(Moniteur n° 317 du 13 novembre 1839)
(Présidence provisoire de M. Vanderbelen)
M. de Villegas et M. Kervyn, pris parmi les membres les plus jeunes de l’assemblée, remplissent les fonctions de secrétaires.
M. de Willmar, ministre de la guerre ; M. de Theux, ministre de l’intérieur et des affaires étrangères ; M. Nothomb, ministre des travaux publics ; M. Desmaisières, ministre des finances, sont au banc des ministres.
L’assemblée est nombreuse.
M. Vanderbelen – Messieurs, le fauteuil doit être occupé par le doyen d’âge ; à ce titre, je ne suis pas certain d’avoir le droit de vous présider. Cependant, plusieurs membres m’ont engagé à monter au fauteuil, et j’ai cru devoir déférer à leur avis, mais si quelqu’un réclame, j’en descendrais sur-le-champ.
- Personne ne réclame, et M. Vanderbelen préside l’assemblée.
M. le président – L’assemblée étant en nombre suffisant, la séance est ouverte. Conformément au règlement, nous devons nous occuper de la vérification des pouvoirs. Le tirage au sort va désigner les membres des six commissions qui seront chargés du travail préparatoire relatif à la vérification des pouvoirs.
Le sort désigne, pour composer la première commission :
Messieurs. Milcamps, Zoude, Maertens, Raymaeckers, Smits, Lesoinne.
En ce moment, M. le ministre des finances (M. Desmaisières) monte à la tribune et annonce qu’il va présente le projet de budget général des dépenses et des recettes de l’état pour l’année 1840.
M. de Brouckere – Mais, pour présenter un projet de budget, il faut attendre qu’il y ait une chambre ; il n’y en a pas en ce moment. Quand le ministre aura lu son projet de loi que déciderons-nous ?
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Il y a un antécédent qui résout la question. En 1835, un incident de même nature a été soulevé par M. Dumortier et par M. de Brouckere ; et la chambre a décidé que mon prédécesseur ferait la communication qu’il avait à faire. Toutefois, si la chambre veut en décider autrement, j’ajourner la présentation du budget général.
M. de Brouckere – Je ne me rappelle pas l’incident de 1835 ; mais si ce que dit M. le ministre est exact, je n’ai pas changé d’opinion ; je crois actuellement, comme je croyais en 1835, qu’il n’y a pas de chambre. Quand il y a urgence, la chambre peut passer par-dessus les formes parlementaires ; mais actuellement il n’y a aucun motif d’urgence à alléguer, et j’aime bien mieux attendre 24 heures que de procéder d’une manière irrégulière et de poser un antécédent que les ministres invoqueraient.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – La question qui se présente est la même que celle résolue en 1835. Sans doute que la chambre ne peut pas délibérer maintenant, si ce n’est pour vérifier ses pouvoirs ; mais elle n’en existe pas moins et M. le président pourra donner acte de la présentation faite par M. le ministre des finances. Il ne s’agit pas de délibérer avant la vérification des pouvoirs ; il ne s’agit que de recevoir la communication du gouvernement. Quoique les pouvoirs ne soient pas vérifiés, la chambre n’en existe pas moins de plein droit en conséquence des élections.
M. Dumortier – Je crois que la chambre ne peut entendre la lecture que se propose de faire le ministre ; car, après cette lecture, elle doit prendre une résolution quelconque, ne serait-ce que pour donner acte de la présentation ; c’est cependant ce qu’elle ne pourra pas faire. D’un autre côté, la chambre peut avoir des observations à faire sur les paroles du ministre ; eh bien, si l’on se proposait d’en faire, le ministre ne manquerait pas de dire que la chambre ne peut discuter. Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de chambre, il n’y aura aucune communication possible à lui faire.
Le règlement indique le mode suivant lequel le gouvernement communique ses projets. Les propositions de loi adressées à la chambre par le Roi ou par le sénat, après que lecture en a été faite à la chambre, sont imprimées, distribuées et renvoyées aux sections ou à une commission, pour être discutée sous la forme établie par l’article 5 ; voilà ce que prescrit le règlement.
Ce n’est que par un sophisme que l’on pourrait introduire un système contraire à notre règlement, contraire à la constitution elle-même, parce qu’il n’y a pas de chambre.
Après ces observations, j’en présenterai une autre.
Il est dans les usages parlementaires que l’ouverture de la session se fasse par un discours du trône, présentant à la nation et à ses mandataires la situation du pays. Ces usages existent dans tous les pays constitutionnels ; ils existent en France, en Angleterre, en Hollande même. Partout l’ouverture de la session commence par un discours du trône.
Une voix – Mais le Roi est absent.
M. Dumortier – Le Roi est absent ; le souverain doit avoir en Belgique autant de droits qu’un simple particulier, et il peut s’absenter ; mais si le Roi est absent, il y a un ministère, et le ministère aurait dû nommer une commission pour faire lecture du discours de la couronne en place du souverain. C’est ainsi que l’on en use quand le souverain est empêché.
Si le ministre des finances a un discours du trône à lire, qu’il le lise avant de nous proposer aucune communication. S’il n’en a pas, je demanderai au ministère tout entier s’il a nommé une commission, oui ou non, pour lire le discours du trône.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le ministère s’est conformé aux précédents. Aucune disposition ne règle la marche à suivre lorsque le Roi ne prononce pas un discours d’ouverture ; dès lors le ministère n’avait rien autre chose à faire que de convoquer les chambres, à l’époque fixée par le pacte fondamental, et voilà ce qui a été fait.
Le ministère n’a aucun motif pour décliner le discours d’ouverture ; c’est une circonstance fâcheuse qui en a empêché la lecture.
Je ferai observer maintenant que l’honorable préopinant m’a paru être en contradiction avec lui-même, lorsqu’il a porté la discussion sur plusieurs questions importantes qui nécessiteraient absolument que la chambre fût constituée, que la vérification des pouvoirs fût terminée.
Messieurs, autre chose est de faire une simple communication du gouvernement, et autre chose est de prendre une délibération. On voudrait qu’un discours du trône présentât la situation du pays, eh bien, l’exposé des motifs du projet de budget général contient, sous le rapport financier, la situation exacte du pays, situation qu’on n’aurait pu apprendre que d’une manière sommaire par un discours de la couronne.
Je ne vois aucun motif pour s’opposer à la communication du ministre des finances.
M. Dumortier – Je ne répondrai pas à la prétendue contradiction que l’on trouve dans mes paroles, je me bornerai à demander si la chambre est constituée, ou si elle ne l’est pas.
Le ministre des affaires étrangères prétend que le Roi n’ayant pas proposé de discours au trône, il n’avait rien autre chose à faire qu’à convoquer l’assemblée : dans ce peu de paroles je vois deux erreurs. Je dirai d’abord que le ministère n’avait aucun droit pour nous convoquer à l’époque actuelle, puisque c’est la constitution qui nous convoque.
Je dirai ensuite, relativement à ces paroles : « Le Roi n’a pas proposé de discours du trône », qu’elles sont inconstitutionnelles.
Le discours du trône est l’œuvre du ministère et non celle du Roi, sans quoi l’édifice constitutionnel n’existerait pas en Belgique. Le discours du trône n’est pas un discours d’apparat ; le discours du trône est un moyen d’examiner le programme du ministère, afin qu’on voie s’il est encore digne de la confiance de la nation et de la chambre.
Le ministère a donc cherché à dissimuler la situation de nos affaires en ne nous présentant pas un discours de la couronne.
M. de Brouckere – Je voudrais que le ministre des finances n’insistât pas pour présenter son budget aujourd’hui.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il faut faire quelque chose.
M. de Brouckere – Il faut se borner à nommer les commissions chargées de la vérification des pouvoirs.
Si l’on regarde la chambre comme constituée, j’ai des observations à faire, et j’en ai d’urgentes à faire ; mais je m’interdis de les présenter, parce que je respecte l’ordre établi par notre règlement. Il résulte en effet du règlement qu’il n’y a pas de chambre quand les pouvoirs ne sont pas vérifiés.
Il est si vrai qu’il n’y a pas de chambre maintenant, que vous ne pouvez pas nommer votre président, et que le doyen d’âge doit monter au fauteuil.
En voulez-vous une autre ?
Il y a probablement des élections qui seront contestées ; il y en a qui sont entachées de vices sur lesquels la chambre aura à se prononcer ; pouvez-vous vouloir que des députés dont les élections seront peut-être annulées viennent émettre un vote ?
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) - Non ; il ne s’agit pas de cela !
M. de Brouckere – Mais nous devons prendre une décision ; nous devons décider si le projet sera renvoyé aux sections ou à une commission.
Et puisqu’on en appelle aux précédents, j’en invoquerai un dont nous ne nous sommes jamais écartés. Quand une loi est présentée, la chambre décide toujours si le projet sera renvoyé en sections ou en commission ; eh bien, vous n’avez pas le droit, n’étant pas constitués, de prendre, en ce moment, une semblable décision. Qu’après cela la chambre décide dans un sens contraire, libre à elle ; mais je protesterai cette année, comme j’ai protesté en 1835 ; et si, l’année prochaine, MM. les ministres viennent encore avec des projets de loi avant que nous soyons constitués, je protesterai encore.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, on ne vous demande pas de vote ; il ne faut rien exagérer ; il s’agit de savoir si la chambre restera conséquente avec elle-même, si l’on fera aujourd’hui ce que l’on a fait en 1835.
La position était identique la même en 1835. Pour la première fois, la session s’ouvrait sans discours du trône ; depuis, ce précédent a été consacré deux fois ; c’est aujourd’hui le troisième précédent de ce genre.
M. le ministre des finances est monté à la tribune, pour vous donner lecture de l’exposé des lois financières. Le gouvernement désire vous faire connaître aujourd’hui la situation financière du pays d’une manière plus générale encore qu’il ne l’a fait en 1835. En agissant ainsi il a cru remplir ses devoirs, pour vous mettre à même non pas de prendre une résolution quelconque, à propos de notre situation financière, mais de connaître cette situation d’après l’exposé du ministère ; il a voulu enfin vous mettre à même d’accélérer, par l’impression des pièces, la marche de vos travaux. Tout ce que nous demandons, c’est que M. le ministre des finances puisse donner lecture de l’exposé des motifs qui accompagne les budgets de l’état.
Les chambres, messieurs, s’ouvrent en Belgique pour la troisième fois sans discours du trône. Dans d’autres pays, on n’en a pas agi de même ; chaque pays a ses précédents : mais remarquez que la constitution belge renferme une disposition toute particulière ; c’est qu’en Belgique les chambres se réunissent de plein droit chaque année : voilà aussi une disposition constitutionnelle qui n’existe pas dans d’autres pays. Vous avez déjà été frappés de cette considération lorsque vous avez posé le précédent que l’on invoque aujourd’hui. Permis sans doute aux deux honorables membres qui en 1839 ont renouvelé l’incident de 1835, permis à eux d’être conséquents avec eux-mêmes, de protester aujourd’hui comme ils ont protesté en 1835. Que chacun soit conséquent, et à mon tour, je prierai la chambre d’être conséquente avec les précédents qu’elle a posés.
M. Angillis – Messieurs, une communication ne peut pas être faite à la chambre avant qu’elle ne soit constituée ; or, nous ne sommes pas constitués : il n’y a pas un seul membre qui osât dire que la chambre est constituée. Lorsqu’on a été nommé député par un arrondissement, on n’est pas encore par cela seul membre de la chambre, il faut que l’élection soit vérifiée ; et dans cette opération la chambre a un pouvoir absolu, elle est omnipotente ; de manière donc que, pour être député, il ne suffit pas d’avoir été élu, mais il faut encore que l’élection ait été approuvée par la chambre.
La chambre n’est pas encore constituée, et voilà cependant M. le ministre des finances qui vient faire une communication ; mais cette communication exige certainement une discussion, discussion à laquelle la chambre ne peut pas se livrer, puisqu’elle n’est pas constituée.
Je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour, c’est-à-dire que la chambre procède à la nomination des commissions pour la vérification des pouvoirs.
Je partage tout à fait l’opinion qui a été émise par l’honorable M. Dumortier sur l’absence d’un discours du trône ; dans tous les pays constitutionnels, en France, en Angleterre, en Allemagne même, lorsque le chef de l’état n’ouvre pas la session en personne, les ministres sont chargés de lire le discours d’ouverture ; nous avons eu même un exemple de cela sous l’ancien gouvernement : en 1819, le roi Guillaume a chargé, par arrêté royal, les ministres de faire l’ouverture des états-généraux, et les ministres ont lu le discours du trône. Il doit, en effet, en être ainsi, messieurs ; car, depuis la clôture d’une session jusqu’à l’ouverture de la session suivante, il se passe souvent des faits graves que la nation a intérêt de connaître : c’est alors dans les discours du trône que ces faits sont portés à la connaissance des chambres, en même temps que le gouvernement leur soumet, en quelque sorte, l’exposé de sa conduite, et les chambres jugent ensuite dans leur sagesse et dans leur justice. Aujourd’hui le ministère a trouvé qu’il n’y avait rien à nous dire ; il aurait peut-être bien fait d’en agir ainsi l’année dernière, mais maintenant les circonstances ne sont plus les mêmes.
Je persiste à croire que la chambre n’est pas constituée et qu’elle ne peut pas écouter M. le ministre des finances.
Plusieurs voix – L’ordre du jour !
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Encore une fois, messieurs, le ministère, en vous présentant l’exposé de la situation financière du pays en même temps que les budgets de l’état, n’a eu aucunement l’intention de vous porter à prendre une résolution quelconque sur ces documents ; mais il a pensé qu’au moment où chaque jour amène de nouveaux événements financiers, la nation devait avoir hâte de connaître sa situation. Je l’ai déjà dit tout à l’heure, messieurs, il existe un précédent tout à fait identique posé par la chambre de 1835 ; si maintenant la chambre d’aujourd’hui voulait décider contrairement à celle de 1835, je descendrais de cette tribune, mais avec le regret bien profond de n’avoir pas pu donner, ce jour même, à la nation, communication de sa situation financière.
M. Dumortier – Mais je demande à qui M. le ministre veut faire son rapport ; est-ce à la chambre ? il n’y en a pas. Est-ce aux tribunes ?...
M. de Behr – Messieurs, il y a une chambre. Elle n’est pas, à la vérité, définitivement constituée, mais il y a si bien une chambre qu’elle décidera toutes les contestations auxquelles les élections pourront donner lieu, et on n’examinera pas même alors si ceux qui prendront part au vote auront été admis, mais ceux dont les pouvoirs n’auront pas été vérifiés voteront avec les autres. Il y a donc une chambre suffisamment constituée pour que le gouvernement puisse valablement nous donner communication des documents qu’il veut nous soumettre.
M. Dumortier – D’après la constitution, messieurs, chaque chambre règle l’exercice de ses attributions par son règlement, et le règlement de la chambre établit à son tour les formes d’après lesquelles elle doit procéder à la vérification des pouvoirs de ses membres. Ainsi, lorsque nous prendrons une résolution en matière de vérification de pouvoirs, nous agirons en vertu de notre règlement ; mais il ne résulte nullement de là que nous puissions, avant d’être constitués, nous occuper de communications du gouvernement : l’argument de l’honorable préopinant ne signifie donc absolument rien (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre est constituée sur la question de savoir si elle s’occupera de la vérification des pouvoirs avant d’écouter M. le ministre des finances.
Deux épreuves sont douteuses. On procède à l’appel nominal.
64 membres prennent part au vote.
30 membres votent pour l’affirmative.
34 votent pour la négative.
En conséquence la parole est continuée à M. le ministre des finances.
Ont répondu oui : MM. Delehaye, Angillis, Van Cutsem, de Brouckere, de Foere, de Langhe, de Man d’Attenrode, Garcia, d’Hoffschmidt, Doignon, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Sigart, Hye-Hoys, Jadot, Lange, Liedts, Maertens, Manilius, Metz, Raymaeckers, Cools, Vandenbossche, et de Villegas.
Ont répondu non: Coghen, Coppieters, de Behr, de Perceval, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Eloy de Burdinne, Fallon, Vandensteen, Lesoinne, Kervyn, Lejeune, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, A. Rodenbach, Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove, de Potter-Soenens, Wallaert, Willmar et Zoude.
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de budget général des dépenses et des recettes de l’état pour l’année 1840.
Après les charges et les sacrifices qu’à raison des circonstances politiques, ont dû peser sur nos populations que de graves souffrances industrielles et commerciales sont venues malheureusement atteindre en même temps, vous aviez droit de compter que le gouvernement ferait tous les efforts possibles pour alléger ces charges dès la première année qui devait suivre la signature du traité de paix avec le royaume dues Pays-Bas ; votre juste attente ne sera pas trompée, messieurs.
Bien que la part qu’a faite à la Belgique le traité du 19 avril dernier, dans le partage des dettes publiques de l’ancien royaume, soit venue remplacer une forte partie de nos dépenses extraordinaires de guerre ; bien que la perte d’une partie considérable de territoires du Limbourg et du Luxembourg ait sensiblement atténué plusieurs des revenus de l’état, sans pouvoir exercer une influence aussi grande en diminution sur nos frais généraux ; bien que les règles d’une saine politique, enfin, ainsi que d’une sage prévoyance et d’une prudente économie, doivent nous faire considérer l’année 1840 comme une dernière époque de sacrifices à laquelle les neuf années, à peine écoulées, de crise et d’événements divers ont nécessairement légué un arriéré à solder, nous avons pu, messieurs, vous proposer, pour l’exercice prochain, la suppression des centimes levés supplémentaires en 1839 sur les impôts directs et indirects.
Le titre premier du budget général est relatif à la dette publique ; c'est sur cette partie importante de nos dépenses que je vais d’abord, messieurs, vous donner quelques explications.
Sans rien préjuger sur la question du transfert à opérer en vertu de l’article 13 du traité de paix, nous avons continué à porter au budget les intérêts de la dette active portée au livre auxiliaire de Bruxelles, parce que, quelles que soient les espèces de rente qui seront transférées, la somme de ces intérêts fera toujours partie de l’annuité de 5 millions que le traité nous impose.
Les sacrifices de toute espèce auxquels nous sommes assujettis sont grands et douloureux, mais déjà nous avons donné la plus pénible preuve que nous savions tenir la foi jurée. Aussi continuerons-nous à exécuter franchement et loyalement ce traité, sans toutefois consentir à le rendre plus onéreux encore dans l’exécution, en ne maintenant pas intacts tous les droits qu’il nous garantir.
Telle a été la règle que s’est tracée le gouvernement dans les négociations d’Utrecht, dont, tout nous donne à le croire, nous pourrons bientôt avoir l’honneur de porter à votre connaissance les premiers résultats, lesquels vous mettront à même de juger si en effet notre politique, dans ces débats financiers, n’a pas été entièrement franche, loyale et basée sur les véritables intérêts comme sur les justes droits de la Belgique.
La crise politique, celle industrielle, commerciale et financière, qui est venue la compliquer et dont les effets ont commencé à se faire sentir chez nous dans le courant de l’année dernière ; la suspension des paiements de la banque de Belgique, qui a bientôt fait monter cette crise à son apogée sans que jusqu’à présent on puisse la dire prête à se terminer, alors surtout qu’on ignore encore l’étendue et qu’on ne peut prévoir le résultat de la catastrophe nouvelle qui vient de frapper l’Amérique ; la rareté du numéraire, cause et effet du mal, et la hauteur du prix des escomptes et des reports qui affligent si profondément l’Angleterre et qui ont eu leurs contrecoups en Belgique, les calamités sans nombre qui, avant la catastrophe à laquelle nous venions de faire allusion, étaient venues frapper les banques et le commerce des Etats-Unis, premières causes peut-être, avec la cherté des céréales, de cette rareté d’argent dont je viens de parler, et qui ont eu une si fâcheuse influence sur le sort de nos plus belles industries ; les dépenses extraordinaires du département de la guerre qu’il a fallu solder pendant les derniers mois de 1838 et les premiers mois de 1839 ; les anticipations enfin sur les rentrées stipulées de l’emprunt 3 pour cent que le trésor a été obligé de faire au département des travaux publics pour le mettre à même de pousser aussi activement que le pays le désirait et que l’exigeaient les besoins de la classe ouvrière, les travaux des chemins de fer en cours d’exécution ; tous ces motifs réunis ont forcé le département des finances à maintenir en circulation, pendant le cours de 1839, une plus grande quantité de bons du trésor que ne le comportaient les prévisions du budget des dépenses, où il n’a été demandé et alloué qu’une somme de 150,000 francs seulement, pour intérêts et frais présumés de la dette flottante.
Ce chiffre de 150,000 francs n’eût permis qu’une émission moyenne de trois millions de bons du trésor, pour toute l’année, à l’intérêt moyen de 5 p.c., frais compris ; mais la loi des voies et moyens ayant autorisé une émission de 12 millions, et celle du 1er janvier 1839 une autre émission de quatre millions, pour couvrir le prêt fait à la banque de Belgique, ensemble 16 millions, on a pu satisfaire aux exigences du service et maintenir l’émission moyenne entre 12 et 14 millions, ce qui nécessite la demande de crédit supplémentaire qui vous est faite de la somme de 500,000 francs pour complément des intérêts et frais relatifs à la dette flottante en 1839.
L’émission moyenne des bons du trésor pendant l’exercice prochain, étant présumée, toujours y compris le prêt fait à la Banque de Belgique, et de plus, douze millions pour les dépenses de construction des chemins de fer et routes ordinaires, devoir s’élever au chiffre moyen de 20,000,000 de francs à l’intérêt moyen de 5 p.c., en y comptant les frais qui s’y rattachent, cette émission, disons-nous, motive l’allocation d’un million de francs pétitionnée pour faire face à ces intérêts et frais en 1840.
Ce chiffre d’un million, d’ailleurs temporaire en majeure partie, n’est certes pas bien considérable, alors que l’on réfléchit que déjà il a été de 800,000 francs en 1838, qu’il ne constitue que 1 p.c. du montant total du budget, et qu’un cinquième nous en sera remboursé par la banque de Belgique.
Malgré les dépenses tout à fait extraordinaires, qui montent ensemble à 531,5520 francs, le crédit total demandé, à l’effet de faire face en 1840 à tous les paiements du chef de la dette publique proprement dite, ne s’élève encore qu’à la somme de 21,874,740 francs 26 centimes, sur laquelle sera imputée aussi la rente annuelle de 5 millions de florins, mise à notre charge par le traité de paix.
La dette publique belge est donc, sans contredit, eu égard surtout à la population et aux richesses de notre beau pays, l’une des moindres des états de l’Europe.
Cependant, messieurs, et cela a déjà été proclamé plus d’une fois dans cette enceinte, le moment viendra où il sera possible de la réduire encore. Il importe par conséquent de chercher à en coordonner les divers éléments, et notamment de régler, pour toutes ses parties, le système d’amortissement tant en principe qu’en action, de manière à arriver à asseoir et à maintenir le crédit public sur des bases tellement solides, que rien ne puisse désormais lui porter la moindre atteinte.
La paix ne tardera pas, nous devons l’espérer, à permettre au gouvernement de vous soumettre ses vues à cet égard.
Le crédit des rémunérations est resté à peu de chose près le même qu’en 1839. Il y a néanmoins une augmentation de 64,095 francs 26 centimes, sur le chiffre alloué l’année dernière pour les traitement d’attente et pensions supplémentaires. Jusqu’à ce qu’une solution définitive soit donnée sur cette dépense contestée jusqu’ici, le gouvernement doit en reproduire la demande.
Il y a au même chapitre une diminution de 25,000 francs provenant d’extinction de pensions.
A cette occasion, qu’il me soit permis de vous rappeler, messieurs, qu’un projet de loi réglant les conditions et les droits à une pension pour tous les magistrats et fonctionnaires publics, leurs veuves et orphelins mineurs, a été présenté dès l’avant-dernière session à la chambre des représentants. Ce projet, déjà examiné par les sections, est actuellement livré aux observations de la section centrale. Les réponses aux demandes d’éclaircissement de cette section ont été fournies par le ministère, et le rapport ne peut manquer d’en être fait incessamment à la chambre. Dans cette position, je ne puis qu’appeler votre sollicitude sur cet objet important, qui doit à la fois amener des économies dans cette partie sacrée de nos dépenses générales, et la sécurité sur leur avenir et celui de leur famille, dans l’esprit des agents de ‘état qui vouent leur carrière à la chose publique.
Quant au subside et avance à la caisse de retraite, ils sont demeurés les mêmes que les années précédentes, et il a été démontré dans cette enceinte à diverses reprises que ces sommes n’excédaient pas celles que le trésor eût dû fournir si l’on avait fait application aux agents des finances des dispositions de l’arrêté-loi de 1814.
D’ailleurs, cet état spécial des choses viendra à cesser si, comme nous ne pensons, la législature adopte le système du projet de loi dont il vient d’être question.
Les crédits portés au titre II (des dotations) sont les mêmes que ceux alloués pour 1839. Ils s’élèvent ensemble à 3,308,458 francs 95 centimes.
Une commission dont plusieurs honorables membres de la législature ont bien voulu faire partie, a été instituée au ministère des finances, à l’effet de préparer un projet de révision de la loi du 30 décembre 1830, institutive de la cour des comptes, afin de donner à ce corps une organisation définitive et de régler, le mode d’exercice de ses attributions ; ce projet ne tardera pas à faire l’objet des délibérations du conseil des ministres pour être soumis à Sa Majesté, à l’effet d’obtenir l’autorisation de le présenter aux chambres. Celles-ci y trouveront l’occasion de faire droit aux réclamations de la cour des comptes, qui désire, non sans fondement, il fait le reconnaître, que le traitement de ses membres soit mis en rapport avec le rang qu’ils occupent dans notre organisation gouvernementale.
La même commission est chargée aussi de préparer : 1° un projet de loi qui consacre les principes de la comptabilité générale de l’état et en assure l’application ;
2° Un projet de règlement d’administration financière, basé sur les lois de principe dont nous venons de faire mention, et traçant les règles à suivre par les départements ministériels et les administrations publiques dans leurs rapports avec la cour des comptes et l’administration du trésor.
Nous espérons pouvoir soumettre aussi ce second projet de loi à vos délibérations dans le cours de la présente session, de manière qu’aussitôt après son adoption, les chambres seront mises à même d’arrêter encore cette année les comptes de l’état pour les exercices clôturés à ce jour, et d’exécuter ensuite chaque année le prescrit de l’article 115 de la constitution, qui veut que tous les ans la loi des comptes soit votée par la législature.
Toutefois, voulant, jusqu’à ce qu’un ordre de choses plus défini soit adopté, suivre la marche pratiquée jusqu’ici, j’ai fait faire l’impression du compte de gestion de 1837, qui comprend celui définitif de 1835, le second compte provisoire de 1836 et le premier également provisoire de 1837. Ce travail vous sera distribué sous peu.
On achève, en outre, à l’administration du trésor, le compte de gestion de 1838, comprenant celui définitif de 1836 et ceux provisoires de 1837 et de 1838. Ils seront incessamment adressés à la cour des comptes, qui vous les renverra, suivant l’usage, accompagnés de ses observations.
Le titre III du budget (ministère de la justice) présente une diminution de 55,848 francs sur l’allocation qui avait été accordée à ce département pour 1839.
Au titre IV (ministère des affaires étrangères) ; si l’on a égard aux crédits extraordinaires alloués pendant le cours de l’exercice, il y a une diminution de 81,000 francs sur ce budget, bien que l’on ait porté en plus, cette année, le traitement du ministre, et celui de plusieurs agents diplomatiques pour de nouvelles légations.
L’allocation totale pétitionnée au titre V (ministère de l’intérieur) présente une majoration de 252,321 francs 7 centimes, qui est principalement due, après divers compensations, à la nécessité d’augmenter le fonds d’encouragement pour l’industrie de la construction des navires et la pêche nationale et à celle de faire construire ou approprier un local pour les archives de l’état, et de fournir un subside à la province du brabant pour l’érection d’une caserne de gendarmerie à Bruxelles.
Le budget primitif ordinaire, pour 1839, du ministère des travaux publics (titre VI), avait été portée d’abord à fr. 8,131,144.
Mais il a été accordé par la loi du 1er juin dernier, pour travaux au canal de Terneuzen et pour frais de rachat et d’entretien du canal de Charleroy, des crédits supplémentaires jusqu’à concurrence de fr. 658,802 47 ;
En sorte que le budget totale pour ce département, s’est trouvé porté à fr. 8,789,945 47
Celui demande pour 1840 étant de 9,027,631 27
Il en résulte, pour cette année, une majoration de fr. 237,657 80
Mais cette somme est le résultat de compensations faites entre des diminutions et des augmentations, et les développements de ce budget vous feront voir, messieurs, que d’une part il y a en augmentations fr. 463,228 65
Et d’autre part, en diminutions : fr. 225,540 85
Différence égale, fr. 237,687 80
Les diminutions proviennent principalement de l’exécution du traité du 19 avril, et les augmentations de ce que l’état doit, en 1840, payer aux concessionnaires du canal de Charleroy, l’annuité du rachat, et subvenir aux dépenses d’entretien et autres, tant de ce canal que des rivières et canaux dont il a repris l’administration, lesquels produiront, ensemble, un revenu porté aux voies et moyens pour une évaluation de 1,200,000 francs.
Ce sont, messieurs, les meilleurs revenus du pays, ceux qui se perçoivent au moyen de l’exécution de travaux utiles à l’agriculture, à l’industrie et au commerce.
En ce qui concerne les chemins de fer, outre les explications déjà données dans les développements du budget, et qui me dispensent d’entrer dans d’autres détails, il vous est rendu compte de l’emploi des fonds dans un rapport spécial de mon collègue M. le ministre des travaux publics.
Le titre VII (marine) présente une majoration de fr. 263,575
En comparaison au budget primitif de l’exercice 1839 ; mais il convient de déduire de cette majoration le crédit supplémentaire pour pilotage, alloué par la loi du 1er juin n°267, soit fr. 174,000
En sorte que l’augmentation réelle n’est que de fr. 89,575.
Le chiffre de 263,575, abstraction faite du crédit supplémentaire dont je viens de parler, se compose comme suit :
Pilotage : fr. 247,075 dont personnel : fr. 210,00, matériel : fr. 37,035 ;
Secours maritime, sauvetage : fr. 16,500
Total : fr. 263,575.
Cette première dépense est couverte et au-delà par un article nouveau de recette porté au budget des voies et moyens.
La seconde n’est qu’un transfert du budget du département de l’intérieur, où elle figurait les années précédentes.
Le budget du département de la guerre (titre VIII) s’élève à 32,790,000 francs, et présente, par comparaison à l’exercice de 1839, une diminution de 16,608,498 fr. 70 c.
Ce premier chiffre vous paraîtra peut-être élevé, messieurs ; mais vous ne perdrez pas de vue qu’après les événements qui se sont accomplis, un effectif quelque peu considérable est impérieusement commandé par les nécessités de politique intérieure et extérieure qui assiègent toujours une jeune nation plus fortement que toute autre dans les premières années de son indépendance. Nous espérons que, malgré les dépenses d’ordre purement politique dont les premiers mois de cette année ont dû être surchargés, nous pourrons arriver à économiser environ cinq millions sur les dépenses de ce département en 1839, et ce fait doit être une garantie par vous des efforts que nous ferons pour réaliser par la suite autant d’économies que possible, sans rien négliger toutefois de ce que sera la sûreté de l’Etat.
Le titre IX (ministère des finances) s’est élevé en 1839 à fr. 11,050,998
Le chiffre total réclamé pour 1840 est de fr. 11,225,750.
Différence en plus pour 1840 : fr. 174,752.
Par arrêté royal du 20 juin dernier, il a été créé au secrétariat général un bureau spécial chargé des travaux des diverses liquidations à opérer avec la Néerlande, en exécution du traité du 19 avril, et aussi de l’examen et de l’instruction préparatoire de toutes les réclamations de nature à être comprises dans les négociations financières. Les dépenses qui sont résultées de la formation indispensable de ce bureau, et qui continueront d’exister au moins pendant l’année 1840, ont été imputées sur le crédit alloué au département des affaires étrangères, par la loi du 5 juin dernier pour frais d’exécution du traité de paix. Mais il a paru plus rationnel de porter l’allocation de 20,000 francs nécessaire à ce service pour l’exercice prochain, au budget du département des finances, ce bureau en étant une dépendance.
Le budget renferme en outre plusieurs majorations qui sont compensées en grande partie par des diminutions, de telle manière que la balance en plus s’élève seulement, ainsi qu’il vient d’être énoncé, à la somme de 174,752 francs.
Les diminutions sont principalement dues à l’exécution du traité en ce qui touche les territoires cédés.
Les augmentations les plus notables ou dépenses extraordinaires sont : 1° 125,000 francs pour frais et pertes à résulter de la refonte d’anciennes monnaies provinciales rentrées dans les caisses de l’état, et dont la mise en circulation est devenue impossible. Le projet de loi spécial devant, messieurs, vous être incessamment soumis pour cet objet, je me dispenserai d’exposer ici les considérations qui appuient la demande de ce crédit, 2° 200,000 francs destinés au renforcement du personnel de la douane et aux encouragements pour la répression de la fraude.
Dans le système commercial adopté par la plupart des nations agricoles et industrielles, système dans lequel, à peine d’abandonner ses intérêts les plus chers, la Belgique est obligée de se maintenir par réciprocité, la douane est la sauvegarde de la prospérité de l’agriculture, de l’industrie et du commerce légal. Il est vrai aussi qu’elle procure d’assez fortes ressources au trésor, mais ce n’est en quelque sorte que secondairement, car son but avant tout est de protéger les trois grandes sources de la fortune publique que nous venons d’indiquer. Les agents du fisc, messieurs, sont des hommes honorables, et d’autant plus honorables que dans l’intérêt général ils s’exposent toujours à la haine des intérêts privés. Ils méritent donc bien de la patrie, lorsqu’ils remplissent fidèlement et avec zèle et exactitude les pénibles fonctions dont la loi les a chargés. Mais ce sont surtout les employés de l’administration de la douane envers lesquels tous les vrais citoyens devraient se montrer plus reconnaissants qu’on ne le fait communément ; en effet ils n’ont pas de plus impérieux devoir à remplir que celui de faire tout ce qui est humainement possible pour réprimer la contrefaçon. Ce devoir, messieurs, l’administration des douanes belges le comprend parfaitement, et son seul mobile, comme sa devise, est : « Prospérité de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. »
J’ai eu lieu de me convaincre que, sous mes honorables prédécesseurs comme depuis que j’ai l’honneur d’être ministre des finances, les efforts les plus louables ont été mis en œuvre pour arriver à anéantir la fraude. Grâce à un renforcement du personnel, aux bonnes mesures administratives qui ont été prises, au concours ferme et loyal des employés qui ont généralement rivalisé de zèle, de dévouement, d’activité et de courage, des succès ont été obtenus dans de nombreuses luttes qu’ils ont soutenues contre les contrebandiers ; et il y a aujourd’hui telle marchandise, parmi celles que l’on fraudait le plus, dont la prime se trouve doublée par comparaison à celle que les négociants étrangers payaient autrefois aux entrepreneurs de ce trafic honteux. On assure même que la prime moyenne, qui ne s’élevait qu’à 5 p.c. avant la révolution, est portée actuellement de 10 à 19 p.c., selon la valeur des marchandises et du poids des ballots.
Toutefois, ayant pu me convaincre, par les renseignements que je suis parvenu à obtenir, que, malgré toute les précautions prises, la fraude réussissait encore à ravir à l’industrie nationale une partie de la protection que nos lois a voulu lui assurer, je me suis empressé, dès mon entrée au ministère, d’aviser aux moyens de mettre fin à cet état de choses.
A cet effet, après avoir reçu un rapport que j’avais demandé à des personnes honorables qui se sont chargées de le rédiger d’après les documents et archives relatifs à cet objet qui existaient au ministère des Finances, j’ai institué, par arrêté du 1er juin, une commission dont plusieurs honorables sénateurs et représentants ont bien voulu faire partie, chargée : 1° de procéder à une enquête sur les frontière, dans les différents ports et dans les principales viles industrielles et commerciale du royaume, à l’effet de rechercher et de présenter les moyens et de rendre plus efficaces le service de répression de la fraude en matière de douanes ;
2° De soumettre le plan d’un système complet de stratégie douanière, en ayant égard à l’utilité dont pourrait être le concours de l’armée ;
3° De rédiger un projet de règlement général du service de la douane, ainsi que de présenter le plan des cartes stratégiques de douane dont chaque brigade serait pourvue pour sa penthière ;
4° Enfin, d’ajouter aux articles du tarif général de douanes qui en sont susceptibles, des annotations et explications sur l’application du droit ainsi que sur la valeur, la nature ou l’espèce des objets y dénommés.
Cette commission qui devait, en outre, s’occuper de quelques points relatifs au cadastre, s’est acquittée, j’aime à le proclamer hautement, on ne peut pas plus honorablement de la tâche qu’elle a eu à remplir. Elle a fait un travail qui sera éminemment utile.
Parmi les ressources indiquées en première ligne comme devant être employées pour arriver à réprimer la fraude, figure la nécessité d’une augmentation du personnel ; ce moyen, dont il a déjà été usé avec succès, exigera une majoration de 150,000 francs sur le chiffre alloué l’année dernière.
Un second moyen qu’elle a proposé, c’est de porter au budget une somme pour être appliquée, tant en primes ou encouragements pour la découverte de la fraude, en matière de douane, qu’en dépenses de surveillance extraordinaire pour parvenir à déjouer les manœuvres secrètes des fraudeurs. Un crédit de 50,000 francs vous est demandé dans ce double but.
Messieurs, il est une foule d’autres mesures que cette commission a proposées ; mais toutes ne donnent pas lieu à des demandes de fonds, et la plupart étant du domaine législatif feront partie d’un projet de loi qui sera présenté incessamment aux chambres.
Enfin, messieurs, la troisième augmentation est une dépense extraordinaire pour la reprise des travaux du cadastre dans le Limbourg et le Luxembourg.
Vous n’ignorez pas, messieurs, que l’achèvement des opérations cadastrales dans les sept autres provinces, et la péréquation générale qui a complété cette œuvre, y ont fait jouir les contribuables des bienfaits, si longtemps réclamés, d’une juste et équitable répartition du plus considérable de nos impôts ; les opérations n’ont pu être continuées devant la révolution dans le Limbourg et le Luxembourg, parce que les archives cadastrales étaient demeurées au pouvoir de la Hollande. Mais, le traité de paix nous mettant en droit d’en obtenir la restitution pour les parties de ces provinces qui nous restent, nous devons nous hâter de reprendre les travaux afin d’assurer aux habitants de ces contrées la même justice distributive qu’aux autres Belges.
Nous avons cru qu’une somme de deux cent mille francs suffirait pour cet objet en 1840.
Le dernier titre du budget des dépenses, celui des non-valeurs et remboursements, a, cette année, à supporter une augmentation de 650,000 francs pour remboursement du droit unique établi sur l’Escaut et le canal de Terneuzen, au profit de la Hollande, par le traité du 19 avril.
Déjà la loi du 5 juin 1839, en consacrant le principe de ce remboursement, avait accordé un crédit spécial pour cet objet, s’élevant à 500,000 francs.
Ainsi que vous le verrez, messieurs, par la situation du trésor public, que j’ai l’honneur de déposer sur le bureau de la chambre en même temps que les budgets, la balance des recettes probables et des évaluations portées aux divers budgets des voies et moyens, pour les trois exercices en cours d’exécution, présentait au 1er octobre, les résultats suivants :
(successivement : 1837, 1838, 1839)
Evaluations : 99,159,452 99 ; 120,252,525 36 ; 108,095,531
Recettes effectives : 101,610,137 97 ; 110,839,234 32 ; 67,718,845 31
Reçu en plus que les évaluations : 2,450,684 98 en moins ; 9,363,291 01 en moins ; 40,376,685 69 en moins
On percevra encore : 146,636 16 ; 12,773,980,68 ; 37,219,805 30
Recettes effectives en plus : 2,597,321 14 ; 3,410,689 64 en moins ; 3,156,880 19
Excédent des recettes sur l’ensemble des trois exercices 1837 à 1839 : 2,851,130 59.
L’état ci-annexé sous le numéro 1 explique, messieurs, le chiffre de 3,156,880 francs 19 c. que l’on percevra en moins sur l’exercice de 1839, d’après les probabilités.
L’évaluation des voies et moyens votés par les chambres pour ces trois exercices présente les chiffres suivants :
\1837. loi du budget, décembre 1836 : fr. 85,911,700
\1837. Ressources extraordinaires, y compris une partie de l’emprunt 5 p.c. Loi du 25 mai 1838, et voir la situation du trésor public au 1er octobre 1838, page 26, état n°2) : fr. 13,247,75,99
Report : fr. 99,159,452 99
\1838. Loi du budget, 30 janvier 1838 : fr. 94,606,326
\1838. Partie de l’emprunt 3 p.c. Loi du 25 mai 1838 : 25,646,199 36
Report : fr. 120,252,525 56
\1839. Loi du budget 31 décembre 1838 : fr. 104,095,531
\1839. Voies et moyens temporaires et extraordinaires pour le prêt fait à la banque de Belgique, loi du 1er janvier 1839 : fr. 4,000,000
Report : fr. 108,095,531.
Total des voies et moyens votés pour les trois exercices : fr. 527,597,509 35
Les dépenses totales étant de fr. 338,213,023 21,
Il y aurait, si les recettes réelles correspondaient aux recettes présumées, une insuffisance de fr. 10,705,513 86.
Mais il y aura sur l’ensemble des trois mêmes exercices un excédant de recettes de fr. 2,851,130 59.
Donc l’insuffisance réelles des ressources votées sera seulement de fr. 7,854,383 27.
Les exercices clos et antérieurs présentent les résultats suivants :
1830: excédant de dépenses : 1,478,947 43
1831: excédant de recettes : 804,871 80
1832: excédant de dépenses : 6,038 420 31
1833: excédant de dépenses : 3,846,661 02
1834: excédant de recettes : 187,736 80
1835: excédant de recettes : 3,971,220 74
1836: excédant de recettes : 3,104,144 43
Total général : 1830: excédant de dépenses : 11,364,028 76 ; excédant de recettes : 8,067,793 77.
Différence : excédent de dépenses : 3,296,054 99.
Mais il y a encore à ajouter :
1° Pour les créances arriérées appartenant aux exercices clos, et qui pour la plupart faisaient partie de crédits alloués aux budgets votés, mais à l’égard desquelles, par le fait même de la clôture de l’exercice, il y a eu annulation de crédit, savoir :
Exercices 1830 et antérieurs, 1831 et 1832) : 3,057,482 03
Exercices 1833, 1834 et 1835 (au caissier de l’état par année, 240,000) : 720,000 00
Exercice 1836, au caissier de l’état : 260,000 00
Report : 4,057,482 03.
2° Pour ce qui reste à payer aux concessionnaires de la Sambre, le 1er janvier 1840 : 500,000
3° Pour restitution de droits indûment perçus sur les apports des différentes sociétés industrielles, l’administration ayant été condamnée par arrêt de la cour de cassation : fr. 450,000.
Ainsi l’insuffisance réelle des ressources sur les exercices 1830 à 1839 et années antérieures non clôturées lors de la révolution, s’élève en totalité à 16,157,920 29.
Voici maintenant aussi la position des dépenses en ce qui concerne les trois exercices en cours d’exécution :
1837 :
Crédits alloués : 105,226,103 fr. 93
Sommes dépensées au 1er octobre : 102,250,808 fr. 71
Restant disponible : 2,975,295 fr. 22
On dépensera probablement encore : 1,450,295 fr. 22
En sorte que les crédits non dépensés s’élèveront environ à : 1,500,000 fr.
1838 :
Crédits alloués : 125,071,572 fr. 24
Sommes dépensées au 1er octobre : 1113,623,463 fr. 35
Restant disponible : 11,448,108 fr. 89
On dépensera probablement encore : 9,948,108 fr. 89
En sorte que les crédits non dépensés s’élèveront environ à : 1,500,000 fr.
1839 :
Crédits alloués : 115,915,347 fr. 04
Sommes dépensées au 1er octobre : 67,503,743 fr. 07
Restant disponible : 48,411,603 fr. 97
On dépensera probablement encore : 43,411,603 fr. 97
En sorte que les crédits non dépensés s’élèveront environ à : 5,000,000 fr.
Total pour les trois exercices :
1837 :
Crédits alloués : 546,213,023 fr. 21
Sommes dépensées au 1er octobre : 283,378,015 fr. 13
Restant disponible : 62,833,008 fr. 08
On dépensera probablement encore : 54,835,008 fr. 08
En sorte que les crédits non dépensés s’élèveront environ à : 8,000,000 fr.
Le total des crédits alloués étant de 546,213,023 fr 2, la dépense totale effective ne s’élèvera qu’à 338,213,023 fr. 21.
Mais on y a compris le crédit de 2 millions alloué par la loi du 1er juin 1838, pour construction de routes pavées et ferrées, et pour lequel des voies et moyens n’ont pas jusqu’ici été votés : fr. 2,000,000.
En sorte que la dette flottante, à couvrir par les ressources des exercices à venir, ne s’élève définitivement qu’à la somme de 14,137,920 fr. 29
à laquelle il faut ajouter temporairement celle de 4,000,000 fr, qui sera remboursé par la banque de Belgique à qui elle a été prêtée.
Ensemble : 18,137,920 fr. 29.
D’autres tableaux statistiques également annexés au présent rapport, messieurs, font voir qu’en dégageant les impôts des centimes additionnels variables dans leur quotité, les pertes que la prudence nous commande de prévoir ne se réaliseront peut-être pas tout-à-fait, si, comme d’usage et comme le prouve l’état n°2, les derniers mois de l’année sont plus productifs que les autres.
D’ailleurs, déjà nous avons eu l’honneur de vous faire pressentir qu’il est à espérer que des économies successives pourront être réalisées sur l’ensemble des dépenses de l’état ; d’un autre côté, les voies et moyens ont été évaluées suivant le système suivi jusqu’ici en prenant pour base plusieurs mois de l’année écoulée et plusieurs mois de celle courante, de manière à en former une période d’une année entière. Mais cette fois, vu l’époque où le budget a été préparé, cette période de douze mois, formée des six derniers mois de 1838 et des six premiers mois de 1839 donne précisément l’année pendant laquelle plusieurs des revenus de l’état ont été atténués par la crise politique et commerciale.
En fait d’évaluation des revenus probables, il y a souvent des mécomptes ; et il ne peut en être autrement, car le prix des subsistances, les mouvements du commerce et de l’industrie, les événements politiques à l’intérieur ou à l’extérieur, en un mot tout ce qui affecte la situation économique ou politique des populations réagit immédiatement en divers sens sur le produit des impôts et autres ressources publiques.
Aussi, si nous n’avons pas cru devoir déroger à la règle, en quelque sorte établie par les précédents, pour l’estimation de ces produits en 1840, du moins devons-nous espérer que la crise financière ne tardera pas à avoir un terme, et qu’alors la sécurité, le crédit et la paix donnant bientôt une nouvelle vie à notre industrie et à nos transactions, nos évaluations seront dépassées assez fortement pour les recettes réelles qui seront effectuées.
Ainsi donc tout doit nous porter à penser qu’en raison des économies dans les dépenses générales, des plus fortes recettes, et des autres motifs que nous venons d’indiquer, non seulement notre dette flottante sera diminuée en 1841, mais encore qu’elle sera tout à fait éteinte d’ici à quelques années, sauf ce qu’il sera reconnu nécessaire d’en conserver, pour faciliter le service du trésor ; car les recettes, n’ayant lieu que par douzième, et des ménagements envers les contribuables étant souvent commandés par les circonstances, il ne serait pas possible sans ce moyen d’opérer régulièrement les dépenses qui ne peuvent pas se régler par douzième de mois en mois. Il en résulte qu’une émission de bons du trésor est toujours nécessaire pour assurer la marche de l’administration publique, et qu’une dette flottante est en conséquence un rouage indispensable à un gouvernement bien organisé.
Cette dette se trouve, à la vérité, momentanément plus forte de 4 millions par suite du prêt accordé à la banque de Belgique ; mais des termes de remboursement ont été stipulés, et nous avons d’autant plus lieu de croire que cet établissement saura satisfaire à ses engagements, dont l’accomplissement successif éteindra proportionnellement cette partie de la dette flottante, qu’il résulte du rapport des commissaires du gouvernement qu’à la date du 1er novembre courant, la banque, au moyen de son actif et du seul prêt de 4 millions, avait soldé tous ses créanciers, éteint ses dettes exigibles et remboursé ses billets en circulation, le tout jusqu’à concurrence d’au-delà de 17 millions.
Quant aux créances nombreuses qu’elle possède à charge de sociétés industrielles placées sous son patronage, elle est parvenue à les rendre liquides par la création de cédules hypothécaires dans ces sociétés, et qui lui permettront d’éteindre incessamment l’escompte qu’elle a déjà repris, et à ses autres opérations si favorables au petit et au moyen commerce.
L’article 3 de la loi du 1er janvier 1839 a autorisé le gouvernement à régler les conditions du prêt que cette loi autorisait ; elles l’ont été par le gouvernement, conformément au programme convenu préalablement entre le ministère et les commissions des chambres législatives. L’expiration du sursis et la situation actuelle de la banque permettent que des modifications soient apportées à ces conditions dans l’intérêt du commerce et du crédit public. Elles auront lieu avec le même concours et avec le même esprit de sagesse et de prudence qui ont présidé au contrat primitif.
J’en reviens, messieurs, à la situation générale du trésor.
Certes, il ne serait pas difficile, au moyen de quelques centimes additionnels aux impôts, de la niveler ensuite ; mais l’expérience des quinze années qui ont précédé notre indépendance, n’a malheureusement que trop appris que si l’abus du crédit dévore l’avenir, l’abus de l’impôt tue le présent.
N’y aurait-il pas d’ailleurs, messieurs, plus que de l’inconséquence à rétablir ou majorer les impôts, alors qu’après avoir fait un juste grief de leur excès au gouvernement précédent, nous les avons, dès les premiers instants de la révolution, réduits de plus de 18 millions de francs par an, par suite des modifications et suppressions dont je vais retracer ici l’indication sommaire :
Abattage : fr. 3,300,000
Loterie : fr. 1,600,000
Timbre : fr. 70,000
Légès : fr. 150,000
Accises sur les vins indigènes : fr. 70,000
Accises sur les bières : fr. 300,000
Contribution foncière sur les passages d’eau : fr ; 125,000
Impôt remplaçant l’impôt-mouture, loi du 3 juin 1830 : fr. 3,200,000
Distillerie ; modification diverses, ayant égard toutefois à la loi sur les débitants de boissons distillées : fr. 2,000,000
Successions : fr. 1,000,000
Dégrèvement sur l’impôt foncier dans les provinces d’Anvers et des deux Flandres : fr. 407,000
Réduction du droit de canal de Pommereuil : fr. 327,000
Expertise pour l’impôt personnel : fr. 440,000
Réduction du taux des patentes : fr. 700,000
Patentes des bateliers : fr. 80,000
Réduction des centimes additionnels sur la contribution personnelle, les accises et l’enregistrement : fr. 2,400,000
Changement à la législation sur le sucre : fr ; 1,000,000
Enfin réduction du péage sur le canal de Charleroy et modifications au tarif des barrières ; non-recouvrement de l’impôt sur les biens-fonds acquis par les communes, hospices, fabriques et autres établissements ; suppression du droit sur les diligences ; différence monétaire du florin aux deux francs, etc. : fr. 1,000,000
Total : fr. 18,109,000
Aussi, loin de vouloir revenir au passé, nous comprenons autrement les devoirs du gouvernement ; nous croyons qu’il doit s’efforcer de faire naître, de hâter les progrès du bien-être général ; d’accroître ainsi les facultés contributives sans sacrifier toutefois une partie des revenus publics aux dépens des services qui enrichissent l’état. Nous pensons donc qu’avant de créer de nouveaux impôts (ce que l’on ne peut souvent faire sans que l’expérience n’en soit préjudiciable à la fois aux contribuables que froisse tout changement de système, et au trésor qui n’en retire pas toujours ce qu’il en attend), nous pensons, dis-je, qu’avant d’essayer d’autres impôts, il faut arriver à perfectionner et à adoucir la perception de ceux qui existent, de manière à ce qu’elle soit plus supportable aux masses, en même temps que plus productive pour l’état.
En définitive, messieurs, le budget des dépenses que nous avons l’honneur de vous soumettre pour 1840, s’élève à 101,312,335 francs 94 ;
Celui des voies et moyens, à 101,633,569 ;
En sorte qu’il reste un excédant de recette de 325,233 francs 06.
Cet excédant vous paraîtra sans doute insuffisant pour que le budget général soit parfaitement en équilibre, c’est-à-dire, pour que l’on puisse espérer pouvoir parer à l’éventualité des besoins supplémentaires, ainsi qu’aux mécomptes sur l’évaluation des recettes.
En effet, une part que nous croyons suffisamment large, a été faite dans les crédits demandés pour les dépenses extraordinaires, et les produits présumés ont été calculés d’après les recettes effectives de toute une période de crise profonde, qui a eu pour effet inévitable de multiplier les dépenses de l’état en même temps qu’elle atténuait ses ressources.
Pensant que lorsqu’il s’agit de présenter à la législature le budget général du pays, c’est l’ordre, c’est la vérité qui doivent y régner avant tout, nous vous avons expliqué aussi clairement que possible, et sans rien cacher, notre position financière toute entière.
Il ressort évidemment de cet exposé précis que nous avons supprimé, dès les premiers jours de la révolution, en 1830, plusieurs impôts très productifs sans doute, mais onéreux et impopulaires ; que nous avons traversé, non sans dépenses extraordinaires considérables, neuf années de troubles politiques ; que, devançant dans ce progrès les nations les plus puissantes, nous avons employé des sommes importantes à la construction des chemins de fer ; que nous avons encore construit d’autres grands travaux d’utilité publique dispendieux, notamment fermé les polders, défendu nos côtés, amélioré le port d’Ostende, renforcé notre système de défense militaire. Et cependant, messieurs, on peut être certain dès à présent que, lorsque les chemins de fer auront entièrement été achevés et que toutes les plaies de la révolution auront été cicatrisés, la Belgique ne se trouvera grevée en définitive que d’une dette publique s’élevant à peine à 22 millions de francs de rente et d’amortissements annuels. On peut aussi concevoir l’espoir le plus fondé, sinon la certitude, qu’en peu d’années, il n’existera plus d’autre dette flottante que celle, très minime, indispensable à la régularité du service du trésor, combiné avec les ménagements dus aux contribuables.
Vous remarquerez sans doute, messieurs, qu’aussitôt la première année de paix qui luit pour nous, le budget peut être réduit à 101 millions, et permet de supprimer les centimes additionnels supplémentaires qui ont dû être levés en 1839 ; que, sur ces 101 millions, dès 1841, on pourra, sous le rapport des dépenses extraordinaires politiques, se rapprocher encore plus de l’état normal ou y entrer tout à fait ; qu’enfin, à raison de la diminution dans la dépense et d’une amélioration dans la somme des produits prévus, amélioration qui sera la conséquence de la prospérité qu’amènera infailliblement l’état de paix, il ne tardera pas à devenir possible de soulager plus encore les contribuables qu’on ne l’a fait depuis la révolution.
Après neuf années de tourments et de sacrifices sans nombre, ce sont là des résultats dont la Belgique a tout lieu de se féliciter ; et cependant, avouons-le aussi, ces résultats eussent été plus satisfaisants encore, si l’esprit de transaction n’eût pas seul présidé au règlement arbitral de nos destinées.
Mais oublions nos justes espérances déçues ; ne voyons que ce qui nous reste à faire pour parvenir à consolider tout à fait notre jeune nationalité et cette indépendance, aujourd’hui reconnue par l’univers entier, et qui nous a tant coûté à acquérir.
Essayons, pour cela, d’effacer promptement jusqu’aux dernières traces, jusqu’aux derniers souvenirs des divisions intestines que les révolutions laissent souvent subsister après elles, là où elles ont passé. Formons ainsi un seul faisceau de nos efforts vers un but commun, celui du boulier de la patrie, et alors, messieurs, nous verrons planer sur la Belgique régénérée, dans une auréole de prospérité, notre si belle et juste devise : « L’union fait la force. »
M. le ministre des finances dépose le tableau de la situation générale du trésor public au 1er octobre 1839.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) dépose le compte-rendu de la construction et de l’exploitation du chemin de fer.
Ces commissions sont ainsi composées :
Première commission : Messieurs. Milcamps, Liedts, Zoude, Maertens, Raymaeckers, Smits, Lesoinne ;
Deuxième commission : MM. Donny, Perceval, de Theux, Mast de Vries, Sigart, Polfvliet, Angillis ;
Troisième commission : MM. E. Desmet, Van Cutsem, de Terbecq, A. Rodenbach, Dechamps, Morel-Danheel, Ullens ;
Quatrième commission: MM. Meeus, Coghen, Duvivier, de Man d’Attenrode, de Florisone, Verhaegen ;
Cinquième commission : MM. Garcia, Metz, Kervyn, Nothomb, Villegas, Berger, Manilius ;
Sixième commission : MM. Brabant, Dolez, Vandensteen, Doignon, Vandenbossche, Lejeune, Fleussu.
La chambre décide qu’elle se réunira demain en séance publique à deux heures, pour entendre ceux des rapports sur les élections qui seront prêts.
La séance est levée à trois heures et demie.