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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 24 janvier 1839

(Moniteur belge du 25 janvier 1839, n°25)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Scheyven procède à l’appel nominal à 2 heures.

M. B. Dubus lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Scheyven communique à la chambre l’analyse des pièces suivantes :

« Un grand nombre d’habitants de la ville de Bruges déclarent joindre leurs vœux à ceux des habitants des autres villes du royaume en faveur de l’intégrité du territoire. »


« Des habitants de la commune de Beeringen (Limbourg) demandent le paiement de l’indemnité qui leur revient du chef des pertes qu’ils ont essuyées par l’invasion hollandaise en 1831. »


« Les sieurs Ch. Koenig, A. Savayner, A. Fouquin et V. Delannay, demeurant à Paris, réclament contre l’injonction qui leur a été faite de quitter le pays à défaut de passeport pour la Belgique. »

- Ces différentes requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.

M. Gendebien – Messieurs, je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport sur cette dernière pétition. Elle émane de quatre Français qui sont venus en Belgique pour défendre la liberté des Belges ; croyant se rendre immédiatement utiles, ils n’ont rien demandé au gouvernement, et sont venus sans perdre de temps pour se présenter comme volontaires. On les a expulsés. Je demande que la commission fasse un prompt rapport, afin que le ministère ait à nous rendre compte de la conduite dans cette affaire.

- La proposition de M. Gendebien est adoptée.


M. le président – L’ordre du jour appelle la reprise de la discussion du projet de loi concernant les bois étrangers.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Messieurs, d’après la demande de renseignements qui m’a été faite ce matin par le président de la commission, je pense que le rapport n’est pas prêt, les renseignements ne m’ayant été demandés que pour demain ; il aura donc lieu de passer au second ordre de l’ordre du jour, qui est, je crois, le projet de loi sur les chemins vicinaux.

M. Gendebien – Messieurs, nous avons également à l’ordre du jour le projet de loi sur le traitement des légionnaires ; d’après les renseignements qui me sont parvenus, il me paraît qu’il sera impossible de discuter ce projet sans qu’on ait fait réimprimer le rapport et les divers propositions qui ont précédé le rapport. J’inviterai le bureau à vouloir examiner quelles sont les pièces qu’il conviendra de faire réimprime, afin que, le jour de la discussion venu, nous ne soyons pas de nouveau dans la nécessité d’ajourner cet objet.

M. Verdussen – J’appuie la proposition de M. Gendebien, dans ce sens qu’elle consisterait à faire tirer un certain nombre d’exemplaires du rapport qui a été fait sur la matière ; car il y a un grand nombre de membres qui ne faisaient pas partie de la chambre lorsque le rapport a été fait, et il faut que tout le monde se rende compte de la question, ce qui n’est pas possible lorsqu’on n’a pas les pièces sous les yeux.

M. Fallon – Voici, messieurs, les pièces qu’il conviendrait de faire réimprimer : M. Corbisier a fait primitivement une proposition qu’il a modifiée ensuite ; cette seconde proposition a été renvoyée à la section centrale qui a proposé des modifications ; lorsque le rapport a été mis en discussion, trois amendements ont été proposés, l’un par M. H. de Brouckere, l’autre par M. Donny et le troisième par M. de Robiano ; toutes ces propositions ont été renvoyées à une commission dont j’ai fait partie et au nom de laquelle j’ai fait un rapport. Les pièces qu’il serait important de mettre sous les yeux de la chambre seraient donc :

1° la dernière proposition de M. Corbisier, 2° le rapport de la section centrale ; 3° les amendements et 4° le rapport de la commission.

- La chambre consultée décide que les pièces indiquées par M. Fallon seront imprimées et distribuées.

Projet de loi relatif aux chemins vicinaux

Discussion générale

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) demande que la discussion s’établisse sur le projet du gouvernement ; il indiquera successivement ceux des amendements de la section centrale auxquels il se rallie.

M. Vandenbossche – Le mauvais état, messieurs, où se trouvent en général nos chemins vicinaux, la déplorable négligence que l’on ne voit que trop souvent mettre à leur entretien, le défaut d’une véritable sanction des lois existantes, et même leur insuffisance d’ailleurs pour notre époque, réclame impérieusement une loi sur cette matière.

Les autorités communales n’osent souvent pas en ordonner les réparations nécessaires. Elles n’osent pas même toujours en réprimer les usurpations, dont il arrive qu’elles sont aussi parfois coupables ; les commissaires voyers en font ordinairement l’inspection avec une négligence telle, qu’on finirait pas les envisager comme complètement inutiles. Ils font leurs tournées obligatoires et rétribuées. Ils inspectent quatre ou cinq communes en un jour, se reposent sur les renseignements que le bourgmestre leur donne sur les chemins, et retournent assez souvent chez eux, sans avoir vu, de leurs propres yeux, un autre chemin que ceux qu’ils étaient forcés de parcourir pour arriver d’un bourgmestre à l’autre.

Je connais une commune qui a plus de 3,000 habitants,et laquelle, aujourd’hui, n’a pas un seul chemin vicinal où deux charrettes non chargées pourraient marcher de front ou s’éviter sur toute la longueur. A la porte de la capitale, à St-Josse-ten-Noode, je trouve une rue, que j’ai été dans le cas de parcourir souvent, laquelle, pendant une grande partie de l’année, est impraticable pour les voitures et même pour les piétons. Longtemps je l’ai envisagée comme un chemin de voisinage, un chemin de servitude, une issue enfin pour quelques maisons vers la chaussée de Louvain ; on m’a finalement assuré que la rue porte un nom, qu’elle s’appelle rue du Cardinal, et en flamand Koningstraete ; que c’est d’ailleurs un chemin vicinal de grande communication, aboutissant d’un bout à la chausse de Louvain, de l’autre, par Woluwe-St-Lambert et St-Pierre, à la chaussée de Tervueren. Cependant ces communes ont leur administration chargée de faire entretenir les chemins vicinaux ; elles sont inspectées soit par des commissaires voyers spéciaux, soit par des commissaires de district chargés de ces fonctions, et leur pouvoir est suffisant pour faire exécuter les réparations indispensables, même, quand il y a de la bonne volonté, pour faire redresser les usurpations que les chemins pourraient avoir subies.

Ces exemples démontrent que les chemins vicinaux ne réclament pas seulement une loi, mais ils assignent encore le caractère qu’elle doit avoir. Il ne suffit pas de confirmer ou d’entendre le pouvoir des administrations locales, des commissaires voyers et des états provinciaux, mais aussi de leur prescrire des obligations.

Je connais un chemin vicinal de grande communication, qui exige impérieusement, sur une centaine de mètres de longueur, qu’il soit pavé ; la commune en a les moyens ; il est négligé, et la régence a faire construire un pavé de pur agrément avec l’argent qu’elle avait de disponible pour être affecté aux routes communales. Quand on ne peut pas faire tout à la fois, il conviendrait de faire surveiller qu’on commence au moins par le nécessaire.

Sous les termes de chemins vicinaux, on comprend en général tous les chemins qui parcourent une commune autre que les grandes routes de l’état et les routes provinciales.

On rencontre différentes espèces de chemins vicinaux auxquels les anciens décrets et règlements appliquaient des dénominations et des largeurs différentes d’après leur importance.

Le projet ne détermine aucune largeur : « Les plans indiqueront, dit l’article 3, la largeur qu’il doit avoir par suite des recherches et reconnaissances légales. » Voudrait-on ici les astreindre à se borner aux largeur fixées par les anciennes lois et décrets sur les chemins ? La largeur qu’on a trouvée convenable, 80 ans avant nous, suffira-t-elle encore de nos jours où le mouvement des voitures est triplé ou quadruplé ? – Suffira-t-elle à notre époque, où une utilité est assez généralement avouée de border les chemins d’une rangée d’arbres dans l’intérieur des fossés latéraux ? Evidemment non. Je pense donc qu’aux grandes chemins communaux il conviendrait de fixer un minimum de largeur, et de laisser aux communes et aux états provinciaux de leur donner une largeur plus considérable d’après les circonstances.

En Flandre, les chemins principaux d’une commune étaient appelés « pont straeten », chemins vicinaux proprement dits, ou chemins de grande communication. Il leur était prescrit d’avoir 26 pieds, 7 ½ mètres environ de largeur, fossés latéraux compris. Les chemins qui y succédaient, d’une moindre importance, quoique servant à la généralité de la commune, étaient appelés « prochie straeten », chemins communaux, lesquels avaient aussi leur largeur déterminée. D’autres recevaient leur dénomination de leur largeur ou étaient connus sous le titre de sentiers ou issues. Tous ces chemins, qu’ils appartiennent à la commune ou qu’ils ne soient que des chemins de servitude, il suffit qu’ils soient publics, pour être soumis à la surveillance de l’administration communale et des commissaires voyers. Quant aux deux premiers, je crois qu’il est nécessaire que la loi détermine le minimum de la largeur, et par ainsi il s’agit bien de leur donner une définition ou description quelconque.

Les routes provinciales et les routes de l’état sont trop connues et trop marqués pour pouvoir être confondues avec des chemins vicinaux. D’ailleurs, on peut en exiger des désignations spéciales.

Un chemin vicinal proprement dit pourrait être défini, sans inconvénient, je pense : celui qui, par ses deux extrémités, communique avec le centre de deux communes différentes, ou avec une route provinciale ou une route de l’état ; et j’estime que le minimum de sa largeur pourrait être déterminé à 8 mètres, fossés latéraux compris.

Un chemin communal pourrait être défini, je crois, sans rencontrer des difficultés sérieuses : celui qui, par ses deux extrémités, aboutit à un chemin vicinal, ou par l’une à un chemin vicinal, et par l’autre à une route provinciale ou une route de l’état. D’ailleurs on pourrait également pour ces chemins exiger des administrations communales, d’accord avec les députations des états provinciaux, des désignations spéciales. Le minimum de la largeur de cette seconde espèce de chemins pourrait être déterminé à six mètres. La largeur des autres voies de communication pourrait être abandonnée aux soins des administrations locales et des états provinciaux.

Le but que nous devons nous proposer par la loi qui nous occupe, n’est point, je crois, de pourvoir uniquement aux réparations et entretien convenables des chemins tels qu’ils existent, mais de pourvoir aussi à leur amélioration, indépendamment de leur entretien ; de leur procurer une plus grande largeur et un alignement ; d’autoriser des plantations d’arbres de haute futaie sur les chemins et endéans les fossés latéraux, là où les communes le jugeraient à propos. Il est reconnu que les racines des arbres plantés dans la rue sucent quatre fois plus d’humidité que ne ferait un soleil sans ombre ; d’ailleurs l’ombre d’un arbre de haute futaie, convenablement élagué, est trop insignifiante pour craindre son influence sur l’état d’un chemin. Un agrément et en même temps une utilité publique serait de voir dans les communes les chemins alignés et tirés au cordeau. Si on ne peut imposer cette obligation aux communes, je pense que la loi devrait les y stimuler au moins autant que possible.

La loi peut leur en fournir les moyens.

La section centrale propose quatre bases de cotisation :

1° Des centimes additionnels aux contribuables ;

2° Une cotisation sur les chevaux, etc. ;

3° Une cotisation personnelle ;

Et 4° une cotisation à fournir par les propriétaires ou détenteurs d’établissements industriels.

Que la première et la quatrième de ces bases s’acquittent en argent, et chaque commune aura assez de fonds pour payer les terrains qu’elle devrait acquérir, les matériaux qu’elle devrait acheter et les travaux d’art qu’elle devrait solder, pour élargir, aligner et paver les endroits nécessaires. En trente années de temps tous les chemins qu’elle possède, et les deuxième et les troisième bases acquittées en nature, suffiront aux terrassements et aux travaux qui ne sont point des travaux d’art.

Une difficulté qui pourrait un peu les arrêter, c’est l’expropriation des terrains nécessaires. Or voilà une difficulté que la loi pourrait leur épargner en grande partie en établissant législativement que la commune ne devra recourir à la loi du 17 avril 1835 que pour les terrains bâtis, les vergers et les jardins à exproprier, mais que, pour les terrains en plein champ, elle pourrait se les approprier moyennant de payer au propriétaire 60 ou 70 fois le revenu net cadastral de la partie qu’elle lui enlèverait. Ce mode d’expropriation serait simple, n’occasionnerait aucun embarras, et aurait d’ailleurs le mérite d’être beaucoup plus équitable que la loi telle qu’elle existe.

M. Corneli – Messieurs, on fait beaucoup de lois, règlements et instructions sur les chemins vicinaux ; ces mesures plus ou moins complètes n’ont cependant généralement point répondu à ce qu’on attendait.

Le gouvernement a senti la nécessité de nous présenter une loi générale afin d’établir, pour tout le royaume, des bases fixes et des principes uniformes pour donner aux dispositions des divers règlements provinciaux sur les chemins vicinaux que l’expérience aurait consacrés, la plus haute sanction

Si on avait tenu compte de l’expérience au lieu de suivre des théories inutiles et d’admettre des dispositions faites pour un autre pays, je ne pourrais que féliciter les auteurs du projet de loi, car ils auraient rendu un service immense au pays.

L’expérience nous apprend que les chemins vicinaux sont généralement mauvais, parce que les autorités chargées de les entretenir manquent de bonne volonté, d’intelligence ou de moyens légaux.

La loi que nous discutons devrait avoir pour but de suppléer à ce qui peut manquer à ces autorités, ou de bonne volonté, ou d’intelligence ou de moyens. J’ai sérieusement examiné l’ensemble de la loi et ses diverses dispositions, et je me suis demandé : répond-elle entièrement à ce que l’expérience a constaté ? Malheureusement j’ai dû me répondre non.

En matière d’administration, la bonne volonté doit être communiquée aux autorités communales par les lois et les règlements d’abord, mais surtout par une bonne surveillance de la part des autorités de l’arrondissement et de la province ; or, avec les principes du projet de loi, cette surveillance trop générale et trop étendue devient impossible. Une classification des divers chemins, soit d’arrondissement, de canton et de commune devient nécessaire afin de déterminer à l’établissement et à l’entretien de quel chemin une plus grande masse d’habitants est intéressée, et pour la réparation des quels il faudra de plus stimuler le zèle et l’activité des agents chargés de ces soins, et sur l’état desquels les autorités provinciales exigeront des rapports plus ou moins fréquents. Quoi que vous fassiez, vous aurez des communes dont les autorités et les habitants mettront spontanément tout en œuvre pour entretenir convenablement les communications : pour ceux-ci la loi est plus ou moins inutile. Mais les administrations négligentes doivent être forcées, et ceux qui sont chargés de faire exécuter le loi doivent savoir quels sont les chemins dont la réparation est la plus urgente.

Il est plusieurs autres rapports sous lesquels une classification est nécessaire. Je crois inutile de les indiquer ; ceux dont j’ai parlé me paraissent péremptoires.

Un second point, c’est qu’il faut suppléer à l’intelligence nécessaire pour réparer et entretenir d’une manière durable et avec économie ; la chose est plus difficile parce que l’expérience seule peut la donner ; il faut donc, pour ainsi dire, forcer les agents chargés de la réparation et de l’entretien des chemins vicinaux à l’acquérir. Les seuls moyens, à mon avis, d’engager les autorités communales à examiner l’état des chemins, de les contraindre à se rendre sur les lieux et de déterminer d’avance les genres de travaux à exécuter pour réparer et la quantité de matériaux à apporter pour entretenir les chemins à leur état de viabilité, surtout de déterminer quels fossés il faudra ouvrir pour faire écouler les eaux et quel niveau il faudra sous ce rapport donner aux chemins, c’est que les travaux à exécuter et les matériaux à apporter soient déterminés par des mesures exactes, soit par métrés, soit de toute autre manière convenable, et jamais à la journée, ou par charretées. Si vous déterminez que les prestations seront fournies de cette dernière manière, vous entretenez les habitudes de fraude et de paresse parmi ceux qui les doivent, et les agents chargés de les appliquer au profit de la commune, n’apprendront jamais à déterminer les genres de travaux et les quantités de matériaux nécessaires ; ils ne sauront jamais dresser un devis estimatif quelque peu exact ; ils feront des travaux en l’air, et la véritable nécessité ne sera point comprise, et les autorités provinciales autoriseront des travaux sans base et des réparations sans connaissance de cause.

Je sais que la chambre sera difficile et qu’on rencontrera des obstacles ; mais, pour peu que les autorités provinciales y mettent de la bonne volonté, deux ou trois années d’expériences suffiront pour mettre les administrations locales au fait de ces genres de travaux.

Il est d’autres règles d’exécution de travaux qu’il est nécessaire de suivre pour parvenir à un bon résultat ; la loi ne peut point les contenir et des instructions soit générales, soit provinciales, devront suppléer ; j’insisterai surtout sur l’établissement de fossés le long des chemins communaux les plus importants et sur leur entretien régulier, afin que l’herbe qui croîtrait dans les fossés ne soit point rejetée dans les ornières ; car, selon l’expérience, rien ne dégrade les chemins autant que les herbes enfouies.

Je viens maintenant aux moyens que la loi doit fournir aux administrations, ils consistent en argent ou en prestations en nature. Jusqu’à présent la grande difficulté a été de mettre ces moyens à la disposition des autorités communales ; des règlement sans sanction et des rôles de répartition sans moyens de les faire exécuter sont en effet de faibles ressources. Sous ce rapport la loi ne manquera point de porter d’heureux résultats.

Mais ici se présente une première question : faut-il que la répartition se fasse en argent ou en prestations ? Cette question ne peut point se présenter dans le peu de communes dont les revenus ordinaires sont suffisants pour couvrir les travaux ; mais dans les autres, je n’hésite point un instant, il faut prescrire que la répartition soit faite en nature et, comme je l’ai déjà dit, d’après des mesures exactes ; et qui plus est, il faut que la prestation soit fournie en nature par le contribuable en personne ou par des ouvriers payés par lui ; en faire autrement serait trop souvent donner cours à la fraude, et soustraire la prestation de la contribution au contrôle commun des habitants. Je sais qu’il est des travaux qu’on ne peut point exécuter sans employer des ressources pécuniaires, mais ces travaux sont ou ordinaires, et dans ce cas, les revenus ordinaires et généraux de la commune doivent y faire face, ou extraordinaires et ne se reproduisant point tous les ans, et dans ce cas il faudra créer aussi des ressources extraordinaires, soit sur des excédents de revenus, soit au moyen d’une répartition.

Mais créer des ressources communales ordinaires au moyen de centimes additionnels à la cote des contributions directes, pour en faire un fonds spécial applicable seulement à l’entretien des chemins vicinaux, me paraît dangereux, et devoir jeter la perturbation dans la comptabilité communale et constituer une source permanente d’injustices.

La chose me paraît dangereuse, parce qu’elle donnera lieu à trop d’abus : l’exécution des travaux qu’on paiera sur ce fonds commun sera trop souvent confiée et toujours mal exécutée par les agents communaux eux-mêmes et par leurs amis, et dans ce cas le contrôle de l’autorité sera nulle . Il ne faut jamais mettre l’homme entre son devoir et son intérêt. On me dira qu’on pourra mettre les travaux en adjudication ; et j’en conviens, ce moyen sera quelquefois efficace, mais le plus souvent il n’y aura, dans ces adjudications, aucune concurrence, et le moyen sera pire que le mal, car on fera payer plus cher sans qu’il y ait à redire.

Quant aux injustices qui en résulteront, je les connais par expérience, par les réclamations des habitants des communes situées près des frontières d’une province où la chose existe ; le mal sera plus sensible entre communes de la même province : je dois poser un exemple pour me faire comprendre. Deux communes limitrophes imposent des centimes additionnels aux contributions directes, et les propriétés, comme c’est presque toujours le cas sont très divisées et possédées par des habitants des deux communes. Dans l’une, les habitants travailleront avec zèle aux réparations des chemins vicinaux ; dans l’autre, on négligera cette réparation, on trouvera même convenable d’en faire exécuter une grande partie au moyen d’adjudications. Qu’en résultera-t-il ? qu dans l’une il n’y aura presque pas de centimes additionnels, que dans l’autre le montant sera plus grand, et qu’en définitive les habitants de la commune diligente paieront pour les habitants paresseux de l’autre.

J’ai dit qu’une telle mesure jetterait la perturbation dans la comptabilité communale ; il est inutile d’entrer dans des détails à cet égard ; tous ceux qui sont un peu au courant comprendront qu’il y a même impossibilité de faire marcher cette mesure avec la comptabilité communale établie : pour la mettre à exécution, il faudrait faire faire un compte à part, un budget à part, une caisse à part. Certes, ce n’est point ce que vous voudrez, messieurs.

Je crois donc qu’il ne faut point sortir des prestations en nature, les faire répartir sur les habitants, leurs chevaux et voitures, et maintenir la base toute personnelle et communale de la loi.

Les administrations communales qui comprendront leur devoir, qui travailleront avec zèle et intelligence, trouveront moyen avec ces ressources d’entretenir les chemins communaux en bon état.

Je crois en avoir dit assez, messieurs, pour faire comprendre qu’à moins d’amendements notables je voterai contre les projets de loi du gouvernement aussi bien que de la section centrale.

- Personne ne demandant plus la parole, il est passé à la discussion des articles.

Discussion des articles

Chapitre I. De la reconnaissance et de la délimitation des chemins vicinaux

Article 1 du projet du gouvernement

« Art. 1er. Un chemin est vicinal, quel que soit le mode de circulation, lorsqu’il est légalement reconnu nécessaire à la généralité des habitants d’une ou de plusieurs communes, ou d’une fraction de commune. »

La section centrale propose la suppression de cet article.

M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à cette suppression ?

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Oui, M. le président. Quoique désirable qu’il soit d’avoir une définition exacte de ce qu’on doit entendre par chemin vicinal, je conviens que dans l’expérience une définition pourrait souvent embarrasser les administrations.

La chambre vote la suppression de l’article premier.

Article 2 du projet du gouvernement

« Art. 2. Dans les communes où il n’existe pas de plans généraux d’alignement et de délimitation des chemins mentionnés à l’article 1er, les administrations communales feront dresser ces plans dans le délai de deux ans à dater de la publication de la présente loi.

« Elles feront dans le même délai, compléter, s’il y a lieu, les plans existants. »

« Art. 2 (projet de la section centrale). Dans les communes où il n’existe pas de plans généraux d’alignement et de délimitation des chemins et sentiers vicinaux, les administrations communales feront dresser ces plans dans le délai de deux ans, à dater de la promulgation de la présente loi.

« Elles feront, dans le même délai, compléter, s’il y a lieu les plans existants. »

M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à l’addition des mots « et sentiers vicinaux », proposée par la section centrale ?

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Oui, M. le président ; cette addition est une conséquence de la suppression de l’article premier.

M. Verdussen – Messieurs, d’après l’article 2 il s’agit seulement de faire des plans généraux d’alignement, là où il n’y en a pas. Mais cet article présente une lacune : il y a plusieurs communes où des plans existent et depuis assez longtemps, mais les défectuosités dont ces plans sont entachés, sont telles qu’il vaudrait mieux qu’il n’en existât pas. Je voudrais donc que les plans qui existent, soient révisés, et, pour atteindre ce but, il suffirait d’ajouter le seul mot « réviseront » dans le deuxième paragraphe de l’article, qui alors serait ainsi conçu :

« Elle réviseront ou feront compléter, dans le même délai, s’il y a lieu, les plans existants. »

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, ce second paragraphe doit être entendu, à mon avis, dans le sens le plus général. Toutefois, puisque des doutes sont signalés à cet égard, je ne vois aucune difficulté à ce que l’on modifie la rédaction du deuxième paragraphe en ce sens : « Elles feront compléter ou réviser, etc. » ; car il ne faut pas imposer aux communes cette révision, qui ne doit être opérée que là où elle est nécessaire.

M. Verdussen – Je me rallie à cette rédaction.

- L’amendement est ensuite mis aux voix et adopté.

L’article, ainsi amendé, est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 3 du projet du gouvernement

« Art. 3. Les plans dressés, révisés et complétés en exécution de l’article précédent, indiqueront, outre la largeur actuelle du chemin, la largeur qu’il doit avoir par suite des recherches et reconnaissances légales, ainsi que la contenance et la désignation des emprises à faire sur les riverains. »

La section centrale adopte l’article.

M. Lebeau – Messieurs, comme cette loi doit être principalement exécutée par des administrations qui ne sont pas trop habituées à interpréter les lois, je crois qu’il serait bon de rendre la pensée du gouvernement et celle de la section centrale plus précise qu’il ne l’est dans l’article 3 ; je crois qu’après ces mots : « outre la largeur du chemin », il serait utile d’ajouter ceux-ci : « y compris les fossés. » Les fossés sont une condition nécessaire de la bonté des chemins vicinaux ; or, il est des communes où cet objet est négligé ; il convient dès lors que le langage de la loi soit bien explicite à cet égard.

M. Vandenbossche – Je demande que l’on supprime dans l’article les mots : « par suite des recherches et reconnaissances légales. »

- L’amendement est appuyé.

M. de Muelenaere – Messieurs, il faut conserver l’article tel qu’il est ; si la suppression des mots dont il s’agit est adoptée, l’article serait ainsi conçu :

« les plans dressés, révisés, et complétés en exécution de l’article précédent, indiqueront, outre la largeur actuelle du chemin, la largeur qu’il doit avoir.. »

Mais quelle est cette largeur ? Il dépendra de l’opinion des administrations communales de donner au chemin une largeur quelconque, une largeur indéterminée. Les plans généraux qui doivent être dressés en vertu de l’article 2 n’ont qu’un but : c’est de déterminer la largeur actuelle du chemin ou bien la largeur que le chemin doit avoir par suite des recherches légales qui auront été faites, sans qu’il y ait lieu, de la part de communes, à payer des indemnités à ceux qui auraient usurpé des parties de chemin. Il faut donc nécessairement conserver l’article.

M. Vandenbossche – On pourrait, je pense, prévenir les craintes des honorables préopinants, si on ajoutait à l’article : « la largeur qu’il doit avoir, laquelle ne peut être moindre que celle prescrite d’après les recherches et les reconnaissances légales. »

Le sens de l’article est qu’on ne pourrait jamais la dépasser.

C’est afin de donner les moyens de dépasser la largeur prescrite par les règlements et décrets que je proposais mon amendement.

M. de Muelenaere – Je crois inutile de prolonger la discussion. L’honorable préopinant confond des choses distinctes. Si le chemin n’a pas la largeur convenable, il faut recourir à l’article 11 qui dit de quelle manière il faut procéder pour donner au chemin la largeur qu’il convient qu’il ait.

- L’amendement de M. Vandenbossche n’est pas adopté.

Celui présenté par M. Lebeau est adopté, ainsi que l’article amendé.

Article 4 du projet du gouvernement

« Art. 4. Ces plans seront exposés pendant deux mois au secrétariat de la commune. »

« L’exposition sera annoncée par voie de publication et d’affiches, dans la forme ordinaire et dans un journal de la province. »

M. de Muelenaere – Il me semble que l’insertion dans un journal a pour but de prévenir les propriétaires intéressés. Je pense qu’il vaudrait mieux dire que l’insertion aura lieu dans un journal de l’arrondissement et, à défaut, dans un journal de la province ; car c’est surtout dans l’arrondissement qu’on a intérêt à savoir que les plans sont exposés au secrétariat de la commune. Je voudrais donc que l’insertion eût lieu dans un journal de l’arrondissement plutôt que dans un journal du chef-lieu.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on prescrive l’insertion dans un journal de l’arrondissement ; les frais ne peuvent pas être considérables, parce que le nombre des communes où il y a des plans généraux à faire n’est pas tellement grand que l’insertion dont il s’agit puisse donner lieu à une grande dépense. Mais je demanderai l’addition des mots : « s’il en existe », parce qu’il a été un temps ou dans certaines provinces il n’y avait pas de journal, non seulement dans les arrondissements, mais au chef-lieu.

Je proposerai donc de dire : « et dans un journal de l’arrondissement et de la province, s’il en existe. »

M. le président – D’après cet amendement, l’insertion est obligatoire, et dans un journal d’arrondissement, et dans le journal de la province ; mais cette obligation est subordonnée à l’existence de ces journaux.

M. Rogier – Je crois que la publicité à donner au dépôt des plans, dans l’intérêt des propriétaires est suffisamment garanti par l’article 5 qui exigent qu’ils soient avertis à domicile. L’insertion dans le journal de l’arrondissement est moins nécessaire que celle dans le journal de la province, parce que les propriétaires qui habitent l’arrondissement seront plus tôt avertis que ceux qui habitent le chef-lieu de la province.

Mon observations porte principalement sur les mots : « s’il en existe ». je regarde ces mots comme inutiles. J’en demanderai le retranchement comme injurieux à la civilisation de nos provinces. Je ne crois pas qu’on doive insérer dans une loi l’hypothèse de la non-existence d’un journal dans l’une de nos provinces. S’il n’y a pas de journal, l’insertion n’aura pas lieu. S’il y a eu une province qui se soit trouvée sans journal, j’espère que cela n’arrivera plus ; mais enfin, s’il en était autrement, l’insertion aurait lieu au Moniteur ou dans un journal de la province la plus voisine.

Dans tous les cas, je regarde l’insertion des mots « s’il en existe » comme injurieuse à la civilisation de nos provinces, et je m’oppose à leur admission.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je pense que si la loi portait l’obligation de l’insertion de l’avis dans un journal de l’arrondissement et de la province et qu’il n’existât pas de journal, ni dans l’arrondissement, ni au chef-lieu, on pourrait prétendre que les formalités n’ont pas été observées et qu’on en peut pas passer outre. C’est pour cela que je crois qu’on doit maintenir les mots : « s’il en existe. »

Ce sont les faits qu’on doit ici consulter en premier lieu. Or, il est certaine province qui pendant plusieurs années n’a eu ni journal de province ni journal d’arrondissement, et cependant les habitants de cette province se piquent d’être aussi avancés en civilisation que ceux des autres provinces. Au reste, le plus ou moins de civilisation d’une province ne tient pas à ce qu’un journal s’y imprime, car on y reçoit les journaux de la capitale et des autres localités.

M. de Muelenaere – Je pense avec un honorable préopinant que l’insertion dans un journal du chef-lieu de la province est utile ; mais je pense qu’il est utile et même indispensable, dans certaines localités, que l’insertion ait lieu dans un journal d’arrondissement. Eh bien, c’est ce que M. le ministre de l'ntérieur dit dans son amendement.

- L’amendement de M. le ministre de l'ntérieur est mis aux voix et adopté.

L’article 4 est adopté avec cet amendement.

Article 5 du projet du gouvernement

« Art. 5. Les propriétaires des parcelles indiquées au plan comme devant être restituées ou incorporées au chemin, en seront avertis avant le jour du dépôt du plan.

« Cet avertissement leur sera donné sans frais, au moyen de la signification qui leur en sera faite, à la requête du collège des bourgmestres et échevins, par l’officier de police ou le garde champêtre du lieu, soit à personne, soit à domicile, s’ils habitent la commune. Dans le cas contraire, l’avertissement sera adressé par la voie de la poste aux lettres, si leur résidence est connue ; il sera en outre affiché deux fois à huit jours d’intervalle suivant le mode usité. »

M. de Muelenaere – Je crois qu’il faudrait changer le premier paragraphe de cet article, et dire, au lieu de : « en seront avertis avant le jour du dépôt du plan », « seront avertis du jour du dépôt du plan. »

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Cette observation est très juste ; mais c’est un détail d’exécution. Il est impossible d’entrer dans tous les détails de la loi. Il va sans dire que les propriétaires seront avertis du jour du dépôt du plan.

M. Heptia, rapporteur – L’article n’a pas été rédigé ainsi, parce que les propriétaires ne doivent pas être avertis simplement du jour du dépôt du plan, mais encore de l’objet spécial pour lequel ils seront appelés à vérifier les plans.

- L’article 5 est mis aux voix et adopté.

Articles 5 et 6 du projet du gouvernement

« Art. 6. Pendant le délai fixé à l’article 3, tout individu a le droit de réclamer, soit contre les plans nouveaux, soit contre les rectifications apportées aux plans existants. »

M. Verhaegen – Je crois que l’on devrait faire droit ici à l’observation fort juste faite sur le précédent article par l’honorable M. de Muelenaere. Ce n’est pas, comme on l’a dit, un détail d’exécution. Il s’agit de déterminer le jour à partir duquel commence le délai au moyen duquel s’acquiert la prescription. Evidemment cela doit être dans la loi.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – On pourrait faire droit à cette observation en commençant l’article par ces mots : « Pendant le délai de deux mois, à dater du dépôt des plans… »

M. le président – La discussion sur cet article est continuée à demain.

- La séance est levée à 4 heures un quart.