(Moniteur belge n°35, du 4 février 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Kervyn lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des électeurs et habitants notables de Sittard réclament en faveur de l’élection de M. Corneli, élu par le district de Maestricht. »
« Plusieurs propriétaires de Liége adressent des observations sur le projet sur les mines. »
« Des maréchaux-ferrants, cloutiers et fabricants du canton de Grevenmacher, renouvellent leur demande en diminution des droits d’entrée sur la houille de la Sarre, et de les fixer au taux de celles venant de Prusse. »
« Des sauniers de Gand adressent des observations sur le projet de loi sur les sels. »
« Deux fabricants de sucre indigène adressent des observations sur les modifications proposées aux lois sur les mines. »
« Le sieur J.-B. Deville, distillateur à Eerneghem, adresse des observations sur la modification proposée à la loi des distilleries. »
M. de Jaegher annonce par lettre qu’une indisposition l’empêche d’assister, pour le moment, aux séances de l’assemblée.
- Pris pour notification.
M. Simons. - Je demande que la pétition concernant l’élection de M. Corneli soit renvoyée à la commission chargée de la vérification des pouvoirs de ce député.
Je ferai observer, à cette occasion, qu’il serait nécessaire qu’un rapport nous fût présenté à cet égard le plus promptement possible ; il y a déjà 3 semaines que la commission est saisie des pièces relatives à l’élection de M. Corneli.
M. Pollénus. - Je n’ai rien à dire contre la proposition de l’honorable préopinant, si elle tend seulement au renvoi de la pétition à la commission ; mais si, à ce renvoi, l’honorable membre attachait une invitation plus ou moins directe à la commission de faire une nouvelle enquête sur les faits relatés dans la pétition, je croirais alors devoir m’opposer à la proposition de M. Simons.
Mais je ne pense pas que telle soit l’intention de l’honorable préopinant, ni de la commission ; car vous vous rappellerez, messieurs, que le retard apporté à la vérification des pouvoirs de M. Corneli provient uniquement des informations qu’a cru devoir prendre la commission relativement à la liste des électeurs ; or, ce point me paraît devoir être hors de contestation, puisque cette liste est devenue définitive. Si la chambre renvoyait la nouvelle pétition à la commission celle-ci ne doit donc pas se croire obligée à faire une nouvelle enquête, ce qui produirait de nouveaux retards qu’il importe de prévenir.
M. Simons. - En demandant le renvoi de la pétition à la commission, je n’ai eu nullement l’intention de provoquer une enquête sur les faits dont il s’agit ; je trouve au contraire qu’il est très dangereux de provoquer une enquête sur les faits que la pétition avance, sans les appuyer d’aucune preuve.
Mon intention a donc été tout à fait opposée à celle que l’honorable préopinant a paru me prêter.
S’il y avait lieu à établir une enquête, ce serait la chambre et non la commission qui devrait l’ordonner ; aussi je pense que les informations qui ont été prises par la commission ne se rapportent pas aux faits signalés dans la pétition, mais se rapportent uniquement aux formalités de l’élection.
Je demande que la chambre veuille bien inviter la commission à nous présenter son rapport.
M. Jadot. - La commission a renvoyé à M. le ministre de l'intérieur les pièces concernant l’élection de M. Corneli à l’effet d’obtenir des renseignements ; les pièces ne sont pas encore revenues ; dès qu’elles rentreront, la commission fera et présentera son rapport.
M. Simons. - Je désire savoir si les renseignements que la commission a demandés à M. le ministre de l’intérieur se rapportent aux faits signalés dans la pétition, ou simplement aux formalités de l’élection de M. Corneli ! (L’ordre du jour ! l’ordre du jour !)
- Cet incident n’a pas de suite.
La pétition relative aux distilleries est renvoyée à la commission spéciale des distilleries ; la pétition concernant les sucres est renvoyée à la commission spéciale chargée de l’examen de la question des sucres ; la pétition ayant pour objet le sel est renvoyée à l’examen de la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur le sel. Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande que la pétition concernant les mines soit imprimée dans le Moniteur, de même que la chambre l’a ordonné pour d’autres pétitions concernant le même objet.
- L’impression est ordonnée.
M. Donny (pour une motion d’ordre.) - Messieurs, lorsque la chambre a décidé, il y a quelques semaines, qu’on mettrait à l’ordre du jour dans les sections la proposition que j’ai eu l’honneur de soumettre à l’assemblée, pour régler le mode de reddition des comptes de l’Etat, j’ai fait observer que j’avais quelques modifications à apporter à mon projet, et j’ai en même temps pris l’engagement de m’occuper immédiatement de cet objet.
J’ai rempli cet engagement, messieurs, et je puis présenter mon travail modifié.
Je propose que la chambre en ordonne l’impression, et que la distribution en soit faite à tous les membres de l’assemblée.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Les sections sont maintenant saisies de l’examen de ce projet ; elles pourront en même temps examiner les modifications que propose l’auteur du projet.
L’amendement introduit dans l’art. 3 lors du premier vote est mis aux voix et définitivement adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 61 membres qui ont répondu à l’appel nominal.
Un membre (M. de Muelenaere) s’est abstenu, parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.
M. le président. - La chambre a invité la commission à faire un rapport sur les pétitions qui ont quelque connexité avec la loi sur les barrières. En conséquence, si M. le rapporteur est préparé, je lui accorderai la parole.
M. C. Vuylsteke, au nom de la commission des pétitions, présente le rapport suivant. - Messieurs, la commission des pétitions m’a chargé de faire un rapport sur une pétition des voituriers de Jumet. L’urgence d’un prompt rapport a été décidée en la séance du 28 janvier dernier.
Les pétitionnaires demandent la révocation de l’arrêté du 28 décembre 1836, et le maintien de l’arrêté préexistant du 31 mars 1833, accordant aux voituriers de roulage, et aux messageries, de transports des charges plus fortes que celles qui sont fixées par le décret du 25 juin 1806.
A l’appui de leur demande, les pétitionnaires, au nombre d’environ 150, disent que le droit que leur accordait l’arrêté du 30 mars 1833, avait ranimé le roulage, avait mis les rouliers en état de soutenir la concurrence avec les autres moyens de transport plus favorisés, et leur avait procuré les moyens d’une honnête subsistance à eux et aux nombreuses professions qui se rattachent au roulage ; mais que l’arrêté du 28 décembre dernier va anéantir complètement cette industrie, augmentera le chauffage, rendra les routes désertes et ruinera une masse de voituriers ; que cet arrêté n’est porté que dans l’intérêt des entrepreneurs et nullement pour empêcher les détériorations des routes qui, disent-ils, sont dans un bon état de réparations, et qu’en supposant que ces détériorations subsistent, elles ne pourraient absorber le produit du droit de barrière s’il était uniquement employé à l’entretien des routes. Ils disent, au surplus, que les entrepreneurs ont contracté sous l’empire de l’arrêté du 30 mars 1833, dont ils pouvaient calculer les conséquences.
Messieurs, la question est de la plus haute importance ; de sa solution dépend l’existence d’un nombre indéfini de nos commettants.
La commission n’a pu se convaincre que la détérioration des routes, là où elle existe, provînt uniquement de la surcharge accordée, surtout en présence de l’arrêté du 30 mars 1833, et alors qu’on y trouve le considérant suivant : « Considérant qu’il résulte des rapports qui nous sont faits sur la situation actuelle des routes, qu’il est possible d’accueillir favorablement les requêtes qui nous sont présentées, en accordant, à titre d’essai et pour un an, l’autorisation demandée, etc. » Cet arrêté a donc été précédé d’une enquête ; le gouvernement a su ce qu’il faisait. L’autorisation a été accordée à titre d’essai. Eh bien cet essai a été favorable aux voituriers, car les dispositions dudit arrêté ont été maintenues par trois arrêtés subséquents, portant la date du 16 avril 1834, du 16 février 1835 et du 9 mars 1836.
Une considération a frappé la commission, celle que, sous l’empire du décret de 1806, il n’existait pas de droit de barrière, au lieu qu’à présent les voituriers paient largement des détériorations que le roulage occasionne aux routes.
Les motifs que les pétitionnaires ont fait valoir à l’appui de leur demande, ont semblé à la commission dignes de fixer l’attention du gouvernement ; en conséquence elle vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics, avec demande d’explications.
M. Frison. - Mais il y a aussi la pétition des habitants de Gosselies, sur le roulage.
M. C. Vuylsteke. - Je n’ai pas été chargé par la commission des pétitions de faire un rapport sur cette requête.
M. de Brouckere. - Il y a une pétition sur le roulage adressée à la chambre, et beaucoup plus développée que celle dont on vient de nous entretenir ; elle est des habitants de Gosselies, près Charleroy.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - M. le rapporteur vient de conclure au renvoi de la pétition au ministère avec demande d’explication ; ce renvoi est inutile, parce que je donnerai les explications que l’on demande lors de la discussion de la loi concernant les barrières.
M. A. Rodenbach. - J’avais demandé la parole, mais puisque M. le ministre promet de donner des explications, je n’ai plus rien dire.
M. Gendebien. - Il y a une réclamation faite par un M. Wallez, je crois, sur les routes ; je crois qu’il y a urgence d’examiner la pétition qu’il nous a adressée, parce qu’il est menacé de poursuites. Si le ministre connaissait les faits, je présume qu’il arrêterait lui-même les poursuites.
M. Hye-Hoys. - C’est M. de Jaegher qui est chargé du rapport sur les pétitions relatives aux routes ou au roulage.
M. Verrue-Lafrancq. - M. de Jaegher est souffrant, et retenu chez lui ; il m’a remis les rapports qu’il avait préparés.
M. Stas de Volder. - Si la chambre le désire, je présenterai le rapport sur la pétition dont vient de parler M. Gendebien.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. Stas de Volder. - Par pétition datée de Bruxelles, le 2 février 1836, le sieur Wattez, adjudicataire du droit de perception de diverses barrières, demande que la chambre intervienne pour lui faire obtenir des indemnités de ce chef.
Le pétitionnaire fait valoir en faveur de sa réclamation, qui porte sur plusieurs barrières, des événements de force majeure provenant d’inondations et de mauvais état de routes devenues impraticables, des passages de troupes qui empêchaient les communications, et enfin une diminution de deux tiers au tarif du droit de navigation sur le canal de Charleroy, qui a fait un tort considérable à deux de ses recettes dans cette direction.
La commission des pétitions, prenant en considération toutes ces circonstances, qui paraissent militer en faveur du réclamant, propose le renvoi de la pétition du sieur Wattez à M. le ministre des finances, avec demande d’explications.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je voudrais savoir si le pétitionnaire s’est déjà adressé à M. le ministre des finances.
M. Stas de Volder. - Oui, il s’est déjà adressé à ce ministre.
- Le renvoi au ministre des finances, avec demande d’explications, est ordonné.
M. Frison. - Messieurs, vous venez d’entendre les conclusions de la commission des pétitions sur les plaintes élevées par un grand nombre de voituriers, contre l’arrête royal du 28 décembre dernier, qui apporte des modifications au chargement des voitures ; je ne combats pas le renvoi proposé à M. le ministre des travaux publics, mais je doute que cette seule mesure soit de nature à apporter du soulagement à une industrie souffrante. Je viens donc vous soumettre quelques considérations sur le roulage, qui tombe en décadence depuis plusieurs années et qui cependant mérite toute la sollicitude des chambres et du gouvernement ; ce n’est pas la première fois que des industriels, des commerçants, des cultivateurs, font entendre leurs doléances ; elles ont obtenu l’honneur du dépôt au bureau des renseignements ou du renvoi au ministre ; c’est là qu’elles reposent en paix d’un sommeil non troublé. Ce n’est pas la première fois que leurs intérêts ont été défendus à cette tribune par plusieurs de nos honorables collègues, parmi lesquels je citerai les honorables MM. Gendebien et A. Rodenbach ; j’ai quelquefois joint ma faible voix à la leur, et nos efforts n’ont point amélioré la position des voituriers. Serai-je plus heureux aujourd’hui ? C’est ce qu’il est difficile d’espérer.
Je reconnaîtrai d’abord, messieurs, que l’industrie du roulage a été frappée d’un coup mortel par des canaux et des chemins de fer ; je ne prétends point dire pour cela qu’il n’eût point fallu creuser de canaux, ni construire de chemins de fer ; telle n’est pas ma pensée, car je reconnais l’utilité de toutes les communications qui doivent concourir à amener le développement et le progrès de l’industrie, le plus bas prix possible dans le transport de nos matières premières et de nos produits fabriqués, et nous mettre ainsi à même de lutter avantageusement avec l’étranger. Mais s’il est un moyen de faire droit à des plaintes que nous entendons si souvent, la chambre doit-elle le rejeter ? S’il est un moyen de soutenir ou de relever, pour mieux dire, le roulage, la chambre et le gouvernement ne doivent-ils pas l’adopter ?
Après l’Angleterre, la Belgique est, sans contredit, le pays de l’Europe le mieux doté sous le rapport des routes ; les communications y sont nombreuses et bien établies ; tous les jours on y perce des routes nouvelles qui favorisent l’agriculture, alimentent tous les genres de commerce et facilitent l’établissement des usines.
Tant d’avantages réunis doivent fixer l’attention des chambres et du gouvernement, qui ne sauraient trop encourager les voituriers dans ce moment surtout où ils sont menacés d’une ruine totale par la construction des chemins de fer et où ils ont une lutte inégale à soutenir contre le voiturage par eau, qui paraît plus favorable, puisque l’on a diminué le droit de navigation sur plusieurs de nos canaux. Dans ces circonstances qu’a-t-on fait pour le roulage ? Un arrêté royal du 30 mars 1836 accordait un surcroît de charge de 1,900 kil. ; c’était une amélioration sans doute, et l’on devait en rendre grâces au gouvernement, qui s’est bientôt ravisé de cet acte et vient de l’abroger ; mais là ne devait pas s’arrêter la protection ; les voituriers sont restés sujets à l’arbitraire des employés subalternes des ponts et chaussées ; à chaque instant, pour la moindre surcharge, les préposés aux bascules dressent des procès-verbaux qui frappent les voitures de 25 à 100 francs d’amende et davantage ; un voiturier est-il soupçonné en surcharge loin d’une bascule on cube son chargement, opération tout à fait arbitraire et contre laquelle il est impossible au conducteur de réclamer : en effet, je défie le mathématicien le plus habile d’établir, non pas exactement, mais même à quelques cents kilog. près, le poids d’une voiture de houille, tant à cause de la forme irrégulière du chariot qu’à cause de la différence de pesanteur spécifique des diverses espèces de charbon. Que l’on supprime donc ces ponts à bascule et surtout cette opération du cubage, contre lesquels on s’est déjà récrié tant de fois. Que l’arrête du 28 décembre dernier par lequel se trouve abrogé celui du 30 mars 1835, soit rapporté. Que l’on établisse autant que possible la concurrence entre le roulage, les chemins de fer et les canaux.
Plus on favorisera l’industrie du roulage, plus le chauffage se transportera à bon marché à Bruxelles et dans les Flandres. Quand on considère les entraves apportées au voiturage par terre, quand on considère l’impôt élevé qui frappe la houille à l’entrée à Bruxelles (2 fr. 40 par mille livres poids ancien), on ne doit point s’étonner que le chauffage soit sans prix dans la capitale. Que l’on ne vienne plus dire qu’un chargement plus fort que celui autorisé aujourd’hui détériorera les routes ; il est reconnu que les roues à jantes larges, à voies inégales, ne sauraient leur nuire. Que l’on veuille bien se convaincre que dans le Brabant et le Hainaut, les communications pavées n’ont jamais été dans un état aussi satisfaisant qu’en ce moment. Une seule route du Hainaut est dans le délabrement le plus complet, celle de Seneffe à Mont-St-Jean ; mais il faut en attribuer la cause au peu de solidité du fond et peut-être aussi à ce que les réparations ne se font pas en temps utile, plutôt qu’à la surcharge permise jusqu’à ce jour.
Si l’on considère d’un autre côté, messieurs, le rapport intime qui existe entre le roulage et l’agriculture, on fera peut être moins de difficulté de faire droit aux plaintes des voituriers : il n’est pas si loin de nous le temps où plus de 3,000 chevaux parcouraient les routes du Hainaut et du Brabant : aujourd’hui à peine en reste-t-il 500 ; les fermiers trouvaient à vendre avantageusement les chevaux de forte race qui servent au roulage ; ils se défaisaient avec bénéfice de l’avoine, des féveroles, des pailles nécessaires à ces animaux. Ces considérations les portaient à donner un prix élevé de leurs fermes ; les voituriers eux-mêmes louaient des terres à des prix exorbitants ; la prospérité du roulage n’était donc pas étrangère à la hausse des taux que nous avons pu reconnaître depuis quelque temps. Dans la seule commune que j’habite, le nombre des voituriers est réduit à moins d’un dixième de ce qu’il était autrefois ; il va sans dire que toutes les industries qui dépendent du roulage, les maréchaux, les charrons, les aubergistes ont souffert dans la même proportion.
La taxe des barrières est portée au budget des voies et moyens pour 2,250,000 fr. ; en déduisant les sommes affectées à la réparation et à l’entretien des routes, il reste, année commune, un excédant de 600 mille francs ; supprimer un pareil revenu, qui sert à l’ouverture des communications nouvelles, ou qui est proposé par certains honorables membres, si je ne me trompe, comme garantie des emprunts que l’on pourrait contracter pour percer des routes nouvelles, voilà une demande qui serait peut être mal accueillie, messieurs ; cependant cet impôt n’existe pas en France, et en Belgique il serait facile de le remplacer, ou de le représenter même par une somme plus forte, tout en offrant en même temps une grande facilité de recouvrement. Il est probable que, pendant longtemps encore, nos impôts iront toujours à 80 millions de francs ; ajoutez 3 centimes par franc aux contributions directes et indirectes, et vous aurez 2,400,000 francs à dépenser annuellement à l’entretien des routes existantes, à la construction de routes nouvelles, ou à offrir en garantie des capitaux que l’on voudrait emprunter à cet effet. Songez, messieurs, que beaucoup de nos provinces et surtout le Brabant et le Hainaut doivent une grande partie de leurs routes à un semblable moyen qui n’a soulevé aucune plainte. Cette proposition me paraît au moins aussi fondée que celle de surcharger les patentes, que vous avez adoptée dernièrement pour parvenir à l’abolition du droit de poinçonnage.
Je me résume donc, messieurs, et je dis que l’on peut facilement apporter du soulagement au roulage :
1° En permettant un chargement plus fort, tel que celui autorisé par l’arrêté royal du 30 mars 1833 ;
2° En supprimant les ponts à bascule et l’opération du cubage ;
3° En abolissant le droit de barrière, remplacé par le mode que je viens d’indiquer.
Je n’en ferai pas la proposition formelle, tant j’ai crainte de ne pas voir mes idées accueillies ; mais je vous prie, messieurs, d’en faire l’objet de vos méditations.
Je ne dirai plus qu’un mot sur l’arrête royal du 28 décembre dernier ; les fermiers des barrières ont calculé le prix de leur adjudication d’après l’arrêté du 30 mars 1833 permettant un surcroît de charge de 1,900 kil. ; cette disposition nécessitait l’attelage de 6 chevaux en tout temps et de 8 pour gravir les montagnes ; le chargement permis actuellement n’exige plus que 4 chevaux et 6 dans les montagnes ; la suppression du cinquième cheval présente une perte de 15 centimes, du sixième 20 centimes, et des septième et huitième un franc à chaque barrière. Supposez seulement une perte réelle moyenne de 60 centimes à chaque barrière, et dites-moi si le gouvernement n’a pas apporté de changement à la condition des fermiers des barrières. Il eût tout au moins dû retarder jusqu’au 1er avril prochain la publication de cet arrêté du 28 décembre 1836. Il me surprendrait peu que les fermiers des barrières adressassent de ce chef des demandes d’indemnités au gouvernement. J’ai dit.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, je m’attacherai à faire connaître à la chambre les motifs qui ont engagé le gouvernement, par son arrêté du 28 décembre, à rapporter celui du 31 mars 1833, pour remettre en vigueur le décret du 23 juin 1806.
Vous vous rappelez que dans la discussion qui a eu lieu, il y a un an, dans les deux chambres, sur la taxe des barrières, beaucoup d’honorables membres ont signalé le mauvais état des routes, en l’attribuant principalement à la tolérance qui résultait de l’arrêté, alors existant, du 31 mars 1833. L’on n’a pas hésité à regarder cet arrêté comme la cause principale de l’excessive dégradation des routes, surtout dans le Brabant. Le ministre de l’intérieur a fait une sorte d’enquête dans le pays ; et c’est à la suite de renseignements recueillis dans toutes les provinces que, acquérant lui-même la conviction exprimée dans l’une et l’autre chambre, il a pris l’arrêté du 28 décembre dernier ; mesure conservatrice qui vous est en ce moment dénoncée par plusieurs pétitions.
Cette mesure a-t-elle changé la condition des entrepreneurs de l’entretien des routes ? En général, non, messieurs ; le dire, c’est se tromper sur la nature des baux qui sont passés pour l’entretien des routes ; ce ne sont pas des marchés à forfait, l’entrepreneur ne fournit qu’une quantité déterminée de matériaux ; mais il ne s’engage pas à entretenir la route, quoi qu’il advienne. C’est en ce sens qu’ont été passés les baux en 1835 pour une durée de 3 années. Ainsi l’entrepreneur n’est tenu qu’à fournir une certaine quantité de pavés, de pierres, quantité présumée nécessaire pour l’entretien des routes. Si cette quantité est insuffisante, c’est au gouvernement à faire les travaux supplémentaires. C’est en effet ce qui est arrivé l’année dernière. Les prévisions qui avaient servi de base à la rédaction des marchés ont malheureusement été dépassées.
Le gouvernement a dû suppléer, en travaux extraordinaires, une somme de 154,040 fr. 14 c.
Je ne veux pas dire, messieurs, qu’il faille mettre sur le compte des détériorations résultant du surcroît des chargements l’augmentation de la dépense montant, comme je viens de le dire, à 154,000 fr. environ ; mais la majeure partie de cette dépense extraordinaire a été absorbée par le Brabant, où l’on a donné un supplément de 51,000 fr., c’est-à-dire le tiers de la somme ; par le Hainaut, où l’on a dépensé 28,000 fr. Quant au Luxembourg, où l’on a dépensé 50,000 fr., c’est parce que la route principale y a été construite avec de mauvais matériaux. Toutefois il faut attribuer plus de la moitié de la dépense supplémentaire aux détériorations causées par la tolérance résultant de l’arrêté de mars 1833.
Cet hiver s’est annoncé comme celui de l’année dernière, par des alternatives de gelées et de dégels ; dès lors le ministre de l’intérieur a pensé qu’il ne devait pas laisser courir aux routes le même danger qu’elles avaient couru l’année dernière. On allait jusqu’à lui annoncer que trois hivers successifs, avec des alternatives de gelées et de dégels, seraient funestes à l’existence même de certaines routes. Ce sont ces faits qui ont motivé la mesure prise le 28 décembre.
Cependant cette mesure n’est pas définitive ; le gouvernement s’est réservé d’en prendre d’autres, et de les prendre prochainement.
L’arrêté renferme la réserve suivante : « Nous nous réservons d’accorder au roulage plus de facilité pour la saison d’été. »
Ainsi le gouvernement n’a pas statué d’une manière absolue et irrévocable, il n’a entendu que prévenir un mal qui lui semblait prochain, et qui n’eût été que la répétition de ce que nous avons vu l’hiver dernier ; il a désiré ne pas se retrouver dans la nécessité de faire une dépense supplémentaire d’au moins 80,000 fr.
Cet arrêté change-t-il la condition des fermiers des barrières ? Je réponds encore négativement. Si les chevaux attelés aux voitures sont en moins grand nombre, il y a plus de voyages, et par conséquent compensation.
Les fermiers ont contracté, au reste, sans qu’il résultât pour eux un droit acquis de l’arrêté du 31 mars 1833. Les droits du gouvernement restaient saufs, le gouvernement conservait de droit de faire les règlements qu’il jugerait nécessaires, la police du roulage n’a pu être engagée.
Aujourd’hui les fermiers de barrière ne pourraient faire dériver du changement qui a été fait un droit à une indemnité quelconque.
En résumé, le gouvernement a pu prendre l’arrêté du 28 décembre ; il a usé de son droit, parce qu’il y avait nécessité qu’il en usât. Des faits de notoriété publique l’y obligeaient ; la résolution n’est pas absolue ; elle sera modifiée dès que la saison le permettra, et le roulage sera traité plus favorablement.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, je pense que le vice que j’ai signalé l’année dernière est la véritable cause de la détérioration des routes. J’ai dit que lors du dégel les agents des ponts et chaussées doivent faire des rapports à l’ingénieur en chef de la province. Il faut un temps moral pour que ces rapports nous parviennent.
L’ingénieur doit ensuite s’adresser au gouverneur, lequel doit donner des ordres aux commissaires de district pour la fermeture des barrières. Pour cela, il faut beaucoup de temps, et avant qu’on n’ait envoyé ces vélocipèdes, qui souvent ne vont pas très vite, les routes ont le temps de se dégrader.
Voilà la véritable cause de la dégradation de nos routes, elle n’est pas dans la surcharge de mille kilogrammes. Ce n’est pas la première fois que je signale ce vice administratif. Toux ceux qui connaissent l’intérieur du pays sont unanimes pour reconnaître que c’est là le motif pour lequel nos routes sont dégradées. J’engage M. le ministre à apporter des améliorations dans ce service, à faire cesser les lenteurs que je viens de signaler ; c’est là une question qui mérite de sa part un sérieux examen.
Le moment n’était pas opportun pour rendre l’arrêté du 28 septembre. Depuis le gouvernement hollandais, le roulage est l’industrie dont l’état a été le moins prospère et empire tous les jours par suite de la construction des chemins de fer. Le moment était donc inopportun pour rendre un pareil arrêté.
On se plaint généralement dans les Flandres de l’augmentation de 20 p. c. qu’a éprouvée la houille. Vous voulez qu’on produise des fabricats à bon marché, afin de trouver des débouchés, afin de soutenir la concurrence avec les Anglais. Je vous ferai observer qu’en Angleterre le combustible est à très bon marché, tandis qu’il est très cher nous. Pour la moitié de la Flandre occidentale le transport en augmente le prix de beaucoup, parce que ce transport doit être fait par le roulage.
Au lieu de rendre un arrêté qui, en entravant le roulage, doit avoir pour résultat d’augmenter le prix de la houille, on aurait dû nous présenter un nouveau tarif pour l’entrée de la houille anglaise. Le droit actuel est exorbitant ; il est de 14 fr. par mille kilogrammes.
Je sais qu’un projet est préparé au ministère, dans lequel on propose de réduire ce droit à 4 ou 5 fr. Si ce projet n’est pas bientôt présenté à la chambre, je prendrai l’initiative. Plusieurs membres m’ont dit qu’ils appuieraient ma proposition.
Revenant à l’arrêté pris, je répète en terminant qu’il ruine le roulage. Depuis un ou deux ans, on a accordé d’immenses avantages au transport par la navigation, le péage sur le canal de Charleroy a été diminué ; et tandis qu’on accorde des faveurs à l’industrie de la navigation, on impose des surcroîts d’impôt et des entraves à l’industrie du roulage.
Lorsque l’inspecteur-général des ponts et chaussées siégeait dans cette chambre, il nous a dit que la surcharge de mille kilogrammes par chariot ne pouvait pas nuire aux routes. Il faudrait faire une nouvelle enquête et demander si la principale camuse des dégradations des routes n’est pas dans les lenteurs qu’éprouve la fermeture des barrières. J’engage le gouvernement à prendre en considération la position des rouliers et à ne pas l’aggraver. Partout ils sont dans la misère, et ils ont besoin de la protection du gouvernement.
M. Pirmez. - Lorsqu’on s’est plaint du mauvais état des routes, on l’a attribué à ce qu’elles étaient beaucoup parcourues. Je répondrai que le mauvais état vient de ce que les routes les plus parcourues ne sont pas réparées en raison de l’activité qui y règne, c’est-à-dire qu’on n’y fait pas de dépenses de réparation en proportion de ce qu’elles produisent.
L’arrêté qui vient de paraître me semble la conséquence naturelle de l’emprunt de 6 millions. Cet emprunt devait emporter avec soi, ou la dégradation des routes les plus parcourues, ou une élévation du droit de barrière, ou une diminution de charge. Mais les conséquences de ces trois choses sont exactement les mêmes, soit que vous laissiez dégrader les routes, que vous diminuiez la charge, ou que vous augmentiez le droit de barrière, vous augmentez le prix du transport. C’était là le résultat nécessaire de l’emprunt. Si vous affectiez aux réparations des routes les plus parcourues des sommes proportionnées à ce qu’elles produisent, elles pourraient supporter la charge.
Soyez persuadés que cette loi d’emprunt de six millions est considérée par les localités qui en souffrent comme une grande injustice. Lors de la discussion de cette loi, on vous a dit que la province du Hainaut n’avait cessé de réclamer contre une pareille mesure pendant longues années, que c’avait été son principal grief contre le gouvernement hollandais. Je pense que déjà cette année les états du Hainaut ont fait une adresse au gouvernement pour démontrer combien était injuste un pareil état de choses.
Si vous n’aviez pas ce système, dont les Hollandais vous ont donné l’idée lorsqu’ils ont fait construire des routes en Hollande aux frais de la Belgique, les routes les plus parcourues ne se trouveraient pas dégradées. Ce système a excité plus de haine que tous les griefs dont on a fait tant de bruit.
Voilà ce que j’avais à dire contre l’arrêté.
M. Desmet. - Mon intention n’était pas de critiquer la mesure que vient de prendre le gouvernement, parce que je pense que le vice existe non dans la mesure, mais dans l’exécution des règlements par ses agents, en ce qu’on laisse souvent passer des chariots trop chargés. La même chose se passe quand les barrières sont fermées pour cause de dégel. On sait qu’en payant on pourra se faire ouvrir les barrières, et de grands dégâts se font ainsi sur les routes.
L’honorable M. Frison a appelé l’attention du gouvernement sur le roulage.
Il y a des contrées qui sont tout à fait dépendantes du roulage ; il y a une partie des Flandres, par exemple, où il n’y a ni canal ni chemin de fer ; les transports ne se font que par le roulage. Sur l’Escaut et le canal d’Antoing, il y a monopole, et les frais de transport du charbon sont de 50 p. c. de la valeur ; et le charbon est augmenté non pas dans le prix coté, mais en ce que les mesures sont diminuées d’un dixième. On paraît vous donner le charbon au même prix, mais on vous en donne un dixième de moins ; c’est par suite du monopole du transport que le charbon est devenu si cher dans nos contrées.
Je dois encore appeler l’attention du gouvernement sur un objet qui me paraît des plus importants, ce sont les messageries. On leur fait payer, outre le droit de barrière, une contribution au profit des maîtres de poste. Je ne conçois pas pourquoi on leur fait payer cette contribution, car les messageries sont plus utiles que les postes, et je crois que l’impôt qu’on prélève sur les messageries est très contraire à l’esprit de notre constitution ; je prie donc les ministres de prendre en considération l’observation que je viens de faire. A cet égard, je saisis l’occasion pour signaler une vexation fiscale qui se commet dans notre pays, en exécutant rigoureusement l’arrêté du 25 prairial an IX. A tout instant vous voyez des gendarmes faire des fouilles dans les voitures publiques, arrêter des piétons, les fouiller, et s’ils trouvent sur eux une seule lettre, dresser procès-verbal. Plus de 50 procès-verbaux de contravention de ce genre ont été déférés au tribunal de Gand pendant l’année dernière. Je dois dire qu’ils ont été acquittés.
Vous pouvez juger du tort qui peut résulter pour le gouvernement de renouveler les vexations qui se pratiquaient sous Guillaume. Le commerce est très intéressé à ce que ces vexations cessent. A Alost, presque toutes les heures il part une diligence pour Gand ou Bruxelles, et en deux ou trois heures on peut y faire parvenir une lettre. Eh bien, non ; on est obligé de mettre sa lettre à la poste, et elle ne parviendra qu’au bout de 24 heures.
Une personne tombe malade, il est nécessaire d’en avertir quelqu’un au plus tôt ; par les diligences on pourrait le faire en deux ou trois heures ; pas du tout, il faut se servir de la poste, et l’avis ne parviendra que dans 24 heures. Le marché des huiles s’y tient le samedi à midi ; en mettant une lettre à la diligence, on pourrait connaître les prix à Bruxelles en trois heures ; il faut encore mettre sa lettre à la poste et subir un retard de 24 heures.
Toutes ces vexations se commettent en vertu d’un simple arrêté du 27 prairial an IX, et font grand tort au gouvernement. Je demande que le ministre des finances revienne là-dessus. On permet bien aux diligences le transport des feuilles périodiques.
Il y a autant d’utilité au transport des lettres qu’au transport des journaux.
Je demande donc que l’on mette un terme à un état de choses qui fait le plus grand tort au gouvernement.
J’espère que le ministre des finances ne tardera pas à faire contremander ses ordres sur l’exécution du vexatoire arrêté des conseils, et si les gendarmes ou les employés du fisc l’ont fait de leur propre mouvement et sans ordres, je ne puis trop l’engager à en ordonner la défense, car je ne puis assez répéter que ces fiscalités vexatoires font un tort extrême au gouvernement et prêtent des armes aux ennemis de l’ordre actuel des choses.
M. Lebeau. - Il s’agit, messieurs, de la loi des barrières, sur laquelle j’ai quelques mots à dire. Mon intention n’est pas, à ce propos, de parler du chemin de fer, du monopole de la poste ni de l’emprunt de 6 millions ; car il me semble que tout cela est plus ou moins étranger à la discussion actuelle. Mais je ne puis laisser passer ce qui a été dit sur une mesure qu’a prise le gouvernement relativement à la police du roulage.
Le gouvernement est tour a tour assailli de réclamations de diverses natures, selon que certains intérêts sont successivement lésés.
Lorsque la détérioration des routes a été reprochée au gouvernement, non seulement dans les chambres, mais encore dans la plupart des journaux, on a dit que c’était en grande partie à l’arrêté du 31 mars 1833 qu’il fallait attribuer cette dégradation.
On a aussi, dans la circonstance, rappelé au gouvernement que c’était un devoir pour lui d’exercer une surveillance beaucoup plus active sur l’administration des ponts à bascule. On attachait alors une très grande importance à ces mesures, que l’on regarde maintenant comme portant un préjudice notable à l’état des routes.
Je conçois que M. Frison ne sente pas très vivement les inconvénients qui ont été signalés, parce que, dans sa province de Hainaut, les routes sont généralement pavées. Mais, dans les diverses provinces où les routes sont en cailloutis, sont empierrées, il est impossible de concevoir le maintien des routes en bon état (quelques efforts que fasse dans ce but le gouvernement) avec le système de roulage admis en 1833.
Il a été fait là-dessus une enquête générale, sévère et minutieuse, à laquelle, quoi qu’on en ait pu dire, les entrepreneurs n’ont pris aucune part, parce que cela ne les regardait pas. Ce sont le corps des ponts et chaussées, les administrations locales et les chefs des administrations provinciales qui ont été chargés de diriger et de faire cette enquête ; et l’on a reconnu non seulement la nécessité, mais encore l’urgence de rapporter l’arrêté de 1833, pour les provinces surtout où les routes sont en cailloutis. Je pourrais citer, outre la province de Namur, la province de Liége et une partie de la province de Brabant.
Le système de roulage doit être nécessairement combiné avec l’état de solidité des routes, avec le système de réparation et d’entretien des routes.
Je conçois jusqu’à certain point la justice des réclamations du préopinant lorsqu’il parle du système du routage relativement aux routes pavées. Mais il n’en est pas de même relativement aux routes en cailloutis ; et il y en a beaucoup dans le pays.
En Angleterre, où presque toutes les routes sont empierrées, la tolérance du roulage est loin d’aller au point où la porte l’arrêté du 31 mars 1833, et où la porte même l’arrêté de 1836.
J’ai parcouru une partie de l’Angleterre à diverses époques. Je n’y ai vu que des routes empierrées. Mais je n’ai jamais vu sur ces routes ni chariots, ni charrettes, ni diligences dont la dimension ou le poids approchât le moins du monde du poids des diligences et des chariots du pays. Il n’est pas un Anglais qui comprenne que l’on puisse maintenir les routes dans un état de viabilité convenable avec la charge des voitures tolérée sur les routes du pays.
Quant aux ponts à bascules dont un préopinant voudrait la suppression, je dois dire que généralement on réclame au contraire, de la part de l’autorité, une surveillance plus sérieuse. On réclame une position un peu meilleure pour les tenants de ponts à bascule, qui journellement sont exposés à des tentatives de corruption de la part du roulage.
Je ne dirai rien d’un vœu sur lequel un préopinant n’a pas insisté, mais qu’il a émis pour la suppression du droit de barrières, citant à cet égard l’exemple de la France. En France les rouliers voudraient bien, j’en suis sûr, payer des droits de barrières, s’ils avaient l’avantage d’user de routes comme celles de la Belgique. Chacun sait qu’en France les routes sont généralement mauvaises, et qu’elles ne pensent en aucune façon soutenir la comparaison avec les routes de notre pays.
On se préoccupe beaucoup ici de l’intérêt du roulage ; mais il faut aussi penser à l’intérêt du voyageur et du consommateur. Lorsque les routes sont mauvaises, le roulier peut faire un bénéfice plus considérable ; il peut demander un prix plus élevé. Qui en souffre ? Evidemment le consommateur. Plus les routes sont mauvaises, plus le transport coûte cher, et plus il est lent. Il ne faut pas penser seulement aux rouliers, car nous sommes ici pour penser un peu à tout le monde. J’appelle l’attention de la chambre sur l’intérêt du consommateur, sur l’intérêt du commerce : il réclame le maintien en bon état des routes.
On vous a parlé de la lenteur avec laquelle on procédait parfois à l’interruption des communications, à la clôture des barrières. Cette lenteur est naturelle. Il est très naturel lorsqu’il est question de prendre une mesure qui porte un préjudice notable au commerce et qui est toujours l’objet de vives réclamations, que le gouvernement hésite, éprouve quelques scrupules, et veuille, avant de prendre une telle mesure, s’assurer si elle est nécessaire ; car une interruption des communications pendant 8 jours seulement jette la perturbation dans les relations commerciales. La précipitation donnerait lieu à de bien d’autres reproches que ceux que l’on adresse au gouvernement au sujet de son hésitation en présence de la nécessité à laquelle il se trouve réduit.
Je ne puis donc m’associer aux reproches faits au gouvernement à l’occasion de l’arrêté qui abroge celui de 1833, en ce qui concerne le système de roulage sur les communications publiques.
On a aussi accusé le gouvernement de ne pas faire assez pour la réparation des routes. J’ignore comment les choses se passent ailleurs. Mais je sais que dans plusieurs provinces le devis des réparations à faire est porté par les entrepreneurs, sans autres limites que les besoins des routes.
Quelles que soient les clauses du bail des entrepreneurs, je n’ai jamais entendu dire que le gouvernement ne les ait pas approuvées. Aucun fait de cette nature n’est à ma connaissance. Le gouvernement ne néglige donc rien pour la réparation des routes.
Je persiste à croire qu’il n’y a pas de reproches à adresser à l’administration au sujet des réparations et de l’entretien des routes. Si le gouvernement ne réussit pas toujours, il faut tenir compte des années exceptionnelles que nous avons eues, des hivers désastreux que nous avons vus depuis quelques années.
S’il y a des vices encore dans l’entretien des routes, ils sont, à mon avis, dans le système du roulage, auquel on n’a pas complètement remédié par les dispositions de l’arrêté contre lequel on s’est élevé.
M. Andries. - J’ai peu de choses à dire après ce qu’ont dit les préopinants.
J’attirerai l’attention de M. le ministre des travaux publies sur les plantations ; car elles sont très négligées dans ma province.
Si l’on vendait à temps les arbres abattus sur les routes, cette vente pourrait produire quelque chose. Au lieu de cela, je ne sais pourquoi l’on ne vend ces arbres que quand ils sont pourris. De telle sorte que cette vente ne rapporte rien.
De même les branches élaguées ne rapportent également rien, parce qu’on les laisse au bord des routes où elles sont volées. J’ai la même observation à faire sur les grès de rebut ; on les laisse sur les routes, et ils sont volés. Au lieu de cela on pourrait les accorder à des communes qui en feraient un bon usage pour la réparation de leurs routes.
Je voudrais que le gouvernement exploitât les plantations comme le propriétaire le plus riche et en même temps le plus intelligent du pays ; il faut qu’il donne l’exempte en cette matière.
M. de Puydt. - Je ne puis passer sous silence, messieurs, une observation qui a été faite par un honorable préopinant relativement à l’emprunt de 6 millions, auquel il attribue le mauvais état des routes ; Je répondrai à cette assertion par un calcul extrêmement simple : avant que l’emprunt de 6 millions ne fût voté, la somme affectée annuellement à l’entretien des routes, et qui était prélevée sur le produit des barrières, s’élevait à 1,300,000 fr. ; depuis que l’emprunt a été voté, la somme affectée à l’entretien des routes et qui est également prélevée sur le produit des barrières, est encore de 1,300,000 fr. ; l’année avant l’emprunt il y a eu un excédant de 864,000 fr. employé à la construction de routes nouvelles ; depuis l’emprunt il y a encore eu un excédant de 729,000 fr. employé de même à la construction de nouvelles routes ; indépendamment de cet excédant qu’on pourrait, si on le voulait, employer à l’entretien des routes, il y a une somme de 200 et quelques mille francs qui est consacrée au paiement des intérêts et à l’amortissement de l’emprunt de 6 millions. Vous voyez donc, messieurs, que la somme qui est réservée à l’amortissement et au paiement des intérêts de transport ne peut exercer aucune influence, quelle qu’elle soit, sur l’entretien des routes, puisqu’elle ne diminue en aucune manière la somme qui est destinée à cet entretien. Il me semble, messieurs, que ces faits détruisent complètement les arguments de l’honorable membre auquel je réponds.
M. Pirmez. - Ce que j’ai dit de l’emprunt de 6 millions s’appliquait plutôt au système qui a fait recourir à cet emprunt, qu’a l’emprunt lui-même ; peu importent dès lors les calculs que vient de vous présenter l’honorable préopinant. Le système que j’ai attaqué, c’est celui de ne pas consacrer exclusivement à l’entretien de chaque route les produits de cette route ; il résulte de ce système que les routes du Hainaut qui produisent le plus, n’ont jamais été en aussi bon état que celles des autres provinces. C’est là, messieurs, ce qui, sous le gouvernement hollandais comme sous le gouvernement actuel, a soulevé les plus grandes réclamations.
M. Scheyven. - Messieurs, mon intention, en prenant la parole, n’est pas de m’opposer à l’adoption du projet de loi, mais d’appeler l’attention du ministre des travaux publics sur le mauvais état de quelques-unes de nos routes de gravier.
Je citerai la route de première classe de Maestricht vers Wezel, et l’embranchement fait il y a 3 ou 4 ans autour du rayon de Maestricht, province de Limbourg ; cette route ressemble plutôt à un mauvais chemin vicinal qu’à une grande route.
L’on attribue généralement le mauvais état de nos routes de cette espèce à deux causes, au mode de construction et au défaut d’entretien. Il paraît que dans la construction de nos routes le gravier qu’on emploie n’est pas placé à une profondeur suffisante ou en d’autres termes qu’on n’emploie pas assez de gravier, en second lieu, qu’on n’emploie pas de cylindre pour raffermir les routes, et enfin, qu’on ne les rend pas assez bombées.
L’on s’est souvent demandé pourquoi le gouvernement n’ordonnait pas de suivre le mode de construction adopté en Prusse, qui, à ce qu’il semble, est très simple. Quoi qu’il en soit, il est incontestable que les routes sont de beaucoup meilleures en Prusse que chez nous, qu’elles y sont plus raffermies le jour même de l’achèvement qu’ici après 4 ou 5 ans d’existence ; je pense donc que le gouvernement ferait sagement d’envoyer un ingénieur dans ce pays pour voir la manière dont les routes y sont construites, afin de l’adopter pour les nôtres, surtout dans un moment où il s’agit de créer de nouvelles voies de communication, car les faits sont là pour prouver la supériorité sur celles qui existent chez nous.
La seconde cause est le défaut d’entretien. Il est de fait que pour conserver une route bonne, il faut réparer sur-le-champ les plus petites dégradations ; sans cela l’eau y reste, amollit le terrain, et les roues des voitures ou chariots s’enfoncent et font des ornières ; c’est ainsi que j’ai vu il n’y a pas un mois encore, sur la route de Maestricht que j’ai citée, des ornières d’une profondeur d’un demi-pied au moins. Pour y porter remède, il faut absolument augmenter le nombre des cantonniers, et les charger de réparer journellement les moindres détériorations et remplir les creux qu’ils y remarquent : de cette manière les routes seront toujours en bon état, et on évitera de grandes réparations qui toujours sont très coûteuses.
M. Verdussen. - Je crois, messieurs, que plusieurs orateurs s’écartent de la question, et rentrent tout à fait dans la discussion du budget de l’intérieur ; il s’agit aujourd’hui de savoir s’il convient de percevoir le droit de barrière comme jadis, ou s’il faut en diminue, ou augmenter le taux ; voilà toute la question ; d’honorables préopinants viennent de faire des observations qui trouveront leur place quand il s’agira de discuter le chapitre du budget de l’intérieur qui concerne les travaux publics : c’est ainsi que M. Desmet a parlé des postes, des messageries, disant qu’il faut laisser passer les lettres qui sont transportées par les diligences, invitant, ce me semble, le gouvernement à fermer les yeux sur la violation de la loi ; ce sont là des questions qui ne doivent pas être traitées aujourd’hui et sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire si on voulait les approfondir.
Je demande, messieurs, qu’on rentre dans la question.
M. Gendebien. - Je ne sais, messieurs, si j’essuierai le reproche de m’écarter de la question, mais je déclare que je n’ai l’intention de parler que sur le droit de barrière.
Chaque année j’ai réclamé contre le mauvais système du droit des barrières ; j’ai dit et répété chaque année que dans un pays industriel et agricole, dans un pays de transit comme le nôtre, il fallait diminuer le droit de barrière autant que possible, et même le faire disparaître totalement. Quand il s’est agi du transit dans cette assemblée, beaucoup d’honorables membres étaient très disposés à dispenser le transit de tout droit et même de tous frais de transports faits par le chemin de fer ; car la proposition a été faite, lors de la discussion de la loi relative au chemin de fer, de ne rien percevoir, non seulement à titre de droit de barrière, mais même comme frais de transport par le chemin de fer.
Eh bien, messieurs, si alors on était disposé à faire une semblable faveur aux marchandises étrangères, il faut l’accorder également, et à plus forte raison, à vos propres marchandises.
Je crois, messieurs, qu’en matière de barrières le seul bon système est de ne rien percevoir sur les grandes routes, non pas que je veuille établir un principe absolu pour tous les pays ; je parle seulement pour la Belgique : qu’est-ce que la Belgique si ce n’est une grande route où tout le monde passe pour aller vers la mer ou de la mer vers les pays dont elle est entourée ? qu’est-ce que la Belgique sous le rapport de l’industrie proprement dite, de l’industrie naturelle ? c’est un pays qui produit essentiellement du fer, de la houille, en un mot des matières pondéreuses qui, transportées à cinq lieues de distance, coûtent, en général, par les frais de transport, une valeur double de leur valeur primitive.
L’honorable M. Frison vous a fait voir tout à l’heure qu’au moyen de 3 centimes additionnels sur les contributions ordinaires, il y aurait de quoi pourvoir à l’entretien des routes, et qu’il y aurait le même excédant qu’aujourd’hui. De cette manière, messieurs, vous cesseriez d’avoir des frais de perception, vous cesseriez d’avoir une administration très coûteuse ; ces frais de perception je ne sais jusqu’où ils peuvent monter ; mais veuillez remarquer que celui qui entreprend à ses risques et périls de percevoir le droit de barrière, doit être dédommagé, par de gros bénéfices, des éventualités de pertes auxquelles il s’expose. Ensuite jugez, messieurs, ce que doit coûter un homme placé à chaque lieue de distance pour percevoir les droits de barrières, et cela sur toutes les routes ! Eh bien, messieurs, en remplaçant le droit de barrière par quelques légers centimes additionnels, vous économiseriez au profit des consommateurs les gros bénéfices qu’il faut donner maintenant aux entrepreneurs, et toutes les sommes qu’il faut payer aux nombreux percepteurs, dont plusieurs, sur certaines routes, perçoivent à peine de quoi les payer, de manière que l’impôt sur ces routes se trouve entièrement absorbé par les percepteurs.
C’est une injustice faite au pays, messieurs, que de faire payer aux matières pondéreuses, telles que le fer, la houille, les pierres, le même droit qu’aux marchandises précieuses. Vous faites payer pour mille kilog. de charbon ou de fer qui est acheminé vers un port ou une frontière quelconque le même droit que pour mille kilog de telle ou telle autre marchandise qui vaut mille fois plus ; cela est-il juste ? A l’égard de l’étranger favorisé par les lois de transit, c’est une iniquité ; à l’égard de l’intérieur, c’est, au moins, une répartition mal faite, un impôt mal assis.
Qu’on en revienne une bonne fois, messieurs, aux idées simples en administration ; qu’on établisse à charge des consommateurs 3 centimes additionnels sur les contributions ordinaires, comme l’a proposé M. Frison, et on aura non seulement de quoi pourvoir à l’entretien des routes, mais encore les bénéfices que font aujourd’hui les entrepreneurs.
Puisque j’ai prononcé le mot bénéfice, je ne puis me dispenser de dire encore un mot du bénéfice qu’on prélève dans les provinces industrielles sur l’impôt des barrières pour faire ailleurs des routes qui ne sont pour ainsi dire que des routes d’agrément, je dirai presque des routes de luxe : vous chargez l’industrie de quelques parties du royaume pour l’agrément, pour le luxe de quelques autres parties Voyez, messieurs, quelle injustice !
Comme le disait un honorable préopinant, un des griefs de la province du Hainaut contre le gouvernement hollandais, c’était cet impôt qu’on prélevait sur le Hainaut et le Brabant pour favoriser les autres provinces ; il a été l’objet des plus vives et des plus constantes réclamations ; comme le disait l’honorable M. Pirmez, dès la première réunion des états provinciaux du Hainaut, ils ont élevé la voix contre l’injustice que j’ai tant de fois signalée, et leurs réclamations deviendront d’autant plus vives qu’elles sont mieux fondées. Eh bien, messieurs, pour couper court à toutes ces réclamations, faisons ce qu’a proposé M. Frison, faisons une chose juste et utile pour tout le monde. Qui pourra s’en plaindre ?
Veuillez calculer, messieurs, la différence qu’il y a pour les consommateurs entre trois centimes additionnels sur les contributions ordinaires et le droit actuel des barrières. Ce droit ne s’élève pas à trois centimes additionnels sur toutes les contributions, mais peut-être à 15 p. c. ; car remarquez bien qu’il ne fournit pas seulement le produit net, mais qu’il doit aussi fournir de quoi donner aux fermiers de barrières des bénéfices considérables qui les dédommagent, Comme je l’ai déjà dit, des chances de pertes auxquelles ils sont exposés, de quoi payer les percepteurs qui, dans telles parties de telles provinces, où les barrières rapportent beaucoup, sont très bien payés ou doivent être doublés, tandis que dans telle autre localité le produit est si peu de chose, que souvent, en certaines saisons, il ne rapporte pas même assez pour fournir à leur traitement.
Eh bien, ce sont les contribuables qui paient toutes ces charges, toutes ces anomalies ; et il n’y a pas d’exagération, quand je dis qu’au lieu de coûter trois centimes additionnels aux contributions, les barrières coûtent à chaque habitant du pays 15 centimes additionnels.
J’ai donc des motifs légitimes d’espoir, qu’on arrivera un jour à simplifier cette partie de l’administration. Aussi je n’y renoncerai jamais.
Un honorable membre a dit qu’il fallait bien se garder de supprimer les barrières, comme on l’a fait en France ; que les routes en France étaient dans un mauvais état, et qu’il n’y avait pas de roulier dans ce pays qui ne consentît très volontiers à payer un droit de barrière, pour avoir de bonnes routes.
Cet argument, messieurs, ne prouve rien contre la proposition que j’ai faite chaque année ; il ne prouve qu’une chose : c’est que le gouvernement français néglige l’entretien de ses routes ; elles ne seraient pas mieux entretenues si on y payait un droit de barrière. Le mauvais état des routes en France tient à un vice d’administration, à un système de dilapidation d’intrigues et de monopole.
De tout temps, alors même qu’on faisait payer les barrières en France, les routes principales, parcourues par le chef de l’Etat et par les hauts fonctionnaires, et celles qui, dans les départements, étaient présumées devoir être parcourues par le préfet, étaient les seules qui fussent à peu près bien entretenues ; les autres ont toujours été négligées ; cet état de choses, je le répète, tient à un vice essentiel dans l’administration française qu’on ne rencontre heureusement pas encore chez nous. Messieurs, dès l’instant que la chambre porte à son budget une somme nécessaire avec une affectation spéciale pour l’entretien, je voudrais bien savoir comment un ministre s’y prendrait pour se justifier, lorsqu’on viendrait se plaindre du mauvais état des routes. Que ce produit arrive des fermiers des barrières, ou que cette allocation procède de centimes additionnels ou pris sur le principal des contribution, générales ; du moment que les fonds sont faits, y a-t-il un ministre qui osât ne pas entretenir les routes ?
Eh bien, aujourd’hui nous avons ce système de barrières. Est-ce que toutes les routes sont en bon état ? Un honorable préopinant vient de vous parler d’ornières d’un demi-pied, d’une route tout à fait labourée. Un autre membre vous a dénoncé le mauvais état de la route de Nivelles au Mont-St-Jean. Je dirai, quant à moi, que la route d’ici à Charleroy n’est pas constamment bonne, il s’en faut de beaucoup.
Cet état de choses ne tient donc pas au système des barrières ; et s’il est vrai qu’en France les rouliers consentissent volontiers à payer des barrières pour avoir de meilleures routes, quel langage doivent donc tenir les rouliers en Belgique, qui sont obligés de payer des droits de barrières exorbitants et qui ont de mauvaises routes à parcourir dans certaines localités !
Vous voyez donc que l’argument d’un honorable préopinant ne signifie rien, ne répond à rien.
J’espère, messieurs, et il en est temps encore pour cette année, j’espère que M. le ministre des travaux publics réfléchira aux observations que je viens de faire et qui sont à peu de chose près la répétition de celles que j’ai faites les années précédentes.
Pour moi, je suis décidé à voter perpétuellement contre toute espèce d’impôt des barrières, et je désire que mes honorables collègues en fassent autant.
On s’est plaint, messieurs, d’un arrêté du mois de décembre dernier, qui a changé l’état des choses établi par un arrêté de 1833, relativement à la surcharge qu’on considère aujourd’hui comme étant de nature à détruire les routes.
Messieurs, il est fort difficile de concilier à cet égard tous les intérêts, les intérêts du trésor et ceux des voituriers. Je ne vois d’autre moyen de sortir de cet embarras, qu’en supprimant le droit des barrières. Dès l’instant que vous ne forcerez plus les voituriers à payer cet impôt énorme, ils n’auront plus le droit de se plaindre lorsqu’il sera interdit de prendre des surcharges : et vous aurez, sur la différence des frais d’entretien résultant de la surcharge, un bénéfice tel qu’en y ajoutant peu de chose, vous pourrez entretenir les routes en bon état. Ainsi, tout en conciliant les différents intérêts, vous trouverez encore une nouvelle cause d’économie dans la mesure que je propose.
Sans vouloir m’étendre davantage sur ce sujet, ne connaissant pas assez l’état réel des choses, je me borne à la recommander à l’attention du gouvernement, et je ne dirai plus que peu de mots pour relever ce qui a été dit par deux honorables préopinants.
Un honorable membre a dit que l’arrêté qui a supprimé le surcroît des charges avait été porté en faveur des entrepreneurs de l’entretien des routes.
Le ministre des travaux publics a répondu que cela était impossible, parce qu’ils n’avaient pas de baux à forfait ; il a ajouté qu’ils étaient chargés de fournir certaines quantités de pavés, de sable, et certaines quantités de main-d’œuvre ; que lorsqu’il y avait un surcroît de dépense, il était à la charge du gouvernement ; que dès lors ils n’avaient aucun intérêt dans la question. Le ministre a dit enfin que cela était si vrai, que le gouvernement a été obligé, l’année dernière, d’augmenter de 150,000 fr. le crédit primitivement affecté à l’entretien des routes.
L’honorable M. Lebeau, à son tour, est venu vous dire qu’on avait tort d’adresser des reproches au gouvernement, à raison du défaut d’entretien des routes, parce que les entrepreneurs étaient chargés, non pas de faire tel ou tel travail, comme l’avait dit M. le ministre, mais bien d’entretenir les routes en bon état, conformément à des cahiers des charges ; que souvent l’état des routes était vérifié, et que de nombreux procès-verbaux étaient dressés dès que les routes n’étaient pas en bon état d’entretien.
Il me semble qu’il y a un peu de contradiction entre l’assertion de M. Lebeau et celle de M. le ministre des travaux publics ; je ne puis, quant à moi, concilier ces deux opinions, et à cet égard je demande une explication, me réservant ultérieurement de tirer les conséquences de la solution qui sera donnée à mon observation.
Messieurs, on vous a parlé de diligences et de postes ; quoique cet objet sorte de la discussion, je dirai à cette occasion que j’ai toujours été choqué de la mesure qui fait payer aux entrepreneurs de diligences 25 centimes par cheval, au profit des maîtres de poste. Je n’ai cessé de réclamer contre cet abus, et je saisis cette occasion de renouveler mes doléances, Je considère cette mesure comme un privilège à charge des personnes qui vont en diligence, et en faveur de celles qui vont en poste ; et si l’on impose ceux qui vont en diligence au profit de ceux qui vont en poste, je ne vois pas de raison pour ne pas imposer les piétons en faveur de ceux qui vont en diligence.
Je ne m’étendrai point sur ce point, sur lequel, au reste, j’aurai occasion de revenir ; mais ce sujet me rappelle que ceux qui voyagent en diligence ont un autre grief à adresser au gouvernement : c’est qu’à chaque instant les entrepreneurs des diligences sont arrêtés aux ponts à bascule, et mis en contravention sous prétexte de surcharges.
Dernièrement une personne eut occasion de parcourir la route de Bruxelles à Mons ; c’était le jour où l’on avait fermé les barrières. La diligence a été arrêtée à chaque pont à bascule : discussion d’un quart d’heure à chaque pont, et retard d’une heure pour les voyageurs. Cependant la diligence n’était pas au complet quant au personnel ; il manquait deux voyageurs ; le bagage était peu considérable ; il n’y avait pas de marchandises, car la personne dont je parle a vérifié la chose à Mons ; néanmoins le conducteur avait beau dire que, n’ayant pas de marchandises, il ne pouvait diminuer le poids de la voiture, puisqu’il ne pouvait laisser en route les voyageurs qu’il s’était engagé à conduire à Mons au plus loin ; ces observations très justes n’ont été prises en aucune considération ; le conducteur a été forcé de subir un procès-verbal à chaque pont à bascule.
Voilà une vexation qui tend à augmenter les charges et les désagréments pour ceux qui vont en diligence.
Je vous le demande, messieurs, est-il nécessaire d’être aussi rigoureux à l’égard des diligences ? Quel mal peuvent-elles faire sur une grande route, dès l’instant qu’elles ne transportent pas de marchandises ? Hors du temps de fermeture des barrières, quel inconvénient peut-il y avoir à laisser surcharger les diligences attelées de trois chevaux, par exemple ? Cependant il n’est pour ainsi dire pas de voyage où on ne les fait passer sur chacun des ponts à bascule qui se trouvent sur la route, et à chaque instant on les met en contravention ; mais on a bien soin de ne faire subir aucune de ces mesures vexatoires à ceux qui voyagent en poste à six chevaux.
J’ai oublié de dire, en parlant tout à l’heure du surcroît de charge, qu’il y a une différence à faire, quant à la nature des routes, pour autoriser ou pour défendre la surcharge ; car il est incontestable que les routes composées de gravier ou cailloutis doivent, surtout dans les grandes pluies, se détériorer beaucoup plus vite et plus facilement que les routes pavées. Qu’on fasse au moins cette distinction, et s’il est vrai qu’il peut y avoir des inconvénients en ce qui concerne les routes construites de la première manière, qu’on n’étende pas au moins l’interdiction aux routes de la deuxième espèce, où la surcharge ne doit pas faire craindre de dégradations ; car les routes les plus fréquentées par les fortes charges sont construites en pavés de grandes dimensions et très solides. Au dire de quelques honorables membres qui habitent certaines parties de ces grandes routes où les voituriers se plaignent le plus, la surcharge n’a nullement contribué à la détérioration de ces routes.
Je crois, messieurs, avoir répondu aux principales objections que je me proposais de rencontrer.
Je me résume, en disant : Pour faire disparaître toutes les plaintes, à commencer par celles du Hainaut et du Brabant qui ne tarderont pas à surgir et qui, si vous n’y portez remède, s’envenimeront tous les ans ; pour faire disparaître les plaintes fondées, à mon avis, des voituriers sur toutes les routes construites avec de gros pavés ; pour mettre un terme à la surcharge que vous faites peser inutilement sur tous les consommateurs ; pour faire une économie dans l’intérêt de tous les genres de consommateurs ; pour favoriser l’industrie et le commerce ; enfin pour diminuer la besogne du département de l’intérieur qui en a déjà assez sans celle-là, je prie le gouvernement d’examiner, de méditer cette question, s’il n’est pas plus utile à l’Etat, aux consommateurs, à l’industrie et au commerce, de supprimer que de maintenir le droit de barrière ; je prie M. le ministre d’y donner toute son attention ; quant à moi, j’ai la pleine conviction qu’il serait plus utile de supprimer cet impôt.
(Moniteur belge n°36, du 5 février 1837) M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je pense qu’il n’est pas difficile de mettre d’accord M. le ministre des travaux publics et M. Lebeau sur les clauses du cahier des charges. Il faut distinguer entre le simple entretien et la fourniture de pavés neufs, ou le relevé de certaines parties de route qui sont spécialement déterminées dans le cahier des charges où l’on porte le nombre des pavés à fournir et le métré des parties de route qui devront être relevées par les entrepreneurs. Peut-être reste-t-il encore une autre différence pour les routes empierrées. Là il n’y a pas de pavés à fournir ni à relever. Voilà de quelle manière les deux opinions se concilient parfaitement.
Je ne reviendrai pas sur les dispositions de l’arrêté qu’on a critiqué. Il était urgent ; mais il n’est pas définitif, il peut recevoir telles modifications que l’expérience permettra d’introduire. Je ferai seulement cette observation générale qu’il est extrêmement essentiel, que les routes ne soient pas dégradées dès l’entrée de l’hiver, parce que ces dégradations font sentir leurs effets pendant plusieurs mois, jusqu’à la saison où les réparations peuvent être exécutées.
Remarquez que la restriction apportée au gros roulage semble apporter quelque préjudice aux rouliers ; il est évident que les dégradations qu’éprouvent les routes portent préjudice à tous ceux qui doivent circuler sur ces routes, nuisent aux transports de toute espèce à cause de la lenteur de la circulation, et dégradent considérablement les voitures ; mais le gros roulage même ne souffre pas moins des détériorations considérables qu’éprouvent les routes, puisqu’il en résulte la nécessité d’augmenter le nombre des chevaux.
En principe, il vaut mieux ne pas s’exposer à voir dégrader considérablement les routes, et pour cela il vaut mieux accorder un peu moins de tolérance pour la charge. Cependant l’arrêté indique assez qu’il est susceptible de modifications. C’est ce qu’on fera pour la bonne saison où il y a moins de danger à permettre la surcharge.
Chacun sait qu’à la fin de la saison de l’année dernière, il y a eu des pluies continuelles, que la gelée a été prématurée, et qu’il était tombé de la neige en abondance, qu’un dégel prochain était à prévoir, et qu’il eût été suivi de dégradations considérables sur les principales routes si on n’avait pris des mesures nécessaires : cette mesure de conservation n’a pas été la seule, il a été recommandé de prendre toutes les précautions nécessaires pour assurer en temps opportun la fermeture des barrières. Aussitôt que la gelée s’est annoncée, l’attention de MM. les gouverneurs a été appelée sur ce point.
L’honorable orateur qui a parlé le dernier s’est prononcé contre le principe même du droit de barrière. Si sa doctrine se présente d’abord sous un rapport spécieux, en y réfléchissant davantage on voit cependant que cette théorie serait réellement nuisible.
Par le droit de barrière vous obtenez un excédant qui nous permet de créer des routes dans les diverses localités qui en manquent. Remarquez que les routes nouvelles en apportant la prospérité dans les localités qu’elles traversent, tournent aussi à l’avantage des localités qui en sont le mieux pourvues, en ce que les produits de l’industrie, qui sont plus abondants dans les localités le mieux pourvues de route, sont plus facilement transportés dans toutes les parties du royaume. Plus les communications augmentent, plus les localités riches en profitent.
D’autre part, si on supprimait le droit de barrière, vous n’auriez plus de demandes en concession pour des constructions de routes. Cependant il est impossible que l’Etat se charge de l’exécution de toutes les routes à ses frais. Il faut absolument maintenir le droit de péage afin de vivifier le système des concessions. C’est avec le concours des efforts de l’industrie privée qu’on doit espérer d’obtenir un système de communication complet. Certainement, avec la loi de l’emprunt de six millions, la Belgique sera, au bout de peu d’années, le pays le mieux doté de moyens de communication.
On a signalé que dans certaines localités le système de droit de barrière était onéreux, vu le peu de produits du droit et la dépense de la perception. On ne peut pas s’arrêter à ces faits isolés, il faut considérer la taxe des barrières dans son ensemble. On sent qu’il n’est pas nécessaire qu’un même individu soit constamment préposé à la perception, c’est souvent quelqu’un de sa famille qui se présente pour percevoir ; de sorte que la perception est moins onéreuse qu’on ne le suppose : il n’y a pas lieu d’établir des calculs en supposant des traitements d’agents spéciaux exclusivement employés à la perception de la taxe ; la plupart du temps elle se fait sans une perte trop notable de temps pour les percepteurs.
Je pense qu’il est inutile de discuter davantage le principe du droit, la chambre ne se montrant pas disposée à le supprimer.
(Moniteur belge n°36, du 5 février 1837) M. Eloy de Burdinne. - J’ai demandé la parole pour réfuter quelques honorables préopinants qui voudraient voir disparaître la taxe sur les routes. Pour moi, je pense que l’impôt le plus justement réparti est celui qui se perçoit sur les barrières. Un des honorable préopinants d’après les calculs qu’il a faits, croit qu’on pourrait faire l’entretien des routes moyennant trois centimes additionnels dont on frapperait l’impôt foncier.
M. Frison. - Non ! non ! tous les impôts.
M. Eloy de Burdinne. - Ah ! ce serait trois centimes additionnels sur tous les impôts. De cette manière le calcul est moins inexact que je ne pensais ; mais je dis encore que ce ne sera pas avec trois centimes additionnels que vous parviendrez à faire face à l’entretien des routes ; il faudra au moins six centimes pour faire une somme d’environ 14 à 15 cent mille francs.
Veuillez remarquer, au reste, que l’impôt de barrière n’atteint pas seulement celui qui use les routes, mais pèse principalement sur ceux qui les parcourent sans les dégrader. C’est ainsi que l’étranger, voyageant en poste, paie un impôt à l’Etat sans dégrader en aucune manière nos routes. Ainsi donc cet impôt est en grande partie supporté par le luxe, et en cela, je ne m’oppose nullement à ce que le luxe soit taxé.
Je conçois fort bien que les localités qui sont dotées de bonnes communications trouvent très convenable qu’on supprime le droit de barrière. Il n’en est pas de même pour les localités qui en manquent. Si ces localités ont contribué à la construction de routes et de canaux ailleurs, sans doute il est bien juste qu’aujourd’hui on vienne leur rendre les avances qu’elles ont faites dans le temps pour créer des communications ailleurs. Ces localités qui manquent de routes ne trouvent ni injuste ni incommode le paiement des droits de barrière, elles demandent que le gouvernement leur construise des routes à ce prix ; elles vont même plus loin, elles offrent des subsides au gouvernement pour qu’il les dote de communications.
Par ces motifs je prierai le gouvernement de ne pas consentir à la suppression du droit de barrière pour le remplacer par des centimes additionnels sur tous les autres impôts,
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur. - Messieurs, comme l’honorable préopinant, je ne pense pas qu’il soit bien convenable de supprimer le droit de barrière. Je ne sais pas d’ailleurs si vous pourriez le faire. Vous avez concédé des constructions de route à des administrations et à des sociétés avec le droit de percevoir une taxe. Si vous supprimiez le droit de barrière sur les routes de l’Etat, il en résulterait une grande disparate dans la législation, au profit de certaines localités, tandis que certaines autres resteraient chargées du droit sur les routes concédées avec cette charge.
Je ne pense pas qu’il serait utile au pays que ce fût le trésor qui se chargeât de l’entretien des routes. Voyez ce qui se passe où le droit de barrière n’existe pas. On vous a cité la France. J’ai été dans le cas de parcourir une grande partie de la France, et j’ai été frappé de l’état déplorable dans lequel se trouvaient les routes. Je n’en ai pas été étonné. Ordinairement le bilan des recettes et des dépenses présente un déficit au lieu d’un excédant ; il en résulte que l’entretien des routes est considéré comme un objet secondaire, et qu’on épargne presque toujours les frais que leur entretien exigerait.
A présent je ne saurais croire non plus, comme M. Gendebien, qu’il soit utile de supprimer cette taxe.
Il est évident que les routes multipliées dans un pays permettent d’établir un plus grand nombre d’usines et de fabriques. Dès lors la concurrence qui résulte de cet état de choses tourne évidemment à l’avantage du consommateur. La facilité d’amener les produits au foyer de consommation, sans en augmenter considérablement la valeur réelle, est avantageuse au consommateur, surtout lorsque ces produits ne sont pas consommés d’une manière improductive, et deviennent eux-mêmes des matières premières pour des fabrications nouvelles.
Je crois également que l’excédant du produit des barrières doit être employé à la construction de routes nouvelles. Je ne saurais partager l’opinion de M. Gendebien que ces routes nouvelles ne sont pas utiles à la généralité. Les routes nouvelles favorisent l’industrie, le commerce et l’agriculture, et par conséquent développent des produits nouveaux et augmentent les sources de la richesse nationale.
Il est impossible qu’il se développe sur un point quelconque des éléments de prospérité sans rejaillir sur d’autres localités. Le bien-être se développe-t-il quelque part ? Il se propage instantanément jusqu’aux dernières extrémités du royaume.
Je crois donc qu’il est utile, nécessaire même, de maintenir le droit de barrière, et d’employer l’excédant du droit de barrière à la construction de routes nouvelles, Ce n’est pas lorsque le besoin de communications nouvelles se fait si vivement sentir, lorsque toutes les administrations mettent tant de zèle à la construction de routes nouvelles, que vous voudrez vous priver d’une pareille ressource. Vous-mêmes avez reconnu l’utilité de routes nouvelles lorsque vous avez voté un emprunt de 6 millions avec cette destination.
A cette occasion je me permettrai de demander à M. le ministre des travaux publics ou à M. le ministre de l’intérieur quelle destination il donne à cette somme. Si je ne me trompe, il y a peu de chose de fait. Ce n’est pas pour que ces 6 millions restent improductifs dans les caisses de l’Etat, ou qu’ils ne reçoivent pas la destination que vous leur avez donnée, que vous avez voté cet emprunt.
Dans le district que j’ai l’honneur de représenter, il y a une route dont la construction est demandée avec instance ; c’est une route de Saint-Nicolas à Kildrecht. Le gouvernement en avait décidé la construction avant 1830 ; elle a été réclamée depuis 5 ans ; le conseil provincial de la Flandre orientale a décidé que cette route était urgente. Et le gouvernement n’a rien fait.
Je ne sais pas si le gouvernement a fait quelque chose pour le Limbourg et le Luxembourg. Ces provinces où, faute de communications, tant de richesses restent enfouies et stériles. Mais je crois que rien ou bien peu de chose a été fait.
Je demanderai aussi à M. le ministre des travaux publics de s’expliquer sur une difficulté qui se présente à chaque instant sur l’interprétation du droit de barrière à percevoir aux différents poteaux.
D’après la loi de mars 1833, le droit doit se percevoir au poteau même, et devient illégale lorsque le droit est perçu à plus de 20 mètres de distance. Le poteau est placé à l’extrémité de la tolérance accordée au troisième poteau. Cette tolérance donne lieu à des vexations et à des tracasseries.
Jusqu’où le fermier a-t-il le droit de percevoir le droit de barrière ? Si un embranchement aboutit immédiatement après le poteau, le fermier doit-il percevoir également le droit de barrière ?
M. Verdussen. - Quoique je pense que la question de la suppression ou du maintien du droit de barrière appartient plutôt à la discussion du budget des voies et moyens, je ne puis pas laisser sans réponse les paroles prononcées par M. Gendebien et qui sembleraient tendre à provoquer la suppression du droit de barrière. Si je ne me suis pas mépris sur le sens des paroles de l’honorable préopinant, d’après lui l’impôt des barrières pèserait principalement sur les provinces qui produisent la houille. Eh bien ! c’est là une erreur capitale ; car tous les frais d’extraction de la houille, y compris le droit de barrières, sont payés par le consommateur, rien que par le consommateur.
Il y a deux espèces de consommateurs : le consommateur de l’intérieur et le consommateur de l’extérieur. Si le consommateur est étranger, c’est l’étranger qui paie à la Belgique une partie des frais de construction de routes nouvelles, tant mieux ; j’espère que tout le monde trouvera cela bien ; si le consommateur est belge, il vous dispense de créer une autre branche d’impôt ; car la somme portée au budget des voies et moyens à titre de taxe des barrières doit être produite. Pour prouver qu’elle doit l’être, il suffit de jeter les yeux sur le budget de l’intérieur. Là on trouvera que l’entretien des routes de première et de deuxième classes entraîne une dépense de 1,300,000 fr. Le surplus est consacré à la construction de routes nouvelles.
Ce n’est que quand toutes les provinces du royaume seront aussi bien partagées les unes que les autres, sous le rapport de leurs communications, qu’il pourra être question de supprimer le droit de barrière. Mais il y aurait erreur, il y aurait injustice à faire peser sur la totalité de la population belge, par 3 centimes additionnels à tous les impôts, le droit actuel des barrières ; car celui qui ne consommerait pas la houille en paierait les frais de transport.
Si la houille restait invendue, si la vente en était retardée, on pourrait admettre la proposition de M. Gendebien. Mais, loin de là ; car tous les jours on demande de nouvelles concessions. Toute la houille est enlevée. Le prix augmente constamment, la houille produite ne suffit pas à la consommation.
D’après ces considérations, je crois que le ministère doit y regarder à deux fois avant de proposer la suppression du droit des barrières, et que s’il la proposait, il doit s’attendre à trouver dans cette assemblée des membres qui ne partagent pas l’opinion de M. Gendebien.
M. Trentesaux. - Il n’y a pas d’impôt contre lequel on ne puisse faire d’objection. Je crois que tous les impôts sont mauvais, et l’impôt des barrières comme les autres. Cependant je n’en demanderai pas la suppression, mais je crois qu’il serait possible d’y apporter une modification ; ce serait dans ce sens : d’une part les chevaux de selle et les voitures suspendues, de l’autre les voitures non suspendues. Je voudrais d’une part la taxe existante pour les chevaux de selle et les voitures suspendues, et j’établirais d’autre part une diminution de la quotité du droit en faveur des voitures non suspendues.
Je ne fais point de proposition formelle. Mais je demande que l’opinion que j’émets soit prise en considération par le gouvernement et par les chambres pour les années à venir. Vous comprenez quel motif me fait parler de la sorte. C’est en faveur du roulage qui, en vérité, mérite une attention sérieuse.
M. Gendebien. - Le ministre vous a dit que ma proposition était spécieuse, que le résultat en serait très nuisible pour le complément nécessaire à donner à toutes les nouvelles routes.
Plusieurs autres orateurs qui probablement n’ont pas prêté d’attention à mes paroles ont versé dans la même erreur. Ils ont supposé que je voulais la suppression de toute allocation pour l’entretien des routes et pour le complément nécessaire aux nouvelles routes.
Or, messieurs, je crois avoir clairement et nettement dit le contraire. J’ai dit qu’en percevant trois centimes sur nos contributions on aurait suivant les calculs de M. Frison, 2 millions 400 mille francs pour revenu des barrières. Et comme notre budget des voies et moyens est de 84 millions, les trois centimes additionnels produiraient 2 millions 520 mille francs, tandis que vous ne recevez, par le droit de barrière, que 2 millions 250 mille francs ; ainsi, les 3 centimes donneraient un avantage de 270 mille francs, et une recette faite sans frais pour le trésor, sans surcharge pour les contribuables. Messieurs, j’ai dit tout à l’heure que la manière de percevoir l’impôt des barrières entraînait une dépense telle que l’impôt était plus que doublé ; et sans revenir sur tout ce que j’ai dit pour le démontrer, je vous ferai remarquer de nouveau qu’à chaque barrière il doit y avoir un percepteur, et qu’il y a même des barrières où il y en a deux ; que dans les parties du royaume où le revenu des barrière est considérable, les frais de perception sont supportables et ne sont pas en disproportion avec les recettes ; mais que, dans l’immense majorité des parties pavées du pays, les frais de perception ne sont en aucune façon en rapport avec la perception ; de sorte que sur certaines routes et dans certaines saisons, le tenant de barrière reçoit à peine de quoi solder le traitement que lui donne le fermier des barrières.
Je disais d’une autre part que vous faisiez supporter au contribuable la totalité du bénéfice que le fermier des barrières doit faire nécessairement, bénéfice qui doit être considérable pour le dédommager des pertes éventuelles et des chances aléatoires de pareilles entreprises ; et l’on n’a pas répondu un seul mot à toutes ces observations, qui sont la base de ma proposition qu’on s’est contenté de qualifier de spécieuse.
M. Eloy de Burdinne a dit que ceux qui avaient des routes suffisantes pouvaient désirer la suppression du droit de barrière, mais que ceux qui n’ont pas assez de routes dans leurs contrées n’étaient pas du même avis, qu’il fallait percevoir l’impôt des barrières pour compléter le système des routes.
Eh bien, messieurs, j’ai démontré qu’en supprimant le droit de barrière on avait 270 mille francs de plus pour la confection de nouvelles routes tout en diminuant la charge des contribuables de 100 p. c.
M. Verdussen a versé dans la même erreur que M. le ministre de l'intérieur et M. Eloy de Burdinne. Il a cru que j’avais dit que le droit de barrière restait tout entier à la charge de la province du Hainaut, et qu’il en résultait une surcharge inique ; il a été facile de broder une réponse sur cette thèse. J’ai dit que tandis qu’on cherchait, par des primes à encourager toutes les industries, même le trafic des denrées étrangères, on surchargeait l’industrie du Hainaut de toute espèce d’entraves et de taxes.
J’ai dit que l’on surchargeait le droit de barrière sur les routes utiles au commerce et à l’industrie pour faire et entretenir des routes de luxe, pour des routes qui ne sont d’aucune utilité pour l’industrie.
On a dit que c’est toujours le consommateur qui paie l’impôt des barrières ; pour le prouver on a ajouté qu’il y avait deux espèces de consommateur, le consommateur belge et le consommateur étranger. Personne n’a jamais songé à contester cette vérité. La question est de savoir s’il ne convient pas d’alléger de moitié l’impôt des barrières qui pèse sur le contribuable belge et de diminuer les charges inutiles qui pèsent sur nos marchandises qui se consomment à l’étranger.
Pourquoi ne pas faciliter le débit de nos denrées ? Pourquoi ne pas faciliter le transit si chaudement défendu dans d’autres occasions. M. Verdussen a bien voulu que les marchandises en transit ne payassent rien sur le chemin de fer, c’est-à-dire que le consommateur d’Allemagne et des pays voisins fussent allégés de tous droits, non seulement de transit et de barrières, mais même de tous frais de transport. Pour être conséquent avec vous-mêmes, pourquoi ne voulez-vous pas traiter avec autant de faveur les marchandises du pays que les marchandises étrangères ? Si en faveur du transit, vous voulez faciliter l’arrivée, au meilleur marché possible, des marchandises exotiques et indigènes sur nos ports et à nos frontières, faites en faveur des routes ce que vous avez voulu faire pour le chemin de fer.
L’honorable M. Trentesaux, tout en disant qu’il n’adopterait pas ma proposition, a soumis une observation à la chambre ; eh bien, je dirai à M. Trentesaux qu’il se trompe s’il espère trouver dans sa proposition une compensation pour le rejet de ma proposition ; je l’avertis qu’il ne sera pas plus heureux que moi, attendu que pendant deux années successives j’ai proposé la même chose. J’ai demandé que l’on fît payer les voitures suspendues plus que les voitures non suspendues. J’ai proposé un allégement pour l’industrie et pour compensation une légère augmentation sur l’impôt à charge des transports de luxe.
J’ai soutenu cette thèse à deux reprises différentes, et si je n’y suis pas revenu cette année, c’est que je l’ai cru inutile, et n’ai pas voulu faire perdre du temps à la chambre au sujet d’une demi-mesure que je n’avais proposée que subsidiairement.
Je me réserve de développer ultérieurement, quand le temps en sera venu, tout ce qui concerne les théories erronées que l’on a exposées, au lieu de me répondre.
Tout à l’heure, j’avais dit que les observations du ministre des travaux publics se trouvaient en contradiction avec celles de M. Lebeau, ou plutôt c’est ce qu’a dit M. Lebeau après le ministre des travaux publics qui est inconciliable. J’ai demandé des explications sur ce point. Le cahier des charges que m’a remis le ministre des travaux publics prouve que c’est M. Lebeau qui s’est trompé. D’après le cahier des charges, ce n’est pas l’entretien des routes en bon état, ainsi que l’avait dit M. Lebeau, qui est passé en adjudication ; c’est la fourniture des matériaux, et un certain travail divisé en catégories d’entretien ordinaire, extraordinaire, et en travail à neuf, toujours en mètres carrés.
Puisque je m’étais réservé de tirer argument de cette contradiction si elle n’était pas expliquée, j’ai dû dire de quel côté était, selon moi, l’erreur, afin qu’on pût me répliquer, si j’étais moi-même en erreur.
Mais ceci me fournit une observation. On m’a assuré que pour les routes qui sont beaucoup fréquentées et très fatiguées par la circulation de matières pondéreuses, on mettait en adjudication trop peu de travaux et trop peu de matériaux ; tandis que pour d’autres routes, moins fatiguées par la circulation, on mettait en adjudication des travaux et des matériaux trop considérables ; de sorte que là la répartition est insuffisante, et ici elle est trop abondante : je demanderai des explications sur ce fait à M. le ministre des travaux publics, n’ayant pu vérifier moi-même ces renseignements.
(Moniteur belge n°36, du 5 février 1837) M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je répondrai à l’honorable préopinant que déjà l’attention de l’administration supérieure a été appelée sur l’égalité proportionnelle relativement à l’entretien des routes du royaume ; et c’est pour ce motif que les cahiers des charges dressés par les ingénieurs des ponts et chaussées des provinces passent au conseil central des ponts et chaussées.
Répondant à l’interpellation du rapporteur de la section centrale, je dirai que plusieurs routes dont les projets étaient complètement préparés ont été autorisées par arrêté du Roi ; plusieurs autres projets de route sont en état de recevoir prochainement une décision finale ; de telle manière que l’on a été loin de rester dans le repos au sujet de l’exécution de la loi relative à l’emprunt de six millions, Cependant cette exécution sera plus complète dans le courant de l’année, surtout de la prochaine, lorsque les provinces auront eu le temps de prêter leur concours pour les routes réclamées dans les diverses localités.
(Moniteur belge n°35, du 4 février 1837) M. Verdussen. - Je demande la parole pour un fait personnel. M. Gendebien s’est trompé quand il m’a fait dire que je ne voulais pas de péage sur les routes de fer pour les marchandises étrangères ; je n’ai rien dit de semblable.
M. Gendebien. - Je n’ai entendu en aucune façon faire de cette discussion une question de personnes ; M. Verdussen peut en être convaincu. Mais si ce n’est pas lui qui a émis l’opinion que j’ai rappelée, ce sont au moins plusieurs des députés d’Anvers.
M. Rogier. - Cela n’est pas exact.
M. Gendebien. - Cette théorie a été développée. Il serait facile de le prouver et je me réserve d’en administrer les preuves par les passages des nombreux discours qui ont été prononcés lors de la discussion de la loi du chemin de fer. Je me souviens très bien de l’avoir réfutée en disant que si vous vouliez accorder cette faveur aux marchandises étrangères, il fallait commencer par l’accorder aux marchandises du pays.
M. A. Rodenbach. - On m’a dit qu’aujourd’hui, dans la confection ou la réparation des routes on employait moins de pavés qu’autrefois ; qu’ainsi, il y avait des intervalles entre les pavés ; que dans ces intervalles où l’on doit mettre du sable, on ne mettrait que de la terre jaune, qui se réduit en boue, et qui rend les routes impraticables. Un député des environs de Menin a vu sur des routes plusieurs chariots de pavés qui n’avaient pas été employés, parce qu’on écarte les uns des autres ceux que l’on met place ; ce vice de constructions occasionne des dégâts, des détériorations (La clôture ! là clôture !)
M. Eloy de Burdinne. - Je demande aussi la parole pour un fait personnel. (Bruit.) J’ai été nommé, je dois répondre.
J’aurais désiré faire une seule observation. (Aux voix ! aux voix !)
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - La commission qui a présenté son, rapport sur la requête des habitants de Jumet, a conclu au renvoi de cette requête à M. le ministre des travaux publics avec demande d’explications. Je vais consulter l’assemblée à cet égard.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’art. 1er de la loi relative aux barrières ; il est ainsi conçu
« Art. 1er. La taxe des barrières continuera d’être perçue, à partir du 1er avril 1837, à minuit, conformément aux lois du 18 mars 1835 (Bulletin officiel, n°262, 263 et 264) et à la loi du 12 mars 1834 (Bulletin officiel, n°205).
M. Pollénus. - Messieurs, la marche suivie pour la répression des délits de barrière présente plusieurs inconvénients qui résultent en partie de ce que les amendes mobiles sont établies sur une trop large échelle et les amendes fixes un peu trop élevées, d’où il arrive que très souvent des contraventions d’une importance très minime sont portées devant les tribunaux correctionnels, ce qui entraîne des frais très considérables : il y aurait moyen de remédier à cet inconvénient en abaissant le maximum des amendes mobiles et le taux des amendes fixes, et en déférant alors les délits de barrières aux tribunaux de simple police, comme, dans plusieurs circonstances et notamment lors de la discussion du budget de la justice, on a reconnu qu’il conviendrait de le faire. Tout le monde connaît en effet l’encombrement d’affaires qu’il y a dans quelques tribunaux de première instance, comme tout le monde convient aussi que les attributions des tribunaux de simple police sont beaucoup trop restreintes.
C’est en partant de ces considérations, messieurs, que nous avons formulé, mon honorable collègue M. Bernard Dubus et moi, un amendement ou disposition additionnelle ainsi conçue :
« Les contraventions aux art. 3, 7, 9, 10, 11 et 13 de la loi du 18 mars 1833 (Bulletin, n°283), seront poursuivies et jugées comme contraventions de simple police, sans préjudice à l’application du code pénal s’il y a lieu.
« Les procès-verbaux seront transmis au fonctionnaire chargé du ministère public près le tribunal de simple police. »
J’ai un mot à dire pour justifier la dernière disposition : La loi de 1833 prescrit que les procès-verbaux, quelque minime que soit l’amende, doivent toujours être transmis aux tribunaux de première instance ; du moment que la chambre aurait reconnu qu’il y a lieu de déférer les contraventions de barrière aux tribunaux de simple police, il serait tout simple de leur faire transmettre aussi les procès-verbaux qui constatent ces contraventions : la dernière disposition est donc la conséquence de la première.
- L’article premier est mis aux voix et adopté.
M. le président. - « Art. 2. Le droit de barrière ne sera perçu qu’aux endroits déterminés par le tableau joint à la présente loi, qui sera exécutoire le jour de sa promulgation et qui cessera ses effets le premier avril 1838 à minuit. »
M. Pollénus. - La disposition que j’ai présentée trouverait sa place après l’article premier.
M. le président. - La proposition de M. Pollénus est-elle appuyée ?
- La proposition est appuyée.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - L’amendement consacrerait une innovation très importante, et une telle disposition ne peut pas s’improviser ; je crois qu’il y aurait lieu à ajourner cet amendement pour laisser au gouvernement le temps de voir jusqu’à quel point les inconvénients qui ont été signalés par son auteur se sont reproduits ; si la disposition présente réellement des avantages, le gouvernement s’empressera d’en faire l’objet d’une addition à la loi, lorsqu’il la soumettra de nouveau l’année prochaine à vos délibérations ; je crois qu’il n’y a pas péril en la demeure et qu’on peut très bien adopter l’ajournement.
M. Dubus (aîné). - Je ne pense pas, messieurs, qu’il y ait des avantages à ajourner la proposition ; je crois, au contraire, qu’il y en a à l’admettre dès à présent ; car si la chambre l’adoptait aujourd’hui, elle pourrait toujours y revenir au second vote, et d’ici là on aurait le temps de l’examiner aussi mûrement qu’on le désirerait, tandis que si on l’écartait, on ne pourrait plus la reprendre, à moins d’en faire l’objet d’une loi spéciale. Je ne comprends pas d’ailleurs quel inconvénient il pourrait y avoir à adopter la proposition ; j’ai sous les yeux les art. 12 et 13 de la loi du 18 mars 1833 dont le premier est ainsi conçu :
« Toute contravention aux articles 5, 7, 9, 10 et 11 sera punie d’une amende équivalente à 30 fois le droit exigible, sans préjudice du paiement du droit. »
Eh bien, messieurs, le droit ne dépasse ordinairement pas 30 centimes ; ce n’est que dans des cas très rares qu’il peut s’élever jusqu’à 30 centimes, et alors même le chiffre total de l’amende ne surpasse pas 15 fr. ; ces sortes de contraventions sont donc réellement du ressort des tribunaux de simple police ; cependant, d’après l’art. 11, c’est aux tribunaux ordinaires et aux procureurs du Roi près de ces tribunaux que doivent être renvoyés les procès-verbaux constatant des contraventions en matière de droit de barrière.
Voici ce que dit l’art. 13 :
« Toute violence qui aurait pour objet d’empêcher la perception du droit sera punie d’une amende de deux à vingt francs, sans préjudice de l’application du code pénal, s’il y a lieu. »
Vous savez qu’on applique très rarement le maximum de l’amende : ainsi, dans l’échelle de 2 à 20 fr. sauf peut-être un exemple sur cent, on demeure toujours au-dessous de 16 fr., et par conséquent il n’y aurait encore aucun inconvénient à déférer aux tribunaux de simple police les faits prévus par l’article 14.
L’obligation de porter les contestations relatives aux droits de barrière devant les tribunaux correctionnels occasionne des déplacements et des frais sans nombre aux contrevenants, au point que la somme qu’ils paieraient, étant jugés par les tribunaux de simple police, se trouve quelquefois triplée, même décuplée, par suite de l’intervention des tribunaux correctionnels.
La mesure qui vous est proposée aujourd’hui est la même que celle qui a déjà été adoptée par la chambre dans la loi communale lorsqu’elle a décidé que toutes les contraventions aux règlements communaux seront de la compétence des tribunaux de simple police ; M. Pollénus a choisi précisément les mêmes termes dont la chambre s’est servie dans la loi communale ; on n’a pas trouvé alors que la mesure présentait des inconvénients ; on a jugé, au contraire, qu’elle offrait des avantages : si cela est vrai pour les contraventions aux règlements communaux, parce que les peines comminées contre ces contraventions sont généralement minimes, il doit en être de même et à plus forte raison pour les contraventions à la loi des barrières où les peines sont plus minimes encore.
J’appuie donc de tout mon pouvoir la proposition de M. Pollénus, en faisant d’ailleurs remarquer à la chambre que s’il y avait lieu de regretter de l’avoir adoptée, on pourrait toujours la rejeter au second vote.
M. d'Hoffschmidt. - M. le ministre des travaux publics vous propose, messieurs, d’ajourner la proposition, parce que, dit-il, il doit pouvoir l’examiner à loisir ; il a ajouté, je pense, que d’ici à l’année prochaine le ministre examinerait la question, pour en faire lui-même l’objet d’une proposition. Si l’ajournement proposé par M. le ministre des travaux publics était admis par la chambre, j’appellerais l’attention du gouvernement sur un autre système : ce serait de faire juger les délits de barrière par les députations provinciales ; je crois que ce système serait préférable à celui de M. Pollénus, en ce que les procès-verbaux dressés pour défaut de paiement du droit de barrières sont toujours d’une minime importance, d’où il résulte que les particuliers, pour ne pas plaider, doivent s’y résigner même quand ils ne sont pas coupables ; car on ne plaide pas pour échapper à une légère surtaxe. En effet, dans de semblables procès, celui qui gagne perd encore beaucoup.
Je crois que si le jugement de ces sortes de matières était déféré aux députations provinciales il en résulterait des avantages, non seulement pour les particuliers, mais aussi pour le gouvernement qui doit aujourd’hui faire beaucoup de frais pour soutenir des procès de peu d’importance.
La constitution ne s’oppose nullement au système que je mets en avant, car l’art. 92 ne parle que des contestations relatives aux droits civils, qui doivent être déférées aux tribunaux, et je pense qu’en matière d’impôt, cet article n’est nullement applicable ; c’est dans ce sens qu’on l’a expliqué dans une précédente séance et dans plusieurs autres occasions.
Si donc l’ajournement proposé par le ministre des travaux publics est prononcé par la chambre, j’appellerai l’attention du ministre des travaux publics sur la question de savoir s’il ne conviendrait pas de déférer aux députations provinciales, le jugement sur les délits relatifs aux droits de barrière.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je conviens qu’au premier abord la proposition qu’on vient de soumettre à l’assemblée paraît très acceptable ; mais, d’un autre côté, ma responsabilité personnelle ne me permet pas d’y adhérer, sans en connaître toute la portée.
Je ne pense pas que d’ici au second vote je sois en position de me procurer assez de renseignements pour que je puisse déclarer que l’innovation ne présente aucun genre d’inconvénient.
Et voyez, messieurs, dans quelle position je puis me trouver.
Je ne pourrais me dispenser de proposer au Roi de sanctionner la loi, alors même que l’amendement aurait été adopté, et que je n’aurais pas eu tous mes apaisements ; si par l’adoption de cette proposition additionnelle, je ne croyais pas devoir soumettre la loi à la sanction royale, je me trouverais sans loi sur les barrières.
Je prie donc la chambre d’avoir égard à l’alternative où je serais placé, relativement à la sanction de la loi en discussion.
M. Pollénus. - Messieurs, je pense que le temps qui s’écoulera d’ici au second vote de la loi en discussion suffit, pour que chacun de nous puisse méditer et saisir avec certitude la portée de l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer.
Je ferai observer que l’idée de cet amendement n’est pas bien neuve ; je rappellerai que j’ai déjà annoncé l’année dernière que je formulerais pour 1837 une disposition semblable à celle que je viens de soumettre. Si l’on n’a pas perdu de vue les observations énoncées dans le rapport de la section centrale du budget de la justice, on se souviendra que déjà cette section centrale a reconnu qu’il y avait un grand nombre d’affaires de nature à devoir être attribuées aux juges de simple police, en les contraventions, en ce qui concerne l’impôt des barrières.
Je dis donc que l’idée de mon amendement n’a rien qui doive effrayer, et déjà l’honorable M. Dubus est entré dans des développements pour faire comprendre toutes les conséquences de cet amendement, qui consisteront à simplifier la marche de la justice et à diminuer les frais qu’entraînent les contraventions de l’espèce.
M. d’Hoffschmidt a mis en avant une autre idée ; cet honorable membre pense qu’il serait plus convenable d’attribuer les contestations de cette nature aux députations des états qu’au pouvoir judiciaire.
J’ai déjà fait connaître à la chambre que le principal motif qui avait dicté mon amendement était le désir de simplifier les poursuites qui ont lieu de ce chef, de prévenir de grands embarras et d’éviter des frais aux contrevenants.
Si maintenant la chambre croyait devoir attribuer la connaissance de ces sortes d’affaires aux députations des états, les inconvénients auxquels nous cherchons à porter remède seraient bien plus grands ; les distances à parcourir par les contrevenants deviendraient bien plus étendues, et au lieu de trouver un juge dans chaque arrondissement, ils n’en trouveraient qu’un seul dans toute la province.
Voilà un premier inconvénient. En voici un autre c’est que les formes de l’administration se prêtent difficilement au contentieux.
Lorsqu’il y aura des contradictions sur quelques faits (car ces faits peuvent varier, et même varier beaucoup), de quelle manière reconnaîtra-t-on ces faits ? Entendra-t-on des témoins ? Il faudra aussi établir des formes de procédure à suivre devant les députations des états.
Dois-je rappeler ici que M. le ministre des finances avait proposé un nouvel ordre de choses pour la perception de la sixième base de la contribution personnelle ? Eh bien, la chambre a vu alors quels embarras seraient résultés du nouveau système qu’on voulait introduire en ces sortes de matière, en attribuant à l’autorité administrative ce qui jusqu’ici a été du ressort du pouvoir judiciaire.
Or, tous ces embarras existeraient dans l’application de l’idée qui a été mise en avant par l’honorable M. d’Hoffschmidt ; idée qui me paraît présenter plus d’inconvénients que d’avantages ; et en ce sens elle serait opposée à mon amendement. Car quel est le but de la disposition que j’ai présentée ? C’est d’avoir une décision sans frais, une décision qui n’entraîne par de longueur.
Ce qui prouve d’ailleurs que dans notre pays on reconnaît l’avantage de saisir de ces sortes d’affaires les tribunaux plutôt que les autorités administratives, c’est qu’autrefois la connaissance de ces affaires était attribuée au pouvoir administratif, soit aux conseils de préfecture, soit aux commissaires de district ; mais on a bientôt reconnu les inconvénients de ce système, et l’on est revenu à celui qui est en vigueur aujourd’hui.
Je finirai par une dernière considération : c’est que des délits plus ou moins connexes accompagnent souvent les contraventions. Je suppose, par exemple, qu’une légère injure accompagne le défaut de rétribution du droit de barrière. Quelle autorité jugerait en ce cas ? Serait-ce l’administration ? Mais elle n’est pas compétente pour juger un fait qui, par sa nature, rentre dans la catégorie des délits ordinaires.
Il y aurait donc inconvénient et inconvénient incontestable, dès qu’on reconnaît qu’en matière d’administration il n’existe pas des formes garantissantes pour guider le contentieux.
M. Pirson. - Je voulais répondre à l’honorable M. d’Hoffschmidt ; M. Pollénus me semble avoir réfuté les observations de cet honorable membre ; que la chambre me permette cependant de dire quelques mots.
J’appuie de toutes mes forces l’amendement de M. Pollénus et je consens bien volontiers à assumer la responsabilité de mon vote à cet égard.
La chose me paraît si claire, si simple que je ne vois pas que l’amendement puisse exiger une longue discussion pour qu’on en sente tous les avantages.
Je ne puis donner mon assentiment à la proposition de M. d’Hoffschmidt, parce que nous avons supprimé le contentieux administratif qui exigeait un conseil d’Etat, et, pour ma part, je ne veux pas rétablir ce contentieux administratif.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, je n’ai pas proposé d’amendement. Si j’ai mis en avant l’idée d’un nouveau système, ce n’était que pour le cas où l’ajournement de la proposition de M. Pollénus serait prononcé, car alors M. le ministre des travaux publics aurait le temps de méditer les observations que j’ai eu l’honneur de soumettre à l’assemblée.
Je répondrai cependant quelques mots à l’honorable M. Pollénus.
Cet honorable membre prétend qu’il n’y a pas de formes de procédure prescrites pour les députations des états, en ce qui concerne les jugements de l’espèce. Mais, messieurs, la députation jugera en ces sortes de matières, comme elle juge pour toutes les autres, c’est-à-dire sur le vu des pièces qui lui seront produites.
Cette marche, me semble-il, ne doit pas entraîner d’inconvénients.
Je rappellerai d’ailleurs que l’application de ce système a été réclamée par des pétitions adressées à la chambre. L’année dernière, j’ai eu l’honneur d’être rapporteur de la loi sur les barrières ; j’ai eu alors sous les yeux cinq ou six pétitions qui demandaient que les contestations de l’espèce fussent déférées à la députation des états ; il y en avait une, entre autre, de la province de Namur qui signalait les inconvénients résultant de ce que les tribunaux étaient appelés à juger, en matière d’impôt de barrières.
Qui ne sait en effet que ces inconvénients se font sentir tous les jours ? Il n’est pas rare, par exemple, de voir un voiturier condamné à payer indûment un accroissement de droit de barrière, parce qu’un cantonnier a fait un procès-verbal à sa charge. Et pourquoi le plus souvent dresse-t-il ce procès-verbal ? Parce que le voiturier ne s’est pas arrêté à son cabaret, et parce qu’il sait bien que ce voiturier ne manquera pas de payer un franc ou 50 centimes pour éviter un procès avec le gouvernement.
Or, si ces délits de cette nature étaient déférés à la députation des états, les plaidoiries sa feraient sans frais, et les injustices que je viens de signaler ne se répéteraient plus.
Le système présenté par M. Pollénus vaut mieux que celui qui existe ; car l’application de ce système entraînerait toujours moins de frais ; ce ne serait que pour arriver plus sûrement au but que veut atteindre l’honorable membre que je voudrais déférer la connaissance des faits relatifs au prélèvement de l’impôt barrière aux députations : en effet, le recours aux députations se fera toujours sans frais, tandis que le recours aux tribunaux de simple police entraînera souvent une dépense plus ou moins forte.
Je le répète, mon intention n’est pas de présenter un amendement en ce moment. Je demande seulement que le gouvernement, dans le cas où l’amendement de M. Pollénus serait ajourné, envisage ma proposition, comme celle de l’honorable membre ; et qu’il examine s’il n’y aurait pas moyen de l’introduire dans la loi pour l’année prochaine.
M. Dubus. - Messieurs, j’ai un mot à dire sur les observations de l’honorable préopinant relativement à l’extension de la compétence des députations des conseils provinciaux.
Dans mon opinion, messieurs, cette extension n’est pas désirable et ne peut pas avoir lieu.
L’honorable préopinant a parlé de la compétence des députations des conseils provinciaux en matière d’impôt. Je ferai remarquer qu’ici la question n’est pas de savoir si le contribuable doit ou ne doit pas l’impôt ; mais la question, est de savoir s’il a, ou non, commis une contravention ; nous ne sommes pas proprement en matière d’impôt, mais bien en matière pénale. L’on ne sera pas plus fondé à déférer aux députations des états les contraventions en matière d’impôt des barrières, qu’on ne le serait à attribuer aux mêmes corps les contraventions à toute autre loi fiscale.
Même en matière d’impôt, alors que les députations des états seraient compétentes pour prononcer sur la cotisation d’un contribuable, elles ne le seraient plus pour prononcer sur la contravention qu’on soutiendrait avoir été commise par ce contribuable à la loi.
Les contraventions, messieurs, doivent être renvoyées aux différents degrés des tribunaux.
Je ferai remarquer, à cette occasion, que le gouvernement français avait établi la compétence des conseils de préfecture pour les contraventions à la police de roulage, et pour celles au règlement de la grande voirie ; et qu’il a été jugé sous l’empire de la loi fondamentale de 1815 que ces contraventions appartenaient désormais à la compétence des tribunaux ordinaires. En vertu de la jurisprudence de la cour de cassation, les députations des états ont dû se dessaisir de toutes ces affaires qui ont été renvoyées aux tribunaux.
Quant à la proposition en elle-même, j’ajouterai une considération à celles qui ont été déjà présentées pour la développer : c’est que dans la plupart des cas, ce sont les tribunaux de police qui sont compétents. Je vous ai dit qu’il était rare que le droit excédât 50 centimes. En effet, pour un chariot à quatre roues, attelé de quatre chevaux, le droit n’est que de 50 centimes ; eh bien, alors l’amende, qui est 30 fois le droit, n’est encore que de 15 fr. Vous pouvez considérer comme certain que presque tous les cas seront dans ces limités. L’art. 12 de la loi du 18 mars 1833 fixe l’amende en cas de contravention, et l’art. 14 dit, il est vrai, que le procès-verbal constatant la contravention sera transmis au procureur du Roi, près le tribunal de première instance, mais pour que l’affaire soit portée devant le juge compétent, c’est-à-dire devant le tribunal de simple police, si l’affaire est de la compétence de ce tribunal.
S’il arrive fréquemment qu’on saisisse les tribunaux ordinaires, c’est qu’on ne fait pas le calcul par lequel on pourrait voir que le résultat de l’amende ne peut pas excéder 15 fr. D’après les règles de la compétence, dans la plupart des cas, ce sont les tribunaux de police qu’on doit saisir. Y aurait-il alors des inconvénients à décider qu’ils connaîtront de tous les cas
L’art. 13 établit pour l’amende une échelle de 2 à 20 fr. Le vice est dans cette échelle dont le maximum se trouve trop élevé de quelques francs ; il n’y a pas de doute cependant que pour les cas prévus par cet article, on renverra au tribunal de simple police.
M. d'Hoffschmidt. - Ce qu’a dit l’honorable préopinant serait juste s’il n’avait pas confondu deux lois différentes, l’une qui est relative à l’impôt des barrières et l’autre qui concerne la police du roulage. Ce sont les cas prévus par cette dernière qui sont de la compétence des tribunaux. Mais ici il ne s’agit que de la loi sur l’impôt des barrières et les cas qu’elle prévient peuvent constitutionnellement être déférés à la députation des états, puisqu’il s’agit d’un impôt. Je pense que l’honorable préopinant s’est trompé quand il a pensé que mon amendement ne pouvait pas être inséré dans la loi des barrières. Tout ce qu’a dit à ce propos l’honorable membre, ainsi que ce que m’a répondu M. Pollénus, se rattache à la police du roulage dont il n’est pas question et non à la loi sur l’impôt des barrières que nous discutons.
- L’ajournement proposé est mis aux voix Il est rejeté.
La proposition de M. Pollénus est mise aux voix et adoptée. Elle fera l’objet de l’art. 2 de la loi en discussion.
« Art. 2 (du projet devenant l’art. 3). Le droit de barrière ne sera perçu qu’aux endroits déterminés par le tableau joint à la présente loi qui sera exécutoire le jour de sa promulgation et qui cessera ses effets le 1er avril 1838 à minuit. »
M. Lebeau. - Messieurs, nous consacrons tous les ans au moins une séance, quelquefois plusieurs jours de discussion spéciale sur le droit de barrière. Je conçois qu’avant que la législation sur les barrières eût subi une révision, on lui ait conservé un caractère temporaire ; mais aujourd’hui je demanderai au ministère s’il verrait de l’inconvénient à retrancher de l’article la disposition suivante, qui rend la loi actuelle purement temporaire : « Et qui cessera ses effets le 1er avril 1838 à minuit. »
Je demanderai si on ne pourrait pas faire rentrer la loi des barrières dans le droit commun, dans la règle de toutes les lois d’impôt qui sont exécutoires jusqu’à révision, et qui cependant n’en sont pas moins annales, en ce sens que chaque fois que vous votez le budget des voies et moyens, vous avez le droit de faire subir aux dispositions législatives en matière d’impôt telles modifications que vous jugez convenables.
J’ai remarqué quelque chose d’assez bizarre, dans cette discussion, c’est que nous avons remis en question le droit de barrière, alors que dans la discussion du budget des voies et moyens, vous avez maintenu l’impôt pour 1837, et que vous en aviez fait figurer le produit dans les revenus de l’Etat pour l’année. On peut dire que la question était décidée, et que ce que nous faisons ici est un véritable double emploi.
Ce que vous faites pour l’impôt de barrière, vous ne le faites pour aucun des autres impôts qui ont avec celui-là le plus d’analogie : les péages sur les canaux, par exemple, ne sont pas soumis à une révision spéciale chaque année. Je pense qu’on économiserait les moments de la chambre, tout en laissant à chaque membre la faculté de proposer chaque année à cette loi les modifications qu’il jugerait nécessaires, si on donnait à la loi sur les barrières le caractère qu’on donne à toutes les lois fiscales.
Si la loi des barrières avait ce caractère, et il n’est pas une des observations qui ont été présentées aujourd’hui, qui ne pût être émise avec la même efficacité, avec les mêmes développements, lors de la discussion des voies et moyens. Il y aurait ceci de bizarre du moins qu’aujourd’hui vous n’auriez pu sans inconséquence, sans exposer l’administration à un déficit considérable, vous prononcer contre l’existence du droit de barrière, car vous avez inséré le produit à concurrence de 2 millions parmi les ressources de l’Etat.
J’appelle donc l’attention du gouvernement sur cette question. Je n’en ferais pas l’objet d’un amendement, si cela rencontrait une trop vive opposition, parce que j’ai cœur de ne pas prolonger cette discussion qui a déjà dépassé ses limites naturelles, mais si elle ne devait pas rencontrer trop d’opposition, je déposerais une proposition. Je demande que le gouvernement veuille bien s’expliquer.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Si un amendement était déposé, je ne m’opposerais pas à son adoption.
M. Lebeau. - Dans ce cas, je propose de supprimer de l’article 2 ces mots : « et qui cessera ses effets le 1er avril 1838 à minuit. »
De cette manière, la loi de barrières rentrera dans le droit commun de toutes les lois fiscales. Elle ne cesse pas pour cela d’être temporaire ; par cela seul qu’elle est fiscale, elle est nécessairement annale.
M. Gendebien. - Je ne pense pas qu’après la discussion assez longue qui vient d’avoir lieu, une discussion nouvelle puisse s’établir sur la question de savoir si on rendra définitive une loi qui, par sa nature, est essentiellement temporaire. L’honorable préopinant vient de le reconnaître lui-même. Laissons donc les choses comme elles sont, et que l’année prochaine, le ministère, s’il le juge à propos, nous fasse une proposition formelle dans le sens de celle du préopinant ; on pourra la discuter dans les sections et la voter en connaissance de cause. On ne peut pas décider une question semblable à l’improviste sur un amendement jeté à la fin d’une discussion. Je pense qu’il y a lieu d’ajourner la question à l’année prochaine.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur. - Je conçois l’avantage qu’il y aurait à déclarer la loi définitive. Le trésor aurait un véritable intérêt, en ce que les barrières pouvant être adjugées pour plusieurs années, le seraient à un prix plus élevé.
Plusieurs voix. - Non ! non ! c’est impossible.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur. - Mais je crois que le caractère de la loi sur les barrières ne permet pas de rendre cette loi définitive. Cette proposition a déjà été faite il y a trois on quatre ans et on a reconnu qu’il y aurait des inconvénients à l’adopter à cause des nombreuses plaintes que soulevait cette loi. Les défectuosités qu’elle contient n’ont pas permis de la rendre définitive.
J’avais demandé la parole pour répéter l’interpellation que j’avais adressée au ministre et à laquelle il n’a pas répondu.
L’art. 2 porte : « Le droit de barrière ne sera perçu qu’aux endroits déterminés par le tableau joint à la présente loi qui sera exécutoire, etc. »
D’après cet article, le droit de barrière ne pourrait être perçu qu’en dedans de la tolérance déterminée par la loi. Mais cette tolérance est assez élastique, elle a quelquefois plus de deux mille mètres. Il paraîtrait que l’administration a toute latitude pour placer le poteau de barrière. D’après l’art. 2, la perception ne peut avoir lieu qu’au poteau, et d’après la loi le poteau doit être éclairé depuis le coucher jusqu’au lever du soleil, et l’article 3 porte qu’aucune perception ne peut avoir lieu à plus de 20 mètres du poteau. Je désire savoir comment le ministre concilie ces deux articles. Si le poteau peut se placer à l’extrémité de la tolérance, alors l’embranchement ne peut plus être compté dans la perception.
Il me semble qu’une demi-lieue de tolérance est suffisante et qu’elle doit s’arrêter là. Quand vous aurez accordé une demi-lieue, accorderez-vous encore les vingt mètres pour la perception au-delà du poteau ? Je désire que le ministre s’explique.
Tous les ans des variations sont introduites dans le tableau qui accompagne la loi. Cette année on a été fidèle aux précédents. J’ai demandé à cet égard des explications au ministère. On m’a répondu que cette interprétation était toujours donnée en faveur de l’extension de la tolérance pour augmenter le produit des barrières.
Je suis loin de déverser du blâme sur l’homme si capable qui dirige la division des travaux publics au ministère qui porte ce nom. Ses intentions sont bonnes, il a été préoccupé des intérêts du trésor ; mais il ne faut pas avoir en vue seulement les intérêts du trésor ; il faut aussi songer aux intérêts des contribuables. Il ne faut pas rendre les lois impopulaires ; or, c’est le rendre impopulaires que prendre des mesures qui soulèvent tant de réclamations. Si je ne me trompe, il y a des centaines de réclamations au ministère des travaux publics.
Je ne m’élève pas contre les barrières établies à proximité des villes. Cela peut être considéré comme un impôt de luxe à l’égard des habitants qui se promènent en dehors des portes. Mais ce qui n’est pas un impôt de luxe, c’est le droit de barrières dont est frappé le cultivateur qui apporte des denrées à la ville, droit qui est perçu pour un usage restreint de la route.
En tout cas il m’est impossible de proposer des changements au tableau, Il faudrait pour cela avoir des connaissances topographiques que je n’ai pas.
Mais je proposerai un changement dans la tolérance de la barrière de Beveren près d’Audenaerde sur la route de Courtray, et de porter cette tolérance de 450 mètres où elle est maintenant à 400 mètres.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - La distance en principe d’une barrière à l’autre est de 5,000 mètres. Mais chacun comprend qu’il est impossible de placer ainsi les barrières avec une rigueur mathématique. Il faut une tolérance. Cette tolérance est déterminée dans les tableaux annexés au projet de loi. Comment se font les modifications que subissent chaque année ces tableaux ? Ce n’est pas à Bruxelles, dans les bureaux du ministère. Les gouverneurs sont consultés ; ils prennent l’avis des ingénieurs ; enfin quelque minimes que soient ces affaires, en apparence, elles ne se traitent qu’avec la plus grande circonspection, sans léser les droits des cultivateurs et des propriétaires des usines voisines.
C’est ainsi que le changement dont on vient de parler et qui concerne la ville d’Audenaerde, a été fait sur l’avis des ingénieurs et sur le rapport du gouverneur.
J’ai sous les yeux le rapport, en date du 24 octobre dernier, et je crois que le changement dont il s’agit peut même être avantageux aux habitants d’Audenaerde ; car le poteau pourra être placé à une distance plus étendue de la ville ; les habitants pourront peut-être circuler dans un circuit plus considérable sans rencontrer de barrière.
Maintenant on vous a parlé de cette tolérance comme si elle était extrêmement étendue, comme si elle excédait même la distance légale des barrières entre elles. J’ai sous les yeux un relevé des tolérances les plus considérables. Les tolérances de 1,500 à 2,000 mètres dans les deux directions sont très rares, en voici le relevé par province :
Province d’Anvers, 0
Province du Brabant, 0
Province de Flandre occidentale, 4
Province de Flandre orientale, 3
Province de Hainaut, 1
Province de Liége, 0
Province de Limbourg, 8
Province de Luxembourg, 4
Province de Namur, 0
C’est dans les deux provinces du Limbourg et du Luxembourg que l’on trouve le plus de tolérances étendues ; la raison en est simple, c’est qu’il est difficile de trouver les habitations où doivent être placés les poteaux. Par exemple, deux tolérances de 1,500 à 2,000 mètres se rencontrent dans les bruyères du Limbourg.
Maintenant voici les modifications qui vous sont soumises en ce moment. On vous en propose 15, indiquées aux tableaux annexés au projet. Je pourrais les justifier toutes, si tant était que la chambre pût s’occuper de détails de ce genre. En voici le relevé par province :
Province d’Anvers, 1
Province du Brabant, 1
Province de Flandre occidentale, 1
Province de Flandre orientale, 3
Province de Hainaut, 2
Province de Liége, 2
Province de Limbourg, 1
Province de Luxembourg, 4
Province de Namur, 0.
Ainsi sur les 568 barrières du royaume on ne vous propose que 15 modifications, 7 barrières nouvelles ont été établies sur des routes nouvellement construites.
J’ajouterai deux mots encore, c’est que les propriétaires des usines et les cultivateurs trouvent des garanties dans la loi même. L’art. 7 de la loi du 18 mars 1833 exempte à la barrière la plus rapprochée de la ville ceux qui y transportent des légumes, des fourrages verts, du beurre et du laitage. Vous voyez que la loi elle-même protège le cultivateur. Vous voyez que la loi elle-même protège le cultivateur. Le paragraphe 14 de l’art. 7 exempte aussi dans un rayon de 2,500 mètres, les chariots appartenant aux usines activées par le vent, l’eau ou la vapeur pour tous les transports d’objets nécessaires au service de ces usines.
Il me semble que la loi a assez fait pour l’agriculture et l’industrie en accordant des exemptions aussi étendues.
M. Rogier. - J’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement de l’honorable M. Lebeau. Cet amendement présenté comme nouveau par d’honorables préopinants ne l’est pas du tout. La proposition faite par M. Lebeau a été faite, il y a un an, il y a deux ans. Il y a deux ans, j’ai fait la proposition de donner à la loi des barrières le même caractère qu’à toutes les autres lois d’impôt, de la rendre perpétuelle jusqu’à nouvelle disposition.
Remarquez que cette loi a sur toutes les autres le privilège d’être discutée chaque année dans son principe et dans ses conséquences. A force d’élaborer et de réviser cette loi, on est parvenu à ne plus y introduire qu’un ou deux amendements chaque année. Témoin, cette année, l’amendement proposé par M. Pollénus ; chaque année des amendements sont reproduits et discutés. Ce n’est pas un motif suffisant pour placer la loi des barrières dans une position exceptionnelle, relativement aux autres lois.
S’il y a des abus, rien n’empêchera d’y porter remède au moyen d’amendements introduits dans le budget des voies et moyens, comme on peut le faire pour l’enregistrement, les postes, les douanes, l’impôt personnel, l’impôt foncier ; c’est là que ces amendements ont leur place. Mais de grâce finissons-en avec la loi des barrières qui chaque année absorbe deux ou trois de nos séances.
Il y a une objection que l’on pourrait faire, mais à laquelle il est facile de répondre. Ce serait relativement au tableau pour le changement de barrières et le placement de barrières nouvelles par suite de la construction de routes nouvelles. Mais on pourrait joindre ce tableau au budget, et dire dans le budget que le droit sera perçu conformément à ce tableau. On pourrait faire au sujet de ce tableau les observations que l’on présente dans cette discussion.
Il est singulier qu’il nous soit aussi difficile de faire une loi qui ait un caractère définitif. C’est ainsi qu’une loi contre laquelle il n’y avait aucune objection, celle concernant l’entrée libre des mécaniques et ustensiles, ignorés en Belgique, a été limitée à 3 ans de durée, terme après lequel elle devra être soumise à une révision. Nous avons ainsi un grand nombre de lois qui ne sont pas définitives, je ne vois pas que dans les autres pays il en soit ainsi. Quand vous faites une loi, si vous la trouvez mauvaise rejetez-la ; si vous la trouvez bonne, adoptez-la, mais définitivement.
Ces observations s’appliquent particulièrement à la loi des barrières que l’on discute chaque année, et maintenant pour la septième fois. Je demande qu’elle soit définitive comme les autres lois d’impôt.
M. Dubus (aîné). - Je m’oppose à l’amendement proposé par l’honorable député de Bruxelles. Je ne crois pas qu’il y ait lieu à faire de la loi des barrières une loi perpétuelle.
Si on le veut, que l’on discute, que l’on examine ; mais que l’on ne donne pas un caractère perpétuel à une loi non seulement qui n’a pas été discutée article par article, mais dont on n’a pas même demandé une simple lecture.
Ce serait un scandale par trop grand ; je ne crois pas qu’on veuille le donner au pays.
Chaque année, dit le préopinant, on fait des amendements à la loi des barrières ; et pour mettre un terme à ces amendements, il propose de la rendre perpétuelle ; c’est-à-dire qu’il propose de vous dépouiller de vos droits à l’améliorer. Mais puisque vous reconnaissez qu’il y a chaque année quelque chose à faire, est-ce un motif de vous mettre dans l’impuissance de l’amender à l’avenir ? Je ne comprends pas la manière de raisonner de l’auteur de la proposition.
Mais, dit l’honorable préopinant, vous avez, à l’occasion de la loi des voies et moyens, un moyen de réviser la loi des barrières, rien n’est plus commode que ce renvoi d’une loi à une autre d’une occasion à une autre ; car quand vient la loi des voies et moyens, si on propose des amendements à une loi fiscale, on vous dit : Ne compliquez pas la discussion ; cela viendra quand on discutera la loi spéciale à cet impôt. Et maintenant qu’il s’agit d’une loi spéciale, de la loi des barrières, on nous dit : Votez-la toujours, vous pourrez la modifier quand viendra la loi des voies et moyens.
N’avait-on pas proposé, lors de la délibération sur le voies et moyens, des modifications sur les distilleries, sur l’impôt personnel ; eh bien on a séparé ces discussions spéciales de la discussion des voies et moyens ; comment peut-on venir nous actuellement que l’on modifiera la loi des barrières à l’occasion du budget des voies et moyens ?
Vous n’avez pas encore voté la loi des barrières comme permanente ; si vous voulez la rendre définitive, il faut la voter article par article ; car pour rendre une loi permanente, il faut y insérer toutes les dispositions qui la complètent. Je veux bien voter de confiance, pour un an, la loi qui n’a pas encore été examinée, et celle dont il s’agit est dans ce cas.
J’ai lu tous les procès-verbaux des sections ; eh bien, je me suis assuré que pas une section n’a porté son examen sur la loi qu’il faut proroger. Dans une des sessions précédentes, il est vrai, on a examiné le droit de barrière d’une manière générale ; mais on n’a pas examiné les dispositions organiques qui sont dans les lois de 1831, 1832 et 1833. Si le gouvernement avait proposé de rendre ces lois définitives, personne de vous ne doute que les sections n’eussent examiné ces lois, partie par partie, et qu’une foule d’amendements auraient été présentés : maintenant comment peut-on vouloir escamoter cet examen par une simple disposition qui prorogerait indéfiniment l’exécution des lois et qui ôterait à la chambre la faculté d’y rien changer ?
Je crois me rappeler que le gouvernement, il y a quelques années, avait proposé de donner aux lois sur les barrières une durée de trois années, et qu’on ne l’a pas voulu. On a représenté que, pour leur donner une telle durée, il fallait les examiner en détail ; et comme on n’avait eu qu’une ou deux séances pour les voter, on a fait remarquer que ces séances ne suffisaient pas pour savoir s’il fallait donner une aussi longue durée à cette législation ; et maintenant, en une séance, on propose de la voter à toujours !
Au reste, messieurs, veut-on que ces lois soient perpétuelles, je ne m’y opposerai pas si on consent à prendre le temps de les examiner ; mais alors que les lois de 1833 soient mises en discussion article par article, afin que les membres de cette assemblée, qui auraient des modifications à proposer, puissent les préparer. J’en fais la proposition formelle, j’en ai le droit ; j’invoque l’article de la constitution qui dit que les lois sont votées article par article ; je veux que l’on délibère sur chacune des dispositions qu’il s’agit de rendre perpétuelle.
M. Lebeau. - Je regrette d’être obligé de prolonger la discussion à propos d’une question aussi simple, et qui rencontre des difficultés auxquelles je ne m’attendais pas, et qui me paraissent très frivoles.
Je ne vois pas d’autre avantage dans le système proposé par le préopinant que le plaisir de discuter tous les ans la loi des barrières, sans profit aucun ; et je vous avouerai que les scrupules de l’honorable membre sont de telle nature que je ne puis y rien comprendre. A l’entendre, il semblerait que la loi des barrières nous serait tombée du ciel sans que nous ayons eu autre chose à faire que de l’enregistrer dans notre code fiscal ; mais oublie-t-on que la loi sur les barrières a été votée article par article par le congrès ; et qu’indépendamment de ce que le congrès a fait le décret organique, les législateurs de 1833 l’ont votée article par article, comme le veut la constitution.
Si pour proroger une loi fiscale il faut voter chaque année ses dispositions, je demanderai pourquoi, lorsque l’on vote le budget des voies et moyens, on n’exige pas le vote, article par article, des lois sur l’enregistrement, sur les successions, sur les patentes, sur l’impôt foncier, sur la contribution personnelle ? Qu’on ne vienne pas dire que la loi sur les barrières est arrivée ici d’une manière subreptice et n’ait subi aucune discussion, puisqu’elle a été discutée article par article deux fois dans deux sessions, et qu’on s’en est occupé dans toutes les autres.
Une fin de non-recevoir repousse notre proposition, a dit un honorable membre : on ne peut modifier les tarifs en discutant le budget des voies et moyens ; la petite loi sur l’impôt personnel et la loi sur les distilleries en sont un exemple ; mais ce que l’on a fait pour ces lois que l’on a disjointes du budget des voies et moyens, on pourra le faire pour la modification qu’on proposerait à la loi sur les barrières.
Si chaque loi fiscale, bien qu’existante, doit être votée article par article, sous peine de commettre une inconstitutionnalité, vous allez vous en rendre coupable en votant la loi actuelle pour neuf mois, puisque vous la votez globalement, aussi bien que si vous la votiez jusqu’à révocation.
Toutefois, où sont les imperfections de la loi des barrières ? qui vous en a signalé ? Les ponts et chaussées, les autorités provinciales, les corps judiciaires, qui appliquent cette loi, quels vices lui ont-ils reconnus ? Excepté quelques intérêts locaux qui se sont fait entendre, elle n’a été l’objet d’aucune réclamation. Je ne vois pas pourquoi vous mettriez la loi des barrières dans une autre catégorie que les lois des successions, de l’enregistrement, d’impôt direct, etc., qui toutes sont permanentes. Je ne vois dans la proposition que l’on fait que le plaisir d’avoir une double discussion, chaque année, sur l’impôt des barrières.
Je ne modifierai pas mon amendement et je le maintiens tel que je l’ai proposé.
M. F. de Mérode. - On a parlé d’escamoter la discussion de la loi sur les barrières ; ce que je vois qu’on escamote ici, c’est autre chose : on escamote les lois importantes que nous avons à faire en rendant interminables des débats sur les plus simples questions. C’est aujourd’hui pour la septième fois que l’on vote la loi sur les barrières, loi qui a été longuement élaborée ; est-il donc si nécessaire de passer encore un long temps sur les dispositions qu’elle renferme ? Je pense que s’il y a des changements à y introduire, on pourra le faire quand nous serons à la loi des voies et moyens ; je ne vois pas pourquoi elle aurait le privilège d’être annuelle, tandis que les autres sont perpétuelles.
M. Gendebien. - Tout ce qu’ont dit les préopinants, à l’escamotage près, dont a parlé M. de Mérode, pourrait être fort juste, si la loi des barrières était perpétuelle, et si quelqu’un dans cette assemblée proposait de la discuter de nouveau. La loi proposée par le gouvernement tendait à rendre exécutoire pendant une année encore, une loi qui dans l’origine n’avait été faite que pour une année. Or, je vous le demande, messieurs, ne serait-ce pas, contre les intentions de l’auteur de l’amendement, sans doute, et de ceux qui le soutiennent, ne serait-ce pas un escamotage que de venir, à la fin de la discussion, donner le caractère de perpétuité à une loi qui n’a qu’un caractère annal, et que le gouvernement ne vous a demandé de proroger que pour un an. Le gouvernement ne peut, sans s’associer à une véritable surprise, adhérer à l’amendement de M. Lebeau.
Il manque à la loi pour être définitivement loi, son caractère essentielle, son caractère de perpétuité ; une loi est essentiellement perpétuelle de sa nature et vous ne pouvez lui donner ce caractère de loi que M. Lebeau vous demande de lui donner, sans la discuter article par article. Ce serait une surprise de la part du gouvernement, ce serait un piège tendu à la bonne foi de la chambre pour éviter toute discussion dans les sections et venir ici faire donner le caractère de perpétuité à des dispositions qui ne l’ont pas ; ce serait en quelque sorte escamoter la loi.
Non, messieurs, vous ne consacrerez pas un pareil antécédent, c’est impossible.
M. Lebeau a dit : Où sont les réclamations ? Qui est-ce qui réclame ? Si M. Lebeau était plus souvent parmi nous, à son poste, il connaîtrait le grand nombre de pétitions qui nous sont adressées pour demander des modifications à la loi, il saurait qu’elles sont couvertes de plus de 40,000 ou 50,000 signatures ; que M. Lebeau se rende au greffe, il y trouvera ces pétitions et le grand nombre de signatures respectables dont elles sont couvertes.
Que le gouvernement nous propose l’année prochaine une loi définitive, nous la discuterons alors comme telle, jusqu’ici elle n’a jamais été examinée que comme disposition transitoire, annale, et il serait imprudent de lui donner ainsi, à l’improviste, un caractère définitif.
Du reste, quel avantage prétend-on tirer de la proposition ? M. Rogier qui veut rendre la loi définitive, pour couper court à tous les amendements, à toutes les discussions, a été obligé immédiatement après de reconnaître que chaque année on pourrait introduire des amendements dans la loi des voies et moyens ; eh bien, messieurs, pour éviter ces éternelles discussions, il n’y a qu’un moyen, c’est de donner une bonne fois, à la loi, toute la perfection qu’elle réclame et de la rendre alors définitive ; qu’on nous propose donc une loi permanente ; alors nous l’examinerons avec toute l’attention que mérite une loi définitive, nous examinerons en même temps les nombreuses pétitions qui se rapportent à la matière et qui, je le répète, sont couvertes de 40 à 50,000 signatures ; nous agirons en connaissance de cause, et nous ferons enfin justice à tous.
- La première partie de l’art. 2, jusqu’aux mots : « Qui sera exécutoire le jour de la promulgation » est mise aux voix et adoptée.
La seconde partie de l’article est ensuite mise aux voix et adoptée.
L’ensemble de l’art. 2 est également mis aux voix et adopté.
Le second vote de la loi aura lieu lundi.
M. Dubus (pour une motion d’ordre). - S’il convenait à la chambre de fixer la séance de demain à deux heures, les commissions auraient le temps de travailler ; je dois dire à la chambre que, notamment la commission des finances est chargée d’un travail si considérable qu’elle aura encore beaucoup à faire avant de pouvoir le terminer ; je dois demander qu’on lui laisse le temps de s’en occuper. Il suffirait que la séance commençât demain à deux heures. Nous pourrions toujours entendre les rapports de pétitions et quant aux objets plus importants qui se trouvent à l’ordre du jour, on pourrait s’en occuper lundi.
(Moniteur belge n°36, du 5 février 1837) M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense, messieurs, que le rapport sur le budget de l’intérieur sera distribué demain matin ; si la chambre n’y voyait pas d’inconvénient, j’aurais l’honneur de lui proposer de fixer la discussion de ce budget à lundi ou mardi.
Quant au budget de la guerre, la discussion n’en pourra pas encore avoir lieu, le ministre de la guerre se trouvant indisposé au point de ne pouvoir sortir.
(Moniteur belge n°35, du 4 février 1837) M. Gendebien. - Il faudrait aussi s’occuper sans délai des projets de loi accordant des naturalisations ; ces projets sont prêts, et il suffira d’un instant pour les voter. Je demande aussi qu’on fasse demain le rapport sur les pétitions qui ont été déclarées urgentes par la chambre.
- La chambre, consultée, décide qu’elle se réunira demain à deux heures en séance publique, pour entendre des rapports de pétitions, entre autres de celles qui ont été reconnues urgentes, et pour s’occuper des projets de lois accordant la naturalisation aux personnes dont les demandes ont été précédemment prises en considération.
M. Rogier. - Il ne suffit pas d’avoir fixé l’ordre du jour de demain, il faudrait aussi fixer celui de lundi et de mardi : on est toujours dans l’incertitude sur les questions que nous aurons à examiner, et de cette manière il est impossible de se préparer à la discussion.
- La discussion du budget de l’intérieur est mise à l’ordre du jour de lundi.
M. Raikem. - On pourrait également discuter le budget de la dette publique et des dotations.
- Ce budget est également mis à l’ordre du jour de lundi.
La séance est levée à 5 heures.