(Moniteur belge n°357, du 22 décembre 1835 et Moniteur belge n°358, du 23 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Schaetzen fait l’appel nominal à onze heures et demie.
Il fait ensuite lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« Des distillateurs de la ville de Liége demandent que la chambre adopte l’ajournement proposé par la section centrale sur la disposition concernant les distilleries, proposée dans le budget des voies et moyens, et combattent l’augmentation du droit de 22 à 30 centimes proposée par cette section ; ils demandent aussi que cette disposition soit élaguée du budget et qu’elle fasse l’objet d’une proposition spéciale. »
« Des habitants de Dinant demandent que le droit de 30 francs sur les permissions de port d’armes soit réduit à 10 francs. »
« Des fabricants de la commune de Bassevelde demandent la construction du canal de Zelzaete à Blankenberg. »
« Des habitants de Bruxelles demandent que la garde civique soit divisée en trois bans. »
« Des habitants de Huy réclament contre l’ordre, donné par M. le ministre de l’intérieur, de fermer la chasse le 1er janvier dans la province de Liége ; ils voudraient que le permis de chasse durât jusqu’au 1er mars. »
M. de Behr. - Je demande que la pétition des distillateurs de Liège, relative aux distilleries, reste sur le bureau, et qu’elle soit insérée au Moniteur, puisque nous aurons à délibérer sur l’objet de cette pétition dans une de nos prochaines séances. Si cependant on devait discuter aujourd’hui l’article relatif aux distilleries dans le budget des voies et moyens, je demanderais la simple lecture de la pétition.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai la lecture de la pétition parce que je pense qu’aujourd’hui nous avons à nous occuper des distilleries.
M. le président. - Quand nous aurons statué sur les pétitions, on donnera lecture de celle-ci
M. David fait observer que c’est lui qui a déposé sur le bureau la pétition des habitants d’Huy, relative au port d’armes. A Liége, d’après les ordres de M. le ministre de l’intérieur, la chasse serait fermée au 1er janvier, tandis qu’à Namur la chasse est permise jusqu’au 1er mars.
Cet honorable membre ne voit pas de motif de cette différence : il pense que tous ceux qui ont des ports d’armes doivent en jouir pendant le même temps, qu’ils ont tous les mêmes droits ; et, en conséquence il demande que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.
- Le renvoi est ordonné.
M. Verdussen fait connaître à la chambre que la cour des comptes lui a transmis ses observations sur les comptes définitifs de l’exercice de 1830.
- L’impression de ces documents est demandée et ordonnée.
M. Desmanet de Biesme écrit pour demander un congé.
- Ce congé est accordé.
M. Verdussen donne lecture de la pétition des distillateurs de Liège.
(Cette pétition, reprise au Moniteur belge du jour, n’est pas incluse dans la présente version numérisée.)
M. le président. - Il est d’usage d’imprimer les pétitions lues à la chambre. Cette pétition sera insérée dans le Moniteur.
M. de Renesse. - Messieurs, une pétition des principaux habitants du canton de Bilsen, tendant à obtenir la construction d’une route de Tongres à Bilsen, a été analysée dans la séance du 13 avril dernier ; par oubli, elle est restée entre les mains de l’un de MM. les rapporteurs des pétitions du mois d’avril et n’a pu être inscrite au feuilleton numéro 7, qui vous a déjà été distribué il y a quelque temps. J’ai l’honneur, en conséquence, de demander à la chambre de vouloir ordonner le renvoi de cette pétition à la commission des travaux publics avec invitation d’en faire un prompt rapport, afin qu’elle puisse être envoyée au plus tôt à M. le ministre de l’intérieur qui s’occupe actuellement d’un travail général sur les constructions de routes à faire dans les différentes provinces.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole non pas pour m’opposer au renvoi, mais pour l’appuyer, et pour demander, en outre, que les pétitions ayant le même but soient toutes renvoyées au ministre de l’intérieur : il y a six mois qu’une pétition semblable a été adressée à la chambre, et je ne la vois pas encore inscrite au feuilleton ; je demande qu’il n’y ait aucun privilège, et que toutes les pétitions ayant rapport aux routes soient traitées de la même manière. (Appuyé ! appuyé !)
- L’objet de la pétition dont M. de Renesse a entretenu la chambre est analysé dans les termes suivants :
« Les membres des conseils communaux et les principaux habitants des communes du canton de Bilsen, demandent la construction d’une route, se dirigeant de la ville de Tongres par Bilsen vers Maseyk. »
- La chambre en ordonne le renvoi à la commission des travaux publics avec invitation de faire un rapport dans le plus bref délai.
M. Dubus (pour une motion d’ordre.) - Dans la dernière séance vous avez ordonné, sur la motion d’ordre que j’ai faite, qu’il y aura une séance ce soir ; mais vous n’avez pas indiqué l’heure ; je demanderai à la chambre qu’elle se réunisse à 7 heures.
- Plusieurs membres. - A 8 heures !
M. Dubus. - Eh bien, si on le veut, que ce soit à 8 heures.
M. de Nef. - Il me semble que la motion ne saurait entraîner une longue discussion, et qu’on pourrait s’en occuper immédiatement. (Non ! non ! à 8 heures.)
M. Verdussen. - Je demande qu’on se réunisse ce soir, et je demanderai en même temps, comme l’objet dont on aura à s’occuper n’entraînera pas une longue discussion, que l’on mette à l’ordre du jour de la séance de ce soir les lois urgentes que nous devons porter avant la fin de l’année ; par exemple, la loi concernant les péages, la loi tendante à autoriser les états provinciaux à dresser les budgets des provinces.
- La chambre consultée décide que la réunion aura lieu ce soir à huit heures, et qu’après avoir pris une décision sur la proposition de M. Dubus, elle s’occupera de la loi sur les péages et de la loi portant autorisation aux états provinciaux de dresser leurs budgets.
M. Desmet. - Messieurs, dans une de vos dernières séances l’honorable M. Doignon a fait l’observation qu’il trouvait assez étrange que la commission qui s’était chargée de revoir et faire un rapport à la chambre sur tous les points litigieux qui concernaient la banque de Bruxelles, n’avait pas touché le principal, celui de savoir de quel droit Guillaume avait aliéné les biens de la couronne à une société particulière et s’il n’y aurait pas moyen de faire déclarer cette vente nulle, tant sous le rapport du défaut de droit du vendeur que de la lésion qu’en avait souffert la Belgique.
Vous me permettrez, messieurs, que je revienne sur cette question, que je ne veux pas résoudre, mais dont je veux vous exposer les faits et y joindre quelques raisonnements, afin d’engager le gouvernement d’en faire l’objet d’un examen sérieux et voir s’il n’y aurait pas moyen de la résoudre en faveur de la Belgique en faisant restituer au pays ses antiques domaines dont la dynastie déchue l’a si vilainement spolié, ou du moins en bonifier le montant de la valeur…
Deux articles de la constitution octroyée par le roi Guillaume en 1814, lors de la formation du royaume des Pays-Bas auquel la Belgique venait d’être agrégée, étaient conçus dans les termes ci-après :
« Art. 30. Le roi jouit d’un revenu annuel de deux millions 400 mille florins payables par le trésor public. »
« Art. 32. Si le roi Guillaume-Frédéric-d’Orange-Nassaun actuellement régnant, en fait la proposition, il peut lui être assigné, par une loi, des domaines en toute propriété, jusqu’à concurrence de 500,000 florins de produit, lesquels seront déduits des revenus déterminés à l’article précédent. »
Le roi Guillaume profita de la faculté qui lui était laissée par ce dernier article de la constitution dont nous venons de citer le texte.
En conséquence, il fit présenter en 1822 un projet de loi pour opérer cette conversion aux états-généraux.
Elle fut adoptée, et une loi la sanctionna le 20 août 1822. Les considérants s’appuient sur les articles précités de la constitution ; il est essentiel de relater les termes du dispositif.
L’article unique de cette loi porte :
« En diminution de la somme de 2 millions 400 mille fl. par an, qui, d’après l’article 30 de la loi fondamentale, nous doit être payée par le trésor public, et en paiement de cette somme jusqu’à concurrence de 500 mille florins, nous acceptons en toute propriété comme bien patrimonial, ainsi qu’il nous est cédé par les présentes en toute propriété comme bien patrimonial, les biens domaniaux ci-après désignés. »
(Suit annexée à la loi, et comme en faisant partie, la nomenclature des biens cédés au roi Guillaume pour la conversion dont il s’agit.)
Partie de ces domaines est située en Belgique (alors connue sous la désignation de provinces méridionales), partie en Hollande dite provinces du Nord.
L’Etat s’était ainsi dessaisi de la propriété de ces biens au profit du roi régnant et ce aux termes de l’article 31 de la constitution.
Celui-ci ne tarda pas à réaliser le bénéfice de cette cession pour son compte privé ; et en effet, le 28 août 1822, il rendit un arrêté royal qui assigna à la société (instituée dans le but, disait-on, de protéger l’industrie nationale et le commerce) pour premier fonds les domaines ci-dessus qui lui avaient été cédés par la loi relatée du 26 août 1822.
L’estimation de ces domaines évaluée dans cette loi reposait sur la base calculée de vingt fois leur revenu et conséquemment pour dix millions qui, à 5 pour cent, auraient dû donner un intérêt de 500 mille florins.
Guillaume les transmit à la société pour une valeur en capital de 20 millions au denier 40.
Cette société pour protéger l’industrie, etc., plus vulgairement connue sons le nom de banque de Bruxelles, accepta cette cession qui constituait le noyau et la représentation immobilière de ses fonds et de l’émission autorisée de ses billets de banque.
Un arrêté royal approuva ses statuts, et le roi garantissait en outre aux actionnaires 5 p. c. d’intérêt de leurs actions.
Un acte notarié passé devant le notaire Thomas, à Bruxelles, reçut les intervenants qui formèrent l’établissement, mais il n’y est point fait mention du nombre d’actions appartenant à chaque actionnaire ou accumulativement à tous.
Le versement des actions était destiné à constituer le fonds en numéraire de la société, et celles-ci avaient pour hypothèque les biens cédés par Guillaume.
Le prix présumé de ces biens fixés à vingt millions de florins sera versé à la caisse de l’Etat, en argent comptant ou en effets publics, rendant un million d’intérêt par an, à l’époque de la dissolution de la société, qui aura lieu en 1849, ou plus tôt si les actionnaires, réunissant les 3/4 des actions l’exigent ; jusqu’alors elle payera pour intérêt annuel, savoir au roi, à partir de 1823, 500 mille florins, et à la caisse d’amortissement, à partir de 1825, 50,000 fl., laquelle somme de 50,000 fl. augmentera chaque année de pareille somme, jusqu’à ce qu’elle soit portée à 500,000 fl. qui continuerait à être payée, jusqu’à l’époque de la dissolution de la société.
Deux observations doivent compléter cet exposé.
Si ces domaines cédés ne valaient (nonobstant la réserve du tiers de la forêt de Soignes, dont je pense que la banque a déjà disposé) que vingt millions, on pourrait s’abstenir de toute réflexion à l’égard de la valeur réelle de ces biens fonds ; mais on est avec cette somme bien loin de cette véritable valeur, comme nous allons le démontrer.
Les domaines étaient situés, partie dans les provinces du nord, partie dans les provinces du midi.
Les propriétés du nord consistent en dîmes et biens à prélever et situés dans les provinces de la Zélande, de la Hollande méridionale, de la Gueldre et d’Utrecht, et donnent annuellement un revenu de 357,593 fl., donc au-delà de trois cinquièmes du revenu de 500,000 fl.
Les propriétés du midi, c’est-à-dire, des provinces belges consistaient :
1° Dans la province du Brabant, en la forêt de Soignes, contenant 11,718 bonniers.
2° Dans la province de Liége, en 4,073 bonniers de bois et forêts.
3° Dans la province de Namur, idem en 9,633 bonniers de bois et forêts.
4° Dans la province du Hainaut, idem en bois et forêts, contenant ensemble 2.524 bonniers, et dans le Limbourg en 312 bonniers de terre labourable.
En tout… 28,320 bonniers.
On ne connaît pas au juste la valeur vénale des propriétés n’en ayant pas l’évaluation en détail ; mais d’après d’exactes données, on peut évaluer le bonnier l’un dans l’autre au prix de 1,500 florins, donc pour le tout des 28,320 bonniers une somme de 42,480,000 de florins
Je ne crains point que la banque donne un démenti à mon calcul, et si elle voulait faire connaître le montant des prix de vente, on y trouvera la preuve que mon calcul est encore au-dessous de la réalité.
Le roi Guillaume, d’un esprit essentiellement calculateur, réalisa aussi une somme importante de ses biens, et à l’aide de complaisants intervenants, dont je tairai ici les noms, quoiqu’on pourrait bien signaler au public qui sont ceux des Belges qui ont aidé dans cette occasion l’avide Guillaume à voler nos antiques domaines.
De l’exposé de ces faits découlent naturellement plusieurs graves questions à résoudre.
1° Les domaines cédés par le roi Guillaume à la banque, estimés à 20 millions de florins et reconnaître plus tard valoir 40 millions, faisant partie de la liste civile, étaient-ils aliénables ? Les intérêts de l’Etat n’ont-ils pas été ainsi annihilés ?
Pourra-t-on, pour résoudre affirmativement le premier paragraphe de cette question, arguer au moyen des termes du dispositif de la loi du 26 août 1822, par lesquels l’acceptation a eu lieu en toute propriété et comme bien patrimonial, et la cession qui en a été faite reconnue l’avoir été au même titre ?
Le nouvel Etat belge ne serait-il pas fondé à opposer à ce raisonnement, et en sa précédente qualité de faisant partie du royaume des Pays-Bas, que la conversion effectuée en immeubles était destinée à représenter entre les mains du roi possesseur, les 500,000 mille florins, complément de la liste civile ; et c’est altérer la constitution annuelle qui fut établie de ce douaire, qu’aliéner les biens dont le revenu remplaçait l’Etat dans le paiement du solde de la liste civile.
La liste civile n’est-elle pas une véritable donation dont le représentatif repose sur les ressources mobilières et immobilières de l’Etat ? N’est-elle pas lors de sa fixation constituée sur ce capital sacré ? et dès l’instant que l’Etat a consenti d’après la loi fondamentale aux modifications qu’elle permettait, n’a-t-il pas entendu qu’il ne serait pas touché aux garanties dont il transmettait la propriété pour concourir avec lui au paiement de la liste civile ?
Le chiffre déterminé par la charte, doit-il perdre de sa base par la vente des biens destinés, en remplacement de l’Etat, à le compléter, et la liste civile n’est-elle pas constituée autant dans son intérêt que dans celui du monarque : c’est-à-dire…
Dans la sauvegarde du monarque qui y voit consacrés au pair de la dette publique les revenus du trésor.
Dans l’intérêt dé la nation qui veut assurer par cette donation la dignité de la couronne.
Dès lors peut-on admettre le droit d’aliénation, et l’expression de bien patrimonial n’équivaut-elle pas, motivée par l’origine et le but de la cession relatées dans la loi, à celle de bien spécial de la couronne ; car différemment ce serait établir que l’Etat a voulu bénévolement capitaliser le sixième de l’aliénation annuelle, fixée pour la liste civile, et le donner de plein débours, au roi Guillaume, tandis que la constitution ne l’oblige qu’au paiement chaque année d’une rente due à la liste civile, et jamais au remboursement calculé du capital, ce qui serait le comble de l’absurde.
2° Par le fait de la déchéance prononcée contre les Nassau, le roi Guillaume n’est-il pas comptable envers le nouvel Etat belge de la partie des domaines à lui cédés par la loi du 26 août 1822 situés dans les ci-devant provinces méridionales ? Ils étaient évidemment consacrés à représenter la moitie des 500,000 fl., complément de la liste civile, au paiement de laquelle, par la cessation du règne de Guillaume, la Belgique n’est plus obligée envers lui.
S’arroger la solution contraire, ne serait-ce pas faire résulter que la Belgique séparée de la Hollande, de dynastie et de territoire, cautionnerait à payer Guillaume déchu du trône, et à ses successeurs après lui, une liste civile de plus de 250 mille florins, qu’en conservant ces biens il touche en effet et au-delà par la double-value ?
3° Les deux questions ci-dessus résolues en faveur du royaume de Belgique, n’y a-t-il pas lieu à son profit à exercer une action en revendication contre la banque, véritable prête-nom, qui a acquis des immeubles d’un vendeur qui n’avait pas qualité pour aliéner ? C’est à l’acheteur à examiner si les titres de son cédant sont valides.
4° Dans le cas de solution favorable de la deuxième question, n’y a-t-il pas lieu à exercer une reprise en restitution du domaine contre le roi Guillaume, lors de la liquidation à effectuer avec lui les arrérages des 500 mille florins annuels qui lui sont payés par la banque n’appartiennent-ils pas à la Belgique depuis septembre 1830 ? N’est-on pas en droit quant au surplus et par provisoire à séquestrer entre les mains de la banque toutes les sommes comptant et à compter au roi Guillaume jusqu’à restitution des domaines vendus ?
Outre ce moyen pour faire annuler l’aliénation qui a été faite de nos domaines, il y en a encore un autre que la commission n’a pas examiné, c’est celui du dol dont Guillaume s’est servi quand il a enlevé ces propriétés nationales ; aucune expertise en régie desdites propriétés n’a été faite, et il a été démontré dans le moment même que la valeur était plus que le triple de celle pour laquelle Guillaume nous les avait enlevés ; la lésion prévue par le code civil, dans la cession de ces biens, est incontestable.
Mais, messieurs, tout en approuvant mes observations, vous pourrez cependant m’objecter que c’est un peu tard pour les faire valoir et qu’il y avait même une espèce d’impossibilité de revenir sur cette cession. Mon but n’est pas de conclure à prendre telle ou telle mesure, il n’a été que de traiter une question, qui, me semble-t-il, n’avait pas été assez approfondie.
D’après mon opinion, il y a longtemps que le gouvernement aurait dû agir, et c’est lui seul qui a les véritables armes en main pour faire entendre raison à cette banque, si elle reste récalcitrante, et si elle ne veut pas, d’accord avec le gouvernement, marcher dans une voie nationale. Les autres moyens comme ceux de la justice ne sont d’après moi que des demi-mesures qui ne sont bonnes que pour traîner les choses en longueur et ne jamais obtenir de solution ; si la banque n’a pas en vue de s’entendre avec le gouvernement, ce sont les moyens des tribunaux qu’elle préférera. Dépenser quelque argent n’est rien pour elle et elle ne sait que trop bien que les avocats savent mettre en pratique la bonne méthode pour faire traîner une affaire et ne jamais la finir.
Cependant, messieurs, jusqu’à présent nous ne savons pas si réellement la banque a refusé d’entrer en accommodement avec le gouvernement et si elle a voulu lui donner tous les éclaircissements dont il pourrait avoir besoin pour terminer le litige, et s’assurer si elle marche dans un sens national et si l’association de Guillaume me serait pas nuisible aux intérêts politiques du pays.
J’aime même d’en douter, car je ne pourrais croire que le gouverneur, qui est un enfant de la révolution, voudrait laisser travailler une société dont il a la direction, contre les intérêts de sa patrie, et tramerait de concert avec le roi déchu, pour la perdre ; jamais je n’ai bien pu croire que la banque de Bruxelles avait fourni des fonds à Guillaume pour faire la guerre contre nous, et que tous les trimestres ou semestres la banque envoyât deux commissaires en Hollande pour s’entendre avec les gens de Guillaume.
Je suis donc d’avis que c’est le gouvernement seul qui peut avec efficacité traiter l’affaire de la banque ; j’émets le vœu que le ministère ne tarde pas à faire des démarches afin de terminer à l’amiable, et si ses relations sont sans succès, alors je l’engage de toutes mes forces à faire usage des moyens qu’il a dans son pouvoir, et qui, d’après moi, sont suffisants pour la terminer et mettre à l’abri les intérêts de la Belgique. Je compte donc sur la sollicitude du ministère dans cette importante affaire, et je me hâte qu’il ne voudra pas rester en retard ; car il doit être persuadé qu’il assumerait toute la responsabilité, et s’il ne peut revenir sur le passé, au moins il pourra prendre des garanties pour l’avenir, en assurant au trésor le remboursement qui doit être effectué en 1849 et les intérêts annuels avec les arrérages que la banque lui doit.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, le peu de temps qui nous reste pour voter le budget des voies et moyens, le budget de la guerre et plusieurs autres lois, opération qui doit avoir lieu avant la fin de l’année, et assez à temps pour que le sénat puisse les discuter et les voter également avant le 1er de janvier, nous place dans une position fâcheuse. Il ne nous reste guère que quatre ou cinq jours pour discuter ces différentes lois ; et, selon moi, cet espace de temps est insuffisant, ce sera encore de confiance que nous voterons le budget de la guerre. Le temps nous manque pour y introduire les améliorations que dans nos opinions nous croyons qu’ils réclament. Il en est de même du budget des voies et moyens.
Depuis trois ans, l’impôt foncier accable la propriété boisée, aussi que les terres arables ; les terres, en un mot, qui produisent les céréales, et plus particulièrement les localités où on ne peut cultiver le lin et autres denrées qui ne sont pas destinées à la nourriture de l’homme. Le bétail est tombé à vil prix depuis un an. Le cultivateur qui en a élevé en quantité, ne peut s’en défaire. Il doit, en étant surchargé et son exploitation ne lui fournissant pas de la nourriture suffisamment par suite du déficit occasionné par la sécheresse de l’été dernier, acheter à des prix très élevés du foin pour les nourrir, ce qui place ces cultivateurs dans une position déplorable,
Depuis deux ans les produits des terres arables donnent au plus les frais de culture et des contributions dans bien des localités, au Hesbaye par exemple ; ce que j’avance ici je pourrais le prouver : nous n’en avons pas le temps, et je dois y renoncer pour que le gouvernement puisse marcher plus régulièrement. C’est ainsi que quand le froment que la Hesbaye produit vaut 20 fr. l’hectolitre, le bonnier de première classe donne annuellement 60 fr. de revenu net ; tandis que lorsque le froment est coté de 13 à 14 fr., le cultivateur n’a que 8 fr. de revenu net par hectare de terre de première classe. Depuis deux ans, 8 fr. est le revenu net des propriétés arables des terres de première classe de la province de Liége, dans la partie de la Hesbaye.
On me répondra peut-être que mes calculs ne sont pas à l’abri de contestations, mais on conteste tout quand on veut contester, mais le temps nous manque pour en administrer la preuve. Si on le désire, je peux en démontrer l’exactitude.
Pour le motif que je viens de déduire, qu’on ménage autant que possible la propriété dans le moment actuel sauf à y revenir quand elle sera dans un état de prospérité.
Faites disparaître les 10 centimes additionnels, si vous pouvez trouver le moyen de faire face à la dépense strictement nécessaire ; diminuez l’impôt sur le sel d’après la loi en projet, et destinée à produire une augmentation de recette, tout en allégeant la classe malheureuse qui consomme du sel en bien plus grande abondance que le riche. Apportez des modifications à la loi sur les bières, particulièrement dans les campagnes, où si le droit était réduit pour les bières de ménage, il en résulterait une augmentation de produit en impôt, vu qu’on en fabriquerait, tandis que le malheureux petit cultivateur et les ouvriers de récoltes sont obligés de boire de l’eau et du genièvre. Augmentez l’impôt sur le genièvre, comme on vous l’a déjà demandé grand nombre de fois.
Ajournez des dépenses qui ne sont pas d’une nécessité urgente, frappez d’impôt les produits étrangers s’il le faut, en un mot faites en sorte de ne pas ruiner votre agriculture, principale industrie de la Belgique et dont presque toutes les autres dépendent, et remarquez que le propriétaire territorial n’est que copropriétaire avec le gouvernement qui retire un tantième du revenu net de la propriété. Vous ne pouvez ruiner l’un sans ruiner l’autre, vu que directement et indirectement les revenus de l’Etat proviennent de la propriété pour environ 13/16.
Nous reviendrons sur ce point, lorsque nous passerons à la discussion des articles, et je vous en conjure, faites en sorte que les propriétaires des provinces appelées à une augmentation dans l’impôt foncier, ne s’aperçoivent pas trop que cette augmentation est le résultat d’une réduction accordée aux Flandres et à la province d’Anvers.
En diminuant l’impôt foncier sur le rapport des centimes additionnels, les Flandres et Anvers seront appelées à une réduction plus forte, et les provinces appelées à une augmentation ne recevront pas une augmentation qui dans le moment n’est pas supportable.
Le taux actuel est non pas du cinquième du revenu, qui est le maximum voulu par le décret de l’assemblée constituante, mais il est environ de 90 a 99 p. c.
Quand nous parviendrons aux articles, je proposerai un amendement.
Méditez, je vous prie, mes observations, qui ne tendent qu’à maintenir la bonne harmonie entre toutes les provinces du royaume.
M. Dechamps. - Messieurs, depuis que le congrès a déclaré que notre système financier devait être révisé dans le plus bref délai possible, tous les ministres du département des finances, et tous les rapporteurs des sections centrales qui ont été chargés d’examiner les budgets des voies et moyens ont manifesté tous les ans le regret de ce que les circonstances avaient empêche le gouvernement de présenter à la législature un projet de loi sur cette matière ; dans l’exposé des motifs du budget des voies et moyens présenté l’année dernière, M. le ministre des finances nous a parlé d’une commission instituée pour la révision de notre système financier, et chargée par le pouvoir royal de présenter les bases d’un nouvel impôt sur le sel ; le ministre des finances nous avait en même temps donné l’espoir que le travail de cette commission serait présenté sans beaucoup de retards à la législature : je ne sais s’il conserve encore cet espoir ; mais, à en juger par un passage d’un discours qu’il prononcé dans une des précédentes séances, j’ai tout lieu d’en douter. Voici en effet dans quel sens a parlé M. le ministre.
Il faut introduire des modifications aux lois financières par le budget des voies et moyens lorsqu’elles sont urgentes, parce qu’on est certain de les obtenir en temps utile, ou dans un temps déterminé, tandis que, si nous présentons des projets de lois spéciaux, comme ils ne seraient pas toujours aussi urgents que d’autres projets dont les chambres seraient déjà saisies, on ne pourra prévoir l’époque de leur adoption.
Il paraît, d’après cette déclaration, que le ministre des finances adopte l’opinion, partagée par plusieurs économistes, ou par plusieurs membres de cette chambre, de laisser les bases actuelles de l’impôt telles qu’elles sont, puisque les contribuables y sont habitués, et de n’y porter que des modifications partielles et successives, par des changements dans le budget des voies et moyens.
Si telle est l’intention du ministre des finances, je crois que la question qui résulte d’une semblable façon d’opérer est assez grave pour qu’on l’examine et la discute attentivement.
Si telle n’est pas son intention, je pense cependant que l’exemple que lui et ses honorables prédécesseurs ont donné en apportant des modifications partielles dans les budgets des voies et moyens, sera suivi par bien des membres de cette assemblée qui ont des amendements à présenter ; il s’en suivrait que le budget finirait par être un assemblage de réformes financières, faites successivement. Suivant moi, ce serait là un inconvénient grave, et c’est pour éviter cet inconvénient qu’au sein de la section centrale j’ai voté le rejet des modifications proposées à l’impôt sur les distilleries et à une partie de l’impôt sur le personnel.
En attendant que la chambre statue sur les divers modes de révision de nos lois financières, je me propose de présenter quelques observations sur les vices les plus saillants qui entachent notre système d’impôts ; je m’attacherai surtout à vous entretenir de ceux qui ont essuyé le plus d’attaques aux états généraux en juillet 1821 et en juin 1822.
Si la chambre adoptait des modifications partielles dans le budget des voies et moyens, je proposerai des amendements pour réformer quelques vices sans changer les bases des impôts actuels. D’abord je parlerai de la contribution personnelle, qui a subi le plus d’attaques lorsqu’elle a été établie en juin 1822 ; la manière dont les quatre premières bases de cet impôt sont fixées a paru dénoter l’esprit qui a présidé la rédaction de cette loi.
Ce sont les experts nommés par la commission instituée par l’article 58 de la loi, qui vicient ces bases ; car, messieurs, ces experts sont payés à tant pour cent du montant de la contribution à laquelle leurs opérations se rattachent, et de plus, ils perçoivent pour chaque base vingt centimes, à acquitter par le contribuable.
Vous voyez, messieurs, que l’esprit de fiscalité ressort de cette loi ; il me paraît immoral de placer ainsi la conscience de ces experts en présence de leur intérêt privé ; il me paraît immoral d’accorder, pour ainsi dire, une prime d’encouragement aux vexations de la fiscalité. Il serait aisé, selon moi, de donner de plus grandes garanties d’impartialité pour le gouvernement et pour le contribuable, en faisant fixer les quatre premières bases de l’impôt personnel contradictoirement par les contribuables, le contrôleur, et par les commissaires répartiteurs de la commune, dont les fonctions sont gratuites.
Ces quatre premières bases pourraient être fixées une fois pour toutes de cette manière. Nous obtiendrions un résultat favorable. Il y aurait de l’économie, puisque les commissaires répartiteurs des communes ne seraient pas rétribués. En second lieu, les mesures vexatoires dont on s’est plaint si vivement aux états-généraux, ne se renouvelleraient plus tous les ans. Ainsi le système que j’ai l’honneur de vous proposer aurait l’avantage d’apporter plus d’impartialité et de justice.
Un autre point qui mériterait une réforme, c’est celui sur lequel un honorable membre a appelé votre attention dans une séance précédente, C’est l’exemption dont jouissent les bâtiments ayant une valeur locative de moins de 20 florins. L’honorable M. Seron vous a démontré combien cette exemption serait injuste ; il vous a prouvé que les classes indigentes, en faveur desquelles elle a été adoptée, n’y participaient pas du tout. Plusieurs orateurs même qui défendaient aux états-généraux les bases de l’impôt personnel se sont élevés contre cette exemption. Je sais que le ministre des finances d’alors a dit que si l’on faisait peser l’impôt personnel sur toutes les habitations, il en résulterait un plus grand nombre de non-valeurs. Par conséquent le trésor public n’y gagnerait rien.
Si cette objection était vraie, elle aurait dû l’être également pour la contribution foncière et pour les autres bases de l’impôt personnel, pour les fenêtres, les foyers, etc.
Il me paraît qu’il n’y a pas plus de raison de dévier de ce principe général que chacun doit contribuer aux charges publiques en raison de ce qu’il possède, de dévier, dis-je, de ce principe quant à la valeur locative, qu’à l’égard de la contribution foncière ou de toute autre base de l’impôt personnel.
Je pense, messieurs, que l’on pourrait réduire les 4 p. c. à 2 p. c., sans que le trésor y perdît rien, parce que l’impôt étant mieux réparti rapporterait davantage. Nous y gagnerions cet avantage que l’impôt serait moins senti.
Un autre vice de notre système financier et qui n’est pas moins révoltant que celui dont je viens de parler, c’est l’exemption accordée sur les foyers qui dépassent le nombre de 12. Ce privilège est plus injuste que l’autre. Il n’a pas le prétexte de favoriser les classes indigentes. Ce sont les classes aisées qui en profitent, et cela au détriment des classes pauvres. Il me semble qu’il serait injuste de faire jouir le riche d’une exemption pour les cheminées qui, dans sa demeure, dépassent le nombre de 12, tandis que l’artisan voit imposer l’unique foyer autour duquel sa famille se réunit. Peut-être pourrait-on apporter des modifications à la cinquième et à la sixième base de l’impôt pour les domestiques et les chevaux. L’on pourrait peut-être revenir aux principes de la loi somptuaire du 3 nivôse an VII.
Je sais bien que cette loi, dans son application, a rencontré beaucoup d’inconvénients ; qu’il est souvent dangereux d’établir un impôt sur le luxe, parce que lorsque l’impôt est trop élevé, l’usage de l’objet imposé diminue et qu’ainsi le trésor n’y gagne rien, tandis que s’il est peu élevé, le trésor ne perçoit rien non plus.
Cependant il me paraît que sans froisser les objets sur lesquels l’impôt serait établi, on pourrait modifier les cinquième et sixième bases d’après les principes du 3 nivôse an VII. Car il me semble toujours injuste que le cheval nécessaire à l’usage d’un particulier paie précisément autant que le cheval attelé au carrosse de l’homme opulent.
L’article 2 de la loi du 28 décembre 1834 avait accordé un dégrèvement aux patentes des bateliers. Ils ont joui dans cette loi d’un douzième du droit de patente pendant l’année pour chaque terme de 30 jours écoulés dans l’inactivité. Cette disposition a été adoptée en faveur des bateliers ; mais je dois dire qu’elle leur a été parfaitement illusoire, parce qu’il arrive très rarement que les bateaux chôment 30 jours consécutifs, Dans notre climat, il y a rarement 30 jours de gelée. Je ferai en outre une remarque, c’est que depuis l’invention des bateaux dragueurs, la navigation des canaux ne se trouve presque jamais interrompue. Ainsi, puisque la faveur accordée aux bateliers est pour ainsi dire illusoire, il serait plus convenable de réduire le droit d'une manière fixe et sans éventualité.
Messieurs, je me rallierai volontiers à une proposition dont vous a parlé l’honorable M. Gendebien, dans une séance précédente, laquelle a rapport à la loi sur les distilleries. Je demanderai que la consommation du genièvre soit restreinte par une augmentation de droits sur cette liqueur, ou bien par une augmentation de patentes pour les débitants, afin d’empêcher les progrès de la consommation d’une boisson qui démoralise les populations des campagnes.
Je finirai par une observation qui se rattache à la question.
En dehors de cette chambre l’on a voulu nous diviser en deux camps, en ce lui regarde notre système financier. Dans l’un, on a voulu placer les partisans de la propriété foncière, et dans l’autre ceux qui voudraient la grever et qui s’opposent à tout impôt sur les accises et sur les denrées coloniales.
Sans entrer dans le fond de la discussion (car je ne pense pas que ce soit sa place et cette discussion pourra avoir lieu lors de la réforme du système financier proposé par le gouvernement), je veux seulement faire remarquer une méprise grossière, dans laquelle on est tombé à cet égard. On a reproché aux partisans du système qui consiste à ne pas imposer plus qu’il ne l’est l’impôt foncier, d’être les héritiers du système hollandais, du système de Van Maanen et d’Appelius, et l’on a soutenu, au contraire, que les défenseurs du système opposé qui consiste à grever l’impôt foncier, en déchargeant les accises et les denrées coloniales, comprenaient seuls la direction que la révolution a voulu donner à notre système d’impôt.
C’est là une erreur que je crois devoir rectifier,
Aux états-généraux, c’était la fraction hollandaise qui défendait la liberté commerciale, tandis que les députés belges étaient unanimes pour adopter le système prohibitif et les mesures qui en sont les corollaires.
Si nous voulions refondre notre système financier d’après les idées des députés belges aux états-généraux, si nous voulions suivre leur réaction qui a été un des éléments de la révolution, nous devrions nous placer parmi les partisans du système favorable à la propriété foncière, et adopter les mesures qui frappent les denrées coloniales et les accises. Mais, messieurs, tous ces systèmes exclusifs sont faux et la propriété foncière aussi bien que tout autre genre d’industrie doit participer aux charges publiques, d’après une balance de justice et d’impartialité.
M. Lejeune. - J’ai à faire une observation qui ne se rapporte qu’indirectement, si vous voulez, au budget des voies et moyens, mais que je recommanderai spécialement à l’attention de M. le ministre des finances,
Il y a une loi qui est sans doute passablement ignorée dans le pays, parce que, en général, elle ne fait, dans mon opinion, ni beaucoup de bien ni beaucoup de mal. Mais cette loi gêne quelques-uns de nos concitoyens, surtout les habitants des communes qui touchent à la Flandre zélandaise ; je veux parler de la loi du 5 octobre 1831, qui prononce inutilement, à mon avis, la prohibition de toute espèce de bois à la sortie. Si l’on parcourt dans la Flandre orientale, notre ligne de frontière, on rencontre dans toutes les fermes, jusqu’à une profondeur de 2 lieues, une énorme quantité de bois de chauffage, dont la vente est devenue presque impossible. La dépréciation de ce bois est tombée jusqu’à la moitié et même au-dessous de leur valeur.
Je demanderai à M. le ministre des finances s’il y a nécessité de laisser subsister cette loi qui prononce la prohibition du bois de chauffage inutilement pour le pays, et qui gêne une partie de nos concitoyens sans que nous en retirions aucun avantage.
M. Duvivier. - Messieurs, au moment où vous allez clôturer la discussion générale du budget des voies et moyens, je crois utile de rectifier une citation faite par un orateur dans une précédente séance. Il a été dit à l’ouverture de cette discussion que le budget, aujourd’hui soumis à la chambre, se balance exactement en voies et moyens et en dépenses. Déjà (c’est dans l’intérêt des travaux antérieurs de la chambre que je fais cette observation), déjà et dès le 14 novembre 1833, j’eus l’honneur de présenter un budget général offrant ces résultats ; en vous présentant ce travail, je m’expliquai ainsi devant la chambre :
« Messieurs, la régularité qui s’introduit chaque jour davantage dans la marche des affaires de l’Etat me permit de soumettre à la chambre, pour la première fois depuis la révolution, et dès l’ouverture de la session, un budget général dont les recettes et les dépenses se balancent, sans qu’il eût été besoin de recourir à d’onéreux moyens. »
En effet, le budget des voies et moyens de 1834 a été voté par la chambre à fr. 84,279,578.
Les dépenses soumises à la chambre (ce n’est pas le chiffre qui a été voté) s’élevaient pour le même exercice, à fr. 84,122,440-97
Il y avait par conséquent un excédant des voies et moyens sur les dépenses de fr. 157,137-13
Ce qui est plus avantageux qu’une balance exacte des dépenses et des voies et moyens.
Mais, dans la discussion du budget des dépenses, le chiffre des dépenses fut réduit de fr. 849,830-65
Nous eûmes par conséquent, au 1er janvier 1834, un boni de fr. 1,006,967-68
Telle était notre situation à l’ouverture de l’exercice 1834. En conséquence, les dépenses d’abord proposées au chiffre de fr. 84,122,440-97 ayant été réduites de (somme à déduire), fr. 849,830-65, le budget définitif des dépenses a été porté à fr. 83,272,610-32. Ce qui est conforme à la situation que je viens d’avoir l’honneur d’indiquer.
- La chambre prononce la clôture de la discussion générale.
M. le président. - Je suppose que la chambre veut discuter en premier lieu les articles du tableau annexé au budget (Adhésion.)
L’article premier du tableau est ainsi conçu :
« Foncier.
« Principal : fr. 15,879,327.
« 5 p. c. additionnel ordinaire d. 2 pour n. val. : fr. 793,966
« 10 p. c. additionnels extraordinaires : fr. 1,587,932.
« Total : fr. 18,261,225. »
M. Eloy de Burdinne vient de déposer une proposition ainsi conçue :
« J’ai l’honneur de proposer de supprimer les 10 c. additionnels extraordinaires à la contribution foncière.
La parole est à M. Eloy de Burdinne pour développer sa proposition.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois que dans la position de l’agriculture, il n’est guère possible de faire payer à la propriété ces 10 centimes additionnels. Car il ne faut pas se faire illusion, la propriété ne donne guère en dessus des frais de culture, au moins dans les localités où, comme j’ai eu l’honneur de le dire, les terrains ne produisent guère autre chose que des céréales. Il est un autre motif qui me paraît très positif sur le rapport de la réduction des 10 centimes additionnels, c’est que, malgré cette réduction, le principal éprouvera une augmentation par suite de la péréquation.
Si on trouve le chiffre de la contribution élevé, on sera d’autant plus porte à se plaindre que vous avez déjà voté une augmentation du chiffre par rapport aux Flandres et à la province d’Anvers. Il pourra en résulter des motifs de pétitions transmises à la chambre de toutes parts. Je crois que sur ce rapport il serait nécessaire d’éviter ces motifs de pétitionner. Au surplus, je crois que M. le ministre des finances trouverait les moyens de récupérer cette réduction qui n’est pas un objet bien extraordinaire, bien supérieur. Il ne s’agit que de 1,587,932 francs. Il récupérera, j’en suis très persuadé, le tout sur un autre produit ; ainsi, par exemple, sur le rapport de la loi sur le sel, quoique tout en réduisant de beaucoup cet impôt, mais par suite des mesures pour en assurer la perception, on pourra trouver une augmentation sur cet objet
Au surplus, j’ajoute que si on ne trouve pas ce moyen, on pourra augmenter les autres produits, car dans tous les cas il est impossible que l’on paie ces centimes extraordinaires, surtout dans les localités dont vous serez obligés d’augmenter les contributions par suite du dégrèvement accordé aux Flandres et à la province d’Anvers. Au surplus, si toutefois le ministre ne trouve pas le moyen de pouvoir récupérer sur autre chose les centimes additionnels montant à 1,587,932 fr., eh bien que l’on réduise, où on le peut, le budget des dépenses ; il y a beaucoup de dépenses qu’on pourrait ajourner. Au surplus, j’ajoute que pour moi, quand j’ai 100 fr., je n’en dépense pas 150. Ainsi, que le gouvernement agisse de même.
Vous ne vous attendez pas à ce que le ministre se rallie à ma proposition. Un ministre des finances tâche d’avoir le plus d’argent qu’il peut ; c’est de l’argent, encore de l’argent, toujours de l’argent, qu’il faut à un ministre des finances. C’est à vous à voir si vous partagez son opinion. Mais dans ce moment je crois qu’il ne faut pas que la propriété soit grevée. N’allez pas surcharger de nouveau la propriété, dans un moment où l’agriculture est dans un dépérissement complet. Au surplus, évitez de ruiner cette agriculture. Car, comme je l’ai dit, en ruinant l’agriculture vous ruinez l’Etat, car l’Etat reçoit son tantième de la propriété. La propriété est commune à celui qui possède et à l’Etat.
- La chambre est consultée sur l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Une première épreuve est douteuse ; l’épreuve est renouvelée ; l’amendement est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il n’y a pas lieu à s’arrêter à la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne tendant à supprimer les 10 c. qui se rattachent au principal de la contribution foncière au même titre que les centimes additionnels des autres contributions. Il n’y aurait aucune bonne raison de faire une distinction à l’égard de cet impôt.
L’honorable membre a dit dans son premier discours que dans beaucoup de localités l’impôt foncier est, relativement au produit net de la culture, de 99 p. c., c’est-à-dire qu’il ne resterait au cultivateur pour ses peines qu’un p. c. Vous sentez qu’une allégation semblable ne doit pas être réfutée, elle se combat d’elle-même. Il est évident, au contraire, que les cultivateurs conservent, après le paiement de l’impôt foncier, les neuf dixièmes environ de leur produit net, et que fermage et frais payés, il leur reste un honnête bénéfice.
Je n’ai point pris la parole dans la discussion générale, parce que j’ai pensé qu’il serait plus utile que je parlasse sur chacun des articles. Ici je vais suivre cette marche en rattachant ce que j’ai à dire sur l’impôt foncier à une observation faite dans la discussion générale relativement à l’impôt personnel dans les campagnes.
Vous avez entendu plusieurs honorables membres réclamer des modifications à l’impôt personnel, afin d’atteindre les habitations rurales sans exception ; ils ont prétendu que les campagnes, par la limite de la valeur locative à 20 florins pour l’application de l’impôt, étaient favorisées au détriment des villes ; en un mot, que tous les citoyens, sauf les indigents, fussent appelés à contribuer dans l’impôt personnel, quelle que puisse être la valeur locative de habitations ; il résulte donc de là qu’en réalité le cultivateur devrait être plus imposé qu’il ne l’est, quant à la personnelle, et nous devons donc bien être éloignés de diminuer encore d’un autre côté les contributions qui lui incombent, aussi longtemps qu’il jouit de l’espèce de privilège que lui procure l’exception de la loi du personnel.
L’honorable M. Eloy de Burdinne dit que l’on n’a qu’à chercher d’autres branches de revenu. Mais je crois qu’alors même qu’on les trouverait (ce qui n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire), il ne faudrait pas encore réduire l’impôt foncier. Je pense avec l’honorable M. F. de Mérode qu’il faudrait alors améliorer la situation du trésor public, combler peu à peu la dette flottante ou exécuter des travaux d’utilité générale qui en définitive enrichissent le pays.
On dit qu’il est des dépenses qu’on pourrait ajourner, et que par suite on serait en position de réduire le budget des voies et moyens ; mais je ne sais quelles dépenses on pourrait ajourner, je n’en vois aucune. S’il s’opère quelque réduction dans le budget des dépenses, ce sera fort peu de chose, et il s’en faudra de beaucoup que ces réductions s’élèvent à la somme de 1,587,000 fr., dont l’honorable député de Waremme propose la suppression dans nos recettes.
Par ces considérations, je pense que l’on ne doit pas admettre l’amendement présenté.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, M. le ministre vous a dit qu’il ne pourrait partager mon opinion, ni admettre mon amendement. Je vous avais prévenus d’avance de l’opinion de M. le ministre. Un ministre ne refuse jamais de l’argent, et il en prend le plus qu’il peut.
M. le ministre vous a dit que les centimes additionnels à la contribution foncière avaient été ramenés au taux des centimes additionnels sur les autres impôts. En cela il a parfaitement raison. Mais je demanderai que M. le ministre veuille me dire si lorsque l’agriculture était dans un état de prospérité, sans que cette prospérité fût cependant extraordinaire, si alors l’on n’a pas imposé la propriété à 40 p. c., tandis que les autres impôts ne payaient que 20 p. c.
Or, je répète, ce que j’ai déjà dit, qu’il reste en revenu net réalisable 1 sur 100 au propriétaire, le cultivateur ayant déduit ses frais de culture. Comme M. le ministre pourrait en douter, je vais le lui prouver.
Si j’appuyais mon opinion des évaluations du cadastre, si je réduisais les chiffres au taux auquel ils doivent être réduit, parce qu’il faut toujours faire la part des exagérations, les résultats de mes calculs seraient encore plus frappants.
Cependant, dans la Hesbaye, le cadastre a calculé le revenu brut d’un hectare de terre de première classe à 16 1/2. En cela, je dois convenir qu’il a été peu exagéré.
Une récolte en froment est considérée comme donnant le revenu de deux années.
Soit, 8 hect. de froment étant le revenu d’une année, qui, vendu à raison de 20 fr. l’hectolitre, prix que l’on doit considérer comme n’étant ni trop élevé pour le consommateur et en rapport avec les intérêts bien entendus des propriétaires ;
Soit, 8 hectolitres de froment, vendu à 20 fr., porte le revenu brut à fr. 160.
A soustraire les frais de culture que je fixe à un taux modéré, et que je porte à une somme ronde, 100
Reste net, 60.
Soixante francs sont donc le revenu net d’un hectare de terre labourable, terre de première classe dans le centre de la Hesbaye, vers Avesnes. Je crois que l’on ne me contestera pas ce calcul, j’ai à ma disposition le moyen d’en administrer la preuve.
Voulez-vous connaître le revenu net d’un hectare de première classe dans les mêmes localités, dans le moment actuel, l’an 1835 par exemple ? Eh bien, la récolte en froment, en 1835, n’a pas donné seize hectolitres de froment par hectare, taux moyen et de bonne qualité, de manière que huit hectolitres de froment est et doit être considéré comme le produit de chaque hectare supérieur à la réalité, mais je l’adopterai pour le motif que tel est le taux moyen adopté.
Je porte donc à huit hectolitres le produit en froment d’un hectare de terre en 1835, qui, vendu à 45 francs taux moyen et qualité moyenne. (Note. Si la rasière de froment surpasse le chiffre de 13 francs sur le marché de Liège, je ferai observer que c’est pour le motif qu’il s’y vend du froment étranger d’un poids supérieur et pour ce motif à un prix plus élevé.)
Soit donc 8 hectolitres de froment vendu à 13 francs donne en revenu brut d’un hectare de terre de première classe. 104 fr.
A soustraire comme ci-devant les frais de culture et de transport au marché des grains, soit 100.
Qui, soustrait du produit brut, reste net 4.
Je dis que, l’an 1835, le revenu d’un hectare de terre de première classe a donné en revenu net quatre francs.
L’hectare de terre première classe paie à l’Etat cinq francs environ plus les centimes additionnels à la province et à la commune,
Plus la répartition pour entretien des chemins vicinaux ; et tout compris on peut fixer qu’un hectare de terre paie un impôt foncier de huit francs et plus, de manière que la propriété paie dans le moment actuel 99 p. c. au moins dans l’impôt foncier.
D’après ce que je viens d’exposer, si M. le ministre doute de l’exactitude du total pour frais de culture et produits, je suis à même de lui administrer la preuve que je n’ai nullement exagéré. Voilà la position véritable de l’agriculture. Elle n’est pas rassurante. Ce n’est pas cependant l’idée que l’on s’en forme. On néglige d’entrer dans les détails. C’est pour ce motif qu’on la croit toujours florissante. Vous voyez bien qu’il n’en est pas ainsi. Prenez donc garde, messieurs, de ruiner l’Etat en ruinant la propriété. Car l’Etat ne vit que de la propriété.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai un seul mot pour prouver l’exagération des assertions de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Je lui demanderai si les fermiers qui paient à raison de 60 francs le bonnier ont continué de payer à leurs propriétaires 60 francs ou 4 francs seulement par hectare. C’est une simple question que je me permets de poser. La réponse de M. Eloy de Burdinne décidera pour ou contre moi. Si les fermiers continuent à payer 60 francs il faut bien qu’ils trouvent le moyen de faire un bénéfice suffisant pour satisfaire aux conditions qui leur ont été imposées par leurs baux. Cette observation que l’on ne pourra réfuter, je le crois, détruit les calculs de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
M. Dubus. - J’ai l’honneur, par sous-amendement à la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne, de proposer à la chambre de réduire les centimes extraordinaires sur la contribution foncière à 5. Ce sont les objections qui ont été opposées à la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne qui m’ont déterminé à présenter mon sous-amendement. En l’adoptant vous ne courez pas le risque de détruire la balance entre le budget des voies et moyens et celui des dépenses.
En effet, le premier suppose tel qu’il est présenté un excédant de 200,000 francs sur le second. Or, si nous consultons les précédentes discussions du budget, nous savons que nous obtiendrons au moins sur le budget des dépenses une diminution de 600,000 francs. La diminution de recette qui résulterait de l’adoption de mon amendement et qui serait portée à 795,960 fr. et ne romprait donc pas l’harmonie entre les recettes et les dépenses.
En second lieu, vous ferez un acte de justice et de bonne politique. Je ne puis m’en référer à cet égard qu’aux développements de M. Eloy de Burdinne. En effet, vous ne pouvez vous dissimuler que l’exécution de la loi de péréquation soulèvera beaucoup de mécontentement dans plusieurs provinces.
Dans les autres pays, en France, par exemple, l’on n’a pu établir la péréquation que par dégrèvement, mais jamais en augmentant des départements favorisés jusque-là dans la répartition de l’impôt. En Hollande également, l’on a été obligé d’en revenir au système de libérer par dégrèvement. Chez nous seulement, le gouvernement a proposé un accroissement de charge pour certaines provinces. Il est au moins juste que l’on fasse disparaître de l’impôt foncier les centimes additionnels et qu’on le réduise à son taux ordinaire.
La proposition de supprimer la totalité des centimes additionnels me paraissant devoir rencontrer trop d’obstacles dans la chambre, j’ai cru devoir ne demander qu’une suppression partielle de 5 centimes pour 1836 ; la suppression des autres cinq centimes aurait lieu en 1837, époque à laquelle les provinces grevées auront un nouveau tiers à payer.
Tels sont les développements que j’avais à donner à la proposition que j’ai l’honneur de faire à la chambre.
M. Eloy de Burdinne. - M. le ministre des finances m’a demandé de lui expliquer comment le cultivateur qui reçoit 4 à 5 francs par hectare en paie 60 à son propriétaire : le fermier qui a contracté une obligation par son bail est obligé de la remplir tant qu’il dure. Il ne peut se dispenser de payer. Avec quoi, me demanderez-vous ? d’abord avec du capital engagé dans son exploitation, intérêt qui doit être réduit du revenu brut conformément à la loi du cadastre que connaît si bien M. le ministre des finances. Il faut déduire encore ce qu’il a mérité pour le soin qu’il donne à la culture des terres. Quand le fermier est dans cette position, il ne fait plus aucune amélioration, il n’achète plus d’engrais. Aussi ses terres deviennent plus mauvaises, il réduit ses frais de culture, et s’il possède en propre quelques parcelles de terre, il les vend, il emprunte de l’argent s’il a du crédit. Dans la période de 1820 à 1827, nous avons vendu dans la Hesbaye des fruits pendant par racines qui n’ont produit que le prix exact du bail, de manière que les frais de culture n’avaient pu être déduits.
Cependant M. le ministre des finances a établi qu’en général il revenait 9/10 cent. au fermier sur son exploitation. Quand un hectare de terre ne produit que 104, le propriétaire peut en recevoir 400, s’il a un bail. Le fermier n’en sera pas moins ruiné. C’est ce qui résulte toujours du bas prix des céréales. Je soutiens donc ce que j’ai eu l’honneur de dire, et je le prouverai quand on voudra.
M. Jadot, rapporteur. - Je répondrai à l’honorable M. Dubus qu’on ne peut réduire d’une somme de 800,000 francs le produit des recettes. S’il y a un excédant sur les dépenses, M. le ministre de la guerre, comme il nous l’a fait pressentir, nous présentera un budget additionnel, aux charges duquel il faudra faire face. De toutes les manières, notre excédant pourra être appliqué à nos besoins éventuels. On ne peut donc admettre l’amendement de M. Dubus.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense avec l’honorable rapporteur de la section centrale que l’on ne peut dans aucun cas diminuer nos recettes. Il y aurait plutôt lieu de chercher à les augmenter afin de pouvoir exécuter de nombreux travaux d’utilité publique réclamés avec tant d’instance par les pétitions qui nous viennent de tous les points du royaume.
Il me reste à examiner une seule observation à l’égard du dégrèvement que l’on demande pour la contribution foncière. C’est celle qu’a présentée l’honorable M. Dubus.
Cet honorable représentant a dit que par suite de la mise à exécution de la péréquation cadastrale, quelques provinces vont supporter une augmentation accablante dans la contribution foncière. Ne perdez pas de vue, messieurs, qu’en vertu de la loi que vous venez de voter, la péréquation générale ne s’opérera que par tiers. Ainsi, pour l’exercice 1836, cette augmentation ne sera pas aussi considérable qu’on veut bien le dire. Elle ne dépassera pas 8 à 10 p. c. au maximum. En effet cela ferait une augmentation totale de 24 à 30 p. c., chiffre auquel elle se trouvera portée en 1838 dans le Hainaut, province qui souffrira le plus du cadastre.
On oublie toujours, messieurs, lorsque l’on parle d’opérer la péréquation cadastrale par dégrèvement, que nous avons déjà dégrevé l’impôt d’une manière assez notable en 1832 et 1833, que le trésor y a perdu plus de 400,000 fr. qu’il n’a pas encore réclamés ; et il croit ne devoir le faire que quand l’impôt foncier pour les provinces du Limbourg et du Luxembourg sera mis au niveau de celui des autres provinces, opération dont le résultat sera loin cependant de compenser les pertes éprouvées par le trésor en 1832 et en 1833.
(Moniteur belge n°358, du 23 décembre 1835) M. Dubus. - D’après ce que vient de vous dire M. le ministre des finances, la péréquation cadastrale n’amènerait cette année qu’une surcharge de 8 p. c. pour le Hainaut. Mais il est impossible de faire mentir les chiffres. Le calcul que j’avais fait présentait pour le Hainaut une augmentation de 33 1/2 p. c. comme résultat de la péréquation totale, au lieu de 24 que supposerait le chiffre de 8 p. c. posé par le ministre pour le tiers de la surcharge. Un de mes honorables collègues député de Mons avait calculé de son côté que la surcharge pour le Hainaut s’élèverait à 31 p. c. Ainsi le tiers pour l’année prochaine, quant au principal, serait déjà de 11 à 12 p. c. Mais si vous considérez que le gouvernement propose 15 centimes additionnels et que ces 15 centimes se prendront sur l’augmentation que va recevoir le principal, vous tirerez la conséquence que ces 11 à 12 p. c. s’élèveront de 13 1/2 à 14 p. c.
C’est une augmentation très sensible dans un moment où l’agriculture souffre, et souffre particulièrement du bas prix des céréales. Je dis que cette augmentation pèse principalement sur l’agriculture. Je regarde pour l’année prochaine, et pour le années qui suivront, le propriétaire foncier comme à peu près désintéressé. Les clauses de tous les baux mettent les éventualités d’augmentation d’impôt à la charge des fermiers. C’est donc sur le fermier, sur le cultivateur que va peser cette augmentation, et elle continuera à peser sur lui jusqu’au renouvellement des baux. Ainsi, c’est surtout dans les commencements de la péréquation que vous devez tempérer la surcharge qui en résulte, par des mesures d’équité telles que celle que j’ai eu l’honneur de recommander à la chambre. De cette manière vous diminuerez les effets fâcheux que la loi de péréquation doit avoir sur l’agriculture dans les provinces qui vont être surchargées.
Messieurs, je m’étais fondé en second lieu sur ce que l’amendement que je propose ne romprait pas la balance entre les recettes et les dépenses. L’honorable rapporteur a répondu en disant que vraisemblablement le ministre de la guerre aurait un budget supplémentaire à nous présenter, qui augmenterait la dépense telle qu’elle sera votée par la chambre.
Messieurs, il y a des raisons de croire qu’il n’y aura pas de budget supplémentaire présenté par le ministre de la guerre, Je pense bien que le ministre, d’après la manière dont son budget avait été calculé, aurait eu un supplément à demander ultérieurement, si la section centrale du budget de la guerre n’avait pas comblé la lacune qui existait relativement aux cantonnements. Mais cette lacune a été comblée, et la proposition de la section centrale, malgré quelques économies introduites sur quelques articles, présente, à 50 mille francs près, le même chiffre que le gouvernement ; ce budget supplémentaire est donc tout dressé, et le chiffre des dépenses ne sera pas augmenté en définitive.
Vous pouvez donc, comme je le disais tout à l’heure, sans craindre de rompre la balance entre les recettes et les dépenses, accorder cette réduction de 5 centimes sur les centimes additionnels extraordinaires. Et je crois qu’au budget prochain, vous n’hésiterez pas à accorder la réduction des autres 5 centimes additionnels extraordinaires, Il ne me paraît pas que la péréquation puisse s’opérer sans cette réduction.
M. A. Rodenbach. - Je ne pense pas que nous puissions diminuer l’impôt foncier en ce moment. Il y a une foule d’autres impôts, entre autres la contribution personnelle et celle des portes et fenêtres, qui sont beaucoup plus lourds que l’impôt foncier. Vous savez que dans les villes, indépendamment de la contribution personnelle, il y a des droits d’octroi qui sont excessifs. Si une réduction était possible, c’est plutôt sur ces contributions qu’on devrait la faire porter que sur l’impôt foncier.
Je répondrai quelques mots à ce que vient de vous dire M. Eloy. Il a prétendu que dans la Hesbaye il était impossible que les agriculteurs y revinssent. Je lui demanderai pourquoi, si tous les agriculteurs doivent se ruiner, quand il y a une ferme vacante, il se trouve 20 ou 30 personnes qui la sollicitent. Il n’est pas naturel qu’on coure après sa ruine.
Cependant je tiens de plusieurs collègues du pays de l’honorable membre, que quand dans ce pays une ferme est vacante, on se la dispute. Il est impossible dès lors que les calculs que nous a présentés M. Eloy soient exacts, car s’ils l’étaient, il n’y aurait plus d’agriculture dans la Hesbaye. Je serais bien aise de voir ce qu’il pourra répondre à mon observation.
M. Rogier. - Messieurs, les tableaux de développement produits par le ministre des finances à l’appui du budget des voies et moyens, présentent des détails intéressants sur divers impôts. Relativement à la contribution foncière, je crois qu’il eût été utile de donner des renseignements plus développés, et de diviser le contingent de chaque province en deux catégories, d’indiquer la quotité payée par les villes et celle payée par les campagnes. Je pense que cette division eût pu rectifier les idées de quelques honorables membres sur la quotité payée par la propriété foncière dans les campagnes, qu’ils croient exagérée. Je demanderai donc que pour l’année prochaine on nous fisse connaître ces deux catégories d’impôt.
J’aurais désiré connaître aussi le chiffre de l’impôt personnel dans les villes et dans les campagnes. Je crois que là encore il y a une grande disproportion, et que les villes sont surchargées relativement aux communes rurales. J’espère que pour l’année prochaine M. le ministre voudra bien nous fournir ces renseignements, que je crois de nature aussi à rectifier les idées de certains membres qui pensent que les campagnes sont surchargées.
Quant à moi, je ne fais pas de distinction entre ces deux intérêts. Nous devons éprouver pour l’un et pour l’autre une égale sympathie, et nous devons à l’un et à l’autre une égale protection. Cependant, comme on est encore revenu sur les surcharges dont l’agriculture a eu à souffrir depuis la révolution, je dois encore une fois rappeler ce qu’on a fait pour elle pour démontrer l’inexactitude des assertions que vous venez d’entendre.
L’agriculture, dont je suis aussi chaud partisan que qui que ce soit, a subi beaucoup de dégrèvements depuis la révolution. Plusieurs lois ont été faites en vue de la favoriser.
Je rappellerai l'abolition de l’impôt mouture, l’abolition du droit d’abattage ; je rappellerai qu’on lui a donné une loi sur les céréales, une loi sur les distilleries ; que, toujours en vue de protéger l’agriculture, on vient de faire une loi contre la concurrence du bétail étranger ; qu’on a modifié en beaucoup de points la loi sur les barrières, dans l’intérêt de l’agriculture. On a de plus supprimé tous les droits d’accises sur les vins indigènes. On a ensuite doté l’agriculture de routes de toute espèce, auxquelles on consacre près d’un million par an.
Voilà, messieurs, les avantages qu’a reçus l’agriculture ou qu’on a voulu lui donner. Je serai toujours prêt à appuyer les mesures qu’on proposera en sa faveur quand je les croirai justes ; mais qu’on ne vienne pas dire qu’on ne fait rien pour elle. Qu’on jette un regard en arrière, et on verra qu’il ne s’est point passé d’année où on n’ait adopté des mesures dans son intérêt, et qu’on a diminué de plusieurs chefs les impôts qui portent sur elle.
Messieurs, je crois aussi qu’il serait avantageux de supprimer 5 c. additionnels sur l’impôt foncier. Mais remarquez-le, cette décharge viendrait surtout en faveur des villes qui par suite de la péréquation cantonale se trouvent surchargées cette année, à tel point que plusieurs ont réclamé.
Dans la ville d’Anvers notamment, beaucoup de propriétaires qui payaient 50, par suite de la péréquation cadastrale vont payer 150, tandis que dans les campagnes une diminution se fera sentir dans la même proportion ; que là où on payait 75, l’on ne paiera plus que 25. C’est une justice distributive contre laquelle les villes ont voulu protester ; mais on n’a pas appuyé leurs démarches, parce qu’on a cru qu’il était temps de faire cesser une injustice qui existait depuis nombre d’années.
Si nous étions en position de diminuer 5 centimes extraordinaires sur l’impôt foncier, la réduction se ferait principalement sentir dans les villes qui ont éprouvé une surcharge immédiate assez considérable. Je pense qu’il en est de même dans les autres provinces que dans la province d’Anvers. Je pense que Bruges et Ostende ont réclamé. A Ostende l’impôt foncier est triplé.
Mais la situation du trésor ne permet pas de faire ces dégrèvements, car le trésor présente un découvert considérable, sans que les voies et moyens présentent un excédant équivalent. On fait bien balancer les recettes et les dépenses, mais on compte à tort parmi les recettes une ressource qui n’en est pas une en réalité.
On compte comme recettes les bons du trésor ; mais les bons du trésor, quand ils ne trouvent pas de compensation dans les revenus de l’Etat, ne sont qu’un emprunt, un emprunt déguisé, si vous voulez, mais c’est un dépôt dans le trésor.
Il serait facile de supprimer tous les impôts et de les remplacer par cette ressource qui ne repose sur rien, par des bons du trésor, tant qu’on trouverait à les placer, mais un pareil système conduirait l’Etat à sa perte.
Il ne faut donc pas grever la propriété foncière légèrement et sans réflexion. D’ailleurs, les centimes additionnels qui existent maintenant sur la contribution foncière, comparés à ceux qui pèsent sur l’impôt des patentes et l’impôt personnel, sont à un taux raisonnable, modéré ; et malgré mon désir de faire éprouver un dégrèvement aux villes, je ne puis appuyer la proposition qui vous est faite.
M. le président. - M. Eloy a demandé la parole ; comme il l’a déjà eue deux fois, le règlement me fait un devoir de consulter la chambre avant de la lui donner une troisième fois.
- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, la parole est à M. Eloy de Burdinne.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, l’honorable préopinant vous a dit que la révolution nous avait débarrassés de la mouture, et il considère que l’anéantissement de cet impôt est un avantage pour l’agriculture. Je dirai que sans doute l’agriculture a profité, comme toute la nation, de l’abolition de la mouture ; mais je dirai que ce n’est pas la révolution qui a anéanti cet impôt, il était anéanti lors de la révolution, et dans le moment de la révolution on était occupé, pour remplacer la mouture, d’un projet de loi tendant à imposer les denrées coloniales.
Sur le rapport de l’abattage, je dirai avec lui que la révolution l’a anéanti.
Mais je ferai observer qu’il pesait peu sur l’agriculture en ce que l’agriculture ne mange pas de viande ; ce sont les habitants des villes qui ont profité de cela. Quant aux distilleries, je regrette qu’on ait adopté cette loi en vue de protéger l’agriculture : il n’est pas exact de dire que l’agriculture en ait profité : cette loi a profité à l’immoralité et au désordre, mais non à l’agriculture. On a fait valoir qu’on avait fait disparaître les droits d’accises sur les vins du pays. Pour quelques hectares qui sont employés à la culture des vins indigènes, je demande ce que l’anéantissement de cet accise a produit à l’agriculture ?
- Un membre. - 100,000 fr.
M. Eloy de Burdinne. - C’est une plaisanterie.
Le même orateur a dit qu’on avait doté la propriété de routes. Sans doute les routes sont indispensables à la propriété, mais la propriété les avait bien payées ces routes ; c’est une restitution qu’on lui fait, puisque les localités où les nouvelles routes ont été faites ont payé les routes qui ont été faites ailleurs.
Je pense donc, sur le rapport des avantages que l’agriculture aurait reçus, avoir démontré qu’il est dans l’erreur. Les propriétaires ont profité de la révolution sur le rapport de l’effet moral, mais non sur le rapport du matériel. En effet, qu’a fait la propriété ? Elle a payé les emprunts, elle a payé 40 centimes additionnels. Voila les avantages matériels que la révolution a donnés à la propriété. La propriété ne s’en est pas plainte ; la propriété sait faire les sacrifices que le pays exige, mais il est temps de s’arrêter, et dans la position où elle se trouve, il faut lui apporter les secours convenables.
M. Dubus. - L’honorable député du Hainaut$, dans la discussion de l’amendement et du sous-amendement proposé au premier chiffre du tableau, a témoigné le désir de connaître combien dans ce chiffre payaient les villes, et combien payaient les campagnes. Je crois que nous n’avons pas besoin d’avoir ces renseignements pour apprécier l’amendement et le sous-amendement en discussion. Mon opinion est que l’adoption du sous-amendement que j’ai présenté, est aussi juste pour les villes que pour les campagnes.
A la vérité, dans les villes, l’impôt est payé plus généralement sur le propriétaire, de sorte que l’augmentation résultant de la péréquation pèsera sur le propriétaire foncier. Mais là les propriétaires fonciers sont réellement la classe moyenne et non la classe des riches propriétaires.
On voit rarement dans les villes des propriétaires d’un grand nombre de maisons, comme on voit dans les campagnes des propriétaires d’une grande quantité de terres. On voit plus généralement un habitant être propriétaire de sa maison. C’est donc sur le propriétaire et surtout sur le petit propriétaire que pèsera l’impôt dans les villes.
L’honorable membre a fait valoir une considération qui pourrait exercer quelque influence sur l’esprit de plusieurs d’entre vous : c’est qu’indépendamment de la péréquation de province à province, il y a une péréquation de canton à canton et de commune à commune, etc., et que les résultats de ces péréquations seront très onéreux pour certaines villes ; mais je ferai observer qu’ils seront très onéreux aussi pour certaines communes rurales et même pour certains cantons tout entiers.
Cela ne rendra la péréquation générale que plus blessante dans ces cantons et ces communes, ce qui me parait être une raison pour adopter l’amendement plutôt que pour le rejeter. Pour ces villes, ces communes, ces cantons, l’augmentation, quant au principal même de l’impôt, au lieu d’être de 12 p. c., comme je le pensais, sera, selon l’honorable préopinant lui-même, de 100 p. c. et même au-delà ; est-ce le cas d’aggraver leur position en ajoutant au principal des centimes additionnels ? Il me paraît qu’on devrait tirer une conséquence contraire à la conclusion de l’honorable membre, et supprimer les centimes extraordinaires, pour diminuer la surcharge qui va peser sur les propriétaires de ces villes, de ces communes, de ces cantons.
L’honorable préopinant a fait valoir les avantages accordés à l’agriculture par les lois votées depuis la révolution. Parmi ces avantages, il compte l’abolition de l’impôt mouture.
Je ferai observer que l’abolition de l’impôt mouture remonte à une date antérieure à la révolution. Par là, après tout, on améliore la condition du consommateur, mais non du propriétaire foncier et de l’agriculture.
Quant aux autres prétendus avantages qu’il a signalés, ils signifient peu auprès de la mesure que vous avez prise pour la péréquation cadastrale.
Le même orateur auquel je réponds a terminé par une considération tirée du découvert du trésor, représenté par une émission de bons du trésor qui s’élèvent à plus de 20 millions. Je vois, en effet, qu’un article de la loi des voies et moyens propose de maintenir la circulation de bons du trésor pour une somme de 26,490,000 fr. Mais il me paraît qu’il n’est pas exact d’appeler cela déficit. Car une partie notable de cette somme a été et est encore employée pour les dépenses que nécessite la construction du chemin de fer. Je ne crois pas que l’honorable préopinant veuille considérer les sommes employées à la construction du chemin de fer comme formant déficit.
Il a toujours pense que le chemin de fer paierait au-delà de ce qu’il coûte, qu’il présenterait un excédant, un bénéfice pour le trésor.
M. Rogier. - C’est ce qu’il fait !
M. Dubus. - On dit, c’est ce qu’il fait : je ne pense pas qu’on puisse établir un jugement certain sur une expérience faite sur un simple rayon de Bruxelles à Malines, où le principal produit a été obtenu en exploitant la curiosité des habitants du pays et de l’étranger pour parcourir le chemin de fer. Mais je répète que je désire beaucoup que la dépense présente un bénéfice. Mais s’il en est ainsi, il ne faut pas présenter comme un déficit les 20 millions résultant de l’émission de bons du trésor. Si le chemin de fer, comme l’honorable membre en a la conviction, présente un bénéfice, ce bénéfice viendra diminuer d’autant le découvert du trésor, et rien de ce que ce chemin aura coûté ne viendra former déficit.
Je répète, en terminant, que je me suis principalement appuyé sur cette considération, qu’en adoptant la réduction de cinq centimes additionnels, vous ne romprez pas la balance entre les recettes et les dépenses ; vous ne péjorez pas la position du trésor.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je viens combattre la proposition qui vous est faite de réduire les centimes additionnels sur la contribution foncière. Tous les motifs me semblent se réunir pour faire rejeter cette proposition. On a prétendu que vous pouviez opérer la réduction, sans rompre l’équilibre entre les dépenses et les recettes ; cette assertion n’est pas prouvée. L’on sait qu’il n’y a pas de recette imprévue à espérer, tandis qu’il y a toujours des dépenses imprévues dans le courant d’un exercice. Il est donc d’une sage comptabilité d’avoir un excédant de recette sur les dépenses présumées.
J’ajouterai que si l’on est assez heureux pour avoir un excédant de recette sur les dépenses au bout de l’année, il pourrait servir à diminuer d’autant la dette arriérée, à combler le déficit existant. D’ailleurs, il se présente un emploi excellent à faire de l’excédant de recette : ce serait de l’appliquer à la construction des routes, construction qui est si vivement désirée dans le pays, et dont la chambre a si souvent manifesté le désir.
Un second motif, pour écarter l’amendement, se trouve dans l’équilibre qu’il faut maintenir entre tous les citoyens pour les impôts. Il n’y a pas de raison pour diminuer la contribution foncière au détriment des autres contributions.
L’année dernière, le gouvernement a insisté pour que la contribution foncière ne fût pas plus grevée que les autres propriétés quand il s’est agi des 10 centimes additionnels ; eh bien, aujourd’hui le gouvernement doit insister pour que la contribution foncière ne soit pas dégrevée aux dépens des autres contribuables.
Si cette année vous diminuiez la contribution foncière des centimes additionnels, que ferez-vous en 1839 et en 1838 ? On proposera donc dégrèvement sur dégrèvement ? Alors, on sera conduit à des déficits considérables.
Il ne faut pas perdre de vue que la surcharge résultant de la péréquation cadastrale ne sera pas considérable en 1836 ; le tiers de cette péréquation ne sera pas grandement senti, car l’année dernière on a payé 10 centimes additionnels ; de plus, on a mis en application la péréquation cantonale, et cette péréquation a produit une secousse plus grande que celle que produira la péréquation de province à province.
Il n’y a aucune raison pour admettre l’amendement, tandis qu’il y a plusieurs raisons pour le rejeter.
M. F. de Mérode. - Messieurs, s’il y avait moyen d’établir des contributions sur les terres et les châteaux en Espagne qu’on attribue à certaines personnes dans quelques journaux je consentirais au dégrèvement proposé par M. Eloy de Burdinne. Par exemple, si vous pouviez imposer les 52 fermes et les 20 châteaux que ces journaux m’ont accordés, ce serait déjà une ressource. Malheureusement, les recouvrements sur la fumée sont impossibles. Je pense donc que, dans l’intérêt de la propriété réelle, il faut maintenir nos voies et moyens au niveau des dépenses, et même au-delà pour rembourser la dette flottante.
M. le président. - La discussion est close.
M. Eloy de Burdinne. - Je me rallie à l’amendement de M. Dubus.
- L’amendement de M. Dubus n’est pas adopté.
L’article est adopté.
« Personnel, en totalité : fr. 8,211,526. »
- Ce chiffre est adopté.
« Patentes, en totalité : fr. 2,570,000. »
M. Gendebien. - J’ai fait remarquer l’année dernière que, tout en ayant l’air de diminuer les patentes, on les laisse toujours au même taux : on retranche du principal 25 centimes ; on en ajoute 26, plus 10 centimes extraordinaires. Ne serait-il pas plus convenable de rétablir le principal de la patente à la somme qui est portée pour les 3/4 du principal ? C’est un mensonge que de réduire d’un côté et d’augmenter de l’autre. On m’a dit l’année dernière qu’il était trop tard pour diminuer l’impôt de la patente ; on me dira aussi cette année qu’il est trop tard.
Quoiqu’il est soit, mettez donc dans la loi que la patente sera payée intégralement, et l’on saura que l’on n’est pas diminué d’un quart. Je crois qu’il faut dire les choses comme elles sont.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On a réduit le chiffre du principal des patentes aux 3/4 lorsque dans les temps l’on a préjugé qu’en modifiant un jour cet impôt on pourrait réduire le taux de chaque patente. Nous avons laisse subsister ce qui avait été décidé par les chambres, afin de conserver des traces de la pensée de la législature. Le calcul qui en résulte est assez bizarre, mais je viens de vous en exposer le motif ; ce calcul n’entraîne d’ailleurs aucun inconvénient pour la perception.
Toutefois je ne verrais pas d’inconvénient à ce qu’on remît dans la loi le principal entier des patentes, plus quatre centimes additionnels, ce qui amènerait la même somme à très peu de chose près.
M. Jullien. - Je conçois très bien les motifs qui ont déterminé le ministre des finances à laisser le chiffre concernant les patentes. Il vous a dit que c’était en attendant que la loi sur les patentes fût présentée ; et, en effet, dans les sessions qui se sont succédé, on a toujours entendu des réclamations relativement aux patentes ; et toutes les années, on a promis de changer le système de législation sur cet objet. J’ai fait remarquer combien il était vicieux de laisser aux agents du fic la faculté d’augmenter ou d’abaisser la patente : ce mode a excité les plus vives réclamations : chaque année des promesses ont été faites pour remédier à ces inconvénients, et cependant aucun remède n’a été apporté. Cette année on nous fera sans doute les mêmes promesses, et nous n’en obtiendrons pas davantage. Quoi qu’il en soit, j’appellerai l’attention du gouvernement et du ministre des finances en particulier sur cet objet.
M. Jadot, rapporteur. - Dans aucune des sections de la chambre on n’a fait de réclamations contre la somme portée au budget des voies et moyens, relativement aux patentes. Une seule section a demandé la diminution des 10 centimes additionnels mais la section centrale, à l’unanimité, a rejeté cette proposition.
M. Gendebien. - Je demanderai au ministre des finances quand il espère présenter à la chambre un projet portant des modifications à la législation sur les patentes, et si on s’occupe d’un tel projet.
Je ne comprends pas comment on pourrait persister dans le système actuel car il est, en réalité, une espèce de pénalité contre ceux qui travaillent. Ce sont les hommes laborieux et industriels qui sont frappés, et on les frappe sans s’inquiéter si l’industriel aura du succès dans ses entreprises.
Il y a tel commerçant qui se ruine ; son travail a cependant contribué à enrichir l’Etat, et on ne l’en fait pas moins payer patente. C’est l’oisiveté que l’on devrait imposer, c’est à elle qu’on devrait demander une indemnité pour le tort qu’elle fait à la société en consommant toujours, sans jamais rien produire. Notre législation est en sens inverse de la raison et de la civilisation. Par exemple, ne devriez-vous pas commencer par imposer les célibataires ? Je ne sais pas pourquoi on ne s’est pas occupé de cette classe qui, en général, supporte peu de charges On laisse le célibataire qui vit très bien, soit de son traitement, soit de sa fortune, on le laisse, dis-je, en paix ; et on fait payer des patentes à de malheureux pères de famille qui emploient souvent leur intelligence, leurs travaux et leur avoir dans des entreprises qui les ruinent.
Je demande si ce n’est pas là un contresens en civilisation, J’invite très sérieusement M. le ministre des finances… (On rit.) Messieurs, ce n’est pas une mauvaise plaisanterie, je parle très sérieusement, J’invite M. le ministre des finances à rechercher les moyens d’attaquer le célibat.
Si l’impôt doit être pris sur le superflu, il y a davantage de superflu dans la bourse du célibataire que dans celle du chef de famille. Un célibataire qui a dix mille livres de rente est moins imposé que le père de famille ayant le même revenu ; et cependant c’est ce dernier qui paie au trésor, tandis que le premier contribue beaucoup moins et souvent pas du tout aux charges publiques.
M. F. de Mérode. - Si on veut imposer les célibataires, il faudra faire des distinctions ; il faudra dire si l’on imposera le célibataire mâle et le célibataire femelle. Il faudra dire aussi si l’on imposera les conjoints qui n’ont pas d’enfants. Car ceux-ci, en réunissant leur fortune, sont encore plus heureux que les célibataires. (On rit.) Je demanderai à M. Gendebien s’il faut imposer ces personnes, et dans quelle proportion on les fera contribuer. (Hilarité générale.)
M. Gendebien. - Il paraît que M. de Mérode a pris la chose gaiement, et je l’en félicite, puisqu’il a occasionné un moment de gaîté dans la chambre. Il est en possession de faire rire, et je l’en félicite. Oui, M. de Mérode, en attaquant le célibat, on peut aussi attaquer les conjoints sans enfants. Il est certain que les citoyens doivent contribuer aux charges publiques en raison de leurs moyens ; et il n’est pas moins certain qu’un célibataire ou des conjoints sans enfants, ayant 10,000 livres de rente, ont beaucoup plus d’aisance qu’un père de famille qui a le même revenu. Que M. de Mérode fasse une grosse plaisanterie de ces considérations, à la bonne heure, puisqu’il a fait rire : toutefois je le défie de combattre et de renverser la base que j’ai établie.
M. Dubus. - J’aurais voulu que la proposition de M. Gendebien eût été formelle. Par la manière dont nous établissons l’impôt des patentes, nous obligeons l’administration à faire des calculs inutiles, calculs qui donnent un travail immense. Il faut qu’on établisse l’impôt des patentes en principal. Comment opérez-vous maintenant ? Vous retranchez 25 p. c. sur la patente ; ensuite vous ajoutez 26 p. c., et sur ce dernier résultat vous ajoutez encore 10 p. c. ; voyez quel travail vous faites, et par là vous arrivez à un droit de patente égal à 103-95 ou 104.
Il me semble plus raisonnable de voter l’impôt en principal et de dire quelle est l’augmentation. C’est déjà un grand avantage que d’éviter de nombreux calculs. Mais je crois de plus qu’il ne faudrait que voter le principal et supprimer tous les centimes additionnels. On a dit que l’on aimait à maintenir au tableau les traces de la réduction sur le principal des patentes, afin de conserver aux patentables la perspective qu’on leur a donné d’un dégrèvement : mais ce dégrèvement, quels que soient les chiffres, sera toujours facile à opérer, et en conservant le principal, on pourra, selon les occurrences, le réduire aux neuf dixièmes, huit dixièmes.
Je proposerai un amendement qui aura pour but de mettre le chiffre principal au budget, et de supprimer les centimes additionnels.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le préopinant est tout à fait dans l’erreur en pensant qu’il ne s’agit ici que d’une simple position de chiffres ; ce qu’il propose tendrait à établir à perpétuité une diminution de 125,979 fr. sur l’impôt des patentes. Pour le prouver, je dois vous rappeler les faits tels qu’ils se sont passés.
Avant que l’on eût opéré la diminution d’un quart sur les patentes, la somme des patentes était de 2,472,244 fr. L’année suivante on proposa 26 centimes additionnels sur les 3/4 des patentes. Ces 26 centimes additionnels ne firent que la somme de 2,336,265 fr. Ainsi, il y eut une diminution de 135,979 fr. On avait proposé de rétablir les patentes à leur taux primitif, de manière que cet impôt produisit une somme de 2,472,244 fr.
L’honorable M. Verdussen s’est opposé à ce rétablissement, en faisant ressortir que les patentables ne se trouvaient plus dans une position aussi favorable. Toutefois, la réduction n’était toujours considérée que comme temporaire. Mais si vous adoptez l’amendement de M. Dubus, vous considérez comme définitive une réduction qui, je le répète, n’a été admise que comme temporaire, et doit essentiellement être considérée comme telle. Je pense que vous ne pouvez sous aucun prétexte admettre cette proposition.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On a parlé de la difficulté des calculs, pour vous faire admettre un changement à l’article qui nous occupe. Mais on sait qu’il n’y a aucune espèce de difficulté dans le calcul du taux des patentes. Il existe des formules qui s’appliquent facilement au système en vigueur. Et ce qui le prouve, c’est que l’administration qui, s’il y avait des difficultés, serait la première à s’en plaindre, demande au contraire que l’on continue de procéder comme par le passé.
Si vous adoptiez l’amendement de l’honorable M. Dubus, la réduction qui en résulterait serait plus forte qu’il ne l’a dit, car aujourd’hui la somme des patentes représente, avec les additionnels, le principal en entier, plus 4 centimes additionnels à très peu de chose près ; voici comment je le prouve :
3/4 du principal représenté par 75
26 p.c. additionnels sur ces 3/4 donnent 19-50
Soit, 94-50
10 p. c. ajoutés ce résultat, 9-45
Taux réel avec les additionnels, 103-95.
Par conséquent, en rétablissant le taux des patentes au principe entier, il faudrait y ajouter 4 centimes additionnels, ce qui apporterait une très légère augmentation au profit du trésor ; tandis que le calcul de M. Dubus, consistant à rétablir le principal en entier sans additionnels, ferait perdue 4 p. c. à peu près, ce qui serait trop sensible.
Pourquoi d’ailleurs tant s’apitoyer sur la question des patentes, alors qu’il ne s’élève de ce chef aucune réclamation ; jamais en effet il ne vous arrive de pétitions contre l’élévation de cet impôt, qui est en effet très modéré. Nous avons en Belgique à peu près 300,000 patentes, d’où résulte que la moyenne de ces patentes, centimes additionnels compris, ne s’élève pas à 9 fr. Il y a des patentes de 50 cents, 60 cents, 1 fl. 50 cents. C’est là le taux le plus ordinaire. Je vous demande s’il est trop élevé, et s’il y a lieu d’après cela d’admettre une réduction sur cet impôt.
Je ne pense donc pas que la chambre doive admettre la proposition de l’honorable M. Dubus. Il en résulterait une nouvelle diminution sur celle déjà assez considérable qui a été opérée depuis 1830 et que vous a indiquée tout à l’heure M. le ministre de l’intérieur : ce n’est certes pas le moment maintenant de diminuer ainsi nos recettes sans aucun motif plausible.
M. Devaux. - Il me semble que la proposition de l’honorable M. Dubus est plus défavorable aux patentables que l’état de choses qui existe aujourd’hui ; car elle tend à faire considérer comme impôt ordinaire 10 centimes d’impôt extraordinaire dont les patentables, dans l’état de choses actuel, ont droit d’espérer le dégrèvement le jour où la situation du trésor permettra de supprimer les 10 centimes additionnels aux autres contributions. Mais si vous confondez ces centimes extraordinaires avec l’impôt ordinaire, quand on dégrèvera les autres branches d’impôt de leurs centimes extraordinaires, comme il n’y aura pas de centimes extraordinaires à déduire de l’impôt des patentes, cet impôt ne recevrait aucun dégrèvement. Je pense donc qu’il est plus avantageux de conserver ce qui existe aujourd’hui.
M. Dubus. - Quand j’ai proposé l’amendement en discussion, c’était dans la pensée de rendre meilleure la position des patentables. Mais de la manière dont les ministres ont compris ma proposition, au lieu d’une diminution, il y aurait une légère augmentation pour les patentables.
Il est certain que si la chambre ne devait admettre la proposition de réunir l’extraordinaire au principal qu’en ajoutant 4 centimes additionnels, je serais le premier à voter contre cette proposition.
M. d'Hoffschmidt. - Je crois que nous ne devons pas adopter l’amendement de M. Dubus, parce que cet amendement tend à diminuer les recettes d’environ cent mille francs sans pour cela améliorer le sort des patentables, car, messieurs, la diminution proposée ne sera que de quelques centimes pour chacun d’eux et surtout pour les petits contribuables, pour lesquels un tel dégrèvement serait imperceptible. S’il s’agissait d’apporter une amélioration au sort des patentables je me rangerais volontiers de l’avis de M. Dubus, si l’on voulait abolir ou diminuer la patente des ouvriers pauvres, tels que savetiers, etc., auxquels l’on fait payer mal à propos selon moi un impôt qu’ils doivent tirer du fruit de leurs sueurs ; mais je ne puis adopter une diminution générale dont profiteraient surtout nos gros négociants, qui ne sont pas trop imposés. Si M. Dubus avait ajouté 4 centimes additionnels au principal tel qu’il l’a établi, j’eusse voté pour son amendement.
M. Dubus retire son amendement.
- L’article « patentes » est adopté conforme au projet, ainsi conçu :
« Patentes.
« Principal réduit aux 3/4 : fr. 1,854,258.
« 26 centimes additionnels : fr. 482,107.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 233,635.
« Ensemble : fr. 2,570,000. »
- L’article « redevances sur les mines » est adopté sans discussion ; il est ainsi conçu :
« Redevances sur les mines
« Principal : fr. 80,000.
« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 8,000.
« 5 centimes sur les deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 4,400.
« Ensemble : fr. 92,400. »
- La chambre passe à la discussion de l’article « douanes » ainsi conçu :
« Douanes
« Droits d’entrée (13 centimes additionnels), fr. 7,000,000.
« Droits de sortie (idem) : fr. 520,000
« Droits de transit (idem) : fr. 110,000.
« Droits de tonnage (idem) : fr. 35,000.
« Ensemble : fr. 8,000,000. »
M. Verdussen. - M. le ministre des finances nous a annoncé en présentant le projet de loi de budget des voies et moyens qu’il baserait ses chiffres sur les produits des 10 premiers mois de 1835 et des 2 derniers mois de 1834. En effet, j’ai trouvé dans le tableau qui nous a été fourni qu’il a agi ainsi à l’égard des douanes (droits d’entrée). On a trouvé que le produit de cette branche d’impôt, pendant ces 12 mois, s’élevait (centimes additionnels compris) à 6,946,000 et quelques francs, et l’on a proposé une somme ronde de 7 millions.
Mais comme il faut tenir compte et des augmentations et des diminutions à prévoir, je proposerai à la chambre une réduction de 200,000 fr. sur ce chiffre. Cette proposition est basée sur la loi que vous avez votée, relativement à l’entrée du bétail étranger. J’ai établi mon chiffre, d’après les quantités énoncées par M. le ministre des finances dans la discussion générale de cette loi. Il a dit qu’il était entré en Belgique :
5,706 bœufs, taureaux ou vaches au droit de fl. 10, soit fl. 57,607.
4,231 génisses, au droit de fl. 5, soit fl. 21,155.
7,415 moutons, au droit de c. 60, soit fl. 4,449.
3,989 agneaux, au droit de 30 c., soit fl. 1,196.
Total : fl. 83,860, auxquels j’ajoute les 13 p. c., soit fl. 10,900. Total général : fl. 94,760, c’est-à-dire un peu plus de 200,000 fr.
Je propose une réduction de la somme ronde de 200,000 fr.
Ceux qui ont provoqué le projet de loi relatif au bétail (ce sont principalement plusieurs pétitionnaires de Tirlemont et de Louvain,) vous ont dit que pour protéger efficacement l’industrie agricole, il fallait élever les droits d’entrée du bétail, de telle sorte qu’ils devinssent droits prohibitifs. C’est aussi l’opinion qu’a exprimée le rapporteur de la section centrale. L’honorable M. Desmaisières vous a dit que son intention, et celle de la section centrale dont il était l’organe, étaient d’établir des droits prohibitifs. Je suis aussi d’avis que le droit est prohibitif et ne profitera qu’à la fraude. Mais puisque l’introduction, avec déclaration aux bureaux de notre douane, doit cesser en raison de l’élévation des droits, je demande une réduction équivalente au montant des droits que l’on percevait de ce chef. Je demande cette réduction, parce qu’il est, je crois, dangereux de porter les articles du budget des voies et moyens au-dessus de leur produit présumé.
- L’amendement de M. Verdussen (consistant en une proposition de réduction du chiffre de 200,000 fr. sur l’article « douanes, droits d’entrée ») est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne pense pas qu’il y ait lieu d’adopter la proposition de l’honorable M. Verdussen, car cette proposition est basée sur des évaluations qui ne sont pas motivées. L’honorable membre s’est évidemment trompé dans les calculs qu’il a faits sur les résultats probables de la loi relative au bétail étranger, il a conclu, de l’adoption de cette loi, qu’un droit prohibitif frappant le bétail étranger on n’introduirait plus de ce bétail dans le pays. Je ne suis pas d’accord là-dessus avec M. Verdussen. Je ne regarde pas le droit établi comme prohibitif, et je crois que la loi nouvelle n’empêchera pas le bétail étranger d’être introduit dans le pays ; il n’en entrera peut-être pas en aussi grande quantité, nous devons même le désirer ; mais d’autre part le droit ayant été augmenté, je ne pense pas que la diminution dans la quantité du bétail introduit ait en définitive une grande influence sur le chiffre que nous discutons.
L’honorable M. Verdussen a appuyé sa motion sur la prévision de lois prohibitives qui vous seraient encore bientôt soumises ; je ne pense pas qu’il y ait lieu de prévoir cela, j’ignore même quelles sont les lois de cette nature auxquelles l’honorable membre a fait allusion. Du reste, loin que l’on doive supposer qu’il y ait diminution dans nos produits de douanes, il y a plutôt lieu d’espérer de l’augmentation, à raison du nouveau service de douanes récemment organisé, lequel, en assurant une surveillance plus active, promet plus dans la répression de la fraude.
Outre l’amélioration du service des douanes, dont je viens de parler, il vous sera proposé des modifications à nos douanes, d’abord en ce qui concerne le rayon de douanes autour de Maestricht, ensuite relativement à des mesures générales réclamées dans cette enceinte dans une récente discussion.
Tout se réunit donc pour faire espérer que l’évaluation du produit de nos douanes, porté à 7 millions, est plutôt au-dessus qu’en dessous de la réalité, et dès lors il serait contraire à la raison de diminuer le chiffre.
M. Rogier. - Je trouve la proposition de l’honorable M. Verdussen très rationnelle.
Il résulte de la loi que vous avez votée contre l’introduction du bétail hollandais, que ce bétail sera probablement prohibé à l’entrée, qu’il ne paiera plus au trésor le droit de 10 fl. par tête qu’il paie aujourd’hui, soit qu’il entre en fraude, soit qu’il n’entre pas du tout. Il faut donc retrancher du budget des voies et moyens ces 200,000 fr. que produit l’introduction de ce bétail ; car si la loi porte ses effets, ce bétail ne sera plus introduit dans le pays.
A cet égard, je crois qu’il serait utile que l’on nous fournît un état de développements indiquant le produit des diverses branches d’impôt, ainsi que je l’ai indiqué précédemment. Nous aurions intérêt à savoir ce que chaque nature d’impôt a produit en 1834 et 1835. Par exemple, pour les toiles vous avez voté une loi tendant à favoriser la fabrication des toiles indigènes. Vous avez entendu frapper d’exclusion les toiles étrangères, en élevant les droits sur cet objet. Il serait intéressant de savoir quel effet a eu cette loi sur cette branche de produits de douane.
C’est pour cela que nous demandons un tableau faisant connaître l’importation et l’exportation déclarées à la douane, comme il en est établi dans tous les pays constitutionnels. Nous ne cesserons de réclamer ce tableau jusqu’à ce qu’on nous l’ait fourni.
Cette observation se rattache naturellement au budget des voies et moyens ; car il faut savoir si on a tenu compte, dans l’évaluation portée au budget, de la diminution que doit éprouver le produit des droits d’entrée, par suite de l’élévation des droits sur les toiles étrangères ; cette différence n’a pu se faire sentir que dans les derniers mois de 1834, car la loi n’a été portée qu’en 1834.
Dans ce moment, l’on propose une loi sur la sortie des os ; je ne crois pas que le droit soit prohibitif, mais il est plus élevé que le droit actuel.
On a calculé la diminution de recettes que la loi sur le bétail ferait éprouver au trésor. Le trésor n’a plus rien à toucher de ce chef. Je suppose que cette éventualité a été prévue par M. le ministre. L’amendement de l’honorable M. Verdussen n’avait d’autre but que d’appeler son attention sur ce point.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La loi sur le bétail n’est nullement prohibitive. Elle a seulement pour objet d’interdire l’introduction frauduleuse du bétail. Il est vrai que l’élévation du droit diminuera l’importation. Mais, d’un autre côté, il en résultera de ce chef une espèce d’augmentation pour le trésor.
En ce qui concerne le droit sur les toiles étrangères, je ferai observer à l’honorable préopinant que la loi étant en vigueur depuis 1834, le montant des recettes présumées a été calculé dans le budget sous l’empire de cette loi. Il n’y a pas eu de nouveaux calculs à établir de ce chef.
En ce qui concerne les documents sur les importations et les exportations de la Belgique, il a été déjà annoncé à la chambre que l’impression de ces documents avait été adjugée. C’est un travail considérable. Il se passera quelque temps encore avant que ces documents puissent être communiqués à la chambre.
M. Meeus. - J’ai quelques observations à présenter par rapport à la loi sur les douanes. Il me paraît très essentiel que l’on prenne en considération ce principe reconnu généralement que les augmentations de droits n’amènent pas toujours des fonds nouveaux au trésor.
On a parlé il y a longtemps des soieries. Il est bien certain que le trésor reçoit très peu de chose par les droits frappés sur les soieries. Cela provient de la trop grande élévation des droits. Si on les réduisait, il est sans aucun doute que cet article produirait beaucoup au trésor. Je demande donc que M. le ministre des finances veuille bien donner à la chambre l’assurance qu’il portera son attention sur ce point et sur beaucoup. Si les droits étaient abaissés, non seulement la morale y gagnerait, puisque la fraude perdrait de son activité ; mais ce serait pour le trésor public un moyen d’accroissement de recettes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répondrai à l’honorable M. Meeus que le gouvernement compte proposer incessamment aux chambres des modifications qui tendront à réduire les droits sur les soieries et sur d’autres objets encore.
Ces propositions vous seront proposées en conséquence des négociations actives qui se continuent avec le gouvernement français. Nous espérons arriver à obtenir un tarif également avantageux aux deux pays, pour les échanges qu’ils peuvent se faire de leurs produits respectifs.
- L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’article est mis aux voix et adopté.
L’article suivant du tarit est mis en discussion.
« Accises
« Sel (26 centimes additionnels) : fr. 3,700,000.
« Vins étrangers (idem) : fr. 2.900,000.
« Eaux-de-vie étrangères (idem) : fr. 200,000.
« Eaux-de-vie indigènes (10 centimes additionnels) : fr 2,000,000.
« Bière et vinaigre : (26 centimes additionnels) : fr. 7,000,000.
« Sucres (idem) : fr. 1,700,000
« Timbres collectifs sur les quittances : fr. 1,550,000.
« Timbres collectifs sur les permis de circulation : fr. 20,000.
« Ensemble : fr. 19,070,000. »
M. Gendebien. - J’espère que M. le ministre des finances prendra en considération les observations qui ont été faite dans cette chambre sur un article du budget en discussion. Je veux parler de l’impôt sur le sel. Je suis intimement convaincu que si l’on diminuait l’impôt sur le sel, si on le réduisait même au quart, et si en même temps on n’accordait aucune exemption, il rapporterait autant qu’il rapporte maintenant. Il pèserait moins injustement sur les classes pauvres et les cultivateurs. J’invite M. le ministre à y penser sérieusement, Il n’a pas à attendre, dans le cas qui nous occupe, le résultat de négociations dont depuis 4 ans on nous promet d’heureux résultats. Il peut prendre immédiatement une mesure et présenter un projet de loi.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme j’ai eu l’honneur de le dire hier à la chambre, un projet de loi relatif à l’impôt sur le sel est à peu près terminé.
Sous ce rapport l’honorable préopinant verra ses vœux accomplis, Mais je ferai remarquer que l’impôt sur le sel est en Belgique plus bas que dans tous les autres pays. Il est de moitié moindre qu’en France.
En effet le droit sur le kilogramme de sel en Belgique est de 17 centimes avec les additionnels. Il est en France de 33. Je ne sais pas quelle est la proportion avec le droit établi en Prusse. Mais toujours est-il que les consommateurs de sel sont en Belgique dans une position meilleure puisque nous expédions du sel dans ce pays.
Je dois prévenir la chambre que, dans la loi qui lui sera présentée, le gouvernement ne demandera aucune réduction de droit. La loi aura pour but d’attribuer au trésor les bénéfices que font les fraudeurs, sans que la condition des consommateurs en soit meilleure. La loi proposera également une modification importante, c’est celle relative aux exemptions. Sauf deux ou trois cas, les exceptions accordées par la législation existante seront supprimées. Il en résultera un grand accroissement de recettes pour le trésor.
Cependant, les mesures dont je vous parle ne seront pas fiscales, puisqu’elles laisseront le droit existant aujourd’hui. La révision de la loi sur le sel offrira au trésor une nouvelle ressource, sans grever le consommateur. Si le gouvernement n’a pas cru devoir abaisser le droit, c’est, je le répète, parce qu’il est très modéré. Le calcul est facile à faire. Il ne revient pas à un franc par habitant par an.
M. A. Rodenbach. - Je me joins à l’honorable M. Gendebien pour demander une exemption sur le droit actuel imposé sur le sel, au lieu de supprimer les exemptions comme le propose M. le ministre des finances. Cette mesure ruinerait une foule d’industries.
En réduisant le droit sur le sel, vous en retireriez cet avantage que vous favoriseriez le commerce interlope de cette denrée, qui déjà sous la législation actuelle est ruineuse.
Puisque nos voisins spéculent sur notre tarif de douanes, puisque la douane française elle-même protège les fraudeurs en les escortant jusqu’à la frontière et en les protégeant, s’ils sont poursuivis par nos douaniers, je ne vois pas pourquoi nous serions plus délicats à leur égard.
C’est peut-être une immoralité, mais les gouvernements n’y regardent pas de si près. Il est important d’arrêter la fraude sur le sel qui se fait dans notre pays. Il y a des fraudeurs qui ont gagné dans cette partie des fortunes scandaleuses : j’aime à croire que l’on nous présentera le projet de loi le plus tôt possible.
Je réclamerai de toutes mes forces la diminution de l’importation, persuadé que je suis que la loi rapportera davantage.
Puisque nous sommes sur cet article, je demanderai pourquoi le vinaigre artificiel n’est pas imposé. Il s’en fabrique énormément dans le pays. Le vinaigre de pommes n’est pas imposé non plus. C’est un acide pourtant. Je vous demande s’il y de la justice à imposer le vinaigre de bière parce qu’il se fait à la chaleur du soleil, et à ne pas imposer le vinaigre artificiel parce qu’il se fait dans une chambre chaude à 26 degrés. Il faut absolument que le ministre des finances trouve le moyen d’imposer tous les acides soit qu’ils soient extraits des pommes, soit qu’ils soient produits par des moyens artificiels.
Il se consomme immensément en Belgique de ce dernier produit.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il serait extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d’imposer le vinaigre de pommes, sans exposer les citoyens à de véritables vexations.
Le vinaigre de pommes n’est pas fabriqué par des industriels. Chaque petit propriétaire qui a des pommiers fait sa provision de vinaigre.
Comment voulez-vous que l’on établisse un impôt sur cette fabrication ? Il faudrait faire des visites domiciliaires et revenir à ces mesures fiscales que nous avons flétries. Je crois donc que l’on ne peut admettre la demande de l’honorable préopinant.
Je ferai remarquer que l’on demande un droit sur le vinaigre tandis que l’on veut diminuer celui sur le sel ; il n’est pas d’impôt qui se perçoive plus facilement que ce dernier. Il se perçoit par un déguisement tel que le consommateur ne s’aperçoit pas qu’il paie. Je ne crois pas qu’il soit d’une bonne de remplacer un impôt dont la perception est si douce sensible par un autre qui devrait être perçu directement sur les consommateurs.
M. A. Rodenbach. - Je ne puis admettre la doctrine de M. le ministre des finances. De ce qu’un impôt est déguisé, il ne s’en suit pas que les basses classes sur lesquelles il retombe doivent en supporter les charges.
Je répondrai ensuite au ministre que s’il n’est réellement pas possible d’imposer le vinaigre de pommes, il faut supprimer l’impôt sur le vinaigre de bière. Car il n’y a pas plus de raison pour imposer l’un que l’autre. L’équité exige que la condition des fabricants ou des consommateurs d’un même produit soit la même.
M. le ministre ne m’a pas répondu au sujet du vinaigre artificiel. Il s’en fabrique énormément, surtout à Bruxelles. Il me semble qu’il serait très facile de l’imposer.
M. Gendebien. - J’aurais beaucoup de choses à répondre à M. le ministre au sujet de l’impôt sur le sel, mais je ne veux pas retarder vos délibérations. J’attendrai la discussion du projet que M. le ministre doit nous présenter pour examiner les différentes questions qu’il soulèvera.
M. Desmet. - Je me rallie aux observations de l’honorable M. Rodenbach ; la franchise dont jouit le vinaigre de pommes est un véritable privilège en faveur de certaines provinces. De ce que dans le nord on ne peut faire du vinaigre de pommes, est-ce une raison pour imposer le vinaigre de bière ?
- L’article « accises » est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures 1/2.
(Moniteur belge n°358, du 23 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen fait l’appel nominal.
La séance est ouverte à 9 heures et un quart.
M. le président donne lecture donne lecture de la proposition faite par M. Dubus relativement à la nomination par la chambre du jury d’examen.
M. Verdussen fait remarquer que, dans le cas d’un scrutin de ballottage entre les candidats, la proposition de M. Dubus ne prévoit pas la circonstance où il y aurait parité du suffrages : pour remplir cette lacune, il demande que l’on mette au second paragraphe de la motion d’ordre de M. Dubus : « Cette nomination aura lieu à la majorité absolue et par scrutin de liste, conformément à ce qui est prescrit par l’article 6 du règlement de la chambre. »
M. Gendebien. - Est-ce bien sérieusement qu’aujourd’hui 21 décembre on nous propose de procéder, demain 22 décembre, à l’élection de vingt-quatre savants ? Nous avons 24 heures devant nous ; c’est un savant par heure. Je félicite le pays où l’on peut ainsi trouver un savant par heure.
M. Dubus. - La loi concernant l’instruction a été votée, elle a reçu l’assentiment des trois branches du pouvoir législatif ; nous n’avons plus à la discuter ; nous n’avons qu’à l’exécuter. Je n’ai pas à examiner s’il est facile ou difficile de faire, en quelques heures, le choix de 24 savants parmi tous ceux qui sont dans notre pays. Je dirai seulement que la loi n’est pas vieille, qu’elle a été portée au mois de septembre dernier, et que déjà dans la session actuelle mon honorable ami qui siège à côté de moi, a rappelé aux membres de cette chambre qu’ils auraient avant le 1er janvier à s’occuper de la nomination des membres du jury d’examen. De là je conclus que chacun étant averti a fait ce qu’il avait à faire, c’est-à-dire que chacun s’est mis en état de remplir son devoir, et je pense que personne n’est pris au dépourvu.
Des journaux ont dit que les membres de cette chambre ne pensaient pas à remplir cette partie de leurs obligations. Je pense que ces journaux n’ont pas bien apprécié le soin que nous apportons tous à remplir nos fonctions ; nous n’avons pas oublié l’article 11 de la loi de septembre dernier, et nous nous sommes mis en mesure d’exécuter cet article.
Je ne comprendrais pas comment l’on pourrait choisir un jour plus éloigné que celui que j’ai indiqué dans ma motion afin de procéder à la nomination des membres du jury d’examen ; car vous devez vous rappeler que le sénat a des obligations semblables à remplir ainsi que le gouvernement ; or, le sénat ne peut remplir ses obligations qu’après vous ; si vous retardiez la nomination, vous entraveriez nécessairement les autres branches du pouvoir législatif dans l’exercice de leurs fonctions : il faut que le sénat et que le gouvernement aient fait la seconde nomination avant le 1er janvier ; et demain nous serons au 22 décembre. Il pourrait arriver que les opérations ne fussent pas terminées en une séance ; alors il faudrait bien employer la soirée du 23 : ainsi, en faisant entrer cette éventualité dans nos calculs, vous ne pouvez pas commencer plus tard que demain.
Voilà quant à la question de temps ; voyons la question d’urgence.
Dans la séance de samedi on avait présenté comme peu nécessaire de faire la nomination des membres du jury d’examen avant le 1er janvier ; il semblait qu’il n’y avait pas grand inconvénient à l’ajourner. On avait même interpellé M. le ministre de l’intérieur pour savoir s’il y avait des raisons d’urgence ; ce ministre en a allégué une : c’est que le jury doit être consulté pour la collation des bourses dans les universités ; mais il y a une autre raison qui ne laisse pas de réplique : c’est que la loi est impérative autant qu’une loi peut l’être : « Leur nomination, dit-elle, doit avoir lieu avant le 1er janvier. » Il semble que l’on ait combiné les expressions de manière à ce qu’on pût faire un grief de l’omission de la nomination, à ce qu’on pût arguer de la violation de la loi si la nomination n’était pas faite avant le 1er janvier. Nous devons donner l’exemple de l’obéissance aux lois, et ce motif me paraît déterminant. Nous ne pouvons donc pas ajourner la nomination après le 1er janvier.
L’honorable M. Verdussen voudrait qu’il fût adjoint au paragraphe 2 de ma motion d’ordre que les scrutins auront lieu conformément à l’article 6 du règlement de la chambre : je ne m’oppose pas à cette addition ; mon idée était bien que la majorité relative devait suffire au troisième tour du scrutin, puisqu’il n’y a que ce moyen d’obtenir un résultat ; mais cette question en soulève une autre qu’il serait à propos que la chambre décidât aujourd’hui ; c’est celle de savoir combien il y aura de scrutins. On peut établir des scrutins séparés pour les membres du jury et leurs suppléants dans chaque faculté ; on peut n’établir que deux scrutins, un pour les membres de toutes les facultés, et l’autre pour les suppléants de toutes les facultés ; ce second mode abrégerait de beaucoup le travail ; chaque scrutin indiquerait pour quelle faculté les nominations ont été faites ; ce mode ne présente pas d’inconvénient grave ; il offre l’avantage d’abréger le temps que prendra l’opération.
Il pourrait être utile de rappeler aussi les articles 33 et 34 de la loi électorale ; s’il arrivait qu’un bulletin présentât pour une faculté plus de noms qu’il n’y a de nominations à faire, l’article 33 dit que les derniers noms formeront l’excédant : il me paraît juste de rappeler cette disposition. Il faut aussi que les bulletins qui ne porteraient pas des désignations suffisantes soient annulés.
M. Gendebien. - A entendre le préopinant, il semblerait que je veux violer la loi ; je ne crois pas qu’on puisse trouver dans mes paroles une intention semblable, ni que jamais j’aie donné l’exemple de la violation des lois.
J’ai, dans la circonstance actuelle, fait remarquer l’impossibilité de trouver du jour au lendemain vingt-quatre savants ; je ne critique pas la loi de ce qu’elle impose à la chambre l’obligation de nommer les membres du jury d’examen avant le 1er janvier ; mais je demande pourquoi il faut que cette nomination ait lieu demain : nous n’avons pas encore réglé le mode que nous suivrons dans cette nomination, et rien ne démontre qu’on ne puisse pas la mettre au 25 ou au 26. Si vous précipitiez la nomination, il pourrait en résulter de mauvais choix et vous ridiculiseriez la loi : c’est par le respect que j’ai toujours porté aux lois que je demande que l’on n’agisse pas avec précipitation. J’ai toujours exécuté les lois, même celles qui m’étaient défavorables ; toutefois, dans l’alternative de violer la loi ou de l’exécuter d’une manière ridicule, ne vaudrait-il pas mieux remettre la nomination après le 1er janvier, c’est-à-dire, violer la loi matériellement, que de la violer dans son esprit en procédant à des nominations que la raison n’avoueraient pas ? Voilà où se bornent mes observations.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il ne faut pas s’exagérer les difficultés de la nomination des membres du jury d’examen. Je vous rappellerai qu’aux termes de l’article 41 de la loi sur la haute instruction, il y a divers jurés : deux pour le droit, deux pour la médecine, un pour les sciences et un pour les lettres ; ainsi il s’agit de trouver quatre jurisconsultes, quatre médecins, deux savants et deux littérateurs ; cette difficulté ne saurait être grande en Belgique, où il y a tant de jurisconsultes, de médecins, et je dirai aussi de savants et de littérateurs. Nous avons quatre universités, une académie ; nous avons des barreaux, des magistrats distingués ; nous avons des commissions médicales, de sorte qu’il ne faut pas faire de grands efforts pour faire un choix parmi tant de notabilités scientifiques ou littéraires ; en une heure on peut faire d’excellents choix ; ce serait faire tort à son sens que de s’exagérer une telle difficulté.
Cependant si la chambre, au lieu de procéder à la nomination demain, préfère y procéder mercredi, je ne verrais aucune espèce d’opposition à faire à ce faible retard.
M. Gendebien. - On dit qu’il est bien facile de fixer son choix sur quatre personnes ; j’avoue que cela peut être vrai ; mats je fais observer que si vous ne donnez pas aux députés le temps de se concerter dans ces choix, vous perdrez plus de temps à faire l’élection qu’à la préparer. Vous avez vingt-quatre nominations à faire ; si l’on ne s’est pas entendu sur les choix, vous ne finirez pas en une séance, même en deux ni en trois séances.
On parle d’académie, d’universités, de barreaux, de magistrats ; mais encore faut-il qu’on ait le temps d’examiner les listes. J’appartiens au barreau de Bruxelles depuis 25 ans ; encore faudra-t-il que j’aie le temps de réfléchir au personnel de ce barreau avant de me décider. Pour les facultés autres que celle de droit, mon embarras sera plus grand. Quoi qu’il en soit, il est indispensable que l’on se concerte. Il faut que la loi soit exécutée, mais il faut qu’elle soit bien exécutée ; et 24 heures ne suffisent pas à cette œuvre. Encore, nous n’aurons pas 24 heures ; car demain, depuis 11 jusqu’à 5 heures, nous serons en séance pour le budget des voies et moyens. Que la chambre en fasse ce qu’elle voudra, je me suis acquitté d’un devoir de conscience en présentant mes réflexions.
M. Dubus. - Ma motion n’est pas d’aujourd’hui ; elle a été présentée samedi ; ainsi l’on a eu plus de 24 heures pour faire les choix. On n’a pas voulu la discussion immédiate. J’ai demandé qu’elle fût discutée à l’ouverture de la séance de lundi ou de ce jour ; on a préféré la renvoyer à la séance du soir ; mais j’ai demandé que dans tous les cas la nomination ait lieu mardi soir. Au reste, la chambre en décidera ; j’ai voulu seulement relever le fait allégué par l’honorable député de Mons qui prétend qu’on n’a accordé qu’un intervalle de 24 heures.
M. d'Hoffschmidt. - Tout à l’heure l’honorable M. Dubus assurait que nous ne pouvons plus critiquer la loi d’après laquelle la nomination des membres du jury d’examen nous est déférée ; nous ne devons pas en effet critiquer les lois que nous avons portées ; cependant s’il s’agissait de discuter encore celle dont il s’agit, la critique n’en serait pas difficile. (On rit.)
On nous dit que c’est à nous à donner l’exemple de l’exécution des lois ; que par conséquent il faut procéder promptement à la nomination des membres du jury d’examen afin de donner aux autres corps politiques de l’Etat le temps de procéder aux nominations semblables qu’ils ont à faire : quoi qu’on en dise, le délai n’est pas suffisant ; on ne trouve pas 24 savants du premier coup. (On rit.) Peut-être est-il des personnes qui ont des listes toutes faites ; mais moi qui n’en ai pas, je suis dans l’embarras ; et d’autres sans doute sont dans le même cas. Il faudrait avoir au moins deux jours pour choisir les 24 savants ; au lieu de mardi je proposerai jeudi prochain pour la nomination. (Appuyé ! appuyé !) Ceux de nos collègues qui n’habitent pas des villes éloignées de Bruxelles pourront bien attendre jusqu’à la veille de Noël : que le jour de Noël, on s’absente, c’est naturel...
- Plusieurs membres. - Mais la veille on voyagera pour se rendre chez soi !
M. d'Hoffschmidt. - Avant de voyager, l’on doit remplir ses devoirs. Je persiste à proposer jeudi prochain.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je proposerai toujours mercredi, et la raison sur laquelle je me fonde, c’est que plusieurs membres qui demeurent près de Bruxelles iront dans leur famille dès la veille de Noël.
M. Trentesaux. - J’appuierai le renvoi à mercredi, et je désirerais qu’avant de procéder à la nomination on veuille afficher dans la salle de nos séances, ou dans la salle adjacente, le tableau des professeurs des universités et des membres de l’académie. Cette liste peut fort bien être dressée demain ; chaque membre choisira alors parmi les noms qu’elle contiendra, et dressera sa liste particulière de nominations s’il n’a pas d’autre moyen de la dresser.
M. Demonceau. - Il me semble que nous discutons sur le jour auquel nous procéderons à la nomination sans savoir encore comment on procédera à cette nomination elle-même. Et cependant nous nous sommes réunis aujourd’hui précisément pour délibérer sur le mode d’opérer.
Quand il sera question de décider le jour où nous devrons commencer l’opération, je dirai que, d’après ce que j’ai entendu, il faudra commencer demain ; car si nous ne pouvons pas voter en une seule séance, il faudra pouvoir terminer le lendemain ; ainsi l’on doit prendre mardi et mercredi soir. Il faut nous donner un jour avant les fêtes du Noël pour retourner dans nos foyers, car il en est dont la demeure est éloignée.
M. Gendebien. - J’ai fait observer que plus on rapprocherait le jour de la nomination, plus on mettrait de temps à la faire, puisque, si l’on ne se concertait pas, on serait obligé de procéder à plusieurs tours de scrutin, tandis qu’en s’entendant on abrégera l’opération : voilà ce que j’ai dit, et il faut interpréter mes paroles dans le sens que je leur ai donné.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois qu’on peut sans difficulté adopter le jour de mercredi ; si nous n’avions pas fini mercredi soir, rien ne nous empêcherait de nous réunir le lendemain de meilleure heure, et de tout achever.
- De toutes parts. - On est d’accord !
M. Jullien. - Je dois déclarer que c’est très sérieusement que je suis embarrassé de trouver mes vingt-quatre savants (on rit) ; je voudrais qu’on me laissât au moins deux jours pour me concerter et me mettre d’accord sur les choix avec mes honorables amis.
Je ne suis donc pas éloigné d’adopter le jour de mercredi ; mais j’appuie la proposition de M. Trentesaux, qui demande que la liste des professeurs des universités soit affichée, afin qu’on puisse s’éclairer, si on le juge à propos, sur les notabilités scientifiques de la Belgique.
Si mercredi, nous n’avions pas terminé, rien n’empêcherait, comme on l’a dit, que nous nous réunissions le lendemain.
M. Dumortier. - Je conviens que quand il s’agit de nommer 24 savants, cela peut effrayer quelques personnes : quoi qu’il en soit, je dirai que s’il s’agissait de trouver 24 personnes dans une seule faculté, l’on pourrait éprouver quelque embarras ; mais, il ne s’agit pas de cela, nous avons un premier choix à faire et nous savons quelles sont les sommités de la science dans le pays : cela simplifie la question. Depuis longtemps, je sais que nous avons des devoirs à remplir, et que parmi ces devoirs est la nomination, en l’an de grâce 1835, du jury d’examen ; il faut procéder promptement à cette nomination, puisque dans deux ou trois jours nous ne serons plus en nombre pour le faire. Je crois donc qu’il faut procéder dès demain, comme le propose mon honorable ami.
M. Jullien. - Comme dans une pareille matière on ne peut pas s’entourer de trop de lumières, je demande qu’on ajoute à la liste des professeurs demandée par M. Trentesaux, celle des académiciens. (On rit.)
Messieurs, c’est très sérieusement que je fais cette proposition. Je n’ai pas l’honneur de connaître ces messieurs, mais je dois penser qu’on pourra trouver dans le corps académique des personnes capables de remplir les fonctions d’examinateur.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la fixation du jour auquel la chambre s’occupera de la nomination des membres du jury d’examen.
Trois propositions sont faites.
M. d’Hoffschmidt propose jeudi.
M. le ministre de l’intérieur propose mercredi et M. Dubus mardi.
M. d'Hoffschmidt. - Je me réunis à M. le ministre de l’intérieur.
M. le président. - Il ne reste plus que deux propositions, celle de mercredi et celle de mardi.
- La fixation à mercredi est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Voici maintenant la proposition de M. Dubus :
« En exécution de la décision qui vient d’être prise par la chambre, que dans la séance de mercredi soir, elle s’occupera de deux membres et de deux suppléants de chacun des jurys d’examen, en exécution de l’article 41 de la loi du 27 septembre 1855, j’ai l’honneur de proposer à la chambre de décider :
« Que cette nomination aura lieu à la majorité absolue, et par scrutin de liste. »
M. Verdussen ajoute, et M. Dubus admet :
« Conformément à ce qui est prescrit par l’article 6 du règlement de la chambre. »
- Adopté.
« Que les bulletins seront remis fermés au président par chaque membre au fur et à mesure de l’appel nominal, qui sera fait d’après la liste alphabétique, et que le président déposera immédiatement chaque bulletin dans l’urne. »
- Adopté.
M. le président. - Voici deux dispositions additionnelles que M. Dubus vient de déposer :
« Un seul scrutin comprendra tous les membres du jury pour toutes les facultés, et après la nomination de ces membres, un seul scrutin comprendra tous les suppléants.
« L’article 35 et la première disposition de l’article 34 de la loi électorale seront appliqués aux bulletins et aux suffrages. »
M. Devaux. - Je ferai observer qu’il y a pour les deux facultés de droit et de médecine deux jurys d’examen, un pour le doctorat et un pour la candidature. Je crois qu’il sera difficile de faire tout cela par un seul scrutin. Il faut nommer deux jurés et deux suppléants pour l’examen de docteur, et deux membres et deux suppléants pour l’examen de candidat. Si vous faites toutes ces nominations par un scrutin de liste, il en résultera que votre vote sera en quelque sorte forcé.
Il se pourrait qu’une personne qui aurait réuni un certain nombre de suffrages, mais pas assez pour être nommé au jury d’examen pour le doctorat, réunît tous les suffrages pour le jury d’examen de la candidature. En nommant à la fois les membres des deux jurys, vous n’avez pas cette chance ; vous n’avez plus la faculté de nommer, pour l’examen de candidat, ceux qui n’auraient pas réuni la majorité pour l’examen de docteur. Il serait donc utile de faire un scrutin spécial pour les deux commissions d’examen de candidat et de docteur en droit et en médecine.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Les observations de l’honorable M. Devaux me paraissent fondées. Je crois qu’on pourrait tout concilier en procédant de la manière suivante : En faisant un seul scrutin de liste pour les membres des jurys d’examen en lettres et sciences et pour le grade de candidat en droit et en médecine, et ensuite un deuxième scrutin pour les membres des jurys d’examen de docteur en médecine et en droit.
De cette manière, telle personne qui aurait été portée pour faire partie du jury d’examen de candidat, et aurait échoué, pourrait réussir dans le scrutin pour le doctorat. Cela simplifierait l’opération. Il n’y aurait que huit noms à porter sur la première liste. On en porterait quatre sur la seconde, et l’opération serait complète.
M. Devaux. - Il faudrait plutôt ranger dans la première opération les examinateurs pour le doctorat, et dans la seconde les examinateurs pour la candidature. La raison en est qu’on doit prendre le premier choix pour les examens les plus difficiles. Ceux qui ne seraient pas nommés pour l’examen de docteur pourraient être nommés pour l’examen de candidat, examen pour lequel il faut des connaissances moins approfondies que pour celui de docteur.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Jullien, de faire imprimer la liste des professeurs des universités, ainsi que celle des membres de notre académie.
M. Jullien. - Si le ministre de l’intérieur promet de satisfaire à ma demande, il ne sera pas nécessaire de mettre ma proposition aux voix. Mais s’il ne s’explique pas, je tiens à ce qu’elle soit soumise au vote de la chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’acquiesce avec plaisir à la demande qui a été faite par le préopinant que le gouvernement donne la liste des membres de l’académie et des professeurs des universités.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la deuxième disposition additionnelle proposée par M. Dubus, relative aux articles 33 et 34 de la loi électorale, qui paraît ne rencontrer aucune objection.
- Cette disposition est adoptée.
M. Devaux. - Dans le cas où quelques personnes n’accepteraient pas les fonctions de juré, les suppléants les remplaceront-ils, ou bien procédera-t-on à une autre nomination ?
- Quelques membres. - Les suppléants remplaceront les démissionnaires.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Lorsque j’ai proposé de nommer des suppléants aux membres des jurys d’examen, j’ai bien entendu que les chambres ne procéderaient au remplacement des jurés démissionnaires qu’au cas où les suppléants feraient défaut. Le motif de la création des suppléants a été d’éviter de recourir à des nominations fréquentes par les chambres. Car l’inconvénient résultant de nominations fréquentes était une des objections qu’on faisait à l’établissement des jurys d’examen.
Voici comment je propose de modifier la disposition additionnelle présentée par M. Dubus :
« Il sera procédé par un premier scrutin à la nomination des jures chargés de procéder aux examens de docteur en droit et en médecine et aux examens pour les sciences et les lettres. On procédera au deuxième scrutin à la nomination des jurés pour les examens de candidat en droit et en médecine. Il sera procédé de la même manière à la nomination des suppléants.
Je crois que de cette manière la disposition est complète.
M. Gendebien. - Je ne vois pas les avantages qu’on peut tirer de ce mode de voter. Au lieu de trois voyages à la tribune pour déposer vos bulletins, vous n’en ferez qu’un, mais vous allez avoir une confusion dans le dépouillement. Il vaudrait mieux faire un scrutin pour chaque faculté.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne vois aucune difficulté réelle dans la manière de procéder que je propose. Il suffira de porter sur la première liste deux jurisconsultes, deux savants, deux littérateurs et deux médecins.
Je pense que le mode que je propose est préférable à celui de M. Dubus. Il eût été difficile de procéder au dépouillement du scrutin, si on eût porté sur la même liste deux noms pour l’examen de candidat et deux pour l’examen de docteur.
Mais si on ne comprend dans un scrutin que les membres des jurys d’examen pour le doctorat en droit et en médecine, et pour les sciences et les lettres, je ne vois plus de difficulté.
- La proposition de M. le ministre de l’intérieur est mise aux voix est adoptée.
M. le président. - Aux termes de la constitution on ne procède à l’appel nominal que sur l’ensemble des lois. Comme il ne s’agit que d’un article de règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition par assis et levé.
- L’ensemble de la proposition est mis aux voix et adopté.
Je rappelle à la chambre qu’elle a décidé qu’elle procéderait à la nomination des membres des jurys d’examen dans la séance de mercredi soir.
A quelle heure veut-on fixer cette séance ?
- Plusieurs membres. - A sept heures ! à sept heures !
M. Dumortier. - Je demande la parole. J’ai une observation à présenter. Je ne crois pas devoir en faire l’objet d’un article additionnel, parce que la chose me paraît trop claire. Mais si elle devait donner lieu à une discussion je préférerais qu’elle fût soulevée maintenant.
C’est pour le cas où des bulletins porteraient les noms de personnes non Belges et non naturalisées. Il est incontestable qu’aux termes de la constitution les Belges seuls ou les étrangers naturalisés peuvent être nommés membres des jurys d’examen.
Je fais maintenant cette observation, parce que si la question était soulevée plus tard, elle se trouverait compliquée de questions de personnes qui doivent être bannies de cette enceinte.
M. Jullien. - Entend-on exclure les professeurs des universités ?
M. Dumortier. - Ils sont naturalisés ou ils ne le sont pas.
M. Jullien. - Lorsque le gouvernement a appelé ces professeurs, c’est qu’il leur a reconnu la capacité nécessaire pour se livrer à l’enseignement. Après cela, allez-vous les exclure des fonctions auxquelles ils sont plus aptes que personne ? Vous les avez déclarés capables d’être professeurs, et vous allez les déclarer incapables d’être examinateurs.
Voila quelque chose qui ne me paraît ni régulier, ni conséquent. Dans tous les cas, je voudrais que cela fût décidé par la chambre avant de procéder à leur nomination. Le gouvernement a appelé de hautes capacités des pays étrangers pour donner l’enseignement en Belgique, et si leurs noms sortaient de l’urne, vous les déclareriez incapables de siéger dans les jurys d’examen. Il ne faut pas leur donner ce désagrément. Si on veut les exclure, il faut que la décision soit prise à l’avance. Mais je vous dirai qu’une semblable décision est bien capable de dégoûter ceux qui se seraient rendus dans notre pays à l’invitation du gouvernement pour remplir les fonctions de professeurs.
M. Devaux. - Il faudrait citer un texte de loi ou de la constitution qui exclût des commissions d’examen les professeurs étrangers. Est-ce qu’on regarderait comme un emploi d’être membre d’un jury d’examen ? Je ne pense pas qu’on puisse soutenir qu’être chargé pendant six semaines d’examiner des élèves, sauf à rentrer dans la vie privée pendant le reste de ces jours, puisqu’on appelle cela la vie publique, c’est là avoir exercé un emploi.
Je crois que quand un individu, fût-il étranger, aura été nommé par la chambre législative, il pourra se présenter dans une commission d’examen. Toutes les garanties que vous pouvez désirer, vous devez les trouver dans la nomination par la chambre ; ainsi au moins le veut la loi.
Je le répète, à moins d’un texte précis, vous ne pouvez pas prononcer d’exclusion. Votre décision ne liera ni le sénat ni le gouvernement. L’exclusion proposée ne peut donc avoir lieu, et surtout être portée par motion d’ordre.
M. Dumortier. - Je m’étonne que l’on dise que nous ne pouvons pas faire d’exceptions sans un texte de loi : je soutiens au contraire, qu’il faudrait un texte de loi pour ne pas la faire cette exception. Quand les Belges sont seuls admissibles aux emplois, il ne peut être dérogé à cette disposition que par un texte formel de loi. Vous avez admis des étrangers au professorat, et cette exception confirme la règle, et vous ne pouvez échapper à cette règle sans une loi spéciale. On prétend qu’être membre du jury d’examen ce n’est pas remplir un emploi, parce que ce titre ne se donne que pour une année ; mais les députés ne sont nommés que pour quatre années. Les bourgmestres et les échevins sont aussi nommés temporairement : est-ce que ce ne sont pas là des emplois publics ? Il s’agit d’un emploi, car il s’agit de garantir la liberté d’instruction aux pères de famille ; ainsi, la constitution doit recevoir son application ; et nous, qui avons juré de la maintenir, ne violons pas une de ses dispositions principales ; sans quoi, nous ne pourrions pas trouver mauvais que les administrations provinciales et municipales introduisent des étrangers partout.
Toute fonction établie par la loi est une fonction publique, et la constitution s’y applique.
Il y a plus, c’est que non seulement les fonctions de membre du jury d’examen sont des fonctions publiques, elles sont encore des fonctions salariées.
Un membre du jury d’examen confère des grades, sans lesquels on n’est pas habile aux emplois publics ; personne ne peut être juge, s’il n’est Belge d’une part, et s’il n’a reçu le titre de docteur en droit ; et vous dites qu’un étranger qui ne peut être juge, pourra accorder aux Belges la faculté de le devenir : quand on n’a pas le moins, comment peut-on accorder le plus ?
La loi n’ayant pas admis les étrangers, nous ne pouvons pas les admettre.
Il y a des étrangers dans toutes les universités, dans les universités libres, comme dans les universités du gouvernement ; mais il ne faut pas d’étrangers dans les jurys d’examen, puisque la loi ne le permet pas.
M. Jullien. - Je suis étonné que ce soit un honorable membre, ayant la qualité d’académicien, qui méconnaisse ce principe : que la science est de tous les pays. Ce principe a été proclamé, quand il s’est agi de nommer des professeurs. On soutient qu’être membre du jury d’examen, c’est remplir un emploi ; et que la constitution, article 6, défend la nomination des étrangers aux emplois publics. Mais la fonction d’examinateur n’est pas une fonction publique, dans la véritable acception du mot ; l’examinateur est chargé d’une expertise ; quand même cela se rapprocherait d’une fonction, il me semble que dès l’instant que vous avez admis dans la loi une exception pour le professorat en faveur des étrangers, rien que cette exception suffit pour les rendre habiles aux fonctions d’examinateurs ; et dans cet état de choses, je ne pense pas qu’il puisse y avoir matière à la violation de l’article 6 de la constitution.
Si vous décidez que les étrangers ne sont pas habiles à être examinateurs, d’après une observation qui m’est suggérée par l’honorable M. Devaux, il faudra que le ministre de l’intérieur donne l’extrait de l’acte de naissance de tous les professeurs dans la liste qu’il nous présentera ; sans quoi nous nous tromperions dans nos choix ; mais je persiste à croire qu’il n’y a pas d’inconstitutionnalité à nommer tous les professeurs des universités du royaume membres du jury d’examen.
M. F. de Mérode. - On soutient, d’après l’article 6 de la constitution, que les Belges sont seuls habiles à remplir les emplois publics ; mais on aurait dû lire cet article en son entier, et voir que les Belges sont seuls habiles aux emplois civils et militaires ; or, je demande dans quelle catégorie on mettra les examinateurs, car je ne vois pas qu’ils soient fonctionnaires civils. Lorsqu’on admet des étrangers comme professeurs dans un pays, ou peut les admettre comme examinateurs. Les professeurs étrangers sont nommés par le ministre de l’intérieur avec le consentement de la loi ; ils peuvent donc aussi être nommés membres du jury d’examen avec le consentement tacite de la même loi.
M. d'Hoffschmidt. - J’ajouterai une seule réflexion à celles qui ont été présentées. Si vous entriez dans le système de M. Dumortier, il faudrait que les examinateurs fussent des fonctionnaires ; alors nous ne pourrions pas les nommer ; car c’est au chef de l’Etat à faire ces nominations. Ceci suffit pour vous montrer combien est vaine la doctrine de M. Dumortier.
M. Raikem. - Je veux répondre à ce que viennent de dire quelques honorables membres ; je crois que leurs objections ne sont nullement fondées, et je pense que M. Dumortier a fort bien fait de soulever cette question, actuellement qu’il ne s’agit d’aucune personne.
Nous devons nous abstenir, autant qu’il est possible, d’entrer dans des questions de personnes ; aussi, c’est en thèse générale que nous examinerons la question.
L’article 6 de la constitution porte que les Belges sont égaux devant la loi, que seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions portées par les lois dans des cas particuliers. Ceci est bien clair. Je pense qu’il ne sera pas difficile d’établir qu’il s’agit ici d’un emploi militaire ou civil : on sait bien qu’un emploi qui n’est pas militaire est un emploi civil ; donc il s’agit d’un emploi civil.
De plus, je pense qu’il s’agit d’un véritable emploi, d’une fonction publique, car c’est une fonction déférée par la loi ; et je ne comprends pas comment une fonction déférée par la loi ne serait pas une fonction publique, ni comment on pourrait assimiler cela à un emploi qui serait donné par un particulier.
On vient de faire une objection ; on a dit : mais s’il était question d’un emploi public, la nomination n’en aurait pas pu être déférée à la chambre ; elle aurait dû être déférée au chef de l’Etat. Je crois qu’il est très aisé de répondre à cette objection par un article même de la constitution.
Par l’article 66 de la constitution, le Roi nomme à tous les emplois d’administration générale ; mais, d’après l’article 66, il ne nomme à d’autres emplois qu’en vertu d’une disposition expresse de loi ; or, conférer à des personnes le droit d’examen, le droit d’accorder aux Belges la faculté d’exercer la médecine, la faculté de remplir des fonctions publiques, n’est-ce pas faire un acte de délégation de la puissance publique ? Si ce n’était pas faire un acte de la puissance publique, pourquoi faire un examen ? Pourquoi ne pas laisser le public juge ?
Si vous établissez certaines personnes juges de l’aptitude d’autres personnes à exercer des fonctions publiques pour lesquelles il faut être gradué en droit, je crois que vous investissez ces personnes du droit de faire acte de la puissance publique. Or, être investi du droit de faire acte de la puissance publique, est bien un emploi. L’article de la constitution est tellement général que je ne sais pas comment il peut s’élever un doute sur la question.
M. Jullien. - Je commencerai par demander aux honorables membres qui soutiennent que les fonctions de juré sont un emploi public et salarié, si dans le cas où un membre de la chambre était nommé examinateur, il serait soumis à la réélection. Dans leur système il devrait en être ainsi, car si c’est un emploi que d’être membre d’un jury, les membres de l’une ou l’autre chambre qui seraient nommés, devraient se soumettre à la réélection.
Messieurs, malgré tout ce qu’on a dit jusqu’à présent, on ne m’a pas répondu. Je pense que si la question avait été soulevée à l’occasion d’une élection faite par le gouvernement, on aurait peut-être rencontré de la part de ceux qui soutiennent ce système, une opinion qui n’aurait pas été conforme à celle émise en ce moment.
La constitution interdit les emplois civils et militaires aux personnes qui ne sont pas Belges ou naturalisées. Eh bien, est-ce un emploi civil ou militaire que d’examiner des élèves pour apprécier leur capacité ? Ce n’est pas, je crois, un emploi militaire. Est-ce un emploi civil ? On ne peut le prétendre, sans méconnaître ce que jusqu’à présent on a entendu par fonctions publiques, sans méconnaître tous les principes qui ont jusqu’ici fait jurisprudence dans la chambre.
Mais, dit-on, ces élèves qu’on va examiner recevront, des examinateurs, le droit d’exercer la médecine et la profession d’avocat ! Pas du tout, le jury d’examen n’à rien à faire que de constater un fait : tel élève est-il capable ou ne l’est-il pas ? C’est là un acte de la science, et rien de plus. Cela ne tient ni de l’emploi public, ni de l’emploi civil, c’est un acte de savant. Quand vous avez un fait de science à constater, vous appelez un savant, vous vous enquérez s’il a les connaissances nécessaires pour apprécier le fait dont il s’agit, mais vous ne lui demandez pas son acte de naissance.
Quand on prendrait la chose à la lettre et qu’on interpréterait la constitution avec la plus grande rigueur, je soutiens que les étrangers appelés pour professer en Belgique, en vertu des exceptions établies par la loi sur l’enseignement, sont, par voie de conséquence, aptes à être appelés aux fonctions d’examinateur ; car l’exception est déjà prononcée en leur faveur : vous les avez exceptés de la disposition de la constitution, pour leur confier des fonctions publiques, les fonctions de professeur ; votre droit est épuisé quand l’exception a été prononcée ; étant nommé professeur, il peut être examinateur ; l’un est une très petite conséquence de l’autre.
Maintenant, que la chambre juge comme elle voudra ; je crois que ce sont là les vrais principes.
M. Devaux. - Je persiste à soutenir que les jurés ne sont pas des fonctionnaires publics. Siéger dans une commission pendant un mois, lors des grandes vacances, et pendant quatorze jours aux vacances de Pâques, ce n’est pas là un emploi.
On a dit que la constitution interdisait de nommer des étrangers huissiers, el, qu’à plus forte raison on ne pouvait pas nommer des étrangers examinateurs. La différence, selon moi, c’est que des huissiers, on en trouve partout, tandis que, pour trouver des examinateurs, il faut chercher, et qu’il n’est pas même toujours facile de trouver, quand on ne veut pas se contenter à bon marché.
Un autre argument qu’on a fait valoir, c’est que les examinateurs exercent la puissance publique, en ce qu’ils décident si un homme est capable ou non d’exercer un emploi. Il y a diverses positions dans lesquelles les étrangers exercent d’une manière analogue ce qu’on appelle ici la puissance publique.
Les étrangers sont admis dans la garde civique et concourent à la nomination des officiers. Si aux termes de la constitution les étrangers doivent être exclus de tout exercice de la puissance publique, nous avons fait des lois très inconstitutionnelles.
J’entends le ministre qui dit que c’est une charge que de faire partie de la garde civique ; je trouve que c’est aussi une grande charge que d’être examinateur, de siéger de longues heures dans une commission d’examen, pour recevoir une simple indemnité de frais de séjour et être exposé à mille critiques, à mille reproches d’un parti ou de l’autre.
Il y a des commissions médicales près des conseils de milice, sur l’avis desquelles se décide la question de savoir si un homme est admissible ou non dans la milice : est-ce là aussi un exercice de la puissance publique ? A-t-on jamais songé à exiger de ces médecins leur acte de naissance ?
M. le ministre de l’intérieur convient que l’exception n’est pas prononcée par la loi ; que cependant la chambre peut décider qu’elle ne nommera pas d’étrangers ; je ne conçus pas comment un collège électoral, car nous ne sommes plus que cela maintenant, je ne conçois pas, dis-je, comment un collège électoral pourrait décider qu’il exclura telle ou telle catégorie de personnes ; si l’exception existe d’après la loi, vous n’avez pas à la prononcer ; mais si elle n’existe pas d’après la loi, vous ne pouvez défendre à l’un de vos collègues de nommer telle ou telle personne qui aura sa confiance.
D’aucune manière les fonctions de membre du jury d’examen ne forment pas un emploi, parce que les examinateurs ne reçoivent qu’une mission temporaire ; ce ne sont là ni des fonctionnaires publics ni des employés.
Dans le sens de l’opinion que je combats, le gouvernement ne pourrait probablement pas nommer non plus aux fonctions d’examinateurs des élèves en droit, nos magistrats les plus distingués, à moins qu’ils ne consentissent à faire à la fois le sacrifice de leur temps et celui des frais de déplacement. Car de même qu’on soutient aujourd’hui qu’il y a là emploi, ou ne manquera pas de prétendre également que dans l’indemnité il y a salaire, et par conséquent incompatibilité avec les fonctions judiciaires, aux termes de la constitution.
M. Dubus. - La question soulevée par M. Dumortier me paraît d’une haute importance, car il s’agit d’un article de la constitution, article conçu dans les termes les plus généraux, et dont on veut limiter arbitrairement le sens. On prétend que je veux l’étendre ; je ne fais que prendre l’article avec toutes les conséquences qu’il entraîne. Il ne nous est pas loisible de nous refuser à une seule de ces conséquences.
Il me semble qu’il y a des mots tellement déterminés et dont l’acception n’a pas fait de doute jusqu’ici, qui cependant deviennent douteux selon les circonstances : on se demande maintenant si les fonctions de membre du jury d’examen constituent des fonctions publiques ; j’aurais cru que cela ne faisait pas question ; je voudrais qu’on me donnât, des fonctions publiques, une définition telle qu’il fût possible de ne pas voir de telles fonctions dans le jury d’examen.
Supposons que le jury d’examen ne prononce que sur un fait ; mais le jury qui prononce dans la cour ne prononce aussi que sur un fait ; direz-vous que ce dernier n’est pas fonctionnaire public ?
Un jury d’examen ne prononce que sur un fait, c’est-à-dire, il juge, il décide que tel a la capacité nécessaire pour remplir des emplois publics ; il prononce des décisions comme le jury de jugement. Le jury d’examen délivre des brevets ; or, cette attribution ne peut appartenir qu’à des fonctionnaires publics. Je m’étonne qu’on ne veuille pas voir là un véritable emploi civil.
Mais, dit-on, les jurys d’examen siègent temporairement : est-ce qu’il n’y a pas d’autres fonctions publiques qui ne sont que temporaires ?
On a présenté l’exemple des étrangers qui font partie de la garde civique et qui concourent à la nomination des officiers, et l’on a comparé cela à un jury d’examen : un étranger, membre de la garde civique concourt pour la centième partie à la nomination des officiers. Quoi qu’il en soit, la loi a parlé et lui a permis ce concours ; mais la loi n’a pas dit qu’un étranger pouvait être membre d’un jury d’examen.
La constitution a-t-elle fait une exception en faveur du jury d’examen ? Non ! donc, les étrangers ne peuvent pas en faire partie.
Deux honorables préopinants ont montré qu’il y aurait des inconvénients à exclure les étrangers ; on a dit qu’un membre de cette chambre ne pouvait être nommé membre d’un jury d’examen d’après notre doctrine, sans aller se présenter de nouveau devant les électeurs ; mais ils n’ont pas fait attention qu’il ne s’agit pas de fonctions à la nomination du gouvernement et qu’il ne s’agit que de fonctions dont la nomination est faite par cette chambre.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°361 et 362, des 26 et 27 décembre 1835 :) Ces fonctions-là sont-elles salariées, ou sont-elles indemnisées ? Pour rendre applicable l’article de la constitution invoqué par les honorables préopinants, il faudrait supposer que l’indemnité allouée par la loi aux membres du jury constitue un traitement, un véritable salaire ; et encore, dans cette supposition même, comme ce n’est pas le gouvernement qui nomme, il n’y a pas nécessité d’une réélection. La constitution a voulu exclure toute influence indirecte du gouvernement sur les membres de la chambre, et c’est pour cela qu’elle les soumet à la réélection. Je ne demande qu’une chose, c’est que la constitution soit appliquée dans toute son étendue.
On a, je crois, comparé les fonctions de membre de jury aux fonctions du médecin étranger qui donne un avis tendant à faire exempter un homme de la milice : il n’y a aucun rapport entre le médecin qui donne un avis au conseil provincial, avis que l’on ne suit pas, et la décision que prend le jury d’examen.
On prétend que vous ne pouvez exclure telle ou telle catégorie de personnes, parce que la loi n’a pas fait ces catégories.
Si vous étiez saisis de la question à l’occasion d’un nom sorti de l’urne, sous la question de constitution se trouverait de suite une question personnelle ; et il est toujours fâcheux de voir une question de principe et de constitution se compliquer d’une question de personne. Sous ce rapport, il serait à désirer que la chambre se prononçât avant le scrutin, parce qu’alors l’application qui serait faite de la résolution de la chambre ne blesserait aucune susceptibilité. La résolution de la chambre ne lierait que la chambre, les autres pouvoirs seraient parfaitement libres dans leur action.
M. d'Hoffschmidt. - Un honorable préopinant, pour démontrer que les membres des jurys d’examen rempliraient des fonctions publiques, les a comparés aux membres des jurys des cours d’assises.
Mais, messieurs, ce n’est là qu’un jeu de mots. Il n’y a aucune analogie entre le jury des cours d’assises et les jurys dont nous nous occupons maintenant. Les jurys qui siègent dans les cours d’assises sont appelés à apprécier des faits et à prononcer sur la culpabilité de leurs concitoyens, et le jury dont il s’agit ici est appelé à juger la capacité des jeunes gens. Il n’y a donc aucune analogie entre ces deux fonctions.
Si l’on décidait que tout ce qui porte le nom de jury est inaccessible aux étrangers, dans le jury d’exposition des produits de l’industrie nationale, par exemple, vous ne pourriez placer ni un industriel français ni un industriel d’un autre pays pour juger des produits de notre industrie. La même chose se présente dans bien d’autres cas. C’est cette considération qui m’a déterminé à prendre la parole.
Si la constitution interdisait la nomination d’étrangers aux fonctions de membre du jury d’examen, je n’hésiterais pas à me ranger du côté de nos honorables adversaires ; mais il n’en est pas ainsi.
Personne jusqu’ici n’a démontré que la constitution s’opposât à ce qu’un étranger fût membre d’un jury chargé d’examiner la capacité des élèves. Dès que la constitution ne le défend pas, pourquoi s’oppose-t-on à ce qu’ou prenne des étrangers pour jurés si on les juge plus capables d’en remplir les fonctions ? Car que devons-nous désirer ? C’est que ces jurys soient composés d’hommes à même d’apprécier les capacités des élèves. Qu’ils soient étrangers ou nationaux, que nous importe, pourvu qu’ils remplissent le but. C’est là tout ce qu’on doit chercher.
Craindrait-on de voir entrer dans la composition des jurys quelques étrangers qui ne professeraient pas toutes les doctrines des honorables préopinants ? Je ne dis pas que ce soit là le motif qui dirige ces honorables membres, mais il me semble qu’il ne peut guère y en avoir d’autre.
Il est évident que celui qui a été admis comme professeur, doit être admis à examiner ses élèves.
Il y a une autre objection. On vous a proposé de prendre une décision. Mais comme l’a fait observer le ministre, cette décision ne lierait ni le gouvernement ni le sénat. Le gouvernement et le sénat, vous a t-il dit, pourront nommer des étrangers si cela leur convient ; la chambre ne décide que pour elle.
Messieurs, je crois que ce serait une très mauvaise chose que d’exposer les différentes branches du pouvoir législatif à se trouver en contradiction sur une question de constitutionnalité. Cela ne pourrait avoir d’autre résultat que de déprécier le gouvernement représentatif.
Je trouve que les raisons qui ont été données contre l’admission des étrangers dans les jurys d’examen ne sont nullement fondées.
Je n’ajouterai rien à ce qui a été dit sur le texte de l’article 6 de la constitution ; il a été suffisamment répondu aux arguments qu’on a cru pouvoir en tirer contre l’opinion que je défends.
M. Gendebien. - C’est à tort qu’on a invoqué l’article 66 pour établir qu’on ne pouvait pas appeler des étrangers à faire partie des jurys d’examen. Toute la question se réduit à savoir si c’est une fonction publique que la faculté d’entendre un jeune homme, de l’interroger et de le déclarer capable.
Pour moi, je ne considère comme fonction publique qu’un rouage gouvernemental qui concourt à la gestion de la chose dans l’ordre civil ou militaire. Dans l’ordre civil, un premier président de cour d’appel, un juge, un huissier qui est chargé de signifier les exploits, sont des fonctionnaires. Mais ici, un examinateur est-il un rouage qui concoure à la gestion de la chose publique ? Il ne décide que dans des cas particuliers, il décide si tel ou tel a bien travaillé ou non.
Mais, vous a-t-on dit, il déclare si tel individu est capable d’exercer des fonctions publiques. Ce n’est pas cela, il décide seulement s’il a bien travaillé. Celui qui juge de la capacité, de l’aptitude à remplir des fonctions publiques, c’est le ministre, qui nomme à ces fonctions l’individu pourvu d’un brevet, et non le jury qui accorde ce brevet.
Le brevet d’avocat, quelle prérogative donne-t-il ? De plaider pour les particuliers qui lui confient leurs causes ; il donne la faculté de faire ce que tout particulier a le droit de faire devant une cour ; il ne jouit de cette faculté que pour autant que les particuliers ne veulent pas plaider leur affaire eux-mêmes.
Je ne vois autre chose, je le répète, dans les fonctions de juré que la mission de constater si MM. tels et tels ont bien travaillé pendant les deux ou trois ans qu’ils ont passés à l’université, je n’y trouve aucun concours à la gestion de la chose publique dans l’ordre civil ou militaire.
(Moniteur belge n°359, du 24 décembre 1835) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la question dont il s’agit n’intéresse pas plus les professeurs des universités de l’Etat, que les professeurs des universités libres, que les professeurs des établissements particuliers, et que les étrangers qui ne sont pas professeurs. Le principe est le même à l’égard de tous ; car du moment qu’il est admis que ce n’est pas aux professeurs seuls que peut être déférée la qualité de juré, il est évident que si vous décidez que les professeurs étrangers d’une université quelconque peuvent être nommés jurés, par une conséquence nécessaire vous décidez que tout étranger, quel qu’il soit, peut être nommé membre d’un jury d’examen. Ainsi, on ne peut pas dire que de la faculté accordée au gouvernement d’appeler des étrangers dans l’enseignement public, dérive pour ces étrangers l’aptitude à être nommés membres des jurys d’examen.
Lorsque j’ai examiné la proposition faite par la section centrale, et avant de faire mon rapport à la chambre, je me suis demandé si un étranger pouvait être nommé membre d’un jury d’examen, ou s’il convenait de lui accorder cette faculté par la loi. J’ai trouvé que, si pas dans la lettre, du moins dans l’esprit de notre constitution, on pouvait trouver des motifs pour écarter les étrangers des fonctions de juré.
En effet, il m’a paru que si pour un simple emploi d’huissier il faut être naturalisé, à plus forte raison doit-on exiger la qualité de Belge de celui qui remplit une fonction éminente dans un jury d’examen qui prononce sur l’admissibilité à exercer la profession d’avocat, à remplir les emplois de la magistrature. Il m’a paru que véritablement ce serait au moins de l’esprit de nos institutions, si pas de leur texte formel.
Ce principe admis, je me suis demandé s’il convenait d’adopter une disposition formelle, ayant pour but d’admettre les étrangers aux fonctions de membre du jury d’examen. Je n’ai pas eu de peine à me prononcer pour la négative. S’il y avait des motifs spéciaux pour appeler un étranger d’un talent éminent dans l’enseignement public, on ne pouvait pas dire qu’il y eût les mêmes motifs pour admettre tout étranger quelconque à remplir les fonctions de juré.
Je dirai même qu’il n’y avait pas de motif suffisant pour admettre tout professeur quelconque à ces fonctions,
En effet si on avait posé le principe dans la loi, il ne fallait pas se borner à accorder cette aptitude aux professeurs appelés par le gouvernement, mais à tout professeur étranger appelé dans un établissement libre, mais à tout étranger qui serait venu dans le pays pour se livrer à l’enseignement. J’ai vu qu’il n’y avait plus de limite à l’admission des étrangers, et que par suite il n’y avait plus de garanties pour l’exercice de la fonction de juré, dans le vœu de nos institutions.
Ici, messieurs, il y a deux choses à considérer : Est-il défendu d’appeler ou convient-il de ne pas appeler d’étrangers à remplir les fonctions de membre du jury d’examen ? Dans l’état actuel de la question il n’appartient pas à la chambre seule de décider que les étrangers ne sont pas admissibles aux fonctions de juré ; mais je crois que la chambre peut décider qu’elle ne nommera pas d’étrangers à ces fonctions.
Par là elle exprimera son opinion, mais son opinion particulière, et cette opinion ne peut pas former loi. Si le gouvernement croyait devoir nommer un étranger, la nomination pourrait être critiquée, mais le champ de la discussion resterait libre ; il ne pourrait résulter de la décision de la chambre qu’un préjugé de l’opinion d’une des branches du pouvoir législatif.
Si la proposition de M. Dumortier devait être mise aux voix, elle devrait être formulée de la manière suivante : « La chambre déclare qu’elle ne nommera pas d’étrangers aux fonctions de membre du jury d’examen. »
Il est important que j’ajoute que plusieurs professeurs ont demandé la naturalisation. Je pense que plusieurs l’obtiendront, de sorte que l’inconvénient diminuera par la faculté qu’a le pouvoir législatif d’accorder la naturalisation à ceux qui veulent se fixer en Belgique et ne comptent plus retourner dans leur pays.
(Moniteur belge n°358, du 23 décembre 1835) M. Raikem. - Je veux présenter une simple observation.
On ne considère comme fonctionnaires que ceux qui tiennent au rouage gouvernemental ; nous sommes à peu près d’accord sur tous les points avec nos adversaires ; il ne faut maintenant que savoir s’il s’agit d’un rouage gouvernemental. Eh bien, je crois que l’examinateur est un fonctionnaire, car il a des fonctions en vertu de la loi : ainsi c’est en vertu de la puissance publique que son emploi lui est déféré, et alors comment ne serait-il pas employé public ?
Un professeur ne tient en aucune manière au rouage gouvernemental ; il y tient d’autant moins qu’un simple particulier peut enseigner les mêmes choses que ce professeur nommé par le gouvernement ; un professeur ne peut déclarer personne apte aux emplois publics, tandis que le jury d’examen déclare que tel est apte à tel emploi ; (erratum inséré au Moniteur belge n°360, du 25 décembre 1835 :) il remplit donc une fonction publique. Ce n’est pas un employé d’administration générale. J’en ai déjà fait l’observation ; mais tous les emplois autres que ceux d’administration générale, autres que les emplois judiciaires, n’en sont pas moins des emplois publics puisqu’ils sont déférés par la loi.
(Moniteur belge n°359, du 24 décembre 1835) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai demande la parole que pour qu’on ne puisse pas inférer de notre silence sur ce qui a été avancé par d’honorables préopinants, que la nomination d’un membre de la chambre ou du sénat aux fonctions de juré nécessiterait la réélection de ce membre. Vous vous rappellerez ce qui s’est passé à l’égard du général Goblet qui avait été envoyé en mission temporaire à Londres, et avait reçu une simple indemnité ; vous vous rappellerez également ce qui s’est passé à l’égard du général Merx à cause de la mission qu’il avait reçue pour Berlin, quoique ce général fût membre de la haute cour militaire.
Si j’ai rappelé ces faits, c’est pour qu’on ne puisse pas induire de l’assertion des honorables orateurs que la chambre aurait adopté leur opinion.
En ce qui concerne la question qui nous occupe, je pense que toute discussion est superflue. Il a été reconnu qu’aucune proposition ne pourrait avoir un résultat utile. Maintenant, les membres de la chambre ont pu se former une opinion pour ou contre l’admissibilité des étrangers aux fonctions de juré, pour ou contre la convenance de leur admissibilité ; c’est par ces différents motifs que les scrutins seront déterminés.
Je pense que nous n’avons rien de mieux à faire que de passer aux autres objets à l'ordre du jour.
M. Dumortier. - Je n’ai rien à proposer à mettre aux voix ; c’est aux personnes qui s’en tiennent aux doctrines contraires à celles que j’ai exposées à faire une proposition. Je renouvelle la déclaration que j’ai déjà faite que dans la question que j’ai soulevée il ne s’agit pas de personnes.
M. Jullien. - Ceux qui ne partagent pas l’opinion de M. Dumortier, nommeront un étranger examinateur.
On vient de nous dire que c’était un acte de la puissance publique que de nommer un examinateur ; mais c’est aussi un acte de la puissance publique que de nommer un professeur, et un professeur n’est cependant pas fonctionnaire public.
Je crois devoir rectifier des faits concernant le général Goblet et que l’on a cités dans la discussion : lorsque ce général a été envoyé à Londres, il n’a pas été soumis à la réélection parce qu’on a considéré qu’il n’avait reçu qu’une mission temporaire et une mission donnée par le Roi ; c’est lorsque le général a été nommé ambassadeur à Berlin qu’il a été réélu.
M. Raikem. - Si l’on a nommé des étrangers professeurs, c’est en vertu de la loi ; s’il y avait une loi, on nommerait également des professeurs étrangers.
(Moniteur belge n°358, du 23 décembre 1835) M. le président. - Nous avons à l’ordre du jour la loi concernant les péages…
- De toutes parts. - Nous ne sommes plus en nombre ! Nous ne sommes que 44 !
M. Seron. - Nous ne sont plus en nombre, nos brûlons inutilement la chandelle, mais ne ferions rien qui vaille ; allons nous coucher. Il est onze heures !!! Cela vaudra mieux que d’entendre des sophismes et des arguties !
- Tous les députés quittent leurs banquettes.
M. le président. - Mercredi il y aura séance du soir à 7 heures, pour procéder à la nomination des membres du jury d’examen.
- La séance est levée à onze heures du soir.