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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 12 février 1836

(Moniteur belge n°46, du 15 février 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal

M. Verdussen fait l’appel nominal à midi et demi.

Lecture du procès-verbal

M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier.

M. Dubus. - Comme je n’ai pas pu suivre la lecture du procès-verbal, je demanderai s’il y est fait mention que la clôture n’a été prononcée que sur la question de priorité et ensuite que M. le président a déclaré la discussion ouverte sur la proposition qui a obtenu la priorité.

M. le président. - Il va être donné une nouvelle lecture du procès-verbal.

M. Schaetzen donne cette lecture.

M. Dubus. - Il y a quelque chose d’omis dans le procès-verbal et quelque chose qui n’est pas assez explicite. Je me rappelle très bien qu’après que la priorité a été accordée à la proposition de M. le ministre de l’intérieur, M. le président a déclaré la discussion ouverte sur cette question. L’honorable M. Liedts a déposé alors un amendement. La clôture a été réclamée ensuite avant qu’aucun orateur ait été entendu dans cette discussion. Cependant le procès-verbal dit qu’après un débat la clôture aurait été demandée. Autant que j’ai pu comprendre ce qui s’est passé, la discussion sur la question n’a pas été ouverte, le débat qui a eu lieu n’a porté que sur des faits personnels et non sur la question.

Je pense qu’il faudrait mentionner dans le procès-verbal que M. le président a déclaré la discussion ouverte sur la proposition du ministre de l’intérieur et que le débat qui a eu lieu ne portait que sur des faits personnels.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il n’y a pas seulement eu un débat sur un fait personnel, comme le dit l’honorable préopinant, car lui-même a fait sur ma proposition diverses observations et m’a adressé diverses interpellations auxquelles j’ai répondu.

M. Dubus. - Ce que M. le ministre appelle diverses observations n’était qu’une motion d’ordre pour obtenir des explications de M. le ministre de l’intérieur. C’était tellement une motion d’ordre que, quand j’ai voulu entrer dans le fond de la discussion, un orateur a demandé un rappel au règlement pour réclamer la parole comme étant inscrit avant moi.

M. le président. - Voici la proposition de M. Dubus :

« Je demande qu’il soit fait mention au procès-verbal :

« 1° que M. le président a déclaré la discussion ouverte sur la proposition du ministre de l’intérieur ;

« 2° que le débat qui a eu lieu après a porté sur une demande d’explications et un rappel au règlement. »

M. Gendebien. - Le membre qui présidait hier devrait occuper le fauteuil. Il peut seul expliquer ce qu’il a fait.

M. le président. - Sans reconnaître la nécessité de quitter le fauteuil, pour éviter sur ce point toute discussion, j’invite M. Coppieters à venir l’occuper.

- M. Coppieters remplace M. Raikem au fauteuil.

M. Schaetzen. - M. Dubus, par la première partie de sa proposition, demande qu’il soit inséré dans le procès-verbal que M. le président a déclaré la discussion ouverte sur la question à laquelle la priorité avait été accordée.

Je pense que cela se trouve dans le procès-verbal, puisqu’il porte qu’il y a eu discussion, que non seulement il y a eu discussion, mais qu’un amendement a été proposé, qui a été plus ou moins discuté, et que le ministre de l’intérieur a fini par s’y rallier. De là résulte bien que la discussion a été ouverte.

La seconde proposition de M. Dubus tend à ajouter aux expressions « après un débat, » celles-ci : « sur une demande d’explications et un rappel au règlement. »

Il faudrait savoir ce que l’honorable membre entend par débat. S’il entend qu’il y a débat chaque fois qu’on parle sur une proposition, les uns dans un sens, les autres dans un autre, il y a eu débat et débat réel, puisque la proposition a été modifiée, et qu’ensuite on a demande par appel nominal la clôture de la discussion.

Tout ceci se trouve dans le procès-verbal. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’y ajouter quelque chose. Le procès-verbal suffit pour qu’on se rende compte de ce qui s’est passé.

Je ne tiens pas à la rédaction du procès-verbal, mais j’ai cru devoir donner ces explications.

La chambre prononcera.

M. Dubus. - M. le secrétaire vient d’expliquer qu’il résulte de la rédaction du procès-verbal que non seulement la discussion avait été ouverte, mais qu’elle avait eu lieu, puisqu’un amendement avait été déposé et discuté. Qu’un amendement a été déposé oui, mais discuté non.

Un honorable membre a déposé un amendement, mais ne l’a pas développé ; il s’est borné à demander si le ministre se ralliait à sa proposition. Le ministre a répondu qu’il faisait sienne cette proposition. Voilà tout ce qu’il y a eu.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable auteur de l’amendement a été invité à développer sa proposition. Il a répondu que tout développement serait inutile si sa pensée était la même que la mienne. Sur quoi j’ai déclaré que nous étions d’accord et que je faisais mienne la rédaction de l’honorable membre. (Aux voix ! aux voix !)

- Les deux rectifications proposées par M. Dubus sont successivement mises aux voix et rejetées.

En conséquence le procès-verbal est adopté tel qu’il est rédigé.

M. Verdussen donne lecture de l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Des habitants de la commune de Gaurain-Ramecroix (Hainaut) demandent le maintien des libertés communales. »


« Des tanneurs de Dinant demandent l’accession de la Belgique au système des douanes allemandes, pour le cas où un traité commercial ne serait pas conclu avec la France. »


« Les sieurs Dubois et Questray, marchands de liqueurs distillées à Furnes, réclament contre une décision prise à leur égard par l’administration des douanes qui applique à la ville de Furnes la disposition de l’art. 77 de la loi générale de 1822. »


« La régence de la ville d’Eccloo demande la construction d’une route passé d’Eecloo à Thielt par les communes d’Aeltre et de Ruysselède. »


Un message du sénat informe la chambre qu’il a adopté le budget du département de la guerre pour l’exercice 1836, ainsi que le projet de loi accordant un crédit provisoire au ministère des finances pour le même exercice.


M. Dubois. - Messieurs, vous avez déjà appris par une pétition qui vous a été adressée hier que les employés du ministère des finances avaient cru devoir appliquer l’article 71 de la loi de douane autrement qu’elle ne l’avait été jusqu’aujourd’hui. Je demande que la pétition des négociants de Fumes soit renvoyée au ministre des finances comme vous l’avez fait hier à l’égard de la pétition des négociants de Sittard. Je demanderai en outre que M. le ministre des finances veuille dès à présent s’occuper de remédier au mal que les employés des finances ont pu causer à ces négociants, par l’application brusque et sans avertissement de mesures qui n’étaient pas exécutées auparavant. Ces affaires sont maintenant devant les tribunaux. Pour peu que cela dure les négociants qui sont sur les frontières subiront de grands préjudices.

M. Legrelle. - Je ne m’oppose pas à ce que la pétition dont il s’agit soit renvoyée à M. le ministre des finances ; mais je pense que là doit se borner la décision de la chambre. Nous ne pouvons pas faire au ministre d’invitation de remédier à des abus que nous ne connaissons pas. Autre chose est de renvoyer une pétition à un ministre, et de statuer sur le contenu de cette pétition, sans l’avoir soumise à un examen. Ce serait un précédent fâcheux, et j’engage à l’honorable membre à se borner à demander le renvoi au ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Vous vous rappelez, messieurs, que lors du dernier rapport de pétitions, la commission en vous faisant un rapport raisonné sur la pétition des négociants de Sittard, a reconnu que l’administration des finances n’avait fait qu’appliquer l’article 77 de la loi générale tel qu’il devait être compris.

La pétition des réclamants n’a donc pas été renvoyée au ministre des finances comme dénonçant un abus, mais dans le seul but de voir si on ne pourrait pas diminuer autant que possible les préjudices occasionnés aux négociants que la mesure avait atteints, parce qu’elle avait été mis à exécution alors que précédemment on ne l’appliquait pas dans toute sa rigueur. Si c’est dans ce sens que l’honorable M. Dubois demande que la pétition des négociants de Fumes soit renvoyée au département des finances, je n’y verrai pas d’inconvénient. Je ferai pour eux ce qui pourra être fait pour les négociants de Sittard.

- Le renvoi au ministre de finances proposé par Dubois est adopté.


M. Lejeune. - Parmi les pétitions dont on vient de faire l’analyse, il en est une de la régence de la ville d’Eecloo, qui a le même objet que celle (erratum inséré au Moniteur belge n°49, du 19 février 1836 :) de la régence de la ville de Thuin. Cette dernière pétition a été envoyée à la commission des travaux publics, avec invitation de faire un rapport avant la discussion du budget de l’intérieur. Je demande que la pétition de la régence d’Eecloo soit aussi renvoyée à cette commission et comprise dans le même rapport.

M. Verdussen. - Je ferai remarquer que déjà hier un renvoi semblable a été proposé, mais que M. Fallon a fait observer que cette commission avait terminé ses travaux et qu’elle n’existait plus que pour soutenir son rapport. Dans cet état de choses la chambre a ordonné l’insertion au Moniteur. Peut-être M. Lejeune fera-t-il maintenant la même demande pour la pétition d’Eecloo ?

M. Lejeune. - Hier il ne s’agissait que du canal de Zelzaete quand M. Fallon a dit que les travaux de la commission étaient terminés ; mais la commission était chargée en outre d’examiner un système de routes. Si elle n’a pas terminé son travail à cet égard, je demande que la pétition de la régence d’Eecloo lui soit renvoyée.

M. Fallon. - La commission des travaux publics a terminé son travail non seulement en ce qui concerne le canal de Zelzaete, mais aussi quant au système de routes. Le rapport sera fait sous peu sur le tout, et la pétition dont il s’agit ne pourra y être comprise.

- La chambre ordonne l’impression au Moniteur de la pétition de la régence de la ville d’Eecloo.


M. Pirson. - Parmi les pétitions dont on vient de vous faire l’analyse, il en est une des tanneurs de Dinant qui demandent que l’assemblée examine la question de savoir s’il ne serait pas avantageux pour la Belgique de se réunir à l’association des douanes allemandes. Déjà plusieurs pétitions ayant le même objet ont été renvoyées à la commission d’industrie. Je demande que vous preniez la même décision, à l’égard de la pétition des tanneurs de Dinant.

M. Lebeau. - Il me semble que la chambre s’engage dans une voie tout à fait contraire à son règlement, et qui est de nature à absorber une grande partie de nos séances. D’après le règlement, un jour est consacré au rapport des pétitions ; une commission spéciale est chargée d’examiner les pétitions, d’en faire le rapport et de présenter des conclusions.

Par un renvoi direct d’une pétition sans la faire passer par l’intermédiaire de la commission, la chambre s’expose à prononcer sans aucune connaissance de cause. Il ne suffit pas qu’un de MM. les secrétaires nous fasse une analyse très succincte d’une pétition, pour que la chambre puisse prendre des conclusions motivées pour déroger à l’ordre établi par notre règlement, c’est quand il y a urgence, quand la chambre est saisie d’une discussion et que le rapport sur la pétition ou la lecture de la pétition peut jeter de la lumière sur la discussion.

Sous peine de rayer l’article de notre règlement qui veut que la chambre ne prononce à l’égard des pétitions qui sur un rapport et des conclusions motivées de sa commission des pétitions, vous devez écarter toutes les demandes de renvoi direct, hors le cas d’urgence.

Ce serait d’ailleurs attenter aux droits de la chambre que de renvoyer directement et sans examen les pétitions aux divers départements qu’elles concernent ; ce serait soustraire à la chambre l’examen des abus que signalaient ces pétitions et la faire prononcer en aveugle. C’est pour prévenir de semblables inconvénients, qu’on a établi cette règle, que la chambre ne prononcerait à l’égard d’une pétition que sur un rapport et les conclusions de la commission nommée à cet effet. Je ne conçois, je le répète, qu’une exception à cette règle : c’est l’urgence. Par exemple, si une pétition est relative à la loi communale, que nous discutons, qu’on en ordonne la lecture, l’insertion au Moniteur ou le renvoi à la section centrale chargée d’examiner la loi. Hors de là, je demande l’exécution du règlement et le renvoi pur et simple à la commission des pétitions.

M. Pirson. - L’honorable préopinant a parfaitement raison en thèse générale. Mais il ne s’agit pas ici d’un renvoi à un ministre pour influencer son opinion. L’assemblée n’a dérogé a règlement que pour les pétitions concernant les travaux publics, dont la commission spéciale n’était pas tout à fait dissoute, d’après ce que nous a dit l’honorable M. Fallon.

Quant à la pétition des tanneurs de Dinant, j’en ai demandé le renvoi direct à la commission d’industrie parce qu’on en avait agi ainsi à l’égard de toutes les pétitions ayant le même objet. Je ne pense pas que la chambre juge à propos de revenir sur ses antécédents à cet égard.

- Le renvoi proposé par M. Pirson est ordonné.


Conformément à une décision antérieure de la chambre, la pétition des habitants de la commune de Gaurain-Ramecroix (Hainaut), qui demandent le maintien des libertés communales, restera déposée sur le bureau.

M. Dumortier. - J’ai l’honneur de déposer sur le bureau vingt pétitions réclamant le maintien des libertés communales. Elles sont toutes signées par un grand nombre de citoyens.

« Une pétition de Louvain demande que le bourgmestre soit nommé parmi les élus du peuple et que les autres nominations soient laissées au peuple. »

« Un pétition de Perwelz demande qu’on conserve au peuple l’élection des bourgmestre et échevins. »

« Une pétition de Braffe demande qu’on laisse aux électeurs la nomination de chefs des administrations communales. »

« Une pétition de Roucourt fait la même demande. »

« Une pétition d’Alost demande l’élection directe des bourgmestre et échevins par le peuple. »

« Une pétition de Leuze demande le maintien de l’élection directe des bourgmestres et échevins. »

« Une pétition d’Houffalise demande qu’on laisse au peuple seul le choix de ses bourgmestres et échevins. »

« Une pétition de Bastogne demande le maintien de l’élection directe des bourgmestres et échevins. »

« Une pétition de Boisfort réclame le maintien des libertés communales et au moins la nomination par le peuple des magistrats autres que le bourgmestre. »

« Une autre pétition de Hans-sur-Heure demande qu’on n’accorde au Roi que la nomination du bourgmestre et sur présentation de candidats. »

« Une pétition d’Abres demande qu’on restitue au peuple l’élection des bourgmestres et échevins. »

« Une pétition d’Ardoye (près Roulers) réclame de nouveau le maintien des libertés communales. »

« Une pétition de Mevergnies demande le maintien de l’élection directe des bourgmestre et échevins. »

« Une pétition de Calvelle proteste contre le projet d’enlever au peuple la nomination de ses magistrats. »

« Une pétition de Spienne, même protestation. »

« Une pétition de Humaide, même protestation. »

« Une pétition d’Ath, même protestation. »

« Une pétition de Bruxelles réclame le maintien de l’élection directe. »

« Une pétition de Thuin proteste contre la violation des libertés communales. »

« Une pétition sans désignation de localité demande l’élection directe des bourgmestres et échevins. »

Je demande que toutes ces pétitions soient déposées sur le bureau pendant la durée de la discussion de la loi communale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai demandé la parole pour faire observer que ces pétitions auraient dû être adressées au bureau et portées à la connaissance de la chambre par un de MM. les secrétaires.

Telle était la marche régulière. Je suis bien aise cependant que l’honorable membre nous ait communiqué les pétitions qui lui étaient parvenues.

M. Desmet. - Parmi les pétitions déposées par l’honorable M. Dumortier, il en est une d’Alost. Je lui demanderai quelle en est la date.

Plusieurs membres. - Elles sont déposées sur le bureau, vous pourrez le voir.

M. Desmet. - Je dois déclarer que j’ai reçu des lettres d’un grand nombre d’habitants d’Alost qui approuvent ma proposition. C’est même à l’instigation d’un grand nombre d’habitants du district que j’ai fait cette proposition.

- La chambre consultée décide que les pétitions communiquées par M. Dumortier resteront déposées sur le bureau pendant la discussion de la loi communale.

Projet de loi communale

Motions d'ordre

M. le président. - Hier on a demandé la clôture de la discussion sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Une épreuve a été faite, il s’agit de la recommencer.

Plusieurs membres. - Non ! non !

D’autres membres. - Si ! si !

M. Nothomb. - Il y a eu épreuve.

M. Liedts. - La chambre n’est constituée et ne peut prendre de résolution que quand elle est en majorité. Je crois donc pouvoir dire qu’on n’avait pas le droit de faire une épreuve hier sur la demande de clôture alors que la chambre n’était plus en nombre suffisant pour délibérer. J’ai donc maintenant le droit, aux termes du règlement, de m’expliquer sur la demande de clôture.

Je demande si la clôture qu’on réclame embrasserait les deux membres de la proposition du ministre de l’intérieur de manière qu’après avoir décidé si les échevins participaient collectivement avec le bourgmestre à l’exécution des lois d’intérêt général, vous voteriez immédiatement et sans discussion sur le point de savoir si le Roi nommera les échevins.

Messieurs, j’en appelle à votre souvenir, à votre loyauté : lorsque la discussion générale a été close, un membre a demandé si la discussion serait ouverte sur les articles. Si je n’ai pas demandé la parole pendant la discussion, c’est parce que je croyais avoir l’occasion d’exprimer mon opinion quand on mettrait les articles en délibération. Vous me rendrez cette justice que je n’ai pas l’habitude d’abuser des moments de la chambre.

En effet, voilà trois ans qu’on discute le projet de loi relatif à l’organisation communale, en aucune circonstance je n’ai pris la parole ; aujourd’hui je tiens à faire connaître ma pensée ; et si on veut absolument clore la discussion, il faudra que je saisisse une autre occasion pour pouvoir parler, et ce ne sera pas difficile. Si vous voulez m’entendre, je ne demande que quelques minutes.

M. Nothomb. - Messieurs, dix membres ont demandé hier la clôture ; 45 membres en ont voté l’adoption, Il s’agit de savoir si les dix membres qui l’ont demandée et si les 45 membres qui l’ont votée se désisteront de leur demande et de leur vote ; c’est dans cette situation que la question se présente par suite de la retraite de plusieurs membres à la fin de la dernière séance. J’en appelle à vos souvenirs, j’en appelle à votre fermeté, j’en appelle à votre dignité. Il s’agit de savoir si nous demanderons aujourd’hui ce que nous demandions hier, si nous adopterons aujourd’hui ce que nous avons adopté hier.

M. d'Hoffschmidt. - Je ne crois pas que l’on puisse considérer comme une épreuve ce qui s’est passé hier entre 45 membres. Si l’on admettait qu’il y a eu épreuve, si l’on posait un tel antécédent, on pourrait à la fin de chaque séance faire un simulacre d’épreuve afin d’empêcher le lendemain de continuer les discussions les plus importantes.

Vous parlez de dignité, de fermeté ; eh bien, retirez votre demande : songez que la loi communale est la plus importante de toutes celles que vous avez discutées et que vous aurez à discuter ; qu’il est de votre dignité d’entendre tous les orateurs ; qu’il faut que vous ayez le courage de les entendre. Je demande à exposer mon opinion. Je n’ai rien dit pendant la discussion générale, pensant que je pourrais faire connaître les motifs de mon vote lors de la délibération des articles. Je demande peu de temps pour faire connaître mon avis.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il ne s’agit pas de décider si la chambre a pu prendre une décision quand elle n’était formée que de 45 membres ; mais ce que l’on demande actuellement, c’est que la clôture réclamée hier, lorsque la chambre était au grand complet, soit mise aux voix. Quelques membres s’opposent à cette clôture sous le prétexte qu’ils ont beaucoup de choses à dire : si de semblables considérations pouvaient être admises, il n’y aurait pas de terme aux discussions, car un grand nombre de membres pourraient demander à parler, n’eussent-ils qu’à répéter ce qui a été dit pendant trois ans, dans quatre discussions générales. Le prolongement des débats ne pourrait amener d’autre résultat que de grossir le Moniteur d’une douzaine de numéros, remplis de redites sur des questions épuisées.

M. Gendebien. - Messieurs, puisqu’on a parlé de la dignité de la chambre, elle voudra bien me permettre de croire, et sera sans doute convaincue comme moi, que ce serait manquer à cette dignité que de clore la discussion sur une matière à laquelle se rattachent les libertés publiques de la Belgique tout entière. Ne perdez pas de vue que le peuple belge ne manquera pas de dire que pour maintenir la liberté des bêtes à cornes dans le territoire réuni à la Belgique, on a discuté pendant quinze séances, et que lorsqu’il s’est agi de la liberté de la nation, on a voulu étouffer la discussion quand les orateurs demandaient à motiver leurs votes. On vous a entretenus du scandale du dégoût même qu’inspiraient les longues discussions de cette assemblée : oui, il y a dégoût dans la nation, mais c’est de voir discuter pendant quinze séances la loi du bétail, et de voir clore après trois ou quatre séances un débat qui roule sur la liberté du peuple.

Je ne demande pas la continuation de la discussion pour avoir occasion de parler ; j’ai dit ce que j’avais à dire, je me proposais même de ne point parler du tout, mais M. Raikem ayant porté la question sur un terrain nouveau j’ai cru devoir l’y suivre.

Messieurs, je demande qu’on laisse parler ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de manifester leur opinion. Faites-y bien attention, je dis qu’il y aurait scandale à ne pas mettre beaucoup de soin, beaucoup de patience dans la discussion d’une loi de laquelle dépendent les libertés nationales, quand on emploie tant de temps pour des lois d’intérêt local. Je comprends la dignité de la chambre autrement qu’un des honorables préopinants.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’avoue que la discussion s’est trop prolongée sur la loi concernant le bétail ; cependant il s’agissait d’un objet tout nouveau : mais s’ensuit-il que la conclusion que l’honorable membre tire de cet inconvénient soit juste ? Nullement. Les questions de principe sur lesquelles la chambre est appelée à se prononcer sont traitées depuis deux années ; il n’y a pas un seul membre de cette assemblée qui ne connaisse à fond toutes ces questions ; il ne s’agit plus que de savoir si on veut les adopter ou les rejeter,

M. Pollénus. - La question que l’on agite maintenant est de savoir s’il y a convenance à clore aujourd’hui la discussion. Je prie la chambre de remarquer qu’il ne s’agit pas d’un simple article de la loi, mais qu’il s’agit de principes qui comprennent toute la loi, car ils comprennent toutes les attributions des magistrats municipaux. Pensez-vous que vous gagnerez du temps par la clôture ? Mais quand cela serait, cela compenserait-il les lumières qui pourraient jaillir des débats ? Pourquoi empêcher de se faire jour aux observations que l’on veut produire ? Vous vous rappelez, au surplus, qu’un honorable membre, désirant voir terminer la discussion générale, a commis une grave imprudence, en disant à la chambre qu’une majorité s’était formée en faveur de tel ou tel système : en effet qu’en est-il résulté ? C’est qu’on a cru qu’il s’était formé une majorité en dehors de cette enceinte : nous nous sommes révoltés contre cette manière de procéder.

Nous avons demandé que la discussion continuât, et de là des discussions plus ou moins longues et perte de temps. Cet exemple peut montrer que vous ne gagnerez pas de temps en demandant que l’on ferme la discussion sut un article, et sur un article de deux lignes qui résume toute la loi communale. Je ne pense pas, par ces considérations, qu’il y ait lieu à clore la discussion. J’ai entendu faire un appel à la fermeté de la chambre, j’appuierai un tel appel ; mais je ferai en même temps un appel à sa loyauté, et je demanderai si hier il s’est agi un seul moment des points sur lesquels vous voulez fermer le débat ; il s’en est si peu agit, que la proposition du ministre de l’intérieur n’a pas été combattue. J’étais disposé à la combattre, parce qu’un membre croyait que ce n’était pas sérieusement que j’avais demandé la suppression des échevins : il lui semblait que ma proposition état une proposition diplomatique.

Je n’ai pas pu répondre à cet honorable membre, et ce ne sera qu’autant que la discussion ne sera pas close que je pourrai le détromper.

Je n’ai pas saisi la proposition faite par M. Liedts ; il m’a semblé qu’elle n’était pas aussi libérale que celle du ministre ; il me paraît nécessaire que M. Liedts présente les développements de son amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant vient de dire que le premier membre de ma proposition n’avait pas été discuté ; je lui ferai remarquer que M. Doignon a prononcé un discours en six pages sur la nécessité de maintenir le collège des échevins.

M. Jullien. - D’après la manière dont je vois que la chambre est disposée, j’aurai l’honneur de vous proposer une capitulation. (On rit.) Il existe des antécédents de cette façon d’opérer dans le congrès. Je crois que, dans cette circonstance, vous devriez entendre encore deux orateurs pour et deux orateurs contre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Quels seront ces orateurs ?

M. Jullien. - Je fais cette demande parce que je désire entendre le développement de la proposition de M. Liedts. Cet honorable membre n’a pas encore eu l’occasion d’ouvrir la bouche dans cette discussion. Il est bien certain, en fait, que le débat sur l’objet actuel n’a pas encore été ouvert, et on aura beau combattre les faits, les omettre dans le procès-verbal, un fait matériel reste toujours. La proposition du ministre de l’intérieur a été imprimée hier, distribuée ce matin. Peut-on venir nous dire que la discussion est fermée ; et quels sont ceux qui prétendent que la discussion est fermée ? Ce sont ceux-là même qui n’ont pas assisté aux séances précédentes.

Mais je ne veux pas récriminer ; il y a assez d’éléments de perturbation dans cette chambre sans vouloir les exciter. Vous parlez de votre dignité ; eh bien, accordez la capitulation ; désignez le nombre des orateurs que vous entendrez ; assignez-leur le temps pendant lequel ils parleront ; mais entendez-les. Vingt orateurs vous ont entretenus extrêmement longuement ; pourquoi refuser quelques minutes à M. Liedts ?

M. d'Hoffschmidt. - Je demande aussi la parole.

M. Raikem. - La clôture est demandée.

M. Nothomb. - La demande de la clôture a la priorité. Cela est écrit dans l’avant-dernier paragraphe de l’art. 24 du règlement.

- On procède à l’appel nominal, sur la clôture de la discussion des articles présentés par M. le ministre de l’intérieur.

94 membres sont présents.

49 votent la clôture.

45 votent contre la clôture.

En conséquence il n’y aura pas de discussion sur ce point.

Ont voté pour la clôture : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Bosquet, Brabant, Coghen, Cols, Cornet de Grez, de Behr, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke et Coppieters.

Ont voté contre : MM. Berger, Corbisier, Dechamps, de Foere, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus aîné, B. Dubus, Dumortier, Fallon, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Kervyn, Legrelle, Lejeune, Liedts, Manilius, Pirmez, Pirson, Pollénus, Quirini, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rouppe, Seron, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vanden Wiele, Vergauwen, L. Vuylsteke, Wallaert, Watlet et Zoude.


Le bourgmestre et les échevins participeront concurremment à l’exécution des lois d’intérêt général ?

M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole pour la position de la question.

M. le président. - La proposition en délibération est celle-ci :

« Le bourgmestre et les échevins participeront concurremment à l’exécution des lois d’intérêt général. »

Ou bien celle-ci :

« Le bourgmestre et les échevins exerceront concurremment le pouvoir exécutif dans la commune. »

M. Dumortier, rapporteur. - La question qui va être mise aux voix est de la plus grande importance, puisque d’elle va dépendre la liberté dans la commune, et peut-être la liberté de la Belgique. Je préférerais le système du gouvernement à celui de la section centrale ; mais je préférerais celui de la section centrale à la proposition de M. Desmet. Je demande si le gouvernement persiste à maintenir son projet ; si l’on me répond affirmativement, je voterai avec le gouvernement, tandis que s’il abandonne son projet, je me verrai obligé de m’abstenir et de regarder ce qui se passe comme un véritable leurre.

Je demande que le ministre s’explique relativement à la première partie de sa proposition.

Il faut savoir si le gouvernement maintient son projet. Je veux bien sacrifier quelque chose afin d’obtenir la liberté des échevins.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande que M. le président fasse exécuter le règlement de la chambre : il y a clôture ; il n’y a plus rien à savoir, si ce n’est que la question est bien ou mal posée.

M. Dubus. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Il est conforme aux antécédents de la chambre que le ministre déclare s’il se rallie aux nouvelles propositions ou s’il persiste dans celle du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On va délibérer sur la propre proposition du ministre de l’intérieur.

M. Dubus. - Non ; c’est la proposition de l’honorable M. Desmet, laquelle a été formulée en question de principe par le ministre : or, nous avons le droit de demander si le ministre se rallie à cet amendement, oui ou non.

Le règlement est formel sur ce point. Il n’y a pas un seul exemple, dans nos annales, qu’on s’en soit écarté.

M. Gendebien. - Vous en verrez bien d’autres.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il ne s’agit pas actuellement de se prononcer sur l’un ou sur l’autre projet de loi. Vous avez arrêté précédemment que vous procéderiez par questions de principes, et c’est pour cela que mon collègue a posé de semblables questions. Le ministre de l’intérieur ne pourra répondre à l’interpellation qui lui est faite qu’après que la chambre aura donné à ces questions une solution affirmative ou négative.

Car évidemment l’abandon ou le maintien du projet primitif du gouvernement dépend de la solution affirmative ou négative de la question posée en ce moment. Ainsi toute interpellation est oiseuse et inutile avant que la chambre ait pris une résolution sur cette question.

M. Dumortier, rapporteur. - Il et incontestable que la proposition de M. le ministre de l’intérieur est un amendement à son projet primitif. Il importe de savoir si le ministre abdique ou non son projet. Quant à moi je déclare formellement que je préfère le projet du gouvernement à la proposition de M. Desmet. Mais que ferons-nous si nous ne savons pas si le gouvernement maintient sa proposition ?

M. le ministre des affaires étrangères dit que la conduite du gouvernement dépend de la solution de la question actuelle. Mais c’est résoudre la question par la question.

Avant d’émettre un vote, je demande si le gouvernement persiste dans le projet qu’il a présenté pour arrêter le pétitionnement et les réclamations qui ont surgi dans tout le pays. Il est de notre devoir de chercher à connaître les intentions du gouvernement, afin de régler nos votes en conséquence. Je demande donc que le gouvernement s’explique.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que toute la chambre est convaincue que si je n’ai pas répondu à M. Dumortier, ce n’est pas que j’éprouvasse le moindre embarras ; c’était uniquement par respect pour le règlement ; la clôture ayant été prononcée, il ne s’agissait que de mettre la question aux voix.

Je rappellerai à l’honorable membre que dans la discussion générale j’ai suffisamment donné à entendre à la chambre des représentants que nous voterions affirmativement sur les questions que nous avons proposées.

Mais si notre proposition n’était pas admise, si nous nous étions trompés sur les dispositions de la majorité, nous défendrions le projet primitif. Nous voterons affirmativement sur les questions posées, parce que ce que nous voulons avant tout, c’est une bonne administration communale, parce que nous ne voulons pas être pris aux pièges que l’on nous tend. Après avoir fait tous les efforts possibles pour renverser notre projet, on vient dire maintenant qu’on y tient.

Nous ne voulons pas être pris à ce piège. Je répète ce que j’ai déclaré dans la discussion : nous voterons affirmativement sur les questions posées. Si, contre notre attente, nous nous étions trompés sur les dispositions de la majorité, nous soutiendrions notre projet. Voilà notre ligne de conduite, je n’ai jamais éprouvé aucun embarras à le dire.

M. Dumortier, rapporteur. - Il n’existe aucun précédent qui autorise un ministre à accuser un député de tendre des pièges à ses collègues. Non, messieurs, je n’ai jamais tendu de pièges à la chambre. Je me suis toujours franchement expliqué. Qui tend des pièges à la chambre ? C’est le ministre qui pose des questions tendant à renverser le projet présenté par lui.

Au reste, puisque le gouvernement déclare que dans le cas où sa nouvelle proposition serait écartée, il persistera dans son premier projet, afin que l’on ne puisse dire que je tends des pièges à qui ce soit, je déclare que je voterai contre la nouvelle proposition du ministre.

M. Gendebien. - Je ne puis pas voter sur la question posée par le ministre de l’intérieur parce qu’elle se rapporte aux attributions et que les attributions ne sont pas à l’ordre du jour. La question est ainsi posée : « Le bourgmestre et les échevins participeront-ils collectivement à l’exécution des lois générales ? » Evidemment cela a rapport aux attributions.

On me dit de m’abstenir. Mais j’ai le droit de voter. Je ne sais pas pourquoi on me mettrait dans la nécessité de m’abstenir. Il y aurait une autre question qu’il serait bien plus simple de poser. Il faudrait dire : « Etablira-t-on dans la loi communale l’exception autorisée par la constitution à l’élection directe ? » Si l’on mettait cette question aux voix, elle serait probablement repoussée par la majorité de la chambre. Mais je pourrais après cela émettre un vote, de manière à avoir la disposition la moins mauvaise possible, n’ayant pu obtenir l’exécution de la constitution. Dans l’état actuel de la question, au contraire, je ne puis voter d’abord parce qu’il s’agit des attributions et qu’elles ne sont pas à l’ordre du jour, ensuite parce qu’il m’est impossible de voter sur cette question à moins de savoir si vous accorderez l’exception autorisée par la constitution. Il me semble que le maintien de la règle établie par la constitution doit avoir la priorité.

M. Jullien. - C’est un phénomène parlementaire qu’un gouvernement, qui vous présente un projet de loi mûri, élaboré pendant des années, et qui, quand on lui demande s’il est de telle ou telle opinion, ne peut pas répondre ; il ne peut pas dire s’il veut ou s’il ne veut pas de son projet.

On pose des questions de principe. Mais des questions se rattachent tout uniment aux attributions. On vous demande si les échevins participeront avec le bourgmestre au pouvoir exécutif. Eh bien, comme l’a très bien observé l’honorable M. Gendebien, elle se rattache tout à fait aux attributions. Comment répondrais-je oui ou non sur une telle question, sans engager mon vote sur les attributions ! Vous voyez bien que si je réponds oui, voici mon opinion engagée sans que je sache jusqu’à quel point, puisque les attributions sont de diverses natures.

Il n’est pas possible de soumettre à la chambre une proposition telle que celle-là.

M. d'Hoffschmidt. - Comme les deux honorables préopinants viennent de le dire, il ne s’agit pas des attributions, de sorte que la deuxième partie de la proposition portant : « Le Roi nommera-t-il le bourgmestre et les échevins exclusivement dans le conseil ? » doit avoir la priorité sur la première. J’en fais la proposition, ne voyant rien qui s’y oppose.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je m’oppose à toute motion, attendu qu’elle est contraire au règlement. On ne peut pas parler, on ne peut pas à plus forte raison faire une proposition. D’ailleurs nous avons répondu dans la discussion aux difficultés soulevées relativement aux attributions. Nous avons voulu poser une question de principe demandée par la chambre, parce que le seul moyen logique à organiser le personnel.

La chambre a accordé la priorité à ma proposition ; on a demandé la clôture, et après une longue discussion la clôture a été prononcée par appel nominal. Maintenant M. le président a donné lecture de ma proposition. On demande la parole sur la position de la question. Mais la seule chose à faire c’est de constater si la proposition qui va être soumise au vote de la chambre est identique avec celle que j’ai eu l’honneur de déposer. Hors de là, toute discussion est interdite.

M. Gendebien. - Il est vrai, messieurs, que la clôture a été prononcée sur la discussion de la proposition du ministre. Il est encore vrai que vous avez accordé la priorité à cette proposition. Mais ici il s’agit d’une question de priorité entre deux membres de la proposition du ministre dont on a demandé la division. L’honorable. M. d’Hoffschmidt demande que l’on donne la priorité au second membre de la proposition. Cette demande est toute naturelle et très logique car la proposition est complexe et contient deux membres très distincts. J’appuie donc la proposition de M. d’Hoffschmidt tendant à ce que la priorité soit donnée au second membre de la proposition du ministre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La question de priorité a été récemment résolue par une décision de la chambre. Il me suffira de rappeler ce point à la chambre pour empêcher toute espèce de doute. Quelques membres prétendent que le vote sur le mode de nomination doit précéder le vote sur les attributions. Pour moi, je pense que la première question à résoudre est celle des attributions, parce qu’alors chacun sera à l’aise et personne ne pourra plus mettre en avant des scrupules constitutionnels. C’est d’ailleurs ce que la chambre a décidé en donnant la priorité à ma proposition. Je demande que la chambre maintienne sa décision.

M. d'Hoffschmidt. - M. le ministre dit que la chambre a décidé que sa proposition aurait la priorité, ce qui est vrai ; mais remarquez, messieurs, qu’elle n’a pu décidé si le premier membre de sa proposition serait voté avant le second. Il n’y a pas de décision prise à cet égard. J’en appelle à tous les membres de cette assemblée.

Veuillez, messieurs, faire attention que cette question est d’une haute importance. Il s’agit de savoir si vous serez amenés par degrés à sacrifier les bases de nos libertés.

MM. les ministres avaient présenté un projet né d’une fusion d’opinions. Maintenant qu’ils croient la majorité disposée à accorder plus que ne demandait ce projet, ils vous demandent de sacrifier les libertés communales et de mettre en mains du pouvoir les moyens de fausser la représentation nationale. Et, messieurs, ne vous y trompez pas, lorsque la représentation nationale sera faussée, le pays pourra se dire : A bas la constitution ! adieu la liberté ! Il nous faudra combattre encore pour les reconquérir.

Prenez-y garde, messieurs, le vote que vous allez émettre est le plus important que nous ayons jamais eu à prononcer. Vous allez faire de l’histoire. Le vote que vous allez émettre aujourd’hui y sera buriné et formera une des pages palpitantes de nos annales. Que ce vote soit tel que jamais nous n’ayons à en rougir ni le pays à le déplorer. Songez que le pays a les yeux fixés sur vous. Il faut ici montrer de l’indépendance et sacrifier son intérêt personnel à celui de la nation.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant dit que vous pouvez vous attendre à l’anarchie, si la proposition du gouvernement est adoptée. Je crois être plus logique en disant que vous pourriez vous attendre à l’anarchie si son système pouvait être adopté car toute autorité serait méprisée. On veut mépriser l’autorité de la chambre. Mais je supplie la chambre d’avoir assez d’énergie pour ne le pas supporter.

Je demande si la chambre aura l’énergie de maintenir sa résolution, ou si elle sera assez faible pour laisser opprimer la majorité par la minorité.

M. d'Hoffschmidt. - Vous venez d’entendre M. le ministre de l’intérieur dire que j’ai méprisé l’autorité de la chambre.

Mais je n’ai pas dit un mot qui justifie une telle imputation. Pour moi, je conteste au ministre le droit de m’adresser une imputation telle que celle-ci. Le règlement le défend ; les ministres devraient être les premiers le faire respecter.

M. Jullien. - Il y a un fait sur lequel la chambre doit être éclairée. M. le ministre dit que la chambre a prononcé sur la priorité à donner à sa proposition. Tout le monde en convient. Mais maintenant que cette proposition est composée de deux membres, et que d’après le règlement la division est de droit toutes les fois qu’elle est demandée, les deux membres de la proposition seront divisés. On demande en outre que l’on mette aux voix la deuxième partie de la proposition avant la première. Bien certainement aucune décision n’a été prise sur ce point.

Je ne conteste pas à la chambre le droit de se prononcer pour la priorité à donner à telle ou telle partie. Toujours est-il que la chambre n’a pas prononcé ! Il s’agit de mettre aux voix cette question de priorité.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Sans doute on a le droit de demander la division. Nous n’avons pas contesté ce droit ; nous avons même été au-devant de cette demande, en proposant que l’on vote d’abord sur les diverses parties de la proposition et ensuite sur son ensemble. Mais ce que le préopinant demande ce n’est pas la division, c’est le renversement de ma proposition. Je pense que l’on ne peut pas renverser ma proposition après la clôture prononcée. Il fallait faire cette proposition avant la clôture. Maintenant vous ne pouvez renverser ma proposition ; vous devez la maintenir telle qu’elle est.

M. Legrelle. - Je suppose un instant que l’on ait le droit de demander le renversement de la proposition du ministre. On demande qu’on vote le deuxième paragraphe avant le premier. Voilà l’état de la question. Mais si vous ne mettez pas aux voix en premier lieu la première partie de la proposition du ministre, il y aura plusieurs membres dans l’impossibilité de voter. En effet le premier paragraphe parle de « bourgmestre et échevins participant collectivement à l’exécution des lois générales, » c’est-à-dire d’un collège composé de personnes ayant toutes le même pouvoir, et étant les chefs de l’administration communale. C’est dans ce sens seul que nous pouvons voter pour la proposition du ministre. C’est seulement ainsi que nous pouvons l’adopter sans violer la constitution. Nous devons donc voter sur le premier paragraphe avant de voter sur le deuxième paragraphe. Si on persiste dans la demande de priorité pour le deuxième paragraphe, je demande la question préalable pour cette proposition.

M. d'Hoffschmidt. - Je persiste dans ma demande tendant à ce que la priorité soit accordée à la deuxième partie de la proposition du ministre.

Il me sera permis d’ajouter deux mots qui me sont échappés dans une réplique au ministre de l’intérieur. Il est venu dire que je voulais faire déprécier l’autorité communale. Non, messieurs, car je déclare que c’est le projet même du ministère pour lequel je veux voter, c’est-à-dire pour la nomination du bourgmestre par le Roi et des échevins par les électeurs. Ainsi je ne veux pas déprécier l’autorité communale, je veux ce que voulaient les ministres dans d’autres temps.

- La question préalable proposée par M. Legrelle sur la question de priorité soulevée par M. d’Hoffschmidt est mise aux voix et adoptée.

La question posée par M. le ministre de l’intérieur est mise aux voix par appel nominal ; voici le résultat du vote :

94 membres sont présents.

14 s’abstiennent.

80 prennent part au vote.

49 répondent oui.

31 répondent non.

En conséquence cette question : « Les bourgmestres et les échevins participeront-ils collectivement à l’exécution des lois générales ? » est résolue affirmativement.

Ont répondu oui : MM. Andries, Bosquet, Bekaert-Baeckelandt, Cornet de Grez Coghen, Cols, Coppieters, Dechamps, de Nef, W. de Mérode, de Behr, F. de Mérode, de Muelenaere, Dequesne, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Longrée, de Jaegher, de Theux, Devaux, Duvivier, d’Huart, Dubois, M. Dubus, Ernst, Eloy de Burdinne, Lebeau, Raikem, Verrue-Lafrancq Vanderbelen, Legrelle, Nothomb, Vandenhove, Polfvliet, Lardinois, C. Rodenbach, F.-C. Vuylsteke, Morel-Danheel, Vilain XIIII, Ullens, Rogier Keppenne, Schaetzen, Mast de Vries, Milcamps, Smits, Simons, Verdussen,

Ont répondu non : MM. Beerenbroeck, Pirmez, Raymaeckers, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Quirini, d’Hoffschmidt, de Puydt, Pollénus, Corbisier. Dumortier, Wallaert, Brabant, Zoude, Vergauwen, Vanden Wiele, Scheyven, Kervyn, Berger, Hye-Hoys, Frison, Watlet, Gendebien, Rouppe, Jadot, Liedts, Fallon, Doignon, Demonceau, Troye, Manilius.

Se sont abstenus : MM. Vandenbossche, de Meer de Moorsel, A. Rodenbach, Stas de Volder, L. Vuylsteke, Lejeune, Pirson, Seron, Thienpont, Trentesaux, Jullien, de Roo, de Foere, Dubus aîné.

M. de Foere. - Je n’ai pu émettre mon vote sur une proposition par laquelle il s’agissait d’attribuer collectivement le pouvoir exécutif au bourgmestre et aux échevins, attendu que ce pouvoir exécutif n’est pas déterminé et que nous ne connaissons pas encore les attributions que la chambre donnera aux bourgmestres et aux échevins. Il m’a donc été impossible d’émettre un vote soit négatif, soit affirmatif.

M. de Roo. - Je me suis abstenu parce que le pouvoir exécutif n’est pas suffisamment défini dans cette proposition.

M. Dubus. - Je me suis abstenu par les motifs que vient d’exposer l’honorable M. de Foere. Il me paraît que la question que l’on nous fait ne présente rien en fait de garanties. L’on dit que les échevins participeront collectivement avec le bourgmestre aux mesures d’intérêt général. Mais l’on ne dit pas dans quelle proportion cette participation leur sera donnée. L’on se réserve de la fixer par une loi. Mais j’ignore de quelle manière les attributions seront réparties. Il y a ici un leurre, mais non pas une question sur laquelle on puisse émettre un vote consciencieux.

M. Jullien. - Je me suis abstenu par une raison toute simple, C’est que je ne veux pas engager mon opinion sur des attributions que ne je connais pas encore.

M. Lejeune. - Je me suis abstenu parce que la question m’a paru trop générale pour que je puisse dire oui ou non.

M. Pirson. - Nous sommes dans la saison des travestissements. Le grand domino que le ministère nous présente pour en affubler le collège des bourgmestre et échevins, il pourra le retirer quand il le voudra, et les illusions de la saison seront passées. Je ne sais pas ce qu’il en adviendra pour nos commettants. Dans cette incertitude, devant ces nuages présents et futurs, j’ai dû m’abstenir.

M. de Meer de Moorsel. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l’honorable M. Dubus.

M. A. Rodenbach. - Pour être conséquent avec ma conduite parlementaire et mon vote du congrès, j’aurais désiré que les échevins fussent nommés par les électeurs. Mais je ne voulais pas accorder aux échevins autant d’attributions qu’au bourgmestre. La nature de celles conférées aux échevins dans la question qui nous a été posée m’a mis dans l’impossibilité de voter.

M. Seron. - Je me suis abstenu parce que je ne sais pas ce que c’est que le pouvoir exécutif exercé par le bourgmestre et les échevins.

M. Stas de Volder. - (Les paroles de l’honorable membre ne sont pas parvenues jusqu’à nous.)

M. Thienpont s’est abstenu parce que la loi des attributions n’a pas été votée.

M. Trentesaux. - Je me suis abstenu parce que dans la proposition de M. le ministre, il y a deux expressions dont je n’étais pas certain de saisir l’intention ; ce sont celles de « collectivement » et de « pouvoir exécutif ; » aucune discussion n’ayant eu lieu, il a été impossible de savoir ce que l’on veut par collectivement. Est-ce à dire que le bourgmestre et les échevins seront égaux. Mais le mot collectivement n’explique pas cette idée. Le pouvoir exécutif, qu’est-ce cela veut dire ? c’est un terme nouveau qui n’est pas dans la loi. Il m’avait semblé que M. le ministre s’était rallié à la rédaction de M. Liedts.

Plusieurs membres. - C’est cette rédaction qui a été mise aux voix.

M. Trentesaux. - Il n’en est pas moins vrai que l’absence de toute discussion m’a mis dans l’impossibilité d’apprécier la postée de la question.

M. Vandenbossche. - Je me suis abstenu par les motifs développés par l’honorable M. Jullien.

M. L. Vuylsteke. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l’honorable M. de Foere.


Le Roi nommera-t-il le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil communal ?

M. le président. - Le second membre de la question se compose de la phrase suivante :

« Le Roi nommera-t-il le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil ? »

M. Dumortier, rapporteur. - S’agit-il ici d’une présentation ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Non ! non !

M. Dumortier, rapporteur. - Il est donc entendu que ce sera sans présentation. (Oui, oui.)

- La division est demandée.

M. Desmet. - Il résulte de la réponse de M. le ministre qu’il ne s’est pas expliqué suffisamment sur la portée de sa proposition. Je croyais qu’en donnant à la fois au bourgmestre et aux échevins l’exécution des lois et l’administration de la commune, il y avait homogénéité dans les attributions. Je demanderai à M. le ministre si c’est ainsi qu’il l’a entendu.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois m’être exprimé d’une manière catégorique sur ce point ; si bien que je me suis rallié au changement de rédaction proposé par l’honorable M. Liedts.

M. Mast de Vries. - Il me semble qu’il faudrait d’abord poser cette question : Les bourgmestres et les échevins seront-ils nommés par les électeurs ?

M. Dubus. - M. le ministre de l'intérieur vient de dire qu’il s’était suffisamment expliqué dans la séance d’hier, sur une question faite par l’honorable M. Desmet. Il me semble que l’honorable membre adresse sa question un peu tard. Ce n’est pas quand la chambre a voté que l’on peut venir demander l’effet du vote. Cela doit résulter du vote même. Il serait étrange que ce fût une interprétation ministérielle qui pût resserrer ou étendre ce que nous aurions voté.

Nous devons avant de voter formuler les garanties que nous désirons et ne pas supposer que nous obtiendrons ces garanties des interprétations ministérielles.

Puisque M. le ministre de l'intérieur vient de dire qu’il s’était expliqué suffisamment sur la portée des expressions qui composent la question, je lui rappellerai que quand je lui ai demandé de quelle manière les attributions seraient réparties, il m’a dit que ce serait comme cela se pratique aujourd’hui. Mais je lui ai répliqué qu’il y a une différence entre les villes et les campagnes. Là-dessus je n’ai point obtenu de réponse.

La seconde question qui va être mise aux voix en contient quatre que l’on peut formuler ainsi :

Le Roi nommera-t-il le bourgmestre ?

Devra-t-il les prendre exclusivement dans le sein du conseil ?

Le Roi nommera-t-il les échevins ?

Devra-t-il les prendre exclusivement dans le sein du conseil ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant est dans l’erreur quand il dit que je n’ai pas fait droit à sa demande d’explications.

J’ai répondu à l’instant même que la proposition posait le principe de l’exercice collectif du pouvoir exécutif dans la commune, tant pour l’exécution des lois générales que pour l’administration municipale, mais qu’il dépendait de la chambre de poser cette exception qu’elle trouverait convenable dans la loi des attributions. (Ah ! ah !)

Il n’y a rien de nouveau, messieurs, je l’ai déclaré hier à trois reprises différentes.

J’ai cité un exemple. J’ai dit que le bourgmestre devrait être seul chargé de requérir la force armée. C’est une chose évidente aux yeux de tout le monde.

Personne ne sera assez absurde pour vouloir que le collège entier commande la force armée.

La surprise de certains membres, messieurs, n’est qu’apparente, et elle n’a d’autre but que de faire de l’impression sur la chambre, Je ne change pas un seul mot à la déclaration que j’ai faite hier. Mes paroles, d’ailleurs, seront consignées dans le Moniteur. Vous avez voté le principe. Si vous voulez faire une exception, ce sera dans la loi des attributions.

M. Pirson. - Voilà mon domino qui tombe déjà. (Hilarité générale.)

M. Desmet. - J’ai bien fait des concessions, parce que j’ai cru qu’il y aurait de l’homogénéité dans leurs attributions. Mais je le dis franchement, si l’ont peut faire des exceptions, je voterai contre le principe.

M. Nothomb. - C’est-à-dire que vous voterez contre l’ensemble de la loi.

M. Seron. - Il me semble qu’avant de poser la question de savoir si le Roi nommera le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil, il faut décider si cette nomination appartiendra au Roi. Si je suis forcé de voter sur la question telle qu’on la pose, j’admets donc le principe de la nomination du bourgmestre et des échevins par le Roi ; je ne sais comment répondre à cette question. Il y a une question première : c’est celle de savoir comment seront nommés le bourgmestre et les échevins.

M. le président. - M. Dubus a déposé sa proposition de division sur le bureau. (Voir plus haut.)

Plusieurs membres. - Mais ce n’est pas là la division.

M. Nothomb. - Je conçois que l’on puisse demander la division, elle est de droit. Nous voterons par division parce qu’un membre l’a demandée. Mais le droit de demander la division ne va pas jusqu’à conférer à celui qui en use la faculté de changer la rédaction.

La division ne peut être faite que de la manière suivante :

1° Le Roi nommera-t-il le bourgmestre ?

2° Le Roi nommera-t-il le bourgmestre dans le sein du conseil ?

M. Dubus. - Ajoutez le mot exclusivement.

M. Nothomb. - Vous avez l’explication de M. le ministre.

Plusieurs voix. - Cela ne suffit pas.

M. Nothomb. - 3° Le Roi nommera-t-il les échevins ?

4° Le Roi nommera-t-il les échevins dans le sein du conseil ?

De cette manière la deuxième partie de la question se trouve subdivisée sans qu’il y ait un seul changement de rédaction. (Approbation.)

Ensuite vous voterez sur l’ensemble.

M. Dubus. - Je ferai remarquer à la chambre que M. le ministre à dit qu’il consentait à l’insertion du mot exclusivement. Il m’a semblé que cela était contesté par l’honorable membre. J’adopte son mode de division, au mot exclusivement prés.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai dit dans la séance d’hier que puisque je n’avais pu proposer d’exceptions, je n’admettais pas qu’il en fût fait, et que j’adoptais le mot exclusivement.

Passant à la division proposée par l’honorable M. Nothomb, je dirai que j’y consens, attendu que c’est la simple division de ma proposition. Il est bien entendu que si l’un des membres de cette proposition était rejeté, alors nous rejetterions l’ensemble. La division ne change rien à cet égard. C’est comme si toute la proposition était mise aux voix.

- La question suivante est mise aux voix par appel nominal.

Le Roi nommera-t-il le bourgmestre (dans le sein du conseil communal) ?

« Le Roi nommera-t-il le bourgmestre ? »

93 membres sont présents.

91 prennent part au vote.

82 répondent oui ;

9 répondent non ;

2 s’abstiennent.

En conséquence la question est résolue affirmativement.

Ont répondu oui : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert, Berger, Bosquet, Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Pollénus, Quirini, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Watlet, Zoude.

Ont répondu non : MM. Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Pirson, Gendebien, Seron, Trentesaux, Vandenbossche, Vergauwen.

M. Jullien. - Je me suis abstenu pour les mêmes raisons quejJ’ai données lors du vote sur la première partie de la question de principes.

M. Pirson. - Je me suis abstenu parce que je préfère que le Roi nomme sans restriction le bourgmestre où et comme il voudra et que les échevins soient nommés par le peuple.

- La question suivante est mise aux voix par appel nominal :

« Le Roi nommera-il le bourgmestre dans le sein du conseil ? »

93 membres sont présents

92 répondent à l’appel.

80 répondent oui.

12 répondent non.

1 membre s’est abstenu.

Ont répondu oui : MM. MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Coghen, Cols, Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubois, Dubus aîné, B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Lejeune, Manilius, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Pollénus, Quirini, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Scheyven, Seron, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Vergauwen, Verrue-Lafrancq, Vilain XIIII, F. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Watlet.

Ont répondu non : MM. Bosquet, Brabant, Corbisier, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Puydt, Desmanet de massue, Fallon, Liedts, Troye, Verdussen, Zoude.

M. Pirson qui s’est abstenu est invité à énoncer les motifs de son abstention.

M. Pirson. - Je me suis abstenu parce que je ne connais pas la part d’attributions qui sera faite au bourgmestre et aux échevins. .

M. Coppieters., président. - Nous passons à la troisième partie de la proposition de M. le ministre de l’intérieur.

Le Roi nommera-t-il les échevins (dans le sein du conseil communal) ?

« Le Roi nommera-t-il les échevins ? »

Plusieurs membres. - L’appel nominal.

On procède à l’appel nominal sur cette question.

En voici le résultat :

93 membres ont répondu à l’appel.

59 ont répondu oui.

42 ont répondu non.

2 se sont abstenus.

En conséquence la troisième partie de la proposition de M. le ministre de l’intérieur est adoptée.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.

M. Bekaert. - Voulant me réserver d’émettre mon opinion au second vote, alors que je connaîtrai les attributions qu’on veut donner aux échevins, ce qui, dans ma manière de voir, doit puissamment influer sur le mode de nomination de ces magistrats, je me suis abstenu.

M. Desmet. - Conséquent avec ce que j’ai toujours soutenu, que je faisais dépendre la solution de la question constitutionnelle, pour ce qui regardait la nomination des échevins, de l’homogénéité de leurs attributions et celle des bourgmestres, dans le collège ; mais depuis les explications que l’honorable ministre a données, que dans la discussion de la loi des attributions, on aurait pu faire des exceptions en faveur des bourgmestres, je dois douter si l’homogénéité des attributions dans le collège serait conservée, et dans ce doute je m’abstiens.

M. Gendebien. - Je demande que mon vote négatif soit inséré au procès-verbal.

M. Dumortier et M. d’Hoffschmidt. - Et moi aussi ! Et moi aussi !

M. Andries. - Je demande l’insertion de mon vote affirmatif !

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Tous ! tous nous demandons l’insertion de notre vote.

Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. le président. - Tous les votes seront insérés au procès-verbal.

Ont répondu oui : MM. Andries, Beerenbroeck, Bosquet, Coghen, Cols, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Jaegher, (Addendum inséré au Moniteur belge n°47, du 16 février 1836 :) de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Pollénus, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke et Coppieters.

Ont répondu non : Ont répondu oui : MM. Berger, Brabant, Corbisier, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Puydt, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumortier, Fallon, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius, Pirmez, Pirson, Quirini, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rouppe, Seron, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vanden Wiele, Vergauwen, L. Vuylsteke, Wallaert, Watlet et Zoude.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la quatrième proposition de M. le ministre.

« Le Roi nommera-t-il exclusivement dans le conseil ? »

M. Dubus. - La question devrait être posée ainsi :

« Devra-t-il les prendre exclusivement dans le conseil ? »

M. Dechamps. - Je demanderai à M. le ministre s’il entend préjuger la question de présentation. Je voudrais qu’il étendît sa proposition de manière à ne rien préjuger.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai déjà répondu sur une interpellation qui m’a été adressée, que j’entendais exclure le système de présentation. Je dis que de même j’entendais que le bourgmestre fût pris exclusivement dans le conseil ; j’entendais bien aussi qu’il ne serait pas mis de nouvelle restriction au mode de nomination.

M. Dumortier, rapporteur. - C’est sur une interpellation que je lui avais adressée que M. le ministre de l’intérieur a répondu qu’il entendait exclure le système de présentation. Pour moi, je n’ai pas à me reprocher d’avoir voté pour donner au Roi la nomination des échevins, de sorte que ceux qui avaient du doute, n’avaient qu’à voter pour la proposition du ministre, et ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux s’ils ont compromis gravement les libertés communales.

M. Legrelle. - Ce n’est pas sur l’interprétation donnée par un ministre à une disposition que la chambre doit apprécier la portée de cette disposition, mais sur le texte même de la proposition. Or, la proposition sur laquelle nous avons voté ne dit rien de la question de présentation, cette question reste donc entière. Je ne conçois pas qu’on puisse s’opposer à ce qu’elle soit mise aux voix.

M. Gendebien. - J’avais demandé la parole pour faire la même observation que l’honorable M. Legrelle. Nous n’avons rien préjugé sur la question de présentation. Toutes ces explications ministérielles ne signifient rien, attendu qu’on trouve toujours moyen de les contester quand elles sont favorables à la liberté. Nous avons voté un texte. Quand il s’agira d’appliquer ce texte en loi, nous discuterons toutes les questions que le texte peut faite surgir. Je considère comme intacte la question de présentation.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Jamais il n’est entré dans la pensée du ministère qu’il avait le droit d’interpréter une loi. Mass quand l’auteur d’une proposition est interpellé sur la portée qu’il donne à sa proposition et qu’il donne des explications nettes et précises qui ne sont l’objet d’aucune réclamation, la proposition, étant très claire dans ses termes, le vote qui intervient est évidemment conforme et au texte et aux explications.

Je demande donc que la chambre maintienne non mon interprétation, mais la sienne propre.

M. Dechamps. - Hier, quand M. le ministre a présenté sa motion d’ordre, j’avais compris que le sens de ses paroles était général. Si j’avais pu comprendre qu’il entendait sa proposition comme il vient de l’expliquer, j’aurais proposé un amendement. J’aurais demandé qu’on ajoutât : avec ou sans présentation.

Libre à vous, après avoir voté sur un système général de le modifier dans son application. Si l’on s’opposait à cela, il y aurait plusieurs membres dans cette chambre qui ne pourraient pas formuler leur opinion.

M. Gendebien. - M. le ministre de l’intérieur vient de demander que la chambre maintienne son interprétation. Je lui répondrai qu’il n’y a pas eu d’interprétation, la question n’a pas été soumise, si la nomination royale se ferait sur présentation ou non. Nous n’avons décidé que la question de savoir s’il nommerait les échevins, mais sur le mode de nomination, rien n’est préjugé.

Maintenant que le ministre l’a emporté sur la question de savoir si le Roi nommerait, il trouverait très commode d’interpréter le vote de la chambre de manière à écarter toute restriction. Mais, je l’ai déjà dit, la chambre a voté sur un texte, il sera mis en loi, alors nous verrons la portée du vote. Quant à moi, je déclare qu’il est impossible que la chambre ait entendu que la nomination se ferait ou non sur présentation. Cette question est intacte. C’est comme cela que j’ai voté.

Un membre. - Chacun a sa manière.

M. Gendebien. - Quand on proposera la question, chacun la votera à sa manière ; mais maintenant personne ne peut donner au vote une portée qui est contraire au texte voté.

- La quatrième proposition du ministre de l’intérieur est mise aux voix par assis et levés. Elle est adoptée.

M. le président. - Nous allons voter sur l’ensemble des propositions. Les voici :

« Le Roi nommera le bourgmestre et les échevins exclusivement dans le conseil.

« Le bourgmestre et les échevins participeront collectivement à l’exécution des lois générales. »

- On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de ces propositions.

93 membres sont présents.

50 votent l’adoption.

42 votent le rejet.

1 membre s’abstient.

En conséquence les propositions sont adoptées dans leur ensemble.

M. Desmet. - Je me suis abstenu de prendre part à la délibération, parce que je persiste à croire qu’on ne peut décider de semblables questions sans avoir résolu celles qui sont relatives aux attributions.

Ont voté l’adoption : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert, Bosquet, Coghen, Cols, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, F,. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, F. C Vuylsteke et Coppieters.

Ont voté le rejet. - MM. Berger, Brabant, Corbisier, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus aîné, B. Dubus, Dumortier, Fallon, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius, Pirmez, Pirson, Pollénus, Quirini, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rouppe, Seron, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vanden Wiele, Vergauwen, L. Vuylsteke, Wallaert, Watlet et Zoude.

M. Desmet s’est abstenu.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère de l'intérieur

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai l’honneur de présenter un projet de loi pour demander un crédit provisoire parce qu’il est un grand nombre d’employés dans mon département qui ne peuvent pas se passer de leurs traitements.

Je demande un crédit de 1,310,000 fr. pour les traitements des employés et des ministres des cultes.

Et un crédit de 200,000 fr. pour les travaux publics, en cas d’urgence.

Je proposerai le renvoi de ce projet à une commission. Il faudrait que l’on pût délibérer demain, parce que le sénat aura terminé ses travaux à cette époque et qu’il s’ajournerait si on ne lui présentait pas promptement cette loi.

Je proposerai le renvoi à la section centrale qui a examiné le budget de l’intérieur ; cette marche me paraît la plus simple.

- Cette dernière proposition est adoptée.

Projet de loi communale

Discussion des articles

M. Dubus. - Il règne tant d’agitation dans l’assemblée que je crois qu’il conviendrait de remettre la discussion à demain. Il s’agit de questions importantes.

M. F. de Mérode. - L’agitation peut se calmer.

M. Raikem. - On demande que je reprenne le fauteuil : je désire que la chambre en décide.

M. Gendebien. - Nous nous en rapportons à la délicatesse de M. Raikem

M. Raikem. - Je crois que je peux, sans manquer à la délicatesse, remonter au fauteuil

M. Gendebien. - Si c’est votre désir, remontez au fauteuil.

M. Raikem. - Il ne s’agit pas de désir, mais d’une demande faite par plusieurs membres.

- La chambre consultée décide que M. Raikem remontera au fauteuil.

M. le président. - Nous allons passer à la délibération sur les articles.

Titre premier. Du corps communal

Chapitre I. De la composition du corps communal
Article premier

« Article premier (du projet du gouvernement). Il y a dans chaque commune un bourgmestre, un collège des bourgmestres et échevins et un conseil communal. »

« Article premier (du projet de la section centrale). Il y a dans chaque commune un corps communal composé de conseillers, du bourgmestre et des échevins. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - D’après le vote de la chambre je me rallie à la proposition de la section centrale, qui est rédigée dans le sens de la proposition déjà adoptée.

- L’article premier du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article 2

M. le président. - L’article 2 tel qu’il résulte d’un vote que la chambre vient d’émettre est ainsi conçu :

« Art. 2 le Roi nomme les bourgmestre et échevins exclusivement dans le sein du conseil. »

M. Dechamps. - Au début de la discussion actuelle, j’avais déclaré que je proposerais de rétablir le système du premier vote ; ma première intention était de le rétablir exactement tel qu’il avait été formulé, c’est-à-dire de laisser au gouvernement la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil, et celle de échevins sur une liste de candidats double ou triple, selon une échelle de population. Mais plusieurs de mes honorables collègues qui partageaient le fond de mon opinion, m’avaient manifesté une grande répugnance et m’avaient reproduit les graves objections à l’égard des listes de candidats, système qu’ils considéraient comme aussi funeste pour la commune que pour l’Etat. En faisant présenter des candidats par les conseillers, vous transformez, me dit-on, chaque conseil en un corps électoral, et vous y introduisez les intrigues, les cabales et ces luttes intestines qui empêcheraient la bonne harmonie d’y régner, et par conséquent qui rendraient toute administration impossible. D’un autre côté, ajoutait-on, ce système consacrerait une espèce d’hypocrisie dans la loi ; le conseil peut toujours, dans la présentation de ces listes, forcer la main au gouvernement en adjoignant à dessein aux hommes de leur choix des nullités que le gouvernement est dans l’impossibilité d’admettre.

Je vous avoue cependant, messieurs, que c’était à regret que j’aurais consenti à modifier le premier vote, en laissant au gouvernement le choix des échevins dans le conseil indistinctement, parce que cette modification, quoique légère, était cependant faite au détriment de la liberté communale, et c’est ce que je n’aurais pas voulu. Mais, messieurs, il est un moyen facile d’éviter tous les inconvénients signalés à l’égard des listes de candidats présentées par le conseil, sans rien changer au résultat que le premier vote emmenait après lui. Le Roi nommait les échevins sur une liste de candidats double dans les communes qui ont deux échevins, c’est-à-dire parmi 4 candidats, triple dans les communes où il y 4 échevins, c’est-à-dire parmi 12 candidats. Eh bien, messieurs, au lieu de cette présentation de listes par le conseil, on pourrait établir que le Roi nomme les échevins dans les communes qui en ont deux parmi les quatre conseillers qui ont obtenu le plus de voix, et dans les communes qui en ont 4 parmi les 12 conseillers qui ont obtenu le plus de suffrages aux élections directes. Vous obtenez exactement le même résultat que celui que la chambre a voulu au premier vote, et tous les inconvénients signalés à l’égard des listes présentées par le conseil ne se rencontrent plus.

En effet, le conseil ne deviendra plus un corps électoral dès lors les jalousies, les guerres intérieures que l’on craint voir résulter de ce choix de candidats, n’auraient plus lieu dans ce système ; le gouvernement n’aurait pas non plus la main forcée ; on ne lui présenterait plus des hommes de paille à côté des seuls candidats que l’on veut avoir, puisque les électeurs eux-mêmes lui désigneraient clairement, par le nombre des suffrages obtenus, les hommes de leur confiance, ceux qu’ils jugent les plus honnêtes et les plus capables. En pratique, le gouvernement, si la faculté lui était laissée de choisir dans tout le conseil, serait bien obligé de suivre cette indication du nombre des suffrages obtenus, parce qu’il est évident que s’il nommait échevins ceux précisément que les électeurs ont revêtus d’une moindre confiance en ne leur accordant qu’un moindre nombre de voix, il mécontenterait et la commune toute entière et les conseillers éliminés qui, s’ils ne donnent pas leur démission à cause de cette injure,, formeront dans le conseil un parti essentiellement adversaire aux conseillers présentés par le gouvernement.

M. le président. - L’amendement proposé par M. Dechamps est ainsi conçu :

« Il y a deux échevins dans les communes de 20,000 habitants et au-dessous, quatre dans celles dont la population excède ce nombre. Dans les communes qui ont deux échevins, ils sont nommés par le Roi, parmi les 4 conseillers, et dans les communes qui ont 4 échevins parmi les 12 conseillers qui ont obtenu le plus de suffrages dans l’élection directe. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - D’abord je crois qu’il faut écarter de la proposition de M. Dechamps ce qui concerne le nombre des échevins, parce qu’il est réglé dans autre article.

Quant au fond de sa proposition, qui est de restreindre le choix du Roi parmi les membres du conseil qui ont obtenu le plus de voix, je crois qu’il me sera facile de faire comprendre au préopinant que cet article serait souvent contraire au vœu même des électeurs. Voici comment il peut se faire qu’un homme de bon conseil estimé dans la commune, soit porté au conseil communal par l’unanimité des suffrages sans aucune des qualités nécessaires pour être échevin, n’ayant pas les qualités administratives pour être un homme d’action et hors d’état d’administrer activement la commune. Il serait donc contraire au vœu de la commune que l’on prît pour échevin le conseiller qui a obtenu le plus de voix. Mais ce que propose l’honorable membre doit être un indice pour le gouvernement. C’est ce que j’aurais fait observer si la discussion avait continué sur les questions de principe. Je voulais répondre à ceux qui disent que le gouvernement n’a pas d’éléments propres à fixer son choix, que le gouvernement a plusieurs indices très positifs, comme le nombre des suffrages, les fonctions antérieures, les réélections obtenues, et d’autres considérations de cette nature, qui peuvent éclairer le choix du gouvernement. Mais limiter le choix du gouvernement comme le propose M. Dechamps, serait aussi contraire à l’intérêt de l’Etat qu’à celui de la commune.

L’honorable membre a fort bien senti les inconvénients qui résulteraient d’une présentation de candidats. Mais les inconvénients résultant de la proposition sont encore plus grands. Je pense donc que les échevins doivent être librement choisis dans le conseil.

M. Legrelle. - J’ajouterai seulement à ce qu’a dit M. le ministre de l'intérieur que si vous adoptez l’amendement de M. Dechamps, vous mettez le gouvernement dans le cas de choisir des hommes qui ne lui conviennent nullement, car il peut se faire que parmi les hommes qui ont réuni le plus de suffrages dans la commune, il ne s’en trouve aucun qui convienne au gouvernement. Mais est-il bien assuré qu’ils conviendront aux électeurs ? j’en doute fort ; car autre chose est d’être désigné par les électeurs pour être conseiller ou d’être appelé aux fonctions d’échevins. Il y a des hommes qui ont les qualités requises pour être conseiller et qui n’ont pas celles nécessaires pour être échevin, tel homme peut être un excellent conseiller et faire un mauvais échevin ; tel homme peut faire un excellent échevin qui n’aura pas été désigné pour être conseiller.

Il résulte de là que l’amendement de M. Dechamps est inadmissible. C’est, je crois, la plus mauvaise de toutes les combinaisons. Vous voulez replâtrer le système de l’élection directe ; et vous viciez tous les avantages de l’élection directe des échevins par le peuple, sans nous indemniser par quoi que ce soit des inconvénients de ce système.

Je voterai contre la proposition.

M. Jullien. - Je suis de l’avis de M. le ministre de l'intérieur. Je crois que quand la loi accorde au Roi le pouvoir de prendre les échevins dans le conseil, il faut qu’il les choisisse où bon lui semble dans le sein du conseil. En effet, quand on connaît un peu l’administration communale, on doit savoir que les échevins se partagent les fonctions de l’administration : l’un est chargé des finances, l’autre de la police, un troisième de l’état-civil, un autre des travaux publics. Pour cette division du travail qui se fait surtout dans les grandes villes, il faut des hommes plus ou moins spéciaux. Il peut se faire que ceux appelés au conseil communal par le plus grand nombre de suffrage n’aient aucune des qualités nécessaires pour être échevins. Je crois donc que l’amendement proposé ne doit pas être admis.

M. Gendebien. - je conçois qu’il peut y avoir des inconvénients dans l’amendement de M. Dechamps. Le peu qu’on a dit me porte à croire qu’il offre des inconvénients. Mais il y a une manière de faire disparaître les inconvénients qui ont été signalés. Au lieu de restreindre le choix du Roi à un certain nombre de conseillers, en raison du plus ou moins grand nombre de voix qu’ils ont obtenu à leur élection au conseil, je crois qu’il faudrait, au contraire, une présentation de candidats.

Ce n’est pas une chose nouvelle que ces nominations royales, sur présentation de candidats. Les règlements de 1817, les règlements du roi Guillaume, l’avaient ainsi établi. Je trouve à l’article 35 : « Nul ne peut être nommé bourgmestre ou échevin s’il n’est membre du conseil de ville. »

Les bourgmestre et échevins doivent, comme vous le voyez, être pris dans le conseil.

L’article 37 complète le système adopté sous le roi Guillaume, il porte : « Les bourgmestre et échevins sont nommés par le Roi, sur une liste triple qui lui est présentée par le conseil. »

« La première nomination appartient au Roi sans aucune présentation. »

Eh bien, si vous n’établissez pas le mode de nomination sur présentation de candidats, il en résultera que vous donnerez à perpétuité au gouvernement actuel, ce qui n’a été donné au roi Guillaume que pour la première nomination, et par conséquent, par exception ; vous établirez donc dans votre loi l’exception temporaire de l’arrêté de 1817, pour règle perpétuelle.

Je sais bien que, par les arrêtés subséquents de 1824, le roi Guillaume a escobardé cette garantie aux conseils municipaux ; mais voulez-vous vous rendre en quelque façon complice de ces escobarderies ? voulez-vous être aujourd’hui ce qu’a été le roi Guillaume ? Je ne le pense pas. Et veuillez bien remarquer que le pays a droit à plus de libertés qu’on n’en demandait en 1824, quand le roi Guillaume a réglé l’organisation communale ; car aux termes de l’article 132 de la constitution des Pays-Bas, l’établissement des règlements de l’administration communale était laissé à l’arbitraire du roi Guillaume.

Les règlements étaient proposés par les régences des villes et adressés ensuite aux états provinciaux qui les soumettaient au roi avec leurs observations. Mais le roi statuait sur ces propositions, selon son bon plaisir, sans être en rien gêné par la constitution des Pays-Bas. Ainsi on ne contestait pas au roi Guillaume le droit de faire des règlements ; mais on lui reprochait l’abus scandaleux qu’il avait fait de ce droit. Votre position est plus délicate, car on pourrait vous reprocher à la fois d’avoir violé la constitution et d’avoir abusé du droit que vous vous êtes attribué en dehors de la constitution.

Messieurs, on critiquait l’abus que le roi Guillaume en avait fait. L’art. 108 de la constitution a fait disparaître ce grief en donnant à l’élection directe la nomination du bourgmestre et des échevins. Car l’art. 108 a établi le principe de l’élection directe, mais a autorisé la législature à formuler une exception pour les chefs des administrations communales.

Vous avez accordé cette exception, vous l’avez étendue jusqu’aux échevins et selon moi la constitution la défendait.

C’est alors que l’on vient de faire une concession aussi importante au pouvoir que la chambre se priverait d’une garantie qui se trouve dans les premiers règlements du roi Guillaume qui, lui, n’était pas obligé de l’accorder.

Je vous demande, messieurs, si cela ne mérite pas au mois quelques méditations.

Je me résume, messieurs, et je dis que les inconvénients qui ont été signalés pour repousser la proposition de l’honorable M. Dechamps, disparaissent par la mienne. Là, messieurs, ce n’est pas le plus ou moins grand nombre de voix qui décide du choix, c’est le conseil. Or, messieurs, quel corps est plus à même de décider de la capacité de chacun des individus qui le composent et de la capacité spéciale pour telles ou telles fonctions déterminées ?

Par la présentation, le gouvernement aura la garantie qu’il nommera au moins les plus capables. Pourquoi voulez-vous ôter au gouvernement cette garantie, et pourquoi voulez-vous ôter en même temps au peuple une garantie alors que vous venez de lui arracher une de ses plus importantes libertés ?

Sous le roi Guillaume, l’on ne s’est pas plaint des règlements de 1817. L’on ne s’est plaint que des règlements de 1824 qui ont enlevé aux communes les garanties de l’art. 37. Voyez, messieurs, si vous voulez vous mettre dans la position où le roi Guillaume s’est placé en 1824 et où nous l’avons jeté en 1830.

Rappelez-vous les nombreux griefs que l’on a fait valoir et qui ont amené la révolution. Ce serait rentrer dans la discussion générale, mais l’on a dit et répété à satiété que c’était le grief le plus saillant. La preuve c’est que M. Van de Weyer, quand il a dressé sa liste de griefs dans sa fameuse lettre à lord Aberdeen, a accusé le roi Guillaume d’avoir enlevé les libertés communales.

Lors de la révolution, quels sont les fonctionnaires que l’on a attaqués en première ligne ? Les bourgmestres et les échevins, parce que c’étaient les hommes du pouvoir. Il y avait parmi eux des hommes très honnêtes, très estimables dans leur vie privée. Mais ils ont succombé sous le poids de l’impopularité de leur maître.

Voyez si vous voulez faire la même chose que le roi Guillaume. Je vais rédiger un amendement dans le sens de mes développements.

M. Nothomb. - D’après l’honorable préopinant, si vous accordez au Roi le droit de nommer les échevins dans le conseil sans présentation, vous lui donnez ce que le roi Guillaume lui-même n’a pas osé s’attribuer en 1817. C’est à cette partie de son argumentation que je vais répondre d’abord.

Les situations ne sont pas les mêmes ; voici pourquoi :

Comment se formaient les conseils communaux sous le gouvernement des Pays-Bas ? J’ai déjà eu l’honneur de vous le rappeler dans la discussion générale. Il n’y avait pas d’élection directe.

Dans les campagnes, le conseil communal était choisi par la députation des états ; dans les villes, il était élu par une élection à deux degrés. Il n’est en pas de même aujourd’hui.

Aujourd’hui, le conseil communal est élu directement pour les campagnes comme pour les villes.

Suivons maintenant l’opération telle qu’elle se passait dans l’organisation de l’ancien royaume des Pays-Bas.

Dans les campagnes, le conseil communal, nommé par les états provinciaux, présentait des candidats ; dans les villes, les candidats étaient présentés par les conseils communaux, résultat de l’élection à deux degrés.

Aujourd’hui, au contraire, la situation est tout à fait changée. La liste des candidats est formée directement par les électeurs mêmes ; car le conseil communal qu’ils ont élu est à lui seul une liste de candidats. Je ne sais par quelle défiance contre les électeurs on en appellerait au conseil, pour juger quels sont les plus capables d’être choisis par le Roi. Il est donc évident, et je ne puis assez insister sur ce point, que la situation est changée du tout au tout.

La liste des candidats parmi lesquels le pouvoir exécutif a le droit de choisir aujourd’hui, est le résultat du vote direct des électeurs, de l’intervention directe des citoyens.

Il n’y a plus de conseil communal formé dans les campagnes par les états provinciaux, dans les villes, produit par une élection à deux degrés. Ainsi, l’on ne peut argumenter de l’ancienne organisation des Pays-Bas. Car ce que nous faisons est une chose tout à fait nouvelle.

En second lieu, il ne faut pas perdre de vue que vous venez de décider, par la première des questions de principe, que le pouvoir exécutif serait exercé collectivement par le bourgmestre et les échevins.

M. le ministre des finances a franchement déclaré sur la deuxième question que le bourgmestre serait nommé exclusivement dans le conseil, que les échevins le seraient sans présentation. L’explication est indivisible, il faut la prendre dans son ensemble.

Les échevins sont associés à l’exercice du pouvoir exécutif, et cependant par la présentation, le choix n’est plus libre même dans le conseil. Ce sera ce conseil qui viendra imposer tel ou tel candidat aux choix du gouvernement. Il ne suffira plus que le pouvoir exécutif soit limité dans son choix par l’obligation de nommer dans le sein du conseil. Vous introduirez une nouvelle limitation par la nécessité de la présentation.

Je ne parlerai pas des inconvénients de la présentation ; M. Dechamps lui-même les a avoués et je me réfère à ce qu’il vous a dit.

Je terminerai en appelant, de nouveau, toute l’attention de la chambre sur la différence complète qui existe entre l’ancienne organisation communale et celle d’aujourd’hui et sur l’impossibilité d’argumenter de l’ancienne organisation comme l’a fait l’honorable M. Gendebien.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Ceux qui ont fait partie des administrations sous le régime de la présentation des candidats ont pu apprécier les inconvénients inséparables de ce système. La présentation dans les communes rurales surtout, deviendrait une source de division et de haine personnelle entre les membres du conseil. Aussi la suppression de la présentation de candidats, même dans les villes, a-t-elle été favorablement accueillie.

L’honorable M. Dechamps a senti les inconvénients du mode de présentation. Il l’a qualifié de système d’hypocrisie. C’est même parce qu’il était frappé des inconvénients inhérents à ce système, qu’il en a présenté un autre, qui consiste à choisir les échevins, si je ne me trompe, parmi les conseillers qui ont réuni à l’élection le plus grand nombre de voix.

Mais ce système pèche par sa base. Il est fondé sur une supposition ; c’est que par ce moyen vous feriez un choix plus conforme aux intentions des électeurs. C’est une erreur.

Il peut arriver qu’ils donnent leur voix à tel individu pour faire partie du conseil ; ce sera à cause des connaissances qu’il aura acquises et de l’expérience qu’il possède. Cet homme pourra être d’une très grande utilité dans le conseil. Mais il peut très bien arriver qu’à raison de son âge, il ne soit nullement apte à remplir la place d’échevin. Il pourrait arriver que si les électeurs avaient dû nommer les échevins, ils n’auraient pas choisi ceux à qui ils ont donné le plus grand nombre de voix pour en faire des conseillers.

Ces individus, en effet, peuvent être très bien placés dans un corps délibérant, et ne pas posséder l’activité indispensable dans des fonctions exécutives.

En outre, vous avez décidé tout à l’heure que le bourgmestre et les échevins exerceraient collectivement le pouvoir exécutif dans la commune, non seulement pour les actes d’administration communale, mais aussi pour les lois et actes d’administration générale. Alors il me semble que le choix du Roi est déjà restreint dans des limites assez étroites quand il est obligé pour le bourgmestre et les échevins de se renfermer dans le conseil, et que ce serait aller trop loin que de subordonner encore la prérogative royale à une présentation de candidats.

En restreignant la liberté du gouvernement dans le sein du conseil, c’est déjà la restreindre beaucoup, vous venez de le décider ; il ne faut pas aller au-delà. Il faut que le gouvernement ait une certaine latitude pour choisir les hommes qui doivent être chargés de l’exécution non seulement des actes d’administration communale, mais d’actes d’administration générale qui intéressent tout le pays.

M. le président. - M. Dumortier vient de déposer un amendement ainsi conçu :

M. Dumortier, rapporteur. - J’ai dit tout à l’heur que M. le ministre de l'intérieur s’était expliqué d’une manière satisfaisante. Mais comme la chambre a déclaré qu’elle n’avait pas entendu l’explication comme moi, je me félicite d’avoir pu déposer la proposition dont M. le président vient de vous donner lecture.

Je commencerai par rappeler à la chambre ce qui s’est dit lorsqu’on a présenté un système qu’on a appelé système de conciliation, que j’ai appelé système de transaction et qu’on pourrait peut-être avec plus de raison appelé système de déception. On a dit qu’on voulait présenter ce qui avait été admis au premier vote. Or, messieurs, qu’aviez-vous admis au premier cote, la nomination des échevins sur présentation de candidats par le conseil. Si vous voulez le système du premier vote, vous devez admettre ma proposition relative aux échevins.

Cela est tellement vrai que M. Rogier vous a dit : on a fait un pas de part et d’autre, les uns consentent à l’intervention du Roi dans la nomination du bourgmestre et des échevins, nous consentons à ce que le bourgmestre soit pris dans le conseil et à ce que les échevins soient nommés sur présentation de candidats par le conseil, nous admettons le système adopté au premier vote.

Je ne vois pas comment on pourrait maintenant combattre un système qu’on a soi-même présenté.

Je ne sais pas comment il sera possible au gouvernement de faire des nominations sans présentations. Il est incontestable que le ministre de l’intérieur ne pourra pas faire de nomination d’échevins, sans que des présentations aient été faites ; si vous n’admettez pas ma proposition de faire ces présentations par le conseil, ce sera le commissaire de district qui les fera. Je demanderai lequel vaut mieux que les présentations soient faites par les conseillers qui se connaissent, siègent ensemble et peuvent s’apprécier, ou par le commissaire de district qui aura intérêt à ruiner le pouvoir exécutif de la commune.

Il est manifeste que le gouvernement ne peut pas se passer de présentations.

Il est manifeste aussi que ceux qui sont le plus capables de juger ceux qui réunissent les qualités nécessaires pour remplir les fonctions d’échevins sont les membres du conseil.

Ma proposition a un autre avantage. C’est que leur présentation annonce déjà qu’ils ont l’approbation de leurs collègues et qu’ils auront la majorité dans le conseil.

On vient de dire : le conseil présentera un homme qu’il désire à côté de personnes qui ne pourront pas remplir les fonctions d’échevins. Il faudrait admettre un principe que je repousse, à savoir que les électeurs nommeront des conseillers incapables. On ne peut pas admettre cela, à moins qu’on n’admette aussi qu’en nous nommant, les électeurs nomment des hommes incapables à gérer leurs intérêts, à moins que ceux qui viennent de faire le sacrifice des libertés publiques ne veuillent consentir à une pareille déclaration.

Maintenant, messieurs, je dis que les électeurs sauront bien à quelles personnes ils doivent donner leur confiance. Mais ceci une fois admis, le conseil connaît beaucoup mieux que le commissaire de district les hommes capables de gérer les intérêts communaux. (Bruit.) J’entends dire qu’on veut réduire le choix du pouvoir exécutif ; mais vous voudriez donc nommer en dehors du conseil. Songez que le pouvoir n’a aucune nomination à faire dans la commune maintenant ; c’est une concession que vous lui faites actuellement.

Comment, ce qui a suffi au roi Guillaume dans le commencement de son règne, ne peut vous suffire, à vous, MM. les ministres ! Que ne demandez-vous la nomination du bourgmestre et des échevins en dehors du conseil !

Quand on a dit que la présentation serait une cause de dissension dans la commune, cela n’a pu être sérieusement ; il ne pourra y avoir d’union dans le conseil que quand le collège municipal représentera l’opinion de ce conseil même.

Vous voulez l’ordre ; mais prenez garde, vous allez avoir l’ordre qui régnait en Espagne il y a deux ans…

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On a demandé la clôture.

M. Gendebien. - Je demande la parole contre la clôture.

C’est une chose inconcevable que cet empressement à priver le pays de libertés que Guillaume avait données en 1817.

M. Devaux. - C’est décidé !

M. Gendebien. - C’est décidé, M. Devaux ! mais du moins entendez mes observations ! Je ne sais pourquoi on interrompt les orateurs quand ils parlent de liberté ! mais quand on parlait de bêtes à cornes, ils n’ont pas été interrompus. (On rit.) Ne serait-il pas inconvenant de ne pas entendre une seconde fois l’auteur de la proposition, surtout après avoir entendu un ministre, un secrétaire d’Etat…

M. Nothomb. - Ici je suis député comme vous !

M. Gendebien. - Je sais bien que ce n’est pas en qualité de secrétaire qu’il parle ; mais enfin c’est un homme du gouvernement ; on a beau faire tout ce qu’on voudra, on ne séparera pas les deux qualités.

J’ai besoin de répondre. J’ai quelque chose d’essentiel à répondre.

- La clôture est mise aux voix par assis et levés ; l’épreuve est douteuse ; elle est renouvelée et elle est également douteuse ; en conséquence la discussion continue.

M. Rogier. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Messieurs, ceci n’est pas, bien entendu, pour prolonger la discussion que je trouve suffisamment longue, mais pour relever une erreur dans laquelle est tombé l’honorable M. Dumortier lorsqu’il a prétendu que je m’étais montré partisan du système de la candidature aux fonctions d’échevins. C’est complètement inexact. Ce système je l’ai combattu en qualité de ministre de l’intérieur. Je n’ai pas cru devoir prendre la parole pour reproduire les mêmes arguments. Mais dans les précédentes discussions, j’ai combattu ce système, avec beaucoup de bons esprits de cette chambre.

Il y a plus, c’est que mon opinion, ce système a été exclu par le vote émis aujourd’hui. Quand la chambre a décidé que le Roi nommerait les bourgmestres et échevins dans le sein du conseil, par cela elle a exclu la candidature, système combattu par un grand nombre de membres et par M. Dumortier lui-même.

J’ajouterai, puisque j’ai la parole pour un fait personnel, et que plusieurs fois on a fait allusion à une discussion antérieure, que je n’ai pas pris plaisir à prolonger cette discussion. J’ai pris la parole trois fois ; deux fois j’ai été interrompu ; et j’ai été forcé de me rasseoir. Il ne s’agissait pas d’une question spéciale ; mais d’une question de liberté commerciale, c’était une question nouvelle où les grands principes de liberté commerciale devaient être discutés ; et cette discussion avait plus d’importance pour le pays que celle qui nous occupe maintenant (réclamations) car on exagère singulièrement l’importance de cette discussion.

Nous sommes aussi bons citoyens que ceux qui se proclament les patriotes par excellence.

M. Gendebien. - Nous ne nous disons pas les patriotes par excellence.

M. Rogier. - Ce n’est pas à vous que je fais allusion. Au contraire, je rends hommage à la modération dont vous avez fait preuve dans cette discussion, je crois que la chambre et le pays vous en savent gré.

Nous ne voulons pas sacrifier les libertés du pays ; mais nous les entendons d’une autre manière.

Et de quel droit vous constituez-vous donc les seuls défenseurs du peuple !

Dans quelle circonstance avez-vous donné plus de preuves de patriotisme que nous ! (Bruit.)

M. Lardinois. - Nous nous sommes montrés devant l’ennemi.

M. Rogier, au milieu du bruit. - Il ne faut pas que le pays croie que la chambre vient de sacrifier les libertés du peuple. Il ne fait pas que l’on pense que nous faisons plus que n’a osé faire le roi Guillaume. Il y a trois ans, nous vous avons démontré que le système municipal sous le régime hollandais n’était rien, que les communes rurales n’avaient aucune représentation municipale ; l’on n’a rien répondu à cela.

Plusieurs voix. - C’est le fond.

M. le président. - Je ferai observer à M. Rogier qu’il s’écarte du fait personnel.

M. Rogier, avec force. - L’on nous a accusés de sacrifier les libertés du pays. L’on a fait allusion au banc où nous siégeons. L’on nous a accusés d’avoir renié nos opinions depuis que nous siégeons au banc du pouvoir. Je me suis modéré. Je n’ai pas voulu répondre… La majorité a, dans cette circonstance, fait preuve d’une grande modération… Mais j’ai le droit de me défendre.

Beaucoup de membres. - Parlez, parlez.

M. le président. - Je ne veux pas empêcher l’orateur de parler. Mais mon devoir m’oblige à le prier de se renfermer dans le fait personnel.

M. Rogier. - Je ne voudrais pas, M. le président, poser un mauvais antécédent. J’étends, il est vrai, un peu mon droit de parler sur un fait personnel. Mais c’est une faculté dont on a plus abusé que moi.

Si je me suis un peu écarté du fait personnel, c’est qu’il m’a semblé que la chambre me le permettait. (Oui, oui.)

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur consent-il à céder la parole à M. Rogier.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’y consens bien volontiers.

M. Rogier, reprenant. - Je le répète, nous n’avons pas fait aujourd’hui le sacrifice des libertés publiques.

Nous nous sommes demandé si les communes seront mieux administrées par un bourgmestre et des échevins choisis par le Roi dans le sein du conseil que par des magistrats nommés par les électeurs. Dans notre conscience nous croyons qu’elles seront mieux administrées si le Roi choisit dans le conseil les magistrats de la commune, et nous avons voté dans ce sens.

L’on ne fera croire à personne que le premier intérêt des communes ne soit pas une bonne administration si elles croient la trouver dans la séparation absolue de la commune du pouvoir exécutif, nous croyons qu’on l’obtiendra en faisant nommer les fonctionnaires chargés du pouvoir exécutif dans le sein du conseil par le gouvernement, c’est-à-dire par le pouvoir responsable, par le pouvoir soumis au contrôle des deux chambres émanées de la souveraineté nationale

Voilà comment nous comprenons l’intervention du pouvoir dans la commune. Du reste, indépendance absolue dans la commune puisqu’elle nomme le conseil qui renferme les éléments du collège échevinal et qui sont à ce collège ce que les chambres sont au ministère.

Du reste, j’ai déclaré que quant à moi je n’attachais pas un grand prix à la conservation de ce collège. Si un amendement avait été présenté dans ce sens, j’y donnerai mon assentiment.

Je bornerai là mes observations. C’est au pays à nous juger maintenant.

M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole sur le fait personnel.

M. le président. - Est-ce un fait qui vous concerne personnellement ?

M. Dumortier, rapporteur. - Oui, M. le président.

Messieurs, je ne m’attendais pas à voir M. Rogier demander la parole pour un fait personnel parce que j’avais dit qu’il avait proposé de revenir au premier vote de la chambre.

Rappelez-vous, je vous prie, ce qui s’est dit et ce qu’a dit l’honorable membre. On a fait un pas des deux côtés, vous a-t-il dit, certains membres ne demandent plus que le bourgmestre puisse être pris hors du sein du conseil, et consentent à ce que les échevins soient nommés sur présentation du conseil, conformément au premier vote.

M. Rogier. - Je n’ai pas parlé de la nomination des échevins sur présentations.

M. Dumortier, rapporteur. - Vous avez dit que vous admettiez le système adopté au premier vote. Ce que j’ai dit était donc parfaitement exact.

L’honorable préopinant que nous écoutons toujours avec beaucoup de patience, et sans trépignement de pieds, faisant allusion à nous, a dit que nous allions seuls paraître libéraux, que nous prétendions au monopole du libéralisme. Quant à cela, le pays jugera. Il verra lequel de nous veut lui assurer plus de liberté, il verra qui de nous deux donne plus de garantie au pays. Il verra s’il aura plus de liberté avec la tutelle qu’on veut lui imposer qu’avec le régime que nous détendons, et s’il est vrai qu’un gouvernement qui veut avoir le monopole des fonctions publiques pour corrompre à son gré les élections, comme l’a fait l’honorable préopinant pendant qu’il était ministre, quand il a donné la démission à l’honorable M. Doignon, parce qu’il s’était mis sur les rangs pour la députation concurremment avec un ambassadeur, doit le rendre plus heureux.

On se rappellera que l’honorable membre a dit que c’était un moyen de gouvernement que d’avoir la nomination de beaucoup d’agent.

Quant à moi, je déclare que je m’en rapporte à l’opinion du peuple, mais je ne crois pas qu’il se trouvera plus libre quand il sera en tutelle.

M. Rogier. - Je demande la parole.

Un grand nombre de membres. - A demain ! à demain !

- La séance est levée à 5 heures.