(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen fait l’appel nominal à une heure.
M. Lejeune donne lecture du procès-verbal de la dernière séance à une heure et demie.
M. Verdussen donne communication des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Des fabricants d’acides minéraux de diverses villes du royaume adressent des réclamations contre la disposition contenue dans le projet relatif aux modifications au tarif des douanes concernant les droits d’entrée des acides minéraux. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
« Un grand nombre de propriétaires exploitants et demandeurs en concession de mines, à Liège, adressent des observations sur le projet relatif aux mines, amendé par le sénat. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
« Les sieurs Tassaert, fabricants de produits chimiques, demandent un entrepôt libre à Anvers pour le sel marin qu’ils emploient dans leur fabrique de sulfate de soude, située dans la commune de Westwezel. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Aug. Gobert, brasseur de vinaigre à Gand, soumet à la chambre le plan d’une industrie qui nécessite un appareil distillatoire, et demande une disposition qui l’exempte de l’imposition.
- Renvoi a la commission des pétitions.
« Le sieur Liguer, né à St-Dié (France), et habitant la Belgique depuis 1806, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« La chambre de commerce et des fabriques de Mons adresse des observations à l’appui des réclamations des fabricants de sucre indigène. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen de la question des sucres.
« M. S.-N. Hausez adresse à la chambre 100 exemplaires d’un mémoire relatif au nouveau projet de loi sur le sel. »
- Ce mémoire a été distribué.
« Les fabricants de bonneteries de l’arrondissement de Tournay adressent à la chambre des exemplaires d’un mémoire sur le projet de loi de douanes. »
« M. René Beerenbroeck adresse à la chambre des copies de quatre lettres qu’il a écrites à M. le ministre des finances et au Roi sur divers grands intérêts. »
M. de Brouckere. - Messieurs, je me permettrai de rappeler à la chambre qu’il existe dans le règlement un article par lequel il est ordonné que chaque jour l’appel nominal soit fait à midi un quart. Cependant tous les jours nous nous écartons du prescrit de cet article, et nous en sommes venus à ne plus ouvrir nos séances qu’entre une heure et demie et deux heures. Il en résulte deux inconvénients. D’abord, c’est que nos séances sont courtes et par conséquent que nous ne pouvons faire que peu de besogne ; et ensuite, c’est que les membres qui se rendent à la séance à l’heure indiquée perdent tous les jours de une heure à une heure et demie. Je ne sais s’il existe un moyen de porter remède au premier des deux inconvénients que je viens de signaler ; quant au second, il me semble qu’on pourrait le prévenir. Pour cela, je demanderai qu’on fixe tous les jours l’heure de la séance du lendemain et que les membres prennent sur eux d’être présents à l’heure fixée. Il résulte des renseignements que j’ai recueillis que les commissions sont souvent retenues par leurs travaux au-delà de l’heure de midi, et que les membres de ces commissions ne peuvent se rendre à la séance au moment où on fait l’appel nominal. Il vaudrait mieux que la chambre chômât un ou deux jours par semaine et qu’on fût exact à l’heure indiquée quand il y aurait séance.
Je prierai M. le président de vouloir bien aviser aux moyens d’empêcher que les membres exacts ne perdent leur temps.
M. le président. (M. Raikem). - La chambre conçoit que rien ne me serait plus facile que de faire l’appel nominal à midi un quart, et que je désire qu’on soit en nombre de bonne heure. Le bureau est toujours à son poste à l’heure indiquée, et si l’appel nominal n’a pas toujours lieu à midi un quart, c’est pour ne pas perdre de temps ; parce que quand il n’y a pas assez de membres pour procéder à l’appel nominal, en attendant, la section centrale s’occupe de divers projets qui lui sont renvoyés. Si nous faisions l’appel nominal à l’heure fixe, quand quelques membres seulement sont présents, nous perdrions ici le temps que nous consacrons aux travaux de la section centrale jusqu’à ce qu’on se trouve en nombre suffisant pour ouvrir la séance.
Chaque fois que cela a été possible, nous avons fait l’appel nominal à midi un quart.
Je pense comme l’honorable préopinant qu’il vaudrait mieux avoir quelques jours par semaine consacrés aux travaux des sections et de la section centrale, et qu’on se rendît exactement aux séances.
M. Desmanet de Biesme. - Personne n’est plus disposé que moi à rendre justice à l’exactitude du bureau, mais je crois que c’est parce qu’on se fie trop à l’indulgence du bureau qu’on ne se rend pas exactement à l’heure fixée pour l’ouverture de la séance. Si l’appel nominal se faisait à l’heure fixe, et si quand en ne se trouverait pas en nombre après la réappel, on levait la séance et la renvoyait au lendemain, en insérant au Moniteur les noms des membres présents, chacun craindrait de prendre sur lui la responsabilité de faire manquer les séances de la chambre.
Je pense, comme l’honorable M. de Brouckere, que quand il y a beaucoup de travail à la section centrale et dans les sections, il vaudrait mieux ne pas avoir séance une ou deux fois par semaine et être exact les jours où il y aurait séance.
M. F. de Mérode. - J’avais demandé la parole pour faire une partie des observations que vient de présenter l’honorable M. Desmanet de Biesme. Si ces observations étaient pour une partie prises en considération, elles seraient de nature à apporter une plus grande activité dans les travaux de la chambre. Mais si on établit qu’il n’y aura pas de séance certains jours par semaine, on manquera tout à fait son but ; il y aura de moins en moins de membres présents à Bruxelles et de plus en plus de difficultés à se trouver en nombre, de sorte qu’on n’arrivera qu’à ouvrir les séances plus tard.
Quand on jugera nécessaire de laisser à la section centrale et aux commissions un peu plus de temps pour accélérer leurs travaux, on pourra fixer l’ouverture de la séance à une heure ou à deux heures. De cette manière on fera quelque chose et on mettra un terme à la perte de temps que font ici journellement les membres qui sont exacts. Mais je le répète, si on établit des interruptions, les membres qui habitent non loin de Bruxelles en profiteront pour aller chez eux, y resteront plusieurs jours, et nos travaux marcheront plus mal qu’auparavant.
J’appuie donc la première partie de la proposition de M. Desmanet de Biesme.
Qu’on fixe l’appel nominal à midi et un quart, qu’une demi-heure après on fasse le réappel, et si on n’est pas en nombre, qu’on renvoie la séance au lendemain en insérant les noms des absents au Moniteur. Quand on aura fait cela pendant plusieurs jours, il est certain que chacun se fera un scrupule de faire manquer les séances, comme cela est arrivé jusqu’à présent.
M. de Brouckere. - J’appuie les opinions émises par les honorables préopinants, mais je demanderai qu’il n’y ait pas de second appel nominal, car il ne ferait que remplacer le premier ; et si vous dites qu’un premier appel nominal aura lieu à midi un quart et qu’il en sera fait un second une demi-heure après, les retardataires ne viendront que pour le second appel. Je demande qu’il soit entendu que l’appel nominal aura lieu tous les jours à midi un quart, et que quand on ne se trouvera pas en nombre suffisant, il n’y aura pas de séance ce jour-là et que les noms des absents seront insérés au Moniteur.
M. Desmanet de Biesme. - Par le réappel, j’entends celui qui se fait tous les jours immédiatement après l’appel nominal ; je ne demande nullement qu’un second appel soit fait une demi-heure après le premier.
M. Dubus. - J’appuierai les opinions de deux des honorables préopinants, mais je n’appuierai pas celle du troisième, car il a demandé qu’il y ait séance tous les jours et s’est opposé à ce que certains jours fussent réservé au travail des sections et des commissions. Déjà deux fois la chambre a résolu le contraire, elle a reconnu qu’il y avait nécessité de réserver certains jours au travail des commissions. Elles sont surchargées de besogne, et il est impossible qu’elles travaillent avec quelque suite de 10 heures à midi, si à midi un quart les membres qui les composent doivent se trouver en séance. Il est donc indispensable de leur réserver certains jours.
Je ferai observer que jeudi dernier les sections étaient convoquées pour s’occuper du projet de loi relatif aux douanes, mais à la séance on discutait le budget de la justice ; chacun s’était occupé de ce budget chez soi et personne n’a été aux sections, et ceux qui y ont été n’ont pu rien faire, parce que quelques-uns seulement s’y sont trouvés.
M. de Jaegher. - J’ai demandé la parole quand j’ai entendu l’honorable préopinant demander que certains jours soient réservés pour le travail des sections et des commissions. Je pense que cette manière de procéder n’est nullement utile pour l’accélération du travail des sections et des commissions. Quand on les jugera surchargées de besogne, qu’on décide la veille qu’un jour sera consacré à ce travail, soit ; mais que certains jours soient détermines d’avance, je crois que ce serait inutile et même nuisible.
Je citerai un seul exemple. Lorsque la chambre a adopté ce mode, je me suis trouvé en section avec un seul membre, et cette section n’a pas pu se compléter.
M. Dubus. - Il n’a jamais été question de fixer d’avance les jours qui seraient consacrés au travail des sections et des commissions, mais seulement de réserver un certain nombre de jours par semaine. Il avait été même résolu par la chambre que le bureau indiquerait ces jours. Si je me souviens bien, je crois que le bureau ne l’a jamais fait.
M. le président. - Il est difficile au bureau de savoir à quoi en est le travail des sections ; pour la section centrale il le sait, mais il ne peut pas juger quels seraient les jours qu’il serait le plus utile de consacrer au travail des sections et commissions. Ce qu’il y aurait de mieux à faire, ce serait de consulter l’assemblée à la fin de chaque séance sur la question de savoir s’il y a lieu de fixer la prochaine séance au surlendemain et de réserver le lendemain au travail des sections et commissions.
M. F. de Mérode. - Il ne s’agit pas ici de théories, mais de faits. Il est un fait certain, c’est que quand on n’indique pour un jour qu’une réunion dans les sections, il ne s’y trouve presque personne. Toutes les fois que vous n’aurez pas de séance publique, la moitié des membres s’absenteront. Qu’on le fasse par exception de temps en temps, quand la nécessité en est reconnue, je ne m’y oppose pas ; mais que ce soit le plus rarement possible, car je crains que ce ne soient des jours perdus.
M. Fallon. - Il ne s’agit pas seulement des sections, mais aussi des commissions. Or, les commissions sont surchargées de besogne. La commission de finances en est écrasée, et on la presse de présenter son travail. La commission des naturalisations a aussi un travail très important et qu’on presse tous les jours. Une commission spéciale a été chargée d’examiner la question relative à la société générale, c’est encore un travail qui demande beaucoup de temps et qui reste en arrière parce que nous devons venir tous les jours en séance. Si on continue cette marche, je ne sais pas quand vous aurez des rapports sur ces objets.
M. de Brouckere. - Je demande : 1° que chaque jour l’appel nominal soit fait à midi un quart, et que quand on ne se trouvera pas en nombre, la séance soit renvoyée au lendemain ;
En second lieu, qu’à la fin de chaque séance on décide s’il y aura séance le lendemain, ou si ce jour sera consacré aux travaux des sections et commissions.
M. le président. - La disposition se trouve dans le règlement et nous l’avons exécutée presque toujours, et quand nous ne l’avons pas fait, ç’a été, comme je l’ai déjà dit, pour ne pas perdre inutilement un temps que nous pouvions employer aux travaux de la section centrale ; car, dès 10 heures du matin, les membres du bureau sont ici, et rien ne leur serait plus facile que de faire l’appel nominal à midi un quart. Tous les jours on le fera à l’avenir, et si on ne se trouve pas en nombre, les membres présents décideront s’il y aura ou non séance.
M. de Brouckere. - Je voudrais que le président fût autorisé à déclarer qu’il n’y aura pas de séance lorsque les représentants ne seront pas en nombre ; il faut donc que la chambre décide que, dans ce cas, la séance sera renvoyée au lendemain et que les noms des députés présents seront insérés au Moniteur.
M. le président. - Ainsi la question est celle-ci : après l’appel nominal, si les membres présents ne sont pas en nombre suffisant, le président déclare qu’il n’y aura pas de séance.
- Cette proposition, mise aux voix, est adoptée.
M. le ministre des finances (M. d'Huart) dépose sur le bureau de la chambre un projet de loi relatif à la vérification cadastrale.
- Ce projet est renvoyé devant les sections.
« Art. 2. Subsides à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance : fr. 50,000. »
M. le président. - M. le ministre de la justice demande une augmentation de 10,000 fr. Il proposera une diminution de pareille somme sur l’art. 4.
M. Andries. - La loi du 13 août 1835 a eu une salutaire influence sur les dépôts de mendicité. L’arrêté du 29 du même mois, relatif à l’exécution de cette loi, recommande, par l’article 15, aux administrations communales, entre autres, la création d’hospices spéciaux pour les vieillards et pour les incurables, les sourds-muets et les aveugles, comme un moyen d’alléger la charge qui résulte pour elles de l’entretien de ces indigents. Cette recommandation est très sage. On voit dans beaucoup de communes populeuses des deux Flandres des hospices s’élever comme par enchantement. Mais ce sont rarement les administrations locales qui les élèvent. C’est presque toujours l’œuvre d’une ou de plusieurs personnes charitables de l’endroit. Il n’est pas nécessaire de dire que le clergé prend une part glorieuse à ces travaux. Ainsi, par la puissance seule de la bienfaisance privée, notre pays se couvre à la campagne de nouveaux asiles pour les misères de l’humanité. Je ne viens pas réclamer pour ces précieux asiles une part quelconque dans les soixante mille francs qui font l’objet de cet article. Les cas sont bien rares où il leur faudra donner quelque secours et argent. C’est un secours d’une autre espèce qu’il leur faut. Ces bonnes œuvres entreprises par la charité particulière risquent de s’évanouir à la mort de celui qui les a fondées, ou tout au moins de souffrir de graves atteintes de la part des héritiers ou de la part du fisc. Il faut donc de toute nécessité les soustraire à ces tristes éventualités. C’est ce qu’a senti le gouvernement impérial lorsqu’il publia son décret du 18 février 1809. D’après ce décret, si ces asiles sont desservis par des femmes réunies en association religieuse, et que leurs statuts soient approuvés par le gouvernement, alors cette association est légalement reconnue et a force d’institution publique. Elle peut accepter des donations et des legs, faire des acquisitions, moyennant autorisation préalable de la part du gouvernement, et ne paie pour enregistrement qu’un droit fixe d’un franc. L’application franche et loyale de cette loi est le seul secours, le seul subside que je réclame en faveur des établissements en question. Que le gouvernement continue à laisser agir la bienfaisance inspirée par la religion, et elle ne cessera de répandre des bienfaits immenses.
Un mot me reste à dire sur la mendicité le long des grandes routes. Il est de toute nécessité de l’extirper. Elle s’exercer d’une manière insultante pour la dignité de l’espèce humaine, et démoralise complètement les enfants qui s’y adonnent. Que l’on s’amuse à voir faire des tours à des animaux exercés, cela se conçoit ; mais que l’on prenne plaisir aux efforts brutaux auxquels il se livre, cela est peu digne de l’homme civilisé. Ensuite la monnaie qu’on leur jette est accueillie avec cette avidité qui fait plus tard des voleurs, et contestée quelquefois au prix du sang.
L’arrêté du 22 octobre 1825 dit à l’art 5 : « Ils (les magistrats communaux) recommanderont à leurs subordonnés, dans le service de la police, de surveiller particulièrement les enfants de tout âge, se livrant à la mendicité, surtout le long des grandes routes… Ils useront d’une juste rigueur envers ceux d’entre ceux de leurs agents qui ne rempliraient pas ce devoir avec zèle et persévérance. »
Jusqu’à présent cet article est resté sans exécution, au moins dans un grand nombre de localités ; cependant, par sa circulaire du 24 juin 1834, adressée aux procureurs-généraux, aux gouverneurs et au colonel de la gendarmerie, le ministre de la justice d’alors en a recommandé de nouveau la stricte exécution.
« L’on a remarqué surtout, y est-il dit, l’accroissement du nombre de mendiants sur les grandes routes, ce qui donne aux voyageurs de fâcheuses impressions et pourrait faire naître des jugements inexacts sur l’état du pays en général. »
Je prie M. le ministre d’aviser enfin à des moyens efficaces, pour que cette disposition reçoive sans retard sa complète exécution.
M. Desmet. - Il est de fait que dans notre pays on tolère beaucoup trop la mendicité. Je connais telle ville où il faudrait avoir ses poches pleines de petite monnaie pour satisfaire l’avidité des individus qui assaillent les diligences ; ils se présentent en groupes hideux de 40 ou 50 et vous obligent en quelque sorte à leur donner. Il faudrait que l’autorité municipale prît des mesures pour faire cesser de tels désordres.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le gouvernement a déjà plusieurs fois recommandé la plus grande surveillance aux autorités locales ; mais la principale cause pour laquelle cette surveillance ne reçoit pas d’exécution, c’est la crainte qu’ont les administrations municipales d’entraîner les communes dans de trop grandes dépenses par suite de l’arrestation de leurs mendiants ; car, quand un mendiant est arrêté, il faut l’entreteneur dans le dépôt de mendicité. Il serait nécessaire, pour arriver au but désiré, de diminuer cette charge qui pèse sur les communes ; il faudrait encore que l’autorité communale s’occupât d’organiser les moyens de donner des secours à domicile ; une économie bien entendue pour les communes résulterait de cette organisation, car elle seule pourrait extirper la mendicité.
M. Pollénus, rapporteur. - J’appuie à tous égards les observations présentées par M. le ministre de l’intérieur. J’ajouterai cependant que, d’après mon opinion, la cause qui agit le plus pour empêcher l’extinction de la mendicité, c’est la facilité avec laquelle l’autorité administrative consent au renvoi des dépôts les mendiants qui y sont envoyés. La crainte des dépenses que supportent les communes quand leurs pauvres sont arrêtés est ce qui maintient le délit de mendicité. Mais si le gouvernement intervenait et recommandait aux autorités administratives de se montrer sévères contre des demandes fâcheuses, je crois que l’on parviendrait à diminuer le nombre des mendiants. Je désirerais surtout que l’on fût très sévère contre les récidives. Que voulez-vous que fassent les agents de la force publique quand ils voient des individus, déjà condamnés, jouir de leur liberté ? Ils jugent que leur intervention est inutile, puisqu’on relâche même ceux qui ont été condamnés plusieurs fois.
M. de Jaegher. - Les observations de l’honorable rapporteur sont très justes ; mais il y a un grand obstacle à ce qu’elles soient réalisées. Cet obstacle, il le connaîtrait comme moi, s’il avait été à même de suivre de plus près la comptabilité des communes. Il y aurait vu que l’entretien d’un seul mendiant dans un dépôt absorbe quarante ou cinquante fois la somme que la commune peut donner à chacun de ses pauvres libres. En laissant les mendiants détenus dans les dépôts de mendicité, les établissements de bienfaisance se mettent hors d’état de satisfaire aux besoins les plus pressants des classes indigentes de la commune ; c’est avec douleur que ces bureaux se voient dans la nécessité de demander la mise en liberté de leurs mendiants arrêtés.
Toutefois je signalerai une classe de mendiants fort dangereuse ; c’est celle des petits mendiants qui suivent les diligences sur les routes, et qui obsèdent les voyageurs. Ils sont couverts de plaies, frappés de diverses infirmités, qu’ils découvrent de la manière la plus scandaleuse ; il faudrait recommander à la gendarmerie de sévir contre cette classe.
- Le chiffre de 60,000 fr. mis aux voix est adopté.
« Art. 3. Pour avances à faire au nom des communes, à charge de remboursement de leur part, au dépôt de mendicité, établi aux colonies agricoles ? »
- Adopté.
« Art. 4. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 200,000. »
M. le président. - Ce chiffre avait été admis par la section centrale sur la première proposition du ministre ; mais maintenant M. le ministre propose une réduction de 10,000 fr.
M. Doignon. - Dans la dernière séance, M. le ministre de la justice a consenti une diminution sur ce chiffre ; mon intention était aussi de proposer la même réduction. Je saisirai cette occasion pour demander au gouvernement quelle est son opinion, relativement à la suppression des tours. Plusieurs tours ont été supprimés dans nos provinces, et c’est par suite de cette suppression que le chiffre de l’article doit être diminué. Je persiste à penser qu’il y a lieu de supprimer tous les tours, en procédant toutefois successivement et avec prudence. J’ajouterai à ce que j’ai dit sur cette question, dans nos sessions précédentes, que depuis plus de cinquante années elle a été jugée en Angleterre : dans ce pays-là on regarde l’établissement des tours, non comme une institution de charité, mais comme une chose nuisible, qui porte une atteinte profonde aux mœurs du peuple.
Je vais citer à cet égard une autorité respectable, celle de lors Broughman. Je ne puis mieux faire qu’en mettant sous vos yeux ses propres paroles.
« Un hôpital des enfants trouvés dit à tous ceux qui désirent avoir un commerce illicite, et qui cependant sont effrayés de ses conséquences : « Ne vous occupez pas des conséquences ; si vous avez un enfant, vous en serez débarrassé. »
« Votre charité n’est pas destinée à de pauvres enfants sans protecteur et sans asile, votre charité s’adresse à des bâtards. Supposez que quelqu’un crée un asile pour tous les bâtards nés dans un certain district ; chaque voix ne s’élèverait-elle pas contre une aussi grande atrocité, contre une prime d’encouragement offerte à l’immoralité ?
« Un hôpital d’enfants trouvés n’est autre chose qu’un asile préparé pour les bâtards, l’expression seule est changée ; mais ce n’est pas encore là le seul inconvénient. L’encouragement à l’immoralité serait un mal assez grand sans doute, et cependant ce n’est encore que le dernier ; je ne devrais peut-être pas dire le dernier, car l’institution produit une autre conséquence, moins mauvaise peut-être, quoique fort nuisible ; elle tend à accroître cette partie de la population toujours dépourvue de moyens d’existence ; elle dit à chaque couple, marié ou non marié : « Prenez vos enfants, mettez-les dans le tour ; suivez l’exemple de Rousseau, qui fût devenu par cette action un objet de mépris, si son crime n’eût été attribué à l’égarement de son esprit. Portez ici le fruit de vos amours criminelles ou de votre union imprudente, et nous vous dispenserons du soin d’élever ceux à qui vous avez donné le jour. » C’est sans contredit la conséquence directe, immédiate, irrésistible, nécessaire d’une pareille institution, d’encourager les relations criminelles et les mariages imprudents, d’en augmenter le nombre et de rendre plus fréquent un crime bien plus affreux encore.
« En Angleterre, nous avons ouvert les yeux sur la folie à courte vue, qui considérait, il y a un siècle, cet établissement comme un bienfait pour la population. »
Aussi, messieurs, depuis longtemps les tours ont été supprimés dans toute l’Angleterre.
En France, l’opinion générale se rallie aussi au système de la suppression des tours. Voici comment un organe du ministère français s’exprime à ce sujet :
« La suppression des tours paraît une mesure rigoureuse, c’est cependant la seule qui puisse guérir le mal qui menace de dévorer toutes les ressources des budgets départements ; n’oublions pas que les communes et les départements donnent aux établissements charitables 14 millions 500,000 fr., et que là-dessus les enfants trouvés prennent un chiffre de 10 millions 250,000 fr., plus des deux tiers. Si cela continue, il faudra mettre les malades et les vieillards à la porte des hôpitaux, pour entretenir les bâtards du libertinage.
« Supprimer les tours, c’est faire un recours et un appel à l’esprit de famille ; c’est écarter toutes les tentations qui le corrompaient ; c’est lui rendre toute sa force et s’en fier à lui pour sauver la société. Déclarez que l’administration n’aidera plus ceux qui ne veulent être pères que pour le plaisir et non pour le devoir et la peine ; déclarez que les enfants resteront à la charge de ceux qui les ont, et soyez sûrs que tout aussitôt on regardera à deux fois avant d’en avoir, et que sachant qu’on ne peut plus compter que sur soi, on fera plus d’efforts pour remplir ses obligations, une fois qu’elles seront redevenues une impérieuse nécessité…
« Introduire avec une sage circonspection et peu à peu, la suppression des tours semble la meilleure mesure qu’on puisse prendre, et, malgré sa rigueur apparente, la plus salutaire à la société. »
D’ailleurs, messieurs, que l’on prenne des renseignements dans nos provinces, et l’on verra que les mères de ces enfants préfèrent les garder par devers elles. Cette institution, d’origine française, n’est donc pas dans nos mœurs. A Bruxelles, il en ainsi. Vous avez entendu ce qu’a dit à cet égard dans cette enceinte le bourgmestre de cette ville.
Saint Vincent de Paule n’avait point imaginé l’établissement des tours ; en recueillant les enfants trouvés, son but n’a pas été de créer des établissements favorables au libertinage. Ces enfants d’ailleurs ne sont pas recueillis dans les hospices ; mais la plupart sont placés à la campagne chez des mercenaires qui très souvent négligent de les soigner comme il convient. Un grand nombre meurt à défaut de soin. On serait effrayé si l’on connaissait le nombre des enfants qui meurent par suite du défaut d’attention et de la négligence des personnes à qui ils sont confiés. Le gouvernement aurait pu recueillir, sur ce point, des renseignements et nous les communiquer.
Malgré l’établissement des tours, le nombre des infanticides est toujours le même ; il n’a pas diminué. En effet, ou la mère a des intentions criminelles à l’égard de son enfant, et alors elle ne se décide à lui ôter la vie que pour chercher à ensevelir dans le secret sa honte avec son crime ; mais dans ce cas elle se gardera bien de recourir à l’exposition au tour, qui exigerait la révélation de son secret envers un tiers chargé de porter ou faire porter l’enfant à l’hospice. Elle se gardera bien aussi de l’y déposer elle-même, dans la crainte d’être vue ou reconnue : vous voyez donc que l’établissement du tour est inutile pour empêcher ou arrêter l’infanticide.
Ou les mères n’ont pas d’intentions coupables à l’égard de leurs enfants. Dans ce cas vous pouvez vous en rapporter aux attentions de l’amour maternel ; si elles se voient forcées de les abandonner, persuadez-vous qu’elles ne les confieront pas à des personnes qui, en les exposant sur la voie publique ou ailleurs, pourraient mettre leurs jours en danger ; mais l’exposition se fera de manière à ne pas compromettre la vie de l’enfant. Si la mère ne surveille pas elle-même, elle en chargera quelqu’un qui, sans qu’on s’en aperçoive, ne perdra point de vue l’enfant ainsi exposé.
Sans doute, des imprudences accidentelles peuvent quelquefois être commises lors de l’exposition ; mais de pareils accidents peuvent également arriver dans une foule d’autres circonstances lorsque les enfants sont près de leur mère, et ce n’est point là une raison suffisante pour prendre une mesure générale, et faire intervenir la charité publique ; de semblables accidents sont d’ailleurs excessivement rares.
Ainsi rien ne justifie, selon moi, l’institution des tours ; elle encourage l’immoralité, et elle est en même temps organisée de manière à donner la mort à beaucoup d’enfants.
La morale publique, l’économie et l’humanité se réunissent donc pour leur suppression. Je voudrais que les tours fussent tous supprimés dans un temps donné. Si le gouvernement faisait une proposition tendant à déclarer que tous les tours doivent être supprimés dans un terme de 18 mois ou de 2 ans, j’y donnerais volontiers mon assentiment.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je ne dirai que quelques mots sur la question soulevée par l’honorable préopinant. Mon intention n’est pas de la discuter à fond ; je ne crois pas que ce soit le moment d’entrer dans le long examen qu’elle réclamerait. Je dirai seulement que la loi de 1834, portée sur cette matière, n’a pas supposé que la suppression des tours fût nécessaire. Elle a abandonné aux régences le soin de décider, d’après l’expérience et les convenances locales, si les tours doivent être ou non maintenus.
Les tours ont été supprimés à Tournay et à Malines. Cette mesure, je le reconnais, n’a pas présenté d’inconvénient, ni sous le rapport des infanticides, ni sous aucun autre rapport. Cependant le gouvernement pas à exprimer d’opinion actuellement sur le point de savoir si en général les tours doivent être ou non supprimés. C’est là selon moi une question où les faits surtout doivent être pris en grande considération.
Je fais dresser (je crois avoir eu l’occasion de le dire) une statistique des établissements de bienfaisance. La chambre verra par ces documents quel a été le résultat de la mise à exécution de la loi de 1834. Alors un membre de cette assemblée ou le gouvernement pourra proposer à la loi les modifications qui auront été reconnues nécessaires ou utiles.
- L’article 4 est adopté avec le chiffre de 190,000 fr.
« Article unique. Dépenses imprévues : fr. 8,000. »
- Adopté.
La chambre fixe à après-demain le vote définitif du projet de loi de budget du département de la justice.
M. le président. - L’article premier et l’amendement proposé à cet article par M. Verdussen sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Il ne sera payé en principal que 15 fr. par cheval servant à la selle ou à l’attelage de voitures suspendues sur ressorts ou soupentes, mais employé principalement et habituellement dans l’exercice de leur profession, par les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires, fabricants, commis-voyageurs et cultivateurs.
« Amendement de M. Verdussen. - J’ai l’honneur de proposer de rédiger le commencement de l’art 1er de la manière suivante :
« Par modification de l’art 42 de la loi sur la contribution personnelle du 22 juin 1822 (Journal officiel, n°15), il ne sera payé en principal que 15 fr., etc. »
M. Verdussen. - Je n’ai rien à ajouter aux développements que j’ai donnés en peu de mots avant-hier à ma proposition Je pense avoir suffisamment démontré la nécessité de l’introduire dans l’art. 1er pour faire voir que la loi n’est qu’une modification à la loi sur la contribution personnelle du 22 juin 1822.
- L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix et adopté.
L’article 3 est mis aux voix et définitivement adopté.
M. le président. - M. le ministre des finances propose de rédiger l’art. 5 comme suit :
« La cotisation continuera à être établie sur la déclaration du contribuable ; toutefois si, lors de l’examen des déclarations avant leur inscription au rôle, il s’élève des doutes sur leur exactitude relativement à l’usage du cheval, il en sera référé à la députation du conseil provincial, et la cotisation sera établie d’office d’après la décision qu’elle prendra sur l’avis de la commission instituée par l’art. 58 de la loi sur la contribution personnelle, et dont chaque fraction avisera séparément lorsqu’il y aura partage égal de voix. La commission joindra à son avis les observations contradictoires qui, sur son invitation, devront lui être fournies dans le délai de 8 jours par le contribuable intéressé.
« L’avis de la commission, avec les pièces y relatives, sera présenté à la députation permanente par l’intermédiaire du directeur des contributions directes, cadastre, douanes et accises.
« La cotisation d’office opérée par suite de la décision de la députation permanente, est obstative à tout recours judiciaire. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart) est appelé à développer sa proposition ; il s’exprime en ces termes. - Messieurs, d’après la loi actuelle les rôles pour la perception de l’impôt sont rendus exécutoires par le gouverneur, conformément aux déclarations des contribuables ; si les employés reconnaissent postérieurement que la déclaration est fausse, par exemple, qu’un cheval sert à un autre usage que celui auquel il été déclaré servir, ils dressent procès-verbal, et ce procès-verbal est porté devant les tribunaux ; de là les nombreux procès contre lesquels on s’est souvent récrié. D’après la disposition qui vous est soumise en ce moment, si, lors de la déclaration du contribuable, il s’élève des doutes sur l’usage d’un cheval qui y serait porté, la contestation serait déférée à la députation provinciale, non sur un procès-verbal, mais sur un simple rapport ; la députation statuerait dans ce sens qu’elle placerait d’office le cheval dans l’une ou l’autre des catégories établies par le loi ; c’est-à-dire qu’elle déciderait si c’est un cheval mixte ou un cheval de luxe ; la cotisation ainsi faite, il n’y aurait plus de recours ouvert. Toutefois si, de cette manière, la députation portait un jugement, ce ne serait qu’à l’égard de la cotisation et nullement pour infliger aucune espèce d’amende ; il ne pourrait même plus être exercé une poursuite ultérieure.
La disposition dont il s’agit introduirait une notable amélioration dans la loi actuelle, en ce sens qu’il n’y aurait plus à l’avenir de procès-verbaux qu’alors qu’il n’y aurait aucune espèce de déclaration, qu’un cheval servant à un usage quelconque n’aurait pas été déclaré du tout ; cette disposition est donc tout à fait dans l’intérêt des contribuables : du reste, elle est tout à fait constitutionnelle ; car d’après les motifs qui accompagnent le chapitre de la constitution, relatif au pouvoir judiciaire, et d’après le texte lui-même de la constitution, il est expressément réservé à la législature ordinaire le pouvoir d’établir en matière de contribution telle juridiction qu’elle jugera convenable.
M. de Brouckere. - Quel est l’article de la constitution dont il s’agit ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est l’art. 92 ; il porté ce qui suit : (M. le ministre donne lecture de cet article.)
On lit en outre ce qui suit dans le rapport de la section centrale du congrès sur cet article de la constitution : (M. le ministre fait connaître le texte de ce rapport, d’où il résulte que les rédacteurs de l’art. 92 de la constitution l’ont entendu dans ce sens que le législateur ordinaire aurait le pouvoir d’instituer telle juridiction qu’il jugerait convenable, en matière d’imposition.)
Vous voyez donc, messieurs, que l’art. 92 de la constitution donne à la législature ordinaire le droit d’établir, en matière d’impôt, telle juridiction qu’elle jugera convenable.
M. Milcamps. - Messieurs, d’après l’art. 5 tel qu’il a été voté, lorsqu’il s’élève une contestation sur l’usage du cheval, la députation est chargée de statuer, sans recours à la justice de la part du contribuable lésé.
D’après l’amendement, s’il s’élève du doute sur déclaration du contribuable relativement à l’usage du cheval, il en est référé à la députation qui, sur l’avis de la commission, opère d’office la cotisation sans recours judiciaire.
Le but de cet amendement est de prévenir beaucoup de contestations judiciaires ; s’il est adopté, il n’y aura plus de procès que lorsqu’il y aura procès-verbal contestant l’usage d’un cheval, sans qu’il ait été fait de déclaration.
Mais cet amendement, en appelant la députation des états, en cas de doute sur l’usage du cheval, à établir d’office la cotisation sans recours aucun, n’appelle-t-il pas le pouvoir administratif à juger d’un fait qui est et qui doit être dans les attributions du pouvoir judiciaire ?
On peut, ce me semble, répondre négativement ; car l’amendement ne fait que déterminer les formalités à observer pour établir la cotisation, et l’autorité qui, en définitive, doit établir cette cotisation.
Cet amendement ne semble pas contrarier l’art. 116 de la loi sur la contribution personnelle, qui porte : « La connaissance de toute contravention à la présente loi est attribuée aux tribunaux, de police correctionnelle. »
Cet article ne parle que des contraventions. Mais cette disposition continuera d’être observée à l’égard des contraventions. Par exemple, si des contribuables emploient des chevaux à la selle ou à des voitures suspendues, sans avoir fait de déclaration, ils seront poursuivis conformément à ladite loi. Je ne sache pas d’ailleurs qu’il y ait jamais eu recours aux tribunaux contre la cotisation ; il n’y avait recours que lorsqu’une contravention était constatée à charge du contribuable.
Je pense donc, messieurs, que nous devons sans difficulté adopter l’amendement qui nous est présenté par M. le ministre, et dont l’introduction dans la loi aura pour effet de prévenir beaucoup de procès. Cette disposition ne présente aucune inconstitutionnalité, puisqu’elle ne fait que déterminer une formalité à observer pour l’établissement de la cotisation.
M. Pollénus. - D’après la nouvelle rédaction de l’art. 5, que propose M. le ministre des finances, la décision des états députés ne serait plus un simple avis, mais un jugement définitif qui serait à l’abri de toute espèce de recours. Je rappellerai à la chambre que lorsque, dans la séance d’avant-hier, elle a adopté l’art. 5, c’était parce qu’il laissait libre le recours aux tribunaux, en cas de contestation ; or, messieurs, c’est ce qui n’existerait plus d’après la nouvelle rédaction qui vous est proposée.
Il me semble, messieurs, qu’il y a des inconvénients à adopter, en ce qui concerne les chevaux, un autre droit que pour toutes les autres bases de la contribution personnelle ; à faire intervenir l’autorité administrative dans les contestations relatives à la sixième base, tandis que les contestations relatives à toutes les autres sont du ressort des tribunaux. On nous a souvent reproché avec raison, ce me semble, de faire un travail de marqueterie : si vous voulez admettre un nouveau système, il faut l’admettre indistinctement pour toutes les bases de la contribution personnelle, il faut faire un travail qui ait de l’ensemble.
Je conviens avec l’honorable ministre des finances qu’on peut très bien soutenir la question de constitutionalité, attendu que, d’après le rapport de la section centrale du congrès sur les articles de la constitution qui sont relatifs au pouvoir judiciaire, le pouvoir constituant n’a pas voulu exclure une juridiction spéciale en matière d’impôts ; mais il est toujours vrai que, pour toutes autres parties de la contribution personnelle, ce sont les tribunaux qui sont appelés à connaître des contestations qu’elles soulèvent, et que, d’après l’amendement que nous discutons, ce serait le pouvoir administratif qui prononcerait sur les différends qui s’élèveraient relativement à la cotisation d’après la sixième base.
Messieurs, il me paraît que ce système n’est guère admissible. Selon moi, lorsqu’on veut établir une juridiction, il faut l’établir d’après les principes ; et lorsqu’on admet la loi dans un cas, il faut vouloir l’admettre dans un autre.
Je n’ai pas eu le temps d’examiner mûrement toutes les conséquences qui peuvent découler du système proposé par M. le ministre des finances ; mais je crois que rien n’est plus dangereux que de toucher à un système de juridiction, sans que l’on connaisse bien d’avance les conséquences d’une dérogation.
Ainsi que je l’ai fait remarquer dans la séance d’avant-hier, je craignais que d’après la rédaction du projet primitif, il pût arriver que deux décisions contraires existassent, sans qu’une autre autorité pût les ramener à une seule.
Je suis à me demander si le même inconvénient n’est pas encore possible. Je prie la chambre de remarquer que le recours à l’autorité judiciaire n’est exclu de la part de M. le ministre que contre la décision de la députation ; et qu’une fois qu’il est reconnu par la députation que la déclaration d’un contribuable n’est pas exacte, qu’est-ce qui empêcherait le gouvernement, après avoir obtenu cette dernière décision, de poursuivre devant les tribunaux correctionnels l’application de la pénalité ?
Il y a toujours inconvénient à adopter une juridiction spéciale pour une seule base de toute une catégorie de contributions, tandis qu’on en suit une autre pour toutes les autres bases de la même catégorie : jusqu’ici il ne m’a pas paru qu’il existe des motifs assez puissants pour que nous établissions une juridiction exceptionnelle pour un cas tout spécial.
M. Trentesaux. - Messieurs, je propose la suppression totale, dans la loi, de l’article nouveau proposé par M. le ministre, et de celui que vous avez voté précédemment.
Je ne vois pas pourquoi nous établirions une règle particulière pour un cas aussi particulier que celui qui nous occupe, et qui est aussi d’une très mince importance dans l’ensemble de la loi sur le personnel ; je pense donc que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de supprimer les deux articles.
Si la suppression ne devait pas rencontrer de contradiction dans cette chambre, je m’abstiendrais de donner un plus long développement à ma proposition.
M. Fallon. - Je pense aussi qu’il y a lieu à supprimer l’art. 5, et qu’il est prudent de nous en tenir à la législation sur le personnel. Si nous continuions à discuter le nouvel article présenté par M. le ministre, nous absorberions toute la séance, sans obtenir aucun résultat.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense avec M. Trentesaux que si l’on propose, par les motifs énoncés, la suppression de l’article nouveau que j’ai présenté, il faut, pour être conséquent, demander également la suppression de l’article qui a été voté dans une séance précédente ; car l’un et l’autre consacrent une égale dérogation à la législation de 1822 ; seulement la dérogation qui résultait de mon amendement me paraissait offrir plus d’avantages puisqu’elle présentait une garantie pour le contribuable contre la facilité de l’introduction des procès.
Je ne me le dissimule pas, messieurs, la question est grave de savoir s’il convient d’ôter aux tribunaux ordinaires la connaissance de certains faits, qu’ils ont aujourd’hui, pour saisir de ces litiges les députations permanentes des conseils provinciaux.
Mais j’ai cru rencontrer, dans la solution que je propose, tant d’avantages pour le contribuable, que je n’ai pas craint de vous la soumettre.
On a opposé à mon amendement qu’il aurait pour résultat de changer partiellement un des principes de la loi de 1822, qu’il importait de conserver intact pour l’uniformité de l’application de toutes les dispositions d’une même loi. Je répondrai à cela que cependant, comme il s’agissait ici de la sixième base de la contribution personnelle, nous aurions pu, sans disparate, adopter une disposition nouvelle, s’appliquant spécialement à cette base. Quoi qu’il en soit, si je pouvais prévoir que la discussion dût se prolonger, je préférerais retirer mon amendement ; mais, dans ce cas, je voterais moi-même contre l’article, tel qu’il a été adopté dans une précédente séance.
M. de Brouckere. - J’avais demandé la parole, pour parler contre l’amendement de M. le ministre ; j’y renonce, puisque M. le ministre déclare vouloir le retirer.
Je dirai cependant que je partage son avis relativement à la suppression de l’art. 5 que nous avons voté précédemment ; je pense aussi que pour la sixième base de la contribution personnelle, nous devons continuer à avoir la même juridiction que pour les cinq autres bases.
M. Dubus. - Messieurs, je ne suis pas étonné de la suppression de l’art. 5 primitif, puisque M. le ministre n’avait proposé cet article que dans l’intérêt des contribuables. La manière dont ce même article était actuellement rédigé le rendait contraire à l’intérêt des contribuables : c’est ce qui ne me serait pas difficile de démontrer.
Cependant, si l’on supprime l’article, je demande quel sera, dans l’opinion de M. le ministre lui-même, le mode de procéder existant : car, on le sait, l’application du système actuel n’a pas toujours eu lieu sans contestation. Il y a des précédents qui nous font connaître la manière dont le roi Guillaume exécutait la loi.
Or, l’article nouveau présenté par le ministre tendait à faire revivre l’exécution du mode suivi par l’ancien gouvernement ; la mesure proposée n’était peut-être pas aussi mauvaise, mais en prenant la loi dans son ensemble je pense que nous n’aurions eu guère mieux.
Le gouvernement du roi Guillaume avait jugé à propos d’interpréter à son gré la loi sur la contribution personnelle, en ce qui concerne les chevaux mixtes ; l’interprétation officielle, transmise au moyen d’instructions à toutes les autorités administratives, n’était pas reçue pour des lois par les tribunaux, il a fallu se passer des tribunaux pour imposer les contribuables. Cela se faisait au moyen d’experts ; les experts venaient déclarer que tel cheval était un cheval de luxe ; cependant cela paraissait absurde ; car enfin il ne suffisait pas que ces experts trouvassent qu’un cheval, pour avoir telle ou telle qualité, était un cheval de luxe. Il aurait fallu encore constater par des témoins à quel usage ce cheval était employé. Or, cette constatation ne se faisait pas par l’expertise ; eh bien, les experts déclaraient qu’un cheval était un cheval de luxe, et sur cette déclaration l’autorité administrative imposait le contribuable.
On pouvait alors attraire le contribuable devant les tribunaux, à l’effet de demander le paiement de l’amende qu’il avait encourue pour n’avoir pas fait une déclaration suffisante.
Mais quand on s’est aperçu que ces poursuites dans certains tribunaux amenaient une enquête, et que des tribunaux prononçaient des sentences d’acquittement, lorsque l’enquête avait établi que le cheval n’avait pas été employé à des usages de luxe, on s’est abstenu de poursuivre devant les tribunaux. Un contribuable, alors qu’il avait pour lui la décision d’un tribunal, n’en était pas moins taxé arbitrairement par l’autorité administrative, en vertu de la déclaration des experts, uniquement appuyée sur l’interprétation ministérielle de la loi.
Qu’aurons-nous maintenant ? car, en définitive, ne prétendra-t-on pas faire intervenir les experts ? De quelle manière la cotisation sera-t-elle établie ? La loi de 1822 n’est pas très claire sur ce point.
C’est précisément parce qu’il semble qu’il manque quelque chose à cette disposition, qu’on avait trouvé ce biais, d’éviter le recours aux tribunaux, et d’imposer arbitrairement les contribuables malgré les garanties que la loi leur offrait. Si vous retranchez l’article déjà voté précédemment, il n’y aura plus de garanties.
Je sais que depuis la révolution l’on n’a pas vu se renouveler les abus qui ont été commis sous l’ancien gouvernement. Mais il ne m’est pas démontré que ces abus ne soient plus possibles.
Il m’a paru, par la nouvelle disposition présentée par M. le ministre, qu’il n’a pas grande confiance dans les décisions des tribunaux, en ce qui concerne cette matière, et qu’il leur soustrairait volontiers la connaissance de ces sortes de contestations ; son article nouveau ne peut avoir d’autre but, puisqu’on y lit :
« La cotisation d’office opérée par suite de la décision de la députation permanente est obstative à tout recours judiciaire. »
Que serait-il résulté d’une semblable disposition ? Que si, d’une part, la députation avait été d’avis que le contribuable dût être soumis à la cotisation et que, de l’autre, si ce même contribuable avait été poursuivi du chef de la contravention prétendue de n’avoir pas fait une déclaration suffisante, et avait été acquitté par le tribunal, ce tribunal eût reconnu que le contribuable avait raison, tandis que la députation aurait décidé qu’il avait tort, il aurait donc été condamné à payer, malgré la décision des tribunaux. Il n’aurait pas été condamné à payer une amende, il est vrai, mais au moins à acquitter une contribution qui ne lui incombait pas.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, quoique j’aie renoncé à l’amendement que j’ai eu de vous proposer, je dois cependant donner de nouveau quelques explications sur la portée de cet article, qui ne me paraît pas avoir été parfaitement saisie par M. Dubus.
Aujourd’hui les rôles sont exécutoires, conformément à la déclaration des contribuables.
Si la déclaration a été formée frauduleusement, ou s’il n’y point été fait de déclaration, les employés des finances dressent procès-verbal, et ce procès-verbal est déféré aux tribunaux. Je voulais autant que possible diminuer le nombre des procès-verbaux et des procès ; je voulais que, quand, après la déclaration, une contestation se serait élevée entre le contribuable et les agents du fisc sur l’usage du cheval déclaré, cette contestation fût portée devant la députation du conseil provincial, qui aurait fixé d’office le droit à payer et mis ainsi fin à ce commencement de procès, en rangeant le cheval dans l’une des deux catégories de cheval mixte ou de cheval de luxe, car la proposition que je faisais avait l’avantage d’éviter tout recours ultérieur devant les tribunaux. Il n’eût donc plus eu matière à procès-verbaux, si ce n’est pour le cas où il y aurait eu absence de déclaration. Voilà tout le système de la proposition que j’avais eu l’honneur de déposer.
L’honorable M. Dubus pense que cette manière de procéder serait contraire aux intérêts des contribuables. Je ne le pense pas, parce que la députation du conseil provincial aurait une propension toute naturelle à décider en faveur du contribuable, et qu’il lui faudrait des preuves bien valides pour ranger dans la catégorie des chevaux de luxe un cheval déclaré mixte.
Mais, a demandé M. Dubus, comment exécutera-t-on la loi, aucune disposition n’est adoptée en remplacement de l’article qu’on veut supprimer ?
Messieurs, on exécutera la loi comme on le fait aujourd’hui, c’est-à-dire que si la déclaration est bien faite, le rôle sera rendu exécutoire, et il ne sera plus question de rien à l’égard du contribuable qui aura fait la déclaration ; si, au contraire, les agents du fisc croient que la déclaration est fausse, ils dresseront procès-verbal, et l’affaire sera déférée aux tribunaux. Ceux-ci jugeront : s’ils trouvent que le procès-verbal n’est pas fondé, la déclaration sera maintenue, et le procès-verbal annulé ; si au contraire ils condamnent le déclarant, non seulement il paiera le droit qu’il aura voulu éluder, mais il paiera en outre l’amende qui est déterminée par la loi. Ce qui, dans le système que je proposais, ne pouvait être, puisqu’il n’y avait aucune espèce d’amende en cas de contestation sur la validité de la déclaration.
Voilà comment la loi s’exécutera pour les contestations sur la déclaration ; il sera procédé de même quand il y aura absence de déclaration ; en définitive, après que les tribunaux auront décidé, l’administration se soumettra, et elle ne saurait faire autrement, car si elle voulait percevoir quelque chose contrairement à la décision judiciaire, elle ne pourrait y parvenir sous notre régime de publicité et de légalité.
M. de Brouckere. - Messieurs, ainsi que vous venez de l’entendre, d’après la législation existante, toute contestation relative à la contribution personnelle est du ressort des tribunaux. Ainsi chaque fois qu’un différend s’élève entre les employés du fisc et un particulier qu’on prétend avoir fait une fausse déclaration ou une déclaration erronée, ce différend est déféré à la justice et c’est la justice qui prononce. Je sais très bien que sous l’ancien gouvernement on s’était un peu écarté de cette voie, mais je pense que depuis la révolution on y est entré et qu’on ne l’a plus quittée une seule fois.
L’article 5 qu’on avait voté dans une séance antérieure décidait qu’en cas de contestation la députation permanente du conseil provincial prononcerait d’abord sur la contestation, mais que si sa décision lésait une des parties, la contestation pourrait être déférée aux tribunaux. Il en résultait cet inconvénient, très grave selon moi, qu’on déférait aux tribunaux de première instance le droit de casser une décision de la députation permanente d’un conseil provincial. Vous conviendrez que ce sont là des conflits qu’il faut autant que possible éviter. C’est là le seul motif qui avait engagé le ministre des finances à présenter une disposition de laquelle il résultait qu’en cas de contestation la question serait résolue par la députation permanente du conseil provincial, et que sa décision serait considérée comme passée en force de chose jugée, et qu’il n’appartiendrait plus aux tribunaux d’en connaître.
Vous avez entendu quels sont les inconvénients qui résultent de cette nouvelle disposition. Sans nous arrêter à la difficulté constitutionnelle qu’elle soulève, et sur laquelle je déclare que je n’ai pas tous mes apaisements, on vous a dit qu’il résulterait de cette disposition que vous auriez une marche particulière relativement à la sixième base de l’impôt personnel, une marche différente de celle qu’on suit pour les cinq autres bases. C’en serait assez pour qu’on doive rejeter la proposition du ministre des finances. Mais cette disposition aurait d’autres inconvénients, et je ne crains pas de dire qu’elle serait inexécutable. En effet, supposez un particulier qui déclare au cheval à usage mixte : sa déclaration se fait au commencement de l’année ; les agents du fisc, regardant sa déclaration comme inexacte, dressent procès-verbal, et font parvenir leur plainte à la députation permanente du conseil provincial. La députation ne prononcerait pas de peine, mais elle déciderait en dernier ressort si le cheval déclaré est d’un usage mixte on doit payer la totalité de la contribution. Mais sur quoi la députation basera-t-elle sa décision, alors que ce sera au commencement de l’année que son jugement devra être porté ? Quels seront les faits qui prouveront que la déclaration est fausse ou ne l’est pas ?
Aujourd’hui on s’en tient à la déclaration du contribuable, on ne poursuit que quand le déclarant fait de son cheval un usage autre que celui déclaré. Alors il y a un fait passé sur lequel le juge peut s’appuyer pour baser son jugement.
Dans le nouveau système proposé, le jugement doit porter sur les conséquences à venir d’une fausse déclaration. Vous voyez que sous tous les rapports la disposition du ministre des finances ne peut pas être admise.
Quant à celle votée dans une précédente séance, elle présente d’aussi graves inconvénients.
D’un autre côté, d’après la législation actuelle et la marche suivie depuis la révolution, je pense qu’il n’y a aucun inconvénient à laisser les choses comme elles sont actuellement, et à rejeter la disposition proposée par le ministre ainsi que celle que nous avions adoptée au premier vote.
M. Verdussen. - Indépendamment des motifs qu’ont fait valoir MM. de Brouckere et Fallon pour la suppression de l’art. 5 nouveau, je pense que vous avez déjà prononcé sur cet article par l’adoption de mon amendement à l’art. 1er ; la question est tranchée.
Pénétré que j’étais, à la lecture du rapport de M. Dechamps, de cette pensée qu’il n’y avait qu’à changer la quotité de l’impôt pour certains contribuables, j’ai eu l’honneur de présenter cet amendement portant que la loi que nous faisions ne serait qu’une modification à l’art. 42 de la loi du 22 juin 1822.
En effet, cet article 42 établit exclusivement la quotité du droit à percevoir sur les différents chevaux. Si vous vouliez introduire une modification, non seulement à l’art. 42, mais à toute la loi, il aurait fallu le dire dans les considérants ou proposer des articles spéciaux pour remplacer les autres dispositions qu’on voulait changer. Mais l’intention du gouvernement n’a été que de changer l’impôt sur certains chevaux. C’est pour cela que j’ai proposé l’amendement que vous avez adopté et dont l’adoption entraîne le retranchement de l’art. 5 nouveau, contre lequel vous avez entendu s’élever plusieurs honorables membres et même M. le ministre des finances.
M. le président. - M. le ministre des finances a retiré son amendement.
- L’article nouveau est mis aux voix. Il est rejeté. (Note de bas de page insérée au Moniteur : C’est par erreur que, dans l’analyse de cette séance donnée dans notre numéro d’hier, il a été dit que l’amendement de M. le ministre des finances avait été rejeté ; il a été retiré par son auteur.)
« Art. 6. La présente loi est applicable à partir du 1er janvier 1837. Néanmoins les déclarations qui auront été faites à l’époque à laquelle la présente loi sera obligatoire, pourront être rectifiées dans les 20 jours qui suivront cette époque. »
- Confirmé.
La chambre procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet, en voici le résultat :
63 membres sont présents et votent pour l’adoption.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert, Berger, Goblet, Coppieters, David, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Gendebien, Keppenne, Lardinois, Lejeune, Liedts, Mast de Vries, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C, Rodenbach, Willmar, Scheyven, Seron, Simons, Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet proposé par le gouvernement, et dont la section centrale propose l’adoption ; ce projet est ainsi conçu :
« LEOPOLD, etc.,
« Vu le contrat conclu à Gand, le 2 août entre les commissaires autorisés à cet effet par le ministre ce l’intérieur, d’une part, et M. Charles-Jean-François De Bremmaecker, tant en son nom qu’au nom et comme fondé de pouvoir de Mlle Marie-Colette-Caroline De Bremmarcker, d’une part, en vertu duquel la bibliothèque de feu M. Charles Van Hulthem est acquise pour compte du gouvernement,
« Nous avons, etc.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de l’intérieur un crédit supplémentaire de trois cent quinze mille francs pour faire face au prix d’achat, aux frais d’impression du catalogue et autres frais relatifs à l’acquisition de cette bibliothèque.
« Art. 2. Ce crédit formera le chap. XXI, article unique, du budget du même département pour l’exercice 1836. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’aurai que peu de mots à ajouter à l’exposé des motifs et au rapport de la section centrale, qui me paraissent justifier suffisamment l’adoption du projet de loi.
D’après les derniers renseignements que j’ai reçus, le nombre des numéros de la bibliothèque de feu M. Van Hulthem est supérieur à ce que j’avais annoncé ; en effet, au lieu de 50,000 il est de 51,000 ; et en outre il y a mille manuscrits.
J’ajouterai que trois amateurs de livres très expérimentés ont, il y a peu de temps, visité cette bibliothèque très en détail, et qu’ils ont trouvé que son acquisition était utile et opportune.
M. Desmet. - Avant que je présente mes observations sur la ratification de l’achat de la bibliothèque de Van Hulthem, je désire savoir de M. le ministre de l’intérieur à quoi est destinée cette collection de livres, si ce sera pour faire partie de celle de la ville de Bruxelles ou si elle fera une bibliothèque à part, je désire surtout le savoir parce que je crois que M. le ministre aura fait des démarches près de la régence de Bruxelles pour s’entendre avec elle concernant la bibliothèque de la ville.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Evidemment, la bibliothèque de feu M. Van Hulthem est destinée à former une nouvelle bibliothèque. Mais nous nous proposons de placer cette bibliothèque à portée de celle de la ville de Bruxelles. A cet égard, je suis entré en correspondance avec la régence pour obtenir son assentiment et son concours aux nouvelles constructions qui seraient jugées nécessaires pour recevoir le dépôt de toutes les collections publiques. Je pense que ce plan serait extrêmement avantageux. Son exécution coûterait 1,200,000 fr. On pourrait alors réunir dans un seul local tout ce qui concerne les lettres, les arts, l’industrie et les archives.
Vous savez que le premier projet dont il avait été question devait entraîner une dépense de 4 millions. Mais d’après un nouveau plan que j’ai fait rédiger par M. Suys, et qui consiste à agrandir le palais de l’industrie, la dépense s’élèverait seulement à 1,200,000 fr. Toutes les collections de l’Etat seraient ainsi réunies à côté de celles de la ville, ce qui serait une circonstance très avantageuse.
Mais pour exécuter ces nouvelles constructions, je compte sur le concours de la ville. Je me propose de demander aussi celui de la province.
Provisoirement on pourrait, moyennant une somme de 70,000 fr, approprier le palais de l’industrie pour y placer la collection de M. Van Hulthem, sans déranger les collections qui y sont actuellement placées ; puis, en peu d’années, en accordant annuellement une somme au budget de l’Etat ; avec le concours de la ville et de la province, on arriverait, moyennant une dépense peu élevée, à ériger un des plus beaux monuments pour les collections publiques.
M. Desmet. - Vous le voyez, messieurs, il est question d’établir une nouvelle bibliothèque dans la ville de Bruxelles. Ainsi voilà encore une nouvelle administration ajoutée au département de l’intérieur qui coûte déjà tant au pays. Vous avouerez, messieurs, que le budget de ce département augmente annuellement effroyablement ; je le demanderai comme l’a fait vendredi dernier l’honorable abbé de Foere, est-ce que c’est dans ce moment où l’armée coûte tant au pays, et dont il est même de première nécessité d’augmenter encore les dépenses, qu’il faut faire des dépenses dont on ne reconnaît point l’utilité ? Est-ce vraiment le moment de dépenser avec tant de facilité, pour ne pas dire de légèreté les deniers de l’Etat ?
Je suis d’ailleurs très étonné de la réponse du ministre, car à la commission il avait déclaré qu’il aurait fait des démarches pour que la bibliothèque de Bruxelles devînt celle de l’Etat ; il paraît qu’il y a peu de stabilité dans les projets et dans les décisions ministérielles au double département de l’intérieur et des affaires étrangères.
Le ministre a dit qu’il ne faudrait que 2,200,000 francs pour créer un musée de toute espèce. Mais il a oublié ce que coûte la bibliothèque de M. Van Hulthem.
Cette bibliothèque se compose de 60,000 volumes, et la bibliothèque de Bruxelles de 140,000 volumes. Mais remarquez que tous les bons livres qui sont dans la bibliothèque de M. Van Hulthem se trouvent déjà dans celle de la ville. La bibliothèque de la ville peut former un noyau de bibliothèque nationale, mais on ne peut pas en dire autant de la collection Van Hutlhem, qui serait convenable pour une bibliothèque de particulier, mais qui ne contient point ces ouvrages indispensables à une bibliothèque publique ; et si on veut parvenir à avoir une bibliothèque telle que celle de Bruxelles en achetant avec la même facilité qu’on achète les livres de Van Hulthem, on devra faire une dépense d’au-delà 600,000 francs, et cependant si on avait traité avec la ville, je suis convaincu qu’avec la somme qu’on veut nous faire voter, l’Etat aurait été propriétaire de la bibliothèque de la ville.
Quels sont à présent les arguments de M. le ministre pour faire passer cet achat à prix d’or ? Il vous dit : 1° que le catalogue contient trente mille numéros différents et que le pays a besoin d’une bibliothèque nationale. Que le pays ait besoin de sa bibliothèque, nous ne voulons pas le disputer, et ce n’est même pas là la question ; mais la véritable est celle si la bibliothèque Van Hulthem vaut l’excessive somme pour laquelle le ministre a contracté et qu’il voudrait nous faire confirmer avec une égale facilité.
Que le catalogue contienne 50,000 numéros, c’est bien exact ; mais il y a erreur de croire que ce sont 50,000 numéros différents ; il y a une telle quantité de doubles que le ministre devra faire le bouquiniste pour s’en défaire. Je fais ici cette observation parce que le ministre a répondu dans le sein de la commission que les doubles auraient été vendus et même avec avantage.
Et encore il y a bien des choses à dire sur la composition de ces 50,000 numéros. Il y des numéros pour toutes les parties d’une collection, comme, par exemple, chaque brochure de la collection des petites républiques forme un numéro. Chaque numéro de la collection de l’annuaire de Maestricht, publié par M. Charles de Brouckere, forme de même des numéros différents. Une quantité de catalogues de livres et des plus petites ventes, des catalogues de ventes de fleurs, de thèses d’étudiants, qui s’y trouvent en grande quantité, forment tous des numéros à part.
Des ouvrages qui s’y trouvent en double sont très souvent d’une mince valeur, comme je citerai, par exemple, l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert, dont tout le monde connaît l’importance et qui se vend maintenant au poids du papier. J’oubliais de faire remarquer que j’ai rencontré plus d’une fois dans le catalogue que le supplément d’un ouvrage faisait numéro à part avec le corps de l’ouvrage.
Vous voyez d’après ce que je dis combien on a cherché à augmenter le nombre des numéros du catalogue. Je ne veux pas en dire davantage sur ce point. Mais ceux qui ne veulent être aveugles sentent facilement le pourquoi.
La bibliothèque du savant Vandevelde ne comprenait que 15,000 numéros. Mais ces 15,000 numéros valaient bien les 50,000 numéros de la collection Van Hulthem, d’abord par l’excellent choix que ce savant docteur et bibliothécaire y avait fait, et aussi qu’on n’avait pas cherché dans son catalogue à fabriquer des numéros différents, mais de classer les ouvrages dans leur entier ; la différence est telle, que si on faisait le calcul, je suis convaincu qu’on trouverait dans les 15,000 numéros de la collection Vandevelde autant de volumes que dans la bibliothèque Van Hulthem.
La bibliothèque du savant Vandevelde, qu’on peut aussi élever à 60,000 volumes, a été vendue 60,000 fr. sur le pied de 1 fr. le volume, tandis que c’est sur le pied de 5 à 6 fr. le volume que l’on propose d’acheter la bibliothèque de M. Van Hulthem.
Dans la commission, on n’a pas juger que des livres que contenaient les trois premiers volumes du catalogue, et il m’a paru qu’on était assez unanime à déclarer que cette partie n’était pas bien importante, et absolument introuvable, comme on l’avait débité quelques jours auparavant, qu’om y avait beaucoup d’ouvrages incomplets, et que même on avait remarqué que celui qui avait fait le catalogue, n’avait pas eu l’intention d’y faire remarquer que des volumes manquaient. Mais on assurait que le quatrième volume des imprimés contenait des ouvrages rares et introuvables sur l’histoire du pays. On nous a remis depuis deux à trois jours le quatrième volume, que j’ai examiné avec toute l’attention possible et confronté avec d’autres catalogues, et j’ose déclarer, sans craindre un démenti, qu’il n’y a rien d’introuvable, mais qu’on peut se procurer trois à quatre fois pendant l’année ; et pour ce qui regarde les troubles du 16ème siècle, le règne intéressant d’Albert et d’Isabelle et la révolution de 90, j’ai trouvé dans le catalogue du docteur Vandevelde des collections bien mieux composées et plus intéressantes que celle dont il est question.
Mais je dois faire remarquer que celui qui a fait dans le catalogue ce qui accompagne le chorographia Brabantiae de Sanderus ne peut aucunement concerner le premier volume, qui est commun et ne vaut guère plus que son poids à trente centimes la livre. Cet ouvrage n’est précieux que lorsqu’il est complet en volumes in-folio ; et alors il pourrait bien valoir cinq cents francs, tandis que le premier volume n’est que du prix de six francs, lorsqu’on a le bonheur de rencontrer un acheteur. Un tel ouvrage non moins précieux que l’histoire ecclésiastique du Brabant, est pareillement incomplet dans la collection Van Hulthem, c’est celui du comte de Saint-Genois, intitulé Monuments anciens, dont il n’existe que deux exemplaires bien complets : l’un est la bibliothèque publique de la ville de Bruges, et l’autre a été vendu il y a quelques mois au prix de trois cents francs. Voilà les ouvrages réellement précieux que la bibliothèque Van Hulthem aurait dû posséder ; ce sont des livres introuvables, puisque le mot est destiné à devenir proverbial ; ce sont ces livres qu’on aurait dû voir dans la bibliothèque Van Hulthem, et qui doivent figurer dans une bibliothèque nationale. Mais les livres les plus rares de la collection historique de M. Van Hulthem sont bien loin d’atteindre cette haute valeur ; ce sont de bons volumes, de petits riens qu’il faut avoir, mais qui, en vérité, ajoutent peu ou point de lumière sur les événements historiques.
Ce que j’ai signalé au sujet du chorographia Brabantiae de Sanderus, c’est une note qui portait le caractère de la charlatanerie : elle n’est pas unique, et je pense devoir insister afin que la chambre ne tombe pas dans le piège qui lui a été tendu. Je vous prie de faire attention à la note 25784. La topographie ou description des Pays-Bas, de Marten-Zeiller, accompagnée de 168 estampes gravées par Gaspar Mesian, est très rare dans ce pays, et ce qui est surprenant, cet ouvrage ne se trouve pas mentionné dans les bibliothèques historiques des Pays-Bas.
Après cette lecture tout le monde devrait être convaincu que c’est un livre unique rarissime, précieux, introuvable, que celui qui a mérité cette note ; mais désabusons-nous, il ni rare, ni précieux et assez généralement connu ; mais il fait partie d’une volumineuse collection qu’il est très rare d’avoir complète et dont les volumes ont été disséminés dans tout le catalogue, afin d’augmenter le nombre désiré de volumes. A force de torturer les ouvrages, on y est parvenu : et, en effet, la Bibliotheca Hulthemania renferme 50,000 volumes.
Ce serait abuser de vos moments précieux que de pousser plus loin mes investigations et mes critiques. Je suis intimement convaincu que la collection Van Hulthem ne mérite pas les sacrifices qu’on demande à la nation pour l’avoir. Soyez tranquilles, si vous ne l’achetez pas en bloc, vous aurez l’avantage de l’acquérir en détail. Les livres sont en général de trop bas aloi pour devoir même craindre la concurrence des étrangers. Et je ne crains pas de déclarer que la valeur de cette collection ne vaut pas le tiers de ce qu’on nous demande ; ce serait donc un scandaleux abus que de dilapider ainsi les deniers de l’Etat dont nous avons bien besoin pour le moment.
Messieurs, nous ne pouvons pas dire beaucoup de la collection de manuscrits, car jusqu’à présent aucune liste, aucun catalogue ne nous a été communiqué ; tout ce qu’on en sait, c’est par le dire du public.
On y a parlé beaucoup du manuscrit de l’ouvrage de Paquot ; mais j’ai de bons renseignements à ce sujet, même du vivant de M. Van Hulthem, et je pourrai même dire de sa propre bouche : le manuscrit de Paquot n’est autre chose qu’un recueil de notes éparses et incohérentes qui devaient servir à la rédaction du 19ème volume de son histoire littéraire !
On a aussi parlé du manuscrit de l’ouvrage de Poppens, mais ici encore il y a erreur en partie : on a voulu parler de quelques notes manuscrites du chanoine Goyers, qui devaient servir à corriger et à compléter la Biblioteca Belgica de Poppens.
Quant à la collection de l’évêque Nélis, voici ce que j’ai appris. Cette collection ne se compose que de copies modernes ; elle est donc indigne d’un établissement public comme la bibliothèque de Bourgogne. Les unes ont été faites par des personnes instruites, et les autres par des militaires invalides qui ne possédaient pas même la langue dans laquelle ils écrivaient ou qui lisaient difficilement et mal l’écriture du moyen âge. Ce fait est historique.
Le Voyage de Charles-Quint par Vandenesse, manuscrit in-folio, qui se trouve dans la collection Nélis, a été demandé par la commission d’histoire pour ses travaux, mais le texte est tellement défectueux qu’il est impossible de s’en servir.
Je termine en répétant que la somme est beaucoup trop forte pour la valeur de la collection, qui ne pourrait jamais dépasser les 100,000 fr. ; et quand on vient nous avancer en forme d’arguments, et pour asseoir votre conviction, qu’un tel et un tel a offert une telle somme, je dois dire que pour ce qui me regarde, je ne pourrai me laisser convaincre avec une si grande facilité, surtout quand il s’agit de dépenser les deniers de l’Etat.
M. Lejeune. - Messieurs, dans une de vos précédentes séances, un honorable membre avait déjà fait pressentir qu’il regardait comme une dépense de luxe l’achat de la bibliothèque de M. Van Hulthem.
L’honorable M. Desmet vient aussi de vous présenter quelques arguments, tendant à faire rejeter le crédit nécessaire pour acheter cette bibliothèque. Il a commencé par parler de la question financière, de la grande dépense qu’entraînerait à sa suite l’achat de cette bibliothèque, tandis que l’état de nos finances nous commande l’économie ; ensuite il a insinué que l’acquisition de la bibliothèque de M. Van Hulthem vous était proposée, et de la part du gouvernement, et de la part de la section centrale, presque sans examen.
Messieurs, comme membre de la section centrale, je désire répondre quelques mots aux objections qui viennent d’être faites.
L’acquisition de la bibliothèque Van Hulthem a été taxée de dépense de luxe ; cette allégation est tellement mal fondée, que si le gouvernement avait laissé échapper l’occasion unique d’acquérir un dépôt aussi précieux pour notre pays ; si le gouvernement, sans faire aucune tentative, avait laissé ce dépôt se disperser ou passer à l’étranger, on lui aurait toujours reproché sa négligence comme un acte de vandalisme.
La bibliothèque de M. Van Hulthem est particulièrement intéressante pour l’histoire de notre pays, pour tout ce qui concerne notre nationalité ; l’occasion d’acquérir une semblable collection ne se présentera plus ; je regarde donc la dépense non seulement comme utile, mais comme une dépense nationale.
Quant à la question d’argent, messieurs ; nous sommes tous d’accord, je pense, sur ce point, que nous devons faire des économies. Mais il faut commencer par s’entendre sur le mot économie.
Si l’on venait vous proposer de faire une dépense qui puisse être différée sans inconvénient, sans compromettre les résultats qu’elle a pour objet, je pense aussi qu’une pareille dépense devrait être remise à d’autres temps. Mais lorsqu’on vous demande un crédit pour faire une acquisition qui intéresse vivement le pays, et que nous ne pourrions faire, plus tard, que très incomplètement au moyen de sacrifices incalculables de temps et d’argent, alors, messieurs, il est, selon moi, d’une sage économie d’allouer le crédit. Or, je l’ai déjà dit, je regarde l’acquisition proposée comme utile et nécessaire. Et si nous ne l’autorisions pas aujourd’hui, l’occasion qui s’offre nous échappe pour toujours.
Je passe à une objection plus grave. On a fait entendre que nous venons vous proposer l’acquisition de la bibliothèque sans l’avoir examinée, sans savoir ce qu’elle contient.
Messieurs, je tiens à exposer franchement quelles considérations ont déterminé ma conviction.
Si l’on a voulu dire que nous n’avons pas examiné les 60,000 volumes et les mille manuscrits qui composent la bibliothèque, on a eu raison ; mais quand on achète en masse une bibliothèque, comme celle de M. Van Hulthem, je ne pense pas qu’il faille entrer dans ces détails.
On a parlé du nombre des volumes et on l’a comparé au nombre des volumes compris dans une autre bibliothèque qui a été vendue à un moindre prix ; mais ce n’est pas le nombre, c’est la qualité, l’ensemble des collections qu’il faudrait comparer ; on n’achète pas une bibliothèque au poids, au nombre, ou à la mesure.
Ce qu’il faut prendre en considération, selon moi, c’est l’homme qui a recueilli ces vastes collections, le but qu’il s’est proposé, sa réputation de bibliophile, et la réputation de la bibliothèque elle-même.
Messieurs, il est reconnu qu’aucune bibliothèque n’a été formée dans un but aussi éminemment national que celle de l’honorable M. Van Hulthem ; il n’y en a nulle part qui réunisse une collection aussi complète d’ouvrages concernant notre nationalité, concernant tout ce qui intéresse la Belgique.
M. Van Hulthem a vécu dans les temps les plus favorables pour former une bibliothèque, temps où tous les dépôts les plus précieux des couvents, des abbayes, sont tombés dans le domaine public ; et il a toujours recherché avec le plus grand soin tout ce qui avait rapport à l’histoire de notre pays.
La bibliothèque de M. Van Hulthem est assez appréciée dans le monde savant ; on l’a assez louée pendant la vie de celui qui l’a formée ; et quand elle a été examinée de plus près, on n’a rien diminué des éloges qu’elle avait obtenus.
Indépendamment de ces considérations générales, voici les investigations qui ont eu lieu, pour éclairer le gouvernement et la chambre. Le ministre de l’intérieur a nommé une commission de trois hommes de mérite et de confiance, chargée de voir la bibliothèque et de traiter avec les propriétaires. Ces commissaires ont été d’accord que l’acquisition était très utile au pays et qu’il était très désirable qu’elle eût lieu aux conditions convenues.
D’autres personnes dont le mérite et les connaissances ne sont pas contestés, ont été consultées.
Des membres de la section centrale ont recueilli des renseignements sur la bibliothèque, soit en l’examinant par eux-mêmes, soit en consultant des hommes savants qui la connaissaient depuis nombre d’années ; tous ces renseignements ont conduit aux mêmes conclusions : l’importance d’acheter la bibliothèque aux conditions proposées.
Je citerai entre autres l’honorable rapporteur de la section centrale : M. Liedts ne connaissait pas suffisamment la bibliothèque pour donner son assentiment au projet de lois ; il paraissait même assez disposé à en proposer le rejet. Il s’est donné la peine d’aller à Gand pour examiner la bibliothèque et recueillir des renseignements, il en est revenu avec l’opinion la plus favorable à la proposition du gouvernement.
La réputation de nationalité attachée à cette bibliothèque n’est pas usurpée. Pour mon compte j’ai pris des renseignements auprès de quelques hommes reconnus capables d’apprécier un tel dépôt. Je connais un homme instruit qui, depuis vingt ans, s’attache à recueillir des documents concernant l’histoire de notre pays et qui ne possède encore qu’une faible partie de ce qui se trouve dans la bibliothèque de M. Van Hulthem. Vous concevez, messieurs, que ce qu’on n’a pas encore après tant de recherches doit être précisément la partie la plus précieuse et la plus rare des matériaux de notre histoire.
Il y a en faveur du projet une considération qui domine toutes les autres.
Lorsqu’on sait que la bibliothèque Van Hulthem contient les titres les plus précieux de notre nationalité, il serait sans doute déplorable de la voir passer à l’étranger ; et, messieurs, c’est ce qui arriverait si nous n’accordions pas au gouvernement le crédit qu’il demande. Je suis persuadé que si nous n’achetions pas la bibliothèque, elle passerait non pas à un gouvernement étranger, mais à des spéculateurs étrangers, qui l’achèteraient en masse pour la revendre en détail. Des spéculateurs ont offert un prix au moins aussi élevé que celui qu’on vous demande aujourd’hui. Ce qui me confirme dans cette opinion, c’est l’assurance que j’ai acquise encore hier au soir à Gand que le propriétaire de la bibliothèque est très indifférent sur le résultat de nos délibérations actuelles. Il attache peu d’importance, pour ce qui le concerne, à l’adoption ou au rejet du projet de loi.
S’il était possible, messieurs, de vous entretenir de tous les détails du genre de ceux dans lesquels est entré l’honorable M. Desmet, on pourrait à chaque ouvrage de peu d’importance qu’il a cité, en opposer plusieurs qui sont du plus haut intérêt pour le pays ; la bibliothèque de M. Van Hulthem renferme plus de mille manuscrits, parmi lesquels il en est de très anciens et de très précieux. (L’orateur cite entre autres Poppens, Paquot, Ermens.)
Pour ce qui concerne les recueils de Paquot et d’Ermens, je ne dirai pas que je consentirais à les acheter à tout prix, mais j’ose déclarer que si le gouvernement les possédait, je ne consentirais pas à ce qu’il s’en dessaisît pour 100,000 fr. Il y a, dans le nombre, des manuscrits inconnus, qui ne pourront être appréciés qu’après une étude approfondie, et dont par conséquent nous devons évaluer l’importance d’après la réputation du bibliophile, et le but qu’il s’est proposé dans ses recherches.
Permettez-moi, messieurs, de faire valoir une considération un peu plus matérielle, qui n’est cependant pas à dédaigner. Le gouvernement a l’intention de former une bibliothèque nationale. La bonne conservation des ouvrages est un point très important, et, dans un dépôt public surtout, les livres doivent reliés. Eh bien, messieurs, la bibliothèque Van Hulthem se trouve dans le meilleur état de conservation : les trois quarts au moins des ouvrages sont reliés, un quart des 60,000 volumes a été reliés par les soins de M. Van Hulthem, pendant les 20 dernières années ; la dépense qu’il a faite en reliures peut être évaluée à 60 ou 70,000 fr. ; un autre quart est encore relié avec autant de soin et autant de luxe. Ces considérations ne doivent pas être négligées dans notre appréciation.
Je pense donc messieurs, que nous devons accorder le crédit qui nous est demandé pour l’achat d’une bibliothèque à la formation de laquelle un bibliophile instruit et ami de sa patrie a consacré cinquante années de sa vie, parce que cette bibliothèque présente la collection la plus complète qu’il soit possible, non seulement de trouver, mais même de former en un grand nombre d’années, et que si pour l’étranger elle vaut la somme demandée et au-delà, elle doit valoir encore davantage pour nous, attendu qu’elle renferme les documents les plus précieux concernant l’histoire de la Belgique. Ce sont ces motifs qui m’ont déterminé à appuyer, dans la section centrale comme dans cette enceinte, la demande de crédit pour une acquisition que je considère comme éminemment utiles à mon pays.
M. Liedts, rapporteur. - Messieurs, après tout ce qui a été dit dans l’exposé des motifs de la loi que nous discutons et dans la note qui y était jointe, je m’abstiendrai de faire encore ici l’éloge de la bibliothèque de M. Van Hulthem. D’ailleurs, tout ce que je pourrais dire n’ajouterait rien à la réputation si justement acquise à la bibliothèque de notre savant compatriote. Je me félicite que le projet de loi n’ait rencontré jusqu’ici qu’un seul adversaire, et surtout qu’il ne nous ait présenté que des arguments si faciles à détruire.
La première réflexion qu’a faite l’honorable M. Desmet consiste à dire que le gouvernement aurait dû se contenter de compléter la collection de livres qui existe déjà à Bruxelles ; je pense, messieurs, que s’il n y avait eu qu’à choisir entre compléter la collection qui se trouve à Bruxelles et faire l’achat de la bibliothèque Van Hulthem, il n’y aurait eu qu’une seule voix à cet égard dans le sein de la section centrale comme dans le sein de la chambre, mais telle n’est pas notre position ; la bibliothèque de Bruxelles n’appartient pas jusqu’ici au gouvernement, il ne s’agit donc pas de la compléter ; en attendant, il se présente une occasion d’acheter une collection de livres et de manuscrits telle qu’il n’en existe pas une seconde en ce genre, non seulement en Belgique, mais même en Europe. Après les révolutions des quarante dernières années, de toutes les précieuses collections d’ouvrages et de manuscrits relatifs à notre histoire, la seule qui existe encore est celle de M. Van Hulthem ; veut-on que ce riche dépôt passe entre les mains de l’étranger ? Voilà, messieurs, toute la question.
On dit que, dans la bibliothèque dont il s’agit, toutes les grandes collections manquent ; il est vrai, messieurs, qu’on pourrait désirer un plus grand nombre de grandes collections académiques, mais il n’est pas du tout exact de dire que toutes manquent. (Ici l’orateur cite plusieurs grandes collections qui se trouvent à la bibliothèque de M. Van Hulthem, mais il nous est impossible d’en saisir les titres.) Ce n’est pas même, messieurs, dans une bibliothèque telle que celle qui existe à Paris, et qui renferme plus de 4 cent mille volumes, qu’on pourrait trouver toutes les grandes collections que désire l’honorable M. Desmet.
L’honorable membre a dit que le catalogue est fait avec charlatanisme, qu’on a placé sous des numéros différents jusqu’à des catalogues de livres ; M. Desmet devrait savoir que des catalogues raisonnés ont souvent un grand prix et méritent bien d’occuper des numéros séparés, que des catalogues ne sont même pas sans valeur lorsqu’ils contiennent en marge les prix auxquels les différents ouvrages ont été vendus à telle ou telle vente publique. Cependant, messieurs, dans le catalogue de la bibliothèque de M. Van Hulthem on en a accumulé jusqu’à cent dans un seul numéro.
Une autre preuve, messieurs, que le catalogue dont il s’agit n’a pas été dressé avec charlatanisme, c’est que sous un numéro se trouvent plus de deux mille brochures relatives à la révolution brabançonne qui, dans toutes les autres ventes, figurent sous des numéros séparés ; c’est ainsi encore que le recueil des édits et placards qui, dans les catalogues ordinaires, comprend à peu près 150 numéros, et qui, à la vente de Madame la comtesse d’Yves, a été vendu sous autant de numéros séparés, n’en occupe qu’un seul dans le catalogue de M. Van Huilhem ; je pourrais citer beaucoup d’autres exemples pour prouver que ce catalogue a été fait sans dessein d’augmenter inutilement le nombre des numéros.
On nous oppose comme point de comparaison la bibliothèque de l’abbé Vandevelde qui fut vendue 60 mille fr. ; mais il faut remarquer, messieurs, que cette bibliothèque, qui ne comprenait que 15 mille numéros, était très riche en livres de théologie ; mais, comparativement à celle de M. Van Hulthem, très pauvre en autres ouvrages : or, vu le grand dépôt de livres de théologie qui existe déjà la bibliothèque de Bruxelles, ce sont ceux dont nous avons le moins besoin.
On a encore été jusqu’à critiquer la collection de manuscrits faite par Nélis, ci-devant évêque d’Anvers, et qui se trouve dans la bibliothèque Van Hulthem ; on a été jusqu’à dire que cet ouvrage ne renferme rien qui puisse encore être utile aujourd’hui. Celui qui a avancé cela ignore probablement à quelle occasion et comment cette collection a été formée : à la fin du dernier siècle on forma une commission chargée d’étudier tous les ouvrages relatifs à notre histoire ; Nélis en fut nommé président ; en sa qualité d’évêque, il avait accès à toutes les abbayes, à toutes les bibliothèques de corporations religieuses, à tous les dépôts où pouvaient se trouver des documents utiles. C’est au moyen de tous les renseignements que sa position lui permettait d’obtenir qu’il est parvenu à former la collection dont il s’agit et à laquelle il a travaillé avec tant de zèle qu’il s’y est ruiné. Cette collection se trouve tout entière dans la bibliothèque Van Hulthem, et on ne pourrait plus se la procurer ailleurs. Aujourd’hui aussi il existe une commission d’histoire nationale, chargée de reprendre jusqu’à un certain point le travail de la commission dont l’évêque Nélis était le président, et elle ne peut faire un pas sans avoir les documents qui se trouvent à la bibliothèque Van Hulthem.
Vous voyez donc, messieurs, que les arguments qu’on a fait valoir pour vous engager à rejeter le crédit demandé ne sont pas fondés ; j’espère que vous le voterez et que vous mettrez le gouvernement à même de faire l’acquisition dont il s’agit, et qui sera éminemment utile au pays.
M. Desmet. - Messieurs, nous savons aussi bien que l’honorable préopinant qu’il y a des catalogues raisonnés qui sont très intéressants, mais ce sont précisément ces sortes de catalogues qui manquent chez Van Hulthem, et on ne trouve dans sa collection qu’une quantité de catalogues de petites ventes de livres, qui sont loin d’être raisonnés et de quelque importance.
Nous pensons aussi connaître, comme le même orateur, l’origine de la collection manuscrite de Nélis, mais peut-être que l’honorable membre ne sait pas tout ce qu’il devrait savoir pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause sur le véritable mérite de cette collection ; ce sont, comme je l’ai dit tout à l’heure, simplement des copies modernes et dont une partie des manuscrits est très mal écrite, quelquefois indéchiffrable. L’honorable rapporteur croit que la bibliothèque de M. Vandevelde doit perdre de son intérêt parce qu’elle contenait beaucoup de livres de théologie ; mais je ne sais pas ce que l’honorable membre entend par des livres de théologie ; s’il croit que les bibles, les conciles, les saints pères, doivent être envisagés comme des livres de théologie, il pourrait avoir raison ; mais ce ne sont pas ces ouvrages qu’on regarde pour des livres de théologie, ce sont seulement les traités de théologie proprement dits qu’on peut envisager comme livres de théologie ; les bibles, les saints pères, les conciles, etc., doivent être envisagés comme des livres de science qui sont indispensables dans une bibliothèque publique, et surtout ceux qui concernent la collection rare et précieuse du savant docteur de Louvain.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, on a reproché souvent au gouvernement de ne pas favoriser suffisamment les lettres et les sciences en Belgique.
Dans ce moment une occasion se présente pour faire l’achat d’une bibliothèque, qui peut concourir au but que l’on se propose. Cette bibliothèque, et ici nous devons nous en rapporter au témoignage des commissaires du gouvernement, du rapporteur et de quelques membres de la chambre qui se sont rendus sur les lieux ; cette bibliothèque, dis-je, est trop précieuse, pour que le gouvernement n’en fasse pas l’acquisition. Les matériaux nombreux et importants qu’elle contient au sujet de notre histoire nationale, seraient une perte immense pour la Belgique, s’ils allaient à l’étranger.
Le prix d’achat, messieurs, ne me paraît pas trop élevé, eu égard à l’importance de la bibliothèque. Nous avons vu que des bibliothèques moins bien choisies, et notamment celle de M. Murmans, à La Haye, ont été vendues pour des sommes bien plus considérables.
Je donnerai en conséquence mon approbation à la loi que le gouvernement nous a présentée. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article premier, ainsi conçu :
« Il est ouvert, au département de l’intérieur un crédit supplémentaire de trois cent quinze mille francs, pour faire face au prix d’achat, aux frais d’impression du catalogue et autres frais relatifs à l’acquisition de cette bibliothèque
M. Devaux. - Messieurs, si je pouvais penser que le sort de la loi fût déjà assuré, je ne prolongerais pas la discussion ; mais comme il me paraît qu’elle est destinée à rencontrer quelques adversaires dans cette assemblée, et que tout au moins on n’attache pas assez d’importance à la bibliothèque dont on propose de faire l’acquisition, j’aurai l’honneur de vous présenter quelques considérations.
Quant à moi, je remercie M. le ministre de l’intérieur d’avoir saisi cette occasion pour fonder une bibliothèque nationale. Si l’entreprise de sa part devait rencontrer des obstacles, je crois qu’il faudrait dire qu’il est difficile de faire le bien.
J’ai eu l’honneur de vous faire remarquer l’année dernière combien était déplorable la lacune d’une bibliothèque nationale en Belgique. Je disais alors qu’il n’y avait pas en Europe une seule nation qui ne possédât tout au moins une bibliothèque nationale. Rendez-vous dans les plus petites villes de l’Allemagne, vous y trouverez une, deux, et quelquefois jusqu’à trois bibliothèques, appartenant à l’Etat, et se composant non pas de 50,000 volumes, mais de 100 ou de 200,000 volumes.
Messieurs, le mouvement intellectuel s’est ralenti en Belgique, depuis le moment où elle a perdu son indépendance. Aujourd’hui, une heureuse réaction commence à se manifester ; les études se raniment ; c’est à nous à faire ce que nous pouvons pour aider ce mouvement, et même pour lui donner une impulsion nouvelle.
Or, je ne crains pas de le dire, dans l’étal actuel des choses, il est impossible d’approfondir aucune science, sans dépenser un argent énorme, parce que toutes les bibliothèques qui peuvent être consultées sont incomplètes. Il n’est pas une seule science pour l’étude de laquelle nos bibliothèques offrent des matériaux nécessaires.
Cette lacune, messieurs existe principalement au détriment d’une des études les plus importantes pour la Belgique ; je veux parler de l’histoire ; il n’y a pas une bibliothèque en Belgique qui soit complète sous le rapport historique. La bibliothèque de M. Van Hulthem, en tant que collection de livres sur l’histoire, jouit depuis longtemps d’une grande réputation, et c’est une circonstance heureuse que nous soyons aujourd’hui à même d’acquérir cette bibliothèque ; et de l’acquérir à un prix qui n’est pas exagéré ; car elle contient 30 mille numéros ; cela fait donc, l’un portant l’autre, 6 à 7 francs par numéro.
Je crois que si dans ces numéros il se trouve des catalogues de livres, de fleurs, il y a aussi des ouvrages de plusieurs volumes ; on y rencontre un grand nombre de ces ouvrages qu’on s’empresse d’acheter à tel prix qu’on les vend.
Le gouvernement a fait dernièrement l’acquisition à Londres d’un exemplaire flamand du poème du Renard ; en cela je crois qu’il a bien fait ; si je ne me trompe, ce seul exemplaire a coûté plusieurs milliers de francs ; si on le revendait aujourd’hui, je pense qu’on gagnerait à cette vente le double du prix d’achat.
Les manuscrits de M. Van Hulthem sont les plus précieux que nous ayons en Belgique. Si nous laissions sortir du royaume cette collection unique de matériaux pour l’histoire nationale, nous nous condamnerions nous-mêmes au ridicule.
Qu’il y ait une lacune dans une pareille bibliothèque, je le conçois ; il y a des lacunes dans les plus grandes bibliothèques, à plus forte raison doit-il s’en trouver dans une bibliothèque qui, comme bibliothèque publique, n’est qu’un noyau.
On dit, messieurs, que la bibliothèque de M. Van Hulthem offre des ouvrages en double ; je le veux bien, mais je suis sans inquiétude à cet égard ; on ne risque jamais avec des doubles pareils ; on pourra toujours les vendre à des prix très convenables.
Quant à la valeur scientifique et intrinsèque de la bibliothèque, je crois que nous ne sommes pas compétents pour la juger ; aucun de nous n’a parcouru le catalogue, et à cet égard nous devons nous en rapporter aux commissaires que le gouvernement a nommés à cet effet.
M. le ministre de l’intérieur m’a fait l’honneur de me communiquer un rapport qui a été rédigé par M. de Gerlache. Je désirerais beaucoup, si M. le ministre n’y trouve pas d’inconvénient, de donner lecture de ce rapport, qui apprécie la bibliothèque sous le rapport scientifique et sous celui de sa conservation.
Voici ce rapport :
« Rapport sur la bibliothèque Van Hulthem.
« Bruxelles, le 19 janvier 1837.
« Conformément à votre invitation, je me suis transporté à Gand, avec M. Marchal, pour examiner la bibliothèque de feu M. Van Hulthem, dont le gouvernement se propose de faire l’acquisition. Nous avons passé deux jours entiers à examiner ce vaste dépôt, et à prendre des notes. J’avais prié M. Willems, membre de l’académie et qui connaît parfaitement la littérature flamande de s’adjoindre à nous. C’est donc l’opinion commune de mes deux collègues et la mienne que je vais essayer de vous faire connaître et de motiver en peu de mots.
« Lorsqu’il s’agit d’une masse de 30 à 32 mille numéros, répartis ou plutôt pressés dans quinze chambres différentes, on conçoit qu’il est de toute impossibilité de visiter chaque ouvrage en détail. Nous nous sommes particulièrement attachés aux objets importants qui nous étaient signalés par le catalogue, et par les notes qu’on nous avait remises ; ensuite nous avons pris une assez grande partie de livres au hasard pour en vérifier soit l’édition, soit l’état de plus ou moins bonne conservation. Nous avons porté notre attention sur les manuscrits ; puis sur les livres imprimés ayant spécialement rapport à la Belgique ; puis enfin sur les collections générales et les ouvrages les plus capitaux sur toute sorte de sujets. C’est l’ordre que nous suivrons dans le compte que nous allons vous rendre ci-après.
« Manuscrits.
« On sait que vers la fin du siècle dernier, sous le gouvernement autrichien, une réunion de savants avait conçu le projet de publier différentes chroniques ou histoires inédites, concernant la Belgique. On peut voir le plan de cette entreprise nationale dans le Prodromus du savant Nélis. Ce dernier avait rassemblé, entre autres, sur notre histoire, les monuments les plus curieux. Il avait fait copier (à grands frais, car il s’y ruina) les principaux manuscrits existants chez nous et à l’étranger. Il les avait collationnés et corrigés de sa propre main. Or presque tout cela se retrouve dans la bibliothèque de M. Van Hulthem. Et nous ne craignons pas de dire que ces manuscrits (quoique plusieurs ne soient que de simples copies) sont à peu près indispensables à la commission d’histoire récemment instituée par le gouvernement pour mettre à fin le plan de l’ancienne commission, dont Nélis était le chef.
« M. Van Hulthem avait aussi rassemblé les manuscrits originaux de Poppens, de Paquot, de Verdussen, de Servais, d’Ermens, sur l’histoire littéraire, la biographie et la bibliographie des Pays-Bas : collection unique, œuvre de plusieurs générations successives de savants. On rencontre également dans cette collection : 1° Les dessins originaux et enlumines du 4ème volume du Sandérus, exécutés par les ordres de ce savant pour sa Flandre illustrée, dont M. Dumortier a retrouvé le texte à Tournay. 2° Une copie du voyage littéraire entrepris par les savants bollandistes Henschenius et Papebrocht ; et une vingtaine d’autres volumes nécessaires pour la continuation des bollandistes. 3° Un mémoire original et inédit sur les troubles de Gand, de 1540, que la commission d’histoire se propose de publier. 4° La chronique du Brabant de Cléricus, commencée en 1318, et que M. Willems publie actuellement. 5° Une chronique inédite du Mont-Blandin (ou abbaye de St-Pierre) du 14° siècle. 6° Un cartulaire de la première moitié du 15ème siècle, contenant une partie des privilèges de la ville de Gand, détruits par Charles-Quint. 7° Un volume de lettres originales de Granvelle et de Marguerite de Parme. 8° Un volume de lettres originales d’Hoppérus et de Viglius. 9° Un portefeuille contenant des lettres de Marguerite d’Autriche, d’Hoppérus et de Philippe II. 10° Un autre portefeuille contenant des lettres du duc d’Albe et de Vargas, etc. Nous n’ajouterons rien à cette nomenclature. Ce dépôt est connu de tous les savants. Camus en a porté avec assez de détails dans son ouvrage intitulé Voyage dans les départements réunis (en 1803). L’on sait le parti qu’en avait tiré Lebroussart pour son excellente édition d’Oudeherst en 1788. Et depuis un demi-siècle on pense bien que Van Hulthem devait l’avoir beaucoup enrichi.
« Ouvrage imprimés concernant spécialement la Belgique.
« Le quatrième volume du catalogue, qui vient de paraître (Note de bas de page insérée au Moniteur : Le cinquième volume doit contenir les manuscrits, et environ 2,000 numéros omis ou retrouvés) (qui contient depuis le n°22422, jusqu’au n°29350) est relatif à l’histoire, aux sciences, aux arts, et à la littérature des Pays-Bas. Cette collection est l’une des plus complètes qui existent quant à l’histoire nationale. On y trouve un assez grand nombre d’ouvrages devenus tellement rares qu’on les chercherait vainement ailleurs. Et quant aux grandes collections qui sont pour ainsi dire le fondement de toute bibliothèque considérable, on les rencontre également ici : tels sont le Recueil des historiens français, par les bénédictions ; le Recueil des lois et ordonnances françaises ; le Spicilegium de Dachery le Recueil des PP. Durand et Martinelles ; les Antiquités de l’Italie de Muratori ; les Mémoires de l’académie des inscriptions et belles-lettres de France, en 159 vol., avec les suites ; la collection la plus complète sur l’académie de Bruxelles, etc. Pour les amateurs de bibliographie, nous signalerons 200 exemplaires d’incunables (du 15ème siècle), et, entre autres, un exemplaire unique de Martens d’Alost ; des premières éditions des Frères de la vie commune établis à Bruxelles ; de Collard Manson de Bruges ; de Jean de Westphalie ; de Kayser d’Audenaerde ; la célèbre Bible des pauvres, dont il n’existe que trois exemplaires complets ; le Speculum humanae salvadonis (catalogue, n°191 et 192) ; tous ouvrages d’une valeur inestimables au gré des bibliophiles : presque toutes les éditions princeps imprimées dans les Pays-Bas ; une nombreuse collection d’Elzevirs ; tous les Plantins dans tous les formats ; un grand nombre d’éditions imprimées par des Flamands hors de la Belgique ; la collection dite des Veriorum, in 4° ; celle des Barbon ; un grand nombre de belles éditions des Didot, des Bodoni, des Baskerville, des Ibarra ; un nombre considérable d’ouvrages sur les sciences et arts, sur les mathématiques sur la peinture, la sculpture, la musique, avec des planches magnifiques ; sur la littérature et l’histoire moderne. Nous citerons entre autres une collection de 96 volumes in-folio contenant plus de 2,000 pièces ou brochures sur la révolution brabançonne ; plus une vingtaine de volumes in-folio sur le même sujet, etc., etc.
« Reliures. - Etat matériel des livres.
« Ces ouvrages sont en général très bien reliés : un grand nombre le sont avec un luxe et une recherche étonnantes. La reliure, ordinairement appropriée à l’importance du livre, est tantôt en veau, tantôt en maroquin avec tranches dorées, pour les meilleurs ouvrages. Un tiers de ces livres environ paraît relié à neuf ; un autre tiers est couvert de reliures plus anciennes, mais parfaitement conservées. Un grand nombre de ses reliures ont dû coûter 10 et 12 francs, et quelques-unes au moins le double.
« En portant la valeur des manuscrits (dont le nombre est de plus d’un millier) à 60,000 francs, ce qui me paraît au-dessus de leur valeur, et les 55,000 volumes imprimés, à 4 francs (ce qui me paraît également beaucoup trop bas), on aurait une somme égale à celle stipulée par le vendeur. Mais il est une considération qui ne saurait échapper à personne : c’est que la valeur de cette collection augmente en raison du nombre et surtout de l’ensemble. Il a fallu un demi-siècle pour la former, et, outre cela, une réunion de circonstances qui ne se représenteront plus : la destruction des couvents, un homme riche, ayant la monomanie des livres et s’y connaissant. Je suppose qu’il fût possible de rassembler une telle bibliothèque, je ne dis pas en 50 ans, mais en 10 ans : si l’on compte pour quelque chose le temps, et la génération présente qui est avide de produire, il faudrait encore en faire l’acquisition sans hésiter.
« On ne doit pas conclure toutefois de ce qui précède que je regarde cette collection comme complète : elle présente, au contraire, à mon avis, d’assez grandes lacunes ; mais ces lacunes il sera facile de les combler en mettant annuellement au budget une somme raisonnable. Telle qu’elle est, la collection de Van Hulthem formerait déjà le commencement d’une belle et vaste bibliothèque nationale, que la Belgique pourrait montrer à l’étranger et ouvrir à la jeunesse studieuse.
« Veuillez agréer, M. le ministre, l’assurance de ma haute considération.
« E.-C-. de Gerlache.
« Approuvé les conclusions du présent rapport.
« Marchal. »
Ce rapport, messieurs, peut me dispenser d’entrer dans d’autres considérations. Je dirai cependant que j’ai entendu avec regret employer le mot de dépense luxueuse, et de dépense d’exaltation, pour qualifier une dépense concernant un achat de livres.
Je ne pense pas, messieurs, que nous soyons tenus à considérer comme dépense de luxe celle qui tend à favoriser le développement des facultés intellectuelles et morales de l’homme. Gardons-nous de proscrire, comme exaltation, la partie la plus noble, la plus élevée de la nature humaine. Je crois qu’une nation, comme un individu, ne doit pas, dans les dépenses les plus indispensables de son budget, oublier celle qui concerne la culture de ses qualités morales et intellectuelles ; nous donnerons un exemple utile aux pères de famille, en votant les fonds nécessaires pour cette partie si importante du service public.
M. Pirmez. - Tout le monde est d’accord sur ce point qu’il faut porter au budget les dépenses nécessaires au perfectionnement moral aussi bien que celles nécessaires pour augmenter la prospérité matérielle du pays, mais ce n’est pas là la question. Il s’agit de savoir si la bibliothèque qu’on veut acheter vaut le prix qu’on en demande. J’avoue que je n’ai aucune connaissance du prix des ouvrages dont cette bibliothèque se compose, mais j’ai consulté des personnes très désintéressés et instruites qui m’ont dit que le prix qu’on demandait était très élevé.
Quoique j’eusse pleine confiance dans les personnes que j’avais consultées, je me serais abstenu de prendre la parole. Mais comme M. Desmet a parlé dans le même sens, je commence à croire qu’il y a quelque chose de vrai dans ce qu’on m’a dit et qu’il y a une espèce d’engouement pour cette bibliothèque. Je conçois qu’on ne peut pas entrer dans le détail des ouvrages en indiquant le prix de chacun d’eux, mais on doit nous dire au moins ce que cette bibliothèque contient de remarquable et ce qui lui donne le prix auquel on veut l’acquérir. Il est vrai qu’on vient de citer plusieurs ouvrages, mais il aurait fallu nous dire ce qu’ils valent.
M. Desmet vous a dit avec raison qu’on devait, avant de faire une semblable acquisition, consulter l’état de nos finances. Quand dans certains services on montre tant de parcimonie, entre autres quand il s’agit de rendre la justice à des arrondissements qui la réclament, nous devons examiner si c’est une dépense absolument nécessaire ou une dépense de luxe qu’il nous propose. Quant à moi, je la considère comme une dépense de luxe. Nous n’avons aucune idée sur la valeur des livres si ce n’est par la réputation du bibliophile. On sait comment font ces réputations de bibliophile : pour savoir si la réputation de celui dont il s’agit est fondée, il faut consulter des bibliophiles.
En un mot, d’après ce qu’on m’a dit, cette bibliothèque ne vaut pas le prix qu’on veut l’acheter.
(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1837) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je ferai une seule observation. C’est que cette bibliothèque a été examinée par sept personnes ayant des connaissances spéciales, dont quatre ont eu fréquemment occasion de visiter cette bibliothèque et d’en apprécier la valeur. Je crois donc qu’on a toutes les garanties désirables sous ce rapport.
Quant a l’importance qu’il y a pour le pays de conserver cette collection, je crois qu’elle doit être appréciée par chacun de vous. Si un citoyen, ayant une fortune bornée, a pu consacrer une si forte somme et tant de soins, pendant un si grand nombre d’années, à réunir cette bibliothèque, vous ne voudrez pas l’exposer à être morcelée ou à passer à l’étranger. Il est à notre connaissance que des démarches ont été faites par l’étranger pour l’acquérir. Certes, chacun de vous regretterait de la voir quitter le pays, d’autant plus qu’elle a pour nous une valeur toute particulière, toute spéciale, en ce qu’elle a été faite dans une pensée belge : c’est l’intérêt littéraire de la Belgique qui a dirigé l’auteur de cette bibliothèque.
(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1837) M. Desmet. - Messieurs, ce n’est seulement qu’à présent qu’on nous communique un rapport sur la quantité et l’importance des manuscrits ; tout à l’heure nous aurions voté sur une somme de 300,000 francs, et le ministre aurait tenu caché dans son portefeuille le rapport de ses commissaires. Il serait difficile dans le moment et à une première lecture, de dire son opinion sur le contenu du rapport ; je tâcherai cependant d’en dire quelques mots.
J’ai trop de considération pour le talent des deux respectables commissaires qui ont été prendre inspection de la collection des manuscrits et surtout de la manière mesurée que leur rapport est fait : ils ont indiqué les manuscrits qu’ils ont trouvés, mais il semble qu’ils ne se sont pas positivement prononcé ni sur l’importance ni sur la valeur de la collection.
J’ai entendu que les manuscrits de Paquot s’y trouvaient, mais on ne dit pas si c’est tout son ouvrage ou seulement quelques notes qui ont servi au dix-neuvième volume de ses œuvres littéraires ; sur le manuscrit j’ai déjà fait mes observations.
J’ai entendu de même que ceux de l’évêque Nélis s’y trouvaient, je n’ai pas entendu que le rapport contrariât les critiques que j’ai faites sur la collection Nélis.
J’ai aussi entendu qu’il y avait des lettres du cardinal Granvelle, de Marguerite de Parme et de quelques autres personnages, mais il m’a semblé que le rapport ne disait rien sur le contenu de ces lettres, et ne faisait point connaître si elles étaient autographes ou de simples lettres de service, ce qui fait grande différence pour la valeur.
Et pour vous faire connaître, messieurs, combien est exagérée la valeur de la collection de ces manuscrits, au moins telle qu’elle a été établie par les vendeurs (car, je le répète ; je ne veux aucunement critiquer le rapport dont on vient de vous faire la lecture, qui n’émet aucune opinion sur le montant du prix), il n’y a guère longtemps qu’une collection complète de manuscrits qui concernaient les troubles et les guerres du 16ème siècle, contenant une quantité extraordinaire de lettres de Granville, de Marguerite de Parme, d’Alexandre de Farnèse, de Philippe II, du duc d’Albe, des ducs d’Egmont et d’Hornes, de tous les gouverneurs des Pays-Bas pendant trois siècles, des principaux généraux des deux partis pendant les guerres avec le Taciturne d’Orange ; enfin une collection complète de tous les grands personnages qui ont figuré dans cette fameuse époque de guerres et de troubles et dans laquelle se trouve un grand nombre d’autographes, a été estimée par un amateur qui était très entendu dans la matière. Eh bien je vous laisse deviner combien ladite collection été évaluée ; seulement 10,000 fr., grande différence avec ce qu’on demande pour les manuscrits Van Hulthem, et encore je crois pouvoir dire que le prix a été trouvé beaucoup trop élevé au département de l’intérieur : je suis très satisfait d’avoir entendu la lecture du rapport, car il me fortifie de plus en plus dans mon opinion que c’est un prix exorbitant et hors de mesure qu’on donne pour cette collection et qu’il est de notre devoir de ne pas ratifier l’achat, et surtout, messieurs, quand vous devez considérer que vous allez encore créer des nouvelles dépenses annuelles dans le budget de l’intérieur, qui s’enfle tous les ans d’une manière importante !
M. Lardinois. - Je voudrais savoir si les experts se sont prononcés sur le prix.
Plusieurs voix. - Oui ! oui !
M. Gendebien. - On nous dit que des personnes ayant des connaissances spéciales ont examiné la bibliothèque, mais je n’ai vu nulle part mention de leur rapport, je désirerais le connaître. Je suis très disposé à allouer des fonds pour commencer une bibliothèque nationale, mais je voudrais savoir ce qu’on se propose d’acheter et quel est le prix. Dans l’état actuel de la question je ne pourrais pas voter, je devrais m abstenir.
(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1837) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, tous ces faits sont consignés dans le rapport dont vous vous êtes saisis : MM. l’abbé Desmet, d’Hanne de Potter, A. Voisin, bibliothécaire de l’université de Gand, de Gerlache, Willems et Marchal, conservateur de la bibliothèque de Bourgogne : ces six personnes ont été chargées d’examiner au nom du gouvernement la bibliothèque de M. Van Hulthem. Le rapporteur de la section centrale a fait le voyage de Gand pour inspecter cette bibliothèque, et c’est après cette visite que son opinion a été entièrement favorable au projet qui vous est soumis. Nous n’avons pas de rapport qui évalue chaque ouvrage séparément, mais seulement l’ensemble de la bibliothèque ; c’est ainsi qu’on procède quand on achète en masse.
Chacune des personnes qui formaient la commission d’estimation a des connaissances spéciales en fait de livres ; nous pouvons nous en rapporter à leur avis. J’ai eu souvent occasion de recevoir des offres de ventes de livres ; je puis vous assurer, d’après les prix qu’on me proposait, que si nous devions procéder à la formation d’une bibliothèque par des acquisitions isolées, avec le double de ce que nous vous demandons, vous n’auriez pas une collection semblable.
(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1837) M. Gendebien. - Je répète que je regrette qu’on ne nous ait pas communiqué le rapport des savants chargés d’examiner la bibliothèque qu’on nous propose d’acheter. On nous dit que ces personnes ont estimé qu’il fallait faire cette acquisition, mais j’aurais voulu connaître les raisons sur lesquelles ces personnes fondaient leur avis. Je ne refuse pas les 315 mille francs qu’on demande si la bibliothèque les vaut, je donnerais même un million pour fonder une bibliothèque nationale, pourvu que j’eusse la certitude qu’il serait bien employé.
Je ne refuse donc pas l’acquisition, mais je veux savoir ce qu’on va acquérir, et quelle en est la valeur. Le rapport de la section centrale ne dit rien à cet égard, il ne fait que répéter les faits contenus dans le rapport du ministre.
Je demande le renvoi à demain afin qu’on ait le temps de s’éclairer.
(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1837) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, toute la correspondance concernant cette affaire a été communiquée à la section centrale. Il faut se déterminer d’après l’opinion des personnes compétentes qui ont examiné cette bibliothèque à moins que chacun des membres ne veuille se rendre à Gand et encore devraient-ils s’enquérir du prix des divers ouvrages, car sans cela ils ne seraient pas plus avancés.
- On procède au vote par appel nominal sur l’article unique du projet.
Cet appel nominal n’ayant constaté que la présence de 48 membres, la délibération est renvoyée à la prochaine séance.
La séance est levée à 5 heures.