(Moniteur belge n°43, du 12 février 1838 et Moniteur belge n°44, du 13 février 1838)
(Moniteur belge n°43, du 12 février 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« La chambre de commerce de Louvain renouvelle ses observations contre le projet de loi sur le sel. »
« Plusieurs négociants en toiles, de Louvain, demandent qu’il soit établi : 1° un droit d’exportation sur les lins et les étoupes ; 2° un droit élevé d’importation tant sur les fils que sur les toiles et 3° qu’il soit accordé des primes d’exportation pour les produits de la fabrication indigène. »
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, vous venez d’entendre l’analyse d’une requête des négociants en toile de la ville de Louvain ils vous signalent l’état de souffrance de l’industrie linière, et vous demandent des moyens de venir à son secours, qui consistent, selon eux, dans un droit à établir sur le lin et l’étoupe à la sortie, et sur les fils anglais à l’entrée. Sans vouloir préjuger en rien cette grave question, je demande le renvoi de cette requête à la commission d’industrie, qui s’en occupe dans ce moment.
- La proposition de M. de Man d’Attenrode est mise aux voix et adoptée ; en conséquence la pétition de la chambre de commerce de Louvain est renvoyée à la commission d’industrie.
L’autre requête est renvoyée à la commission des pétitions.
M. le président. - Dans la séance d’hier M. le ministre de l’intérieur a déposé trois projets de lois dont l’un est relatif aux chemins vicinaux, l’autre à une séparation de communes, et le 3° aux ventes à l’encan ; ce dernier projet étant urgent, on pourrait décider immédiatement s’il sera renvoyé aux sections ou à une commission. Ce matin les présidents des sections se sont réunis, et ils sont convenus que, si la chambre renvoyait ce projet aux sections, il pourrait y être mis à l’ordre du jour pour lundi, avec le projet de loi relatif au droit sur le café.
- La chambre prononce le renvoi aux sections du projet de loi sur les ventes à l’encan.
Le projet de loi relatif à une séparation de communes est renvoyé à une commission qui sera nommée par le bureau.
M. le président. - On statuera ultérieurement sur le projet de loi concernant les chemins vicinaux, lorsqu’il aura été imprimé et distribué.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, j’ai l’honneur de présenter à la chambre un projet de loi général sur les pensions ; ce projet comprend toutes les pensions civiles et ecclésiastiques, c’est-à-dire toutes les pensions à l’exception des pensions militaires et civiques qui sont réglées par des lois particulières.
Vous avez été précédemment saisis, messieurs, d’un projet de loi spécial concernant la caisse de retraite des employés du ministère des finances ; comme les pensions de ces employés se trouvent comprises dans le projet que j’ai l’honneur de vous soumettre, je dépose en même temps un arrêté royal pour retirer le projet de loi relatif à la caisse de retraite.
M. le ministre donne ensuite lecture de l’arrêté royal dont il s’agit.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, j’ai également l’honneur de vous présenter un projet de loi réclamé par l’article 139 de la constitution, un projet de loi sur le cumul ; ce projet est en quelque sorte le corollaire et le complément du projet de loi sur les pensions, que je viens de déposer.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution des projets présentés par M. le ministre des finances ; ces projets sont renvoyés aux sections.
M. Scheyven. - Messieurs, dans la séance d’hier, M. le ministre des finances a déposé un projet de loi concernant le droit de douanes sur le café. D’après les renseignements que j’ai reçus, il paraît que le gouvernement a demandé sur cet objet l’avis des chambres de commerce ; je crois qu’il serait très utile que le gouvernement nous communiquât les renseignements qu’il a reçus, afin que nous fussions à même d’examiner le projet en sections avec connaissance de cause, car moi et beaucoup de mes honorables collègues n’avons pas une connaissance spéciale en cette matière. Je crois donc qu’il est indispensable que le gouvernement nous donne communication des avis des chambres de commerce.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je n’ai aucune objection à faire contre la proposition de l’honorable préopinant ; si la chambre le désire, la communication qu’il demande sera faite.
M. Scheyven. - Il est d’autant plus important que cette communication ait lieu, que je tiens ici une copie de l’avis de la chambre de commerce de Venloo, laquelle pense que si le projet de M. le ministre des finances était adopté, tout le commerce de cette ville serait anéanti ; il est important que la chambre connaisse les motifs qui ont été allégués par cette chambre de commerce.
Je demanderai que les avis dont il s’agit soient imprimés et distribués aux membres de la chambre, avant l’examen par les sections du projet de loi dont il s’agit.
- La chambre décide que les avis des chambres de commerce seront imprimés et distribués.
M. le président. - Maintenant désire-t-on que le projet ne soit mis à l’ordre du jour des sections, qu’après l’impression et la distribution des avis des chambres de commerce.
Plusieurs membres. - Oui.
M. le président. - Alors aussitôt que l’impression sera faite, les sections seront convoquées pour s’occuper du projet.
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne reprends la parole que pour dire deux mots de l’article 112 de la constitution, en réponse à l’honorable M. Dubus. D’après cet honorable préopinant, qui a annoncé qu’il voterait contre la proposition du gouvernement, le texte de l’article 112 de la constitution ne pourrait ici recevoir son application ; quant à moi, je pense que la solution de la question dépend de l’article 112, et je maintiens tout ce que j’ai dit à cet égard. L’honorable M. Dubus a dit que si l’article 112 était entendu comme je l’entends, la constitution se serait violée elle-même ; je vous avoue, messieurs, que j’ai eu peine de comprendre cet argument ; une loi ne se viole jamais elle-même ; il faut examiner toutes les dispositions d’une loi dans leur ensemble. Lorsque dans une loi il a été posé un principe et qu’il s’y rencontre une autre disposition qui déroge à ce principe, il en résulte que la loi, en établissant une règle générale a, en même temps, établi une exception à cette règle ; il ne faut donc jamais consulter un article de loi isolément. Ainsi, quand on examine l’article 112, il faut le mettre à côté de l’article 47 ; voilà la première réponse que j’ai à faire à l’honorable M. Dubus ; mais il en est une autre tout aussi péremptoire : l’article 112 ne dit pas du tout ce que lui fait dire l’honorable préopinant ; l’article 112 ne dit pas que tous les impôts doivent être mis sur la même ligne, ce qui semble résulter de l’opinion de l’honorable membre ; l’article 112 n’a d’autre portée que d’établir que tous ceux qui paient l’impôt (sans encore examiner quelle espèce d’impôt) doivent être mis sur la même ligne.
Ainsi, quand un individu paiera un impôt quelconque, il devra être mis sur la même ligne que son voisin qui paie aussi un impôt.
Il y a une grande différence entre ce principe et ce que l’honorable préopinant fait dire à l’article 112, que tous les impôts devraient être placés dans la même catégorie.
Voici, messieurs, ce que porte l’article 112 :
« Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôt. »
C’est-à-dire que tous ceux qui paient des impôts doivent être placés sur la même ligne. Or, qu’est-ce qu’il y a de contraire en cela à l’article 47 ? L’article 47 dit que quiconque paie en impôts directs une somme de … sera électeur ; il n’y a là rien qui soit en opposition avec l’article 112 ; le principe reste intact. Mais quand même l’article 47 aurait quelque peu dérogé à l’art. 112, la constitution ne se serait pas pour cela violée elle-même.
L’article 112 doit surtout être mis en rapport avec l’article 6, qui dit que tous les Belges sont égaux devant la loi. Or, messieurs, comment voulez-vous admettre que ces articles ne seraient pas violés, si, pour être dans la même position qu’un Belge qui paie 80 florins d’impôt, un autre Belge devrait en payer 95 ? Ce serait là une monstruosité !
Je terminerai par une autre observation qui n’a pas encore été faite : il s’agit de l’opportunité de l’objet en discussion. Est-ce bien le moment de s’occuper d’une question aussi importante alors que la chambre est saisie d’une masse de pétitions en matière électorale ? Doit-elle surtout s’en occuper, dans un sens inverse à l’opinion dominante qui paraît être en faveur d’une augmentation du nombre d’électeurs ?
M. Dubus (aîné). - Je dirai aussi peu de mots en réponse, ou plutôt pour la rectification de ce que vient de dire l’honorable préopinant ; il est d’autant plus nécessaire que je dise quelques mots, que ce que j’ai eu l’honneur de dire hier à la chambre a été tronqué dans le Moniteur. L’honorable membre prétend que j’aurais avancé qu’il y avait antinomie entre l’article 47 et l’article 112 de la constitution ; je n’ai pas dit cela, j’ai dit au contraire qu’il n’y avait pas d’antinomie ; l’argumentation à laquelle je faisais allusion tendait à faire établir une antinomie entre ces deux articles. Je n’ai pas dit d’une manière positive que la constitution se serait violée elle-même, j’ai dit qu’en argumentant comme on le faisait, on arriverait à ce résultat qu’il aurait opposition entre deux articles de la constitution. Voilà ce que j’ai dit, et je le maintiens.
M. Desmet. - Je désire motiver mon vote approbatif du principe de la loi qui nous a été présenté par M. le ministre des finances ; car, messieurs, cette loi offre le meilleur moyen d’arrêter les abus de la boisson ; on n’atteindra pas seulement les liqueurs fabriquées à l’intérieur, mais encore celles qui sont importées de l’étranger. La proposition ne portera pas atteinte à l’industrie de la distillerie, et personne ne peut nier que l’agriculture n’ait nécessairement besoin de cette industrie. Où se commettent les plus grands abus de boisson ? C’est surtout dans les petits cabarets du plat pays ; selon moi, il n’y a pas d’autre moyen pour arrêter ces abus que celui qu’on propose ; ajoutez-y une police un peu plus active, et le bien que nous désirons atteindre le sera ; si j’ai quelque chose à critiquer au projet, c’est que le taux de l’impôt est trop petit, mais le ministre le sent comme moi, il nous a fait entendre que ceci ne servait que d’essai et que plus tard il y aurait moyen de l’augmenter.
Je reviens encore sur la police des cabarets, car vraiment il n’y en a plus du tout, et particulièrement dans le plat pays, rien n’est observé l’égard de la surveillance des cabarets et de leur fermeture le soir aux heures de retraite, et c’est en grande partie au défaut de cette police qu’on doit attribuer les excès en boisson dont on se plaint aujourd’hui.
Tout en approuvant le principe du projet, avant de finir, je désire répondre à l’objection qu’on a faite contre le nouvel impôt, en le voulant faire passer comme un impôt direct, et par conséquent le faire entrer dans le cens électoral. Je ne peux y trouver un impôt direct, mais un véritable abonnement qui frappe sur la consommation des liqueurs fortes, débitées dans les cabarets et autres lieux ouverts au public. Or, jamais vous n’avez vu qu’un abonnement sur la consommation ait été considéré comme un impôt direct. Qu’avez-vous en France depuis la restauration ? C’est que l’exercice sur les cabarets y a été remplacé par un abonnement sur les boissons ; et cependant cet abonnement n’a pas été considéré comme un impôt direct, mais bien comme faisant partie des contributions indirectes.
En Angleterre, vous avez la même chose, l’accise sur les distilleries se paie en une fois pour un certain laps de temps, vous déclarez combien vous pouvez produire, et vous payez une somme capitale proportionnée à la production déclarée ; c’est bien là un abonnement dans toute la force du terme, et cependant cette accise figure dans le budget comme impôt indirect.
Toujours les abonnements ont existé, et jamais ils n’ont été considérés comme impôt direct ; pour pouvoir ranger le nouvel impôt dans la catégorie des contributions directes, on l’assimile et on le fait passer pour une patente. Mais avant de combattre cette assimilation, je demanderai depuis quel temps la patente a été considérée comme impôt direct.
En France elle n’a été rangée parmi les contributions directes que depuis l’arrêté de brumaire an X, avant elle avait toujours été considérée comme impôt indirect ; quand en 1790, l’assemblée nationale a créé les nouveaux impôts et en a fait une quintuple division, elle a rangé le droit qui a remplacé les maîtrises et les jurandes dans la deuxième classe, qui comprenait les impôts qui frappaient sur la consommation, et encore en France on pourrait contester si la patente doit être prise comme impôt indirect, car l’arrêté de brumaire émanait uniquement du pouvoir exécutif, et il ne stipule rien d’autre, que la contribution sur les patentes serait perçue par les percepteurs des contributions directes.
En Belgique ce n’est que depuis la loi de principe sur les contributions, de 1821, que l’impôt patente a été rangé dans la catégorie des contributions indirectes. Je crois que le motif en était de faire percevoir cet impôt par les percepteurs des contributions directes et aussi de soumettre son recouvrement aux mêmes règles que celles suivies pour le recouvrement des contributions, qui sont plus faciles et moins coûteuses que celles à suivre pour le recouvrement des contributions directes.
Si donc il n’avait pas été stipulé chez nous, par une loi, que la contribution sur les patentes appartenait à la catégorie des impôts directs, on pourrait encore mettre en doute si elle y appartient, et c’est la raison, je pense, pour laquelle on a, en rédigeant l’article 47 de la constitution, ajouté aux mots « contributions directes » ceux de « patente comprise, » car, s’il était clair que les patentes formaient une contribution directe, pourquoi fallait-il y ajouter ces mots et quand dans cette même disposition on a parlé de patente, on n’a fait aucune mention des abonnements sur la consommation ; cependant ces abonnements existaient comme aujourd’hui.
L’assimilation au droit de patente n’est donc pas applicable, car, comme je viens de le démontrer, par sa nature la patente appartient plutôt à la catégorie des impôts indirects qu’à celle des directs, et que ce n’est que par une stipulation expresse qu’elle a été rangée depuis 1821 dans la dernière.
D’ailleurs, on peut tenir très peu compte des définitions données des impôts ; souvent elles ne sont pas exactement appliquées, vous en avez l’exemple dans les droits de l’enregistrement sur des biens immeubles ! Peut-on avoir un impôt plus direct que celui-là, et cependant on le considère comme indirect.
En résumé, il me paraît de toute évidence que le nouvel impôt est un abonnement qui frappe la consommation, et dont le montant est payé par le débitant, par conséquent indubitablement une contribution indirecte ; et c’est parce que j’ai cette conviction, que j’envisage que cet impôt ne devra pas être compris avec ceux qui forment le cens électoral, et que je croirai pouvoir donner mon assentiment à l’une des deux propositions déposées sur le bureau ; mais cependant, je déclare formellement que j’aurais préféré que ces propositions n’eussent jamais été rédigées de la sorte, car elles sont toutes deux faites pour embarrasser et faire croire que nous voulons modifier une disposition de la constitution.
En votant donc l’une ou l’autre de ces propositions, celle du ministre ou celle de l’honorable M. Devaux, j’entends seulement déclarer que cet impôt ne doit pas faire partie du cens électoral, parce que je le considère comme un impôt indirect, et que jamais on ne pourra le considérer autrement. C’est donc ainsi que je voterai ces propositions ; et je désire encore le répéter, afin que mon explication soit bien comprise, que mon vote approbatif à la proposition de M. Devaux n’a qu’un seul motif, c’est celui que je considère l’impôt comme indirect, et le juge conséquemment ne pas devoir être compris parmi les contributions d’où est formé le cens électoral ; mais je déclare que je ne partage aucunement les motifs qu’a donnés l’honorable M. Devaux en appui de sa proposition, que je considère même comme dangereux, car on pourrait en conjecturer qu’elle a eu pour but de porter quelque atteinte à une disposition de la constitution.
M. Mercier. - Dans la séance d’hier, j’ai dit qu’aucune définition de l’impôt direct n’était établie par la loi, et qu’il était impossible d’en trouver une qui ne fût pas susceptible de contestation.
La suite de la discussion a prouvé que je ne m’étais pas trompé, et toutes les définitions qui ont été essayées ont été ou peuvent être réfutées, soit comme ne s’appliquant pas à toutes les contributions directes, soit comme s’appliquant à d’autres impôts.
Des orateurs ont longuement examiné si la patente devait être considérée comme contribution directe, et si l’article 47 de la constitution la comprend incontestablement dans l’impôt direct qui forme le cens électoral : pour ma part je n’ai pas élevé l’ombre d’un doute à cet égard et je me suis au contraire attaché à prouver que la patente faisait nécessairement partie de l’impôt direct mentionné à l’article 47 de la constitution ; je l’ai prouvé en rappelant qu’une loi formelle, une loi de principe, celle du 12 juillet 1821, rangeait cet impôt parmi les contributions directes ; cette loi subsistait an moment où la constitution a été votée, et pour que le droit de patente eût pu ne pas faire partie du cens électoral, il eût fallu une disposition expresse à l’article 47 de la constitution pour l’en exclure. Mais est-ce à dire pour cela que tout impôt qui aura quelque analogie avec le droit de patente devra nécessairement aussi être considéré comme contribution directe ? Je le crois d’autant moins que la patente elle-même n’a été rangée parmi les contributions que par une sorte d’exception sept ans après l’établissement de cet impôt, et probablement par le seul motif que la perception en fut opérée par l’agence des contributions directes, après l’avoir été précédemment par la régie de l’enregistrement ; d’ailleurs, messieurs, l’abonnement des débitants de boissons tel qu’il est présenté est tout différent du droit de patentes sous bien des rapports.
1° Il n’est pas établi d’après les bénéfices présumés de l’assujetti, ce qui cependant est le principe fondamental du droit de patente ;
2° Il est hors de toute proportion avec le droit de patente ;
3° Il est uniforme pour tous les redevables d’une même commune ;
4° Par sa nature il tient lieu de droit de consommation sur les boissons spiritueuses ;
5° Il s’établit par semestre et par trimestre et non pas pour toute l’année ;
6° Il doit être intégralement payé par anticipation et non par douzièmes comme les contributions directes.
Ainsi, dans son principe, cet impôt n’a aucune analogie avec le droit de patente : par sa nature, c’est un droit de consommation établi dans le but avoué d’atteindre et d’entraver la consommation des boissons spiritueuses ; dans sa forme, s’il se rapproche en quelques points du droit de patente, nous venons de voir qu’il s’en éloigne en beaucoup d’autres.
Il me semble donc qu’il existe de plus puissants motifs pour ne pas considérer le droit sur les débitants de boissons comme contribution directe que pour l’admettre dans cette catégorie d’impôts ; que par conséquent c’est en le comprenant dans le cens électoral qu’il y aurait violation de l’article 47 de la constitution.
Je voterai donc pour l’amendement de M. Devaux, quoique par des motifs différents de ceux que l’honorable membre a exposés.
M. Angillis. - Malgré la longue discussion qui a eu lieu sur la question qui nous occupe, les difficultés qu’on rencontre toujours quand on discute des objets non définis n’ont pas été aplanies, on a présenté une somme égale d’objections contre les opinions contraires.
Je viens de dire que l’objet dont il s’agit n’est pas bien défini, parce que la définition que les Français ont établie des impôts directs et indirects ne présente ni une idée exacte ni une règle invariable.
La loi du mois de janvier 1790 a donné la définition des impôts directs et indirects, mais cette définition n’est pas très claire ; et surtout elle n’est pas complète. Il y a une foule d’impôts qu’on ne sait dans quelle catégorie classer ; cependant la question nous étant soumise, il faut que chacun de nous cherche à la résoudre. Je présenterai mes observations en peu de mots ; je ne pourrais être long après tout ce qui a été dit.
Pour ce qui est de l’impôt de patente, c’est un impôt direct, cela ne fait pas le moindre doute. La loi créatrice de cet impôt, de 1791, a considéré l’industrie comme une propriété dont la jouissance rend tributaire de l’Etat pour la protection qu’il accorde.
On a prouvé à satiété que l’impôt de patente était un impôt direct et on n’avait pas besoin de cette démonstration pour en être convaincu. Mais que l’impôt qu’on demande aujourd’hui puisse être considéré comme une patente déguisée, c’est ce que je ne puis pas admettre.
L’assemblée constituante après avoir supprimé les anciennes corporations connues sous le nom de maîtrises, de jurandes, de communautés d’arts et métiers, a calculé l’étendue des spéculations des habitants de toutes les classes jadis soumis à des avances très considérables pour être admis à exercer telle ou telle profession, et a établi la patente qui fut considérée comme un moyen de faire cesser les anciens abus et de dégager de toute entrave le commerce et l’industrie. La patente est donc dans son origine considérée comme un acquittement de la protection que l’Etat donne à l’exercice d’une profession regardée comme propriété.
Maintenant l’impôt qu’on vous demande ne ressemble en rien, n’a aucun rapport ni avec les impôts directs, ni avec les impôts indirects, ni avec le droit de patente. On a dit hier qu’il fallait descendre au fond des choses ; d’accord, mais en le faisant, je ne trouve rien qui ressemble au droit de patente ; et selon moi, il n’y pas non plus subterfuge, car il me paraît impossible d’assimiler au droit de patente, le droit qu’on se propose d’exiger des débitants de boissons distillées.
De quelle nature est donc cet impôt ? Selon moi, il est de la nature de la contribution indirecte ; car il ne me paraît être autre chose qu’une augmentation de droit sur une matière déjà soumise à l’impôt indirect. La loi de 1822 organisant ou désorganisant notre ancien système d’impôt, a classé parmi les impositions indirectes le droit sur les boissons distillées. Les distillateurs qui paient un impôt pour l’exercice de leur profession, calculent ce droit dans le prix de vente de leurs produits ; le débitant restitue l’impôt au distillateur, le débitant fait le même calcul que le distillateur, et c’est en définitive le consommateur qui paie l’impôt.
On doit considérer cet impôt comme indirect, parce qu’il est supporté indirectement par le consommateur.
En insérant l’amendement dans la loi, il n’y aura ni mensonge, ni moyen détourné. La loi déclare qu’elle demande un droit de consommation sur une matière déjà soumise à l’imposition indirecte, c’est donc une imposition indirecte qu’elle demande. Or, toute chose doit être ce dont elle porte le nom, à moins qu’on ne prouve que la dénomination est impropre. Cette preuve, on ne l’a pas faite ; ma conviction est restée entière.
L’honorable M. Milcamps vous a dit tout à l’heure : Si les débitants ne vendent rien, vous ferez payer l’impôt à une personne qui n’aura rien vendu, ce n’est donc pas un impôt de consommation. Cet argument, qui a été renforcé par mon honorable voisin M. Verhaegen, n’est pas un argument, parce que si la chose est possible, elle n’est pas vraisemblable. Il ne faut pas croire qu’on trouverait des gens assez mal avisés pour prendre un abonnement de débitant de boissons distillées alors qu’ils seraient sûrs de ne pas vendre. Ceux qui n’auront pas beaucoup de chance de vendre prendront un abonnement pour un trimestre au lieu d’en prendre pour une année.
Avant de finir, je dois déclarer que si je considérais l’impôt comme direct, je voterais comme mes honorables amis, car on ne peut pas réfuter leur argumentation, une fois ce point admis. Mais comme je pense, et là est toute la différence entre l’opinion de mes honorables amis et la mienne, comme je pense, dis-je, que l’impôt dont il s’agit est de sa nature indirect, je voterai pour l’amendement de M. Devaux. Mais je dois déclarer encore que ce vote n’entraîne de ma part aucun engagement sur le vote de l’ensemble.
M. Duvivier. - Je partage en tous points les opinions de MM. Mercier, Angillis et Desmet. Comme eux je suis d’avis que l’impôt demandé aujourd’hui, n’est qu’un supplément d’impôt sur une matière qui est et doit être nécessairement rangée parmi les objets compris dans notre système d’accises. Si vous remontez à la loi sur le système des impôts directs et indirects, dont la date a été plusieurs fois citée dans cette discussion, il est incontestable que tous les impôts sur les liquides distillés figurent dans le cadre des impôts indirects. C’est à l’aide d’un exemple que je vais motiver mon opinion, que l’impôt dont il s’agit en ce moment est réellement un impôt indirect.
Je suppose que les besoins du trésor exigent que les liquides distillés à l’étranger ou dans le pays soient soumis à un impôt de 10 fr. par hectolitre, et que le gouvernement dise : à la fabrication vous paierez 5 fr., au commerce en gros vous paierez 2 fr. 50, et au débit vous paierez 2 fr. 50, vous aurez ainsi 10 fr. perçus de trois manières, de la fabrication, du commerce en gros et du débit ; mais je demanderai à la chambre si ce mode de perception déroge le moins du monde à l’essence de l’impôt ? Non, l’impôt reste indirect, parce qu’il est d’origine, de l’essence de l’impôt d’accise.
Maintenant, si pour éviter les formalités gênantes de l’exercice et une foule de démarches arbitraires auxquelles pourraient se livrer les employés de l’administration des accises, le gouvernement dans un esprit de sagesse, vient demander cet impôt par mode d’abonnement, je crois qu’il n’en change pas la nature par ce mode de perception. L’impôt reste toujours un impôt indirect. C’est dans ce sens que je comprends l’impôt demandé aux débitants de boissons par mode d’abonnement. Ce mode n’a aucune analogie avec ce qu’on qualifie de patente et d’impôt direct. Je suis d’avis que ce supplément n’a aucun caractère d’impôt direct. C’est dans ce sens que je voterai. Je tenais à donner ces explications pour motiver le vote que j’émettrai dans la question.
M. de Langhe. - Messieurs, l’impôt proposé est-il direct ou indirect ? Je n’en sais rien ; et nous discuterions encore pendant huit jours, que je n’en saurais pas davantage. Mon avis, d’ailleurs, est que quand l’impôt serait direct il ne devrait pas être compris dans le cens électoral. L’article 47 de la constitution n’en ferait pas une obligation. Je me rallierai à l’amendement de M. Devaux, qui ne juge pas si l’impôt est direct ou indirect, mais qui dispose qu’il ne sera pas compté dans le cens électoral.
(Moniteur belge n°44, du 13 février 1838) M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’avais annoncé à la fin de la séance d’hier que je prendrais encore la parole dans cette discussion, mais je le crois inutile après avoir entendu les quatre orateurs qui viennent de parler successivement. Ils ont démontré qu’on aurait beau imaginer des nuances diverses dans la forme d’une chose telle que celle qui nous occupe, qu’on n’en changerait pas la nature, et que le but et le résultat de l’impôt dont il s’agit, étant de frapper la consommation, cet impôt ne pouvait que rester impôt indirect.
Je m’abstiendrai donc de répéter ce que viennent de dire les honorables préopinants ; je crois, comme eux, que vous pouvez en toute sûreté de conscience voter le paragraphe proposé par M. Devaux, tendant à ne pas compter dans le cens électoral le droit d’abonnement que nous voulons établir, attendu que tout au moins c’est là un impôt mixte et d’une nature qui ne saurait être parfaitement définie. On peut dire que cet impôt est mixte, parce qu’il présente un caractère particulier qui déroge entièrement à celui de la patente, en ce sens qu’il est, dans l’intention qui l’a suggéré, en quelque sorte préventif ; tranchons le mot, c’est une espèce de peine qu’on veut attacher à la profession des débitants de boissons distillées.
Je ne reviendrai pas sur la similitude qu’on a voulu établir entre le droit perçu par voie d’abonnement et la patente. Je pourrais d’ailleurs contester à la patente, elle-même, le véritable caractère d’impôt direct, et appuyer à cet égard mon opinion des termes qu’il a fallu ajouter dans la constitution et dans la loi électorale, outre la désignation des impôts directs, pour assurer que l’impôt patente soit compté dans le cens électoral ; mais je n’ai pas besoin de m’arrêter à l’argumentation qu’il serait facile d’établir sur ce point ; du moment qu’on doit reconnaître le droit d’abonnement dont il s’agit comme spécial et comme ne devant être nécessairement rangé dans aucune des deux grandes catégories de contribution, il est fort indifférent que j’entretienne la chambre des développements de l’opinion que j’ai que la patente elle-même, dans plusieurs de ses parties, est tout à fait mixte.
Et d’ailleurs, l’honorable M. Dubus, après s’être attaché à démontrer que l’impôt que nous proposions était une patente déguisée sous le nom d’abonnement, a reconnu que l’article 47 de la constitution ne serait nullement blessé dans sa lettre par l’application de l’argument développé par M. Devaux, et consistant à ne pas compter le droit d’abonnement dans le cens électoral, alors même qu’il serait reconnu que l’abonnement est impôt direct. A la vérité M. Dubus a prétendu que si une telle application n’était pas contraire à la lettre de la constitution, elle en blesserait l’esprit ; mais je me permettrai de n’être pas d’accord avec lui à cet égard. Je pense que du moment où l’intérêt du pays réclame une mesure, et que la constitution ne s’y oppose pas d’une manière tout à fait formelle, ce serait fort mal en user que de ne pas prendre cette mesure.
Aujourd’hui, messieurs, la loi électorale a pondéré les différents intérêts des citoyens en établissant les catégories d’impôt qui serviraient à former le cens électoral ; elle y a appelé l’impôt foncier, la contribution personnelle et le droit de patente existant ; ensuite, au moyen d’inégalités réglées selon la richesse des localités, elle est parvenue à établir une justice distributive ; c’est ainsi que, dans telle localité, le cens est de 80 florins, tandis que dans telle autre il n’est que de 30. Eh bien, si nous n’admettions l’impôt proposé que pour autant qu’il fût compter dans le cens électoral, nous détruirions l’équilibre réglé par la loi électorale ; or il y a de graves motifs ici pour ne pas changer de la sorte son économie, car nous froisserions bien plus la justice distributive que veut, avant tout, la constitution, en comprenant le droit d’abonnement dans le cens électoral, qu’en ne l’y comprenant pas.
Je bornerai là ces observations que j’avais eu l’intention de vous soumettre d’une manière plus développée.
Il suffit, pour se rendre un compte exact de la loi, de l’envisager comme l’ont fait les honorables membres qui ont parlé dans cette séance, c’est-à-dire de la considérer simplement dans son but connu et dans son résultat vraisemblable ; sous ce point de vue, chacun doit reconnaître que l’impôt projeté est un impôt de consommation, et par conséquent un impôt indirect, qui ne peut servir au règlement d’aucun cens électoral.
M. Demonceau, rapporteur. - La question dont nous nous occupons en ce moment a été discutée et résolue clairement par votre section centrale ; sur ce point (et c’était, comme vous pouvez en juger maintenant, le principal), nous ne serons pas accusé de ne pas avoir rempli notre mandat ; si nous discutons ultérieurement, je prouverai, j’espère, que sur le reste nous avons rempli notre tâche aussi exactement que possible eu égard à la position où nous nous trouvons, alors que le rapport nous a été demandé ; mais restons pour le moment dans la question.
Notre rapport établit clairement ce que, suivant nous, l’on doit considérer comme impôt de consommation ou impôt indirect.
Nous considérons comme tel l’impôt qui frappe la matière imposée d’une manière uniforme pour tous ; l’impôt, enfin, ayant pour résultat de faire augmenter le prix de la denrée imposé d’une manière uniforme pour tous ceux qui en font usage.
Nous considérons au contraire comme une véritable patente, et par suite comme un impôt direct, l’impôt qui frappe directement le commerçant pour lui conférer le droit d’exercer son industrie.
Nous ne pensions pas qu’il pût y avoir doute sur la question ; cependant des honorables collègues sont venus nous combattre par des arguments plus ou moins spécieux, que je dois tacher, en ma qualité de rapporteur, de réfuter, si possible, l’honorable M. Dolez.
Cet honorable membre a soutenu d’abord que le droit d’abonnement proposé pourrait être considéré comme impôt indirect, et pour fortifier son opinion sur ce point, il vous a avancé, si ma mémoire est fidèle, que dans l’espèce l’impôt frappait non le détaillant, mais la consommation ; que cet impôt était assis sur la vente de la matière, non à raison de cette vente. Je vous avoue, messieurs, que pour moi il ne m’est pas possible d’admettre un pareil système, parce que les conséquences qui en découleraient, conduiraient à l’absurde. L’impôt proposé frappe indirectement la consommation, dit notre honorable collègue, puisque le détaillant, par le prix qu’il obtient du consommateur, se rembourse du montant de cet impôt ; il est donc impôt indirect. Tel est, à mon sens, le résumé de tout ce qui vous a été dit par M. Dolez, pour justifier son opinion.
Mais puisque, selon notre honorable collègue, tout impôt qui frappe indirectement la consommation, doit être rangé dans la classe des impôts indirects, je lui demanderai à mon tour dans quelle classe il rangera l’impôt que paie le boucher pour avoir le droit de débiter la viande, l’impôt que paie le poissonnier pour pouvoir, sans s’exposer à l’amende, vendre du poisson en détail, celui que paie le boulanger pour confectionner et vendre du pain, etc. S’il veut être conséquent, dans son système, il doit nécessairement reconnaître que tous ces impôts seraient indirects, et que par suite leur import ne pourrait être compté à ceux qui le paient pour l’exercice du droit électoral.
Les débitants, dit M. Dolez, ne sont frappés que d’une manière indirecte ; mais il suffit de lire la loi proposée pour se convaincre du contraire : combinez les articles 1, 2 et 3 du projet, et vous verrez que ce sont tous les distillateurs, quel que soit du reste leur débit, qui devront payer d’avance le droit proposé, suivant les localités que chacun d’eux habitera ; ainsi, si j’habite aujourd’hui Bruxelles, je paierai 15 fr. ; si dans six mois j’habite l’un de ses faubourgs, je ne paierai que 12 fr. 50 c., et ainsi de suite.
Lisez l’exposé des motifs, écoutez les défenseurs du projet et même les organes du gouvernement, partout vous retrouverez cette idée : le seul moyen d’arrêter la consommation des liqueurs fortes, c’est de diminuer le nombre des détaillants. Ce sont donc les détaillants plutôt que la matière que l’on veut atteindre, car si la denrée seule était le point fixe des défenseurs du projet, il leur était bien plus facile d’atteindre à la source, c’est-à-dire, à la fabrication ; mais, chose étrange ! l’on croit pouvoir ramener à la morale, l’on croit pouvoir arrêter la consommation du genièvre en frappant les débitants d’un droit élevé, et l’on recule devant la mesure qui aurait pour résultat d’arrêter, de compromettre même la production de ces liqueurs si pernicieuses ! Un honorable collègue craint même le retour à une loi qu’il qualifie d’immorale, parce qu’elle donnait lieu à certaines exactions et surveillances envers les producteurs, et lui-même vient appuyer une loi qui aura pour résultat inévitable d’enlever à quelques détaillants leurs moyens d’existence et de compromettre la production et la tranquillité de tous les détaillants de la Belgique bien plus nombreux que les producteurs ; mais puisque l’on vient toujours parler morale à propos de cette malheureuse loi, qu’il me soit donc permis de demander à mes honorables adversaires si la profession de celui qui débite du genièvre peut en général être considérée comme étant plus immorale que celle de celui qui le fabrique.
S’il y a immoralité (et c’est ce que je n’admets aucunement, pas plus pour l’une que pour l’autre de ces professions), est-elle du côté de celui qui débite ou du côté de celui qui produit ? Mais ne vous trompez pas ; plus vous protégez les producteurs, plus aussi vous protégez la consommation : du reste, quelque soit le moyen que vous employiez pour arrêter cette consommation, si la mesure que vous adopterez est efficace, vous amènerez inévitablement une moins grande production, et par suite, vous causerez du malaise chez les distillateurs.
J’arrive à une objection plus grave, car elle a le mérite d’être spécieuse : je veux parler de la proposition de l’honorable M. Devaux.
La constitution, dit-on, nous autorise à porter jusqu’à 100 florins le cens électoral : prenant cet article dans son sens le plus absolu, tout citoyen qui paie 100 florins d’impôt direct a certainement le droit d’être électeur ; mais aussi tout citoyen qui ne paie pas ce cens, n’a pas le droit de se plaindre de ne pas l’être ; donc si vous dites que l’impôt proposé ne sera pas compté pour régler le cens électoral, personne n’aura le droit de se plaindre, puisque l’impôt n’arriverait qu’à 15 fl. au plus, et que la loi électorale porte la somme la plus élevée à 80 fl.
La question ainsi posée est tout autre, et je vous avoue que j’ai quelque doute ; toutefois, examinons-la. Le cens déterminé par la loi électorale, dit l’article 47 de la constitution, ne peut excéder cent florins d’impôt direct, ni être au-dessous de vingt florins.
Cette disposition, prise à la lettre et entendue judaïquement, pourrait peut-être autoriser l’interprétation que lui donne M. Devaux ; mais ce n’est point en se tenant au texte d’une loi, surtout d’une loi de cette espèce, que l’on parvient à en saisir le véritable sens ; il faut nécessairement combiner les articles 47 et 56 de la constitution, et voir surtout la loi portée à la suite de l’adoption de l’article 47 par le même corps constituant. Voyons donc l’article premier, n°3, de la loi électorale. Que trouvons-nous ? Que tout citoyen qui, outre les qualités voulues, paie au trésor de l’Etat la quotité de contributions déterminée par la loi, est électeur de droit.
La constitution autorise bien l’élévation du cens jusqu’à 100 florins, mais elle ne permet pas, selon moi, de faire une loi par laquelle il serait déclaré que tel impôt direct ne sera pas compté à tel électeur, parce que, suivant la localité qu’il habitera, pareil impôt ajouté à la somme qu’il doit nécessairement payer pour arriver à la somme établie par la loi électorale n’élèvera pas son cens au-delà de 100 florins. Vous ne pouvez en un mot faire des catégories d’électeurs.
C’est le cens qui, de l’aveu même de l’honorable M. Devaux, fait supposer la capacité, n’importe la profession de l’électeur ; je ne crois donc pas qu’il vous soit permis de dire dans la loi que l’impôt que vous considérez comme direct puisse être décompté à l’électeur pour fixer le montant du cens, et en cela je suis d’accord avec notre honorable collègue M. Dolez, et avec tous ceux qui, comme nous, ont développé cette opinion ; mais supposez que cela soit possible, est-il convenable et juste d’en agir ainsi ? Oui, dit M. Devaux, parce que la profession dont il s’agit donne lieu à des résultats immoraux ; encore une fois, je repousse ce motif, car il ne m’est pas possible d’admettre que tel soit en général le résultat de la profession de débitant ; cette profession est tout aussi respectable, selon moi, que celle de fabricant, car l’un produit la matière et l’autre la livre à la consommation ; sans doute il peut se trouver chez les débitants (qui sont d’ailleurs plus nombreux) des gens qui ne tiennent pas leur maison d’une manière satisfaisante ou qui ne se conduisent pas toujours de manière à mériter l’estime générale, mais il peut se trouver de telles gens dans toutes les conditions. Ce motif écarté, que vous reste-t-il à faire ? Repousser l’amendement de l’honorable M. Devaux, car l’admettre, c’est poser selon moi, et M. Dubus vous a tenu le même langage, un antécédent fâcheux. Dire aujourd’hui que tel impôt que vous n’osez qualifier, parce qu’il est impossible de lui donner une qualification autre que celle qu’il a, par sa nature, ne sera pas compté à l’électeur qui le paiera pour établir le cens électoral, c’est autoriser à dire demain qu’il en sera de même pour tel autre impôt qu’il vous plaira d’établir ou de désigner ; il en résultera que pour chaque loi que vous ferez, vous pourrez dire : L’impôt ne comptera pas pour le cens électoral. Ce n’est pas ainsi que nous devons interpréter et établir la législation en matière électorale ; une loi de cette espèce, mise en vigueur, ne peut être modifiée par chaque loi d’impôt portée à la suite ; d’ailleurs il vous est interdit de déclarer, selon votre caprice : Tel individu ne sera pas électeur quoiqu’il paie le cens voulu, lorsque, du reste, il réunit les autres qualités voulues pour être électeur.
L’honorable M. Mercier, qui vient de prendre de nouveau la parole, loin de combattre le système de la section centrale sur la qualification à donner à l’impôt, est venu au contraire le confirmer, car il a reconnu que la patente était un impôt direct ; je sais qu’il a voulu établir une différence entre l’impôt proposé et la patente ; mais déjà il a été fait justice de cette singulière distinction, et en effet commuent voudrait-on établir une différence entre le débitant qui fait sa déclaration pour exercer sa profession pendant un an, d’après son débit présumé, et le débitant qui sera astreint à payer, quoi qu’il arrive, telle somme pour pouvoir exercer la même profession pendant un semestre, s’il y a avantage dans la comparaison. C’est ainsi que l’a très bien prouvé M. Dubus en faveur de ce dernier.
L’honorable M. Duvivier pense que l’abonnement proposé, étant une somme prise sur l’impôt indirect, doit être un véritable impôt de consommation, et à l’appui de son opinion il vient de citer la loi française sur les droits réunis, déjà citée par l’honorable M. Dolez ; mais l’honorable membre devrait d’abord réfléchir que déjà le détaillant est frappé d’une patente calculée d’après la qu’il pourrait être supposé devoir, si toutefois le système de l’honorable membre était admissible ; il n’ignore pas non plus que la loi française de 1806 atteignait vraiment la matière ; c’était à titre de rachat de l’exercice que les cabaretiers, et les cabaretiers seuls, étaient admis à l’abonnement, et cet abonnement était réglé d’après leurs débits ; ici, au contraire, c’est le débitant qui est frappé, c’est donc un véritable droit de patente. Quant à l’honorable M. Angillis, je lui répondrai que si les lois organiques des impôts ont établi en 1822 l’impôt sur les distilleries parmi les impôts indirects, elles ont aussi rangé dans la classe des impôts directs l’impôt des patentes ; c’est une véritable patente que l’on veut sous la qualification d’abonnement. Si donc vous adoptez le principe de la loi, les sommes qui seront payées de ce chef par les contribuables doivent nécessairement être comptées dans le cens électoral.
M. le président. - Nous avons à délibérer sur cette proposition : « Cet impôt ne sera pas compris dans le cens électoral. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je me raille à cette proposition.
M. Gendebien. - Si la chambre décidait que l’impôt est indirect, il n’y aurait pas la moindre difficulté ; mais si elle décidait qu’il est direct, on ne peut admettre l’amendement.
La question est là ; il faut l’aborder franchement ; il ne faut pas biaiser.
M. Devaux. - C’est de la théorie !
M. Gendebien. - Il s’agit de savoir si vous avez le droit d’interpréter la constitution, de la changer.
M. Dolez. - Je me joins à M. Gendebien. J’avoue qu’il me sera impossible de voter sur l’amendement de M. Devaux, si l’on n’a pas auparavant caractérisé l’impôt.
M. Devaux. - Chacun peut approuver ou improuver l’amendement d’après les motifs qu’il a de considérer l’impôt sous un aspect ou sous un autre. Vous n’avez pas besoin d’une décision de la chambre pour penser que cet impôt est direct ou indirect.
Si vous pensez que c’est un impôt direct, et si, pour ce motif, vous ne voulez pas adopter l’amendement, eh bien, rejetez-le ; il n’est pas besoin pour cela d’une décision de la chambre sur la question de savoir si l’impôt est direct ou indirect ; dans une chambre nombreuse, une proposition est toujours adoptée ou rejetée par beaucoup de motifs différents, et l’on ne commence pas par prendre une résolution sur chacun de ces motifs ; on met la proposition aux voix et chacun vote pour ou contre, suivant la manière dont il l’envisage. En effet, messieurs, que faut-il écrire dans une loi ? Des prescriptions, c’est-à-dire que, dans le cas actuel, il s’agit d’écrire dans la loi si l’impôt qu’il est question d’établir comptera ou ne comptera pas dans le cens électoral ; on ne va pas écrire dans la loi que l’impôt est direct ou qu’il est indirect : la loi n’a pas de ces définitions ; tout ce qu’il importe de savoir, c’est si l’impôt sera ou non compris dans le cens électoral.
M. Gendebien. - Messieurs, je vais soumettre à l’honorable préopinant un dilemme auquel je le prie de répondre : ou le droit qu’il veut établir est direct ou il est indirect ; s’il est direct, vous ne pouvez pas dire dans la loi qu’il ne sera pas compté dans le cens électoral, sans violer la constitution et la loi électorale ; s’il est indirect, il est inutile de dire dans la loi qu’il ne comptera pas, et vous ne pouvez le dire sans commettre la plus grande faute que le législateur puisse faire, c’est de dire dans la loi une chose inutile, un non-sens. Je défie l’honorable M. Devaux de sortir de ce dilemme.
M. Devaux. - La réponse au dilemme posé par l’honorable membre est extrêmement simple ; d’abord l’impôt peut être direct sans qu’il doive pour cela être nécessairement compté dans le cens électoral ; je sais que cela n’est pas conforme à l’opinion de l’honorable M. Gendebien, mais il est beaucoup d’autres honorables membres qui sont de cet avis ; ensuite si l’impôt est indirect, par cela seul que l’on a soutenu dans cette enceinte qu’il est direct il est indispensable que la loi dise le contraire si l’on ne veut pas qu’elle ne puisse pas donner lieu à interprétation par les tribunaux.
M. Verhaegen. - L’honorable M. Devaux n’a pas répondu au dilemme posé par M. Gendebien ; M. Gendebien a dit : ou l’impôt est direct ou il est indirect ; s’il est indirect, vous ne devez rien dire, car ce serait inutile ; s’il est direct, vous ne pouvez l’exclure du cens électoral sans violer la constitution. Maintenant, messieurs, chaque fois qu’il se présente une question constitutionnelle, il faut la dessiner, car il ne faut pas que ceux qui lisent la loi puissent la suspecter d’être inconstitutionnelle ; il faut agir franchement et non pas prendre un biais, comme on veut le faire.
Je ne pense pas que la chambre donnera la main à une semblable manière de procéder. L’honorable M. Devaux présente une question complexe dans laquelle il y a une question constitutionnelle qu’il faut mettre à découvert ; il faut qu’on ait le courage de dire s’il y a oui ou non violation de la constitution. J’ai dit, messieurs, que la question est complexe, or on a le droit de demander la division de toute question semblable.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois, messieurs, contester ce qu’avance l’honorable préopinant, en me fondant sur les précédents de la chambre elle-même ; dans d’autres circonstances, on a posé la question de savoir si telle chose était constitutionnelle, et deux fois la chambre s refusé de se prononcer sur de semblables questions, par la raison que la chambre n’a pas à prendre de résolution quant aux motifs de constitutionnalité ou autres qu’il peut y avoir pour l’adoption ou le rejet d’une proposition, que la chambre n’a à voter que sur des mesures et non pas sur les raisons qui militent pour ou contre ces mesures. Voilà, messieurs, la marche qui a toujours été suivie par la chambre, et je crois que cette marche est tout à fait rationnelle.
M. Angillis. - Messieurs, je voterai pour l’amendement, parce que je pense que l’impôt est indirect ; si dans mon âme et conscience, je le regardais comme direct, je croirais violer la constitution en votant pour la proposition. Je tenais à faire cette déclaration, et vous prie, messieurs, de croire que je vote en faveur de l’amendement, c’est uniquement parce que je regarde l’impôt comme indirect.
M. le président. - Il y a difficulté sur le point de savoir si l’on votera sur la proposition de M. Devaux ; on a même prétendu qu’elle est complexe ; mais telle qu’elle est formulée, je ne vois pas moyen de la diviser. S’il n’y a pas d’opposition, je consulterai la chambre sur la question de savoir si la proposition de M. Devaux sera mise aux voix.
- La chambre décide qu’elle votera sur la proposition de M. Devaux.
Sur la demande de plus de cinq membres, la proposition de M. Devaux est mise aux voix par appel nominal.
En voici le résultat :
68 membres prennent part au vote.
1 s’abstient.
44 adoptent.
24 rejettent.
En conséquence, la proposition de M. Devaux est adoptée, et l’impôt sur les débitants de boissons distillées ne sera pas compté dans le cens électoral.
Ont voté l’adoption : MM. Andries, Angillis, Beerenbroeck, Coppieters, de Florisone, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, B. Dubois, Duvivier, Ernst, Heptia, Lebeau, Maertens, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Pollénus, Peeters, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Thienpont, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Verdussen, Wallaert, Willmar, Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Coghen, David, de Behr, de Brouckere, Dechamps, Demonceau, de Perceval, Desmaisières, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Gendebien ; Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Lecreps, Manilius, Metz, Milcamps, Pirmez, Troye, Verhaegen, de Puydt et Raikem.
M. Dolez, qui s’est abstenu, est invité à motiver son abstention ; il s’exprime en ces termes. - Messieurs, si l’impôt est indirect, la disposition est inutile, et par conséquent dangereuse, à mes yeux, parce qu’il est toujours dangereux d’insérer dans une loi une disposition inutile ; si, au contraire, l’impôt est direct, la disposition est inconstitutionnelle. Il m’a donc été impossible de voter sur la question telle qu’elle était posée.
M. Gendebien demande que son vote négatif soit inséré au procès-verbal, parce qu’il considère la disposition comme inconstitutionnelle.
M. Verhaegen fait la même demande.
M. le président. - Les votes de MM Gendebien et Verhaegen seront insérés au procès-verbal ainsi que ceux des autres membres qui le demanderaient.
M. le président. - Nous allons passer à la discussion des articles de la loi.
« Art. 1er. Indépendamment des impôts existant actuellement, il sera perçu, à partir du 1er janvier 1838, un droit de consommation sur les boissons distillées à l’intérieur ou à l’étranger, et autres boissons alcooliques qui seront vendues en détail ; ce droit sera acquitté par voie d’abonnement et d’avance, sur leur déclaration, par les débitants en détail desdites boissons, aux bureaux qui seront indiqués à cette fin par le gouvernement. »
M. de Langhe. - Messieurs, j’ai demandé, avant la discussion du projet qui nous occupe, qu’on fît connaître les observations qui ont été faites dans les sections ; j’ai demandé en même temps l’impression des procès-verbaux et le renvoi à la commission pour faire un rapport ; je fais encore la même demande ; toutefois, pour ne pas retarder la discussion, on pourrait donner lecture des procès-verbaux.
M. Demonceau, rapporteur, lit le sommaire des procès-verbaux des sections.
M. Andries. - Je ne me rappelle plus les observations qui ont été faites dans la troisième section à laquelle j’avais l’honneur d’appartenir ; mais ce que je me rappelle, c’est qu’elles étaient plus ou moins nombreuses ; il y en avait au moins une trentaine ; notre secrétaire, M. Metz, en a tenu exactement note ; le rapport a été copié et a été remis entre les mains de M. Dumortier, notre rapporteur ; et cependant ces observations ne sont pas reproduites dans le rapport de la section centrale.
Ces observations roulaient principalement sur le mode d’exécution ; comme la section centrale n’a pas touché les questions de détail je crois que la chambre n’est pas en état de délibérer, et qu’il y a lieu de renvoyer le projet à la section centrale, avec prière de présenter un travail mûri sur les articles.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne sais si le moyen d’abréger la discussion ne serait pas de renvoyer le projet à la section centrale, car enfin la section centrale, s’étant arrêtée devant une fin de non-recevoir, n’a pas cru devoir faire l’examen de la loi en elle-même. J’entends dire que la section centrale s’est occupée des détails de la loi ; si elle s’en est occupée, c’est d’une manière extrêmement sommaire, extrêmement générale ; et on le conçoit, puisqu’elle a été dominée par la conviction que le droit à imposer ferait nécessairement partie du cens électoral, et que dès lors elle le repoussait. -
Comme il est possible qu’on fasse droit à la motion de M. Andries et qu’on l’adopte, je désire saisir cette occasion pour soumettre à la chambre et à l’examen préalable de la section centrale un amendement. Le voici :
« Nul ne peut vendre des boissons spiritueuses, en quantité moindre de 5 litres à la fois, sans une autorisation expresse et préalable de la députation permanente du conseil provincial ; cette autorisation pourra être révoquée par ce collège, conformément aux principes posés dans les articles 6 et 7 de l’arrêté royal du 31 janvier 1824. »
Je demande la permission de présenter quelques observations à l’appui de ma proposition.
Messieurs, si nous faisions une loi purement fiscale ; si le but principal de la loi était de grossir les revenus de l’Etat, je crois que l’on pourrait considérer comme un hors-d’œuvre, comme se rattachant d’une manière trop indirecte à la loi actuelle, l’amendement que j’ai l’honneur de proposer.
Mais, dans l’opinion même du gouvernement, l’intérêt fiscal n’est pas l’intérêt principal de la loi, c’est surtout un intérêt de moralité, d’un intérêt d’ordre public qui a provoqué la loi actuelle, cela est incontestable ; eh bien, sous ce point de vue qui est pour moi le point de vue capital, je déclare que, dans mon opinion, la loi est inefficace, ou tout au moins insuffisante ; je pense que faire payer une somme annuelle de 20 ou 30 fr. à un cabaretier dans une commune plus ou moins populeuse est un moyen très insuffisant d’atteindre la consommation du genièvre et d’en diminuer les dangers. Je crois qu’il faut aller plus loin, et c’est ce que je me propose.
Il est vraiment étrange que lorsqu’on voit soumises à la formalité de l’autorisation préalable une foule d’industries, une foule de métiers beaucoup plus inoffensifs que celui des débitants de boissons spiritueuses, on ait laissé carte blanche à l’exercice de cette profession, on ne l’ait entourée d’aucune des mesures de précaution dont on a entravé la plupart des industries qui s’exercent dans le pays.
L’arrêté royal du 31 janvier 1824 qui s’exécute aujourd’hui dans tout le royaume, sans contestation aucune, sans réclamation, soit devant les chambres, soit ailleurs, soumet plus de 150 industries à des autorisations préalables, dans le but de s’assurer que l’exercice de ces industries ne peut compromettre ni la sécurité, ni la salubrité publiques.
Dans l’arrêté que je viens de citer, les professions industrielles, les métiers, quant à l’autorisation préalable qui doit être accordée pour leur exercice, sont divisés en trois catégories.
La première catégorie comprend les professions industrielles qui ne peuvent être exercées sans l’autorisation du gouvernement. La seconde indique toutes les professions dont l’exercice est soumis à une autorisation préalable de la part de la députation permanente du conseil provincial ; enfin, dans la troisième catégorie figurent les professions industrielles, très nombreuses, qui peuvent être exercées sans l’autorisation préalable des conseils communaux.
Je vous citerai un certain nombre de ces professions. Ainsi, l’on ne peut ériger les établissements suivants ni y apporter des changements sans l’autorisation du Roi : fabrique de poudre à tirer, magasin de poudre, établissement des machines à vapeur, hauts-fourneaux, etc., etc.
L’autorisation préalable de la députation permanente est exigée pour la création ou le changement des établissements suivants : fabrique de vinaigre, distilleries d’eau-de-vie, brasseries… Suit une longue nomenclature d’autres professions industrielles.
Arrive enfin l’énumération des diverses professions industrielles dont l’exercice est soumis à l’autorisation des conseils communaux ; en voici quelques-unes : fours à cuire, blanchisseries…
On a été tellement frappé de ne pas avoir vu figurer la profession de cabaretier dans l’énumération des diverses professions soumises à une autorisation préalable, que, si mes renseignements sont exacts, il y a un conseil provincial ou tout au moins une députation permanente qui a exprimé le vœu de voir la profession de cabaretier rentrer dans l’une des catégories énumérées à l’arrêté de 1824.
Comment ! Alors que l’intérêt public ne permet pas d’établir même une forge de maréchal-ferrant dans un village sans l’autorisation du conseil communal, il serait permis d’établir, sans aucune mesure de précaution, des débits de genièvre, en tel nombre que l’on veut, et de créer ainsi d’abondantes distilleries d’un poison qui attaque à la fois la santé, l’intelligence, la moralité du peuple ! Mais, dit-on, ou a voulu surtout éviter, dans l’arrêté de 1824, les inconvénients, des dangers purement matériels ; on a voulu garantir la tranquillité et la santé publiques, menacées par le voisinage de certaines usines. Je demanderai si les débits de genièvre, établis partout sans autorisation et sans surveillance, n’ont pas les plus funestes effets, non seulement pour la santé, mais aussi pour la tranquillité publique. Comment ! Il ne sera pas permis, je le répète, d’établir une forge de maréchal-ferrant sans autorisation, et il sera permis d’établir auprès de chaque fabrique ou usine, à côté de chaque manufacture qui s’élève, 4 à 5 cabarets qui provoqueront incessamment les ouvriers à l’oisiveté, à la débauche, à l’ivresse ! Je crois que c’est là une anomalie, une grande lacune dans notre système de police, et je pense que la mesure proposée par M. le ministre des finances, en supposant qu’elle soit admise avec toutes ses conséquences, ne peut combler cette lacune.
Je ne fais que proposer une mesure analogue à ce qui existe dans d’autres pays, qui connaissent aussi et respectent la liberté industrielle, ce qui se fait en Angleterre, où l’on n’exerce la profession de débitant de boissons distillées qu’ensuite de certaines mesures préventives.
Remarquez que je propose de soumettre la demande de cette autorisation à une autorité qui n’est pas suspecte : à la députation du conseil provincial déjà chargée, par l’arrêté de 1824, de donner l’autorisation d’exercer une foule de professions industrielles. Je crois que l’administration communale n’est pas assez indépendante, dans le plus grand nombre des localités, pour que ce droit d’autorisation puisse lui être confié sans danger. Il n’en serait pas de même peut-être dans les grandes villes ; si l’on proposait un amendement pour ces localités, je pourrais m’y rallier. Mais je crois que dans les communes rurales il y aurait du danger à laisser au conseil communal le droit d’accorder ou de refuser de semblables autorisations.
D’après mon amendement, l’autorisation pourrait être révoquée, et cette faculté seule tiendrait lieu de l’action des règlements de police, presque toujours insuffisante pour assurer l’ordre dans ces établissements. Si on savait que la députation, après l’inexécution des conditions de l’autorisation, et par exemple, après une ou deux contraventions judiciaires, pourrait retirer l’autorisation, la police des cabarets se trouverait assumée et se ferait de la manière la plus sévère. Pour cela il suffirait que l’on sût que, d’après les renseignements donnés par l’autorité locale, ou que la députation se procurerait de toute autre manière, elle pût retirer l’autorisation. Je ne sais si je m’abuse, mais je crois que la mesure proposée est la seule sanction vraiment efficace des règlements locaux sur la police des cabarets, sur l’observation des heures de retraite, la seule répression possible des désordres, des excès qui y éclatent si souvent ; qu’en un mot, c’est le seul, l’unique moyen vraiment énergique à employer contre l’abus du débit des boissons distillées.
Si la députation permanente ou toute autre autorité administrative était investie du droit de retirer l’autorisation aux débitants de boissons distillées, ne craignez pas pour cela l’abus de l’arbitraire. Ce danger n’est guère à redouter dans un gouvernement aussi contrôlé que le nôtre. Le droit que je demande pour la députation provinciale, fût-il accordé au gouvernement lui-même, il n’y aurait à craindre encore qu’on en abusât. Je citerai un exemple frappant de la réserve apportée dans l’exercice d’un droit analogue : les gouverneurs de province ont, d’après la législation actuelle, le droit exclusif de refuser ou d’accorder des ports d’armes. Je crois qu’il est bien peu d’exemples de refus de ports d’armes, et si, à cet égard, l’on se plaint d’une chose, c’est plutôt de la trop grande facilité avec laquelle on en accorde même à des chasseurs, réputés quelque peu braconniers. Voilà ce qui arrive dans un gouvernement contrôlé, percé à jour comme le nôtre.
Si vous remarquez que c’est la députation permanente, corps électif, responsable devant le conseil provincial, qui serait chargée d’exercer ce droit ; si vous remarquez avec quelle modération et quelle impartialité ces collèges ont exercé les attributions analogues qui leur sont données par l’arrêté du 31 janvier 1824, vous reconnaîtrez que ce droit peut leur être remis sans inconvénient, sans aucun danger.
Je serai fort aise que la section centrale puisse examiner mon amendement ; il ne se rattacherait qu’indirectement à la loi, si on la considérait comme une pure loi fiscale ; mais si on l’envisage sous le rapport de l’ordre et de la morale publics, il est impossible de méconnaître que cet amendement serait le véritable complément, la véritable sanction de la loi.
M. Demonceau. - Si la chambre croit que la section centrale peut donner des explications sur la loi, j’accepte le mandat que la chambre voudra bien me donner. Nous nous occuperions immédiatement de ce travail, et si mes collègues voulaient prendre le même engagement que moi, nous pourrions présenter un rapport mardi. Nous examinerions la proposition de l’honorable M. Lebeau et toute la loi, et nous tâcherions de présenter un rapport qui pût satisfaire la majorité.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Dans une séance précédente, l’honorable rapporteur de la section centrale a reconnu, au sujet d’une motion tout à fait semblable, qu’il était inutile de renvoyer le projet à la section centrale, qui a fait connaître son opinion d’une manière très positive sur l’ensemble des articles de la loi.
J’avais aussi reconnu moi-même que ce renvoi était inutile par une autre raison, celle que les dispositions proposées sont extrêmement claires et qu’il est très facile de juger de la portée de chaque article à la simple lecture ; d’où j’avais conclu que le renvoi à la section centrale ne pouvait avoir d’autre résultat que le grave inconvénient de retarder indéfiniment la discussion.
Quoi qu’il en soit, et puisque maintenant on vient nous présenter un amendement qui modifie sensiblement le but primitif de la loi, qui était de nous créer une ressource pour balancer les recettes avec les dépenses, et que d’un autre côté on assure que le renvoi à la section centrale n’occasionnera de retard que jusqu’à mardi, je ne crois plus, dans cette position, pouvoir m’opposer avec succès à ce renvoi, bien que je n’y aperçoive que la perte d’un jour sans compensation.
M. A. Rodenbach. - Je pense également que le renvoi à la section centrale serait une perte de temps ; car le projet qui nous est soumis n’est pas ardu, il est très clair. D’ailleurs, si quelques membres veulent présenter des amendements, il leur est libre de le faire. On connaît l’opinion des sections. Depuis deux jours que l’on discute, on s’est occupé du fonds du projet de loi. La suite de la discussion, et les amendements qui seront présentés, suffiront pour apporter au projet toutes les améliorations qu’il peut être susceptible de recevoir.
Quant à l’amendement de l’honorable M. Lebeau, qu’il faille le méditer et en faire l’objet d’un examen préalable, je ne le conteste pas ; car la question est très grave. Mais il me semble qu’il faudrait en faire une proposition de loi, une loi à part ; car si j’ai bien entendu, ce serait en quelque sorte la législation anglaise sur les débitants de boissons distillées que M. Lebeau voudrait introduire chez nous. Je dis donc que cette proposition doit former une loi spéciale. Ce n’est pas là une fin de non-recevoir ; car lorsque cette proposition, après avoir été examinée, sera mise en discussion, il est probable que je voterai pour son adoption, disposé que je suis à adopter toutes les mesures propres à empêcher l’ivrognerie.
En Angleterre, il y a des mesures bien autrement sévères contre l’ivrognerie. Il y a des peines corporelles contre les gens ivres que la police trouve dans les rues ; ils sont incarcérés et condamnés tandis qu’ici ils peuvent librement circuler dans le pays.
Revenant à la proposition de renvoi de toute la loi à la section centrale, je la combats, parce que l’assemblée est déjà éclairée par les procès-verbaux des sections et par la discussion qui vient d’avoir lieu. La section centrale s’est occupée spécialement de la question de principe, parce que M. le ministre des finances avait annoncé que si l’impôt était déclaré impôt direct, il retirerait le projet de loi. 3 ou 4 jours se sont écoulés, et il a fallu présenter un rapport ; sans cela nous nous serions occupés davantage des détails de la loi. Toutefois, je crois que nous pouvons continuer la discussion, qui fournira toutes les lumières nécessaires aux honorables membres qui ne se croient pas suffisamment éclairés.
M. Pollénus. - La déclaration de l’honorable préopinant me semble prouver à l’évidence la nécessité du renvoi à la section centrale ; en effet. M. A. Rodenbach dit que la section centrale s’est occupée exclusivement de la question de principe.
M. A. Rodenbach. - Permettez. J’ai dit : « spécialement. »
M. Pollénus. - Enfin, il résulte de ce qu’a dit l’honorable membre, que les détails de la loi n’ont pas été examinés par la section centrale ; or, cet examen préalable est nécessaire. Il faut donc prononcer le renvoi de la loi à la section centrale.
L’honorable M. Lebeau présente un amendement qui est un autre système que celui du gouvernement.
Voudrez-vous, en présence de la déclaration d’un membre de la section centrale, qui vous a dit que les observations des sections n’ont pas été examinées par la section centrale et qu’elle s’est bornée à la question de principe, engager une discussion qui ne peut nous conduire à rien ? Mais, dit-on, les observations pourront se produire dans la discussion, au moyen d’amendements. Admettre cela, ce serait méconnaître l’inutilité d’une section centrale. Vous savez que les amendements improvisés, et qui n’ont pas été mûri par une section centrale, ne sont pas en général accueillis par la chambre. Laissons donc la section centrale méditer les observations des sections et la proposition de l’honorable M. Lebeau qui me paraît mériter son attention.
J’ai examiné le projet de loi ; il m’a paru soulever différentes questions. Il serait à désirer que la section centrale les examinât ; elle serait alors en mesure de présenter des conclusions qui mériteraient l’attention de l’assemblée.
Vous savez que les amendements improvisés ne font qu’égarer la discussion.
M. Verdussen. - Je viens appuyer le renvoi à la section centrale, parce que je n’ai trouvé dans son rapport qu’une critique assez sévère de l’ensemble de la loi. Si l’on suivait l’opinion de la section centrale, il faudrait rejeter les articles du projet. Mais que propose la section centrale, à la place de ces articles ? Rien. Comment la discussion pourrait-elle avoir lieu, sur un rapport tel que celui qui a été présenté, alors que la loi contient 8 articles assez longs, et dont plusieurs contiennent des dispositions différentes ? S’il n’y a pas un examen préalable, il surgira dans la discussion des amendements improvisés qu’il sera nécessaire de renvoyer à la section centrale ; ce qui arrêtera la discussion. Je crois donc qu’il vaudrait mieux prononcer dès à présent ce renvoi. La section centrale présenterait des observations plus spécialement sur chaque article, et la discussion pourrait alors avoir lieu avec fruit.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Le motif principal que l’honorable préopinant donne pour demander le renvoi à la section centrale, c’est qu’il pourrait surgir, dans la discussion, des amendements qu’il ne serait pas facile de comprendre sans un nouveau rapport. Mais, après un second examen de la section centrale, de tels amendements pourront encore être présentés ; ainsi une pareille crainte nous empêcherait d’aborder jamais la discussion de toute espèce de loi. Les articles du projet qui nous occupe en ce moment sont très simples et très faciles à comprendre. La chambre pourrait donc en continuer l’examen, et si, contre mon attente, il survenait quelque difficulté dans le cours de la discussion, le renvoi à la section centrale pourrait alors être utilement prononcé.
Je crois devoir appuyer la proposition de l’honorable M. A. Rodenbach, tendant à faire de l’amendement de M. Lebeau un projet de loi spécial qui serait renvoyé à l’examen des sections. Ce projet ainsi isolé ne sera pas incompatible avec la loi en discussion, bien que la proposition de l’honorable M. Lebeau soit tous simplement une disposition de police. En effet, si elle était adoptée, c’est-à-dire si on attribuait aux députations permanentes, provinciales, le pouvoir d’accorder ou de refuser l’autorisation d’exercer la profession de débitant de boissons distillées, ceux qui obtiendraient cette autorisation exerceraient leur débit aux conditions de mon projet. Je crois donc que la proposition de M. A. Rodenbach est tout à fait juste et raisonnable. L’amendement proposé et le projet de loi sont d’une nature différente. L’un concerne la police ; l’autre, quoique pouvant renfermer dans son but quelqu’analogie avec celui du premier, n’en est pas moins une disposition fiscale, et tellement, que nous avons compté sur le produit de cette disposition pour 1838, afin de balancer nos recettes avec nos dépenses.
M. A. Rodenbach. - Il y a des lois de police qui autorisent à interdire pendant quelque temps aux cabaretiers l’exercice de leur profession, lorsqu’ils ont été condamnés plusieurs fois pour contraventions. Ces lois existaient déjà sous le gouvernement autrichien. Ainsi, ce ne sont pas des lois financières ; ce sont des lois de police qui n’ont aucun rapport avec la loi sur les boissons distillées dont nous nous occupons. Mais je pense que de nouvelles mesures de police pourraient être très bonnes, parce que ce n’est pas seulement une loi fiscale, c’est aussi une loi morale que nous voulons.
La loi rapportera 900,000 fr., c’est fort bien. Mais nous voulons quelque chose de plus. Nous voulons. La diminution de la prodigieuse consommation de genièvre qui se fait dans le pays. Cette consommation est effrayante, et l’on ne peut la contester ; elle est prouvée par les nombreuses condamnations que prononcent les tribunaux pour des crimes et délits qui sont le résultat de l’ivrognerie. C’est à changer ce déplorable état de choses, et à diminuer la consommation sans nuire à l’industrie, que devront tendre nos efforts. Je pense que dans cette loi nous réussirons en partie. Mais il nous faudra, dans une loi spéciale, aviser à d’autres moyens.
M. Lebeau. - Je crois que M. le ministre des finances se trompe, lorsqu’il croit que le but principal de la loi est un but fiscal. Je dis que la loi n’est pas principalement fiscale ; car une loi fiscale, loin de chercher à restreindre le débit des boissons distillées, devrait tendre à l’augmenter pour grossir les revenus de l’Etat, en augmentant les produits de l’impôt sur les distilleries. Sous ce rapport, le but de la loi n’étant pas fiscal, n’exclut pas mon amendement. D’ailleurs, mon amendement se rattache encore à la loi en ce qu’il offre un moyen d’aider à la découverte de débits clandestins de boissons distillées. C’est un moyen de contrôle sans vexation aucune. Je crois donc que mon amendement ne doit pas être détaché de la loi, puisque sous le rapport de la sanction de la loi, comme loi fiscale, il aurait encore un bon résultat.
Quant à la crainte d’investir les députations permanentes d’un pouvoir trop étendu, dont elles pourraient abuser envers les débitants de boissons distillées, je ferai remarquer que le droit que je demande pour les députations permanentes leur est accordé dans une foule de cas analogues par l’arrêté de 1824, qu’on ne leur reproche pas d’en avoir abusé, et que d’ailleurs l’on peut en référer au pouvoir central, lorsque l’autorisation demandée est refusée.
Je crois donc qu’il ne convient pas de séparer ma proposition de la loi qui nous occupe. Si vous en faites un projet de loi séparé, c’est à peu près comme si vous l’ajourniez indéfiniment. Il y a une certaine opportunité, qu’il faut saisir pour introduire des améliorations dans une législation quelconque, Je crois que cette opportunité existe. Je trouve qu’on n’a opposé à ma proposition que des raisons secondaires qui ne doivent pas arrêter la chambre. J’en demande donc le renvoi à la section centrale.
M. Rogier. - L’amendement de mon honorable ami M. Lebeau pourrait être renvoyé à la section centrale, sans que la discussion fût interrompue ; car cet amendement pourrait figurer dans la loi comme article additionnel. Il n’est pas nécessaire qu’il vienne à la suite de l’article premier. Je demande donc que, sans interrompre la discussion de la loi, la chambre renvoie l’amendement à la section centrale, qui voudra bien l’examiner et faire son apport dans la séance de mardi. Jusque-là on continuera la discussion de la loi, et mardi viendra la discussion de l’amendement de M. Lebeau. De cette façon les travaux de la chambre ne seront pas interrompus.
M. Demonceau. - Je crois que si l’amendement de l’honorable M. Lebeau est adopté par la chambre, toute la loi s’en ressentira. Dans ce cas il conviendra peut-être de supprimer l’article premier ; l’amendement de M. Lebeau pourrait le remplacer. Il vaut donc mieux, ce me semble, ne pas continuer la discussion et renvoyer toute la loi, avec l’amendement, à l’examen de la section centrale.
M. A. Rodenbach. - Je suis fâché de ne pouvoir partager l’opinion de l’honorable rapporteur. Je pense qu’il serait très difficile de faire pour mardi un rapport sur la loi tout entière et sur l’amendement de M. Lebeau. Mais je ferai une autre proposition : ce serait de renvoyer la loi seulement à la section centrale et la proposition de M. Lebeau aux sections. Là tout le monde pourrait émettre une opinion ; on ferait de cette proposition une loi à part et on pourrait faire, mardi, un rapport sur la loi. Mais j’insiste pour le renvoi aux sections de la proposition de M. Lebeau.
Cette proposition est trop importante pour que la chambre puisse faire autrement.
M. Desmanet de Biesme. - Je pense que ce qui vaudrait le mieux, ce serait de ne pas avoir de séance lundi ; la section centrale s’occuperait alors du projet sur les boissons distillées, et les sections pourraient être convoquées pour procéder à l’examen préparatoire du projet relatif aux ventes à l’encan. Quand il y a séance lorsque l’on convoque les sections, c’est de bonne heure, et les membres n’y viennent pas exactement. Il est utile même pour les travaux de la chambre qu’il y ait interruption dans les séances.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Pour mettre fin au débat actuel, je me réunis à la proposition qui vient d’être faite ; de cette manière nous aborderions mardi la discussion avec un nouveau rapport sous les yeux. Toutefois il doit être entendu que la section centrale examinera la question de savoir si l’amendement de M. Lebeau doit convenablement faire partie de la loi sur les boissons distillées, ou être l’objet d’une loi spéciale.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - J’appuierai aussi la proposition de M. Desmanet, et surtout la portée de cette proposition qui concerne les ventes à l’encan. Ces ventes ont été l’objet de vives réclamations de la part d’un grand nombre de villes du pays ; il y a urgence. Il convient donc que lundi, dans les sections, on procède à l’examen préparatoire du projet, afin qu’on puisse le discuter prochainement.
M. A. Rodenbach. - Je retire ma proposition.
- La chambre consultée renvoie le projet sur les boissons distillées et l’amendement de M. Lebeau à la section centrale, pour qu’elle en fasse rapport mardi.
La chambre décide en outre que lundi il n’y aura pas de séance publique, et que les sections seront convoquées pour examiner le projet relatif aux ventes à l’encan.
M. le président. - Ce projet ne contient que l’article suivant :
« Les lois et règlements qui ont pour objet la police du roulage, le mode de perception, ainsi que le cahier des charges de la perception des droits de barrières, sur les routes de l’Etat et sur les routes provinciales, pourront être rendus applicables, par le gouvernement, aux chaussées vicinales pour lesquelles les communes ont été autorisées ou seront autorisées, dans la suite, à percevoir des péages. »
M. Rogier. - Le projet de loi rend applicables aux chemins vicinaux les lois et règlements qui concernent la police du roulage, la perception et le droit de barrière, etc. Mais je crois qu’il y a une observation à faire sur la dernière partie de l’article, laquelle ne rend applicables les lois et règlements de la police du roulage qu’aux routes vicinales sur lesquelles l’établissement d’un péage aurait été autorisé. Or, il y a plusieurs routes vicinales pavées, empierrées, sur lesquelles ne se perçoivent pas de péages et sur lesquelles cependant la police du roulage serait utilement applicable. C’est surtout sur ces petits pavés vicinaux qu’il importe que le gros roulage n’ait pas lieu dans le mauvais temps. Qu’il y ait péage ou non, la police n’en doit pas être différente.
Je demande que l’on retranche les derniers mots de l’article et qu’on la termine ainsi : « aux chaussées vicinales pavées ou empierrées. »
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je me rallie volontiers à l’amendement présenté, parce qu’en effet il peut être utile que les routes sur lesquelles on n’a jamais perçu de péages, soient soumises à la police du roulage. Il n’y a pas d’objection à faire à l’amendement.
M. Pollénus. - Mais a-t-on bien examiné s’il est possible de rendre applicable la police du roulage à tous les chemins vicinaux pavés ou empierrés ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il n’y a aucune espèce de difficulté à adapter la proposition. C’est une faculté concédée au gouvernement. Il nous a été souvent signalé que les routes vicinales d’une si grande importance pour les communes, sont sujettes à de fortes détériorations par suite du manque de police. Il est évident que, dans l’intérêt de la conservation de ces routes pavées et empierrées, on doit pouvoir y appliquer les règlements suivant les circonstances.
M. Verhaegen. - Je demande une explication au ministre de l’intérieur. Je veux savoir si l’on rend applicables aux concessionnaires de péages l’article en délibération. Il est des communes qui ont fait des concessions ; il en résulte des droits acquis ; peut-on appliquer au passé les lois et les règlements du roulage ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La loi du 28 mars 1833 a prévu ce cas, les droits des concessionnaires demeureront intacts.
- L’amendement de M. Rogier est adopté.
M. le président. - L’article de la loi sera rédigé ainsi qu’il suit, en conséquence de l’adoption de l’amendement :
« Les lois et règlements qui ont pour objet la police du roulage, le mode de perception, ainsi que le cahier des charges de la perception des droits de barrières, sur les routes de l’Etat et sur les routes provinciales, pourront être rendus applicables, par le gouvernement, aux chaussées vicinales pavées ou empierrées. »
- Cet article est adopté.
Le vote définitif sur la loi est renvoyé à la séance de mardi prochain.
M. David. - Je demanderai, messieurs qu’on fasse imprimer le rapport de M. Zoude sur les houilles ; je ne sais pas pourquoi il ne serait imprimé qu’au il ; il me semble qu’il mérite aussi bien que d’autres rapports d’être imprimé séparément. Il serait désagréable qu’au jour de la discussion chacun de nous doive porter son numéro du il où ce rapport se trouve.
- La chambre décide que le rapport sera imprimé et distribué.
La séance est levée à 4 heures 1/2.