(Moniteur belge n°31, du 31 janvier 1836 et Moniteur belge n°32, du 1er février 1836)
(Moniteur belge n°31, du 31 janvier 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est adoptée.
M. Verdussen lit le sommaire des pièces adressées à la chambre.
« La dame veuve Reyns, bouchère d’Anvers, réclame de nouvel le paiement d’une somme de 2,089 fr. 27 c., du chef de fournitures, faites à l’hôpital militaire de cette ville. »
« Le sieur Cellier-Blumentahl adresse de nouvelles observations sur son récipient d’équité et de sûreté, pour faire suite à sa pétition précédente, et demande que la chambre en ordonne l’impression. »
« Plusieurs brasseurs de bière et vinaigriers de première classe, demandent que la chambre adopte une disposition qui modifierait la loi de 1822, en assimilant les fabricants de vinaigre de troisième classe à ceux de première et de deuxième classe. »
- Ces mémoires sont renvoyés à la commission spéciale.
Un de MM. les secrétaires informe la chambre que M. Heptia est encore trop souffrant pour pouvoir partager les travaux de ses collègues.
M. le président. - Il a été déposé sur le bureau une proposition tendant à mettre en discussion la loi communale avant le rapport sur les relations de la banque avec le trésor. Cette proposition est signée d’un très grand nombre de membres de la chambre. C’est une motion d’ordre ; M. de Behr en est l’auteur, il a la parole pour la développer.
M. Gendebien. - Je demande la parole pour faire une motion d’ordre sur la motion d’ordre. J’inviterai la chambre à ne s’occuper de la proposition faite par M. de Behr que quand nous aurons terminé le budget des affaires étrangères et celui de la marine.
M. de Behr. - Il s’agit d’intervertir l’ordre dans lequel on devait discuter le projet de loi concernant l’organisation de la commune et le rapport sur les relations de la banque avec le trésor ; si la chambre doit prendre une décision sur ce point, c’est au commencement de la séance.
M. Gendebien. - Mais il ne faut pas interrompre les travaux de la chambre. Pourquoi discuter immédiatement sur la proposition déposée sur le bureau ? Il me paraît inconvenant d’entamer un débat qui peut-être nous conduira jusqu’à 4 heures et de laisser là le budget des affaires étrangères et de la marine. Nous n’avons rien de plus important à faire que de continuer ce que nous avons commencé. Si vous intervertissez si souvent des matières qui doivent être soumises à vos délibérations, vous perdrez un temps précieux à discuter des motions d’ordre et vous ne ferez pas les budgets.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Les discussions relatives a la fixation de l’ordre du jour ont lieu ordinairement au commencement des séances, et il y a un motif pour qu’il en soit ainsi : quand on remet la décision des questions d’ordre du jour à la fin d’une séance, tout le monde quitte la salle et on ne décide rien. C’est pour ne pas s’exposer à cet inconvénient qu’il fait prononcer actuellement sur la proposition qui est faite.
Il y a urgence de déterminer l’ordre du jour : tranchons donc la question.
M. de Behr. - Je voulais présenter des observations semblables à celles qui viennent d’être exposées par M. le ministre de l’intérieur. Je crains que la discussion du budget des affaires étrangères n’absorbe toute la séance, et à la fin nous ne serons plus en nombre pour fixer l’ordre du jour.
M. le président. - Il y a une proposition faite par M. Gendebien tendant à renvoyer à la fin de la séance la fixation de l’ordre du jour.
M. de Behr. - Je demande que la question d’ordre du jour soit traitée au commencement de la séance.
M. de Nef. - Le rapport sur le budget de l’intérieur sera imprimé et distribué ce soir ; je demanderai que l’on mette à l’ordre du jour de lundi les pétitions, et que mardi l’on commence la discussion sur le budget de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le rapport sur le budget de l’intérieur sera distribué, en effet, je crois, ce soir : on pourra commencer la discussion sur ce budget mardi ; mais lundi il faudrait s’occuper du budget des dotations et de la dette publique. De cette manière, il n’y aurait pas de temps perdu.
M. Dumortier. - Oui, on peut s’occuper lundi des dotations et de la dette publique.
M. d'Hoffschmidt. - On pourra discuter lundi le budget des dotations ; j’en tiens le rapport imprimé à la main...
M. Jadot. - Il n’est pas distribué.
M. d'Hoffschmidt. - Il le sera ce soir.
M. Milcamps. - Le rapport sur le budget de l’intérieur a été mis à l’impression il y a quelques jours. Malgré toute la diligence que l’on a mise à cette impression, quelques tableaux formant annexe au rapport ne sont pas encore imprimés. Cependant on pourrait commencer la discussion sur le budget de l’intérieur mardi, parce que les annexes au rapport ne tarderont pas à être distribuées.
M. de Behr. - Ma proposition n’a rien de contraire à l’ouverture de la discussion du budget de l’intérieur mardi ; je demande seulement que l’on intervertisse l’ordre de la délibération entre la loi communale et le rapport sur la banque ; mais je ne m’oppose pas à ce qu’on discute les budgets avant la loi communale.
M. Gendebien. - Laissons cette question et occupons-nous du budget des affaires étrangères.
M. Rogier. - Il paraît, d’après ce que vient de dire l’honorable rapporteur de la section centrale qui a examine le budget de l’intérieur, que son travail ne sera pas imprimé complètement lundi ; c’est-à-dire que les documents à l’appui du rapport ne seront pas distribués. Ces documents fussent-ils imprimés, on ne pourrait en prendre qu’une connaissance imparfaite ; ainsi, je ne vois pas qu’il faille mettre à l’ordre du jour de mardi le budget de l’intérieur. Quant au rapport sur le budget des finances, je ne sais pas s’il est déposé sur le bureau.
M. le président. - On n’a pas parlé du budget des finances, mais du budget des dotations.
M. Rogier. - Je pense bien qu’on pourra voter le budget des dotations lundi.
M. Dumortier. - Il y a encore la dette publique et la question relative à la réduction possible de la rente.
M. Rogier. - Ah ! si on agite cette question, je comprends que cela pourra durer plus d’une séance.
Je voudrais que l’on s’en tînt à l’ordre du jour fixé depuis longtemps ; c’est-à-dire, à la banque et à la loi communale, ou si l’on veut, à la loi communale et à la banque ; car le pays a encore plus besoin d’être organisé dans la commune et dans la province, qu’il n’a besoin des bénéfices qu’il peut retirer de la transaction avec la banque. Il ne me semble pas possible que nous commencions la discussion du budget de l’intérieur mardi, et que nous puissions faire succéder le budget les finances au budget de l’intérieur : il y aura une lacune ; remplissons-la par la loi communale. Il est important d’avoir les budgets promptement ; cependant, les autres années, nous ne les avons eus qu’au mois de mars...
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est un mal !
M. Rogier. - C’est un mal ? Mais c’est un mal plus grand que de n’avoir pas de loi communale. Nous arriverons avant la fin de février sans avoir cette loi communale, et il sera impossible de procéder aux élections pour organiser la province et la commune.
Nous sommes d’accord sur l’importance et l’urgence des lois communale et provinciale. Le public doit considérer comme une dérision ces remises d’année en année, de mois en mois. Si nous ne mettons pas lundi en discussion la loi communale, nous serons privés de cette loi recommandée par la constitution. J’insiste pour que l’on suive l’ordre des délibérations qui a été arrêté, en mettant, si l’on veut, la loi communale avant la banque.
M. Dumortier. - Si l’on se bornait à demander que la loi communale précédera la banque, je donnerais mon assentiment à la proposition : mais l’honorable préopinant vient de demander qu’on ne discute les budgets de l’intérieur et des finances qu’après la loi communale, et je ne puis donner mon assentiment à cette autre proposition. Dans le ministère des finances il y a des employés qui ne reçoivent que de faibles traitements mensuels ; il y aurait inhumanité à les priver de ces traitements.
M. Rogier. - On peut subvenir à ce besoin par un crédit provisoire.
M. Dumortier. - Je ne pense pas qu’une différence de quelques jours puisse faire grand tort à la loi communale, loi qui, avec la banque, demandera deux mois de discussion… J’entends des personnes qui disent oui.
M. Rogier. - Il en est aussi qui disent non.
M. Dumortier. - Nous avons à terminer les budgets des affaires étrangères et de la marine. Lundi nous aurons le second vote sur trois budgets, celui de la justice achevé hier, et ceux des affaires étrangères et de la marine ; vous aurez encore à examiner la dette publique, les dotations et le budget de la chambre.
Il est clair que mardi nous pourrons commencer le budget de l’intérieur ; pendant qu’on le discutera, le rapport sur le budget des finances sera préparé. Ces budgets de l’intérieur et des finances terminés, que l’on s’occupe de la loi communale, rien de mieux, quoique pour mon compte, j’eusse désiré que l’on commençât par la banque.
Cependant je ne pourrais consentir à remettre les budgets après la discussion de la loi communale et du rapport sur la banque ; car ce serait nous engager sans fin dans la voie des crédits provisoires, ce que nous devons éviter.
Les budgets des dotations, de la dette et de la chambre seront votés dans le courant de la semaine prochaine, et alors nous pourrons commencer la loi communale.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’adopte l’ordre proposé par l’honorable préopinant. Ce qui doit dominer dans nos travaux, c’est la discussion des budgets. Dans le département des finances, il y a un très grand nombre de traitements mensuels peu élevés et qu’il faut payer. A part cette considération, le vote des budgets est ce qu’il y a de plus urgent. Lundi, on passera au second vote des budgets de la justice, des affaires étrangères et de la marine ; on peut encore mettre à l’ordre du jour de lundi les budgets de la dette publique, des dotations, et celui de la chambre, s’il est préparé ; et mardi, on commencerait la discussion du budget de l’intérieur, dont le rapport est à peu près imprimé : viendrait ensuite le budget des finances ; le rapporteur est nommé, et il comprendra la nécessite de hâter son travail.
M. Jadot. - Il est nommé d’aujourd’hui !
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Après les budgets de l’intérieur et des finances viendrait la loi communale, ainsi que le propose M. Dumortier. La question relative à la banque suivrait la loi communale ; car c’est une question importante, et il est utile de déterminer invariablement son ordre de délibération.
M. de Behr. - On a soulevé une question tout à fait étrangère à celle que j’ai eu l’honneur de faire. Je demande seulement que l’on change l’ordre de délibération auparavant admis entre la loi communale et la banque, et que l’on ne préjuge rien relativement aux budgets. Si les rapports sur les budgets sont préparés, on les discutera ; s’ils ne sont pas préparés on pourra commencer la discussion sur la loi communale, sauf à l’interrompre si les budgets viennent… (Oui !) Je le répète, je demande que la loi communale précède le rapport sur la banque.
M. Gendebien. - Il y un projet plus urgent que beaucoup de ceux qu’on vient de désigner, c’est celui qui est relatif à l’augmentation du personnel de la cour d’appel de Bruxelles ; ce projet ne nous occupera pas longtemps, un quart d’heure au plus : je demande qu’on le mette à l’ordre du jour de lundi prochain.
Ainsi que plusieurs des préopinants, je regrette que le pays ne soit pas doté des lois communale et provinciale, et surtout de la dernière. Mais à qui la faute ? Ce n’est pas à cette chambre.
Il y a deux ans que les représentants ont voté la loi provinciale ; elle est arrêtée au sénat. On veut priver le pays de la loi provinciale jusqu’à ce qu’on puisse lui opposer la loi communale dans laquelle les libertés municipales seront très restreintes.
On veut s’arranger de façon qu’il n’y ait pas non plus de libertés provinciales, quoiqu’elles soient assurées par la constitution. Voici ce qui arrivera : on tâchera une seconde fois de morceler la loi communale au profit du pouvoir exécutif, on arrachera pied ou aile des franchises communales, et on livrera ce lambeau au sénat.
Puis le sénat, coordonnant le tout dans l’intérêt du pouvoir et de ses agents, nous renverra la loi provinciale amendée. Dans 3 ans peut-être vous n’aurez pas de loi organisant les provinces ; ce qui donnera le temps de façonner les administrations communales du pays avant de lancer cette loi provinciale.
M. de Behr. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Gendebien. - il n’y a pas lieu à demander un rappel au règlement : citez l’article sur lequel vous appuyez cette demande.
M. de Behr. - Quand tout à l’heure j’ai voulu développer les motifs de ma proposition, on m’a arrêté ; et maintenant voilà l’orateur qui entre dans de grands développements relativement à sa proposition.
M. Gendebien. - M. de Behr, vous m’interrompez ; je vous somme de citer en vertu de quel article !
M. de Behr. - C’est en vertu de l’article du règlement qui dit que les auteurs des propositions sont entendus dans les développements qu’ils ont à leur donner.
M. Gendebien. - Mais, vous avez parlé deux fois.
M. de Behr. - A chaque fois je n’ai fait qu’énoncer le but de ma proposition.
M. Gendebien. - Voulez-vous me laisser parler, M. de Behr ?
M. le président. - M. de Behr a la parole pour un rappel au règlement.
M. de Behr. - Je cède la parole à M. Gendebien qui a fait une motion d’ordre sur ma notion.
M. Gendebien. - Il ne s’agit plus de ma motion d’ordre, puisque l’on discute. Je voulais empêcher la chambre de perdre un temps précieux ; mais ma demande est sans but maintenant puisque MM. Rogier et de Behr sont entrés dans la discussion que je désirais que l’on évitât. Que M. de Behr développe...
M. de Behr. - On m’accuse de faire perdre du temps à la chambre ; c’est à tort que l’on me fait ce reproche. (Aux voix ! aux voix ! la clôture !)
M. le président. - Il s’agit de savoir si la loi communale sera examinée avant le rapport sur la banque.
M. Gendebien. - Je le répète, il n’est plus question de ma motion d’ordre : que M. de Behr développe sa proposition. (Aux voix ! aux voix ! la clôture !)
M. de Behr. - Si la chambre ne juge pas nécessaire d’entendre les développements de ma motion, je n’insisterai pas.
M. Milcamps. - La proposition est simple ; il n’est pas difficile de la comprendre.
M. Gendebien. - Je trouve cela fort irrégulier ; je trouve très inconvenant que M. de Behr m’interrompe à prétexte de développer sa proposition, et qu’il ne la développe pas.
M. le président. - Voulez-vous la parole, M. Gendebien ?
M. Gendebien. - Je n’y tiens pas : mais je ne puis m’empêcher de remarquer qu’il est fort inconvenant de m’interrompre à prétexte de développer une proposition qu’en effet on ne développe pas.
M. le président. - Il s’agit de savoir si la loi communale aura la priorité sur la banque.
M. Dubus. - Il s’agit aussi de régler l’ordre du jour de lundi ; il me semble que ces deux propositions sont connexes.
M. le président. - Non, nous nous occuperons d’abord de la question de priorité ; nous nous occuperons ensuite de l’ordre du jour de lundi.
M. Dubus. - Moi, je vois différemment.
M. de Behr. - Je n’ai pas voulu faire de proposition pour régler l’ordre du jour de lundi ; j’ai présumé que d’ici là il y aurait des rapports préparés et imprimés sur lesquels la discussion pourrait s’ouvrir. Tout ce que j’ai voulu, c’est que la loi communale précédât la banque, et c’est pour parer à un inconvénient qu’on a signalé que j’ai fait ma proposition.
(Moniteur belge n°32, du 1er février 1836) M. le président. - Quand la chambre aura statué sur la question de priorité entre la loi communale et la banque, elle s’occupera du reste, c’est-à-dire qu’elle déterminera quelle matière il faut mettre à l’ordre du jour de lundi et de mardi.
M. Dumortier. - Mais, en procédant ainsi, cela mettrait dans l’embarras. Je veux bien la loi communale avant la banque, mais je veux des budgets avant la loi communale. D’après la proposition de l’honorable membre, on pourrait nous dire : Il n’y a pas de rapport déposé sur le bureau, et nous allons discuter la loi communale. On suspendrait, dit-on, la délibération sur la loi communale, quand on présenterait un rapport sur les budgets ; mais ce serait un abus que de scinder ainsi cette loi dont la discussion prendra plusieurs semaines. Elle nous a pris trois mois la première fois.
Mais enfin je veux supposer qu’elle ne prenne que 15 jours ou 3 semaines, faudra-t-il postposer les budgets après tout ? Je demande d’abord la discussion des budgets et ensuite la discussion de la loi communale. Cette proposition est, je crois, juste et rationnelle.
M. de Behr. - Quand j’ai demandé de changer l’ordre du jour, j’ai entendu que si les budgets n’étaient pas prêts, la chambre pendant ses loisirs aborderait la discussion de la loi communale au lieu d’aborder la discussion du rapport de la banque. Mais si les budgets sont préparés, on s’occupera des budgets en premier lieu.
Je viens d’entendre dire que la discussion de la loi communale durerait 3 semaines ou un mois. Mais il y a deux lois communales, et je suis certain que l’une de ces lois, dont la plupart des questions ont été déjà décidées dans la chambre à une grande majorité, ne durera que pendant une semaine. Ainsi les budgets ne seront retardés que d’une semaine.
M. Dubus. - Je crois que le but de tout ceci est seulement d’étrangler la discussion de la loi communale en la présentant comme très urgente, et en faisant sentir aussi la nécessité d’arriver promptement au vote des budgets. C’est pour étrangler cette discussion qu’on vient vous dire qu’il ne reste que peu de questions à résoudre dans la loi communale. Pour moi je ne suis pas de cette opinion.
On vous a dit : Il s’agit de fixer l’ordre du jour de lundi et de mardi. Mais il y a autre chose à discuter que la loi communale et la banque, puisqu’il y a les budgets. En faisant sa proposition, l’honorable membre qui l’a développée a dit que si les budgets n’étaient pas préparés, on discuterait la loi communale. Mais deux budgets sont préparés. Ceci est du positif. Pourquoi admettriez-vous une hypothèse contraire ? Avant de prendre une résolution sur une hypothèse, prenez-en une sur ce qui est positif. Dites : Puisque tels budgets sont prêts, nous discuterons tels et tels budgets. Voilà ce qui est le plus raisonnable de faire.
On dit : Les rapports ne sont pas distribués. Est-il donc vrai que vous n’ayez jamais fixé l’époque des discussions que quand des rapports ont été distribués ? Au contraire, on s’informe de l’époque à laquelle la distribution pourra avoir lieu, et on fixe en conséquence le jour de la discussion. Eh bien, le rapport sur le budget des dotations et de la dette publique sera distribué aujourd’hui ; vous pouvez donc en fixer la discussion à lundi. Le rapport sur le budget du l’intérieur sera distribué dès demain ; la distribution de quelques pièces annexées à ce rapport pourra être retardée d’un jour ou deux, mais évidemment on peut toujours commencer mardi la discussion du budget de l’intérieur.
On a dit : On pourrait, si les budgets n’étaient pas prêts, commencer la discussion de la loi communale et l’interrompre quand les budgets seraient prêts.
Je comprendrais cela s’il devait s’écouler un long délai avant que les budgets fussent prêts. Ainsi pour le budget des finances, le rapporteur n’a été nommé qu’aujourd’hui. Il est possible que nous ayons terminé le vote des budgets des dotations et de l’intérieur, avant que le rapport sur le budget des finances ait été déposé. Qu’on dise : Si après le vote du budget de l’intérieur le rapport du budget des finances n’est pas déposé, on s’emparera de la loi communale ; je conçois cela, et j’y consens, pour ma part. Mais alors que le rapport sur le budget de l’intérieur est déposé, et doit être distribué demain, je ne crois pas qu’il convienne de commencer la discussion de la loi communale, puis l’interrompre au bout de deux jours pour prendre le budget de l’intérieur.
Voici donc comment je pense qu’il conviendrait de fixer l’ordre du jour : On mettrait à l’ordre du jour de lundi le second vote des budgets dont nous nous sommes occupés cette semaine, le budget de la dette publique et des dotations. S’il restait du temps lundi, on pourrait s’occuper du projet de loi relatif à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles, que l’on présente comme si urgent. Si même l’on ne croyait pas que ce fût assez pour remplir la séance de lundi, on pourrait employer la fin de la séance, s’il restait du temps, à achever le rapport des pétitions commencé il y a neuf jours, et qui est le seul qui ait été fait depuis l’ouverture de la session.
Je ferai remarquer, à cette occasion, qu’il y a des pétitions spéciales sur la loi communale, encore faudrait-il faire un rapport sur ces pétitions.
Je propose donc que l’ordre du jour soit établi de la manière que je viens d’indiquer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Quelque désir que j’aie de voir moins d’affaires judiciaires en retard devant la cour de Bruxelles, je dois m’opposer à la motion de l’honorable député de Mons. Car vous savez que plus d’un projet qui ne devait pas donner lieu à discussion a donné lieu à de longues discussions.
La loi communale est évidemment d’un intérêt plus général, puisqu’elle concerne le royaume tout entier, qu’une loi qui ne concerne qu’une partie du royaume.
Je demande donc qu’on mette à l’ordre du jour la loi communale avant tout autre projet de loi, les budgets exceptés, si les rapports sont faits.
M. Raikem. - Je présenterai à la chambre une observation sur la motion d’ordre qui lui est soumise en ce moment.
Depuis longtemps, vous avez à l’ordre du jour, en premier lieu, le rapport sur la banque, en deuxième lieu, la loi communale. On demande que l’on intervertisse cet ordre, que l’on discute la loi communale avant le rapport sur la banque. Mais il ne peut s’agir de mettre la loi communale à l’ordre du jour, puisqu’elle y est.
On a dit : Les budgets sont urgents, et chacun en est convaincu. Ainsi le budget de la dette publique et des dotations, dont le rapport sera distribué aujourd’hui, rien ne s’oppose à ce qu’il soit mis à l’ordre du jour de lundi, et à ce qu’on lui accorde la priorité sur le rapport sur la banque et sur la loi communale.
De même si le rapport sur le budget de l’intérieur peut être distribué demain, rien ne s’oppose à ce qu’on lui accorde également la priorité sur les deux objets que je viens de mentionner, la loi communale et le rapport sur la banque.
D’après cela, on mettrait à l’ordre du jour le second vote du budget de la justice, le second vote, s’il y a lieu du budget des affaires étrangères et de la marine, et le budget de la dette publique et des dotations.
Si le rapport sur le budget de l’intérieur était distribué, on pourrait discuter ce budget immédiatement après celui de la dette publique et des dotations.
Quant au budget des finances, on ne peut prévoir d’une manière précise quand le rapport sera imprimé et distribué. S’il peut être distribué immédiatement après la discussion du budget de l’intérieur, rien ne s’oppose à ce que le budget des finances ait aussi la priorité. Mais il peut arriver que le rapport sur le budget des finances ne puisse être imprimé et distribué immédiatement après la discussion des budgets dont j’ai fait mention, alors vous sentez qu’il est de toute nécessité que la chambre s’occupe de la loi communale. Cette loi est un besoin pour le pays ainsi qu’on l’a fait remarquer. Si donc il n’est pas possible de discuter le budget des finances, immédiatement après la loi communale, alors, en vertu de décisions solennelles, la loi communale devra être discutée.
Veuillez remarquer que quant à la loi communale, il y a une distinction à faire : il y a un projet de loi pour l’organisation communale et un projet de loi sur les attributions communales. Eh bien, dans ce projet d’organisation, il n’y a que deux ou trois questions qui donneront lieu à une discussion approfondie. Il y a une foule d’autres dispositions qui ne souffriront pas la moindre difficulté, après les divers votes auxquels elles ont été soumises. En ce cas, la discussion de la première partie de la loi communale pourrait avoir lieu avant le budget des finances, et immédiatement après le vote du budget des finances, on discuterait la partie relative aux attributions communales.
Il me semble que ce moyen satisferait en même temps et aux besoins de l’administration quant aux budgets et aux besoins urgents du pays qui réclame la loi communale.
M. Gendebien. - Avant de commencer, je demanderai à M. de Behr s’il est dans l’intention de m’interrompre. Je ne le pense pas, puisqu’il vient de laisser parler plusieurs orateurs avant de développer sa proposition. Il me reste à le remercier de la différence qu’il veut bien faire entre moi et d’autres membres de l’assemblée.
Je n’ai qu’un mot à dire, c’est au sujet de l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles. Tout le monde est convaincu qu’il est urgent, qu’il est nécessaire de compléter le personnel de cette cour ; ce serait se rendre complice d’un véritable déni de justice que de retarder cette discussion.
M. le ministre de l’intérieur dit qu’il y a beaucoup de projets dont la discussion devait être très courte et qui ont tenu très longtemps la chambre. Mais je ne puis mieux faire que de m’en référer à M. le ministre de la justice ; il vous donnera l’assurance que cette discussion ne peut être longue ; je crois que nous en sommes tous convaincus. Remarquez que ce n’est pas ici l’opinion isolée d’un député ; le procureur général près la cour de Bruxelles a démontré à toute évidence, dans le discours qu’il a prononcé à l’ouverture de l’année judiciaire, l’impossibilité de rendre la justice à Bruxelles, aussi longtemps que le personnel actuel ne serait pas augmenté.
Maintenant que l’on règle l’ordre dans lequel seront discutés le rapport sur la banque et la loi communale, je ne m’y oppose pas. Je conviens que, sous un certain point de vue, la loi communale devrait avoir la priorité. Mais je ne vois pas la possibilité de commencer aujourd’hui la discussion de la loi communale, après le vote du budget des affaires étrangères et de la marine qui nous occupera tout au plus une heure et demie.
J’achèverai maintenant ce que je voulais dire lorsque M. de Behr m’a fait l’honneur de m’interrompre. Je voulais vous dire qu’il faudrait, dans l’intérêt du pays, ajourner indéfiniment la loi communale, jusqu’à ce que le sénat ait voté la loi provinciale. Il est de la dignité de la chambre de ne s’occuper de la loi communale que quand le sénat aura voté la loi provinciale.
Je le déclare hautement et franchement, parce que je suis convaincu qu’une fois la loi communale votée, il vous sera impossible d’obtenir du sénat la loi provinciale ; sous ce rapport, je désirerais que la chambre ajournât indéfiniment la discussion de la loi communale.
Mais je demande que, quoi qu’il arrive, on discute en premier lieu le projet de loi relatif à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles. Je demande en outre que l’on achève le bulletin des pétitions dont nous sommes saisis ; depuis l’ouverture de la session, nous ne nous sommes occupés qu’une fois de pétitions ; c’est ainsi que nous rendons nul ce droit, l’un des plus précieux que la constitution ait garantis.
Je demande donc que le rapport des pétitions soit également mis à l’ordre du jour avant le budget de l’intérieur, et surtout avant la loi communale ; car, comme l’a fait remarquer l’honorable M. Dubus, il y a plusieurs pétitions relatives à la loi communale ; vous devez donc entendre le rapport sur ces pétitions avant de vous occuper de cette loi.
Au total, voilà bien du temps perdu. On aurait bien pu s’abstenir d’intervertir l’ordre du jour ; on ne nous aurait pas fait perdre une heure et demie qui aurait suffi pour discuter les budgets des affaires étrangères et de la marine.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je dois protester contre les inquiétudes manifestées par l’honorable préopinant ; car elles ne reposent sur aucun fondement. Si on les admettait, on pourrait aussi avoir l’inquiétude de ne jamais obtenir de cette chambre la loi communale. Je crois donc qu’il est bon de s’abstenir de suppositions de cette nature.
L’honorable préopinant persiste à penser que le projet de loi relatif à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles ne donnera lieu à aucune discussion. Mais combien de projets proposés par le gouvernement, adoptés par les sections et par la section centrale et qui ont soulevé dans la chambre de longues discussions ! Cette expérience doit nous décider à ne mettre à l’ordre du jour avant la loi communale que les budgets dont les rapports seront terminés.
M. le président. - M. Dubus vient de déposer sur le bureau la proposition suivante :
« Je demande que la chambre mette à l’ordre du jour de lundi :
« 1° Le second vote des budgets déjà votés ;
« 2° Le budget des dotations et de la dette publique ;
« 3° Et pour le cas seulement où la discussion de ces budgets ne prendrait pas toute la séance de lundi, le projet de loi relatif à l’augmentation du personnel de la cour d’appel de Bruxelles, et ensuite le rapport de la commission des pétitions.
« Je demande que l’on mette à l’ordre du jour de mardi la discussion du budget de l’intérieur, ensuite le budget des finances et à son défaut la loi communale, si le rapport sur le budget des finances n’est pas prêt immédiatement après que le budget de l’intérieur sera terminé. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande la priorité pour la proposition de M. de Behr. Ensuite je demande la division de la proposition de M. Dubus, parce que, décidé à voter pour plusieurs points de sa proposition, il y en a d’autres contre lesquels je suis décidé à voter.
M. de Behr. - M. Dubus vous propose de mettre à l’ordre du jour le projet de loi relatif à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles. La discussion de ce projet peut traîner en longueur. D’abord il y a dans ce projet une disposition relative aux traitements, non pas spéciale à la cour de Bruxelles, mais spéciale aux substituts des cours d’appel.
Il y a un rapport fait sur la classification des tribunaux de Hasselt et de Verviers. Il y a connexité entre ces projets ; il faudra donc également les mettre à l’ordre du jour. Alors je ne sais pas quand viendra la discussion de la loi communale.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Bosquet. - Si la chambre n’entend pas prononcer maintenant sur la proposition de M. Gendebien… (Non ! non !) je ne m’opposerai pas à la clôture. Mais j’ai eu l’honneur de faire dans une précédente séance une proposition semblable à celle de l’honorable M. Gendebien ; je me réserve donc de l’appuyer.
M. Liedts, questeur. - Je ne m’oppose pas à ce que mette aux voix la proposition de l’honorable M. de Behr. Mais je ferai remarquer que dans les propositions sur l’ordre du jour, on a oublié le budget de la chambre. Le rapport sur ce budget sera distribué aujourd’hui, on pourrait en fixer la discussion après celle du budget des dotations dont il doit faire partie. Immédiatement après on discuterait le budget de l’intérieur. (Adhésion.)
- La clôture est prononcée.
La proposition de M. Behr tendant à ce que la discussion du projet de loi communale ait lieu avant la discussion du rapport concernant la banque est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - M. Dumortier persiste-t-il dans sa proposition ?
M. Dumortier. - Je pense que ma proposition est la plus simple, parce qu’elle renferme tous les budgets, même le budget des finances. Elle tend à décider que l’on s’occupera de la loi communale immédiatement après tous les budgets. Je crois qu’elle satisfait à tous les besoins.
M. le président. - La proposition de M. Dumortier est ainsi conçue : « Je demande que la loi communale soit mise à l’ordre du jour après les budgets. »
M. Dubus. - J’ai déjà expliqué le motif pour lequel j’avais modifié sur un point la proposition de mon honorable ami ; c’est que le rapporteur du budget des finances n’a été nommé qu’aujourd’hui. Il est possible que son travail ne soit pas prêt quand nous aurons terminé le budget de l’intérieur. Si cela était, on pourrait alors commencer la discussion de la loi communale, sauf à l’interrompre pour discuter le budget des finances, quand le rapport serait prêt.
M. Jadot. - Je crois que vous pouvez adopter la proposition de M. Dumortier. Quoique j’aie peu de temps, je ferai en sorte que le rapport sur le budget des finances soit prêt quand on aura terminé le vote du budget de l’intérieur.
M. Devaux. - Mais il n’y a aucune décision à prendre maintenant ; car tout dépend absolument de la question de savoir si le rapport sur le budget des finances sera prêt quand la discussion du budget de l’intérieur sera terminée. Il est inutile de prendre une décision sur laquelle vous serez obligés de revenir si la distribution du rapport tarde plus que vous ne l’aurez supposé. Quand vous aurez voté le budget de l’intérieur vous déciderez ce qui devra être discuté.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Après avoir consacré tant de temps à discuter la question de priorité, il vaut mieux la trancher maintenant que la discuter de nouveau après le vote du budget de l’intérieur.
J’ajouterai, en ce qui concerne le budget de la chambre, que son ordre naturel est après le budget des dotations, de telle sorte que si le rapport est fait, il pourra être discuté après le budget des dotations.
M. de Behr. - On ne peut mettre à l’ordre du jour que les budgets dont les rapports sont prêts. Alors naturellement si ces rapports ne sont pas prêts, il faudra suivre l’ordre du jour et aborder la loi communale.
M. Dumortier. - L’assemblée sentira l’inconvénient qu’il y aurait à mettre ainsi la loi communale à l’ordre du jour, de telle sorte qu’il faudrait consacrer à la discussion un seul jour entre le budget de l’intérieur et des finances, s’il y avait un jour entre le vote de ces deux budgets ; et il y aura nécessairement un jour d’intervalle, puisqu’il faut cet intervalle entre le premier et le deuxième vote. Convient-il, je le demande, de mettre la loi communale à l’ordre du jour pour un seul jour ? Ce serait un moyen bien plus simple de discuter tous les budgets et ensuite de mettre franchement la loi communale à l’ordre du jour.
M. Rogier. - Je suis d’accord avec l’honorable M. Dumortier ; je crois que sa proposition est plus franche que celle de l’honorable M. Dubus. (Réclamations.) Oui, qu’elle est plus claire, plus nette. Je crois que celle de l’honorable M. Gendebien est plus nette encore que les autres ; car il veut que la discussion de la loi communale soit reculée indéfiniment ; il ne veut pas que cette loi soit discutée ; il l’a dit très nettement. Eh bien, je crois que le désir de M. Gendebien serait parfaitement rempli par la proposition de M. Dumortier, ou par celle de M. Dubus. Je crois que son but serait atteint, et que si nous ne discutons pas la loi communale cette semaine, comme les budgets de l’intérieur et des finances nous mèneront très loin, l’on ne pourra pas obtenir la loi communale pour cette année. (Réclamations.)
Nous arriverons à la fin de février ; nous serons arriérés d’un mois ; lorsqu’on aura voté quelques projets urgents viendra l’époque des élections, et l’on n’aura cette année ni la loi communale ni la loi provinciale. Ainsi, le but de M. Gendebien sera rempli.
D’un autre côté, il est évident que la loi communale ne peut se placer entre le vote des budgets de l’intérieur et des finances ; car si dès à présent l’on vient dire que la discussion serait étranglée entre le budget des affaires étrangères et les autres budgets, à plus forte raison le dira-t-on si elle est placée entre les budgets de l’intérieur et des finances ; car, remarquez-le, huit jours s’écouleront peut-être avant que le rapport sur le budget des finances soit imprimé et distribué.
Ainsi quand vous aurez terminé le budget de l’intérieur, vous n’aurez que 2 ou 3 jours à consacrer à la discussion de la loi communale. Je pense avec l’honorable M. Dumortier que ce n’est pas la peine pour 2 ou 3 jours de commencer cette discussion, une discussion qui, selon lui, doit durer 2 ou 3 mois. Puisque l’on veut s’exprimer franchement, je dois dire que je ne crois nullement que cette loi soit longuement discutée. Non pas qu’elle ne mérite bien les honneurs d’une longue discussion ; mais c’est qu’elle a eu les honneurs de cette discussion. Elle a été discutée sous tous les points de vue. Je suis persuadé qu’il suffira maintenant de 8 jours de discussion.
C’est dans la conviction que je défends l’intérêt du pays, que je cherche à hâter l’ouverture de la discussion ; j’y suis, quant à moi, désintéressé ; car mon intérêt serait que la question de la banque eût la priorité. Je pense que si lundi on commençait la discussion de la loi communale, dans 8 jours nous aurions donne au pays la loi qu’il attend avec le plus d’impatience ; nous aurions rempli le premier de nos devoirs.
On s’est apitoyé exceptionnellement sur le sort des employés qui ne toucheraient pas leurs traitements à la fin de janvier, ni au commencement de février. Mais il y a un moyen de satisfaire la sympathie qu’on éprouve pour ces employés, c’est d’accorder un crédit provisoire.
Au reste, il existe un autre moyen que vous ne connaissez peut-être pas, mais qui a déjà été employé, c’est de payer par mandats spéciaux sur la banque. C’est ainsi que les années précédentes, les employés ont touché leurs traitements en janvier et février.
Ces considérations sont au reste bien peu de chose en présence de la nécessité de la loi communale qui intéresse tout le pays et qui est attendue depuis 6 ans. J’avais fait une proposition pour que cette loi eût la priorité. Le peu d’accueil qu’elle avait eu m’avait engagé à la retirer ; mais, cependant, pour l’acquit de ma conscience, le vais la reproduire.
M. Dubus. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Je ne veux pas donner d’explications à la chambre sur ce que ma proposition manquerait de franchise, au dire du préopinant. Il dit que les autres propositions sont franches ; je crois que la mienne l’est également.
Je ferai remarquer à propos de franchise que tout à l’heure ceux qui soutenaient la proposition de M. de Behr et cet honorable membre lui-même entendaient, bien que l’on discuterait avant la loi communale les rapports dont les budgets seraient prêts, et maintenant qu’ils ont obtenu la priorité pour la loi communale sur la question de la banque, il faut absolument postposer le budget de l’intérieur après la loi communale, sans cela nous sommes exposés à ne pas avoir la loi communale cette année.
Il est cependant évident que, si vous mettez la discussion dans cet ordre : la loi communale, le budget de l’intérieur, celui des finances ou bien dans celui-ci : le budget de l’intérieur, celui des finances et la loi communale ; dans l’un et dans l’autre système, vous n’aurez toujours que trois lois. Elles ne prendront pas plus de temps d’une manière que de l’autre ; dans l’un et dans l’autre système, elles seront votées cette année.
M. Gendebien. - Je dois nécessairement relever quelques expressions d’un préopinant.
Le député de Turnhout dit que j’ai été le plus franc de tous les préopinants, parce que j’ai déclaré nettement que je ne veux pas la loi communale. Mon vœu sera, dit-il, accompli si la chambre adopte la proposition de M. Dumortier, parce qu’il est certain que dans ces cas l’on n’est pas près de voter la loi communale. Mais le député de Turnhout, contre son intention sans doute, a complètement dénaturé mes paroles ou leur sens. J’ai dit au contraire que le seul moyen d’obtenir du sénat la loi provinciale, c’était, je l’ai dit franchement, et je le répète avec la même franchise, de prendre le parti de ne discutée la loi communale que quand le sénat aura voté la loi provinciale.
Si vous ne faites pas cela, le pouvoir imposera au pays une loi communale, lui arrachant ainsi les libertés qui lui ont été données par l’arrêté du gouvernement provisoire, et vous attendrez vainement la loi provinciale, que le gouvernement retardera avec autant de persévérance qu’il met d’empressement à vous arracher une mauvaise loi communale. Ce n’est pas là une supposition, quoi qu’en dise le ministre de l’intérieur. Il prétend que l’on pourrait, avec autant de raison, supposer que nous ne voulons pas donner au pays la loi communale. Mais il y a une immense différence ; nous avons pu, par une expérience de 2 ans et demi, juger des intentions du sénat. Depuis deux ans et demi, nous avons voté la loi provinciale, et le sénat a déclaré qu’il ne s’en occuperait que quand nous aurions voté la loi communale.
C’est la loi communale seule que veut le gouvernement, tandis que je veux les lois communale et provinciale.
Lorsque la loi communale sera votée, elle sera mise immédiatement à exécution, puis on introduira des amendements dans la loi provinciale et on vous forcera à les adopter ; on vous dira alors comme aujourd’hui, qu’il faut donner au pays une loi provinciale.
C’est là le sens dans lequel j’ai exprimé le vœu que l’on ne s’occupe pas immédiatement de la loi communale.
Sans la loi provinciale nous n’avons plus d’administration provinciale, nous n’avons plus que des gouverneurs. La loi d’organisation judiciaire ne peut plus s’exécuter conformément à la constitution ; tandis que, par l’absence de la loi communale, rien n’est désorganisé dans le pays. Mais le gouvernement veut imposer une loi communale au pays pour ravir à la commune la liberté illimitée dont elle jouit et dont il ne veut pas. On dit que le pays attend impatiemment les lois communale et provinciale. Oui, le pays attend avec impatience la loi provinciale que le sénat s’obstine à lui refuser. Mais c’est insulter au bon sens du pays que de supposer qu’il attend avec la même impatience la loi communale, loi qui doit restreindre les libertés dont il jouit aujourd’hui.
Il était de mon devoir de m’élever contre l’interprétation qui avait été faite de mes paroles, et de déclarer que ce que je veux ce sont les lois communale et provinciale, et par-dessus tout, la loi provinciale que nous avons votée depuis deux ans et demi et que le pays a le droit d’exiger de la législature.
M. Raikem. - Il s’agit plutôt ici d’une question de priorité que d’une question d’ordre du jour. La loi communale est à l’ordre du jour depuis longtemps. Il ne s’agit donc pas de la mettre à l’ordre du jour. Mais au fur et à mesure que les budgets pourront être discutés, la chambre pourra leur accorder la priorité sur la loi communale, qui n’en restera pas moins à l’ordre du jour.
Mais si j’ai bien compris la proposition de l’honorable M. Dubus (il est possible que je me sois trompé dans la lecture rapide qui en a été faite), la loi communale ne serait pas à l’ordre du jour de lundi ni de mardi ; elle ne serait ensuite à l’ordre du jour que dans une possibilité éventuelle. Or, c’est ce qui ne peut être admis. Nous ne pouvons retirer de l’ordre du jour la loi communale, car vous savez que le congrès a statué l’article 139 de la constitution dans un même numéro sur l’organisation provinciale et sur l’organisation communale. Nous sommes donc obligés de régler ces deux organisations.
- Un grand nombre de membres. - La clôture !
M. Dubus. - Je demande la parole contre la clôture et pour expliquer le sens de ma proposition ; car je dois croire, d’après l’observation de l’honorable préopinant, qu’elle n’a pas bien été comprise. Il a présenté comme essentielle la mise à l’ordre du jour de la loi communale ; je la regarde, moi, comme tout à fait indifférente. Dès que vous mettez à l’ordre du jour de lundi le deuxième vote du budget de la justice, le budget des dotations et celui de l’intérieur, il est fort indifférent que sur le bulletin qui nous est distribué figure ensuite la loi communale, puisqu’il est impossible que vous épuisiez l’ordre du jour pour aborder la loi communale. C’est dans ce sens que je n’ai pas mis, dans ma proposition, la loi communale à l’ordre du jour des séances de lundi et mardi.
- La clôture est prononcée.
La proposition de M. Dumortier, tendant à ce que le projet de loi communale soit mis à l’ordre du jour après les budgets, n’est pas adoptée.
La proposition de M. Dubus sur laquelle la division a été demandée est mise aux voix paragraphe par paragraphe ;
« Je demande que la chambre mette à l’ordre du jour de lundi :
« 1° Le second vote des budgets déjà votés. »
- Adopté.
« 2° Le budget des dotations et de la dette publique. »
- Adopté.
M. le président. - Le paragraphe 3 est ainsi conçu :
« Et pour le cas seulement où la discussion de ces budgets ne prendrait pas toute la séance de lundi, le projet de loi relatif à l’augmentation du personnel de la cour d’appel de Bruxelles et ensuite le rapport de la commission des pétitions. »
M. Gendebien. - Je demanderai si l’honorable M. Dubus entend ajourner indéfiniment le projet de lot relatif à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles, dons le cas où ce projet ne pourrait pas être discuté lundi.
M. Dubus. - Dans le sens de ma proposition, le budget de l’intérieur aurait la priorité sur ce projet de loi. Je n’ai proposé de le mettre à l’ordre du jour de lundi, ainsi que le rapport des pétitions, que parce que j’entendais dire que les objets mis à l’ordre du jour ne suffiraient pas pour remplir la séance.
M. Gendebien. - Alors si ce projet de loi ne pouvait pas être discuté lundi, je demanderais qu’il le fût immédiatement avant le budget de l’intérieur.
- Le paragraphe 3 de la proposition de M. Dubus est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. Rogier. - Il me semble qu’il faudrait mettre maintenant aux voix ma proposition ; car la première partie de la proposition de M. Dubus n’exclut pas la mienne ; car la discussion de la loi communale pourrait commencer lundi après le vote définitif du budget de la justice et le vote du budget des dotations.
M. Dubus. - Mais ces objets absorberont une séance presque entière. Quel intérêt a donc l’honorable préopinant à faire commencer la discussion de la loi communale à 4 heures, pour que le lendemain on l’interrompe et que l’on passe à la discussion du budget de l’intérieur ? Mais le préopinant veut faire passer la loi communale avant le budget de l’intérieur. Voilà la portée de sa proposition Ainsi, sous le prétexte que tout le temps de la séance de lundi ne serait pas employé, on ferait passer la loi communale avant le budget de l’intérieur.
M. Rogier. - Mais il m’est démontré que l’on ne pourra pas commencer mardi la discussion du budget de l’intérieur. Un membre du bureau m’a dit que le rapport ne pourrait pas être distribué lundi soir. Si je me reporte aux antécédents de M. Dubus, auxquels je me rallie, 12 heures d’intervalle ne peuvent suffire pour qu’on se livre à un examen sérieux du rapport sur le budget de l’intérieur. Il faut au moins 2 ou 3 jours pour examiner ce budget. Irez-vous commencer la discussion de ce budget, dans la séance même où le rapport vous aura été remis ? Ce rapport ne sera prêt que lundi soir.
M. Dumortier. - Le rapporteur a déclaré qu’il serait distribué lundi.
M. Rogier. - Le rapporteur n’est pas l’imprimeur, n’est pas le bureau.
M. le président. - Je prie l’orateur de rentrer dans la question.
M. Rogier. - Je crois être dans la question ; car ces observations tendent à faire déterminer l’ordre dans lequel les projets devront être discutés.
Je demanderai à la chambre encore un moment d’attention, et puisqu’elle a perdu déjà 2 heures à discuter, pour la dernière fois, je l’espère, la mise à l’ordre du jour de la loi communale, je demanderai d’ajouter une ou deux minutes à cette perte de temps. C’est au reste malgré moi ; car mon but est de faire gagner du temps à la chambre, ou au moins de le lui faire employer le plus utilement possible.
Nous voterons des budgets tous les ans et à perpétuité, tandis que nous ne voterons qu’une loi communale dans notre carrière parlementaire. Cette loi est plus importante que tous vos budgets. Elle est attendue depuis 5 ou 6 ans par le pays. Le rapport en est préparé depuis longtemps. Si vous n’en commencez pas la discussion lundi, ceux qui ne veulent pas que cette loi soit discutée soulèveront, avant la fin du vote des budgets, mille incidents pour qu’elle ne le soit pas. Si je ne voulais pas de cette loi, c’est ce que je ferais moi-même ; je le déclare naïvement.
- Un grand nombre de membres. - La clôture !
M. Rogier. - J’insiste pour que ma proposition soit mise aux voix.
M. Dumortier. - Je vous déclare que je vois avec une peine infinie ce qui se passe. Lorsqu’on a commence cette discussion, j’ai dit que j’appuyais franchement et de bon cœur la proposition de mettre la loi communale à l’ordre du jour avant la banque. J’ai appuyé cette proposition franchement et sans détour. La preuve en est que j’ai moi-même proposé de fixer un jour très rapproché pour la discussion de la loi communale. Et maintenant on vient nous proposer d’abuser d’un vote que vous avez émis, on vous propose d’abuser des motifs ouvertement donnés pour obtenir ce vote, afin, de mettre la loi communale à l’ordre du jour de lundi. C’est une tactique indigne de la chambre des représentants.
- Un membre. - Il n’y a pas de tactique.
M. Dumortier. - C’est une véritable tactique qu’on a employée.
L’honorable M. Rogier vous a dit que si son opinion était que la loi communale ne dût pas être mise en discussion, il userait de tactique pour l’ajourner. Comme il avait une opinion contraire, il a usé de tactique pour arriver à son but. Ce n’est pas convenable, c’est contraire aux règles de loyauté qui doivent toujours diriger l’assemblée des représentants de la nation.
Je demande qu’on maintienne ce qui a été entendu depuis le commencement de la discussion. Il a été entendu qu’on discuterait d’abord le budget des dotations et de la dette publique, ensuite le budget de l’intérieur. L’honorable M. de Behr même a été jusqu’à dire, que si on commençait la discussion de la loi communale, on l’interromprait pour s’occuper des budgets dont les rapports seraient préparés.
M. le ministre de l'intérieur a dit que le rapport de son budget était imprimé, mais que les pièces à l’appui ne l’étaient pas encore.
Je puis donner l’assurance que dès hier, au commencement de la séance, j’ai vu corriger les épreuves du budget de l’intérieur, dans la salle des conférences, et on espérait qu’il serait distribué aujourd’hui. Malgré cela, on vient proposer de mettre la loi communale à l’ordre du jour de lundi. Je ne m’oppose pas à ce qu’on fixe la discussion de cette loi à un jour rapproché, mais je crois devoir m’opposer à ce que par des moyens qui ne sont pas convenables on écarte la discussion des budgets pour mettre la loi communale à l’ordre du jour.
Rappelez-vous, messieurs, que quand il a été question de mettre à l’ordre du jour la loi communale, les ministres ont donné l’assurance formelle que chacun serait prévenu trois ou quatre jours avant que la discussion ne commence.
Je demande qu’on exécuté la promesse faite par les ministres et qu’on fixe à mardi la discussion du budget de l’intérieur. (Aux voix ! aux voix ! la clôture !)
M. Milcamps. - Je viens à l’instant de chez l’imprimeur qui m’a promis que demain soir la distribution du rapport pourrait être faite.
M. Desmet. - Je demande si le ministre de l’intérieur, du budget duquel il s’agit, se rallie à la proposition de M. Rogier.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Quand j’ai demandé la priorité en faveur de mon budget, je pensais que la discussion pourrait avoir lieu mardi, mais j’apprends que les pièces à l’appui ne seront pas distribuées pour ce jour-là et d’un autre côté, l’assemblée me paraissant avoir un grand désir de voir discuter la loi communale, je me rallie à la proposition qui a été faite.
M. Gendebien. - Il y a une question qui ne peut pas souffrir de la proposition de M. Rogier. C’est celle de savoir si on discutera la loi relative à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles. La discussion de cette loi ne peut rencontrer d’opposition que de la part de ceux qui ne savent pas qui se passe à la cour d’appel de Bruxelles. Pour moi, je m’en rapporte au rapport du procureur-général, qui déclare qu’il est impossible d’obtenir justice avec le personnel tel qu’il existe maintenant. Le ministre de la justice partage cette opinion, car il vous a dit qu’il faudrait attendre six ans pour obtenir un arrêt.
Je demande, pour le cas où l’on voudrait discuter la loi communale, qu’on consacre une séance spéciale à cet objet.
- Plusieurs membres. - Une séance du soir ! une séance du soir !
M. Gendebien. - Soit qu’on fixe pour la discussion de cette loi une séance du soir, mardi ou mercredi.
M. Dumortier. - Je demande qu’on continue à mettre aux voix la proposition de M. Dubus en ce qui touche la fixation de l’ordre du jour de mardi. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre consultée décide qu’elle continuera à s’occuper de l’ordre du jour de lundi et par conséquent de la proposition de M. Rogier de mettre la loi communale à l’ordre du jour de lundi.
- Plusieurs membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
- On procède à l’appel nominal sur la proposition de M. Rogier.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 64.
Pour la proposition, 51
Contre, 13.
En conséquence la loi communale est mise à du jour lundi, après les objets dont la discussion vient d’être fixée à ce même jour par décision de la chambre.
Ont voté pour la proposition : MM. Beerenbroeck, Bekaert, Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Meer de. Moorsel, F. de. Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Smet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Dubus Bernard. Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Hye-Hoys, Keppenne, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Raikem, A. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Simons, Thienpont, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Verrue-Lafrancq, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Watlet.
Ont voté contre la proposition : MM. Berger, Bosquet, de Nef, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Gendebien, Jadot, Liedts, Pirson, Seron, Troye et Vanden Wiele.
M. le président. - Nous passons à l’ordre du jour de mardi.
M. Dubus propose de fixer à mardi la discussion du budget de l’intérieur.
- Cette proposition est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M. Dubus. - Je crois qu’on pas bien compris ce que M. le président mettait aux voix. On fait tant de bruit qu’il est impossible de s’entendre.
- Plusieurs membres. - Si ! si ! nous avons bien compris l’ordre du jour.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la suite de la proposition de M. Dubus.
M. Dubus. - C’est maintenant inutile.
M. le président. - Une proposition a été déposée par M. Gendebien.
M. Gendebien. - Il ne peut plus être question de cette proposition d’après ce qui vient de se passer. Je propose maintenant de fixer une séance mardi ou mercredi soir pour s’occuper de la loi relative au personnel de la cour de Bruxelles.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Lorsque la loi sur l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles, quelle qu’urgente qu’elle soit, se trouvait en concurrence avec la loi communale, j’ai dû me prononcer pour la loi communale, qui est d’une urgence plus grande et d’un intérêt plus général, d’autant plus que cette loi doit exercer la plus grande influence en faveur de l’organisation judiciaire, puisque le vote de la loi communale amènera celui de la loi provinciale qui doit nous fournir les moyens de compléter les corps judiciaires.
Si j’ai la parole, c’est pour modifier la proposition de M. Gendebien, pour demander qu’on y joigne le projet de loi également juste concernant la classification des tribunaux de Hasselt et Verviers. Cette loi ne donnera pas lieu à discussion, elle a été reconnue juste par la commission, à l’unanimité ; et comme l’a fait observer M. de Behr elle est annexée avec celle relative au personnel de la cour de Bruxelles, en ce qui concerne l’augmentation du traitement des substituts des procureurs-généraux.
Je modifie donc la proposition de M. Gendebien en ce sens qu’à la séance du soir que la chambre paraît disposée à fixer, on s’occuperait et de la loi concernant le personnel de la cour de Bruxelles et de celle concernant la classification des tribunaux de Verviers et Hasselt.
M. Gendebien. - Je ne m’oppose pas à la proposition de M. le ministre de la justice, mais je conteste la connexité qu’il prétend exister entre les deux projets.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de fixer une séance du soir à mardi pour discuter la loi relative à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles et celle relative à la classification des tribunaux de Verviers et Hasselt.
M. Dubus. - J’entends proposer de fixer des séances du soir ; mais je ferai observer que nous avons des séances tous les jours et qu’il y a des commissions qui doivent travailler. Si on fixe des séances du soir, je demande quand les commissions trouveront le temps de s’occuper des objets qu’elles sont chargées d’examiner. Ensuite il faut se préparer avant de venir à la séance. Je ne sais où on en trouvera le temps.
M. Bosquet. - Je suis étonné d’entendre l’honorable M. Dubus demander comme les commissions pourront travailler, si nous avons des séances du soir. Il est de fait que nos séances publiques ne commencent jamais avant une heure. Les commissions pourraient se réunir depuis 10 heures du matin jusqu’à une heure.
Dans une séance précédente, j’ai insisté pour qu’on se hâtât de s’occuper de la loi relative au personnel de la cour de Bruxelles, et comme dans mon opinion il y avait connexité entre le budget de la justice et les lois sur le personnel de la cour de Bruxelles et le classement des tribunaux de Verviers et Hasselt, j’avais annoncé que je ferais la proposition formelle de discuter ces lois entre les deux votes du budget de la justice. Si j’ai attendu jusqu’à présent pour entretenir de nouveau la chambre de l’urgence de ces lois, c’est afin d’épargner ses moments. J’appuierai de toutes mes forces la proposition de M. Gendebien, de fixer une séance du soir pour discuter les projets dont je viens de parler.
- La chambre consultée décide qu’il y aura séance mardi soir à sept heures pour discuter la loi concernant l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles et la loi concernant le classement des tribunaux de Verviers et Hasselt.
M. Jadot (pour une motion d’ordre). - Plusieurs pétitions ont été adressées à la chambre dans le but d’obtenir des constructions de routes. La chambre crut devoir renvoyer ces pétitions à une commission spéciale pour en accélérer l’instruction. La commission a fait son rapport et conclut au renvoi au ministre de l’intérieur. La chambre n’a pris aucune décision sur ce rapport. Je demanderai que le renvoi soit ordonné afin que le ministre puisse être à même de s’expliquer sur le mérite de ces demandes quand on discutera son budget. Nous aborderons ce budget incessamment, il faudra que le ministre s’explique sur le rapport fait par M. de Puydt au nom de la commission des travaux publics.
- Le renvoi proposé par M. Jadot est ordonné.
M. Gendebien (pour une motion d’ordre). - Puisqu’on a fixé à lundi la discussion de la loi communale, je demande qu’avant d’aborder cette discussion, un rapport soit fait sur toutes les pétitions relatives à la loi communale.
- Cette proposition est adoptée.
M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - La discussion d’une loi aussi importante que celle de l’organisation communale exige que tous les membres soient présents. Je demanderai que le bureau écrive à tous les membres de la chambre pour les informer de la mise à l’ordre du jour de la loi communale pour lundi et les inviter à assister à la séance de lundi. Je sais que plusieurs et notamment les députés du Luxembourg, seront dans l’impossibilité d’arriver pour lundi ; le vote que nous venons d’émettre les empêchera d’assister à la discussion que nous avons fixée à après-demain.
Je désapprouverai toujours une décision prise comme celle-là l’a été.
- La proposition de M. Dumortier est adoptée.
M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Je n’ai pas voulu interrompre la discussion tout à l’heure, mais j’ai entendu signaler un fait qui nécessite quelque explication.
L’honorable M. Rogier, en appuyant la proposition de postposer la discussion des budgets à la loi communale et répondant à une objection que j avais présentée, celle qui résultait du défaut de paiement des fonctionnaires publics appartenant aux départements dont les budgets allaient se trouver ajournés, nous a dit que dans les années précédentes, le gouvernement avait employé un moyen qui faisait que les employés ne souffraient pas du tort qu’éprouvait le vote du budget. Il nous a dit que, dans les années précédentes, le gouvernement disposait sur la banque, faisait des mandats pour le paiement de ces employés.
Jusqu’ici, j’ignorais cela. Et c’est une révélation qui m’a singulièrement surpris. Car j’aurais toujours pensé que le gouvernement ne pouvait pas disposer d’un denier avant que les crédits fussent votés.
Je désire avoir des explications sur ce point, je désire savoir si c’est là une marche suivie ordinairement, ou si cela ne s’est passé qu’une fois. Je ne pourrais jamais donner mon assentiment à un pareil système. Si on l’adoptait dans toutes ses conséquences, on pourrait se passer de la chambre, payer tous les traitements, effectuer toutes les dépenses, sans l’intervention du pays.
Je ferai observer que cette mesure est contraire à la constitution. D’après la constitution, aucune dépense ne peut être faite sans avoir été préalablement visée par la cour des comptes, et la cour des comptes ne peut viser une dépense qu’après le vote de la législature.
Je ferai remarquer ensuite le danger qu’il y a de voir ainsi le caissier de l’Etat faire face à des dépenses sans le visa de la cour des comptes. Je crois qu’il a été très coupable en consentant à faire des paiements que la cour des comptes n’avait pas ordonnancés. C’est contraire aux lois qui régissent les finances en Belgique.
Nous devons savoir comment nos finances sont administrées, si nos votes sont une réalité ou s’ils ne sont qu’une fiction. Il est incontestable que si le gouvernement se croit autorisé à ordonnancer des dépenses sans que la législature les ait votées, nous ne remplissons pas un mandat réel, notre vote n’est que fictif et la constitution se trouve ainsi anéantie. J’avoue que j’ai été fort étonné de ce qui a été fait à cet égard. La chose m’a paru trop grave pour ne pas demander des explications.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne sais si M. Dumortier veut soulever ici une discussion de principe ; cependant je pense que les explications que je vais donner satisferont la chambre.
Il est vrai, ainsi que l’a dit M. Rogier, que quand les budgets n’étaient votés qu’en mars, certains employés tels que les employés des douanes, qui sont sujets à des déplacements continuels, et seulement les employés subalternes, ont obtenu le paiement de leurs appointements, par une mesure provisoire et toute sous la responsabilité non seulement du ministre, mais des receveurs qui consentaient à payer sur son mandat. C’est ainsi que le ministre fait solder par former d’acompte sur le vote du budget les employés de la douane qui, quel que soit le vote que vous émettez sur le budget, doivent toujours finir par recevoir un mois de traitement.
Le ministre des finances, dans l’intérêt du pays, pour empêcher que le service public ne soit arrêté, a donné, non pas aux employés du ministère, mais du service actif, des mandats sous sa responsabilité et celle du receveur qui les a payés.
Voilà ce qui a été fait. Il n’y a là rien d’inconstitutionnel. Si vous rejetiez tout traitement pour ces employés, ce qui est impossible, il en résulterait que les receveurs et les ministres et les employés auraient à s’entendre pour régulariser ces paiements.
Ce sont tous petits employés ; il faut qu’ils vivent ; je ne vois rien de contraire à la constitution à leur donner de quoi vivre.
Du reste, je demande qu’on passe à l’ordre du jour ; sans cela, nous allons passer toute la séance en discussions sans résultat. Si les honorables membres que j’entends s’élever contre ma proposition de passer à l’ordre du jour pouvaient avoir des doutes, ils pourront revenir sur la question dans un autre moment, sans retarder encore une discussion qui ne l’a déjà être que trop.
M. Gendebien. - J’ai redemandé la parole pour une motion d’ordre.
M. Dumortier. - je n’accepte pas les explications données par M. le ministre. Je dis qu’avec de tels principes on pourrait se passer de budget.
M. Gendebien. - Je demande qu’on laisse la question intacte. Il ne sera pas difficile de la résoudre dans un autre sens que celui que vient d’exposer M. le ministre ; mais ce n’est pas le moment. Nous n’avons rien fait encore ; occupons-nous du budget des affaires étrangères. (Oui ! oui !)
M. le président. - Nous en sommes à l’article 6 relatif aux traitements des agents du service extérieur.
« Etats-Unis : fr. 25,500. »
M. Dubus. - Je désirerais savoir si dans le tableau on laisse subsister ce mot, « Russie. » (Non ! non !)
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Cet article ne figure plus dans le rapport fait au nom de la section centrale ; elle en a demande la suppression formelle, et dès lors il ne figure pas dans le tableau des dépenses.
- Le chiffre relatif aux Etats-Unis est adopté.
« Art. 8. Diète germanique. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai encore ici la même observation à faire que sur l’article « Russie. »
- L’article 8 ne figurera plus dans le tableau.
« Art. 9. Brésil : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 10. Portugal : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 11. Espagne : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Suède et Danemark : fr. 15,000. »
M. Dumortier. - Je dois m’opposer à l’augmentation que l’on demande ici ; dans les années précédentes, il était accordé 12,600 fr. à cet agent ; c’est, comme on voit, une augmentation de 2,400 fr. que l’on propose. Rien ne paraît la justifier. Lorsque nous avons régler le budget des affaires étrangères pendant les premières années après notre révolution, le gouvernement nous a dit : En Suède et en Danemark, les dépenses sont moins grandes que dans les autres résidences ; on vit plus facilement qu’en Espagne et en Portugal ; ce qu’on comprend facilement en considérant que la Suède est un pays où la monnaie est de fer ; les denrées y doivent être à meilleur marché que chez les nations où la monnaie est d’or et d’argent.
M. Meeus (en riant). - Que dites-vous donc là ! cela n’est pas soutenable.
M. Dumortier. - Vous voulez mettre tous les envoyés sur la même ligne, par la même raison il faudrait mettre aussi sur la même ligne tous les chargés d’affaires ; ce qui occasionnerait une augmentation. (Bruit.) Je dois m’opposer à l’augmentation demandée pour l’agent en Suède. Il faut tenir compte du pays où l’agent est envoyé.
Notre agent en Angleterre est plus rétribué que celui que nous avons à Paris ; celui-ci est davantage rétribué que celui que nous envoyons à Rome. Nous devons suivre la même échelle pour les autres employés diplomatiques.
Je propose que l’on s’en tienne à l’ancien chiffre de 12,600 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne pense pas que ce soit bien sérieusement que le préopinant ait demandé une diminution d’après les considérations qu’il a exposées. J’avoue que l’on doit tenir compte des résidences où l’on envoie les agents ; c’est aussi par ce motif que l’agent diplomatique de Londres est plus rétribué que celui de Paris, et que celui de cette capitale est plus rétribué que l’agent diplomatique envoyé à Rome.
Si cette graduation doit être établie pour les hauts fonctionnaires, elle ne peut pas s’appliquer aux agents d’un ordre inférieur. 15,000 fr. ne sont pas trop pour faire vivre un envoyé, n’importe en quelque pays que ce soit, en Espagne, en Portugal, à Copenhague ou à Stockholm. Il paraît même que la vie est fort chère à Stockholm. Si auparavant vous n’avez donné que 12,600 fr., je ferai observer que cette somme n’a jamais été dépensée, et que la Belgique n’a pas encore d’agent en Suède et en Danemarck. Nous demandons un crédit pour le cas où les intérêts de notre commerce exigeraient la présence d’un agent dans ces résidences.
M. Dumortier. - Je ne pense pas que les motifs allégués par le ministre des affaires étrangères puissent justifier l’augmentation des traitements donnés l’année dernière. Le royaume des Pays-Bas accordait aux mêmes agents 7,000 florins ; et la Belgique n’est que la moitié de ce royaume. De plus, un chargé d’affaires n’est accrédité que près du ministre ; par conséquent il n’est obligé de faire des dépenses que celles qui comporte la ville où il se trouve, et il me semble même que 10,000 francs suffiraient, puisqu’on ne donnait que 7,000 florins dans le royaume des Pays-Bas.
Prenons-y garde : si nous accordons tout ce qu’on demande pour la diplomatie, nous aurons dix ou douze personnes qui ensemble dévorerons un million. Nous sommes un gouvernement économique ; nous devons surtout ne pas exagérer nos dépenses pour la diplomatie. Je voudrais que le gouvernement n’eût que des consuls. Nous ne sommes pas un Etat capable de peser dans la balance européenne. Nous ne devons avoir que des agents indispensables pour assurer nos intérêts commerciaux. Dans le chapitre que nous examinons, on nous demande à peu près un demi-million. De fortes rétributions aux agents diplomatiques ne sont pas utiles, quand plusieurs personnes consentiraient à remplir cette mission à bien moins de frais.
Il est certain qu’on en trouverait qui iraient à Stockholm pour 10,000 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Voulez-vous y aller ? (On rit.)
M. Dumortier. - Je ne veux pas courir la carrière diplomatique ; je ne vous demande rien, vous ne vous débarrasserez pas de moi de cette manière. (On rit.) Je le répète, vous ne manquerez pas d’agents pour 10,000 fr. ; à plus forte raison, n’en manquerez-vous pas pour 12,600 fr., comme le propose mon honorable ami. Je vote pour ce dernier chiffre.
M. Nothomb. - Il y a trois ans que vous avez voté 6,000 florins pour chacune des trois légations en Espagne, en Portugal et en Suède. Nous vous proposons de rétablir l’égalité qui existait alors entre ces résidences. Vous avez augmenté l’Espagne et le Portugal, et porté le chiffre de ces légations à 15,000 francs ; mettez donc aussi 15,000 francs pour la Suède. Cette égalité est nécessaire dans l’administration du ministère des affaires étrangères, pour que l’on puisse faire des mutations d’agents. S’il n’y avait pas égalité du traitement, on ne pourrait pas, sans difficulté, envoyer l’agent d’Espagne, de Grèce, du Portugal, à Stockholm ; il ferait observer qu’indépendamment de la différence entre les résidences, il y aurait encore pour lui perte d’argent.
Ainsi, il y a un motif administratif, c’est pour faciliter les mutations entre les trois légations et une quatrième si l’on vote l’article suivant. Le ministre demande que l’on rétablisse l’égalité primitive entre ces légations.
M. Dubus. - Il y a deux moyens de rétablir l’égalité primitive entre les légations. C’est de revenir au point d’où l’on est parti, si l’on s’en est écarté mal à propos. La chambre, dans plusieurs budgets successifs, a fixé à 12,600 fr. le traitement des chargés d’affaires. L’on a demandé une exception en faveur du chargé d’affaires d’Espagne. Maintenant que cette augmentation a été accordée, on demande de rétablir l’égalité primitive en étendant l’exception aux autres chargés d’affaires. C’est ainsi que l’on arrive insensiblement à des augmentations considérables de dépenses. L’on commence par demander une exception pour un point seulement. Une fois l’exception accordée, on la transforme en règle générale.
Sur quoi s’est-on fondé l’an dernier pour obtenir une exception en faveur du chargé d’affaires d’Espagne ? L’on s’est fondé sur des motifs spéciaux à l’Espagne. Sous le gouvernement précédent, le chargé d’affaires d’Espagne recevait un tiers de plus que le chargé d’affaires de Suède.
Ce motif peut précisément faire repousser la demande d’augmentation ; car si on nivelle les traitements des chargés d’affaires l’année prochaine, on pourra vous demander une majoration pour celui d’Espagne, par des motifs aussi plausibles que ceux qui, en 1835 ont fait porter son traitement à 15,000 francs.
Nous devons partir de ce point que le traitement fixé antérieurement à 12,600 fr. est suffisant, sauf certaines exceptions qui seraient suffisamment justifiées pour certaines résidences où un chargé d’affaires est obligé à de plus grandes dépenses, Mais il faut maintenir ce chiffre de 12,600 fr. dans tous les cas pour lesquels on ne justifie pas la nécessité d’une exception.
Je n’étais pas satisfait des explications de la section centrale qui s’est bornée à motiver l’augmentation pour la légation de Suède, sur ce que cette légation est sur le même rang que celle d’Espagne.
Mais il est bien facile de répondre à cet argument. L’ambassade de France est sur le même rang que celle d’Angleterre.
Cependant l’on a senti la nécessité d’accorder un traitement plus élevé à l’ambassadeur d’Angleterre, qui est obligé à de plus grandes dépenses. Par la même raison le chargé d’affaires de Suède étant obligé à de moins grandes dépenses que celui d’Espagne, doit avoir un traitement moins élevé. On dit que le séjour de sa résidence n’est pas agréable. Ce n’est pas une raison pour augmenter le traitement. Ce serait peut être une raison pour lui donner un traitement moindre, attendu qu’il n’a pas de représentation à faire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne disconviens pas que le traitement des agents diplomatiques peut varier selon leur résidence, lorsqu’ils seront obligés à certaines dépenses de représentation. Mais ici toute la question est de savoir si un traitement de 15.000 francs est exagéré à Stockholm ou à Copenhague.
Je vois souvent dans les journaux des réclamations contre la tendance que l’on suppose au gouvernement de choisir de préférence les agents diplomatiques dans l’aristocratie de naissance et de fortune.
Je le déclare, messieurs, il n’y a pas un seul des chargés d’affaires qui puisse vivre avec son traitement actuel. Si on veut même le réduire, on sera obligé de faire choix des agents diplomatiques parmi les personnes jouissant d’une fortune personnelle et considérable.
Je le répète, la position du chargé d’affaires à Stockholm ou à Copenhague sera moins agréable, et son entretien personnel, en raison de sa position, lui coûtera autant qu’à Lisbonne ou à Madrid. Jusqu’à ce jour, l’on n’a pas nommé de chargé d’affaires en Suède ou en Danemarck, mais il est possible qu’il y ait lieu bientôt d’ouvrir des relations officielles avec l’un et l’autre de ces pays, dans l’intérêt même du commerce belge.
L’on a parlé de consuls à nommer au lieu de chargés d’affaires. Mais je ferai remarquer d’abord que les consuls ne reçoivent aucun traitement. Puis dans presque aucun pays de l’Europe on ne reconnaît aux consuls un caractère politique. Ils ne pourraient pas rendre les services que l’on a le droit d’exiger d’un agent diplomatique.
M. Dumortier. - M. le ministre des affaires étrangères dit que nous réduisons les traitements des agents diplomatiques. C’est une erreur que la comparaison du budget de 1832 avec le budget actuel démontrera jusqu’à l’évidence. En 1832, on nous demandait 25,000 florins pour l’ambassade de France. Aujourd’hui on nous demande 58,000 fr. En 1832 on nous demandait 35,000 florins pour l’ambassade de Londres. Aujourd’hui on nous demande 80,000 francs. 5,000 florins seulement étaient réclamés pour l’ambassade de Rome. Le traitement de notre envoyé se porte aujourd’hui à 40,000 fr. Je ne pense cependant pas qu’on l’ait choisi hors de l’aristocratie financière.
Ainsi vous voyez que l’on augmente tous les jours les traitements des ambassadeurs. Il me semble cependant qu’il faut mettre des bornes à cette augmentation. Les sommes votées en 1835 doivent suffire en 1836. La vie n’est pas, que je sache, devenue plus chère à Stockholm qu’elle ne l’était il y a un an. L’on trouvera beaucoup de personnes qui voudront aller à Stockholm avec le traitement voté l’an dernier.
- Le chiffre de 15,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Grèce. Traitement d’un chargé d’affaires : fr. 15,000. »
M. Dumortier. - Je m’oppose à l’adoption du crédit. Je ne vois pas quelle serait l’utilité d’une légation en Grèce, à moins que le ministère ne veuille apprendre comment un gouvernement peut déplaire à un peuple lorsqu’il s’écarte des voies tracées par sa révolution.
Nos relations politiques avec la Grèce sont nulles. Nos relations commerciales avec ce pays n’exigent que l’établissement d’un simple consul. Sous le gouvernement des Pays-Bas, il n’y avait pas de chargé d’affaires en Grèce. Pour ces motifs, je voterai contre l’allocation demandée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Nous avons trop peu de renseignements exacts sur ce qui se passe en Grèce pour que l’on se permette de faire du gouvernement d’un pays la critique qu’en a faite l’honorable préopinant. Du reste, ce n’est pas là la question qui nous occupe. L’honorable membre prétend que l’établissement d’une légation dans ce pays n’a aucun but. C’est une de celles pourtant qui ont été le plus vivement réclamées depuis longtemps.
Presque tout le commerce de la Belgique demande que l’on établisse des relations officielles avec la Grèce. Je n’ai pas besoin de dire ce qui nous a empêché d’en avoir jusqu’à présent avec la Porte ottomane. Des motifs d’économie s’y sont principalement opposés.
Un agent diplomatique en Grèce peut rendre des services considérables au commerce.
L’honorable préopinant a dit que sous le gouvernement précédent il n’y avait pas d’agent diplomatique en Grèce. La raison en est très simple ; c’est qu’alors il n’y avait pas comme aujourd’hui un royaume de Grèce.
Je ferai remarquer que pendant de longues années le gouvernement précédent a en un ambassadeur à Constantinople, dont la dépense était exorbitante, et que de tout temps, il y a eu au moins un chargé d’affaires.
Si le gouvernement n’a pas demandé, jusqu’à présent, une allocation pour un chargé d’affaires en Turquie, c’est que les premiers frais d’établissement d’un agent diplomatique à Constantinople sont excessivement coûteux.
M. Dubus. - Je voterai pour une allocation en faveur d’un chargé d’affaires en Grèce ; mais je demanderai quelle nécessité il y a pour ce chargé d’affaires d’avoir un traitement de 15,000 francs ; ne pourrait-il pas se contenter du chiffre de 12,600 fr. que la chambre avait adopté comme base du traitement des chargés d’affaires. Je fais la proposition formelle de fixer le traitement du chargé d’affaires en Grèce à 12,600 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai déjà fait comprendre à la chambre que, dans mon opinion, un traitement de 15 mille francs n’était pas trop élevé pour un chargé d’affaires. Si on considère ce traitement par rapport au pays, on ne le trouvera pas trop élevé non plus. En effet, un chargé d’affaires, envoyé dans un pays avec lequel on se trouve en relations, a à se mettre au courant des affaires et fait pour cela des frais que le gouvernement ne lui rembourse pas. Le chargé d’affaires, en Grèce, dont la mission est plutôt commerciale que politique, aura surtout une grande dépense à faire dans le commencement pour se procurer des renseignements.
M. Dubus. - Ainsi l’on considère ce chiffre de 15 mille francs comme le minimum des traitements des chargés d’affaires, tandis que, dans les budgets précédents, après plusieurs discussions longues et approfondies, la chambre avait fixé ce minimum à 12,600 francs. C’est une augmentation générale de traitements.
- Le chiffre de 15,000 francs est mis aux voix et adopté.
« Art. unique. Traitements des agents en inactivité, de retour de leur mission : fr. 10,000. »
La section centrale ajoute : « Et non remplacés. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Pour ne pas renouveler la discussion qui a lieu tous les ans à l’occasion de cet article, je déclare me rallier à l’amendement de la section centrale.
- Le chiffre de 10,000 fr. est adopté.
« Art. unique. - Frais de voyage des agents du service extérieur, frais de courriers, estafettes et courses diverses : fr. 70,000. »
M. Dumortier. - Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si l’on a fixé, par un arrêté, les frais de voyage des agents diplomatiques. Des abus très graves ont été signalés dans la répartition de cette allocation.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je répondrai à l’honorable préopinant que tout ce qui concerne les frais de voyage des agents diplomatiques a été réglé par un arrêté en date du 1er avril 1834, inséré au Bulletin officiel.
M. F. de Mérode. - C’est moi qui ai contresigné cet arrêté. J’ai réduit les frais de voyage autant qu’il était possible, car pour les frais de voyage, je ne vois pas l’utilité de les augmenter au-delà de la nécessité, M. Dumortier peut s’en assurer par l’examen de l’arrêté.
M. Dubus. - Je vois dans les développements de la section centrale que chaque année la dépense sur cet article a été en diminuant. C’est sans doute une conséquence des dispositions de l’arrêté que je viens de citer.
En 1833, l’on a dépensé 33,000 fr., en 1834, 31,000 fr., en 1835, au 31 d’octobre, 15.000 fr. Je ne vois pas la nécessité d’allouer 70,000 fr. Je désirerais que M. le ministre des affaires étrangères diminuât lui-même cette allocation, afin de ne pas exagérer sans motifs les chiffres du budget.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Le crédit que l’on demande est purement éventuel. Les indemnités dues aux ministres du corps diplomatique pour frais de voyage sont fixées par l’arrêté que je viens de citer.
Du reste, elles n’ont qu’une légère influence sur la quotité de la somme dépensée du chef de cette allocation. Il est très rare que le gouvernement ait à rembourser des frais de voyage aux agents diplomatiques.
Le gouvernement ne leur paie des frais de voyage que quand ils se rendent pour la première fois à leur destination ou quand ils sont rappelés. Tous les autres voyages qu’ils font, à moins que ce ne soit dans des circonstances extraordinaires, ne leur sont pas remboursés. L’allocation dont il s’agit doit servir principalement aux dépenses résultant de l’envoi des courriers. Cette somme est purement éventuelle ; enfin l’on n’a dépensé en 1833 que 34,000 francs, en 1834 que 31,000 francs et en 1835 que 20,000 francs.
Il est impossible de prévoir à combien s’élèvera cette dépense dans le courant de l’année. Si des événements survenaient qui fussent de nature à exiger une correspondance accélérée, les frais de courrier s’élèveraient beaucoup plus haut. Je puis assurer que nous faisons tous nos efforts pour ne pas exagérer la dépense, c’est surtout parce que nous avons trouvé le moyen de correspondre, sans la voie des courriers, avec nos agents diplomatiques, que nous n’avons dépensé en 1835 que 20.000 fr. sur un crédit de 75,000 fr. Mais il est nécessaire de maintenir cette allocation telle qu’elle a été votée dans les budgets précédents, afin de faire face à des éventualités que nous ne pouvons prévoir.
Rien ne doit vous engager à diminuer cette allocation, puisque vous avez la garantie du passé qu’il n’en sera pas abusé.
- Le chiffre de 75,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. unique. Frais à rembourser à des agents du service extérieur : fr. 50,000. »
M. Dumortier. - Je suis satisfait des explications données par M. le ministre des affaires étrangères. C’est ce qui m’a engagé à voter le chiffre demandé par lui. Je le félicite de l’économie qu’il a apporté dans les frais des courriers.
Il me semble que comme dans l’allocation à émettre il ne s’agit que de la correspondance, et qu’il faut beaucoup de correspondance pour dépenser 50,000 fr., l’on pourrait diminuer le chiffre demandé.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Assurément, il faudrait beaucoup de correspondance et surtout de malheurs à soulager pour dépenser 50,000 francs.
C’est sur le chapitre en discussion que seront payées les sommes accordées par les agents diplomatiques aux Belges qui ont fait naufrage ou qui n’ont pas les moyens de rentrer dans leur patrie.
Nous avons procédé avec la plus grande économie dans la distribution de cette somme. Il est impossible que le gouvernement en abuse. Il me suffira pour le prouver de dire que sur un crédit de 50.000 francs, le gouvernement n’a dépensé que 5,767 en 1835, tant du chef de correspondance que pour secours accordés aux Belges indigents.
Mais comme il pourrait arriver que de grands malheurs exigeassent une plus forte dépense sur cette allocation, je crois qu’il est convenable de ne pas diminuer le chiffre proposé sur lequel près de 45,000 fr. sont restes disponibles sur l’exercice de 1835.
- Le chiffre de 50,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. unique. Missions extraordinaires et dépenses imprévues : fr. 65,000. »
- Adopté.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je demande la parole.
J’ai vu dans les journaux qu’à l’article 3, on avait mis : « ports de lettres. »
Je ferai remarquer que dans tous les budgets précédents et notamment dans celui de l’année dernière, cet article avait été intitulé « matériel. » Je demanderai qu’on mette le même libelle que l’année dernière, parce que sans cela la cour des comptes pourrait être portée à croire qu’on a voulu modifier l’article, ce qui n’est pas.
- La proposition de M. le ministre des affaires étrangères est mise aux voix et adoptée.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du budget des affaires étrangères.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 57
Pour, 55
Contre, 2.
En conséquence, le budget des affaites étrangères est adopté.
Les membres qui ont voté contre sont MM. Seron et Gendebien.
M. le président. - La chambre est-elle disposée à passer au budget de la marine ?
- Quelques membres. - Oui ! oui !
- D’autres membres. - Non ! non !
M. Dumortier. - Avant d’entamer la discussion du budget de la marine, je crois devoir demander à M. le ministre des affaires étrangères des explications sur un fait qui intéresse notre liberté individuelle. Nous savons qu’il y a deux ans un Belge a été emprisonné en Prusse. Ce Belge avait été envoyé par l’administration de la police dans des intérêts purement belges.
Il gémit encore à l’heure qu’il est dans les prisons de la Prusse. Je crois qu’il est du devoir du gouvernement, ainsi qu’on l’a répété plusieurs fois dans cette enceinte, d’intervenir pour obtenir l’élargissement de ce Belge. Jusqu’ici nous ne voyons pas, si tant est que des démarches aient été faites qu’elles aient obtenu un résultat satisfaisant, Je désire savoir si des démarches ont été faites par le gouvernement et s’il a l’espoir de faire élargir bientôt notre compatriote. C’est une grave question de liberté individuelle qui doit nous être très chère.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - En effet le Belge auquel vient de faire allusion l’honorable M. Dumortier se trouve en prison en Prusse, mais c’est en vertu d’un jugement rendu par les tribunaux compétents. Cependant ce Belge excite notre vif intérêt ; nous avons déjà fait des démarches et nous continuons à en faire pour obtenir quelque adoucissement à son malheur.
M. Dumortier. - Il est vrai que le Belge dont j’ai parlé à été emprisonné en vertu d’un jugement, mais il est vrai aussi qu’il a été saisi au corps immédiatement après son arrivée sur le territoire prussien et qu’il a été emprisonné. Le fait pour lequel on l’a condamné est tout politique, et vous savez que quand des étrangers sont condamnés dans un pays pour délits politiques, leur gouvernement intervient et obtient leur translation. Si dans cette circonstance le gouvernement belge restait inactif, ce serait un très mauvais exemple ; nous verrions les citoyens belges exposés à être emprisonnés longuement dans les pays étrangers.
C’est ainsi qu’un autre Belge avait été emprisonné en Bavière et par les bons offices et l’influence d’une puissance étrangère le gouvernement a obtenu son élargissement. C’était le docteur Corremans.
Pourquoi le gouvernement n’en agirait-il pas de même à l’égard de la Prusse ; il n’y n’aurait pas besoin d’employer l’intermédiaire d’une puissance étrangère, nous y avons un ambassadeur assez chèrement payé, par qui il pourrait faire demander l’élargissement du Belge qui est retenu dans les prisons du pays. S’il est incontestable qu’il n’a commis aucun délit et qu’il a été emprisonné uniquement pour avoir mis le pied sur le territoire de la Prusse, et qu’il a été appréhendé immédiatement après son arrivée, il est du devoir du gouvernement d’intervenir par tous les moyens qui sont en son pouvoir, et notre diplomatie doit se mettre en mouvement pour le faire élargir.
- Plusieurs membres. - Le budget de la marine ! le budget de la marine !
M. le président. - La discussion générale sur le budget de la marine est ouverte.
Personne ne demandant la parole, nous allons passer discussion des articles.
« Art. 1er. Personnel : fr. 6,050 fr. »
- Adopté.
« Art. 2. Matériel : fr. 3,500. »
M. Dumortier. - Nous ne sommes pas en nombre. Je demande qu’on vote par appel nominal.
- On procède à l’appel nominal.
Il en résulte que 48 membres sont présents.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.