(Moniteur belge n°38, du 7 février 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse. fait l’appel nominal à une heure.
M Schaetzen. donne lecture du procès-verbal.
M. de Renesse. l’objet de quelques mémoires adressés à la chambre.
- Ces mémoires sont renvoyés à la commission des pétitions.
Tous les articles jusqu’à celui qui est relatif à la caisse de retraite sont de nouveau adoptés et sans débats.
M. le président. - La chambre, dans sa première délibération, a ajourné ce qui concerne la caisse de retraite.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je ne sais si je dois revenir sur la question de droit, sur la légalité de l’arrêté-loi de 1814 ; je pense que ce point-là est incontestable : et si je voulais m’emparer du passage d’un discours d’un des honorables députés de Tournay qui s’est opposé à l’allocation que nous demandons, je pourrais prouver, par ce même passage, que l’arrêté-loi de 1814 a conservé force obligatoire.
Voici, en effet, ce que disait M. Dubus à propos des traitements :
« Je suis disposé à allouer les 50 mille francs ; mais je ne pense pas, pour cela, que ceux à qui le roi déchu a accordé des traitements d’attente aient des droits acquis.
« On a invoqué l’arrêté de 1814, mais on n’a pas fait attention que cet arrêté renfermait deux espèces de dispositions ; les unes qui fixent les cas dans lesquels des pensions pourront être accordées, et la manière dont elles seront accordées, et une autre par laquelle le chef du gouvernement se réserve le droit de disposer des deniers publics selon son bon plaisir. Ces dispositions sont d’un ordre différent. Celles par lesquelles on fixe les cas dans lesquels des pensions pourront être accordées peuvent être considérées comme ayant force de loi. Mais l’autre, celle par laquelle le chef du gouvernement se réservait le droit de disposer des deniers publics selon son bon plaisir, est tombée devant la constitution même de 1815. »
Vous voyez que l’honorable M. Dubus fait une distinction entre ce qui concerne les traitement d’attente distribués en vertu de l’article 17 de l’arrêté-loi de 1814, traitements qui ont dû tomber devant la charte du pays, et entre ce qui concerne les pensions. L’honorable membre trouve qu’il y a légalité dans l’application de l’arrêté de 1814, relativement à ce dernier point. Ceci me paraissant incontestable, je n’insisterai pas.
Or, si cet arrêté a force obligatoire, il faut admettre que les fonctionnaires des finances ont droit à la pension de retraite sur le trésor, car de ce que la caisse de retraite leur impose des conditions onéreuses, cela n’a pas détruire les droits qu’ils ont à cette pension tout aussi bien que les autres fonctionnaires de l’Etat, eux qui remplissent des emplois très utiles, indispensables même à la marche de l’Etat tout entier.
On a dit que si la caisse de retraite imposait des retenues sur les traitements des employés des finances, ils en étaient, d’un autre côté, amplement dédommagés par l’élévation de ces mêmes traitements ; eh bien, je pose en fait que depuis 1822, époque à laquelle la caisse de retraite a été instituée, les traitements des fonctionnaires des finances sont restés les mêmes jusqu’en 1830, et je ferai observer en passant, sauf à tirer les conclusions nécessaires, que depuis 1822 jusqu’en 1830 la retenue, pour la caisse de retraite, a été de 2 p. c.
Postérieurement à 1830, les traitements ont-ils été augmentés ? Non, messieurs ; ils ont, au contraire, subi des réductions notables, non seulement dans ce qu’ils ont de fixe, mais encore par la suppression des leges qui faisaient à peu près le tiers des émoluments que certains fonctionnaires avaient auparavant.
Je pourrais donc dire que, si depuis l’établissement de la caisse de retraite il n’y a pas eu augmentation de traitements, il y a eu augmentation de retenues ; mais il y a plus, c’est que les traitements ont été diminués, quoique les retenues aient été portées successivement à 3 sur tous les traitements et enfin à 5 p. c. sur les appointements qui dépassent 1,200 francs.
Messieurs, si je voulais trouver la preuve que les traitements des employés des finances ne sont pas tels qu’on le prétend quelquefois, je n’aurais qu’à citer des chiffres et vous verriez que ces traitements sont très bas, très modérés. Et à cette occasion, je crois qu’il ne sera pas inutile que je vous présente quelques-uns des résultats de ces chiffres.
Je vois, d’après les tableaux que j’ai sous les yeux, que pour les administrations centrales de l’enregistrement et des domaines, des contributions directes et des postes. il y a 7,286 employés, et que la moyenne des traitements n’est que de 1,260 fr., très approximativement.
Dans cette moyenne sont comprises les remises formant les traitements des comptables, et l’on sait que les plus forts traitements sont attribués à cette catégorie de fonctionnaires. L’on ne prétendra cependant pas, je pense, qu’il faut diminuer ces remises-là, car on ne trouverait plus personne de convenable pour remplir ces fonctions spéciales, pour se charger des recettes. Ces emplois exigent des cautionnements élevés, ils exposent à des dangers quant à la conservation des fonds ; et si l’on voulait augmenter le nombre des percepteurs, les remises s’accroîtraient davantage.
Je dis que la moyenne de 1,260 fr. est sans doute très modérée ; et si j’examine, dans les diverses catégories d’employés, l’élévation des agents non comptables, j’en trouve 33 qui ont des traitements supérieurs à 6,000 fr. Je trouve ensuite que le nombre de 33 est au nombre total des autres employés dans le rapport de 1 à 220.
Ainsi, vous voyez que dans le ministère des finances il y a un traitement supérieur à 6,000 fr. sur 220 employés. Il n’y a donc pas d’exagération dans ces traitements, comme on l’a prétendu à tort dans diverses circonstances.
Maintenant, messieurs, revenant sur la collation des pensions, je vais abandonner un moment la question de droit, et abonder dans le sens de mes adversaires, en leur montrant les conséquences inévitables de leur système.
Si les employés du département des finances actuel n’ont droit à aucune pension, s’ils doivent se subvenir à eux-mêmes par la caisse de retraite, vous ne pouvez pas exiger d’eux qu’ils concourent au paiement des pensions accordées avant 1830, le fonds de la caisse de retraite antérieur à 1830 n’étant pas au pouvoir des employés de la Belgique ; il en est donc de ce fonds comme d’autres qui sont en Hollande et dont la Belgique, garantie indispensable par son existence même, paie les intérêts ou opère le remboursement.
La conséquence nécessaire de cet état de choses est de considérer les obligations actuelles de la caisse de retraite comme ne s’appliquant qu’aux pensions pour services rendus depuis 1830.
Le montant des pensions antérieures à la révolution est de 418,071 francs, première somme à supporter par le trésor ; ensuite comme les pensions accordées depuis 1830 l’ont été pour rémunérer, au moins dans le rapport des 5/6, des services antérieurs à 1830, il faut ajouter à la charge du trésor les 5/6 de l’import des pensions postérieures à la révolution ; d’où résulte que notre caisse de retraite actuelle, celle à laquelle sont intéressés et obligés les employés aujourd’hui en fonctions, aurait à sa charge, en ce moment, pour 70,000 francs de pensions rémunérant les services rendus depuis la révolution. Ainsi, au lieu d’absorber tous les revenus, comme cela arrive, revenus qui s’élèvent, selon le rapport même de la section centrale, à 454,603 francs dont 377,603 francs par les retenues sur les appointements, elle économiserait annuellement plus de 300,000 francs.
Accepteriez-vous cette conséquence inévitable de la position dans laquelle nos honorables adversaires veulent placer les employés des finances en leur déniant le droit à la pension ? Je ne le pense pas.
Et cependant, ce n’est pas là tout ce qu’il y aurait d’onéreux pour le trésor, car il devrait restituer à la caisse de retraite environ 1,500,000 francs qu’elle aurait fournis de trop depuis 1830.
Je ne crois pas que la chambre adopte ce système. Elle préférera laisser la caisse des retraites des finances dans la position légale où elle doit rester, en suppléant à l’insuffisance des revenus de cette institution.
Je rappellerai encore une considération que j’ai déjà fait valoir à la fin de la dernière séance où vous vous êtes occupés de cette question, et qui me paraît très forte.
Vous avez vu que, d’après la législation sur les pensions antérieure à 1814, ainsi que, d’après les dispositions formelles de l’arrêté-loi de cette année, le trésor aurait à sa charge une somme de 487,695 fr. qui ne comprendrait en rien les majorations de pensions des employés, ni les pensions de leurs veuves et orphelins, lesquelles majorations et réversions de pensions sont résultées de l’institution de la caisse de retraite ; or, que demandons-nous ? 380,000 fr., c’est-à-dire 107,000 fr de moins que ne devrait le trésor, si la caisse de retraite n’avait pas existé ; c’est-à-dire que la caisse de retraite, loin d’être onéreuse au trésor, le décharge d’une dépense de 107,000 fr.
Je pense, messieurs, que cette considération est de nature à faire impression sur vos esprits et qu’elle doit irrévocablement écarter les préventions qui ont existé contre cette institution.
Je dois toutefois prévenir la chambre que les 380,000 fr. demandés (les 200,000 votés et les 180,000 en discussion) seront insuffisants, ainsi que je l’ai annoncé ; il y aura sur les pensions déjà liquidées un déficit d’environ 30,000 fr. Si le gouvernement n’a pas demandé de combler de suite ce déficit, c’est qu’il a voulu vous donner tout apaisement, toute garantie pour la sanction du travail de la commission de liquidation.
Nous avons voulu en un mot que les 380,000 fr. pussent être accordés provisoirement, sans aucune espèce d’inquiétude ; de sorte que quand la révision des pensions aura lieu, alors que, contre toute prévision, il devrait être opéré de fortes réductions, lesquelles ne s’élèveraient jamais à 30,000 fr., le déficit restât encore au-dessus de la réduction. Vous pouvez par conséquent voter cette allocation, sans la moindre apparence d’inconvénient, puisqu’il restera une caution plus que suffisante que la réduction qui sera proposée par la commission de révision pourra trouver son application.
Voilà ce que j’avais à énoncer directement dans la discussion ouverte en ce moment.
Je me permettrai de dire, en terminant, qu’il serait bien à désirer que la question qui nous occupe soit une bonne fois irrévocablement résolue ; car chaque année nous semons l’inquiétude dans l’esprit des fonctionnaires en retraite et aussi des fonctionnaires en activité : c’est sans doute contre notre intention ; mais il n’en est pas moins vrai que l’on trouble le repos d’hommes qui ont rendu de longs services au pays ; et ne devrions-nous pas plutôt leur laisser passer tranquillement le peu de jours qu’il leur reste à vivre ?
Quant aux fonctionnaires en activité auxquels l’on conteste des droits à la pension, on les porte au découragement ; or, le découragement chez eux peut avoir des conséquences bien graves car, surtout dans le département des recettes, s’il n’y a un zèle soutenu, une activité constante chez les préposés, les recettes diminueront nécessairement, les lois ne recevront pas leur application dans toute l’extension convenable ; et, en définitive, pour quelques milliers de francs qui seraient réduits sur les pensions ou traitements des employés, nous perdrons plusieurs millions sur les revenus auxquels le trésor a droit selon l’intention même du législateur.
J’ai cru, messieurs, ne pouvoir me dispenser de vous transmettre cette observation, car il est de mon devoir de veiller à ce que les impôts établis produisent, selon le vœu de la loi, tout ce qu’ils doivent produire, et il m’importe de ne jamais vous laisser ignorer les causes qui pourraient altérer les ressources de l’Etat.
M. Jullien. - Dans toute autre circonstance je n’insisterais pas contre l’ajournement que vous avez adopté au premier vote, parce qu’un ajournement ne préjuge rien ; c’est une mesure purement dilatoire : mais ici il s’agit d’ajourner le paiement de pensions de retraite dues à d’anciens employés qui, après avoir pendant toute leur vie alimenté la caisse de retraite, la verraient leur faire faute au moment où ils en ont le plus besoin. Ajourner le paiement de leurs pensions à ces employés, c’est en quelque sorte ajourner leur existence.
Je ne veux pas rentrer dans les éléments de la question ; mais veuillez, messieurs, faire attention à un point de fait qui a été démontré : toutes les fois que cette question a été agitée, c’est que la caisse de retraite des employés belges, commencée sous l’empire français, s’est enrichie des retenues qu’on leur a faites pendant 20 ans sans qu’ils en aient peut-être retiré une obole, puisqu’il fallait trente années de service pour avoir droit à la retraite, et que la réunion de la Belgique à la France n’avait duré que 20 ans. A l’époque de 1818, lorsque fut passe le marché à forfait avec la France, par suite duquel la France versa dans la caisse des Pays-Bas la somme considérable due à la caisse de retraite belge, si l’ancien gouvernement a appliqué ces fonds à un autre usage, s’il a sur ces fonds assigné, au préjudice des employés, des pensions à des hommes qui n’y avaient pas droit, n’est-il pas de toute justice que quand le gouvernement a disposé d’un dépôt aussi sacré, il donne provisoirement, et jusqu’à ce que la question soit décidée, la subvention dont a besoin la caisse des retraites ?
Il est encore, messieurs, une autre considération qui vous a été présentée par M. le ministre des finances au premier vote (et cette considération qui peut-être vous avait échappé mérite d’être remarquée), c’est que, d’après les calculs qu’il a établis, ce n’est pas le trésor qui donne des subsides à la caisse des retraites. Si ses calculs sont exacts, comme je me plais à le croire, c’est la caisse des retraites qui paie, en définitive, 107,000 fr. au trésor.
Je le demande en pareille circonstance, est-il possible de prononcer l’ajournement ? On peut tout ajourner ; mais on n’ajourne pas la faim.
Messieurs, qu’on ne dise pas de vous, je vous en supplie, qu’étourdis, éblouis par le luxe et le fracas des têtes de l’opulence, vos cœurs sont restés secs pour le malheur.
Quant à moi, mon second vote sera comme le premier pour l’allocation demandée par le ministre des finances.
M. Pollénus. - Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable préopinant que le paiement des pensions, qui fait l’objet du crédit pétitionné, ne peut pas être ajourné ; mais il reconnaîtra avec moi que lorsque la chambre a voté les années précédentes un crédit supplémentaire et extraordinaire, à cause des besoins constatés du moment, l’on ne peut être admis à venir ainsi demander annuellement un crédit supplémentaire et extraordinaire.
Je n’entrerai pas dans la question. Je ferai une simple observation que je puiserai dans les observations présentées par M. Dumortier à une précédente séance. L’honorable député de Tournay a demandé à M. le ministre des finances quelques explications sur des dilapidations commises par un fonctionnaire qui a disparu, et qui, si je suis bien informé, était chargé d’administrer les deniers de la caisse des retraites. Des explications sont nécessaires à cet égard. Jusqu’à ce qu’elles aient été données par M. le ministre des finances je pense que la chambre doit ajourner le vote du crédit spécial dont il s’agit.
M. Duvivier. - J’ajouterai quelques observations à celles qui ont été soumises à la chambre par M. le ministre des finances.
Après ce que vous venez d’entendre, il reste peu de chose à dire sur cette question.
Quand on examine la législation antérieure à 1814, il est incontestable que l’on a toujours reconnu un droit à la retraite à tous les employés indistinctement dont faisaient partie ceux des finances. Une loi de 1790 dont il a déjà été question dans cette enceinte rémunérait par des pensions au minimum de 150 fr. et au maximum de 10,000 fr. les fonctionnaires de l’Etat jusqu’à 30 ans de service, et disposait que pour les fonctionnaires âgés de plus de 50 ans et ayant plus de 30 ans de service, la pension pouvait s’élever jusqu’à la totalité du traitement ; ainsi les pensions pouvaient excéder le maximum de 10,000 fr.
C’est de ce régime, messieurs, que nous sommes passés à celui de l’arrêté-loi de 1814. Quelques efforts que l’on fasse pour prouver que cet arrête n’est pas applicable quant aux droits qu’ont les employés des finances à obtenir des pensions, je ne pense pas que l’on puisse parvenir à le prouver. L’arrêté de 1814 offre aux employés des finances les mêmes droits à la pension qu’aux employés des autres départements.
Mais, dit un honorable député de Tournay, si cet arrêté était applicable, les pensions accordées ne pourraient dans aucun cas dépasser le taux de 6,000 fr. Je reviens volontiers sur cette assertion de l’honorable membre, parce qu’elle aurait pu faire quelque impression sur vos esprits, et je vais une seconde fois prouver qu’elle n’est pas fondée. Sous le régime établi par l’arrêté-loi de 1814, il est offert aux fonctionnaires publics deux catégories bien distinctes de pensions.
Dans la première se trouvent les fonctionnaires qui ont 60 ans d’âge et 30 ans de service. Ils n’ont droit dans tous les cas qu’à une pension de 6,000 fr.
Dans la seconde sont les fonctionnaires qui ont 60 ans d’âge et au-delà de 40 ans de service et plus. Ceux-là ont droit à une pension qui ne pourra excéder les 2/3 de leur traitement. Lorsque, par le calcul de leur pension, il se trouve qu’elle excède les 2/3 de leur traitement, elle se trouve ramenée à ce taux, parce que c’est le maximum de cette catégorie. Une application toute récente de ce principe a été faite non pas au département des finances, mais au département de l’intérieur.
Un honorable fonctionnaire a été admis il y quelque temps à la retraite. Il avait plus de 60 ans d’âge et de 40 ans de service. Le traitement dont il avait joui était de 14,000 fr. Il est résulté de l’application qui a été faite à ce fonctionnaire des dispositions de la loi de 1814 que la pension présentait un chiffre de 10,000 fr. Mais comme le terme moyen du traitement dont il avait joui dans les trois dernières années de son service était de 14,000 fr., il a fallu ramener sa pension aux deux tiers de 14,000 fr., c’est-à-dire à 9,850, taux, en effet, auquel elle a été fixée. Cette opération est fondée sur l’article 9 de l’arrêté de 1814. Il y est dit :
« La pension d’un employé qui a 40 ans de service et au-delà peut aller jusqu’aux deux tiers du traitement dont il a joui pendant le terme moyen des trois dernières aunées de son service.
« La pension d’un employé qui a dix ans de service est fixée au sixième du traitement qu’il a eu pendant le terme moyen des trois dernières années de son service et à un soixantième en sus pour chaque année au-dessus de 10 ans et au-dessous de 40 ans, bien entendu que, dans ce cas, la pension ne pourra pas dépasser 6 mille francs. »
Voilà donc, messieurs, les deux classes de personnes qui ont droit à la pension, et l’espèce de pension à laquelle ils ont droit en raison de leur âge et de la durée de leur service.
Dans le cours de la discussion actuelle, il a été souvent question de plusieurs pensions qui ont été accordées depuis la révolution. D’abord, dit-on, on en a accordé davantage. Puis on les a trop élevées.
Vous venez de connaître les motifs de l’accroissement du nombre des pensions. Quant à la hauteur du taux de certaines pensions, cela est facile à expliquer. On vous a dit que par les économies qui sont nécessitées les retranchements apportés dans les allocations du budget des finances, le gouvernement a été obligé de supprimer plusieurs places et de mettre à la pension plusieurs fonctionnaires de l’administration centrale. Ainsi des inspecteurs-généraux, des inspecteurs de province, des inspecteurs de ligne, des vérificateurs de comptabilité ont vu successivement leurs emplois supprimés ; et comme, en raison de leurs années de service, ils avaient droit à la retraite, il ont demandé leur pension et il a fallu acquiescer à leur demande, parce qu’il était impossible de leur accorder d’autres emplois et que le gouvernement n’a pas, comme sous l’ancien gouvernement, la faculté d’accorder les pensions provisoires connues sous le nom de traitements d’attente. Il n’y a pas de position intermédiaire entre la suppression de l’emploi et la collation de la pension.
L’on vous a dit que les événements politiques par lesquels nous sommes passés pour amener notre indépendance actuelle avaient nécessité l’obligation de retirer des cadres de l’administration certains employés supérieurs, qui s’étaient montrés peu favorables au nouveau système. En conséquence de ces mesures qui ont été prises, sur les craintes exprimées que des hommes hostiles au nouvel état des choses se trouvaient encore dans l’administration, il était impossible que le ministre ne fît pas droit aux demandes de pension faites du chef de ces destitutions.
Il fallait se rendre aux vœux de la chambre, qui s’étonnait de voir conserver dans les cadres de l’administration des fonctionnaires de cette espèce ; mais en leur retirant sa confiance, le ministère ne pouvait se refuser de pourvoir à leur existence pour les services passés, et c’est sur ces services passés qu’ont été basées les pensions qui leur ont été accordées. J’ajouterai également que l’on a dû accorder beaucoup plus de petites pensions depuis la révolution parce que le nombre du personnel de la douane a toujours été en augmentant ; et ce personnel devant s’accroître encore par suite des mesures répressives de la fraude réclamées par la législature, il en résultera sans doute la nécessité de conférer plus tard un plus grand nombre de pensions.
Tel était l’état des choses sous le régime français. Tel est l’état des choses sous le régime actuel. Le premier système avait pour base la loi de 1790 ; le second, l’arrêté de 1814, arrêté que le roi, chef du pouvoir exécutif, avait droit de créer. Plus tard les différentes caisses de pensions formées dans l’administration des finances ont été réunies par la loi de 1822 pour former la caisse de retraite.
Maintenant je ne crois pas qu’il soit possible de toucher à ce système à moins que ce ne soit par une loi.
Vous vous rappellerez, sans doute, messieurs, qu’il y aura deux ans dans quelques jours, j’ai déposé sur le bureau, en qualité de ministre des finances, un projet de nouvelle législation pour la caisse de retraite. Jusqu’à ce jour la chambre n’a pas eu le temps de s’en occuper. Il serait à désirer cependant que l’on réglât définitivement cette importante matière.
M. Desmet. - Messieurs, je trouve assez étrange qu’on argumente toujours du fameux arrêté de 1814 ; on dirait que c’est une loi qui a été votée par la législature et depuis l’existence de notre nouvelle constitution. On se trompe fortement ; cet arrêté est un acte de pure circonstance que le prince d’Orange, lieutenant-gouverneur des Pays-Bas sous les alliés, a pris, uniquement dans le but d’éloigner des places publiques les anciens fonctionnaires du régime autrichien ; on ne voulait pas de ceux qui étaient restés fidèles à leur ancien souverain, probablement qu’on ne les croyait pas assez souples pour entrer au service du futur roi ; et jamais cet arrêté n’a reçu la sanction de la législature d’alors.
Pourrait-on dire que cet arrêté ait reçu la sanction de la nouvelle législature ? on le soupçonne et cela se borne là ; car, je le demande, y a-t-il jamais eu une discussion ouverte dans cette enceinte sur la légalité de cet arrêté ? personne ne pourrait le dire. On l’a tacitement laissé en vigueur, toujours dans l’attente d’avoir bientôt la loi sur les pensions. Quand on voit la lettre et l’esprit de notre constitution, pourrait-on croire que la législature sanctionne un tel acte, tandis qu’il est sinon probable, du moins douteux, que le congrès ayant en vue les abus des pensions sous Guillaume, et particulièrement ceux qu’avait produits cet arrêté de 1814, a voulu qu’aucune pension ne soit plus donnée qu’en vertu d’une loi particulière ; et ce qui appuie cette opinion, c’est qu’il a voulu que la législature révisât la liste des pensions accordées sous l’ex-régime.
D’ailleurs, on sait combien le public critique cet arrêté et surtout l’abus de son application ; l’an dernier, l’on a vu qu’en vertu de ses dispositions larges on a donné, je ne sais comment, deux pensions à deux fonctionnaires de Guillaume et personnes riches, chacune de 6,000 francs, et tout dernièrement encore on en a donné une à un académicien d’au-delà de 3,000 francs, et je ne sais comment on a compté les années de services publics qu’il a rendus au pays. J’ai donc droit de m’étonner qu’on réclame toujours cet arrêté et, que ce soit le principal cheval de bataille du ministre des finances pour obtenir pour l’association financière l’énorme subside de 380,000 francs.
Je ne conçois pas que l’honorable M. d’Huart, qui, étant simple député, a toujours si chaudement et si constamment prêché l’économie dans cette enceinte, veut à présent, à peu près de force, enlever au budget une si forte somme pour arroser une caisse particulière ; on dira dans le pays, comme on le dit déjà, que le budget de l’Etat est une proie sur laquelle tout le monde tombe et dont le plus adroit arrache le plus grand morceau.
Le gouvernement de Guillaume n’a jamais donné plus que 60,000 fr., pour les deux parties du royaume, à cette caisse particulière des finances, et aujourd’hui pour la Belgique seule on veut avoir plus que le sextuple. Il y aurait lieu de croire que le trésor paie presque à lui seul le montant de ces fortes pensions que les employés des finances se donnent à eux-mêmes. Je peux concevoir que les employés des finances forment entre eux une caisse commune pour se pensionner mutuellement, comme font les fonctionnaires attachés à la direction des ponts et chaussées ; mais ceux-ci ne demandent aucun subside au trésor et n’ont pas besoin de 380,000 fr. pour tenir les pensions à cette excessive hauteur qu’ils l’ont eux-mêmes élevée.
D’ailleurs, il est constant qu’il y a des abus dans la distribution de ces pensions ; je ne dois pas les citer, ils sont trop connus.
Je voterai l’ajournement du supplément de 180,000 fr., comme je l’ai fait au premier vote ; je vote surtout l’ajournement ; parce que, d’après mon opinion, c’est un moyen efficace pour avoir bientôt des lois sur ces pensions, et arrêter cet horrible gaspillage des deniers publics ; car, qui pourrait me dire que ce n’en est pas un, de la manière qu’on veut que les pensions se donnent !
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Desmet prétend que 200,000 francs sont suffisants pour arroser, comme il le dit, la caisse de retraite. Mais, messieurs, les chiffres doivent signifier quelque chose. Les besoins de la caisse de retraite s’élèvent à 840,365 francs. Si vous n’accordez que 200,000 francs à la caisse de retraite, il lui resterait 640,000 francs à payer sur ses propres ressources, qui, comme je vous l’ai dit, ne s’élèvent qu’à 434,000 francs. Il lui resterait donc un déficit d’environ 200,000 francs. Comment couvrira-t-elle ce déficit ! L’honorable M. Desmet voudrait-il qu’au lieu de 5 p. c., les retenues faites sur les traitements des employés montassent à 15 ou 20 p. c. ? Ce serait commettre une injustice, car ce serait frapper ceux qui ne doivent pas être frappés ; ce serait faire payer dans l’avenir aux employés en fonctions des services rendus par des fonctionnaires qui sont à la retraité pour des services rendus avant eux. Voilà où vous arriveriez avec un pareil système.
Il me semble que j’avais démontré jusqu’à l’évidence que si la caisse de retraite n’existait pas, l’Etat devrait supporter 487.000 fr. de subvention par an, au lieu des 380,000 fr. qui vous sont demandés, c’est-à-dire que nous faisons supporter à la caisse de retraite une charge plus forte de 107,000 fr. que celle qu’elle devrait supporter. Ce sont là des chiffres inflexibles que l’on ne peut étendre ni restreindre. En présentant les choses dans cet état, il y aurait de l’injustice à diminuer d’un centime la subvention absolument nécessaire pour le service de la caisse de retraite.
Qu’on le déclare franchement. Les employés du département des finances doivent-ils avoir, oui ou non, une pension ? Voilà comme il faut poser la question. L’arrêté-loi de 1814 donne-t-il, oui on non, aux employés des finances des droits à une pension sur le trésor ? Si votre réponse est affirmative, votez alors 487,000 francs pour rémunérer les services anciens rendus par les fonctionnaires de ce département. Si vous déclarez qu’ils n’ont aucun droit à la pension, refusez toute subvention ; les employés des finances prendront toutes les pensions futures à leur charge.
Mais dès lors payez toutes les pensions pour services rendus antérieurement à la révolution. Cette charge-là est une dette publique tout comme les dettes inscrites au grand-livre auxiliaire, à laquelle il faudra y comprendre, dans les pensions accordées depuis la révolution, la partie de ces pensions qui comprend les services rendus antérieurement à la révolution.
Et alors nous ne vous demanderons puis à l’avenir de subsidier aucune pension pour le département des finances.
Les employés sur les traitements desquels on opère des retenues depuis la révolution, ne doivent pas contribuer, je le répète, à rémunérer des services rendus avant la révolution. Posez la question dans ces termes, et la caisse de retraite vous en saura gré. Vous vous obligez à lui rembourser une somme une fois donnée de 1,500,000 fr. qu’elle a payée de trop depuis qu’elle existe, c’est-à-dire depuis 1830 pour la Belgique. Elle aura à payer 70,000 francs annuellement pour les pensions du département des finances conférées et à conférer pour les services postérieurs à la révolution. Avec ces 1,500,000 et les 300,000 fr. qu’elle possédera d’excédant, elle aura un revenu suffisant pour subvenir à toutes ses charges futures.
Il serait juste en tout cas que l’on tînt compte à la caisse de retraite des fonds dus par la Hollande ; car, comme l’a fort bien fait observer l’honorable M. Jullien, les fonds de la caisse de retraite qui ont une date très ancienne, puisqu’ils ont commencé il y a 40 ans, sont restés en Hollande ; ils sont considérables, et vous voulez faire supporter à la caisse de retraite les charges imputées primitivement sur ces fonds : commencez par lui rendre les sommes que retient le gouvernement hollandais.
Le gouvernement belge ne peut dire à l’administration de la caisse de retraite de payer des pensions sur des fonds qui n’existent pas. Donnez donc à la caisse de retraite de quoi faire face aux pensions conférées avant la révolution, et selon les moyens qu’elle avait alors, de quoi rémunérer les services rendus avant la révolution, et elle se chargera volontiers des pensions futures.
Si contrairement à l’hypothèse dont je viens de parler, vous reconnaissez que l’arrêté-loi de 1814 a dû être appliqué, vous pouvez voter sans crainte 180,000 fr. puisque de cette manière le trésor devrait rigoureusement payer 487,400 fr.
M. Gendebien. - Si j’ai bien compris M. le ministre des finances, il vous propose de décider si l’arrêté-loi de 1814 est encore en vigueur, s’il y a lieu d’accorder des pensions aux employés du département des finances. Ce n’est pas là qu’est la question. Avant-hier, après avoir perdu 3 heures dans des discussions oiseuses, renouvelées pour la quatrième fois, vous n’avez pu arriver à un résultat. Vous allez perdre encore toute la séance si vous examinez les questions posées par M. le ministre des finances.
Tout ce que vous diriez aujourd’hui, vous le répéteriez lorsque la commission, chargée de l’examen de l’article en discussion, vous aurait fait son rapport. Il n’y a, en ce moment, qu’une seule question à examiner, celle de savoir s’il y a lieu de suspendre le vote de la chambre sur une partie de l’allocation demandée au budget des dotations pour la caisse de retraite, jusqu’à ce que la commission ait présente son rapport. En n’allouant qu’une partie de la subvention, la chambre ne déclare pas qu’elle refuse l’autre. Alors quel inconvénient y a-t-il, alors que le gouvernement peut payer le premier semestre de toutes les pensions avec l’allocation accordée ?
Pourquoi voulez-vous préjuger une question sur laquelle la chambre ne veut pas se prononcer ?
Je ne suis pas de ceux qui veulent rogner les pensions, ni de ceux qui veulent augmenter le taux des retenues que s’imposent les employés. Ce taux est arrivé à son maximum ; et pour la plupart des pensions, elles me paraissent méritées et modérées.
Puisque l’on est entré dans le fond de la question, qu’on me permette une courte digression. La seule chose qui indispose la chambre à l’égard des pensions, c’est qu’il y a des employés très valides à qui l’on a donné de grosses pensions, que l’on a déplacé certains employés pour se donner le plaisir de les pensionner, et surtout pour favoriser certain népotisme ou pour se faire des créatures. Il y a eu à cet égard quelque chose de dégoûtant dans certains districts.
S’il faut en croire le bruit public, l’on a déplacé le père pour placer le fils en accordant une pension au premier, et perpétuer ainsi une fonction dans certaines familles, et tout cela pour des futurs contingents sur lesquels on comptait. L’on voit dans toutes les villes de la Belgique des employés très valides qui ont de grosses pensions. Ainsi, en supposant que l’arrêté-loi de 1814 soit encore en vigueur, l’on a violé la disposition de cet arrêté ou au moins l’esprit de cet arrêté et toutes les règles en cette matière qui interdisent d’accorder des pensions aux fonctionnaires valides.
De ce qu’un employé aura complété ses 30 ou 40 années de service, ce n’est pas une raison pour lui accorder une pension s’il est valide. C’est une indélicatesse de la part du fonctionnaire valide de la demander. Ce serait une perte de la part de la nation de la lui accorder. Car on le mettrait à la retraite précisément alors qu’il peut être le plus utile à son pays, alors qu’il peut apporter le tribut de ses lumières et de son expérience à l’administration.
Voilà ce qui a scandalisé la chambre et fait murmurer la nation. On croit justifier l’élévation de certaines pensions par l’emploi supérieur qu’a occupé le pensionnaire pendant 30 ou 37 ans. Ce n’est pas sans raison à mes yeux. S’il a rempli de hautes fonctions, il a reçu de gros appointements. Par conséquent, ce n’est pas un motif pour lui accorder une plus grosse pension, d’autant plus que souvent on ne doit les hautes fonctions qu’à des faveurs, à des palinodies, ou à des services peu honorables.
Il ne s’agit pas ici de savoir si l’on rejettera la subvention extraordinaire demandée par la caisse de retraite. Si cette question était posée, je déclare que, dans le doute, je voterais pour la subvention,
Mais il ne s’agit dans ce moment que de savoir si le reste de cette subvention sera suspendu, et je suis d’avis d’attendre à cause des scrupules qu’éprouvent quelques-uns de mes honorables collègues.
Si, avant six mois, comme on semble le craindre, le rapport de la commission n’est pas présenté, si aucune mesure n’a été prise, je prends à présent l’engagement de proposer à la chambre de voter la subvention extraordinaire demandée par la caisse de retraite ; car je ne veux pas que des personnes innocentes et étrangères aux abus souffrent parce qu’il y a eu des abus dans la collation des pensions ; je veux que personne ne souffre. Mais au moins faisons les choses raisonnablement : si vous voulez discuter le fond de la question, vous n’arriverez à aucune solution. Je prie M. le ministre des finances de s’arrêter au premier vote de la chambre ; ceci ne changera rien à l’affaire, et ne préjuge rien. Si j’avais à me décider sur l’alternative bien posée du rejet ou de l’adoption du chiffre de la subvention extraordinaire, je voterais, je le répète, en faveur de cette allocation. Mais dans la position de doute où se trouvent plusieurs membres de cette chambre, je suis d’avis qu’il y a lieu d’attendre le rapport de la commission, et de ne rien décider à l’égard du chiffre supplémentaire.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour adopter l’ajournement, il faudrait au moins prouver qu’il y a danger à prendre de suite une décision ; qu’il y aurait des inconvénients graves à voter le chiffre.
Or, j’ai démontré qu’il n’y avait aucun motif de ne pas allouer la somme proposée, tandis qu’il y aurait des inconvénients graves à ne pas l’accorder. L’année dernière on présentait les mêmes arguments qu’aujourd’hui ; on disait que la commission ferait un rapport et qu’il serait toujours temps d’allouer la subvention avant la fin de l’année. Vous vous souvenez que je me suis opposé à l’ajournement, et l’expérience a prouvé que j’ai bien fait.
La commission n’a pas présente son rapport, et Dieu sait même quand elle le fera, car les deux membres de la commission qui étaient chargés du travail sont malades, ce qui fait que nous pouvons moins que jamais prévoir quand le rapport que l’on voudrait attendre pourra être achevé.
L’ajournement ne peut avoir que des inconvénients très graves, tandis qu’en votant le chiffre immédiatement on a l’avantage de laisser une affaire de moins en souffrance.
M. Gendebien. - Je demande la parole pour un fait personnel. L’honorable ministre des finances s’est trompé. Ce n’est pas moi qui ai demandé l’ajournement ; c’est la chambre qui l’a prononcé il y a deux jours.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Elle l’a prononcé provisoirement.
M. Gendebien. - Je me suis joint à ceux qui ont appuyé l’ajournement, parce que, comme eux, je voulais m’éclairer, m’entourer de lumières ; et si on persiste à le demander, je l’appuierai encore.
M. Duvivier. - Je voudrais répondre à l’honorable M. Desmet, qui a paru croire que le déficit d’un certain comptable portait sur la caisse de retraite : je crois devoir lui dire que c’est là une erreur.
Quand j’ai parlé des pensions très élevées, j’ai omis une considération importante ; je vous prie de me permettre de réparer cette omission.
La caisse des retraites rémunère tous les services, et beaucoup de services étrangers à ceux de l’administration des finances : par exemple, elle rémunère des services militaires ; aussi, quand on demande au trésor une somme pour la caisse de retraite, sous le nom de subvention, on lui demande sous un titre ce qu’on devrait accorder sous une autre dénomination. Ceci vous explique pourquoi la somme des pensions paraît élevée.
Examinez comment les pensions ont été accordées, et votre examen vous donnera cette conviction que les pensions ont été mieux appliquées qu’on ne le dit généralement.
M. Dubus. - Le ministre des finances a commencé par m’opposer des paroles que j’avais prononcées avant-hier ; mais je me suis expliqué sur cet arrêté de 1814, et relativement à l’application que l’on en fait aux pensions ordinaires et relativement à celle que l’on veut en faire aux employés des finances. Il me semble que le ministre n’aurait pas dû séparer ce que j’avais dit d’un côté sans citer ce que j’avais dit de l’autre.
Oui, j’ai dit que l’arrêté, en ce qui regarde les pensions ordinaires avait force de loi ; mais j’ai fait remarquer, que selon moi, c’était une question de savoir si cet arrêté pouvait être appliqué aux employés des finances. J’ai à ce sujet rappelé que le roi Guillaume a rendu trois arrêtés, l’un sur les pensions civiles, un autre sur les pensions militaires, et un troisième qui concerne la caisse de retraite ; et j’ai demandé si on pouvait substituer un de ces arrêtés à l’autre au lieu de laisser à chacun sa spécialité.
J’ai dit que l’arrêté de 1822 faisait naître de nouveaux doutes sur l’application qu’on a faite de celui de 1814. Je n’ai pas cet arrêté de 1822 sous la main ; mais j’en connais l’existence parce qu’on s’en est occupé dans une section dont je faisais partie dans une des sessions précédentes.
Il existe, dis-je, un arrêté réglementaire pour tout ce qui concerne les pensions de la caisse de retraite, ou pour ce qui concerne les pensions de l’administration des finances. Cet arrêté offre des conditions d’après lesquelles les employés des finances peuvent avoir leur retraite : il stipule que les employés ne peuvent être pensionnés aussi longtemps qu’ils sont capables de remplir leurs fonctions ; il stipule encore d’autres conditions qui sont autant de garanties ; or, ces garanties n’ont pas été respectées ; et tout cela élève de nouveaux doutes en mon esprit sur l’usage que l’on a fait de l’arrêté de 1814.
Il résultait particulièrement de ces règlements que la caisse de retraite devait, en règle générale, se suffire à elle-même. On y disait que si on venait à son secours, ce ne pourrait être que jusqu’à concurrence de 30,000 fl. Voilà encore une garantie qui a été mise en oubli.
C’est parce que la caisse de retraite devait se suffire à elle-même qu’on lui a accordé une subvention limitée. Et puisque la subvention a été portée au maximum de 30,000 florins, il s’ensuit que la Belgique ne doit pour sa part que 30,000 francs
Cependant en 1832, on a porté la subvention à 200,000 francs, et cela pour suppléer aux revenus dont la caisse de retraite est momentanément privée par suite de la séparation de la Belgique d’avec la Hollande.
Je n’ai pas entendu soutenir qu’il ne reviendrait que 170,000 fr. de revenu à la caisse, si son fonds était partagé ; je crois même que ce revenu annuel, dans le cas de partage, pourrait être inférieur à 170,000 fr. ; quoi qu’il en soit, dans la position des choses, il aurait fallu diminuer les charges de la caisse de retraite, tandis qu’on les a augmentées hors de toute proportion.
Si j’examine le tableau que nous a soumis le ministre des finances, je vois qu’il n’y avait que 918 pensions accordées avant la révolution, et que depuis la révolution, en 5 années, on a accordé 414 pensions ; mais ce qui me frappe davantage, c’est que le chiffre des 918 pensions antérieures à la révolution s’élève à 400,000 fr. et que le chiffre des pensions accordées depuis 1830 en diffère très peu et s’élève à plus de 300,000 fr.
Tout concours, comme vous voyez, à augmenter mes doutes sur l’application qu’on a faite de l’arrêté invoqué par M. le ministre des finances
On a déjà remarqué que les règles pour accorder des pensions n’avaient pas été suivies ; et relativement à cet objet une commission avait été nommée ; elle n’a pas encore fait son rapport. Cependant, il me semble que vous ne devriez pas faire de fonds avant que cette commission nommée en 1833, c’est-à-dire depuis deux ans et demi (elle a été formée en septembre 1833), ait présenté ses conclusions.
Les faits qui ont été cités, et dont j’ai eu connaissance par le Moniteur (car il m’avait été impossible de les saisir, quand M. le ministre a parlé) m’ont prouvé que l’on ne s’est pas exactement tenu dans les termes de l’arrêté-loi de 1814. On vient de dire qu’aux termes de cet arrêté on ne pouvait excéder le maximum de 6,000 fr. que pour des ex-employés ayant au moins 40 ans de service. Eh bien je lis dans le Moniteur que le ministre s’est écarté de cette disposition, en accordant une pension de 10,300 fr. à un fonctionnaire qui n’avait que 37 ans de service. Ainsi voilà une pension qui excède de 4,500 fr. le maximum déterminé par de 1814 ; donc cet arrêté n’a pas été appliqué. Cela est de toute évidence, et on l’invoque maintenant : je vois en effet que le ministre fait valoir les services de ce fonctionnaire : comme je ne sais de qui il est question je ne puis pas apprécier ces services. Mais je pense que quand la loi porte que la pension sera accordée d’après le nombre des années de service, on ne peut pas accorder de pensions d’après la quantité de services.
La chambre a voté l’ajournement sur la proposition de la section centrale. Si j’avais, dans cette discussion, entendu des explications propres à me faire revenir sur le vote que j’ai émis dans la séance d’avant-hier, je ne manquerais pas de revenir sur mon vote. Mais dans tout ce qui a été dit, rien n’a fait disparaître mes doutes ; mes doutes subsistent, il en sera de même du vote qui en est la conséquence.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant s’est plaint de ce que, répondant à un discours qu’il a prononcé dans la première discussion, je n’avais pas rapproché le fragment que je citais, d’un autre fragment de discours prononcé par lui dans la même séance. Je vais prouver par ce que vient de dire l’honorable M. Dubus, que cela n’était pas nécessaire, et que je puis me servir des arguments mêmes qu’il a employés actuellement, au lieu du discours auquel j’ai fait allusion tantôt. En effet, M. Dubus convient (s’il ne le dit pas positivement, il ne dit pas le contraire ; ce qui serait, il est vrai, difficile) que l’arrêté-loi de 1814 est en vigueur pour les employés civils. Mais il se demande si les employés des finances sont compris dans ces termes « les employés civils. »
Alors même qu’il n’y aurait pas quelque chose de très explicite dans ces mots de l’arrêté-loi de 1814, il ne peut rester de doute que cet arrêté ne s’applique aux employés des finances quand on voit dans le deuxième paragraphe de l’article 10 que : « Les remises des receveurs et autres comptables seront considères comme traitements, mais seulement pour deux tiers de ce qu’un pareil employé aurait retiré de ce chef pendant le terme moyen des trois dernières années de son service. »
Vous voyez donc, messieurs, que dans l’arrêté-loi dont il s’agit, il est positivement question des employés des finances. Mais, dit M. Dubus, l’arrêté de 1822 a tout à fait annulé l’arrêté-loi de 1814, il a complètement changé la position des employés des finances, et les a placés sous un régime nouveau. D’abord ce serait une question (et selon moi cela ne fait pas question) de savoir si le roi Guillaume pouvait par un arrêté détruire une loi ; car l’arrêté de 1814 était un acte du pouvoir législatif et même du pouvoir constituant d’alors.
L’arrêté de 1822 était simplement un acte du pouvoir exécutif qui ne pouvait détruire un droit établi dans l’arrêté-loi de 1814. Telle n’a au reste jamais été l’intention du roi Guillaume en prenant l’arrêté de 1822 ; car cet arrêté a été pris uniquement pour améliorer la position des employés des finances, et comment ? était-ce gratuitement et bénévolement ? Non, mais bien au moyen d’une retenue sur les appointements. Comment supposer que l’arrêté de 1822, tout en frappant les employés des finances d’une retenue, tout en leur imposant un sacrifice, leur aurait enlevé leurs droits à une pension sur le trésor ! c’est chose impossible ; et le roi Guillaume, qui voulait améliorer la position des employés des finances n’aurait pas pris un pareil arrêté, car il eût agi contrairement à son but.
Je dis que l’arrêté de 1822, tel qu’il est conçu, a été pris pour améliorer par des retenues la position des employés des finances sans leur enlever leurs droits primitifs à une pension du trésor.
Il n’a pas annulé en effet les droits qui résultaient pour eux de l’arrêté de 1814, mais il tendait au contraire à leur assurer quelques avantages de plus et à procurer une pension à leurs veuves et orphelins, lesquels n’y auraient eu aucun titre, s’il n’avait pas été opéré de retenue sur les traitements pour former un fonds destiné seulement à faire face à ces diverses améliorations.
Ici je dois rencontrer le reproche adressé aux pensions qui dépassent le chiffre de 6,000 fr. pour les personnes qui n’ont pas 40 années de services ; cette objection serait fondée s’il n’y avait pas de caisse de retraite, si la pension avait été liquidée simplement d’après l’arrêté-loi de 1814 ; mais le fonctionnaire auquel on a fait allusion s’étant imposé des retenues sur ses appointements pendant son temps de service pour améliorer plus tard sa pension, celle-ci a dû être plus forte que sous le régime seul de la loi de 1814 et elle a pu par suite dépasser le taux de 6,000 fr.
On nous dit encore : Il y a eu des abus sur les admissions à la pension ; ni l’âge ni le temps de service ne donnent de droits à la pension ; cela est vrai, c’est-à-dire ne donnent de droits à réclamer, à exiger la pension, mais n’ôtent pas au gouvernement le droit de l’accorder.
Si celui qui n’a que 40 ans de service (minimum du temps de service, au bout duquel on peut avoir une pension), réclame sa pension, le gouvernement peut la refuser et dire qu’il ne l’accordera que quand l’employé aura plus de 40 ans de service ; mais il dépend cependant du gouvernement de mettre de lui-même plus tôt les employés à la retraite ; à cet égard, en agissant ainsi, il est tout à fait dans son droit.
Il peut y avoir eu quelques abus, mais je doute que si tous les abus étaient réunis et séparés, ils vous donneraient une économie de 10,000 fr. J’ai même lieu de croire que vous n’arriverez pas à ce chiffre d’après le rapport de la commission qui aura examiné minutieusement la liquidation de toutes les pensions.
Ainsi que je l’ai déjà rappelé dans une autre séance, il a été éloigné de l’administration des fonctionnaires contre lesquels on ne pouvait articuler aucun fait positif, uniquement parce qu’ils déplaisaient à l’opinion publique. Pouvait-on se dispenser d’accorder une pension de retraite à ces hommes auxquels on ôtait leurs fonctions sans cause positive, sans motif administratif et souvent pour satisfaire aux intentions de la législature ? Non sans doute, c’eût été une criante injustice.
L’honorable M. Dubus nous a indiqué un moyen que l’on aurait dû, selon lui, employer pour ne pas dépasser le chiffre du revenu des pensions et des subsides provisoirement donnés à la caisse des retraites, ce moyen, dit-il, c’était de réduire la dépense.
Entend-il qu’il faut réduire les pensions ? Si c’est là ce qu’il comprend, si telle est sa pensée, il pourrait même aller plus loin et supprimer toute la dépense, s’il veut détruire ou nier les droits acquis. Si c’est là le moyen qu’il propose, je n’en suis pas partisan. Mais, nous a laissé entendre l’orateur, c’était de ne pas admettre tant de fonctionnaires à la pension. Mais lorsqu’un fonctionnaire ne peut plus rendre de service, que par son âge il est hors d’état de remplir ses fonctions, ne doit-on pas l’admettre à la retraite ? Quand un fonctionnaire décède, peut-on se dispenser de donner la pension à sa veuve et à ses orphelins ? Voilà des dépenses auxquelles le département des finances ne peut pas se soustraire ; ce sont des dettes sacrées au paiement desquelles on ne peut pas loyalement échapper.
Je vous avouerai franchement à cette occasion qu’il y a dans mon administration plus de cent employés qui devraient être admis à la pension dans l’intérêt du pays, car ils n’ont plus les forces physiques nécessaires pour remplir convenablement leurs fonctions. Eh bien, je n’ose pas les mettre à la pension, parce que chaque année on s’élève contre le chiffre des subsides de la caisse de retraite, et je me trouve ainsi forcé de maintenir un état de choses nuisible au pays, parce que je n’ose pas prendre sur moi d’augmenter les charges de cette caisse, parce que je crains de mécontenter la législature.
Cette faiblesse est peut-être blâmable, mais ma conscience me force à la confesser.
Je le dis franchement, si on pouvait faire une enquête sur ce point, on verrait que ce que j’avance relativement aux employés qui devraient être mis à la pension est encore au-dessus de la réalité.
J’ai déjà dit comment la réduction de 30 mille fr. qu’a subie le personnel de l’administration centrale des finances et les circonstances politiques ont nécessité la mise à la retraite d’un certain nombre d’employés.
J’ajouterai qu’au moment de la révolution, il y a eu des employés qui, partageant l’enthousiasme qui animait alors tous les Belges, sont venus demander à être remis en fonctions, croyant qu’ils pouvaient encore rendre des services au pays, mais leurs forces ont trahi leur zèle ; au bout de quelque temps, il a fallu les rendre de nouveau à l’inactivité. Des fonctionnaires assez élevés en grade ont été dans ce cas. C’est une considération qui m’avait échappé.
On a cité une comparaison que j’avais eu soin de faire moi-même. On a dit : Le nombre des pensions postérieurement à la révolution est de beaucoup inférieur au nombre des pensions accordées antérieurement, et cependant le montant des sommes à payer pour pensions antérieures à la révolution est inférieur à celles qu’on nous demande pour les pensions accordées depuis 1830. Cela paraît étrange au premier abord ; mais l’on doit tenir compte des raisons dont j’ai accompagné ces calculs, raisons qui sont pertinentes. Si je vous donnais lecture du passage de mon discours dans lequel je suis venu au-devant de cette objection, vous verriez que le résultat est entièrement justifié.
« Depuis la révolution il a été alloué 525 pensions, avant il en a été alloué 918. Ici j’irai au-devant d’une objection qui ne manquera pas d’être faite.
« Les pensions antérieures à la révolution, au nombre de 918, ne montent qu’à 418,677 fr., tandis que les pensions postérieures à la révolution, au nombre des 525 seulement, montent à 424,356 fr. Il semblerait qu’on a été plus généreux depuis la révolution qu’auparavant. Mais je vais démontrer que la force des choses a dû amener un tel résultat, sans qu’il y ait eut pour cela largesse.
« Les pensions antérieures à la révolution comprennent une durée de 15 années. Pendant ce temps, beaucoup de pensionnaires sont décédés. Mais ils sont décédés, en laissant des orphelins ou des veuves, et dés lors ce chiffre de la pension s’est trouvé réduit, parce que les veuves et les orphelins ne reçoivent que les deux tiers de la pension. Et il en est résulté, en outre, que le nombre des pensionnés s’est accru : Il n’y avait qu’un individu pensionné ; en mourant, il y a 4 ou 5 orphelins qui le sont devenus à sa place. Ainsi, un plus grand nombre de parts a été substitué pour prendre un chiffre moins fort. Voilà ce que l’intervalle de quinze années a amené très fréquemment.
« Les pensions postérieures à la révolution ont été données pendant une durée de cinq années ; les extinctions ont été moindres, proportionnellement elles ont dû être du tiers : de sorte qu’il y a eu beaucoup moins de réversions de pensions ; et dès lors le chiffre de ces pensions a dû être plus fort, quoique comparativement le nombre des pensions fût plus petit. »
Voilà ce que j’ai eu l’honneur de dire dans une précédente séance. Il ne faut pas dégager les chiffres des considérations qui les accompagnent. Il ne faut pas se faire illusion pour attaquer plus à l’aise une allocation qu’on croit devoir combattre ; quand on cite nos arguments, il ne faut pas les isoler, les tronquer.
J’ai encore un mot à ajouter sur ce que le nombre des pensions nouvelles est moindre que celui des pensions antérieures à la révolution et que la somme à payer est plus forte. Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite pour cause politique étaient des fonctionnaires d’un rang élevé, ce n’étaient ni de simples proposés aux douanes, dont la pension est de 2 ou 300 francs, ni des receveurs de campagne aux appointements de 1,200 francs qu’on ne voulait plus voir en fonctions, mais c’étaient des hommes élevés en grade et auxquels il était dû de fortes pensions. Voilà des explications suffisantes, je pense, sur ce qui s’est passé quant au nombre et au chiffre des pensions depuis la révolution.
M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour expliquer pourquoi la section centrale a proposé l’ajournement de l’article dont il s’agit. Dans le discours qu’il a prononcé lors de la présentation dû budget le ministre des finances a dit qu’un compte exact de la situation de la caisse de retraite sera remis à la chambre ; rapproché du rapport qui sera fait par la commission chargée de la révision des pensions allouées, il pourra, a dit M. le ministre, mettre la chambre à même de se prononcer, avec connaissance de cause, sur les subsides demandés par cette caisse.
En présence de cette promesse, la section centrale ne pouvait mieux faire que de proposer l’ajournement. Mais les explications que vient de donner M. le ministre des finances remplacent en quelque sorte la révision qui n’a pu avoir lieu, parce que deux membres de la commission étant tombés malade, ils n’ont pu terminer leur travail.
Jusqu’ici, messieurs, on s’est élevé contre l’accroissement du chiffre des pensions à la charge de la caisse de retraite.
Quand on voit ce chiffre s’élever au point de nécessiter une allocation nouvelle de 380,000 fr., outre les retenues faites aux employés, on est tenté de s’écrier, comme l’a fait éloquemment l’honorable M. Dumortier, qu’il y a des abus scandaleux.
Mais si l’on examine les raisons données par M. le ministre des finances, on ne criera plus aux abus, car on peut se rendre compte des motifs qui font réclamer une somme aussi forte pour les pensions des employés de l’administration des finances.
Il ne faut pas perdre de vue que les employés de l’administration des finances sont plus nombreux que ceux de tous les autres départements réunis.
Si j’ai compris M. le ministre des finances, ils s’élèvent à sept mille.
Certes, les employés de tous les autres départements réunis ne s’élèvent pas à ce chiffre.
Il résulte ensuite du travail fait par M. le ministre des finances que si toutes les pensions avaient été liquidées conformément à l’arrêté-loi de 1814, le chiffre des pensions à la charge du trésor s’élèverait à 487 mille francs.
Nous ne pouvons pas mettre en doute les calculs du ministre des finances, il nous a prouvé que nous pouvions compter sur la véracité de tous les renseignements qu’il nous fournit.
Il résulte de ces calculs que les pensions pour lesquelles on réclame 380 mille fr., si l’arrêté de 1822 n’avait pas établi la caisse de retraite, coûteraient 487 mille fr. L’établissement de la caisse des retraites a donc amené une économie.
Vous voyez donc que l’élévation du chiffre des pensions de l’administration des finances est maintenant pleinement justifiée.
Toute prévention doit disparaître, et je suis convaincu que les adversaires de l’allocation réclamée vont se rendre aux bonnes raisons de M. le ministre des finances. Elles ont été telles, qu’à moins d’avoir une opiniâtreté déraisonnable, on ne peut pas refuser ce supplément de crédit.
D’ailleurs, en admettant que les pensions à charge de la caisse de retraite soient trop facilement accordées, ce que je ne puis croire, car elles sont accordées par une administration intéressée à ce que les fonds de cette caisse ne soient pas donnés trop facilement ; mais enfin si on trouve que les pensions sont trop légèrement accordées, c’est en vertu d’un arrêté existant, et ce n’est que par une loi qu’on pourrait porter remède à cet état de choses.
Nous ne pourrions pas revenir sur le passé ; tout ce que nous pouvons faire, ce serait de dire qu’à l’avenir les pensions ne pourront être accordées que dans tels et tels cas et qu’elles ne pourront jamais dépasser le maximum qui serait fixé. Moi aussi, je regrette fort de voir donner des pensions de douze, neuf et huit mille francs à des hommes qui ne font rien et qui peuvent encore faire quelque chose ; mais c’est en vertu de lois existantes qu’elles ont été accordées, elles doivent donc être payées. C’est à nous à réformer ces lois. Mais tant qu’elles n’auront pas été réformées, nous devons les exécuter.
Tout à l’heure, le ministre des finances a dit qu’après la révolution, des raisons politiques avaient nécessité le renvoi de plusieurs employés. M. Dumortier, prévoyant cette réponse, avait dit : « Je sais très bien qu’on me répondra que beaucoup d’employés ont été renvoyés par le gouvernement provisoire, parce qu’ils s’étaient rendus odieux au pays par leurs opinions orangistes ; mais depuis lors, dit-il, ces employés s’étant amendés, on pourrait les replacer. »
Je n’ai pas compris ce raisonnement de la part de notre honorable collègue de Tournay, auquel nous avons si souvent entendu dire : « J’adjure le gouvernement d’employer les hommes de la révolution, ce n’est qu’en eux qu’il trouvera de l’appui au moment du danger. » Maintenant, parce qu’il suppose que des hommes qui se sont rendus odieux ont pu s’amender, il voudrait qu’on les replaçât.
Je ne pense pas comme lui. Je l’engage à persister dans sa première opinion qui a aussi toujours été la mienne. Ce n’est pas pour quelques milliers de francs qu’on économiserait qu’il faut replacer des hommes qui se sont rendus odieux au pays. Je demande à M. les ministres, comme l’avait toujours fait jusqu’ici l’honorable M. Dumortier, de se souvenir toujours de 1830 et de ceux qui se sont exposés à perdre la vie pour notre émancipation et notre indépendance, et de leur donner la préférence pour les emplois, alors même qu’ils n’auraient pas toute l’aptitude désirable. Les services qu’ils ont rendus peuvent bien leur tenir lieu d’un peu plus de capacité quand même quelques inconvénients résulteraient de ces choix, le pays aurait encore de la reconnaissance au gouvernement de tels choix, par lesquels il acquitterait une dette sacrée.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Au premier vote, la chambre a ajourné la disposition suivante :
« Article 5 (du chapitre II). - Crédit supplémentaire, remboursable sur les fonds de la caisse de retraite des employés des finances retenus en Hollande : fr. 180,000. »
- L’ajournement est mis aux voix. Il n’est pas adopté. L’article est ensuite adopté.
M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - Dans la séance d’avant-hier, vous avez ajourné le vote sur la dotation du sénat, afin qu’on pût prendre des renseignements prés de MM. les questeurs et s’assurer si le chiffre de 22,000 était suffisant. J’ai pris des informations près d’un questeur du sénat qui m’a déclaré que cette somme suffirait pour cette année.
- Le chiffre de 22,000 fr. est mis aux voix et définitivement adopté.
M. le président. - « Article unique. - Chambre des représentants. » Par suite des résolutions de la chambre, le chiffre de cet article est porté à 428,755 fr.
- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.
M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - Sur l’article 2 du chapitre IV, personnel des bureaux (de la cour des comptes), M. le ministre des finances nous a promis de demander des renseignements à la cour des comptes. Je me proposais de réclamer une majoration de 6 mille francs à cet article ; mais j’attends les renseignements que nous a promis M. le ministre des finances avant de formuler mon amendement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai pris des renseignements près de la cour des comptes, à l’effet de savoir le chiffre de l’augmentation qu’elle croit nécessaire pour les employés de ses bureaux. Il résulte d’une lettre que je viens de recevoir que la cour des comptes demande une augmentation de dix mille francs. Malgré cela, les traitements des employés de la cour ne seront pas encore, dit-elle, à la même hauteur que dans les départements ministériels. La cour présente un calcul d’après lequel le traitement des chefs de division serait porté à 3,800 fr., et les traitements des autres employés des bureaux seraient augmentés dans la même proportion. Elle assure que c’est le taux auquel il est nécessaire d’élever les traitements pour conserver de bons employés, qui sont disposés à la quitter, si elle ne peut pas élever convenablement leur traitement.
M. Legrelle. - Je demande la parole, moins pour m’opposer à l’augmentation demandée que pour faire remarquer le langage extraordinaire et insolite d’un honorable membre qui, au lieu de voir si les demandes de crédit ne sont pas trop fortes, va au-devant d’une administration pour lui faire une sorte de reproche de l’économie qu’elle fait dans ses dépenses.
Je vous demande, messieurs, si, après que la cour des comptes n’a rien demandé, nous devons admettre, sans examen, une augmentation de 10,000 fr. S’il m’est démontré que cette somme est nécessaire, pour donner un traitement plus fort à ceux qui ont trop peu, et donner des émoluments à ceux qui ne reçoivent rien, je la voterai ; mais il ne faut pas qu’une somme de 10,000 francs demandée, à la fin d’un budget, soit votée à la dérobée, soit votée sans examen.
Je désire que cette demande soit renvoyée à la section centrale, à moins que M. le ministre des finances ne nous donne des explications suffisantes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je viens de retrouver parmi mes papiers la lettre de la cour des comptes. Avant d’en donner lecture, je crois qu’il convient de dire que la cour des comptes avait manifesté le vœu que les traitements des employés fussent augmentés. Elle a émis ce désir à plusieurs reprises, et c’est par un sentiment de délicatesse qu’elle n’a pas déterminé un chiffre. Une loi étant présentée pour augmenter le traitement des conseillers, elle a pu croire que si elle déterminait le chiffre de l’augmentation qu’elle demandait pour le personnel des bureaux, des esprits soupçonneux penseraient peut-être qu’elle voudrait indiquer par là la proportion, dans laquelle elle désirait qu’on augmentât le traitement de ses membres.
Voici ce qu’elle dit dans les observations à l’appui de son budget :
« Les chambres devant être maintenant parfaitement éclairées sur les considérations qui se rattachent à cette question ainsi que sur le rang élevé qui a été assigné à cette institution dans l’ordre hiérarchique des pouvoirs de l’Etat, la cour a pensé qu’il était inutile de reproduire ici les motifs qu’elle a fait valoir à diverses reprises pour appeler sur la position de ses membres l’attention de la législature.
« Quant au personnel de ses bureaux, elle fera remarquer de nouveau que les traitements de ses employés sont inférieurs à ceux qui sont accordés dans d’autres administrations à des employés dont les occupations ont de l’analogie avec les travaux des bureaux de la cour.
« Elle verrait donc avec une vive satisfaction que la législature se décidât à majorer le chiffre des traitements de ses employés dans une proportion qui lui paraîtrait conforme à l’équité et à la justice.
« Du reste, la besogne des bureaux de la cour s’est trouvée augmentée nécessairement de la même proportion que le travail de ses membres, depuis que celle-ci est saisie, d’après le règlement général sur des finances, de l’examen des comptes généraux et définitif de l’Etat pour les exercices clos.
« On ne peut pas se dissimuler d’ailleurs que les employés de la cour ont dû nourrir le juste espoir de voir améliorer leur sort, et que quelques-uns pourraient craindre que leur avenir ne fût pas assez assuré, s’ils voyaient s’éloigner encore la perspective d’une rétribution en rapport avec la part de travail qu’ils fournissent à l’Etat. »
Voici le résumé en chiffres de ces observations, il est exprimé dans la lettre que la cour des comptes m’a fait l’honneur de me répondre ce matin :
« Bruxelles, le 4 février 1836.
« M. le ministre,
« La cour des comptes a pris connaissance de la missive que vous avez adressée à son président, en date de ce jour, afin de connaître la pensée de la cour sur la majoration qu’elle jugerait rigoureusement nécessaire de voir apporter au chiffre actuel du traitement de ses employés.
« La somme qu’elle croit pouvoir fixer avec le plus de modération devrait s’élever à 10,000 fr., dont la répartition amènerait la fixation des traitements comme suit :
« Aux chefs de division, 3,800 fr. au lieu de 3,180 fr.
« Aux sous-chefs, 2,500 fr. au lieu de 2,124 fr.
« Aux premiers vérificateurs, premiers teneurs de livres, etc., 2,000 fr. au lieu de 1,704 fr.
« Elle indique les traitements les plus élevés et elle répartira proportionnellement le reste de la somme, qui sera bien faible, sur les autres traitements. »
La pièce dont je viens de donner lecture me paraît justifier suffisamment la majoration demandée. Si la cour n’a pas présenté plus tôt le chiffre qu’elle croyait nécessaire, c’est pour des motifs que j’ai eu l’honneur d’exposer à la chambre ; c’est aussi parce que la chambre est saisie d’un projet de loi tendant à réorganiser le personnel de cette institution.
M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - L’honorable M. Legrelle trouve insolite la demande d’une augmentation pour la cour des comptes, lorsque cette demande n’est pas faite par la cour elle-même. Si l’honorable membre se rappelait mieux ce qui se fait en cette chambre, il saurait que la cour des comptes a en différentes reprises adressé des observations à cet égard à la législature, et il se serait dispensé de m’adresser à cet égard une admonition que je trouve déplacée.
Je suis aussi partisan des économies que qui que ce puisse être et surtout que l’honorable M. Legrelle ; mais il en est qui sont nuisibles à l’Etat, et celle dont il s’agit est dans ce cas ; la somme demandée est destinée à augmenter le traitement des employés qui vérifient sous les yeux de la cour toute la comptabilité de l’Etat.
Peut-on dire que ces employés sont suffisamment rétribués, lorsqu’on sait que des deux employés qui sont chargés de la vérification de toutes les feuilles de revue du département de la guerre, l’un est aux appointements de 1,488 francs et l’autre est surnuméraire depuis 4 ans ?
Veuillez faire attention, messieurs, que les employés de la cour des comptes sont livrés à un travail qu’il ne faut pas croire matériel ; ils sont obligés de connaître à fond les règlements militaires et les instructions de tous les ministères, de réunir enfin toutes les connaissances en comptabilité des différents départements ; et néanmoins, ils n’ont que des traitements de 720, 1,500 et 1,800 fr. Si vous n’augmentez pas ces traitements, il y aura évidemment découragement et relâchement chez ces employés ; et il peut résulter de là de très fortes pertes pour l’Etat.
Remarquez encore que la carrière des employés de la cour des comptes est très bornée, leur bâton de maréchal est de devenir chef de division à la cour des comptes ; à ce grade suprême est attaché le modique traitement de 3,100 fr.
La cour des comptes n’a maintenant que 29 employés, tandis que sous le gouvernement hollandais, son personnel dépassait le chiffre de 100. Voyez quelle énorme différence. Ajoutez à cela que les employés de la cour des comptes étaient rétribués le double de ce que le sont les employés de la cour actuelle où en outre il se trouve 7 surnuméraires sans appointements.
Je crois que la chambre ne peut pas se dispenser d’accorder l’augmentation demandée.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je ne prétends pas que les traitements des employés de la cour des comptes doivent être très minimes. Sans doute je partage l’opinion de l’honorable M. d’Hoffschmidt, que les employés doivent être rétribués conformément au travail qu’ils sont appelés à faire. Mais il est une observation que je dois vous soumettre : c’est qu’on vous a dit que les chefs de division de la cour des comptes étaient moins rétribués que les chefs de division des autres administrations. Mais c’est très possible.
Je ne connais pas le chiffre des traitements des chefs de division de toutes les autres administrations. Mais si on veut comparer le traitement des chefs de division de la cour des comptes avec celui des chefs de division d’une autre administration, qu’on le compare avec celui des chefs de division de l’administration provinciale. Eh bien, j’ai sous les yeux une note où je vois que les chefs de division de l’administration provinciale n’ont que 2,700 fr. de traitement dans le Brabant. Si on prétend que les fonctions de chef de division de la cour des comptes doivent être mieux rétribuées, que l’on propose un chiffre ; mais je ne crois pas que l’on puisse porter ces traitements à 3,800 fr. Cette augmentation me paraît exagérée. Et, en effet, tous les jours, que faisons-nous ? nous augmentons les traitements des employés. Et l’on est toujours à crier que les impôts sont trop élevés ; j’ai été le premier à le dire ; je l’ai dit plusieurs fois ; je le répéterai à satiété ; et vous reconnaîtrez un jour que j’ai dit l’exacte vérité.
L’honorable M. de Mérode lui-même a déjà prouvé plusieurs fois combien nous étions dans une fâcheuse position, sur le rapport de la dette flottante. Il n’y a que l’économie qui puisse nous tirer de cette position. Sans doute il faut que chacun soit rétribué selon les services qu’il rend. Mais nous ne pouvons pas mettre les finances du pays dans une fausse position. Sur le rapport d’une augmentation, elle aura mon assentiment. Mais je ne pense pas qu’il faille porter les traitements des chefs de division de la cour des comptes de 3,100 à 3,800 fr.
M. Legrelle. - Je n’ai entendu faire aucune mercuriale à aucun de mes collègues, mais je me croyais en droit de dire que c’était la première fois qu’un membre de la chambre prenait l’initiative pour demander une augmentation.
Je me bornerai au reste à attirer l’attention de la chambre sur un fait. Les employés principaux de la cour des comptes n’avaient que le titre de chefs de bureau ; on est venu vous demander pour eux le titre de chef de division, qui ne devait pas augmenter la dépense ; ce devait être un titre honorifique, destiné à encourager les employés en flattant leur amour-propre, mais il ne devait en résulter aucune charge pour le trésor.
Maintenant que le titre est accordé, on vous demande de mettre les traitements en harmonie avec ce titre. C’est une leçon dont j’espère que la chambre profitera.
Du reste je ne refuse pas une augmentation. Mais je ne puis admettre celle proposée qui serait de 19 p. c. sur les traitements actuels.
M. Dubus. - D’après mes souvenirs, je croyais aussi que l’allocation à la cour des comptes était insuffisante jusqu’à un certain point ; car la cour des comptes était exposée à perdre des employés qu’elle désirait conserver, parce qu’ils trouvaient plus d’avantage à entrer comme employés dans un ministère ; cependant l’augmentation proposée me paraît un peu exagérée ; on nous avait fait envisager comme nécessaire une augmentation de 5,000 fr., et l’on en propose une de 10,000 fr.
Si j’ai bien compris les explications M. le ministre des finances, la somme de 10,000 fr. demandée serait exclusivement consacrée à des augmentations de traitements : cependant d’après les explications de l’honorable rapporteur, il n’y a pas seulement insuffisance de traitement, il y aurait aussi insuffisance de personnel. Je crois que M. le rapporteur a dit que, d’après les renseignements qu’il s’était procurés, il n’y avait que deux employés chargés de la vérification des feuilles de revue du département de la guerre, et que ce nombre ne suffisait pas.
Je pense donc que l’augmentation que la chambre jugera convenable d’accorder devra être consacrée à augmenter le personnel de telle sorte qu’il puisse suffire aux besoins du service.
M. F. de Mérode. - Je n’ai pas dit un mot ; je ne sais pas pourquoi l’honorable M. Eloy de Burdinne me fait intervenir et suppose que j’ai proposé pour faire disparaître la dette flottante des moyens subtils auxquels je n’ai jamais songé. J’ai demandé pour cela 3 ou 4 millions. Il faudrait bien des économies comme celle dont il s’agit pour arriver à cette somme.
M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - Convaincu de la nécessité d’une augmentation, et supposant que si elle est moins considérable que je l’avais proposée d’abord, elle serait plus favorablement accueillie par la chambre, je propose de porter à 65,000 fr. le chiffre de l’article en discussion.
M. Verdussen. - Je me bornerai à faire observer que l’augmentation de 10,000 fr. s’élevait à 17 p. c. de la totalité du chiffre, c’est-à-dire des 59,000 fr., montant de l’article, et à 20 p. c. pour le traitement des chefs de bureau.
Dans cette occasion comme dans toutes les autres, ce serait les gros appointements qui seront augmentés dans une proportion plus forte. Car cette augmentation sera de 20 p. c., tandis que l’augmentation générale n’est que de 17 p. c.
- La clôture de la discussion est prononcée.
Le chiffre de 65,000 fr., proposé par le rapporteur de la section centrale, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L’article premier de la loi est ainsi conçu :
« Le budget de la dette publique et des dotations pour l’exercice 1836 est fixé à la somme de 15,472,964 fr. 1 c. »
- Adopté.
M. Dumortier. - Ne pourrait-on pas supprimer ce centime ?
M. le président. - C’est impossible.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
La chambre vote sur l’ensemble du budget par appel nominal.
76 membres prennent part à l’appel.
75 membres adoptent.
1 rejette.
1 membre s’est abstenu.
En conséquence, le budget est adopté. Il sera transmis au sénat.
M. Andries s’est abstenu parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.
Ont voté pour : MM. Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Bosquet, Cols, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubus aîné, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Legrelle, Lejeune, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Pollénus, Quirini, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude.
A voté contre : M. Seron.
M. de Jaegher, rapporteur du projet de loi relatif à la répression de la fraude des céréales dans le Limbourg présente son rapport.
- La chambre en ordonne l’impression.
Article unique
M. le président. - L’article unique, rédigé par la section centrale, est ainsi conçu :
« Il est ouvert, au ministère des finances, en attendant le règlement définitif de son budget pour l’exercice 1836, un crédit provisoire d’une somme de 600,000 fr., à l’effet de pourvoir aux traitements des fonctionnaires et employés de son département. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à la rédaction de la section centrale, parce qu’elle présente l’avantage de réunir, dans l’article unique, le considérant du projet du gouvernement.
M. Jullien. - Allez, c'est toujours 600,000 fr. ! (Hilarité.)
M. Verdussen. - Je rappellerai à la chambre que voilà le deuxième crédit provisoire que l’on nous demande, sans compter ceux qui vont suivre probablement. Cela nous montre la nécessité de songer à la proposition que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau à l’effet de fixer au 1er juillet le commencement de l’année budgétaire.
Depuis, l’honorable M. Desmaisières a proposé de discuter les budgets de l’exercice suivant vers les mois de mai et d’avril. Si la chambre jugeait à propos de discuter cette dernière proposition de préférence à la mienne, je l’abandonnerais bien volontiers. Mais je voudrais que l’on s’occupât sérieusement de trouver le moyen d’avoir les budgets de l’exercice suivant. Il n’y aurait plus qu’à voter chaque année le budget des recettes dans le mois de décembre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable membre regrette que le gouvernement adresse aux chambres des demandes de crédits provisoires. Si nous le faisons, c’est que la nécessité nous y oblige. Si nous pouvions nous y soustraire, soyez persuadés que ne le ferions bien volontiers.
Car il résulte du retard apporté dans le vote des budgets une grande gêne pour l’administration générale du pays. Ce n’est pas par goût assurément que nous demandons des crédits provisoires. Je pense que l’on pourrait concilier le juste désir de la chambre de voter les budgets à temps avec la convenance qu’il y a de ne pas changer l’année financière, contrairement aux usages reçus dans tous les pays. Ce serait de voter les budgets de l’exercice suivant, soit au mois d’avril comme le propose l’honorable M. Desmaisières, soit dans une session extraordinaire d’été.
Avant la clôture de la session actuelle, on atteindra le but que se propose l’honorable M. Verdussen, et nous ne dérogerons pas aux usages depuis longtemps invétérés en matière de finances.
- On procède par appel nominal sur le crédit provisoire demandé par le ministre des finances.
Il est adopté à l’unanimité des 72 membres qui ont répondu à l’appel nominal.
En conséquence, il sera transmis au sénat.
M. le président. - Nous passons à l’autre objet de l’ordre du jour.
La parole est à M. Dumortier.
M. Dumortier, rapporteur. - Si un autre orateur veut parler, je prendrai la parole comme rapporteur de la section centrale, à la fin de la discussion.
M. Desmet. - Messieurs, je ne comptais pas prendre la parole dans cette discussion générale, mais comme dans la séance d’hier l’honorable M. Dequesne a relevé ce que j’avais dit sur l’affranchissement de nos communes, dans une des nombreuses discussions qui ont eu lieu sur le projet de loi d’organisation communale, je trouve utile de répondre.
Il semble que l’honorable membre ait voulu mettre en doute ce que j’avais rapporté de l’histoire des bons résultats que la Belgique avait retirés de l’affranchissement de ses communes, tant pour sa civilisation que pour sa prospérité.
L’histoire aurait-elle menti quand elle a écrit que l’affranchissement de la commune contribua plus qu’aucune autre cause à introduire et à répandre en Belgique comme dans les autres parties de l’Europe les principes d’un gouvernement régulier, de la police et des arts.
Aurait-elle menti, quand elle a rapporté que la jouissance de la liberté produisit un changement si heureux dans la condition de tous les membres des communautés, qu’on les vit bientôt sortir de cet état de stupidité et d’inaction où les tenaient auparavant enchaînés l’oppression et la servitude, que l’affranchissement des communautés ranima l’esprit d’industrie et fit que le commerce devint l’objet d’une attention qui le fit fleurir ; que la population augmenta sensiblement ; qu’enfin l’indépendance et la richesse se montrèrent dans ces villes qui avaient été si longtemps le siège de la pauvreté et de la tyrannie.
La richesse amena le faste et le luxe qui marchent toujours à sa suite, et quoique ce fût un faste sans goût et du luxe sans délicatesse, il en résulta cependant plus de politesse dans les manières et plus de douceur dans les mœurs. Ce changement en produisit d’autres dans le gouvernement ; la police se perfectionna, à mesure que les villes devinrent plus peuplées et que les objets de commerce réciproques entre les hommes se multiplièrent. On sentit la nécessité de faire de nouveaux règlements, et l’on comprit en même temps combien il était important pour la sûreté commune de faire ces règlements avec la plus grande exactitude et de punir avec autant de rigueur que de célérité ceux qui oseraient les enfreindre.
Vraiment je ne conçois pas qu’on puisse donner un démenti à l’histoire, que c’est dans les villes que les lois et la subordination, aussi bien que la politesse des mœurs, ont pris naissance, et qu’on le doit à leur affranchissement ; comme il est de même incontestable que les privilèges accordés aux cités, en diminuant le pouvoir de la noblesse, augmentèrent celui de la couronne.
Messieurs, je ne vous ferai point de citations pour servir de preuve à ce que j’ai avancé ; toutes les histoires l’attestent, et il n’est que trop connu, que la raison pour laquelle notre Belgique a été un des pays qui a été le premier industriel et commercial et qui avant bien d’autres a été riche et civilisé, et qu’il a le premier joui de l’affranchissement de ses communes et que le pouvoir municipal y a été établi.
Je pense qu’à ceci mon honorable contradicteur ne m’opposera point d’autres faits et qu’il reconnaîtra avec moi que l’histoire a dit vrai et que la Belgique doit beaucoup, doit toute sa prospérité et sa supériorité sur les autres contrées de l’Europe à sa précoce émancipation municipale.
Mais je crois voir dans le discours de l’honorable membre qu’il veut combattre l’opinion de donner à la commune un pouvoir municipal aussi indépendant que possible, et que surtout il veut attaquer le droit d’élection des habitants, comme contraire à la forme gouvernementale que nous avons adoptée.
Je lui demanderai d’abord ce qu’il entend par monarchie, c’est-à-dire s’il croit la monarchie une institution immobile, stationnaire, étrangère à tout ce qui passe autour d’elle, et ne devant recevoir aucune modification du progrès des idées, des besoins, des lumières de l’époque ? S’il l’entend ainsi, il peut avoir raison. L’élection progressive de sa nature, exprimant l’opinion telle que la marche du temps l’a faite, les besoins tels qu’ils naissent d’une civilisation graduelle, est incompatible avec un pouvoir qui ne doit pas être, d’après lui, en communication ni avec ces besoins, ni avec cette opinion.
Mais ce n’est pas ainsi que j’entends la monarchie, ce n’est pas ainsi que les peuples l’entendent, ce n’est même pas ainsi que les rois la comprennent.
En effet, je vois la Prusse introduire avec lenteur, mais avec persévérance, l’élection dans ses provinces ; toutes les puissances secondaires l’avaient devancée, et si le résultat de l’élection est encore illusoire sous quelques rapports, le principe est admis, et tous les monarques sentent qu’ils ont besoin de cet appui pour consolider à la fois et modérer leur autorité.
Et remarquez que c’est précisément pour les objets qui nous occupent que les souverains admettent leurs peuples au droit d’élire ; ceux même qui reculent devant l’élection politique appellent et conservent l’élection communale et provinciale.
Voici ce qui se trouve dans une feuille périodique, dans la Revue universelle du mois d’octobre 1833, concernant les progrès constitutionnels de la Prusse, article extrait du Blackwood’s Magazine :
« Hardenberg, homme d’Etat plus remarquable encore que Stein, parce qu’il était moins violent, moins impérieux, moins altier ; diplomatique profond et hardi ; libéral dans ses vues, et en même temps versé dans la connaissance des hommes, de leurs mobiles et de leurs intérêts, vint compléter l’œuvre de son prédécesseur. Ce que les lois dont nous venons de parler avaient accompli pour le perfectionnement de l’agriculture et l’amélioration du sort des paysans, la fameuse Staedte Ordnung ou constitution des villes, et la Gewerb Steuer Ordnung ou taxe du commerce, l’accomplirent pour les droits civils et commerciaux de la communauté. La première de ces mesures avait été préparée par Stein ; la seconde appartient tout entière à son successeur.
« Ce droit de contrôle du gouvernement est extrêmement limité et n’existe pas dans les petites villes. Les grandes villes nomment trois individus, et le gouvernement choisit l’un des trois. C’est la communauté qui se cotise pour fournir le salaire des magistrats, lorsqu’ils sont rétribués, ce qui n’arrive pas toujours. Ils sont élus pour trois ans. Les Stadtverordneten, élus aussi par les concitoyens, sont chargés de la répartitions des impôts, du soin des institutions locales et des devoirs municipaux de diverses natures. Leur charge est purement honoraire. On donne la plus grande publicité à toutes les mesures ; on affiche les comptes de leur gestion, et le public est mis à même de juger jusqu’à quel point ils se sont rendus dignes du choix de leurs concitoyens.
« Jusqu’à ce moment, la nomination des magistrats et des juges dans les villes et villages appartient exclusivement au suzerain féodal. La justice était secrète, aveugle, souvent partiale et dirigée par des mobiles de servilité et de complaisante. Une multitude de monopoles, de droits de corporation et de privilèges antiques, embarrassaient la marche du commerce, maintenaient les prix à un taux beaucoup trop élevé et perpétuaient la misère publique. Stein, le premier, voulu renverser tant de barrières. Il commença cette œuvre hardie avec sa témérité accoutumée, il fit entrer pour la première fois le droit d’élection dans la vie privée des Prussiens. Les habitants durent choisir eux-mêmes leurs magistrats et leurs officiers publics, sans que le gouvernement pût s’immiscer dans cette élection et l’entraver, excepté dans quelques occasion prévues par la loi.
« N’est-ce pas là une mise en œuvre bien franche et bien énergique de l’élément démocratique ? le but du ministère Stein et de son successeur Hardenberg n’était-il pas évidemment d’intéresser le peuple à la gestion de ses affaires, de lui donner une part active dans les mouvements politiques du pays ? »
Messieurs, toujours les Belges ont eu chez eux l’élection des magistrats qui géraient les communes, et si nous devions consacrer le contraire dans la charte municipale que nous allons faire, nous trahirions la Belgique et ses mœurs.
En 1787, au moment où l’empereur Joseph II voulut détruire notre ancienne constitution, parut une dissertation sur les anciens usages et points constitutionnels communs à toutes les provinces de la Belgique.
Cette dissertation, qui parut sous le titre de l’Ami du prince et de la nation, fut faite par une des sommités administratives du pays, par le comte Cornet de Grez, aïeul de notre honorable collègue, qui fut membre du conseil privé et conseiller intime de la gouvernante Marie-Christine. Voici comment il s’exprimait sur la nomination des chefs administrateurs des communes :
« A l’égard des villes qui ne sont point soumises à une semblable féodalité, c’est dans les habitants que règne le droit de choisir les membres qui doivent composer la magistrature et administrer la communauté ; et d’après cette règle si sage de notre constitution, le vœu privé sera toujours consulté pour fixer ce choix ; car la violer ne peut être que le commencement de la perte du gouvernement ; c’est ouvrir la porte au brigandage de protection, d’acception personnelle, d’argent et d’intrigue, qui comprime l’amour du peuple pour le prince, qui est toujours victime de cet abus des agents de l’autorité. »
Si du fait, je passe au raisonnement, voici ce que la raison m’indique. Deux grands systèmes se sont de tout temps partagé le monde. L’un est hérédité, l’autre élection. La nomination séparée de l’élection n’est qu’un exercice du pouvoir héréditaire.
Moins un peuple est éclairé, plus l’hérédité doit avoir de force ; plus un peuple est éclairé, plus l’élection doit gagner du terrain. Si les lumières étaient concentrées dans une seule classe, il serait naturel et inévitable que cette classe fût revêtue d’un pouvoir héréditaire. Quand les lumières ont pénétré dans plusieurs classes, il est également naturel et inévitable que toutes les classes où ces lumières ont pénétré soient appelées à participer aux affaires publiques, soit par le conseil, soit par l’examen. Mais ces classes étant trop nombreuses, pour une participation directe, il n’y a d’autre moyen de leur assurer cette participation légitime que par l’élection.
Je ne pense pas qu’on veuille me contester que l’espèce humaine a fait un pas, un pas immense, un pas irrévocable, il faut que les institutions le fassent, car, entre l’espèce humaine et les institutions, ce n’est jamais la première qui est définitivement vaincue.
Je le déclare donc, les gouvernements modernes, pour être modérés, comme pour être stables, doivent combiner l’hérédité avec l’élection.
L’hérédité doit être consacrée dans la royauté.
L’élection doit l’être dans les autres pouvoirs.
Malheur au pays européen qui ne serait pas une république imperceptible ; mais aussi malheur au pays où l’élection s’exercerait dans une sphère qui deviendront aussitôt le point de mire de toutes les ambitions.
Enfin, les emplois qui sont de simples délégations du pouvoir royal, l’armée par exemple où l’administration proprement dite, doivent émaner du pouvoir héréditaire ; mais l’examen, la discussion, la défense des intérêts soit nationaux, soit de localité, toutes ces choses entrent dans le domaine de l’élection et ne sauraient aujourd’hui lui être ravies sans périls.
Pour défendre son opinion, notre honorable contradicteur ne doit-il pas s’appuyer du régime que, j’en suis sûr, il a plus d’une fois qualifié d’usurpateur et de tyrannique ? Il ne pourra en sortir sans faire retentir cette enceinte des éloges de Napoléon, de sa modération et de son esprit docile pour les libertés et les franchises du peuple ; mais je le prie de se ressouvenir que c’est la soif du pouvoir absolu, du pouvoir fort, comme on l’appelle, qui a conduit le grand homme à sa ruine.
Ne craignez donc pas les nominations à la pluralité des suffrages, du moins de la manière qu’elles se trouvent ici limitées. Ayez confiance dans le gouvernement des majorités, c’est le seul qui appartienne à l’époque, c’est le seul qui ne sera jamais tyrannique et qui fera toujours le bonheur du souverain ; car toutes les fois qu’il y a eu tyrannie en France depuis 40 ans, c’est que les minorités ont gouverné.
Le comité de salut public était en minorité, le 9 thermidor le prouva.
Le directoire était en minorité, témoin le 18 brumaire.
Lorsqu’en 1813 le joug impérial était devenu insupportable, Guillaume eut peut-être un instant la majorité du pays ; mais, après qu’il eut imposé sa loi fondamentale, elle l’abandonna, et les journées de septembre ont encore une fois démontré qu’un gouvernement ne peut durer contre le gré de la majorité.
Je finirai ici de répondre à l’honorable M. Dequesne, mais comme j’ai la parole je dirai quelques mots sur le projet présenté ; je dois le déclarer, je le trouve mauvais et très mauvais ; c’est un système, ou pour mieux dire un pot-pourri détestable, une bâtardise monstrueuse qui contient tout le mauvais du régime impérial et le perfide de celui de Guillaume. J’espère que la chambre le repoussera ; car je crois qu’elle rendrait un très mauvais service au gouvernement qui perdrait beaucoup de sa popularité. Mais il faut le remplacer, car nous devons au pays une loi communale, et devant subir la loi de l’autre chambre, nous devons surtout venir au secours de la province, dont l’administration est en grande souffrance.
Il me semble que pour obtenir un résultat final de nos délibérations et pour ne pas marcher en tâtonnant, nous devons mettre en avant et discuter les bases d’un système complet. Je me permettrai de vous soumettre le mien, si j’y fais une concession et que je n’aie par tout ce que je voudrais avoir, je le fais parce qu’il me semble démontré que je ne puis obtenir ce que je désire. Pour avoir l’homogénéité d’attributions dans le collège des bourgmestres et échevins, je concède l’intervention du gouvernement dans la nomination des échevins. Je ne dois pas vous dire les motifs pour lesquels je tiens si fortement au collège administratif ; l’honorable M. Doignon a très bien plaidé hier cette cause, tout ce que je pourrais y ajouter ne pourrait qu’affaiblir son raisonnement. Mais on dira : Discuter, le pouvez-vous ?
La constitution ne vous le défend-elle pas ? Toujours j’ai expliqué la constitution d’après les attributions, et quand elles sont les mêmes, je ne vois aucune différence de primauté entre le bourgmestre et les échevins ; il est le primus inter pares et rien de plus. Si on ne tient point les mêmes attributions, alors j’y vois un point de constitution. Il me semble que le congrès a voulu être conséquent avec le principe reconnu que là où le gouvernement délivre un mandat il a droit d’intervenir dans la nomination.
Je vais avoir l’honneur de vous donner lecture de quelques questions de principe que, par motion d’ordre, je demanderai de mettre en premier lieu en délibération ; il me semble qu’arrêter les bases du système municipal que nous désirerions avoir, est le seul moyen de sortir de cette discussion et d’obtenir un système régulier. Si au contraire nous allons discuter par article, je crains que nous ne fassions quelque chose d’incohérent, et ce sera vraiment un pur hasard si à la fin nous avons un système.
Je déposerai ces questions sur le bureau. Elles sont ainsi conçues :
« Il y a dans chaque commune du royaume un corps municipal qui est composé d’un conseil communal et d’un collège de bourgmestre et d’échevins.
« Les membres du conseil communal sont élus directement par l’assemblée des électeurs de la commune.
« Les bourgmestre et échevins, qui exercent collectivement le pouvoir exécutif dans la commune, sont choisis par le Roi, dans le sein du conseil.
M. le président. - La parole est à M. Dumortier.
- Plusieurs membres. - A demain, à demain.
- D’autres membres. - Continuons.
M. F. de Mérode. - Restons en place ; c’est à peine si nous avons des séances de trois heures.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est près de quatre heures et demie. La plupart des membres quittent leurs places.
M. Nothomb. - Je demanderai la parole pour faire une motion, non pour interrompre la discussion, mais pour que ma motion soit connue de la chambre. Elle est ainsi conçue :
« J’ai l’honneur de vous proposer, par motion d’ordre, qu’à la suite de la discussion générale, et avant d’entrer dans la discussion des articles, l’assemblée se prononce sur les questions suivantes :
« 1° Les échevins exerceront-ils, concurremment avec le bourgmestre, le pouvoir exécutif ?
« 2° Les échevins seront-ils nommés par le Roi et dans le conseil ?
« 3° Le bourgmestre sera-t-il nommé par le Roi ? (Sans préjuger si ce sera dans le conseil ou en dehors.)
« Lesquelles questions, en cas d’affirmative, pourraient être résumées dans la proposition suivante :
« Le bourgmestre et les échevins seront nommés par le Roi, dans le conseil, et chargés de l’exercice du pouvoir exécutif. »
Je la développerais soit dans le cours de la discussion générale, soit lors de la discussion des articles.
M. Desmet. - Comme j’ai fait une motion semblable à celle de M. Nothomb, je demanderai qu’elle soit également imprimée.
M. le président. - La motion que vient de faire M. Nothomb et celle qu’a faite M. Desmet seront imprimées et distribuées.
- La séance est levée à 4 heures et demie.