents, je propose le renvoi de ces pétitions aux ministres des finances et de l’intérieur.
M. Rodenbach – Messieurs, comme le ministre de l’intérieur a dit hier que cette marche n’était pas régulière, lorsque l’honorable député de Gand a réclamé de explications ; je demanderai le renvoi à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport, parce que, de cette manière, on rentrera dans la voie régulière.
M. le président – Mais puisque la chambre a renvoyé directement les pétitions semblables aux ministres des finances et de l’intérieur, c’est un antécédent posé, et il n’est plus possible de sortie de cette voie.
M. Rodenbach – Si ma mémoire me sert bien, le ministre de l’intérieur a dit hier qu’il se levait contre parce que la voie était irrégulière ; c’est pour cela que je propose d’adopter le mode régulier.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je croyais avoir été au devant du désir du préopinant, puisque j’ai annoncé hier, spontanément, que je ne me refusais pas à donner des explications.
M. Rodenbach – Alors nous sommes d’accord.
M. Eloy de Burdinne – Si on veut renvoyer à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport, nous n’en finirons pas, parce que des pétitions sur cet objet arrivent tous les jours à la chambre ; dans les unes on réclame un augmentation de droits ; dans les autres on ne veut pas de cette augmentation ; et tout cela n’est pas de nature à simplifier la question.
M. Delehaye – Je pense que si le ministre voulait s’expliquer promptement sur les pétitions qui lui ont été renvoyées, on n’en adresserait plus d’autres à la chambre ; il y a plusieurs années qu’on pétitionne sur cet objet sans pouvoir connaître les intentions du gouvernement. Qu’arrive-t-il de ce silence je le dis à regret, c’est qu’on croit dans les Flandres qu’on veut les abandonner. Nous avons pétitionné pour les cotons, et nous n’avons eu aucune réponse ; nous avons pétitionné pour les lins, et nous n’avons pas eu de réponse. Dans une telle position, il peut en résulter des événements graves si le ministre ne s’explique pas promptement.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le gouvernement, pas plus que les chambres, n’a point négligé les intérêts des Flandres. Il ne suffit pas de dire dans une pétition que les intérêts des Flandres exigent telle chose, pour que cette assertion soit vraie. On fait observer que depuis huit ans on fait des pétitions sur l’objet dont il s’agit ; mais de ces pétitions il est résulté deux projets, l’un sur les tarifs des toiles, qui a été adopté, l’autre sur les étoupes et sur la sortie des lins, sur lequel la commission d’industrie, n’a voulu rien formuler, parce qu’elle était contraire aux droits concernant cette sortie. La question a donc été examinée et a reçu une solution. Elle se présente de nouveau en adressant de nombreuses pétitions à la chambre ; alors il y a lieu à un nouvel examen, et à voir si les circonstances ne sont pas changées.
M. Demonceau – Je ne vois pas d’inconvénient à renvoyer les pétitions aux ministres des finances et de l’intérieur, mais si je prends la parole, c’est pour répondre à une observation faite par un honorable préopinant. Il dit qu’il s’agit ici de l’intérêt des Flandres ; mais le pour et le contre est dans les Flandres ; c’est dans les Flandres qu’on cultive les lins et qu’on fabrique les toiles, ainsi la question tout entière concerne les Flandres, et la question particulière des lins et des étoupes n’est pas exclusivement dans l’intérêt de ces contrées.
M. de Foere – On demande un projet sur la sortie des lins ; il y a six ans que j’ai fait à la chambre une proposition sur les lins et une autre sur les toiles ; la proposition sur les toiles a été convertie en loi ; la première a seulement été développée. Il serait inutile maintenant que des membres présentassent un projet sur le même objet. Si le gouvernement n’adopte pas le principe posé dans la proposition antérieure, il ne faut pas faire perdre du temps à la chambre ; en conséquence, je demande au gouvernement s’il a l’intention de présenter à la législature un projet relatif à l’industrie linière ; car tout projet présenté par un membre resterait dans les cartons. Il serait bon que l’industrie linière dans les Flandres sût quelle est intention du gouvernement à cet égard. Je ne demande pas qu’il se prononce ; je demande qu’il prenne une décision quelconque.
M. le président – Il s’agit de savoir si l’on renverra les pétitions directement aux ministres des finances et de l’intérieur, conformément aux antécédents de la chambre.
- La chambre, consultée, ordonne le renvoi direct aux ministres.
« Des fabricants de rubanerie de Courtrai demandent que les fabricants étrangers soient frappés d’un droit protecteur de leur industrie. »
« Le chevalier du Temple, ancien militaire pensionné, se plaint de ce que le pensionnaires ne reçoivent leur mandat que six mois après le terme échu. »
Ces deux requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Scheyven – Je viens, au nom de la section centrale, présenter le rapport sur le subside réclamé pour l’érection du petit séminaire à Saint-Trond.
De toutes part – L’impression !
M. Scheyven – Je demanderai que la chambre veuille bien fixer la discussion du projet entre les deux votes de la loi sur les chemins vicinaux ; aucun projet n’est à l’ordre du jour dans cet intervalle. Il y a une certaine urgence à s’occuper de ce projet, parce qu’on attend la décision des chambres pour commencer les travaux.
M. Liedts – La chambre a fixé son ordre du jour, et si l’on revient, chaque séance, sur ce qui a été décidé dans la séance précédente, nous n’en finirons pas, et nous mettrons le désordre dans nos travaux. Il faut qu’on s’arrête aux décisions prises ; il y a plusieurs projets à l’ordre du jour ; il faut les épuiser avant de s’occuper d’autre chose.
M. Scheyven – Je ferai observer qu’il n’y a aucun projet de loi à l’ordre du jour entre les deux votes de la loi sur les chemins vicinaux ; les projets dont on parle sont mis à l’ordre du jour après la discussion de la loi vicinale ; ces projets donneront lieu à de longues discussions, et il faudrait les scinder si on s’en occupait entre les deux votes ; tandis que le projet sur lequel je présente un rapport n peut occuper plus d’une séance.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Vous vous rappellerez que l’objet dont il s’agit était porté au budget du ministère de l’intérieur, et que sur la motion d’un membre de l’assemblée, j’ai consenti qu’il en fût distrait pour subir un examen particulier, alors on manifesta la crainte, en suivant cette marche, de voir retarder la discussion du crédit spécial ; mais il a été convenu qu’il n’en résulterait aucun retard pour la discussion et ceci est très juste puisque l’objet se rattache au budget de l’intérieur. Je crois donc que la proposition du rapporteur de la section centrale, de fixer la discussion entre les deux votes sur la loi vicinale, doit être admise.
M. Lys – Je m’oppose, quant à présent, à voir mettre à l’ordre du jour la loi proposée ; ce ne sera qu’après la distribution du rapport que l’on pourra voir si la question peut être abordée de suite ; remarquez, messieurs, qu’il se présentera une question de principe, qui pourra entraîner de graves difficultés.
M. Dubus (aîné) – Il est bien entendu que le rapport doit être imprimé et distribué avant la discussion, mais cette distribution sera effectuée plusieurs jours avant le double vote ; car il n’y a pas d’apparence que nous ayons terminé le premier vote sur les chemins vicinaux avant cinq ou six jours. La loi sur laquelle on vient de présenter le rapport n’est pas compliquée ; tout le monde la connaît ; le gouvernement propose un crédit de 100,000 francs ; la section centrale conclut à l’adoption du crédit ; c’est à la chambre à voir ; quand une loi est réduite à un seul article, il me semble qu’une séance doit suffire.
M. Zoude – Je demanderai qu’on mette à l’ordre du jour la loi sur les bois étrangers.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il est à présumer que d’ici au premier jour, je serai appelé au sénat pour la discussion du budget de l’intérieur, pendant ce temps on pourrait discuter le projet sur les bois étrangers, et tout ce concilierait de cette manière.
M. Fleussu – Je pense que la question est réduite à un seul article, pour savoir si l’on votera oui ou non 100 mille francs ; cependant tout ne se réduit pas à cette somme, parce que pendant deux ou trois ans le même chiffre se reproduira au budget, de sorte qu’il s’agit en réalité d’un crédit de 300 mille francs à examiner. Le rapport n’étant pas distribué, nous ne savons pas quelles difficultés il présente ; je demande en conséquence que la chambre ne se lie pas aujourd’hui par un ordre du jour, à moins qu’on ne nous donne lecture du rapport en entier.
M. Scheyven – Je crois que le rapport pourra être distribué après-demain soir ; il restera assez de temps pour l’examiner avant la discussion entre les deux votes.
- La proposition de M. le rapporteur est mise aux voix et adoptée après deux épreuves ; c’est-à-dire que la discussion aura lieu entre les deux votes sur la loi concernant les chemins vicinaux.
M. le président – L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur les chemins vicinaux.
M. Peeters a déposé sur le bureau l’amendement suivant :
« Néanmoins la députation du conseil provincial pourra, sur la demande des conseils communaux, autoriser les contribuables à convertir en prestation en nature la rétribution pécuniaire imposée d’après les deux premières bases.
M. Peeters – Messieurs, on nous a beaucoup parlé hier des usages locaux et des règlements provinciaux ; on voulait laisser entièrement aux conseils provinciaux de statuer sur le mode d’entretien des chemins, soit en prestation en nature, soit en rétributions en argent, soit en mettant la charge sur les habitants ou sur les propriétés riveraines.
Une pareille proposition, si elle avait été adoptée, aurait rendu la loi inutile ; oui, messieurs, nous avons à présent ce qu’on demandait hier, nous avons partout des règlements provinciaux différents, et partout on se plaint du mauvais entretien des chemins vicinaux.
Tous ces règlements, qui étaient encore passablement exécutés sous l’ancien gouvernement, sont tout à fait insuffisants aujourd’hui ; on oublie toujours de remarquer que nos institutions sont entièrement changées depuis la révolution ; de deux choses l’une, ou nous devons mettre la loi sur la voirie vicinale en harmonie avec nos institutions communales existantes, ou nous devons proposer un changement à la loi communale ; en agissant autrement nos chemins seront toujours mal entretenus.
Quant à moi j’ai la conviction intime que la corvée ou la prestation en nature, ainsi que l’a fort bien dit hier l’honorable M. Lebeau, n’est plus en harmonie avec nos institutions.
Un bourgmestre électif peut requérir et faire venir sur le lieu les hommes à corvée, mais il ne peut pas les faire travailler, la plupart du temps il ne font rien ; cent individus qu’il retire de leurs occupations ordinaires ne font pas le travail de dix bons ouvriers. Oui, messieurs, dix bons terrassiers payés feront plus de travail par jour que cent hommes de corvée, requis sans indemnité par l’administration communale et composés, pour la plus grande partie, des personnes peu habituées aux ouvrages de terrassements et parmi lesquels on voit souvent des enfants de 13 à 16 ans.
D’ailleurs, vous savez tous, messieurs, que les ouvrages par corvées ou prestations en nature ne se font qu’à une époque où le cultivateur n’a rien à faire, au moins un bourgmestre électif n’oserait pas les ordonner autrement.
Pour avoir de bons chemins, il faut s’occuper de leur entretien dans la saison la plus favorable, il faut encore une surveillance active et un entretien continuel. En s’y prenant à temps, on parviendra à réparer une dégradation de chemin en quelques heures, tandis que dix jours plus tard il faudrait employer des journées entières pour obtenir le même résultat.
D’après moi, il faudrait des surveillants permanents, ou une espèce de cantonniers qui parcourraient continuellement les chemins vicinaux pour rabattre les ornières, et remplir les légères excavations. Ce système concilierait à la fois le bien du service, puisque les dégradations seraient immédiatement réparées, et les avantages de l’économie, car les dégradations quand on en diffère la réparation s’aggravent et s’augmentent continuellement.
Toutes ces économies et ces bons résultats, vous ne pouvez certainement pas les obtenir lorsque vous maintenez la prestation en nature.
Les défenseurs de la prestation en nature nous font observer que, dans plusieurs communes, les habitants feront très facilement les corvées, mais qu’ils paieront difficilement la rétribution en argent. Mais, messieurs, ces honorables membres paraissent perdre entièrement de vue que la rétribution en argent n’est qu’une avance ; les habitants peu moyennés de bonne volonté auront l’occasion de regagner plus qu’ils ne doivent payer, en se chargeant de l’entretien d’une partie des chemins de la commune ; on emploiera certes les habitants de la commune de préférence à d’autres, mais toutes ces dispositions réglementaires doivent être abandonnées à la sagesse des conseils provinciaux, notre devoir à nous est de poser les principes.
Remarquez-le bien, messieurs, si vous supprimez la prestation en nature, et que l’on fasse entretenir les chemins par des ouvriers payés, le bourgmestre électif sera forcé d’agir, il sera très populaire pour lui de bien entretenir les chemins et de faire travailler les hommes payés, le public se plaindra de la moindre négligence, vous aurez autant de surveillance qu’il y a d’habitants dans la commune ; les entrepreneurs seulement exceptés.
Pour qu’une loi sur la voirie vicinale soit bien exécutée, il faut encore qu’elle soit juste et qu’elle frappe dans une égale proportion tous ceux qui dégradent les chemins, et qui sont intéressés à leur bon entretien, les propriétaires, les industriels et les consommateurs de la commune, ainsi que le propriétaire forain, tout le monde doit y contribuer dans une juste proportion.
C’est ce qu’avait compris la deuxième section dont je faisais partie ; elle proposait des centimes additionnels sur le foncier, le personnel, les patentes et sur l’octroi municipal ou l’abonnement représentant l’octroi.
Les discussions qui viennent d’avoir lieu nous prouvent qu’il sera difficile de réunir une majorité quelconque. Nous avons été très divisés à la section centrale, et on l’est encore davantage dans nos discussions publiques. C’est pourquoi je veux bien abandonner les propositions de ma section, et je pense qu’il y a moyen de nous entendre, en adoptant la rétribution en argent comme principe et la corvée comme exception.
Je serais très disposé à, admettre l’amendement de l’honorable M. Lebeau, qu’on pourrait combiner avec celui de l’honorable M. de Garcia ; toutefois je désirerais voir supprimer le quatrième paragraphe. Cette disposition me paraît établir un privilège en faveur de l’agriculture, dont elle n’a nullement besoin ; dan notre province, c’est le cultivateur qui a entretenu exclusivement les chemins vicinaux. Jusqu’ici je me suis fortement opposé à cette injustice ; j’ai demandé au conseil provincial que la propriété boisée et le propriétaire forain fussent aussi obligés d’y contribuer ; mais, maintenant qu’on veut établir des privilèges en faveur des cultivateurs, je dois m’y opposer par les mêmes principes ; je ne veux de privilèges pour personne.
Je l’ai dit, et je le répète, pour qu’une loi sur la voirie vicinale soit bien exécutée, il faut qu’elle soit juste avant tout, et qu’elle frappe dans une égale proportion tous ceux qui y sont intéressés.
Ainsi, pour me rendre à l’opinion de nos honorables adversaires, qui croient que les prestations en nature sont efficaces et même indispensables dans quelques localités, je pense que l’amendement de M. Lebeau devrait être sous amendé de la manière suivante :
« Néanmoins, la députation permanente du conseil provinciale pourra, sur la demande des conseils communaux, changer la prestation en nature la rétribution pécuniaire imposée, d’après les deux premières bases, dans les communes où la prestation en nature pourrait avoir de bons résultats. »
Cet amendement, ainsi sous-amendé, doit satisfaire à la fois et les partisans de la prestation en nature, et les partisans de la rétribution en argent.
En effet, la députation du conseil provincial autorisera sans difficultés la prestation en nature dans les communes où cette prestation est efficace pour bien entretenir les chemins, et elle refusera là où ce moyen n’aurait pas de bons résultats.
D’ailleurs, le bourgmestre électif aura alors plus de pouvoir sur les hommes à corvée ; il pourra leur dire ; si vous ne travaillez pas bien et que nos chemins soient mal entretenus cette année, la députation du conseil provincial ne nous autorisera plus l’année prochaine à travailler de la même manière, et vous serez alors obligés de payer la rétribution en argent.
Ce qui prouve que des prestations en nature ainsi autorisées auront le même résultat que la rétribution en argent.
Messieurs, depuis la révolution, notre pays a fait de grands progrès. Nous avons construit des chemins de fer et une foule de routes pavées, ayons au moins le courage de faire une bonne loi sur la voirie vicinale, objet non moins important pour le bien-être du pays, une loi en harmonie avec la constitution et nos autres institutions libérales.
Il ne suffit pas même, d’après moi, d’entretenir passablement les chemins vicinaux, il faut créer des ressources pécuniaires pour les améliorer, et ces ressources, vous les trouverez lorsque vous adopterez l’amendement de M. Lebeau, sous-amendé de la manière que je viens d’indiquer.
M. le président – Dans la séance d’hier, il a été convenu qu’on voterait sur des questions de principe. Deux questions de principe ont été posées, l’une par M. Lebeau en ces termes : « La prestation en argent sera-t-elle la règle générale ? » l’autre par M. d’Huart, de la manière suivante : « La prestation sera-t-elle exclusivement attribuée en argent. »
M. Dubus (aîné) – Je demande qu’on mette d’abord aux voix la question posée par l’honorable M. d’Huart, parce que l’on ne sait pas quelle est la portée de celle qui a été posée par M. Lebeau. Je demanderai, par exemple, si la solution affirmative de cette question emporterait oui ou non le renversement du système de la section centrale ? Nous ne saurions le dire. Cela dépendra même de l’exécution, car la prestation en argent sera la règle générale si, lorsqu’on exécutera la loi, ce mode est adopté dans la plupart des cas, et ce ne sera plus la règle générale si dans le plus grand nombre des cas, on adopte la prestation en nature.
Je ne comprends donc pas à quoi nous servirait de décider une question semblable, et je demande qu’on mette aux voix la question de savoir s’il y aura, oui ou non, des prestations en nature, si l’on proscrit oui ou non les prestations en nature. Cependant, si l’on est d’accord de ne pas proscrire les prestations en nature, alors il n’y a pas de question de principe à mettre aux voix, car alors il s’agit tout simplement d’examiner dans quels cas la prestation sera acquittée en nature, et dans quels cas elle sera acquittée en argent.
M. Cools – Je partage l’avis de l’honorable M. Dubus, que la chambre se retrouvera très embarrassée de se prononcer sur ces questions de principe, et je crois qu’il conviendrait d’adopter une autre marche ; on pourrait par exemple continuer la discussion en regardant les six articles auxquels nous allons venir comme connexes, en ce sens que le vote que nous porterons sur l’un ou l’autre de ces articles ne nous lierait pas pour le second vote.
M. le président – Ce serait contraire au règlement.
M. Cools – Ce serait conforme à des antécédents.
Remarquez, messieurs, que toutes les questions de principe posées par divers honorables membres se trouvent dans les articles que nous avons à discuter ; les articles 14 et 15 ont pour objet d’établir des bases, et la divergence qui existe à cet égard consiste en ce que la section centrale veut déterminer la part contributive de chaque base, tandis que le gouvernement veut se borner à établir les bases en laissant aux conseils provinciaux le soin de déterminer la partie contributive de chacune de ces bases. Je pense que si les honorables MM. Lebeau et de Garcia voulaient supprimer dans leurs amendements ce qui concerne la question de savoir si la prestation sera acquittée en argent ou en numéraire, il nous serait facile de nous entendre sur ces articles. Quant à la question relative à la manière d’acquitter la prestation, elle trouvera sa place dans la discussion de l’article 16, qui est ainsi conçu :
« La cotisation est acquittée en argent ou en prestations en nature, au choix du contribuable. »
A l’égard de cet article, deux principes sont en présence : l’honorable M. d’Huart veut admettre la prestation en nature ; l’honorable M. Lebeau veut que la prestation en argent soit la règle générale. Eh bien, quand nous en serons à cet article ceux qui partageront l’avis de M. d’Huart voteront contre la disposition ; car il est évident que si vous supprimez cet article, la prestation en argent disparaît, et il ne reste que la prestation en nature. Ceux, au contraire, qui voudraient voter dans le sens de M. Lebeau, appuieront l’article, sauf à l’amender.
Il sera donc très facile de s’entendre sur ce point, lorsque nous en serons à cet article. Je suppose que l’on adopte, conformément à l’opinion de M. Lebeau, la prestation en argent comme règle générale ; eh bien, on rédigera l’article dans ce sens, et lorsqu’on arrivera à l’article 19, l’on déterminera toutes les exceptions que l’on voudra établir.
Si on voulait adopter maintenant le système de l’honorable M. Lys, qui consiste à laisser aux conseils provinciaux le soin de décider de quelle manière la prestation sera acquitté ; eh bien, alors, il n’y aura qu’à remplacer, dans l’article 16, les mots : « au choix des contribuables » par ceux-ci : « suivant la décision du conseil provincial. »
Je crois donc, messieurs, que pour le moment, il faut se borner à examiner la seule question qui se trouve dans les articles 13 de la section centrale et 15 du gouvernement : savoir si la loi se bornera à établir des bases, en laissant à l’autorité provinciale le soin de déterminer la part contributive de chacune de ces bases, ou bien si cette part contributive sera déterminée par la loi elle-même. Et quant aux questions de principe, soulevées par MM. d’Huart, Lebeau et Lys, je pense qu’il faut en remettre l’examen jusqu’au moment où nous arriverons à l’article 16.
M. d’Huart – Messieurs, trois systèmes sont en présence : celui de l’honorable M. Lebeau, qui consiste à faire payer l’imposition pour l’entretien des chemins exclusivement en argent …
M. Lebeau – Je ne dis pas du tout : exclusivement.
M. d’Huart – Cela résulte de votre amendement et des développements que vous y avez donnés.
M. Lebeau – J’ai déclaré que j’admettais des exceptions.
M. d’Huart – Si l’honorable M. Lebeau revient de son opinion, s’il reconnaît qu’il est impossible, qu’il est impraticable d’exiger la contribution pour les chemins exclusivement en argent, alors je retire ma proposition ; car en ce cas nous sommes tous d’accord qu’il faut laisser aux contribuables la faculté de racheter au moins une partie de la charge par des prestations en nature.
Il ne reste donc plus que deux systèmes : celui d’une imposition payable pour une partie en argent et rachetable pour l’autre partie par des prestations en nature, et celui d’une imposition rachetable en totalité par des prestations en nature, selon le projet de la section centrale. Il serait peut-être utile encore de procéder par question de principe pour se fixer sur celui de ces deux systèmes qui doit prévaloir ; cependant je ne ferai pas de proposition à cet égard parce que je vois qu’il surgit de tous côtés de nouvelles motions sur l’ordre de la discussion qu’ainsi au lieu de nous faire gagner du temps, nous en perdons davantage qu’en abordant simplement l’ordre des articles mêmes du projet de loi.
M. Lebeau – Hier, messieurs, j’avais en effet présenté un système exclusif, mais je n’avais pas alors posé une question de principe ; si je l’ai fait plus tard ce n’a été que sur l’invitation de plusieurs membres de la chambre, qui sentaient comme moi que cela pouvait faciliter la discussion. De tous côtés on me disait : « Oui, c’est cela, faites le ! » Il me paraît qu’aujourd’hui ce n’est plus cela du tout, qu’aujourd’hui la position d’une question de principe, au lieu d’abréger la discussion, serait de nature à la prolonger. Il me semble cependant que d’après la solution, soit affirmative, soit négative de la question que j’avais posée, et en interprétant avec une entière bonne foi la décision que la chambre aurait prise, on serait parvenu sans peine à savoir ce qu’il y avait à faire. Il me semble aussi que chacun aurait parfaitement su comment il devait voter sur cette question de principe ; ainsi, par exemple, je suis convaincu que l’honorable M. Peeters aurait répondu affirmativement et l’honorable M. d’Huart négativement.
M. d’Huart – J’aurais voté pour votre proposition.
M. Lebeau – Pour être conséquent, vous deviez voter en sens contraire.
Quoi qu’il en soit, messieurs, puisque ma proposition de voter sur une question de principe semble de nature à prolonger la discussion et que je n’ai fait cette proposition que pour faire gagner du temps à la chambre, je la retire. Quant à mon amendement, je le maintiens, mais modifié, conformément à la déclaration que j’ai faite hier, déclaration dont je suis étonné que l’honorable M. d’Huart ait perdu le souvenu, car j’ai déclaré formellement que, déférant aux observations de plusieurs de nos honorables collègues, je ne proposais pas d’établir la prestation en argent comme règle absolue et que j’admettrais les exceptions qui seraient jugées nécessaires par la chambre.
Je crois, messieurs, que mon amendement est très pratique, mai je crois aussi qu’il n’aurait peut-être pas de chances d’un complet succès dans l’assemblée ; or, comme il faut tâcher d’arriver à une solution qui satisfasse à peu près tout le monde, et pour qu’il ne reste pas le moindre doute sur mes intentions je déclare que j’adhère au sous-amendement de l’honorable M. Peeters.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Mon intention était de demander à l’honorable préopinant s’il ne trouverait pas plus convenable de réserver la question pour la discussion de l’article 16, qui dit :
« La cotisation est acquittée en argent ou en prestation en nature au choix du contribuable. »
D’après le système de l'honorable membre, la cotisation se paierait en argent sauf les exceptions à établir ; il pourrait donc attendre jusqu’à la discussion de l’article 16 et proposer alors une nouvelle réduction de cet article conforme au principe qu’il veut établir,, et formuler en même temps les exceptions nécessaires.
M. Demonceau – J’avais demandé la parole avant qu’on retirât les amendements. Il me semblait que, pour arriver à une solution, il fallait avoir entendu le pour et le contre ; j’aurais donc voulu qu’on entendît successivement un orateur qui défend l’un des systèmes, et un orateur qui soutient l’autre système ; nous aurions examiné plus tard ce que nous avions à décider.
M. Vandenbossche – Messieurs, j’ai dit dès le principe que nous n’avions rien de mieux à faire que de passer à la discussion de l’article auquel nous sommes arrivés, et de renoncer aux questions de principes. Il me semble que telle est devenue aussi l’opinion de l'honorable M. d’Huart, et je propose à la chambre de passer à l’article 14.
M. le président – Voici la proposition de M. Cools :
« Je propose de renvoyer la discussion des amendements de MM. d’Huart, Lebeau et Lys à l’article 16 et de discuter pour le moment la question de savoir si on se bornera à établir des bases de contributions ou si on déterminera la part contributive des bases, et d’aborder ensuite les articles 14 et 15. »
M. Cools – Puisque les amendements de MM. d’Huart et Lebeau ne sont plus en discussion, ma proposition devient sans objet. Cependant j’ai à faire une observation : nous allons nous perdre dans les détails de la base contributive, dont il est question à l’article 14. Il me semble que, pour abréger la discussion, il y a lieu de s’occuper d’abord de la question de savoir si l’on se bornera à établir des bases de contribution, comme le propose le gouvernement, ou si de plus on déterminera la part contributive des bases.
M. le président – Personne ne demandant plus la parole, il va être passé au vote ; mais pour l’ordre du vote, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur, s’il s’est rallié au projet de la section centrale, en ce qui concerne les articles 13 et 14 nouveaux.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Oui, M. le président.
M. le président – Nous avons d’abord un premier amendement de M. Lebeau, qui n’est qu’un sous-amendement à l’amendement de la section centrale.
M. Lebeau propose un changement au premier numéro de l’article 13 de la section centrale. Ce paragraphe est ainsi conçu :
« D’une prestation de deux journées de travail à fournir par chaque chef de famille ou chef d’établissement, payant au moins 3 francs de contributions directes. »
M. Lebeau propose de rédiger ce numéro comme suit :
« D’un rôle de prestation de deux journées de travail à acquitter en argent (le reste comme dans l’article.) »
M. Lebeau – J’ai retiré cet amendement pour le présenter de nouveau à l’article 16.
M. le président – Ainsi vous vous ralliez au projet de la section centrale.
M. Lebeau – Oui, M. le président.
M. le président – M. de Garcia se rallie-t-il également au projet de la section centrale ?
M. de Garcia – Messieurs, j’ai introduit une nouvelle base qui paraît déroger au projet de la section centrale, puisqu’il n’y est pas question de cette base. Cette nouvelle base formerait le premier paragraphe de mon amendement ; si mon amendement était adopté, il formerait le premier paragraphe de l’article, et le premier paragraphe du projet de la section centrale deviendrait le deuxième.
M. le président – M. de Garcia propose pour première base : « un rôle de prestation d’une journée de travail par chaque chef de famille ou d’établissement qui ne paie pas 3 francs de contributions directes. »
M. Vandenbossche – Messieurs, j’entends maintenir l’amendement que j’ai proposé l’année dernière. Cet amendement modifie entièrement le projet de la section centrale. Il conviendrait de le discuter en premier lieu, et, à cet effet, je demande la parole pour présenter quelques nouveaux développements.
M. le président – La parole vous est continuée.
M. Vandenbossche – Messieurs, le but que je me suis proposé en présentant mes amendements aux articles 13 et 15 de la section centrale, est de faire contribuer à l’entretien et aux réparations ou constructions nouvelles de chemins vicinaux tous ceux qui doivent en profiter et ce, dans la proportion des avantages qu’ils sont censés en retirer.
Je suis parti du principe que le propriétaire, du chef de ses propriétés, l’habitant, du chef de sa personne, et les teneurs de chevaux ou de bêtes de trait, du chef de leurs animaux, y étaient tous également intéressés ; et j’ai cru ne pouvoir surcharger personne, en autorisant un impôt d’un centième de leur revenu.
Si nous voulons avoir de faciles et belles communications, beaucoup de chemins demanderont à être élargis, et à recevoir de nouveaux alignements, ce qui donnera lieu à de acquisitions de terrains ; beaucoup de chemins vicinaux exigeront d’ailleurs des pavages et des travaux d’art, par conséquent des achats de matériaux et des paiements de main-d’œuvre.
Afin de pourvoir à ces besoins, j’ai proposé : 1° l’emploi des fonds disponibles de la caisse communale, et auxquels on n’aurait point assigné d’autre destination ; 2° des centimes additionnels spéciaux sur les contributions foncières et des patentes ; cotisation qui devra être acquitté en argent, et qui ne pourra jamais s’élever au-delà de 10 centimes pour franc du principal ; ce qui, le marc de franc de la contribution foncière était de près de 10 centimes pour franc de revenu net fait pour le propriétaire à peu près un pour cent de son revenu. J’y comprends la contribution des patentes, parce que les patentables ont communément un intérêt spécial dans la facilité des communications, et par conséquent dans le bon entretien des chemins vicinaux.
Beaucoup de chemins demandant à être élargis et à recevoir de nouveaux alignements, exigeront aussi des nivellements, des déblais et des remblais, qui ne sont point des ouvrages d’art, et à la confection desquels tout habitant peut par conséquent personnellement concourir. Par cette considération, je propose deux autres contributions qui pourront être acquittées en prestations en nature, savoir :
3° Une contribution personnelle et par homme de 18 à 60 ans, laquelle ne pourra jamais dépasser 4 francs et demi par an. Cette contribution pourra s’acquitter moyennant trois journées de travail d’homme. D’après cette base, vu qu’on ne compte que 300 jours ouvrables dans l’année, les habitants y contribueraient pour un centième de leur travail, de manière que l’habitant, du chef de sa personne, y contribuerait dans la même proportion que le propriétaire du chef de sa propriété. Cette contribution sera fournie par les chefs de familles ou chefs d’établissement payant au moins 3 francs de contributions directes.
4° Je propose pour quatrième base, une contribution par chaque cheval ayant l’âge de deux ans accomplis, et par chaque bête de trait avec charrette, tombereau ou voiture attelée, laquelle ne pourra jamais monter au-delà de 15 francs ; mais elle pourra également s’acquitter moyennant 3 jours de travail, donc aussi moyennant la centième partie du travail de l’année.
Quant à la première base, les ressources ou revenus ordinaires de la commune, j’ai cru devoir apporter un changement à la disposition du projet du ministre, ainsi que de la section centrale, qui porte « en cas d’insuffisance, etc. » D’après cette disposition qu’ont également accueillie les honorables membres MM. Lebeau et de Garcia, tous les fonds disponibles d’une commune devraient, en première ligne, être affectés aux chemins ; or, j’ai cru que des communes auraient pu avoir des fonds disponibles, qu’elles auraient désiré pouvoir employer à un autre objet, j’ai cru convenable de leur en laisser la faculté. J’ai donc dit : « qu’il serait pourvu aux dépense des chemins vicinaux, au moyen :
« 1° Des revenus ordinaires de la commune, autre que ceux provenant de répartitions personnelles, et auxquelles on n’aura point assigné une autre destination. » Je pense avoir ainsi prévenu des difficultés qui pourraient surgir de l’emploi de ces fonds. La section centrale a examiné mon amendement, et elle n’y a trouvé qu’une rédaction nouvelle ; il y a quelque chose de plus, j’ai entendu attacher une portée.
La section centrale désapprouve la deuxième base de mon amendement, en ce que j’exclus la contribution personnelle. Elle n’a pas vu de motif, dit-elle, pour épargner cette contribution quand je frappe les patentes.
Le motif qui m’a fait faire cette exception, c’est que j’établissais dans ma troisième base une contribution personnelle ; j’ai cru dès lors convenable d’exempter la contribution de ce chef. Toutefois, si la chambre veut doublement imposer les habitants, savoir dans leurs personnes, et encore une fois à l’occasion de leurs contributions personnelles, je ne m’y refuserai pas. Quant aux patentes, je me suis déjà expliqué à ce sujet.
Quant à la troisième base, la section centrale a trouvé la cotisation exorbitante, « à ce compte, dit-elle, dans son deuxième rapport, un chef d’établissement, un menuisier, un tisserand, un forgeron, qui aurait 14 ouvriers pourrait être frappé d’une contribution de 60 journées de travail ou de 90 francs de contribution ; ce résultat a paru peu équitable. » Ici la section a un peu manqué d’exactitude ; dans l’hypothèse qu’elle pose de 14 ouvriers, joignons-y le maître, ensembles 15 personnes, ce chef ne pourrait être frappé au plus que de 67 francs 50 c. de contribution, rachetables par 45 journées de travail, ce qui diffère du quart. Au reste l’hypothèse que pose la section centrale n’a pas été la mienne, mon seul but était de faire contribuer le père pour ses enfants et le maître pour ses domestiques cohabitant avec lui. Si je me suis mal expliqué, je ne m’opposerai pas à changer une rédaction, et à y substituer : « à fournir par chaque père de famille ou d’établissement, tant pour lui que pour ses enfants et domestiques, à l’exception des ouvriers qui ne cohabitent pas avec lui ; » ou toute autre phrase qui exprimerait le mieux cette pensée. L’équité de cette contribution ne sera plus contestée, j’espère ; quand on considère que la loi sur les chemins vicinaux doit notamment trouver son application dans les communes rurales, et que les établissements agricoles usent et dégradent les chemins en proportion directe de leur étendue, on est forcé de convenir que les chefs des établissements profiteront du bon entretien des chemins en proportion du nombre de leur famille et de leurs domestiques, par conséquent, qu’il est éminemment juste que les chefs des établissements contribuent à leur entretien pour leurs enfants et domestiques ; il est d’ailleurs nécessaire que le père soit astreint à payer pour ses fils, le maître pour ses domestiques, car il n’y aura pas moyen d’exécution à l’égard des dernier.
Pourrait-on trouver plus équitable la proposition de la section centrale qui demande une prestation uniforme de deux journées de travail, tant pour celui qui en profiterait pour 8 ou 10 que, pour celui serait seul pour en profiter ?
La section centrale rejette aussi ma quatrième base :
« Le n° 4 de l’amendement, dit-elle, combiné avec l’article 15 nouveau, qui lui fait suite, fixe le prix de 5 francs par chaque journée de travail de cheval ou de bête de trait ; exigeant ainsi autant de l’âne que du cheval, il est également injuste et inadmissible. »
L’âne de même que le cheval, pourra dans mon système, se trouver imposé de 15 francs ; mais l’âne, de même que le cheval, pourra acquitter sa contribution moyennant 3 jours de travail. Quand on voit toute la proposition, quelle injustice peut-elle renfermer ? L’âne payant comme le cheval, il est juste qu’il gagne comme le cheval, afin de pouvoir se libérer par le même nombre de jours de travail ; je n’exige pas plus de l’un que de l’autre ; l’âne ne pouvant pas travailler autant que le cheval, je n’en exige pas une tâche égale à remplir, pourvu qu’il ait travaillé trois jours, dût-il n’avoir fait que la moitié du travail d’un cheval, il se trouvera libéré de sa contribution en argent.
Le système de la section centrale est-il plus équitable ? Elle propose dans son numéro 2 : « La prestation de trois journées de travail par chaque cheval, bête de somme, de trait et de selle, charrette et voiture attelée au service de la famille ou de l’établissement dans la commune.
« La prestation, porte le paragraphe, à fournir sur les chevaux et autres bêtes, ainsi que sur les charrettes et voitures employées exclusivement à l’agriculture, ne pourra être que du tiers de celle qui sera fournie sur les bêtes, voitures et charrettes employées à un autre usage. »
La section centrale impose toutes les bêtes de somme, tandis que je m’astreint aux chevaux et aux autres bêtes de trait. D’après ces dispositions, l’âne d’un meunier qui, même pourrait ne pas être une bête de trait, ni susceptible d’être attelé, contribuerait dans les travaux pour les chemins trois fois autant qu’un cheval de labour ; n’y aurait-il pas là une injustice criante ?
Un seigneur, un propriétaire qui, du chef de ses propriétés aurait déjà contribué en argent aux travaux des chemins, dans sa juste proportion, verrait son cheval de voiture ou de selle triplement imposé contre un cheval de labour, seul d’ailleurs le plus capable d’y rendre service. N’y aurait-il pas là encore une injustice ?
La section centrale impose les chevaux et autres bêtes de somme et de trait séparément des charrettes et voitures, tout en admettant avec moi les prestations en nature, faisant même plus, vu qu’elle prescrit ces prestations en principe.
Ainsi, un seigneur avec son cheval de voiture attelée à son cabriolet ou tilbury travaillera (car il ne doit pas se procurer une charrette ou tombereau qu’il n’a pas), travaillera trois jours au chemin, tandis qu’un cultivateur avec sa charrette et son tombereau y travaillerait un jour.
Le meunier avec son âne sans voiture et sans collier, comment y sera-t-il employé ?
Ces peu d’observations démontrent, j’espère, à l’évidence que le système de la section centrale n’est ni juste, ni même bien réfléchi.
La section centrale impose deux journées de travail d’homme pour chaque chef quel que soit le nombre de ses fils ou domestiques ; pourquoi impose-t-elle les détenteurs de chevaux ou de bêtes de somme ou de trait, de trois journées par chaque cheval, etc. ?
Quand chaque cheval doit y contribuer à raison de 3 francs, pourquoi chaque homme n’y contribuerait-il pas pour 3 francs ?
La section centrale ne veut pas que les propriétaires, du chef de leurs propriétés, y contribuent au-delà du tiers. Or, qu’arrivera-t-il avec un pareil système ? que dans certaines localités les propriétaires paieront trop et que dans d’autres, il paieront trop peu.
En effet, je suppose une commune où il y aurait quatre ou cinq grandes fermes, et où le restant des habitants serait pour la plus grande partie pauvres, de sorte qu’on n’y trouverait que 50 chefs de famille qui paieraient au-delà de fracs de contribution ; que tout en y ajoutant les journées pour les chevaux, ces deux bases se trouvent évaluées en argent à 300 francs ; dans cette hypothèse les propriétaires paieraient 150 francs. Or, je suppose que telle commune a une grande étendue et que sa contribution foncière ponte en principal à 10,000 francs ; dans ce cas les propriétaires ne contribueraient que pour 1,750 de leur revenu net, les chevaux etc., à raison de 1/100, et les habitants à raison de 1/150 de leur travail. Les propriétaires paieraient donc trop peu.
Je suppose au contraire une commune peu étendue, mais populeuse, qui aurait 1,000 habitants payant 3 francs, et que les deux bases monteraient à 3,000 francs, les propriétaires paieraient dans cette occurrence 1,500 francs ; or, si dans cette hypothèse la contribution foncière monterait également à 10,000 francs. Les propriétaires paieraient 13 pour cent ; et ainsi on n’aurait jamais une juste et équitable proportion.
Le projet du gouvernement abandonne aux états provinciaux le droit de déterminer ces proportions, donc à l’arbitraire de ces autorités. Or, pourquoi abandonner à l’arbitraire d’une autorité quelconque une chose que nous pouvons équitablement fixer.
Les honorables membres MM. Lebeau et de Garcia, dans leurs amendements, suivent à peu près le système de la section centrale, sauf qu’ils établissent le paiement en argent en principe, et que la libération en prestation en nature ne pourrait être au plus qu’une exception, et que d’ailleurs ils y ajoutent de nouvelles bases.
Pour moi, je fixe la prestation en argent, mais j’autorise, comme principe, la libération en prestations en nature, sous les conditions que j’énumère pour deux bases.
Pour appuyer mon système sur ce point, je dis qu’il n’y a rien de si pénible pour la plupart des campagnards que de devoir payer en argent.
D’ailleurs, la manière de se libérer que je présente ne peut rencontrer, je pense, les inconvénients et l’odieux que les corvées ont de tout temps présentés.
La contribution que je propose est stipulée en argent ; les contribuables peuvent se libérer. « Pour un homme, à raison d’un franc et demi par jour, pour un cheval ou bête de trait avec voiture, à raison de 5 francs par journée. » Et comment ? « En se rendant aux travaux soit en personne, soit par substitué, aux jour, heure et lieu qui leur seront assignés par les autorités communales, et en se conformant aux prescriptions qu’ils en recevront. » S’ils ne sont pas à leur poste, on pourra exiger le paiement en numéraire ; s’ils ne remplissent pas leurs devoirs, encore ils pourront être astreints à payer en argent ; de cette manière il n’y a aucune difficulté à craindre, soit pour rassembler les ouvriers, soit pour les faire travailler.
J’ai établi le prix de la journée assez élevé ; pourquoi ? parce qu’on peut toujours en éviter le paiement en s’acquittant au moyen de son travail ; et s’il s’en trouve un qui ne veut pas travailler ou faire travailler pour lui, afin qu’on puisse, au moyen de la journée stipulée, trouver directement un bon ouvrier ou un bon cheval et voiture pour le remplacer.
Je prescris que ces prestations en nature se feront par tout de rôle à former dans chaque commune. Je désire que ces rôles soient affichés et reposent dans la maison commune ou autre lieu où tout le monde puisse les examiner et même en prendre copie, afin que tout homme puisse s’assurer par lui-même qu’il ne contribue que pour ce qu’il doit, et que personne ne soit avantagé aux dépens des autres ; ces désirs, toutefois, je n’entends pas les stipuler dans la loi, attendu qu’ils ne regardent que l’exécution et que par conséquent ils doivent trouver leur place dans les règlements qu’on fera à ce sujet dans les différentes provinces.
Dans mon amendement, je n’ai porté que quatre bases, y compris les fonds que les communes voudront consacrer à cette dépense. Je trouve dans l’amendement de M. Lebeau d’autres bases que je suis prêt à accueillir. Ainsi j’adopterai le n°4, où il est question des subventions spéciales à fournir par les exploitants de mines, carrières, forêts et autres industries. Je stipulerai seulement que ces contributions seront payées en argent. J’adopterai également le n°5, où il s’agit des droits de péages autorisés, et le n°6 où il est question des amendes ; j’adopterai aussi les autres numéros.
Je crois en avoir dit assez pour que tout le monde puisse apprécier mon amendement.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, le système que propose la section centrale pour pourvoir aux dépenses que nécessitent les chemins vicinaux est un système mixte, en ce qu’il combine la prestation en nature avec l’imposition en argent. Je pense, messieurs, que c’est là le système le plus convenable, celui qui sera le plus utile dans la pratique. Je crois surtout que nous devons proscrire celui que préconisait hier M. Lebeau et qu’il abandonne aujourd’hui. Quant à moi, je suis convaincu que l’adoption de ce système aurait suffi pour rendre la loi odieuse, du moins dans un grand nombre de localités.
On commettrait du reste une grave erreur, messieurs, si on attribuait uniquement au système de la prestation en nature, le mauvais état dans lequel sont, dit-on, la plupart de nos chemins vicinaux. Le vice des règlements actuellement encore en vigueur, le véritable motif pour lequel ils n’ont pas produit tout l’effet qu’on en attendait, c’est qu’ils abandonnent entièrement aux administrations locales les mesures d’exécution et de coercition ; la plupart des administrateurs communaux en mettant, pour des motifs faciles à saisir, de l’apathie, de l’insouciance et même de la mauvaise volonté dans les devoirs qui leurs sont imposés, ont ainsi paralysé tout l’effet des dispositions réglementaires. En France, il en a été de même après la loi de juillet 1834 ; cette loi laissait toutes les mesures d’exécution à la volonté des autorités locales ; qu’en est-il résulté ? C’est que la voirie vicinale est restée en France dans le plus déplorable état et qu’elle ne commence à s’améliorer que depuis la loi nouvelle. Nous ne commettons donc pas la même faute, je l’espère, et tout en réservant aux conseils communaux les attributions qui leur reviennent nécessairement, nous ne leur abandonnerons pas l’exécution entière de la loi.
J’ai dit, messieurs, que les vices de nos règlements provinciaux sur la voirie vicinale ne consistent pas dans l’adoption de la prestation en nature. J’en trouve encore une preuve dans ce qui a leur dans la province de Luxembourg, où depuis quelques années on obtient les meilleurs résultats, malgré que le mode de cotisation soit la prestation en nature.
M. Lebeau ayant hier, dans son discours, cité plusieurs fois cette province, je crois qu’il ne sera pas inutile de faire connaître à la chambre le mode qui y est suivi, d’autant plus qu’il serait à désirer, je pense, que des mesures analogues fussent adoptées dans d’autres provinces.
Avant 1836, et surtout depuis la révolution, les chemins vicinaux étaient dans le Luxembourg, comme dans le reste de la Belgique, fort mal entretenus, à l’exception toutefois de quelques localités où les administrateurs communaux déployaient beaucoup de zèle. La députation provinciale, frappée de cet état de choses, arrêta, vers la fin de 1835, quelques dispositions dans le but de remédier au mal. Permettez-moi, messieurs, de vous lire celles de ces dispositions qui ont produit les meilleurs résultats. Les voici telles qu’elles ont été arrêtées :
« 1° D’ici au premier janvier, MM. les commissaires de district, en qualité de délégués de l’administration provinciale, réuniront, au chef-lieu de chaque canton de milice et sous leur présidence, MM. les bourgmestres et échevins ou assesseurs des villes et des communes ressortissant de ces cantons respectifs, ainsi que MM. les inspecteurs honoraires des chemins vicinaux de ces mêmes cantons, afin de mettre en délibération et de désigner, sous notre approbation, les chemins à la réparation desquels il sera travaillé pendant la campagne de 1836.
« En première ligne seront placés les chemins formant les embranchement nécessaires des grandes routes par les points les plus importants sous le rapport de la population ou du commerce ;
« En deuxième ligne, les chemins conduisant d’une ville, d’une commune ou d’une section une autre commune ou section, sans rapport avec les grandes routes.
« Ce n’est qu’à défaut de chemins de première classe, ou s’ils se trouvent en bon état, qu’il sera permis de passer à ceux de la deuxième classe.
« Cette désignation se fera de manière que les communes viennent, par leurs travaux, à la rencontre ou en continuation les unes des autres.
« Toutes les sections d’une même commune participeront aux travaux des chemins des première et de deuxième classes.
« Nous ramènerons à cette règle toutes les dispositions qui s’en écarteront, en usant des moyens que nous donnent les articles 2, 3, section 6, de la loi du 28 septembre 1791.
« Il ne sera accordé aux communes qu’une latitude tout au plus du dixième des journées de travail aux rôles, pour les employer, en dehors de la règle, à des réparations indispensables.
« MM. les commissaires de district dresseront procès-verbal de la réunion et y feront connaître :
« a) les chemins à réparer ;
« b) la classe à laquelle ces chemins appartiennent ;
« et c) les communes qui devront travailler sur la même direction. Ce procès-verbal nous sera transmis immédiatement pour y être disposé.
« Pareille réunion aura lieu tous les ans à la même époque.
« 2° (…)
« 3° Il y aura par canton de milice, un piqueur, à la nomination de la députation provinciale et au traitement de 300 et 600 francs d’après l’importance du canton et les capacités du titulaire. Ce traitement sera payé des fonds provinciaux.
« Les piqueurs seront assermentés et seront placés sous la direction et sous la surveillance de MM. les commissaires de district.
« Il y aura, en outre, par commune, un surveillant des chemins vicinaux. Ces surveillants seront nommés par les administrations communales. Leurs rétributions seront fixées par elles, et payées des fonds communaux.
« Ils feront, sous la surveillance des piqueurs cantonaux, exécuter les travaux dans leurs communes respectives. »
Telle sont, messieurs, les deux dispositions qui ont principalement amené, avec le rachat des tâches, une amélioration immense dans la voirie vicinale du Luxembourg.
Vous remarquerez que, par la première disposition, on a eu en vue de parer à l’inconvénient qui résulte de ce que les administrations locales, étant appelées à désigner elles-mêmes les chemins auxquels il faut travailler, il s’ensuit que les communications d’une utilité générale sont souvent sacrifiées à des vues étroites de localité et que les travaux restent sans continuité.
Par la seconde disposition, des piqueurs capables et zélés ont été placés dans chaque canton ; ils assurent la bonne exécution des travaux, stimulent les bourgmestres et les contribuables.
Maintenant, messieurs, voici quels sont les résultats obtenus par ces mesures ; ils sont consignés dans les exposés de la situation de la province ; on y lit qu’en 1836, il a été fait : Travaux neufs : 175,000 mètres ; travaux d’utilité : 210,000 mètres. Total : 385,000 mètres ou77 lieues.
Qu’en 1837 on a amélioré 41,1/2 lieues de chemins existants et construit 36 lieues de chemins neufs.
Qu’en 1838 on a fait dans la province, telle qu’elle a été réduite par le traité de Londres, 25 lieues de chemins neufs et 21 lieues de réparations.
Vous voyez, donc, messieurs, que l’on peut obtenir d’assez beaux résultats avec la prestation en nature.
A la vérité, bon nombre des travaux dont je viens de parler n’ont pas été exécutés par la prestation en nature, beaucoup ont pu être adjugés par suite de ce que le rachat des tâches et des journées en argent a été considérable ; on peut même dire que la moitié des rôles est rachetée en argent. Ce qui provient de ce que l’on cherche à favoriser le rachat en réduisant à 50 centimes la journée de travail, d’où il résulte que les contribuables qui se libèrent en argent sont dégrevés d’un tiers.
Ainsi, on en est donc arrivé à ce résultat que la moitié de la cotisation environ se paie en argent et l’autre moitié en nature.
Messieurs c’est une combinaison qui amène des résultats semblables et plus avantages encore que je désire voir accepter.
En favorisant le rachat de la prestation en nature, on engage les contribuables aisés, ceux qui ont de l’argent, à se libérer pécuniairement, et ils ne négligent pas cet avantage.
D’un autre côté, ceux qui n’ont que leurs bras à leur disposition, fournissent leur contingent en prestation en nature ; de cette manière aucun intérêt n’est froissé. Quoi qu’on en dise, la prestation en nature peut aussi être fort utile ; il suffit pour cela quelle soit réglée et dirigée sur le terrain par des commissaires voyers ou piqueurs capables et intelligents ayan le droit de verbaliser.
Le système mixte proposé par la section centrale me paraît donc avantageux, sauf les améliorations. Je crains un peu, je l’avoue, que les ressources que procureraient les bases adoptées par la section centrale ne soient insuffisantes, et ce qui me donne ces craintes, ce sont les calculs qui sont consignés dans l’avis de la députation provinciale du Luxembourg, page 112 des documents qui nous ont été remis. Je serais donc disposé à appuyer les amendements qui tendraient à rendre ces ressources plus considérables.
Je proposerai également un amendement à l’article 14, qui tend à laisser aux règlements provinciaux le soin de déterminer le mode suivant lequel la désignation des travaux à exécuter aura lieu. En effet, laisser aux conseils communaux, comme le proposent l’article 14 de la section centrale, et l’article 15 du projet du gouvernement, le soin de faire dresser les devis estimatifs, c’est poser un principe dangereux et qui à lui seul pourrait paralyser dans l’exécution tous les bienfaits de la loi.
M. le président – Voici l’amendement de M. d’Hoffschmidt :
« Chaque année, avant le 1er janvier, la désignation des chemins à la confection et à la réparation desquels il doit être travaillé pendant l’année suivante, sera faite de la manière prescrite par les règlements provinciaux. »
- L’amendement est appuyé.
Personne ne demandant plus la parole, la chambre passe au vote de l’article et des amendements.
M. le président – Je mets d’abord aux voix l’amendement de M. Vandenbossche, qui s’éloigne le plus du projet.
- Cet amendement n’est pas adopté.
On passe au vote de l’article.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je pense que, pour plus de facilité, il convient de voter par paragraphes, et il est bien entendu qu’on pourra encore présenter des modifications à chaque numéro.
M. le président – S’il n’y a pas d’opposition, j’établirai la discussion et le vote par paragraphes.
Article 13 de la section centrale. Premier paragraphe
Voici le premier paragraphe de l’article 13, proposé par la section centrale et auquel M. le ministre s’est rallié :
« En cas d’insuffisance des revenus ordinaires de la commune, autres que ceux provenant de répartitions personnelles, il est pourvu, chaque année, aux dépenses des chemins vicinaux au moyen : »
Ce paragraphe est adopté.
Article 13 de la section centrale. Numéro 1
M. le président – Voici maintenant le numéro un de l’article 13.
« D’une prestation de deux journées de travail à fournir par chaque chef de chaque famille ou chef d’établissement payant au moins trois francs de contributions directes. »
Il n’y pas d’amendement.
M. de Garcia – Messieurs, j’avais présenté une première base qui doit venir dans l’ordre logique ave ce premier numéro.
Pour augmenter les bases de la contribution qui doit servir à réparer les chemins vicinaux, j’ai présenté un paragraphe premier qui n’est pas dans l’article de la section centrale. Il est ainsi conçu :
« D’une prestation d’une journée de travail, à acquitter en argent par chaque chef de famille ou d’établissement qui ne paie pas de contributions directes. »
M. Cogels – Je ne pense pas que le but de la loi puisse être de soumettre aux charges d’entretien des chemins vicinaux des gens qui ne sont pas dans le cas d’en profiter, surtout les personnes qui sont dans une position plus ou moins voisine de l’indigence. Dans notre province nous avons plusieurs communes où les ouvriers paient au moins trois francs de contributions ; l’esprit de la loi ne peut pas être d’imposer à ces ouvriers une charge qui doublerait leur contribution.
En effet, une journée de travail est estimée 15 sous de Brabant. Si vous les imposez à une journée de travail, vous doublez leur contribution. Je voudrais que l’article fût restreint aux propriétaires ou chefs d’établissement. Si l’ouvrier est chef de famille, il sera d’autant plus malheureux, surtout s’il a sept ou huit enfants qui ne peuvent pas l’aider encore. Bien qu’il paie trois francs de contribution, il a souvent besoin de recourir à la commisération des riches propriétaires pendant l’hiver , parce que ses ressources sont insuffisantes. Pour lui, les chemins vicinaux son sans intérêt, il n’a ni chevaux, ni voitures, il ne fait usage que des sentiers.
M. de Garcia – Je pense que dans notre système de contributions directes, il y a des gens, ayant une certaine aisance, qui ne contribueront pas à la réparation des chemins vicinaux, si on n’introduit pas dans la loi la première base que j’ai proposé. Si nous consultons la loi française, nous y trouvons une mesure plus rigoureuse que celle que je propose. Voici comment est conçu l’article de la loi française :
« Tout habitant chef de famille ou d’établissement à titre de propriétaire, fermier, colon ou usufruitier, porté au rôle des contributions, pourra être appelé à fournir chaque année une prestation de trois journées. »
Il est une autre considération qui me porte à présenter cet amendement. Je pense qu’il est dans l’esprit de la chambre d’adopter le principe que la prestation se fera en argent. Je désire qu’on adopte cela en principe, sauf beaucoup d’exceptions. Si vous l’adoptez, ce sera cette classe que j’atteins qui jouira des frais de réparations des chemins vicinaux ; car les grands propriétaires et les propriétaires d’une fortune moyenne et les fermiers n’enverront que leurs domestiques pour réparer les chemins, ce seront ces ouvriers qui seront appelés à faire ce travail. Ils profiteront ainsi de la prestation en argent. Aujourd’hui ce sont les domestiques des fermiers et des grands propriétaires qui font cela ; mais le plus souvent ces propriétaires permettent aux malheureux de ramasser les feuilles, le bois mort et les herbes, en exigeant d’eux des corvées pour la réparation des chemins. On ne leur paie rien. Cet inconvénient continuera aussi longtemps que vous ne ferez pas payer la prestation en argent, tandis que dans le cas contraire, cette classe profitera des travaux, car on n’ira pas chercher, pour les faire, des étrangers à la commune.
La disposition française à la main, on ne peut pas, je pense, trouver mon amendement trop rigoureux.
On pourrait ajouter les mots « portés au rôle » ; de cette manière les indigents ne seraient pas compris.
M. F. de Mérode – J’appuie cette modification d’imposer à une journée de travail ceux qui sont portés au rôle pour une contribution quelconque. Ceux qui sont indigents ne prendront pas part aux travaux.
Quant à ce qu’on a dit, que les chemins vicinaux n’étaient pas utiles à certaine classe d’individus, je ne l’admets pas ; car, directement ou indirectement, l’état des chemins nuit ou profite à chacun. Par ces motifs, comme il faut arriver à un travail assez considérable, je pense que nous ne devons pas admettre trop d’exceptions, sous peine de ne pas obtenir de résultat. Et le résultat est ici utile pour tous.
M. le président – Ainsi, M. de Garcia ajoute à son amendement « pourvu qu’ils soient portés au rôle des contributions directes. »
M. Dumont – J’aurais appuyé l’amendement de M. de Gracia tel qu’il avait d’abord été proposé, mais avec cette addition il n’atteint plus le but que j’avais en vue. Dans la population des environs de Charleroy il y a beaucoup d’ouvriers qui n’habitent pas une maison d’une valeur locative de 20 florins, et par conséquent ne paient ni imposition personnelle, ni imposition foncière. Ces ouvriers quoique gagnant 15 à 20 francs par jour, eux et les enfants, ne seraient tenus d’aucun travail pour l’entretien des chemins vicinaux. Tout en voulant que ces ouvriers supportent une partie de cette charge, mon intention n’est pas de mettre l’autorité communale dans la nécessité d’imposer les pauvres.
M. Cools – On pourrait se servir de l’expression : « pour autant qu’ils contribuent à la cotisation personnelle. »
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je crois que les administrations communales entendraient sainement la disposition. Cependant, si on veut une garantie, on pourrait mettre : « pour autant qu’ils ne soient pas indigents. »
M. Delehaye – Je ferai remarquer à l’honorable M. Dumont que si, dans le district de Charleroy, beaucoup de personnes, qui n’habitent pas une maison d’une valeur locative de 20 florins, sont cependant très aisées, dans les Flandres, il y en a une infinité, habitant des maisons d’une valeur locative inférieure à 20 florins, qui seraient incapables de faire la prestation en nature.
Quant à la proposition faite par le ministre, il faudrait déterminer ce qu’on entend par indigents. Nous n’entendons par indigents que ceux qui reçoivent des secours du bureau de bienfaisance..
Un membre – Et ceux qui sont susceptibles d’en recevoir.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’avais eu l’intention de proposer de dire : « Pour autant qu’ils ne soient pas secourus par le bureau de bienfaisance. » Mais il y a des communes où presque tous les habitants participent à la répartition du revenu du bureau de bienfaisance.
La proposition de M. de Garcia est utile, je connais des communes où deux ou trois maisons seulement sont taxées à 20 florins. La masse des habitants sera exempte de la charge de l’entretien des chemins.
M. de Garcia – L’addition proposée remplirait le vœu de la loi, car le bourgmestre, les administrations communales ont de l’humanité ; quand ils jugeront qu’un malheureux a besoin de travailler pour donner du pain à ses enfants, ils ne l’imposeront pas et ne l’arracheront pas, par la prestation des corvées, au travail qui doit pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille.
M. Desmet – Je dois appuyer l’amendement de M. le ministre de l'intérieur. Il ne faut faire d’exception que pour les indigents. C’est ainsi que cela se fait aujourd’hui. Quand il y a une prestation en nature, tout le monde travaille, excepté les indigents. Il y a beaucoup de personnes qui ne paient pas de contributions et qui ne sont pas indigents ; or, tous ceux qui ne sont pas indigents doivent travailler.
M. Lebeau – Je veux seulement ajouter que les rôles ne sont pas arrêtés par les conseils communaux ; ils sont rédigés par les conseils communaux et arrêtés par la députation permanente. Si donc il y a eu abus dans la rédaction du rôle, on pourra se pourvoir devant la députation permanente.
- La chambre passe au vote des paragraphes de l’article 14 du gouvernement.
Les paragraphes 1 et 2 son adoptés dans les termes suivants :
« 1° D’une prestation d’un journée de travail à acquitter par chaque chef de famille ou d’établissement qui ne paie pas trois francs de contribution directes, et qui n’est pas indigent.
« 2° D’une prestation de deux journées de travail à acquitter par chaque chef de famille et d’établissement payant au moins trois francs de contributions directes. »
Article 13 de la section centrale. Numéro 3
La chambre passe à la discussion de l’amendement proposé par M. de Garcia au paragraphe 3°, et qui consiste à rédiger ce paragraphe, dans les termes suivants :
« 3° D’une prestation de trois journées de travail à fournir par le propriétaire, usufruitier ou détenteur, par chaque cheval bête de somme, de trait et de selle, charrette, et voiture attelée au service de la famille ou de l’établissement dans la commune. »
M. de Garcia – L’objet de mon amendement est, comme je l’ai dit hier, de faire retrancher de l’article les mots : « charrette et voiture. » Si ces mots étaient maintenus, il y a dans les fermes beaucoup d’attirails à peu près hors d’usage, que l’on devrait détruire pour qu’ils ne fussent pas soumis à la prestation. En imposant les chevaux, on impose tout ce qu’on doit imposer. Comme je l’ai dit, si la contribution de trois journées par cheval était insuffisante, je préférerais la doubler. Ou bien, si l’on prétend que mon amendement réduit trop la contribution, je proposerai au paragraphe suivant de ne pas faire d’exception pour les chevaux employés à l’agriculture. Alors on aura à peu près la quantité de contributions qu’on veut avoir, et par suite je propose la suppression de l’exemption pour les chevaux employés à l’agricultures.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’appuie cette suppression, parce qu’il y a souvent des voitures en quelque sorte de rebut, qui aggraveraient singulièrement les charges de ceux qui les détiennent. Par compensation, je proposerai à l’alinéa suivant de mettre les chevaux employés à l’agriculture sur la même ligne que les autres.
M. Liedts – Je ferai d’abord une observation de rédaction. Au lieu de « par le propriétaire, usufruitier ou détenteur, par chaque cheval, » il faudrait dire « par le propriétaire, usufruitier ou détenteur, pour chaque cheval. » (Adhésion.)
Maintenant, on semble craindre qu’en adoptant la rédaction de la section centrale, on arrive à imposer les charrettes et les voitures alors qu’elles ne sont plus attelées ; mais la rédaction de la section centrale répond à cette observation, car il n’y est question que de charrettes et de voitures attelées.
Je connais une personne qui habite la campagne six mois de l’année et qui pour la voiture qu’elle a, ne se sert que des chevaux de ses voisins. Avec le système que l’on veut adopter, cette personne ne serait pas imposée pour sa voiture.
Je puis vous citer le comte d’Arconati, qui ne se servait jamais que de chevaux de poste pour sa voiture. A raison de cela, avec votre système il n’aurait pas été imposé pour sa voiture.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ferai remarquer que, dans le cas cité par l’honorable préopinant, le propriétaire paierait des centimes additionnels sur ses propriétés.
M. Liedts – Celui qui a un cheval en paie aussi.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Celui qui loue les chevaux est atteint, ainsi on atteindrait le propriétaire et le locataire.
Je crois que la chambre doit adopter l’amendement de l’honorable M. de Garcia, autrement des chariots qui ne servent que cinq ou six fois par an seraient imposés, ce qui serait une grande gêne pour le cultivateur.
M. Dumont – L’honorable M. Liedts désire que les charrettes et les voitures non attelés soient imposées. Je lui ferai remarquer que la rédaction de la section centrale ne remplit pas son but, puisqu’il n’y est question que de charrettes et de voitures attelées.
J’appuie de toutes mes forces l’amendement de l’honorable M. de Garcia. Vous en sentirez la nécessité lorsque je vous dirai que dans les pays de charbonnage, notamment dans l’arrondissement de Charleroy, la plupart des voituriers sont obligés d’avoir cinq ou six chariots, quoiqu’ils n’en emploient jamais qu’un à la fois.
- L’amendement de M. de Garcia au paragraphe 3 est mis aux voix et adopté avec le changement de rédaction indiqué par M. Liedts.
La chambre passe au second alinéa du paragraphe 3 (amendement de M. de gracia), ainsi conçu :
« La prestation à fournir sur les chevaux et bêtes de somme, employés exclusivement à l’agriculture, ne sera que du tiers de celle qui sera fournie sur les bêtes employées à un autre usage. »
M. Lebeau – On a proposé la suppression de ce paragraphe.
M. Eloy de Burdinne – Tout à l’heure on vient de modifier une disposition, et M. le ministre de l'intérieur vous a dit que c’était à l’avantage de l’agriculture. Maintenant on veut supprimer une disposition qui tendait à favoriser l’agriculteur ; il faut calculer si, en définitive, il y a avantage. Un cultivateur qui aurait eu quatre chariots aurait dû, à ce titre, douze journées de travail ; mais ne payant que le tiers sur ses chevaux, il n’aurait dû, à ce titre, que douze journées, tandis que les autres en auraient dû trente-six. Il aurait dû en totalité vingt-quatre journées, tandis qu’avec le changement adopté et la suppression proposée on veut lui en faire payer trente-six. Cela est évident, il suffit, pour s’en convaincre, de lire le paragraphe amendé et le paragraphe en discussion.
M. Fleussu – Je crains, messieurs, que tout en voulant favoriser l’agriculture on ne porte une disposition qui lui soit très nuisible. Chacun parle ici de ce qui va arriver dans sa localité ; eh bien, messieurs, je vois que chez nous les fermiers seraient écrasés par suite de cette disposition qui semble rétablir l’équilibre. Je pense qu’il vaudrait mieux, puisque l’on a exempté les charrettes et autres objets, de n’exiger ici que deux journées de travail au lieu de trois ; alors l’équilibre serait rétabli.
Il y a dans la Hesbaye beaucoup de fermiers qui ont 12 chevaux et qui ne sont cependant que locataires, car le plus grand nombre des fermiers de ce pays sont locataires ; eh bien, messieurs, si vous exigez trois journées de travail par chaque cheval, il faudrait mettre deux journées de travail au numéro 2 au lieu de trois journées. De cette manière nous resterions dans les termes du projet, en admettant d’ailleurs l’uniformité pour toutes les espèces de chevaux.
M. Demonceau – J’entends M. le ministre parler de toutes les espèces de chevaux ; or, comme tout le monde explique les choses d’après ce qui se passe dans sa localité, je ferai remarquer à la chambre qu’il existe dans mon arrondissement une grande quantité de chevaux qui portent à dos ; est-ce que ces chevaux paieront autant que les autres ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Oui.
M. Demonceau – Alors, messieurs, vous allez embarrasser singulièrement toutes les communes du district de Verviers. Il y a là peut-être des centaines de chevaux de blatiers et de meuniers qui portent à dos et qui sont destinés à parcourir les chemins où l’on ne peut pas aller avec des charrettes ; les propriétaires de ces chevaux sont de petits particuliers qui seront évidemment surchargés si leurs chevaux sont assimilés aux autres.
M. Cools – Je demanderai à M. le ministre, si, en adoptant sa proposition, nous ne dérangerions pas la relation qui doit exister entre le numéro 2 et celui dont il s’agit en ce moment.
M. Peeters – Si l’on réduit le nombre des journées de travail à deux, je demande que ce soit pour tous les chevaux, à moins qu’on ne veuille faire une exception pour les chevaux de luxe, mais les chevaux des charretiers, des industriels, par exemple, doivent être mis sur la même ligne que les chevaux des fermiers.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ferai remarquer, messieurs, que les chevaux de luxe entrent dans le calcul de l’impôt personnel sur lequel il y aura des centimes additionnels ; d’ailleurs les voitures auxquelles sont attelés ces chevaux-là dégradent moins les chemins que les autres. Je crois qu’il faut admettre une base uniforme quant à la disposition entre les deux journées de travail à payer par chaque chef de famille et les deux journées à payer pour chaque cheval ; elle n’existe pas, car il est évident que la journée de travail d’un cheval est beaucoup plus onéreuse que la journée de travail d’un homme.
M. F. de Mérode – Je ne m’oppose pas à ce qu’on établisse deux journées au lieu de trois, cependant je ferai remarquer que moins on fera de besogne, plus les fermiers devront attendre pour avoir de bons chemins.
M. Eloy de Burdinne – Je crois, messieurs, que les chevaux de luxe peuvent bien payer un impôt de trois journées de travail ; je sais bien que ce ne sont pas ce chevaux-là qui dégradent le plus les chemins, mais ceux qui les tiennent sont intéressés à avoir de bons chemins pour les parcourir avec leurs voitures. Je pense donc qu’ils peuvent bien payer une journée de travail de plus.
M. Liedts – Puisqu’on revient sur le paragraphe qui a été adopté, je ferai remarquer qu’il renferme une faute très grossière contre la langue : il y est dit en effet : « Par cheval ou bête de somme employé à l’attelage, à la selle et à porter des fardeaux. » Or, il suffit qu’une bête porte des fardeaux pour que ce soit une bête de somme, et lorsqu’on dit une bête de somme employée à porter des fardeaux, c’est comme si l’on disait une bête de trait employée au trait. Je pense donc qu’il faudrait dire : « Par chaque cheval ou bête de somme, de trait ou de selle. »
M. de Garcia – Je me rallie à cette rédaction.
M. Delehaye – M. le ministre de l'intérieur a dit que les chevaux de luxe son compris dans la disposition, mais je lui demanderai où ces chevaux payeront l’imposition ? Il y a des communes où ils se trouvent pendant une partie de l’année dix ou douze chevaux de luxe ; paieront-ils l’impôt dans ces communes ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il suffit qu’un cheval soit tenu pendant une partie de l’année à la campagne, pour qu’il y paie l’imposition. Certainement la disposition ne s’appliquera pas aux chevaux qui n’y sont pas à demeure ; mais les propriétaires qui ont des habitations à la campagne, qui y tiennent des chevaux de luxe pendant une partie de l’année, paieront l’impôt.
M. d’Huart – Messieurs, la proposition de M. le ministre me paraît avoir un double inconvénient : d’abord de réduire d’une journée de travail l’imposition sur les chevaux de luxe, et ensuite de l'augmenter d’une journée pour les chevaux servant exclusivement à l’agriculture. Je n’hésite donc pas à me prononcer en faveur de la disposition primitive, qui consiste à fixer à trois journées de travaux l’imposition sur les différents chevaux et bêtes de somme dont parlait l’article, sauf à la réduire d’une journée seulement pour les chevaux et bêtes de somme qui servent exclusivement à l’agriculture. Ce qui est plus juste et plus rationnel.
M. de Mérode, répondant à M. Fleussu, a dit que les fermiers sont intéressés à avoir le plus tôt possible de bons chemins vicinaux ; je conviens que tout le monde est intéressé à avoir de bons chemins, mais en n’y contribuant que dans une équitable proportion.
Veuillez considérer, messieurs, que les fermiers seront déjà forcément atteints par les centimes additionnels que vous allez établir et n’aggravez pas trop la charge additionnelle qui résultera de la base appliquée aux chevaux.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je voulais faire observer, messieurs, que le deuxième paragraphe du n°2 de la section centrale a donné lieu à plusieurs observations qui me paraissent fondées. L’honorable M. Demonceau vient de parler des chevaux de blatiers, si vos conservez la rédaction de la section centrale, il en résultera qu’un cheval de blatier sera imposé de trois journées de travail, tandis qu’un cheval de cultivateur n’en fournira qu’une ; cependant il est certain que les chevaux attelés détériorent plus les chemins vicinaux que ceux qui portent simplement des fardeaux.
Quant aux chevaux de luxe, il faut remarquer, messieurs, qu’ils sont en petit nombre et qu’ils ne parcourent les chemins vicinaux que pendant 5 ou 6 mois de la belle saison, qu’ils sont d’ailleurs attelés à deux voitures extrêmement légères, de sorte que si vous les imposez pendant toute l’année de la même taxe que les autres, vous les imposez en réalité au double. En outre ces chevaux entrent en ligne de compte pour fixer le montant de la contribution personnelle, qui est passible de centimes additionnels.
On a fait observer, messieurs, que, dans certaines localités, les cultivateurs sont chargés du paiement de la contribution foncière ; je dirai que cet usage n’est pas convenable, d’ailleurs plus les taxes locales seront considérables, moins les fermiers donneront de rendage aux propriétaires. Il faut, du reste, ne pas perdre de vue qu’en exigeant des centimes additionnels aux contributions directes, vous améliorez déjà le sort des paysans.
M. F. de Mérode – Messieurs, la conséquence du système qui a été indiqué par l’honorable M. d’Huart serait que les voitures suspendues paieraient plus aux barrières que les chariots ; et cependant il est évident que les chariots des cultivateurs endommagent plus les chemins que les voitures de luxe. C’est particulièrement dans l’intérêt de l’agriculture que nous votons cette loi. Plus les chemins seront mis promptement en bon état, plus les agriculteurs en profiteront. Or, que pouvez-vous attendre du petit nombre de chevaux de luxe qui parcourent les chemins ? Si vous réduisez la part contributive de ceux qui endommagent le plus les chemins, c’est en définitive à l’entretien de ces chemins que vous nuirez. Je demande qu’on admette au moins les deux journées pour tout le monde.
M. Demonceau – Messieurs, je crois que ce sont en général les cultivateurs qui sont les plus intéressés à avoir de bons chemins ; ils les parcourent non seulement avec des chevaux, mais avec de charrettes ; les chevaux blatiers sont employés plus particulièrement dans les chemins qui ne sont pas accessibles aux charrettes. Comme ces chevaux peuvent à peine porter 150 kilogrammes, il en résultera que si vous faites une exception, ces petits chevaux seront placés dans la même catégorie que les chevaux de luxe, tandis que les chevaux de fermier ne paieront que le tiers. Ainsi, un cheval portant à dos sera taxé à trois journées de travail, et un cheval fermier ne serait taxé que pour une journée de travail.
M. Dumont – S’il ne s’agissait que des chevaux de luxe, qu’on les impose autant qu’on veut, je ne m’y opposerais pas. Mais, messieurs, il y a un grand nombre de chevaux qui ne servent pas à l’agriculture, dans les contrées industrielles, vous rencontrez une foule de voituriers ; la plupart de ces gens ne fréquentent que les grandes routes. Et cependant, si vous laissez la disposition telle qu’elle est, vous allez les frapper beaucoup au-delà des riches agriculteurs. Je demande donc qu’on maintienne au moins l’uniformité.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, la disposition qui a été adoptée par la section centrale est justifiée par la considération que l’agriculture fournira déjà un contingent considérable pour la réparation des chemins, au moyen des centimes additionnels à la contribution foncière. En second lieu, l’agriculture détériore moins les chemins que les autres industries. L’agriculture ne se livre à ses travaux que pendant la belle saison. Ainsi l’agriculture n’est pas la plus intéressée dans la question, comme on l’a prétendu.
- Personne ne demande plus la parole, la proposition de M. le ministre de l'intérieur, tendant à remplacer au n°2 le nombre de 3 journées par celui de 2 journées, est mise aux voix et adoptée.
La chambre adopte ensuite le changement de rédaction proposé par M. Liedts au même n°.
L’ensemble du numéro ; avec ces modifications, est mis aux voix et adopté.
Article 13. Paragraphe suivant
M. le président – Voici maintenant le paragraphe suivant :
« La prestation à fournir sur les chevaux et autres bêtes, ainsi que sur les charrettes et voitures employées exclusivement à l’agriculture, ne pourra être que du tiers de celle qui sera fournie sur les bêtes, voitures et charrettes employées à un autre usage. »
On demande la suppression de ce paragraphe.
La suppression du paragraphe est mise aux voix et adoptée.
On passe au numéro 3.
Article 13. Numéro 3. Premier paragraphe
« n°3. Des centimes spéciaux en addition à la cote des contributions directes payées dans la communes, patente comprise.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il est entendu qu’il s’agit ici uniquement de contributions directes au profit de l’Etat. Je fais cette observation parce que dans quelques localités on s’est demandé si les répartitions personnelles payées dans les communes pouvaient être considérées comme des contributions directes. Pour lever tout doute à cet égard, je proposerai de rédiger le premier paragraphe du numéro 3 comme suit :
« Des centimes spéciaux, en addition au principal des contributions directes, payées au profit de l’Etat dans la commune, patente comprise.
Le paragraphe ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
Article 13. Numéro 3. Deuxième paragraphe
M. le président – Nous passons au deuxième paragraphe du n°3 ; il est ainsi conçu :
« Les centimes spéciaux contribueront toujours pour un tiers au moins dans la dépense ; si le montant des prestations imposées d’après les deux premières bases excède les deux autres tiers, elles concourront par part égale. »
Ce paragraphe est mis aux voix et adopté.
Article 13. Paragraphe final
M. le président – Voici maintenant le paragraphe final, qui est ainsi conçu :
« Sous la dénomination de revenus ordinaires de la commine ne sont pas comprises les répartitions personnelles faites sur les habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature aux habitants pour leur affouage. »
M. Lebeau – J’avais proposé une disposition à peu près semblable ; elle forme la fin de mon amendement ; elle est ainsi conçue :
« Ne sont comprises sous la dénomination de revenus ordinaires de la commune, ni les répartitions personnelles sur les habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature à ceux-ci pour leur affouage, lorsque la répartition et la délivrance auront été dûment autorisées. »
Je crois, messieurs, que cet amendement vaut mieux que la disposition dont M. le président vient de donner lecture.
D’abord je crois que la rédaction en est plus claire et qu’on rappelle ainsi en passant très utilement un principe, à savoir que la délivrance des coupes affouagères ne peut avoir lieu sans autorisation de l’autorité supérieure, conformément à la loi communale.
Je crois qu’il sera nécessaire de donner ici une explication. Lorsque l’on délivre aux habitants des coupes de bois pour leur affouage, dans presque toutes les communes on leur fait payer une cotisation d’un ou de deux francs par coupe, au profit de la caisse communale. Autrement tous les revenus de la commune seraient absorbés au profit des habitants, sans aucun souci des besoins de la caisse communale. Il est entendu que cela est constitué une ressource ordinaire. Ce qui n’est pas une ressource ordinaire, c'est ce qui est délivré en nature.
Je tenais à donner cette explication et à la donner à la tribune.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Ce à quoi on doit tenir, c’est de ne pas rendre plus mauvaise la position des affouages ; comme ceci n’empire pas leur position, c’est ainsi que je pense que la loi doit être entendue.
M. d’Huart – La disposition que propose l’honorable M. Lebeau se termine par une stipulation qui me semble appartient à un ordre de choses différent de la matière qui nous occupe ; cette disposition est ainsi conçue :
« Ne sont comprises sous la dénomination de revenus ordinaires de la commune, ni les répartitions personnelles sur les habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature à ceux-ci pour leur affouage, lorsque la répartition et délivrance auront été dûment autorisées. »
Ces mots : « lorsque la répartition et la délivrance auront été dûment autorisées », qui d’abord auraient l’inconvénient de statuer ainsi incidemment quelque chose qui se rapporteraient aux lois et règlements sur les affouages, présenteraient encore cette portée qu’il suffirait d’une négligence ou d’une mauvaise volonté de l’administration communale pour que les émoluments d’affouage soient rangés dans les revenus ordinaires de la commune, qui doivent concourir aux dépenses affectées aux chemins vicinaux.
Or je ne saurais admettre la possibilité du double résultat que je viens d’indiquer, et que je soumets mes scrupules à cet égard à l’honorable auteur de la proposition.
M. Lebeau – Je suis frappé de l’inconvénient signalé par l’honorable préopinant. Comme la prétérition n’infirme pas la disposition de la loi communale et que l’administration serait responsable des répartitions faites sans autorisation, je crois qu’il est surabondant et qu’il ne serait pas sans inconvénient d’accoler ainsi cette disposition à la loi sur les chemins vicinaux. Je retranche de mon amendement ces mots : « lorsque la répartition et délivrance auront été dûment autorisées. »
- Cet amendement ainsi modifié est adopté.
Article 13 de la section centrale. Paragraphe additionnel
M. de Garcia – Je propose d’ajouter un paragraphe ainsi conçu : « Les communes ne pourront, dans aucun cas pour ces diverses bases d’imposition, être soumises à des charges excédant 10 p.c. de toutes les contributions directes de la commune. »
Je veux qu’on répare les chemins vicinaux ; mais je ne veux pas obérer indéfiniment les communes par des impôts extraordinaires. Les communes pourraient être, un jour, soumises à des charges qui dépasseront la contribution principale de l’Etat. Elles auront à contribuer pour le presbytère, pour les écoles primaires, car nous touchons, j’espère, au moment de voter la loi sur l’instruction primaire, pour la garde civique et pour les routes provinciales.
J’ai fixé le maximum de l’impôt pour réparation des chemins vicinaux à 10 p.c. ; mais je tremble qu’il ne soit encore trop élevé ; je m’en rapporterai à ce que la chambre pensera sur ce point. Quelques membres, peut-être, ne voudront pas adopter ma proposition à cause du chiffre.
M. Liedts – Je crois que si on veut délibérer sur cet amendement, il faudrait le renvoyer à la section centrale pour en apprécier l’étendue et les conséquences. Il est impossible à la première vue de calculer la portée de cette proposition. Peut-être le chiffre de 10 p.c. est-il trop élevé ? Peut-être ainsi aurait-il pour résultat de laisser des communes ayant besoin de grandes réparations dans un état d’inviabilité complet.
M. de Garcia – J’appuie la demande faite par l’honorable préopinant de renvoyer mon amendement à la section centrale. Je crois que cet amendement a une grand portée ; mais je n’admets pas la pensée exprimée par l’honorable M. Liedts, qu’il serait possible que par mon amendement certaines communes eussent besoin de beaucoup plus que 10 p.c. de contributions directes, et qu’il faut laisser la faculté de les imposer indéfiniment. C’est précisément là ce que je veux prévenir. Dans le cas où la réparation des chemins exigerait une dépense supérieure à 10 p.c. des contributions directes, je voudrais que la province et l’Etat vinssent au secours de la commune. Il serait déplorable de voir une commune imposée à 20 p.c., tandis qu’une commune voisine ne le serait qu’à cinq.
- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et ordonné.
« Article 14. Chaque année, avant le mois de janvier, le conseil communal fait dresser le devis estimatif des travaux et en détermine le montant sous l’approbation du conseil provincial.
« La députation fera annuellement au conseil provincial, un rapport détaillé et raisonné sur les dépenses faites pour les chemins vicinaux, et sur la proportion qui aura été fiée suivant les communes entre les trois bases de contribution. »
M. Cools propose de substituer au mots : « avant le mois de janvier », ceux-ci « avant le mois d’avril. »
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je proposerai une autre rédaction :
« Chaque année, à l’époque fixée par le règlement provincial, etc. »
Voici les motifs de ce changement. M. Cools a eu en vue de constater les dégradations pendant l’hiver. Ce point de vue est juste. Mais il est souvent important que l’état des chemins soit constaté pendant l’hiver ; parce qu’il est certaines réparations telles que les empierrements qui peuvent se faite pendant l’hiver ; les bras sont disponibles, les journées sont à meilleur marché, les cultivateurs n’ont pas besoin de leurs chevaux. Il vaut donc mieux ne pas fixer d’époque dans la loi.
M. Cools – Je me rallie à la proposition de M. le ministre ; mais je demanderai maintenant ce qu’on entend par le « devis estimatif ».
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Ces mots pourront recevoir une explication différente, suivant les localités ; quand il s’agit de chemins de terre, ce sera un simple état de journées. Quand il s’agira de chemins de pierres, on fera un relevé de la dépense totale. On peut laisser l’article dans les termes généraux dans lesquels il est conçu.
M. d’Hoffschmidt – J’ai présenté un amendement, s’il est adopté, il ne sera pas nécessaire d’adopté le changement proposé par le ministre, car il modifie entièrement le paragraphe premier de l’article 14, dans ce sens qu’on abandonnerait aux conseils provinciaux ce qui concerne l’exécution des travaux relativement aux chemins vicinaux. Les communes ne feront pas de devis estimatif, nous laisserons cela aux règlements des conseils provinciaux, d’après l’article 57 de la section centrale. Ce serait infiniment préférable que de déterminer comme on le fait ici, que le devis sera fait par la commune, même sous l’approbation de la députation provinciale.
M. Cools – Je crois qu’il y aurait quelque chose de plus simple que d’adopter l’amendement de M. d’Hoffschmidt ce serait de rayer cet article qui me paraît tout à fait réglementaire et de le réserver pour les règlements provinciaux.
M. d’Hoffschmidt – Je me rallie entièrement à la proposition de l’honorable M. Cools, qui rentre tout à fait dans ma pensée. Nous ne devons pas perdre de vue que nous ne devons poser dans cette loi que des principes fondamentaux ; nous ne devons pas nous occuper de mesures d’exécution ; il faut les abandonner aux conseils provinciaux qui sauront régler ces matières beaucoup mieux que nous.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je me rallie également à cette suppression. Il suffit que l’attention des conseils provinciaux ait été appelée sur ce point pour qu’ils en fassent mention dans leurs règlements.
- La suppression de l’article est mise aux voix et prononcée.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.