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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 22 décembre 1836

(Moniteur belge n°359, du 23 décembre 1836 et Moniteur belge n°360 du 24 décembre 1836)

(Moniteur belge n°359, du 23 décembre 1836)

(Présidence de M. Fallon, vice-président.)

Appel nominal

M. Kervyn procède à l’appel nominal à une heure, et lit ensuite le procès-verbal de la séance précédente.

Lecture du porcès-verbal

M. Gendebien. - Messieurs, la chambre a passé hier à l’ordre du jour sur la proposition que j’avais faite relativement au domaine de Lodelinsart, parce qu’elle considérait ma motion comme prématurée, aucune pièce ne nous étant soumise ; je demande qu’il soit fait mention au procès-verbal des motifs qui ont fait adopter l’ordre du jour sur ma proposition, ce sont ceux énoncés par M. Verdussen.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai remarquer à la chambre que l’ordre du jour n’a pas été motivé, mais adopté purement et simplement ; c’’est ainsi, je crois, que la chambre l’a entendu.

M. Gendebien. - Il est évident, messieurs, que l’honorable M. Verdussen a motivé sa demande d’ordre du jour, et que la chambre l’a adopté purement et simplement dans le sens qu’y attachait l’honorable membre ; le Moniteur en fait foi, et je m’y réfère.

M. Verdussen. - Quand j’ai demandé l’ordre du jour sur la motion de M. Gendebien, c’était parce que la chambre, n’étant saisie d’aucune pièce, ne pouvait rien renvoyer à une commission, et qu’il aurait fallu auparavant inviter M. le ministre des finances à nous communiquer des documents qui pussent faire l’objet d’un examen.

M. Gendebien. - Je demande simplement qu’il soit fait mention au procès-verbal des motifs qui ont amené la chambre à passer à l’ordre du jour sur ma proposition, et qu’on dise que l’honorable M. Verdussen ayant demandé l’ordre du jour, parce que la chambre n’était saisie d’aucune pièce, l’ordre du jour a été adopté dans le sens de cette observation.

M. le ministre des finances (M. d'Huart) et M. de Jaegher. - C’est la demande d’ordre du jour qui a été motivée, mais l’ordre du jour ne l’a pas été.

M. le président. - Quelqu’un s’oppose-t-il à ce qu’il soit dit dans le procès-verbal que l’honorable M. Verdussen ayant demandé l’ordre du jour parce que la chambre n’était saisie d’aucune pièce, l’ordre du jour a été adopté par ces motifs.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Du moment que le procès-verbal rend les choses comme elles se sont passés, je n’ai rien à objecter ; un procès-verbal est un compte-rendu de ce qui a eu lieu : je ne m’oppose donc pas à ce qu’il soit dit que c’est sur l’observation faite par l’honorable M. Verdussen, que la chambre a passé à l’ordre du jour.

M. Gendebien. - Tout ce que je demande, c’est qu’il soit fait mention des termes dans lesquels l’ordre du jour a été proposé.

- La chambre, consultée, décide qu’il sera dit au procès-verbal que M. Verdussen ayant demandé l’ordre du jour sur la proposition de M. Gendebien, parce que la chambre n’était saisie d’aucune pièce, l’ordre du jour a été adopté par suite de cette observation.

M. Lejeune présente l’analyse des pétitions suivantes.

Pièces adressées à la chambre

« La dame veuve Fauconnier, à Bruxelles, demande à être indemnisée des pertes qu’elle a essuyées par la révolution. »


« Quelques extracteurs et marchands de pierres et marbres de l’arrondissement de Charleroy demandent que la chambre ne prenne pas en considération la pétition que lui ont adressée deux propriétaires de scieries à pierres de Tilly et Mary, par laquelle ils demandent qu’un droit soit établi à la sortie sur les pierres brutes et équarries destinées pour la France. »


M. Troye. - La dernière des pétitions dont vous venez d’entendre l’analyse renferme des raisonnements qui me paraissent très fondés. J’aime à croire que la chambre ne voudra pas porter d’entraves à l’exportation d’une matière première dont la Belgique est abondamment pourvue, ni laisser dans l’inquiétude une branche d’industrie très intéressante ; je demande que la pétition dont il s’agit soit renvoyée à la commission d’industrie avec demande d’un prompt rapport.

M. Desmanet de Biesme. - Il est d’autres pétitions relatives au même objet, qui est très important ; il en est une, entre autres, de différents marbriers du Hainaut ; je demande que toutes les requêtes analogues à celle dont il est question soient renvoyées à la commission d’industrie.

M. Zoude. - La commission des pétitions a déjà fait à la chambre un rapport sur des pétitions du même genre ; elle a conclu au renvoi à la commission d’industrie, et ces conclusions ont été adoptées par la chambre.

- La chambre, consultée, renvoie la pétition dont il s’agit à commission d’industrie avec demande d’un prompt rapport.

L’autre requête est renvoyée à la commission des pétitions.

Projet de loi accordant des crédits provisoires au budget du ministère de l'intérieur

Rapport de la section centrale

M. Heptia, rapporteur de la section centrale chargée de l’examen du budget de l’intérieur. - Messieurs, la section centrale, à laquelle vous avez renvoyé comme commission l’examen de la demande de crédit provisoire faite par M. le ministre de l'intérieur, s’est acquittée de sa mission.

Elle n’a vu aucun inconvénient à allouer le crédit.

La nature des dépenses est libellée d’une manière claire et précise, et toutes ces dépenses sont nécessaires et urgentes de leur nature. En attendant le vote du budget, votre commission vous en propose l’allocation à l’unanimité des suffrages.

- La chambre ordonne l’impression de ce rapport au Moniteur, et fixe la discussion du projet auquel il se rapporte, après le vote sur le crédit provisoire demandé pour le département de la guerre.

Rapport sur une pétition

M. Heptia, rapporteur de la commission des pétitions. - Par pétition en date de Liége, du 16 décembre courant, les marguilliers de la fabrique de l’église St-Jacques, demandent que lorsque vous fixerez le budget du département de l’intérieur, vous leur accordiez un subside pour restaurer leur église.

Ils exposent que la fabrique a épuisé toutes ses ressources et a même aliéné des immeubles pour subvenir aux dépenses de ces réparations, et que déjà la ville et la province de Liége ont voté des subsides, mais qui ne suffisent pour couvrir les dépenses nécessaires pour empêcher l’édifice de tomber en ruines.

Au dire des pétitionnaires, il ne s’agit de rien moins que de reconstruire à neuf les toits, les arcs-boutants et les contreforts de ce temple, ce qui nécessiterait une dépense de 130,000 francs environ en sus des sommes fournies par la fabrique, la ville et la province.

Votre commission ne peut pas entreprendre la description de ce monument, pour vous prouver combien il est digne de votre intérêt ; cependant elle vous en dira quelques mots.

Cet édifice est un des plus anciens de la Belgique ; sa fondation paraît remonter au commencement du 11ème siècle ; son achèvement n’eut cependant lieu qu’en 1538.

Il est un des plus remarquables de la Belgique ; son architecture gothique mauresque en en même temps majestueuse et légère, et il n’en existe peut-être pas où la richesse, la profusion et le fini des ornements qui couvrent les voûtes et les murailles, soient poussés aussi loin… Les voûtes, surtout, sont presque cachées par un enlacement de fines arêtes qui se croisent de toutes les manières, et par des médaillons et des figures sculptées, qui occupent les espaces qui se trouvent entre ces arêtes…

Tout cela en fait un monument national qui est admiré des étrangers qui le visitent, et votre commission pense qu’il est de l’honneur de la nation et de l’intérêt des arts, que vous ne cessez d’encourager, de ne pas laisser périr un monument aussi précieux.

En conséquence, elle vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, pour qu’il en fasse l’objet, et qu’il puisse vous proposer telle allocation qu’il conviendra, lorsque nous viendrons à discuter le budget de son département.

M. de Behr. - Messieurs, la section centrale n’a pas encore fini son travail sur le budget de l’intérieur ; je demande que la pétition lui soit également renvoyée, afin qu’elle puisse, s’il y a lieu, vous faire une proposition sur l’objet dont il s’agit.

- La chambre, consultée, renvoie la pétition à M. le ministre de l’intérieur et à la section centrale chargée de l’examen du budget de l’intérieur.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1837

Discussion du tableau des crédits

Enregistrement, domaines et forêts

Domaines
Produits annuels et périodiques

M. Fallon cède le fauteuil à M. Raikem.

M. le président. - Nous en sommes arrivés au paragraphe relatif au fermage de biens-fonds et bâtiments, de chasse, de pêche, aux arrérages de rentes, revenus des domaines du département de la guerre, dont le chiffre est de 300,000 fr.

M. Gendebien a déposé une proposition qui est ainsi conçue : « Le domaine ne pourra affermer la pêche, ni exiger aucune rétribution pour son exercice dans les fleuves et rivières soumis au flux et reflux de la mer, et ce jusqu’au point où le flux se fait sentir dans les marées ordinaires. »

M. Gendebien. - Messieurs, la discussion s’étant déjà prolongée assez longtemps sur mon amendement avant que j’aie pu le développer je crois inutile d’entrer dans de bien longs détails à cet égard.

Mon amendement, que j’ai dû rédiger à la hâte, est ainsi conçu :

« Le domaine ne pourra affermer la pêche, ni exiger aucune rétribution pour son exercice dans les fleuves et rivières soumis au flux et reflux de la mer, et ce jusqu’au point où le flux se fait sentir dans les marées ordinaires. »

En le déposant, j’ai invité les députés des diverses localités qui sont traversées par des rivières où se font sentir le flux et le reflux, à indiquer où devait s’arrêter la liberté de la pêche. Jamais je n’ai entendu qu’on accordât gratuitement le droit de pêche jusqu’aux points précisément où se terminent le flux et le reflux, mais j’ai laissé aux députés qui connaissent les lieux le soin de déterminer jusqu’où ce droit devrait être laissé libre.

L’honorable M. Desmet a indiqué deux points, Tamise et Boom. Si cet honorable membre est d accord à cet égard avec les députés des districts où la pêche a lieu, je suis tout disposé à adhérer au changement qu’il voudrait introduire dans ma proposition. Quant à la question de savoir si la pêche doit être gratuite, si l’exercice doit en être libre, complètement libre, tout le monde est d’accord qu’en la restreignant dans les limites proposées par l’honorable M. Desmet, il n’y aurait aucun inconvénient à la résoudre affirmativement.

Toutefois je dois vous faire remarquer qu’en présentant mon amendement, je me suis opposé formellement à la mise en ferme, parce que je voulais que si l’on croyait devoir imposer une rétribution, ce fût une rétribution individuelle.

Par conséquent, je rentrerai dans la proposition qui a été faite par M. Verdussen, d’accorder des licences individuelles, moyennant un prix modère à déterminer.

Si l’on croyait donc devoir imposer les pêcheurs d’une contribution quelconque, et si les députés qui connaissent l’état de ces pêcheurs pensent qu’ils soient en état de supporter cette contribution, je ne puis mieux faire que de m’en rapporter à leur expérience sur cet objet.

Toutefois, je ferai remarquer que c’est encore là une contribution prélevée en quelque façon sur la misère ; car je ne sais s’il y a des êtres plus malheureux au monde que les pêcheurs.

Aussi, s’il n’y a pas d’inconvénient à laisser la pêche libre sous le rapport de la conservation, je persisterai, quant à moi, dans l’opinion qu’il faut en abandonner l’exercice à tout le monde.

Ce qu’il est essentiel d’établir, ce sont de bons règlements sur la pêche, pour empêcher qu’on ne la compromette, soit par imprévoyance, soit par la trop grande avidité des pêcheurs : je suppose toutefois que la pêche puisse être détruite dans deux rivières où le flux et le reflux se font sentir d’une manière aussi importantes, que dans l’Escaut et les affluents.

Le ministre des finances a dit dans une séance précédente que la pêche étant un domaine public, l’administration ne pouvait se dispenser de l’affermer sur le cours public.

Je crois déjà avoir répondu sur ce point à M. le ministre. Je me bornerai à lui faire remarquer que je ne comprends pas son rigorisme, qui va jusqu’à lui faire croire à la nécessité des adjudications publiques pour la location temporaire de la pêche, tandis qu’il se croit autorisé à aliéner des domaines publics sans l’autorisation de la législature, et à les aliéner, non pas publiquement, mais en secret, comme l’a dit hier M. de Brouckere.

La pêche est un objet du domaine public, res nullius, ou une chose appartenant à tout le monde, si l’on veut ; il s’agit donc de savoir comment on exploitera cet objet du domaine public, au plus grand profil de tous.

Or, messieurs, comme je l’ai déjà dit, il faut considérer deux choses dans l’exploitation de ce domaine public : d’abord l’intérêt des pêcheurs. Nous devons leur donner le plus de facilités possible pour exercer leur misérable profession ; car nous devons nous compter trop heureux de trouver des hommes assez dévoués, je dirai même assez malheureux, pour se consacrer à cette rude profession. Il faut surtout éviter de les soumettre à un monopole, résultat d’une mise en fermage, prise parmi un spéculateur qui se fait rembourser 10, 20 ou 30 fois le prix du fermage.

En mettant la pêche en ferme, j’ai dit, et je le répète, qu’on établit un monopole en faveur du fermier, contre les malheureux pêcheurs et en même temps contre les consommateurs.

Il en résulte donc qu’à défaut de concurrence le poisson sera livré un prix plus élevé aux consommateurs.

Or, dans le système de mon amendement, le sort des pêcheurs se trouvera amélioré en même temps que les consommateurs obtiendront ce poisson au meilleur marché possible.

D’après ces considérations, je persiste dans mon opinion qu’il faut laisser la pêche libre, sans rétribution aucune, et dans les limites indiquées par M. Desmet, à moins qu’on ne me prouve qu’il y a danger à compromettre la pêche en agissant ainsi.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que M. Gendebien est tombé dans une erreur, lorsqu’il a prétendu que j’avais allégué dans une séance précédente que j’étais obligé de mettre en adjudication publique la pêche des fleuves et des rivières.

Je ne crois pas avoir devancé cette assertion, parce que la loi ne nous prescrit pas d’une manière absolue de mettre la pêche en adjudication ; et tout à l’heure, pour le prouver, je donnerai connaissance à la chambre des deux articles très courts de la loi qui établit le droit du gouvernement à louer la pêche des fleuves et des rivières.

M. Gendebien a dit encore que je poussais le rigorisme bien loin dans une question assez peu importante, alors que je me permettais de vendre en secret des domaines de l’Etat.

Je croyais, messieurs, la question à laquelle on vient de faire allusion entièrement épuisée, et de manière à ne plus devoir y revenir, mais puisqu’on en a parlé de nouveau, je ne suis pas du tout contrarié de devoir en dire aussi quelques mots.

Hier, je ne me rappelais pas parfaitement les faits qu’on avait mis en avant ; et cela se conçoit puisqu’ils se sont passés depuis assez longtemps. Mais voici comment les choses ont eu lieu :

Le bien dont on a parlé a été vendu dans une adjudication publique par exportation forcée, et c’est aussi que l’administration en est restée adjudicataire.

Postérieurement, on a trouvée moyen de rétrocéder cette propriété ; et l’on a gagné sur cette opération 15 à 20 mille francs, au profit de l’Etat.

Je n’aurais, messieurs, personnellement qu’à gagner à donner une entière communication de cette affaire à la chambre ; aussi ne nous sommes-nous opposés à ce qu’une commission fût nommée pour examiner l’affaire que par la seule considération que la chambre aurait contrôlé un acte purement administratif dans l’examen duquel elle ne doit pas entrer.

Je vais maintenant donner lecture de deux articles de la loi du 14 floréal an XI :

« Titre V. Art. 12. A compter du 1er vendémiaire prochain, nul ne pourra pêcher dans les fleuves et rivières navigables s’il n’est muni d’une licence, ou s’il n’est adjudicataire de la ferme de la pêche, conformément aux articles suivants. »

Ainsi, messieurs, il n’est pas indispensable qu’il y ait adjudication publique ; mais le domaine peut délivrer des licences pour faire la pêche ; c’est ce qu’ont demandé les honorables députés et c’est ce que je ferai volontiers pour la volontiers pour la partie de l’Escaut qui s’étend depuis le Doel jusqu’à Tamise.

De cette manière, il n’y aura pas ce monopole que l’on craint de la part de celui qui se serait rendu adjudicataire, puisque le gouvernement pourra délivrer des permissions individuelles à ceux qui les demanderont.

Voici maintenant ce que porte l’art. 13 de la loi dont il s’agit.

« Le gouvernement déterminera les parties des fleuves et rivières, où il jugera la pêche susceptible d’être mise en ferme, et il réglera pour les autres les conditions auxquelles seront assujettis les citoyens qui voudront y pêcher moyennant une licence. »

Ainsi, il appartient au gouvernement de déterminer les points des rivières dans lesquels la pêche pouvait être louée ou exercée au moyen de licence.

C’est, je pense, par un arrêté de 1825 que les limites de la pêche dans l’Escaut ont été déterminées ; Ces limites partaient de Doel et aboutissaient à un point de l’Escaut beaucoup plus élevé, parce qu’il y a plus de 60 lots différents pour la ferme de la pêche.

L’année dernière on a encore loué, et très légalement, une portion de l’Escaut inférieure jusqu’à Saftingen ; toutefois comme on s’est élevé contre cette innovation très peu importante pour le fisc, je déclare qu’à l’avenir on se renfermera dans les limites déterminées sous le gouvernement précédent, et que la location de la pêche soit par licence, soit de toute autre manière, n’aura lieu qu’à partir de Doel. D’après ces considérations, qui se rapprochent beaucoup de celles que vient de présenter l’honorable M. Gendebien lui-même, je pense que l’on peut voter le chiffre actuellement en discussion.

M. Gendebien. - M. le ministre des finances vient de contester ce que j’ai dit au sujet de l’obligation où il se croyait de faire une adjudication publique pour la ferme de la pêche.

Voici, messieurs, une phrase du discours que M. le ministre a prononcé dans une séance précédente :

« Je ferai observer à la chambre que les rivières et les fleuves sont du domaine public, et que l’administration du domaine peut mettre la pêche en ferme sans qu’on puisse se plaindre qu’un seul ait le privilège de pêcher ? Les chasses sont également affermées, et par cette ferme on ne peut pas dire non plus qu’il y ait privilège : dans l’un et l’autre cas il y a adjudication publique d’un droit de propriété, à laquelle chacun peut concourir. »

Vous voyez donc, d’après cela, que je n’avais pas tort de prétendre que M. le ministre se croyait dans l’obligation de mettre la pêche en adjudication.

Le ministre est ensuite revenu après moi sur l’objet de la discussion d’hier ; mais il ne m’a nullement répondu. Je ferai d’abord observer que ce n’est pas moi qui ai dit qu’il avait fait vendre en secret ; mais que c’est M. de Brouckere qui a révélé ce fait à la chambre.

Que répond M. le ministre pour se justifier ? Il avoue précisément avoir passé l’acte qu’on lui a reproché hier ; car ce dont l’honorable M. de Brouckere a fait un crime au ministre, n’était pas l’achat de la propriété, mais bien la vente ultérieure et secrète de la même propriété.

Je n’attache aucune espèce d’importance à ce que la chose se soit faite secrètement, seulement j’ai demandé que l’acte récent nous fut communiquée. Je suis persuadé que plus tard le ministre, ne faisant plus de cela une affaire d’amour-propre, sera le premier à nous remettre les pièces que nous demandons. Il se trompe sur ses intentions, qui nous les font réclamer, sans cela il ne les refuserait pas.

Quant à la pêche, dans les fleuves et rivières, le ministre nous a parlé du droit qu’avait le gouvernement de donner des licences, mais personne ne lui a contesté ce droit ; ce dont on s’est plaint, c’est qu’il l’ait affermie. Nous sommes donc d’accord, puisqu’il nous dit qu’il n’affermera plus, mais qu’il donnera des licences.

Quant aux limites à fixer pour les licences, il a dit qu’il s’en entendrait avec les honorables membres qui connaissent les localités. Mais il est un autre point à déterminer, c’est le prix de la licence. Que demandera-t-on aux pêcheurs pour la licence qu’on leur donnera ? Si on demande un prix trop élevé, on exclura encore tous ces petits pêcheurs qui sont exclus en masse par l’adjudication.

Au reste, c’est aux députés d’Anvers et des Flandres à préciser ce qu’il y a à faire. J’ai soulevé la discussion en faveur de leurs commissions immédiates ; c’est à eux maintenant à déterminer les limites dans lesquelles les licences doivent être données, et le taux auquel on doit en fixer le prix. On a parlé de 30 fr., je ne dis pas que ce soit trop élevé. C’est aux députés des Flandres et d’Anvers à nous fixer là-dessus.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne m’arrêterai pas à chercher dans quelle intention on semble vouloir insister sur ce que l’on appelle une vente secrète ; il m’importe seulement de répéter encore que l’acquisition ayant été faite en adjudication publique où chacun surenchère, le prix de la propriété était connu, et que quand le gouvernement l’avait revendue à un prix plus élevée, ce serait vainement que l’on voudrait supposer quelque irrégularité. Je ne sais pas pourquoi on s’obstine à déplacer cette question, c’est l’acquisition faite sans autorisation qu’il faut critiquer, si quelque chose dans tout cela peut être critiqué, Or, le domaine ayant acquis cette propriété en adjudication publique pour se couvrir autant que possible de ce qui lui était dû, s’en est débarrassé dès qu’il a pu le faire avantageusement. (Assez ! Assez !)

Je regrette d’avoir dû parler de nouveau de cette affaire, ce n’est pas moi qui l’ai amenée sur le tapis.

En ce qui concerne l’article en discussion, ou voudrait faire déterminer par la chambre les limites dans lesquelles la pêche serait exercée par licences ; mais il me semble qu’il suffit que j’aie dit que j’étais d’accord avec les députés des localités, et je crois d’ailleurs avoir à peu près indiqué ces limites.

M. Gendebien. - C’est le prix de la licence que j’ai demandé qu’on fixât.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mais c’est là un acte purement administratif, la loi nous attribue le droit de fixer le prix de la licence ; au surplus, vous ne pouvez pas supposer que nous irions spéculer sur cette affaire et faire payer aux pêcheurs une licence plus chère que les sous-locations que l’on a en vue d’éviter.

M. Legrelle. - Je suis persuadé que M. le ministre des finances ne viendra pas changer le droit de licence en mesure vexatoire et que ce qu’il fera sera dans l’intérêt des pauvres pêcheurs ; en un mot que le produit des licences ne sera pas plus élevé que celui de la ferme.

M. Gendebien. - Il me semble que quand un ministre a parlé, le député auquel il a répondu a le droit de lui répliquer.

Le ministre des finances s’obstine à parler toujours de l’acquisition par adjudication publique comme ayant établi le prix de l’immeuble ; et il vient de nous dire que si cette adjudication n’avait pas eu lieu, la propriété aurait été donnée pour rien. Mais qui vous dit que si la seconde vente avait eu lieu par adjudication publique, cette propriété n’aurait pas été au double.

Cessez donc de parler de l’acquisition par adjudication publique comme ayant fixé la valeur. Des établissements industriels varient de valeur ; cet établissement qui se trouvait de peu de valeur à une époque peut en avoir beaucoup peu de temps après. C’est précisément le cas dans lequel se trouve le domaine dont il s’agit. Je n’attache pas beaucoup d’importance à cette affaire, mais je voulais relever des erreurs qu’on reproduit sans cesse.

M. F. de Mérode. - Je demande la parole pour combattre le principe que vient d’émettre M. Gendebien. On ne peut admettre ce principe, sans cela un ministre pourrait un jour être attaqué sans qu’il lui fut permis de se défendre. Quand un ministre est attaqué, c’est à lui que la parole doit rester. Si on attaquait M. Gendebien, je concevrais qu’il eut la dernière réplique, mais il veut l’avoir en toute circonstance, soit qu’il attaque, soit qu’il se défende ; c’est ce que je ne puis admettre.

M. Gendebien. - Je dois protester contre la prétention ridicule que me suppose M. le comte le comte F. de Mérode. Je déclare que si le ministre veut prendre la parole pour donner de nouvelles explications, je suis prêt à l’entendre, me réservant toutefois de lui répondre si je le crois nécessaire.

Je ne consulterai jamais que le règlement pour savoir ce que je dois faire et non l’opinion personnelle de M. de Mérode.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Gendebien.

M. Gendebien. - Nous sommes tous d’accord ; mon amendement devient inutile ; je le retire.

M. le président. - Je mets l’article du tableau aux voix.

« Fermage des biens fonds et des bâtiments, de chasse, de pêche, arrivages de rente, revenus des domaines du département de la guerre : fr. 300,000. »

- Adopté.


« Produits des droits de bacs et passages d’eau : fr. 105,000. »

- Adopté.

Valeurs capitales

« Rachats et transferts de rentes : fr. 80,000. »

- Adopté.


« Capitaux du fonds de l’industrie : fr. 465,000 fr. »

M. le président. - Le gouvernement avait proposé le chiffre de 500 mille francs. Il se trouve réduit à 465,000 fr., par suite du renvoi de l’affaire de M. Cockerill à une commission.

- Le chiffre de 465,000 fr. est adopté.


« Capitaux de créances ordinaires et d’avances pour bâtiments d’écoles : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Prix de ventes d’objets mobiliers ; transaction en matière domaniale dommages-intérêts ; succession en déshérence ; épaves : fr. 350,000. »

- Adopté.


« Vente de domaines en numéraire, ensuite de la loi du 28 décembre 1835, n° 858 : fr. 1,200,000. »

- Adopté.

Recettes diverses

« Amendes de toute nature : fr. 150,000. »

- Adopté.


« Restitution, dommages-intérêts en matière forestière : fr. 3,400. »

- Adopté.


« Passeports et ports d’armes : fr. 210,000. »

- Adopté.


« Soldes de comptes : fr. 50,000. »

- Adopté.

Différentes rétributions établies par la loi

« Indemnité payée par les miliciens pour remplacement, décharge de responsabilité du remplacement : fr. 70,000 fr. »

- Adopté.


« Retenue de 2 p. c. sur les paiements pour compte de saisies réelles, etc. : fr. 300 fr. »

- Adopté.

Recouvrements d’avances faites par le ministère des finances

« Frais de poursuites et d’instances ; frais de justice en matière forestière : fr. 14.000. »

- Adopté.


« Recouvrements sur les communes, les hospices et les acquéreurs des bois domaniaux, pour frais de régie de leurs bois : fr. 176,000. »

- Adopté.


« Cinq pour cent sur les recettes faites pour le compte de tiers : fr. 45,000. »

- Adopté.

Recouvrements d’avances faites par le ministère de la justice

« Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle, de simple police, etc : fr. 112,000 fr. »

- Adopté.


« Frais d’entretien, de transport et de remplacement de mendiants ; d’entretien et de remplacement de mineurs, enfants trouvés, etc. : fr. 16,000. »

- Adopté.

Recouvrements d’avances faites par le ministère de l'intérieur

« Frais de justice devant le conseil de discipline de la garde civique : fr. 1,300. »

- Adopté.

Fonds spéciaux

« Produits des barrières sur les routes des 1ère et 2ème classe : fr. 2,250,000. »

- Adopté.

Postes

« Taxe de lettres et affranchissements : fr. 2,200,000. »

M. A. Rodenbach. - Lors de la discussion du dernier budget des finances, j’ai demandé à M. le ministre de faire jouir promptement la Belgique d’un acte du 21 août 1835 de George IV, roi d’Angleterre. D’après cet acte les lettres et journaux peuvent rendus francs de port dans les pays étrangers moyennant un pence anglais, c’est-à-dire moyennant dix centimes.

En même temps, je voudrais savoir si la ville de Gand jouit enfin des effets de la convention postale avec la France. Il y a eu des réclamations à ce sujet consignées dans le Constitutionnel des Flandres, je ne pense pas qu’il y ait été fait droit.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je m’occupe en ce moment de négociations avec l’office des postes d’Angleterre, pour améliorer le service des postes avec ce pays, et pour obtenir la réciprocité de l’affranchissement des lettres et des journaux dans les deux pays. Comme il n’y a pas de doute que nous n’arrivions à bonne fin dans cette négociation, l’objet de l’interpellation de l’honorable M. A. Rodenbach se trouvera rempli.

Relativement à la convention postale avec la France, les mesures sont prises pour que toutes les parties du pays, et même les pays étrangers en rapport avec la Belgique, jouissent de ses effets. C’est la première fois que j’entends dire qu’il n’en est pas ainsi pour la ville de Gand. Je prendrai à cet égard des renseignements, mais je crois que l’honorable membre est dans l’erreur.

- L’article « Taux des lettres et affranchissements : fr. 2,200,000 » est mis aux voix et adopté.


« Ports des journaux : fr. 70,000. »

- Adopté.


« Droits de 5 p. c. sur les articles d’argent : fr. 22,000. »

- Adopté.


« Remboursement d’offices étrangers : fr. 8,000. »

- Adopté.


La discussion est ouverte sur l’article « Service rural : fr. 140,000. »

M. A. Rodenbach. - Je crois qu’il y a beaucoup d’abus dans le service de la poste rurale.

On a établi des bureaux de poste dans des localités où ils ne sont pas nécessaires. On n’en a pas créé là où il en aurait fallu. A cet égard on n’a pas consulté les autorités locales. Je le tiens de commissaires de district, de bourgmestres, auprès desquels j’ai pris sur ce service des informations.

Il y a d’autres abus. Je sais que le ministre ne peut pas s’occuper des détails de l’administration. Mais encore faut-il signaler les abus pour que l’on avise à les faire cesser.

Autrefois, on payait dix centimes pour une distance d’une demi-lieue. Aujourd’hui, pour la même distance on paie 20 centimes. Pour une distance de 2 lieues, au lieu de 20 centimes on paie 30 centimes. Les droits sont considérablement augmentés. Croit-on pour cela que les lettres parviennent plus vite ? Il n’en est rien, parce que les lettres font souvent de longs et nombreux circuits avant d’arriver à leur destination. Je pourrais le prouver par des exemples.

(L’orateur indique les circuits que font, pour parvenir à leur destination, les lettres expédiées d’un point à un autre dans la Flandre orientale et dans la Flandre occidentale. Il cite dans cette indication un grand nombre de localités dont les noms nous échappent, et termine ainsi :)

Il arrive souvent qu’une lettre pour arriver à une distance de 2 lieues, font la valeur d’un voyage à Paris. Il suffirait cependant de consulter la carte pour éviter de pareils circuits.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Le service rural est maintenant en activité dans tout le pays. Mais je suis loin de dire qu’il est établi d’une manière tout à fait satisfaisante. On conçoit que ce n’est pas au bout de quelques mois, mais successivement et avec le temps qu’on peut apporter à ce service les améliorations nécessaires. Nous y arriverons par l’expérience et par les différentes réclamations qui nous sont adressées. C’est ainsi que dans beaucoup d’endroits les choses sont déjà changées, parce que je me suis empressé de faire droit aux réclamations fondées que j’ai reçues.

L’honorable M. Rodenbach se trompe lorsqu’il croit que l’on n’a pas consulté les autorités en province. Des cartes postales, avec indication de l’arrondissement postal de chaque distribution, ont été adressées aux gouverneurs avec prière de donner avis sur ce travail. Ainsi, le département des finances a consulté les localités ; il est possible que les observations présentées n’ont pas été toutes accueillies jusqu’à présent, elles pourront l’être successivement selon qu’elles seront reconnues utiles.

Quant au montant de la taxe des lettres, il est établi d’après la loi de décembre 1835 ; on ne peut s’écarter de ses dispositions.

M. A. Rodenbach. - Je n’insiste pas sur le montant de la taxe puisque M. le ministre nous dit qu’il est conforme à la loi. Mais je dis que ce n’est pas consulter les autorités locales que consulter les gouverneurs. Ceux-ci, avant de donner un avis, devaient prendre celui des commissaires de district, des bourgmestres. J’ai la preuve qu’ils ne l’ont pas fait. Ce n’est pas en agissant ainsi que l’on peut prétendre arriver à connaître l’opinion des localités sur ce qui les intéresse.

M. Dumortier. - Les abus dont on se plaint relativement à la poste rurale ne sont que trop réels. Nous les avons prévus lors du vote de la loi relative à l’établissement de ce service. Nous vous en avions prévenus. C’était inévitable. Nous sommes entrés dans une mauvaise voie. Nous voyons maintenant, par l’expérience, que nous ferions bien de rétablir les choses sur le pied où elles étaient.

En France, on a fait l’expérience, pendant une année, des postes rurales ; puis la chambre des députés en a demandé la suppression, et cette suppression a eu lieu. Il faut en faire autant dans ce pays. Il peut y avoir quelques contrées où la poste rurale soit une amélioration relativement aux relations des communes entre elles ; mais généralement elle est un inconvénient et provoque une multitude de réclamations, Autrefois il n’y avait pas de village qui n’eût son commissionnaire, et ce commissionnaire allait chaque jour à la ville chercher les paquets et les lettres ; un très grand nombre de ces commissionnaires n’ont plus rien à faire ; il ne leur est pas permis de porter des paquets ; le gouvernement a conservé un facteur ou deux par chaque canton, et ce facteur doit faire sa tournée dans le canton ; il commence par une commune et va successivement dans d’autres : heureux les habitants de la commune par laquelle il commence ! les autres reçoivent les lettres très tardivement.

Au lieu du système que l’on a adopté, il fallait, ainsi que je l’avais proposé, établir dans chaque canton de justice de paix un bureau de distribution, et le service se fût fait à l’avantage de tout le monde.

L’honorable M. Rodenbach a cité un fait qui prouve combien est défectueux le système que l’on a admis ; je suis député de Tournay, et je vais citer un autre exempte pris dans ma localité. Que j’écrive à Tournay, savez-vous où va ma lettre ? d’abord à Alost, de là à Gand, de Gand à Courtray, puis à Tournay ; il n’y a pas de poste directe de Bruxelles à Tournay, ce qui devrait avoir lieu. Autrefois je remettais une lettre le matin à la diligence et elle arrivait le soir ; aujourd’hui le gouvernement interdit le transport ces lettre, par les diligences, et c’est un malheur pour beaucoup de localités.

Dans un grand nombre de communes il se trouvait des pères de famille qui servaient d’estafettes ; maintenant ils sont privés des ressources que leur procurait ce service ; on les force de rester chez eux ; si les gendarmes les saisissaient porteurs de lettres, ils seraient passibles de fortes amendes.

Nous avons fait une mauvaise loi ; nous devrions imiter la France, et anéantir cette loi. Il ne fallait pas donner le monopole du transport des lettres au gouvernement, il fallait se borner à adopter la proposition que j’avais déposée sur le bureau, c’est-à-dire établir un bureau de distribution dans chaque canton de justice de paix ; c’eût été une grande économie pour le gouvernement et un grand avantage pour les contribuables.

M. Desmet. - J’ai aussi des plaintes à signaler sur le transport des lettres par la poste rurale ; dans le district dont je suis député, les plaintes sont générales contre le transport lent et la mauvaise distribution des lettres dans les campagnes depuis que les messagers sont remplacés par les bureaux de poste. Je vous en citerai, messieurs, un exemple qui vous paraîtra assez plaisant, mais qui cependant est très réel et arrive même journellement. Une personne dans la commune d’Herzeele se trouve dans le cas de devoir faire parvenir une lettre à Esschen-St-Livin (veuillez remarquer que cette commune touche celle d’Herzeele) ; elle met sa lettre dans la boîte d’Herzeele : voulez-vous connaître à présent quelle promenade cette missive a faite ? elle va d’abord à Alost, de là se rend à Gand, arrive à Sotteghem, et seulement de ce bureau qu’elle est distribuée et arrive à la fin à sa destination, au village d’Esschen-St-Livin ; elle a donc fait un trajet de seize lieues pour parvenir au lieu de son adresse, qui n’était, comme je viens de le dire, qu’à une lieue de distance du point de son départ.

Messieurs, ce n’est pas la loi que je critique particulièrement, quoique j’aie voté contre, n’ayant aucune confiance dans son résultat, mais je crois que le vice existe essentiellement dans le placement des bureaux de distribution et que c’est absolument la faute de l’administration. Je prie donc le ministre de corriger les placements des bureaux de poste et à cet égard prendre l’avis des autorités communales, qui, j’en suis sûr, lui indiqueront des moyens pour que le public puisse avoir quelque utilité de la poste rurale ; mais, en attendant que cette correction soit effectuée, je désire cependant que les messagers ordinaires et qui ont l’entière confiance du public, puissent transporter les lettres qu’on leur a confiées, sans courir le danger d’être pris en contravention par les employés du fisc et les gendarmes. J’ai dit.

M. Pirson. - Je ne dirai pas que nous avons fait une mauvaise loi ; je crois qu’il est possible d’organiser les postes rurales beaucoup mieux qu’elles ne le sont ; mais je crois aussi qu’il y a des réformes à faire relativement aux postes, et surtout relativement à l’administration centrale elle-même ; je dis d’une manière claire et positive que cette administration est très mal organisée.

Pendant longtemps il n’y a eu que des intrigues en cette administration. Je n’en amuse pas le ministère, car il ne peut s’occuper de tous les détails du transport des lettres. Il est de fait que l’administration actuelle des postes est incapable d’organiser d’une manière utile le service rural, et tout autre service ; la première chose à faire concernant les postes ce serait d’en réorganiser l’administration.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’est pas étonnant que M. Dumortier critique la poste rurale, en cela, il est conséquent avec lui-même, puisque dans le principe il s’est opposé à l’organisation de ce service ; quoiqu’il en soit, ces critiques dont la poste rurale est l’objet, aujourd’hui ils n’ont rien qui doive surprendre, ce service n’est pas encore tout à fait organisé comme il doit l’être. Il s’établit seulement ; et l’expérience doit encore indiquer bien des améliorations dont il est susceptible.

On nous dit que les lettres font quelquefois dix, vingt, et même trente lieues pour arriver d’un endroit à un autre fort rapprochés. Ces détours ont effectivement bien pour quelques localités, mais généralement ils n’apportent aucun retard dans l’arrivée des dépêches ; presque partout le service de transport sur les grandes lignes marche la nuit ; on ne peut guère en excepté que celui de Bruxelles à Anvers ; or, qu’importe qu’un détour soit effectue la nuit, si la lettre arrive au destinataire le lendemain matin.

L’honorable M. Dumortier se plaint de ce que l’on tolère la circulation des journaux par les diligences, tandis qu’on l’empêche pour les lettres : En cela on ne peut reprocher d’innovation à l’administration, et surtout le service rural n’a été la cause d’aucune mesure nouvelle.

Si on a rappelé dans le Moniteur que les voitures publiques ne devaient pas transporter les lettres, c’est que les diligences transportaient les paquets en concurrence avec la poste et au détriment des produits de cette administration.

Je conçois, avec M. Pirson, que pour faire cesser le monopole du transport des lettres qui est dans les mains du gouvernement, il faudrait détruire l’administration des postes ; mais je ne crois pas que le public gagnerait à cette suppression. Si donc on veut, dans l’intérêt même du public, que l’administration des postes existe, il faut que le gouvernement y trouve aussi son avantage et le remboursement des frais.

En définitive, messieurs, nous ne faisons qu’exécuter les lois en empêchant le transport des lettres par les diligences.

Les impressions sous lesquelles se trouvent les adversaires de la poste rurale, se dissiperont, je l’espère, quand ils retourneront dans leurs foyers ; depuis l’ouverture de la session actuelle, des améliorations ont déjà été apportés à ce service, et dans trois on quatre mois il sera arrivé, par des modifications successives, au point désirable.

M. Pirson. - Je demande la parole pour un fait personnel. Le ministre des finances me fait dire le contraire de ce que j’ai dit. J’ai déclaré que je ne trouvais pas la loi mauvaise, et que je croyais qu’elle pouvait être fort bien organisée. Je n’ai pas proposé non plus la suppression de l’administration centrale des postes ; mais j’ai demandé que le gouvernement organise mieux cette administration relativement au personnel. Si je disais tout ce que l’on sait sur cette administration il y en aurait jusqu’à demain pour rappeler les abus, abus qui datent de notre révolution. Si ou m’y forçait, j’en dirais quelques-uns.

M. Dumortier. - Messieurs, ce n’est point parce que j’ai combattu le projet de loi relatif à la poste rurale, que je vient maintenant présenter à l’assemblée les observations que je vais avoir l’honneur de lui soumettre ; j’ai l’habitude, lorsqu’une loi a été votée, de me soumettre à la décision de la majorité ; mais lorsqu’une loi amène des résultats désastreux pour la nation, alors il est de notre devoir de les signaler. Les résultats de la loi sur les postes rurales sont parfaitement connus, chacun de nous peut voir à combien de réclamations sa mise à exécution a donné lieu : ainsi, par exemple, autrefois tout le monde recevait les journaux encore humides, tandis qu’aujourd’hui on doit les attendre pendant deux ou trois jours ; je pourrais vous citer des provinces où, à l’occasion du serment à prêter par les régences, beaucoup de bourgmestres ont reçu leurs lettres de convocation pour prêter serment lorsque l’époque de la prestation du serment était déjà passée. Voilà comme marche le service de la poste rurale ; je vous demande si ce sont là les avantages que nous en attendions ? Cependant ce service ne peut marcher autrement puisqu’il n’y a qu’une distribution tous les deux jours, tandis qu’autrefois il y en avait une quotidiennement par suite de la libre concurrence.

On a beau dire que le transport se fait de nuit comme de jour : c’est la une erreur ; les messagers à pied ne transportent pas les lettres pendant la nuit ; du reste, il est constant qu’il n’y a aujourd’hui qu’une distribution sur le même temps pendant lequel il y en avait deux autrefois. Remarquez en outre que chaque messager a un grand nombre de communes à parcourir : bien heureuses encore celles par lesquelles il commence, mais je vous demande quel retard n’éprouvent pas celles par lesquelles il finit.

M. Van Hoobrouck de Fiennes. - J’ai aussi donné, messieurs, mon approbation à la loi sur les postes rurales, mais j’étais loin de prévoir alors les plaintes nombreuses qui depuis surgissent de tous les points du pays.

Si dans l’établissement des postes rurales on avait eu pour but d’empêcher la circulation des lettres, d’apporter des entraves au commerce, oh ! alors on aurait admirablement bien réussi : autrefois, quand j’adressais des lettres chez moi, à Audenaerde, elles étaient remises le lendemain matin avant 7 heures ; depuis l’établissement des postes rurales, ce n’est plus que le surlendemain qu’elles parviennent ; or, ce qui m’arrive à moi, arrive à tout le monde, et un semblable état de choses est on ne peut plus nuisible aux affaires de toute espèce.

Je ne sais pas non plus d’après quel tarif on prélève, de ceux qui font prendre leurs lettres au bureau, un droit de 2 fr. par mois ; je conviens que pour ceux qui reçoivent beaucoup de lettres, ce n’est pas grand-chose, mais pour ceux qui ne reçoivent qu’une lettre ou deux par semaine, c’est une augmentation considérable.

Je voudrais que M. le ministre des finances prît des mesures pour empêcher les retards qu’éprouve le transport des lettres, au grand détriment du commerce et de l’industrie ; dernièrement il manquait quelque chose à une machine à vapeur, établie depuis peu sur la route de Gand à Audenaerde : il fallait faire venir un ouvrier de Gand pour réparer l’accident qui était survenu ; le propriétaire écrit à Gand et veut faire partir sa lettre par la diligence, mais des ordres rigoureux avaient été donnés par le ministre des finances pour défendre aux conducteurs de se charger de lettres ; force a donc été à cet industriel d’envoyer un exprès à Gand parce que la poste du village ne partant pas ce jour-là, la lettre n’aurait été remise que deux jours plus tard, et que pendant ce temps le dommage survenu à la machine aurait pu occasionner une perte très grande et peut-être irréparable.

Voilà, messieurs, un des effets que la poste rurale produit dans notre province ; il est possible que dans le Luxembourg et le Limbourg elle soit utile, mais chez nous il n’y a qu’une voix pour s’en plaindre. (Aux voix ! aux voix !)

M. Gendebien. - Je demande à dire deux mois ; comme j’ai défendu ici et voté la loi sur les postes rurales, je crois qu’il est de mon devoir de répondre en quelque sorte aux observations qui viennent d’être faites.

Je vous ferai remarquer, messieurs, que ce n’est pas le procès des postes rurales que l’on fait en ce moment, mais le procès de l’administration des postes en général. Je considère aujourd’hui la loi comme bonne, tout aussi bien que lorsque je l’ai appuyée ; et elle est bonne, en effet, dans son essence, mais son exécution rencontre de grandes difficultés qu’il faut au gouvernement le temps de vaincre et j’appelle sur ce point la sollicitude du gouvernement. Dans le Luxembourg, par exemple, les lettres pour certaines localités à distance de 3 ou 4 lieues ont à parcourir 23 à 24 lieues, c’est ce que m’a dit un Luxembourgeois, c’est là un abus auquel il faut porter remède. Je conviens qu’elle a donné lieu à bien d’autres inconvénients mais je suis persuadé qu’il suffira de les signaler pour les faire disparaître sinon immédiatement du moins en quelque temps et pour autant que le gouvernement veille s’y appliquer franchement.

Je le répète, la loi est bonne en elle-même, mais pour faire disparaître les vices de son exécution, il suffit d’en consulter l’esprit. Qu’on se reporte à la discussion qui a précédé son adoption. Le ministre a dit alors qu’il était d’usage de tolérer jusqu’à certain point le transport des lettres et des journaux par les diligences, qu’il n’entrait pas dans l’esprit ni dans les intentions de l’administration de rien changer à cet ordre de chose, qu’on continuerait à marcher sous ce rapport dans la voie tracée et qu’on ne l’arrêterait que dans le cas où la concurrence des diligences deviendrait insoutenable pour la poste. Eh bien qu’on exécute la loi dans ce sens !

Je dois dire que les faits qui sont à ma connaissance sont assez satisfaisants sous ce rapport ; par exemple chaque fois qu’on voudra envoyer une lettre à Tournay par la diligence, je suis certain qu’elle sera acceptée par les conducteurs ; il m’est arrivé d’écrire à Tournay et d’envoyer ma lettre par la diligence, il est vrai qu’on exige que je mette mon nom sur l’adresse, je ne sais pas pour quelle raison et je ne m’en enquiers pas ; il est possible qu’on ait des motifs pour en agir ainsi, mais je ne veux pas les pénétrer ; il me suffit que les lettres parviennent, et que la loi soit exécutée d’après les assurances par le ministre ; elles sont consignées au Moniteur.

Je le déclare donc de nouveau, la loi est bonne en elle-même ; il peut exister des abus ; mais qu’on les signale et qu’on les réforme : du moment que la loi sera bien exécutée, elle produira de bons résultats.

Puisque nous en sommes aux réclamations sur le service des postes, je prie M. le ministre des finances (et je renouvellerai cette demande lorsque nous discuterons le budget des dépenses) de prendre en considération une pétition des habitants de Boussu qui réclament un bureau de direction au lieu d’un bureau de distribution.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce sera fait dans deux ou trois jours.

- Le paragraphe relatif au service des postes rurales, dont le chiffre est de 140,000, est mis aux voix et adopté.

Trésor public

(Moniteur belge n°360, du 24 décembre 1836) « Produits du chemin de fer : fr. 1,500,000. »

M. le président. - Il y a un amendement déposé par M. Verdussen qui propose de réduire le chiffre à 1,035,000 fr.

M. Verdussen. - Je pense, messieurs, que nous ne pouvons pas admettre le chiffre proposé par le gouvernement ; ou bien ce chiffre est trop faible, ou bien il est très élevé ; il est trop faible lorsque nous avons égard au sens littéral de l’article 115 de la constitution, qui dit que toutes les recettes et dépenses de l’Etat doivent être portées annuellement au budget : pour nous conformer au sens littéral de cet article de la constitution, nous devrions porter au budget des recettes, non pas le bénéfice net résultant de l’exploitation du chemin de fer, mais toute la recette ; et nous devrions par contre porter au budget des dépenses toutes les sommes nécessaires pour couvrir les dépenses relatives à ce chemin. Il faudrait même aller plus loin, il faudrait porter au budget des recettes le produit de l’emprunt de 30 millions, affecté en partie à la construction du chemin de fer.

On pourrait donc conclure du texte de l’article de la constitution que j’ai cité, que c’est la totalité des recettes brutes qui doit être portée au budget ; et vous voyez que s’il en était ainsi, on aurait omis au paragraphe que nous discutons une somme extrêmement forte.

Ces considérations m’amènent à parler du tableau qu’aux termes de la loi du 1er mai 1834 le ministère doit nous fournir d’année en année, pour nous faire connaître les recettes du chemin de fer.

Cette loi du 1er mai 1834 avait fixé, pour terme de la première présentation, le mois de juillet de l’année suivante ; mais la loi ne s’est pas expliquée sur le point de savoir si les présentations concernant les années subséquentes auraient toujours lieu au 1er juillet de chaque exercice. Peut-être était-ce dans l’esprit du législateur, mais ce n’est point dans la lettre de la loi.

Ainsi, je pense que le ministre pouvait présenter son tableau plus tard et l’arrêter au 1er octobre, de manière qu’il pût être soumis à l’examen de la chambre avant la discussion du budget. Et remarquez que c’est là le véritable esprit de la loi. Car quel but le législateur a-t-il voulu se proposer en prescrivant la présentation annuelle d’un tableau des recettes du chemin de fer ? Ce n’est pas évidemment pour satisfaire un vain désir de curiosité, mais bien pour établir les éléments de la fixation de la recette au budget.

Messieurs, si c’est la recette nette qu’on a voulu porter au budget que nous discutons, la somme est trop forte ; et, par mon amendement, je propose de la réduire à 1,035,000 fr. : ce qui ferait une différence en moins de 465,000 fr.

J’appuie le chiffre que je propose sur ce qui existe dans ces dispositions législatives qui nous régissent, et principalement sur la loi concernant l’emprunt des 30 millions votée le 18 juin dernier.

Nous trouvons, à l’art. 4 de cette loi, une disposition ainsi conçue :

« L’intérêt et la dotation pour I’amortissement seront annuellement prélevés dans la proportion de l’affectation du capital, sur les produits respectifs du chemin de fer, des routes et de la Sambre canalisée. »

L’emprunt de 30 millions devait donc être affecté au service de trois objets différents. Il devait couvrir d’abord les 6 millions consacrés par une loi spéciale à l’établissement de routes nouvelles pavées ou ferrées ; on devait prélever ensuite sur le même emprunt 2,400,000 fr. pour l’acquisition de la Sambre canalisée ; enfin, l’emprunt était destiné à la construction du chemin de fer.

Lorsque M. le ministre des finances, appelé dans le sein de la section centrale dont j’ai eu l’honneur de faire partie à été interrogé sur la manière dont il se pourrait tirer d’affaire pour le cas où, après l’année 1837, il aurait reconnu que les sommes provenant de l’emprunt des 30 millions serait devenues insuffisantes pour couvrir toute la dépense, M. le ministre nous a répondu qu’il n’était pas nécessaire d’occuper dès aujourd’hui la législature d’une question dont la solution ne devait avoir lieu que dans un avenir assez éloigné, et que les sommes de l’emprunt réalisées jusqu’alors suffiraient pour assurer le service jusqu’à la fin de 1837.

Mais, si ma mémoire est fidèle, M. le ministre doit avoir ajouté que l’excédant que le chemin de fer produirait sur les sections achevées, tournerait au profit de la construction du même chemin de fer.

Et, en effet, messieurs, rien ne me paraît plus rationnel que cette destination de l’excédant du produit du chemin de fer. Car il est facile de s’apercevoir aujourd’hui qu’il y aura insuffisance de fonds pour parfaire toute la route ; et ce serait une véritable calamité d’être obligé de recourir à un second emprunt, pour couvrir les dépenses ultérieures du chemin de fer.

Je ferai remarquer que la loi du 18 juin dernier avait spécialement affecté une somme de six millions pour la construction de routes pavées, et une autre de 2,490,000 francs pour l’acquisition de la Sambre canalisée ; mais que la loi na pas déterminé une somme spéciale pour le chemin de fer, auquel elle dit simplement que le restant sera affecté.

Et puisque l’emprunt n’a pas été contracté au pair, ayant été seulement négocié à 92 p. c., il s’en suit qu’il y a déjà un déficit pour le chemin de fer de 2,400,000 francs.

Depuis lors, M. le ministre des finances nous a présenté un tableau de la situation du trésor ; et dès les premières pages nous avons vu que les frais extraordinaires de l’emprunt pourraient s’élever à la somme de 300,000 fr. Voilà encore 300,000 fr. dont le capital nominal de l’emprunt des 30 millions a été privé.

Tous ces motifs font voir la nécessité presque absolue d’affecter à la construction du chemin de fer, les sommes que les dispositions législatives existantes et le service général du trésor nous permettent d’y consacrer.

J’ai fait le calcul des sommes qui, vu la négociation à 92 p. c. seulement du capital nominal, doivent être affectés, dans l’emprunt des 30 millions, aux différents travaux, et j’ai trouvé que la construction des nouvelles routes pavées devait absorber 6,594,000 fr., l’acquisition de la Sambre canalisée 2,736,000 fr., et qu’ainsi il ne devait revenir en tout au chemin de fer que 20,670,000 fr.

Or, l’intérêt et la dotation pour l’amortissement au prorata revient, en ce qui concerne le chemin de fer, à 1,033,500 fr. Dans cet état de choses, j’ai cru devoir proposer à la chambre d’affecter le surplus du produit net du chemin de fer à la construction de cette même route, dépense pour laquelle la part qui lui est destinée dans l’emprunt des 30 millions deviendra indubitablement insuffisante.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je parlerai d’abord du compte des recettes du chemin de fer. J’étais d’abord dans l’intention d’arrêter ce compte au 1er novembre ou au 1er décembre ; mais j’ai pensé qu’il vous serait agréable d’avoir le résultat du produit du chemin de fer pendant toute l’année 1836 ; et le tableau qui sera arrêté au 1er janvier, vous sera immédiatement remis après nos prochaines vacances.

Veuillez remarquer, messieurs, que si on arrêtait le compte au mois de juillet, il présenterai un état très peu satisfaisant, puisqu’il se trouverait de 4 à 5 mois antérieur à l’époque à laquelle les chambres se réunissent.

Au surplus, messieurs, je puis, dès à présent, vous donnez connaissance de la situation des recettes.

Je pense que l’on peut évaluer le bénéfice au tiers du produit et que les deux autres tiers doivent être comptés pour intérêt du capital de l’emprunt, pour l’amortissement de l’emprunt, et pour frais d’entretien et d’exploitation.

J’ai calculé que la section de Bruxelles à Anvers rapportait 100,000 fr. par mois ; ce qui ferait 1,200,000 fr. par an. Je n’ai porté qu’à 300,000 fr. le produit des sections qui seront ouvertes ultérieurement ; mais je crois que ce compte est minime ; la somme de 1,500,000 fr. qui figure au budget représente le produit brut.

Toutefois, je dois dire que ce produit pourrait être majoré, si les sections pouvaient être ouvertes assez tôt pour que l’on eût encore tous les avantages de la jouissance de la belle saison. J’ai présumé que les sections de Gand à Liége ne seraient ouvertes qu’au mois d’août, et c’est pour ce motif que j’ai calculé la recette seulement à 300,000 fr.

Ainsi, le budget des voies et moyens contient le chiffre brut et intégral, et c’est, en effet, la marche qu’il faut suivre. Toutefois les recettes doivent être portées au budget des voies et moyens ; ainsi l’amendement de M. Verdussen ne me paraît pas de nature à pouvoir être admis.

L’intérêt des sommes qui ont été empruntées pour le chemin de fer est porté au budget des dotations ; quant aux frais d’entretien et d’exploitation, ils ont été prélevés jusqu’ici sur le capital emprunté, et il doit en être ainsi à cause de la difficulté qu’on rencontrerait aujourd’hui à distinguer ce qui constitue strictement les frais ordinaires d’entretien et d’exploitation, d’avec ce qui peut être envisagé comme frais d’établissement, soit du chemin de fer, soit du matériel même de l’exploitation.

Cependant le compte définitif pourra être réglé approximativement, de manière qu’on ait une idée aussi nette que possible de ce qu’ont coûté l’entretien et l’exploitation journalière.

M. Verdussen voudrait que l’excédant du produit du chemin de fer ne rentrât pas dans les caisses de l’Etat, mais qu’il formât un fonds spécial qui accroîtrait le capital affecté au chemin de fer ; il espère que par ce moyen on ne devra pas recourir à un emprunt ultérieur.

Mais, messieurs, cette espérance, dans ce cas même, serait vaine, car il est certain que ce n’est pas au moyen de la part destinée à la construction du chemin de fer dans l’emprunt des 30 millions qu’on pourra achever tous les embranchements de la route, et notamment celles du Hainaut et des Flandres ; aussi sera-t-il nécessaire de recourir à un emprunt ultérieur : ceci est de toute évidence. Mais cet emprunt n’est pas fâcheux, puisqu’il y aura des valeurs réelles que chacun pourra apprécier par l’expérience du passé.

Car il est certain aujourd’hui que le chemin de fer rapportera largement, pour subvenir au paiement de l’intérêt du capital, et des frais d’entretien et d’exploitation ; et qu’il y aura même un excédant assez notable qui pourra entrer dans les caisses de l’Etat ou constituer un fonds commun, pour l’extension des chemins de fer au moyen de subsides ou aux frais de l’Etat.

M. Verdussen. - J’ai été étonné d’entendre M. le ministre de l'intérieur dire que c’était le montant brut de la recette qu’on portait au budget des voies et moyens. Je n’ai jamais entendu par recette brute que celle dont on devait déduire les frais ; alors il devrait porter au budget des dépenses de son département une somme pour frais d’exploitation et d’entretien du chemin de fer, et cette somme ne devrait pas être moindre de cent cinquante mille francs. Je n’ai trouvé dans ce budget aucun article pour cet objet.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il est facile de satisfaire à ce que demande l’honorable préopinant ; il ne faudrait pour cela rien changer au budget des voies et moyens. Il n’y aurait qu’à porter au budget des voies et moyens des dépenses du département de l’intérieur une somme de 600,000 francs. Mais je crains que dans la pratique cela ne donne lieu à des difficultés avec la cour des comptes ; et en voici la raison : Nous avons un atelier dit de construction et de réparation du matériel d’exploitation, où les mêmes employés surveillent les constructions et les réparations, de sorte qu’il est difficile de déterminer ce qui appartient aux premiers établissements du matériel qui doit être imputé nécessairement sur le capital d’établissements du chemin de fer, et ce qui appartient à l’entretien du matériel, et par suite à la dépense ordinaire de l’exploitation. Le même difficulté se présente en partie en ce qui concerne les dépenses relatives au chemin de fer lui-même ; et c’est pour éviter les difficultés qui pourraient naître de cette circonstance que j’ai cru qu’on pouvait continuer à imputer tous les frais sur l’emprunt, sauf à présenter aux chambres le compte spécial du chemin de fer où on déterminerait, aussi approximativement que possible, les dépenses qui appartiennent à l’établissement, à l’entretien et à l’exploitation, afin de satisfaire complètement à la loi du 1er mai 1834 et aux lois ultérieures relatives à l’exploitation.

Je ne crois pas qu’il y ait d’inconvénient à suivre la marche qui a été suivie jusqu’à présent. Si on voulait porter les dépenses du chemin de fer au budget, il faudrait donner une latitude suffisante au gouvernement afin de lui éviter des entraves.

M. Jadot. - Je pense qu’il faudrait renvoyer cet objet à la section centrale pour qu’elle fasse un rapport. Ce rapport pourrait être fait demain.

M. le ministre de l’intérieur a une manière toute particulière d’envisager la comptabilité. De la manière dont les choses se passent, les comptes des employés du chemin de fer sont soustraits à la surveillance des employés supérieurs des finances et de la cour des comptes.

Il est temps de prendre une mesure qui fasse cesser cet état de choses. Je demande, en conséquence, le renvoi à la section centrale du budget de voies et moyens, ou à une commission.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’adoption du chiffre qu’on discute ne peut rencontrer aucune espèce de difficulté. Nous proposons de porter au budget toute la recette qui se fait sur le chemin de fer, et nous procédons de même pour tous les autres produits. C’est ainsi que pour l’administration des postes qui fait des recettes, nous portons au budget tout ce qu’elle reçoit. A la vérité, au budget des dépenses nous portons celles de cette administration. Mais le ministre de l’intérieur vous a fait observer qu’ici on ne pouvait que difficilement préciser l’allocation au budget des dépenses, parce qu’on n’avait pas une expérience assez longue pour apprécier exactement ce qui appartient aux frais d’entretien, et de réparations, ou aux frais d’exploitation, qu’il y avait dans beaucoup de cas confusion de ces dépenses, et que c’était pour cela qu’on n’avait pas proposé de chiffre à cet effet. Au reste, quand vous viendrez au budget des dépenses, vous verrez s’il convient de porter un chiffre pour les frais d’entretien et d’exploitation du chemin de fer.

M. Jadot. - J’ai demandé la parole pour faire ressortir combien est irrégulier ce que vous dit le ministre, qu’un compte des dépenses sera soumis à la chambre. La chambre n’examine, que les comptes généraux. Quant aux comptes des employés du chemin de fer ils doivent être soumis à la cour des comptes comme ceux des employés de toutes les autres administrations. C’est là une vérité incontestable. Toutes les dépenses et les recettes de l’Etat doivent être contrôlées par la cour des comptes.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Mes observations avaient trait à la loi du 1er mai 1834, qui voulait qu’un compte spécial fût tenu des recettes et des dépenses du chemin du fer, afin qu’on pût bien savoir ce qu’a coûté et produit le chemin de fer ; mais du reste la comptabilité ordinaire du chemin le fer est tenue de la même manière que toutes celles des autres recettes et dépenses de l’Etat. Les recettes du chemin de fer sont journellement versées dans les mains du caissier de l’Etat.

M. Jadot. - Il est vrai qu’on verse les produits du chemin de fer dans les mains du caissier de l’Etat ; mais les employés des finances n’interviennent pas pour vérifier les comptes des employés du chemin de fer. Aucun compte ne doit échapper à la surveillance de l’administration des finances.

M. Verdussen. - Le ministre nous a dit qu’il prenait les frais d’entretien du chemin de fer sur la somme destinée à la construction. C’est ce à quoi je crois devoir m’opposer, car on diminue le capital destiné à la construction. Et je ne veux pas qu’on diminue ce capital, parce qu’on serait obligé de faire un second emprunt pour terminer le chemin de fer. Je demande donc qu’une somme soit portée au budget des dépenses pour couvrir les frais d’entretien.

M. Gendebien. - Je ne comprends pas la difficulté qu’éprouve M. le ministre à établir les dépenses d’exploitation. Il a dit qu’il y avait confusion entre les frais d’exploitation et les dépenses de construction. Cependant si, comme je le pense, tout ce qui est construction se fait par entreprise, rien n’est plus facile que de faire le compte de l’exploitation et le compte de la construction. Faites un compte des mandats que vous remettez à l’entrepreneur, et chargez le compte d’exploitation et d’entretien des autres dépenses. Je ne sais si les choses se passent ainsi, du moins cela devrait être, et alors rien ne serait plus facile que d’établir les comptes de construction et d’exploitation séparément.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai déjà dit que cette distinction se faisait autant que possible, mais que dans certains cas il y avait confusion ; les employés qui surveillent la construction surveillaient aussi l’entretien. Il est un autre point où il y a encore plus de contact, c’est en ce qui concerne le service du matériel d’exploitation. Ici il y a des dépenses qui tiennent en même temps à l’établissement et à l’entretien. L’atelier est qualifié d’atelier de construction et de réparation ; cette seule qualification indique qu’il y a contact entre la construction et la réparation.

En ce qui concerne le mode d’opérer la recette, les difficultés dont a parlé M. Jadot ont été présentées quand le département de l’intérieur a été chargé de l’exploitation ; mais il a été démontré que les rapports entre le service des recettes et l’administration du chemin étaient tellement fréquents, que si les employés n’étaient pas sous la direction du département de l’intérieur, on serait exposé à tout moment à des conflits qu’il faut prévenir dans un service qui doit être aussi simple que rapide.

M. Gendebien. - M. le ministre vient de vous présenter, comme une des difficultés que présentait la séparation des dépenses de construction et de réparation, la désignation d’atelier de construction et de réparation que portait un établissement. Comme toutes les constructions se font par entreprise, comment peut-il se faire qu’il y ait un atelier de construction ? Ce ne pourrait être que pour les locomoteurs ; mais je ne pense pas qu’on les fasse dans ces ateliers ; on y fait tout au plus les réparations. Si cela se faisait, on pourrait porter au débet la dépense faite pour la machine, et à l’avoir la machine elle-même. Tout le reste rentre dans les dépenses d’exploitation.

Pour les employés, dit-on, ils sont employés à la surveillance de l’exploitation et de la construction. Qu’on fasse un compte dans lequel on suppute en argent le temps donné à la surveillance des constructions et celui donné à la surveillance de l’exploitation, on aura un compte qui ne sera exact qu’à quelques mille francs près ; mais vous aurez un compte approximatif.

Je ne fais pas un reproche au ministre de n’avoir pas suivi cette marche ; car, dans le dédale d’une affaire nouvelle, je conçois que cela eût été difficile ; mais pour l’an prochain, il peut très bien le faire.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Ce que l’honorable membre demande existe. Qu’il jette les yeux sur les comptes du 1er août 1835, il verra qu’ils sont établis comme il le demande, aussi approximativement que possible. Mais ce que j’ai dit n’en existe pas moins.

J’ai dit qu’il y avait des dépenses qui avaient une telle connexité, que si on établissait au budget des dépenses un article pour les dépenses d’entretien, dans plusieurs cas on serait vraiment embarrassé vis-à-vis de la cour des comptes, pour déterminer si la dépense concerne l’entretien ou la construction. Voilà la seule chose que j’aie dite.

Quant aux ateliers, il est vrai qu’on n’y construit pas les machines à vapeur ; mais c’est là qu’on les monte, qu’on les dispose pour les mettre en usage. Là aussi l’on répare et l’on construit un bon nombre de voitures de transport.

M. Gendebien. - Je ne veux pas insister, parce que le temps nous presse. Je me réserve de faire mes observations lorsque nous arriverons au budget des dépenses. Je pense, avec l’honorable M. Verdussen, qu’il faut porter au budget des dépenses toutes les dépenses faites n’importe à quel titre.

M. Devaux. - Il me semble qu’il faut toujours accueillir l’observation de l’honorable M. Verdussen, en ce sens que l’on ne peut considérer les dépenses d’entretien de la route en fer comme dépenses de constructions de route.

La loi du 1er mai 1834 porte à l’art. 5 que « les produits des péages sont consacrés à l’intérêt et à l’amortissement de l’emprunt et aux dépenses d’entretien. » Ainsi les dépenses d’entretien doivent figurer au budget ordinaire. Que l’on y porte un article ainsi conçu : « Dépenses ordinaires du chemin de fer » ou tout autre libellé équivalent. Peu importe ensuite que l’on fasse figurer à ce titre des dépenses relatives aussi à la construction de la route. Mais cette marche est indispensable pour l’observation de la loi, pour la régularité de la comptabilité et pour qu’il n’y ait pas de déficit ; car si vous mettez les dépenses d’entretien à la charge de l’emprunt, l’emprunt ne suffira pas, il y aura déficit. Je voudrais donc que les dépenses d’entretien figurassent au budget des dépenses. Les observations de M. Verdussen éclairent la question, que nous résoudrons au budget de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Ces observations sont très justes, et dans la réalité nous nous y conformons. Ainsi M. le ministre des finances a annoncé dans l’exposé des motifs du budget que les recettes étaient au-dessus des dépenses ordinaires. De telle manière que les 500.000 fr. de dépenses se trouvent compris dans le budget des voies et moyens, et qu’il n’y aura pas de déficit.

M. le président. - M. Verdussen retire-t-il son amendement ?

M. Verdussen. - Oui, M. le président, sauf à le reproduire au budget des dépenses.

- L’article « Produits du chemin de fer : fr. 1,500,000. » est mis aux voix et adopté.


« Remboursement d’avances faites aux ateliers des prisons pour achat de matières premières : fr. 1,000,000. »

- Adopté.


« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, vente de vieux effets) : fr. 34,000. »

- Adopté.


« Recouvrement d’une partie des avances faites aux corps de l’armée pour masse d’habillement et d’entretien : fr. 200,000. »

- Adopté.


M. le président. - La chambre est arrivée à l’article :

« Intérêts de l’encaisse de l’ancien caissier général, sans préjudice aux droits envers le même caissier don il est fait réserve expresse : fr. 670,000. »

La section centrale propose de n’admettre l’article que pour mémoire, c’est-à-dire qu’elle propose l’ajournement.

- La chambre consultée adopte l’ajournement de l’article.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît qu’on pourrait sans inconvénient laisser le chiffre dans le budget ainsi qu’on l’a fait pour le budget de 1835 ; car cela ne préjuge en rien la question.

Je déclare toutefois que je ne veux pas soulever une discussion à cet égard, et que si ma proposition rencontre de l’opposition, je la retirerai.

Mais, je le répète, pourquoi ne ferait-on pas en 1837 ce qu’on a fait en 1835 ?

Au reste, je n’ai en faisant cette proposition d’autre but que de mieux présenter la situation réelle des revenus et des dépenses. C’est une simple motion de comptabilité que je vous soumets.

M. Fallon. - L’an dernier on a fait une proposition analogue à celle que fait maintenant le ministre. Elle fut adoptée, je ne me rappelle plus en quels termes ; il faudrait le vérifier.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce sont les mêmes termes que je propose.

M. Jadot. - Je crois qu’il vaudrait mieux s’abstenir de rien porter au budget des voies et moyens, parce que l’insertion proposée pourrait être considérée comme un assentiment donné à la convention passée avec la société générale.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai remarquer que si l’adoption du libellé proposé portait préjudice aux droits de la chambre, ce résultat serait déjà consacré, puisqu’elle a adopté le même libellé dans le budget de 1835. Ainsi, comme il est évident que la chambre n’a pas alors compromis son droit, elle ne l’abandonnera pas davantage en adoptant la même disposition dans le budget de 1837.

Je n’ai d’autre but dans ma proposition que de faire voir au pays notre véritable situation, et de porter ostensiblement le chiffre des voies et moyens qui sont réellement à notre, à la hauteur de celui de nos dépenses.

M. le président donne lecture du texte du budget de l’exercice 1835, lequel est conforme à la proposition de M. le ministre des finances.

M. Doignon. - Je ferai remarquer à la chambre que la proposition du ministre des finances a reçu une solution, car la chambre a prononcé l’ajournement qu’avait proposé la section centrale.

M. le président. - Ce serait une question de règlement ; car, aux termes de l’article 45 du règlement, les amendements sont soumis à un deuxième vote. Ainsi la chambre statuera au deuxième vote sur la proposition de M. le ministre des finances.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère des finances

Dépôt

M. le ministre des finances (M. d'Huart) présente un projet de loi de crédit provisoire de 1,500,000 fr. pour payer les traitements des fonctionnaires et employés de ce département, jusqu’à ce que le budget des finances puisse être discuté et voté.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi et le renvoi à l’examen de la section centrale chargée de l’examen du budget de finances.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1837

Discussion du tableau des crédits

Trésor public

Les articles suivants, qui terminent le tableau joint au budget, sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion.

(Remarque du webmaster : le Moniteur néglige toute une série d’articles. Les données qui suivent sont extraites de la Pasinomie, 1836, p. 305)

« Produit de l’emploi des fonds de cautionnements et de consignation : fr. 125,000. »


« Recettes diverses, y compris les remboursements d’avances faites à des provinces et à des communes : fr. 150,000. »


« Abonnements au Moniteur et au Bulletin officiel : fr. 53,000. »


« Produits des brevets d’invention : fr. 16,000. »


« Produit des diplômes des artistes vétérinaires : fr. 1,200. »


« Produit des établissements modèles pour la culture du mûrier et l’éducation des vers à soie : fr. 5,000. »


« Produit des examens : fr. 80,000. »

(Fin de la remarque.)

Recettes pour ordre

« Produit des amendes, saisies et confiscations opérées par l’administration des contributions : fr. 120,000. »


« Cautionnements versés par les comptables de l’Etat : fr. 80,000. »


« Expertise de la contribution personnelle : fr. 40,000. »


« Produits d’ouverture : fr. 14,000. »


Fonds de dépôt

« Consignations : fr. 50,000. »

Vote des articles

Articles 1 à 4

M. le président. - Nous allons passer au vote des articles.

« Art. 1er. Les impôts directs et indirects existant au 31 décembre 1836, en principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, tant pour le fonds de non-valeurs qu’au profit de l’Etat, des provinces et des communes, continueront à être recouvrés pendant l’année 1837, d’après les lois et tarifs qui en règlent l’assiette et la perception, sauf les modifications ci-après :

« 1° Le principal du droit de patente sera perçu intégralement ;

« 2° Les 26 centimes additionnels (ordinaires) à ce droit sont supprimés ;

« 3° Les rétributions du poinçonnage des poids et mesures perçues conformément aux arrêtés des 18 décembre 1839 (J. O., n°58), 20 décembre 1821 (J. O., n°24), 21 décembre 1822 (J.O., n°54), 11 février 1823 (J. O., n°2), 27 octobre 1827 (J. O., n°46) et 22 mars 1829 (J. O., n°5), confirmés par la loi du 29 décembre 1831 (J. O. n°360), sont également supprimées. »

- Adopté.


« Art. 2. D’après les dispositions qui précèdent, le budget des recettes de l’Etat pour l’exercice de 1837 est évalué à la somme de …, et les recettes pour ordre à celle de deux cent cinquante-quatre mille francs (254,000 fr.), le tout conformément au tableau ci-annexé. »

M. Jadot., rapporteur. - Lors de la discussion du paragraphe relatif à l’établissement de Seraing, il a été dit qu’on le diminuerait de 100,000 fr. ; ainsi, on ne saurait conserver dans l’article 2 le chiffre posé par le gouvernement.

M. le président. - On laisse le chiffre en blanc dans l’art. 2.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il ne peut y avoir aucun doute sur les intentions de la chambre ; l’art. 2 est le résumé du tableau, où sera défalqué le chiffre pour Seraing.

- L’art. 2 est mis aux voix et adopté.


« Art. 3. Pour faciliter le service du trésor pendant le même exercice, le gouvernement pourra, à mesure de besoins de l’Etat, renouveler et maintenir en circulation les bons du trésor dont la création a été autorisée par la loi du 16 février 1835, mais seulement jusqu’à concurrence de douze millions de francs. »

- Adopté.


« Art. 4. La présente loi sera obligatoire au 1er janvier 1837. »

- Adopté.

Second vote des articles

M. le président. - Quand la chambre veut-elle procéder au second vote sur le budget des voies et moyens ?

Plusieurs membres. - De suite ! de suite !

D’autres membres. - Demain ! demain !

- La chambre, consultée, par assis et levé, décide qu’elle va passer immédiatement au vote définitif du budget des recettes.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Vous allez passer au vote définitif ; cependant je crois devoir vous rappeler qu’avant de vous séparer vous avez encore à vous occuper de la loi sur le contingent de l’armée et de lois relatives à des crédits provisoires pour la guerre et les finances, et qu’ainsi vous devez être en nombre demain.


M. le président. - Trois amendements seulement ont admis ; nous allons les rappeler à la chambre ; il n’y a pas lieu à discussion sur les paragraphes admis sans modifications.

« Intérêt de l’encaisse de l’ancien caissier-général sous réserve d’autres droits : fr. 670,000. »

Telle était la rédaction de ce paragraphe dans le projet du gouvernement. La chambre n’a admis le paragraphe que pour mémoire.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je désirerais que la chambre adopte le paragraphe sous la même réserve qu’en 1835. Il est convenable de faire figurer toutes les recettes au budget. Or, quoi qu’il advienne de la convention avec la banque, on est assuré de la rentrée de la somme de 670,000 fr.

M. Dubus. - Il faut porter cet article au tableau pour mémoire, comme on a fait pour l’année 1836 ; sans quoi il faudrait trouver une cause à ce changement. On allègue ce qui s’est passé en 1835 ; mais la question se présente actuellement sous une autre forme, et il ne faut pas que votre vote puisse être invoqué comme consacrant une convention quelconque. Si vous portiez 670,000 fr. au budget, comme cette somme ne représente que l’intérêt d’une année, au moyen de cet intérêt on retrouverait facilement le capital et par conséquent l’exécution ou la ratification de la convention ; et précisément vous ne voulez pas exécuter cette convention. Le véritable parti à prendre est donc de porter le paragraphe pour mémoire.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’année dernière l’article avait été porté simplement pour mémoire ; on pensait que la question relative à la banque serait discutée dans le courant de la session ; mais, entraînée, par d’autres lois très urgentes, la chambre n’a pu s’en occuper. Cette année nous avons porté le chiffre au tableau pour satisfaire plus exactement à la constitution, qui veut que toutes les recettes soient insérées aux budget : en adoptant ce chiffre avec réserve, comme en 1835, vous opérerez plus régulièrement et n’affaiblirez aucun droit.

M. Fallon. - Je demanderai au ministre qu’il ait la complaisance de nous dire sur quel capital il a calculé cette somme de 670,000 fr. ; est-ce sur le montant de l’encaisse, tel que la commission l’a déterminé dans son rapport, ou sur le montant des obligations déposées à la banque ? Dans ce dernier cas le vote du chiffre pourrait compromettre les intérêts de l’Etat.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est sur le capital des obligations belges achetées au moyen des sommes qui formaient l’ancien encaisse que les intérêts ont été calculés.

M. Fallon. - Alors vous voyez, messieurs, que nous ne pouvons pas voter le chiffre.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Du moment qu’il y a des difficultés, je n’insisterai pas pour l’admission du chiffre ; cependant il faut avouer que si, en l’admettant, vous perdiez aujourd’hui vos droits, vous les auriez également perdus en 1835. Mais, pour éviter toute difficulté, je retire le chiffre que j’avais proposé ; on saura suffisamment que nous avons la somme dont il s’agit à notre disposition.

M. Fallon entre dans quelques détails pour prouver que la section centrale, en proposant d’écarter le chiffre, a été conséquente avec le vote que la chambre a émis en 1285.

- M. le ministre des finances ayant retiré sa proposition, la chambre maintient sa première résolution, en ce qui concerne l’ajournement du chiffre.


M. Gendebien. - Messieurs, nous nous sommes occupés de la question des sucres, transitoirement, il est vrai, mais assez longtemps cependant pour que chacun de nous puisse en apprécier l’importance. Nous avons ajourné toute discussion relative à une loi définitive sur la matière. J’aime à croire que nous avons agi prudemment ; mais il me semble qu’il est indispensable de prendre une mesure transitoire qui ne préjuge rien, mais qui évite que le mal, qui existe aux yeux de l’immense majorité de la chambre, se perpétue.

Si vous ne votez pas une disposition législative qui déclare qu’à partir du 1er janvier 1837, la prise en charge ne donnera plus lieu à aucune restitution de droit, il en résultera selon moi de graves difficultés, et je suis persuadé que tous ceux qui réclameront la restitution en raison de la prise en charge obtiendront gain de cause devant tous les tribunaux. Et en supposant même qu’il y ait doute à cet égard, il importe encore de l’éviter ; car le doute enfante des procès, et il faut éviter autant que possible les procès.

Que M. le ministre nous présente donc un projet de loi qui stipule qu’à dater du 1er janvier 1837, la prise en charge à l’entrée du sucre ne donnera droit qu’à la restitution qui sera déterminée par la loi à intervenir dans le courant de 1837. Vous avez pris l’engagement de vous occuper de cet objet dès votre rentrée ; d’un autre côté vous avez reconnu qu’il faudrait au moins trois mois à partir du 1er janvier avant que la mesure à prendre puisse être exécutable : eh bien, messieurs, pendant les trois premiers mois de l’année 1837 on peut, dans la prévision de la loi qui sera faite, faire entrer une telle masse de sucres en charge, que pendant toute l’année cette loi n’ait aucun résultat. J’adjure donc M. le ministre des finances de formuler, d’ici à demain (puisque le temps presse, sans cela, je ne lui fixerais pas un terme), un projet de loi transitoire dans le sens que je viens d’indiquer.

M. Dumortier. - On a signalé comme une des principales causes du préjudice que subit le trésor public par les restitutions de droits dont il s’agit, le refus que font les tribunaux de reconnaître l’instruction de 1830 comme ayant force de loi ; d’un autre côté on a dit que la loi sur les sucres ne pourra pas être exécutée avant le 1er avril prochain : pour ces motifs j’aurais désiré qu’on insérât dans le budget une disposition portant que, jusqu’à la révision de la loi sur les sucres, la circulaire dont il est question aura force de loi. En attendant, nous aurons le temps de voir si réellement la perte subie par le trésor doit être attribuée à la caisse dont j’ai parlé plus haut. Je demanderai à M. le ministre des finances si quelque chose s’oppose à ce que la disposition que je viens d’indiquer soit insérée dans le budget.

M. Jadot. - M. le ministre des finances n’a pas répondu à la demande qui lui a été faite par l’honorable M. Gendebien. Nous ne pouvons pas le forcer à répondre : quoi qu’il en soit, je pense que nous atteindrions peut-être le but que se proposent les honorables membres qui viennent de parler, si M. le ministre voulait prescrire aux employés de se conformer à l’instruction dont il s’agit, an risque de soutenir les procès qui pourraient en résulter.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous les perdrions !

- Le chiffre total du budget des voies et moyens est mis aux voix et adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l’ensemble de la loi.

Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 54 membres qui ont pris part au vote.

Quatre membres se sont abstenus (MM. F. de Mérode, Dumortier, Gendebien et Willmar).

Ont voté l’adoption : MM. Berger, Goblet, Coghen, Lehoye, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Foere, de Longrée, de Meer de Moorsel, de Nef, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus. Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lardinois, Legrelle, Lejeune, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel Nothomb, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Van Hoobrouck, Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Zoude et Raikem,

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. F. de Mérode. - Je me suis abstenu, parce que je pense que les sommes portées au budget des voies et moyens sont insuffisantes pour les dépenses que nous aurons à faire dans le courant de l’année 1837. Déjà l’année dernière, j’avais proposé une augmentation ; mais cette demande n’a pas eu de succès et je n’espère pas réussir davantage cette année,

Au reste, je dirai que je suis bien aisé d’avoir fait cette proposition en 1835 ; et quand nous discuterons le budget des dépenses, on se convaincra que c’est avec raison que j’ai prétendu que les sommes portées au budget des voies et moyens n’étaient pas suffisantes.

M. Dumortier. - Mon intention était de voter pour le budget des voies et moyens ; mais la chambre ayant ajourné l’examen de l’impôt sur les sucres, qui devrait rapporter 4 millions au trésor public, j’ai cru devoir m’abstenir,

M. Gendebien. - Messieurs, je n’ai pas voulu voter contre le budget des voies et moyens, parce qu’il n’existe aucune circonstance grave qui puisse en motiver le rejet. Je n’ai pas voulu voter pour, parce que le budget renferme des impôts que je ne puis approuver.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, je me suis abstenu, parce que je n’ai pas assisté à la discussion, pendant une partie de laquelle je n’étais pas même membre de la chambre.


M. le président. - La commission chargée de l’examen de la convention passée avec la société Cockerill se compose de MM. Lehoye, de Behr, Dequesne, Dubus aîné, Demonceau, Scheyven et Thienpont.

Celle qui doit examiner la convention relative à la mine de la vieille montagne est composée de MM. Milcamps, Kervyn, Liedts, Zoude, Heptia, Desmanet de Biesme et Coppieters.

- La séance est levée à cinq heures.