(Moniteur belge n°348, du 14 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen fait l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« La régence de la ville de Verviers demande :
« 1° Qu’il soit alloué au budget un subside pour l’école industrielle et commerciale de cette ville, et 2° que les traitements des cinq vicaires de cette ville, comportant une somme de 2,000 francs, soient acquittés par l’Etat. »
« Les habitants de la commune de Bouchaute demandent la construction du canal de Zelzaete à Blanckenberg. »
« Des habitants de Bruxelles demandent que la loi sur la garde civique soit modifiée de manière qu’elle soit organisée en trois bans. »
« Le sieur A. Baugnies, marchand de boissons, demande que la loi du 24 décembre 1829, par laquelle le droit d’accise sur les eaux-de-vie étrangères a été élevé à 25 p. c., soit rapportée. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le président. - La parole est à M. Fallon.
M. Fallon. - Je ne prends pas la parole pour m’opposer à ce qu’il soit fait droit aux plaintes des provinces qui paraissent surchargées dans la répartition de l’impôt foncier, ni pour retarder le redressement d’une inégalité plus ou moins onéreuse pour ces provinces.
Si l’injustice existe et si je puis en apprécier légalement le chiffre, je considère comme l’un des premiers devoirs de mon mandat de concourir à la faire cesser le plus tôt possible, et par conséquent j’appuierai de mon vote toute mesure qui tendra à la faire disparaître dès le 1er janvier prochain.
Je ne prends pas non plus la parole pour empêcher qu’on prenne provisoirement pour base approximative du dégrèvement à accorder aux Flandres, les chiffres de l’opération cadastrale ; mais ce que je veux éviter, c’est que l’on dépasse le but et que, pour redresser une injustice locale, on ne fasse que la déplacer pour la reporter en tout ou en partie sur d’autres localités ; mais ce que je veux éviter surtout, et ce à quoi je m’opposerai de toutes mes forces, c’est que l’on ne transforme en loi, pour en doter l’avenir de mon pays, les résultats de l’opération cadastrale, avant que cette opération ne soit d’abord purgée des irrégularités et des nombreuses illégalités dont elle fourmille.
Je sais que, quelles que soient les précautions que l’on prenne pour arriver à des résultats plus satisfaisants, il faut renoncer à l’espoir d’arriver à une exactitude tellement mathématique dans la fixation des contingents provinciaux, qu’il n’en surgisse aucune plainte ; mais on peut tout au moins procéder de manière, si pas à faire cesser les plaintes, tout au moins à leur imposer légalement silence : le moyen, c’est de donner des garanties de légalité, et, en matière d’impôt, c’est bien là tout au moins ce que l’on a droit d’exiger.
La contribution foncière est celui de tous les impôts dont la perception est la plus facile et la moins coûteuse. Il procure à l’Etat les ressources ordinaires les plus certaines, et il est en même temps le plus propre à venir au secours d’embarras financiers dans des circonstances extraordinaires.
A ce double titre, c’est celui des impôts qu’il importe le plus de purger de tout arbitraire et d’asseoir sur de justes bases. Cependant c’est celui où les disproportions de répartition ont été et sont encore les plus choquantes.
La cause des nombreuses réclamations auxquelles il n’a cessé de donner lieu, remonte, je le sais, à l’origine même de l’impôt.
La formation des matrices de rôles ayant été abandonnée aux soins des administrations locales, aucune règle fixe et uniforme ne fut observée ; et comme l’impôt était de répartition, et non de quotité, on s’attacha bien plus à prendre pour base de la répartition des valeurs relatives que des valeurs réelles.
A la longue, le rappel à l’égalité proportionnelle pouvait établir des proportions plus ou moins exactes entre les habitants d’une même commune, mais cela n’aidait nullement à faire disparaître les inégalités qui se perpétuaient de commune à commune, de canton à canton, et de province à province.
Le moyen de faire contribuer la valeur imposable dans une juste proportion, quelque soit le lieu de la situation ; le moyen de ramener à l’égalité proportionnelle les particuliers entre eux et les localités entre elles ; le moyen de faire en sorte que rien ne fût soustrait à l’impôt, n’était pas difficile à concevoir. C’était de lever le plan de la contenance de chaque propriété, de la diviser en autant de parcelles qu’elle comprenait de terrains de différents produits, de soumettre l’évaluation de chacun d’elles à des règles fixes, communes et uniformes dans toutes les localités ; c’était en un mot le cadastre.
Mais c’était là une immense entreprise qui exigeait beaucoup du temps, et surtout beaucoup d’argent.
Quoi qu’il en soit, le cadastre fut entrepris et il arrive chez nous à sa fin.
Jusqu’à présent, nous ne nous en sommes guère occupés que pour voter annuellement les sommes énormes qui nous furent demandées et pour en presser l’achèvement, sans nous donner le soin de rechercher si l’administration allait aussi bien qu’elle allait vite, et surtout si elle suivait la voie légale.
Aujourd’hui que l’on a rassemblé les chiffres, on vient brusquement nous demander de les légaliser, et comme si l’on craignait de soumettre à un examen sérieux les opérations au moyen desquelles on est parvenu à ces résultats, on veut que la chambre agisse avec non moins de précipitation, de légèreté et d’arbitraire, que n’en a mis l’administration du cadastre dans les dernières années de son pouvoir absolu.
Depuis 40 ans on est à travailler les chiffres et à les poser sur des bases qui ont varié successivement et arbitrairement au fur et à mesure que l’on a poussé en avant ; et aujourd’hui qu’il s’agit d’enchaîner les provinces à perpétuité dans un travail fait de la sorte et alors qu’on s’est récrié violemment à plusieurs reprises, même sur les bancs de cette chambre où l’on applaudit à tout rompre aujourd’hui, sur la manière de faire des agents du cadastre ; et alors que la législature est saisie de requêtes qui signalent des irrégularités et des illégalités fondamentales, on ne veut pas d’enquête préalable, on ne veut pas de commission de révision, on ne veut pas attendre que les nouveaux conseils provinciaux soient entendus ; on ne s’arrête pas même en présence du droit de pétition, comme si les principes constitutionnels n’avaient que faire dans la question d’une juste répartition de l’impôt foncier, et l’on veut passer outre sans égard aux lumières que l’on pourrait obtenir de la commission à laquelle les pétitions ont été renvoyées.
Si j’en crois mes prévisions, une discussion qu’aucun examen sérieux et approfondi n’aura pu éclairer va couvrir les erreurs les plus matérielles, va sanctionner les illégalités les plus flagrantes, va même étouffer le droit de pétition.
S’il doit en être ainsi, il faut tout au moins que le pays le sache afin qu’il puisse en tenir compte à l’occasion.
Je protesterai, quant à moi, contre une pareille manière de procéder, et je me bornerai à faire tout ce que je puis en l’acquit de mon mandat, c’est-à-dire à supplier la chambre de permettre qu’on lui donne tout au moins connaissance des pétitions sur lesquelles elle ne croit pas devoir attendre qu’il soit fait rapport, et d’écouter ces pétitions avec patience.
Ces pétitions soulèvent des questions de légalité qui valent bien la peine d’être considérées dans leurs conséquences ; elles signalent des abus qu’il faut redresser avant tout, si l’on ne veut pas faire de l’arbitraire dans l’application définitive de l’opération cadastrale.
La péréquation de province à province ne peut être exacte, ne peut être régulière et légale que pour autant que la péréquation de canton à canton, de commune à commune, soit elle-même exacte et légale.
C’est là une vérité qu’il n’est pas besoin de démontrer : il va de soi-même que si telle base d’estimation appliquée à telle commune n’a pas été adoptée dans telle autre commune ; que si telle règle d’évaluation suivie dans telle localité n’est pas la même que celle qui a été appliquée à telle autre localité, vous n’avez plus aucune garantie sur l’uniformité d’évaluation de province à province.
Il va de soi-même également que les irrégularités commises soit dans les opérations communales, soit dans les opérations cantonales, se communiquent nécessairement à l’ensemble du travail et en faussent les résultats.
La loi avait eu soin de créer, dans l’institution des assemblées cantonales, un moyen d’arrêter le mal à sa source. C’est là où les premières opérations d’expertise devaient être soumises à une enquête, c’est là où les abus pouvaient être découverts, c’est là où les illégalités pouvaient être signalées.
Cette institution a été complètement dénaturée ; l’administration du cadastre qui, pour pouvoir aller vite, voulut pouvoir agir despotiquement, n’a pas permis que les délégués des communes allassent jusqu’à prendre connaissance des premiers éléments des expertises ; elle n’a pas voulu que les députations des conseils provinciaux pussent faire droit à leurs réclamations, et elle est ainsi parvenue à rendre ce moyen de contrôle tout à fait illusoire.
En restreignant de la sorte les attributions des assemblées cantonales, a-t-elle agi légalement ? C’est ce que lui dénient les pétitions qui vous sont parvenues.
Je ne vous occuperai pas, messieurs, de toutes les pétitions dont votre commission du cadastre se trouve saisie ; je n’examinerai que celles qui proviennent de localités qui me sont connues, et même, dans le nombre de celles-ci, je me bornerai à celles qui signalent plus directement les injustices et les illégalités que l’on nous demande de consommer.
La première que je vais examiner est celle de l’assemblée du canton de Namur-Nord. Elle a le mérite d’être fort courte, et cependant c’est celle qui soulève les questions de légalité les plus graves.
Je vais d’abord en donner lecture ainsi que des pièces à l’appui.
« Messieurs,
« Nous avons l’honneur de vous adresser, ci-jointe, une copie de notre délibération de ce jour.
« Son unique objet est d’obtenir, par les motifs qui y sont déduits, non pas une faveur, mais un acte de justice, qui est la classification des diverses natures de propriétés dans le nombre de classes fixé au tableau littera O, conformément aux diverses dispositions des lois et instructions générales du royaume, et conformément à ce qui s’est pratiqué dans d’autres provinces, cette année, et même dans celle de Namur.
« M. l’inspecteur provincial du cadastre, n’ayant point voulu, dans notre séance, prendre l’engagement de former cette classification, nous avons cru de notre devoir, messieurs, de vous signaler cet état de choses, intimement convaincus que vous veillerez à ce que l’administration du cadastre prescrive de suivre uniformément la règle légale de classification dont il s’agit.
(Adopté en séance de l’assemblée cantonale de Namur-Nord du 27 novembre 1833.)
« L’assemblée cantonale de Namur-Nord,
« Considérant que si l’article 510 du Recueil méthodique des lois et règlements généraux sur le cadastre, en limitant à cinq le nombre de classes pour les terres labourables, exprime clairement la pensée du législateur qu’on ne peut étendre le nombre de ces classes au-delà de celui fixé, néanmoins il ne résulte nullement de cette disposition qu’il soit au pouvoir de l’administration du cadastre d’établir une classification moins étendue ;
« Considérant que le travail soumis aujourd’hui à l’assemblée présente une dérogation à ce principe de classification, puisqu’il ne divise qu’en quatre classes seulement, toutes les terres labourables du canton ;
« Considérant que les variétés de terrains qui se font remarquer, presqu’à chaque pas, dans cette contrée, réclament impérieusement la division des terres arables en 5 classes ; que ces variétés sont si nombreuses qu’elles dépassent même la nomenclature que renferme l’article 337 du Recueil méthodique déjà cité ;
« Considérant qu’en supposant que le système de compensation, sur lequel est basé le travail soumis à l’assemblée, puisse être admis, l’application de ce système ne serait pas praticable à l’égard d’individus qui, ne possédant qu’une petite portion de terrain dont la totalité ou une partie se trouverait en dessous de la quatrième classe, puisque la compensation n’a lieu qu’en plaçant d’autant moins de terrain dans une classe supérieure, et que ces individus n’en ont point de cette dernière catégorie ;
« Considérant qu’il est parvenu à la connaissance des délégués du canton que dans le Hainaut, et notamment dans la commune de Gosselies (contrée qui est sans contredit la plus fertile de la Belgique), dans la commune de Fleurus (même province), et enfin dans la commune d’Andenne (province de Namur), la classification des terres labourables a été faite, cette année, en cinq classes ; que les conséquences de cette différence de classement seraient extrêmement dangereuses pour le canton de Namur-Nord, lors de la péréquation et allivrement généraux du royaume ;
« Considérant enfin que lors de l’assemblée cantonale de 1823, il lui fut promis qu’à une prochaine révision la classification des terres labourables de ce canton serait effectuée en cinq classes, ainsi que l’ont affirmé, dans cette séance, MM. les délégués des communes de Beez et de Bonnines, les seuls membres de l’assemblée de 1823 qui siègent dans cette réunion,
« Décide :
« Que, jusqu’à ce que ce mode de classement ait été réalisé, et qu’en général les diverses natures de propriétés aient été classées dans le nombre de classes fixé au tableau littera O, qui a été remis à chacun des délégués, il serait prématuré de chercher à établir le plus juste équilibre entre les évaluations de toutes les communes du canton, opération qui est le but de la mission que la loi confie à l’assemblée. »
(Adopté en séance de l’assemblée cantonale du 27 novembre 1833.)
Conformément à la législation sur le cadastre, les assemblées cantonales ont-elles qualité pour manifester leur opinion sur les opérations des agents du cadastre en ce qui concerne la classification ?
Ont-elles le droit de réclamer une classification uniforme dans tous les cantons et dans toutes les communes où le sol présente les mêmes natures de terrain, les mêmes variétés de fertilité, les mêmes diversités de produits ?
Le gouvernement est-il juge compétent pour statuer d’autorité sur les délibérations et les conclusions des assemblées cantonales, et fixer définitivement l’allivrement cadastral ?
Le ministre des finances a-t-il qualité à son tour, soit pour régenter les assemblées cantonales et leur intimer des ordres, soit pour réformer en cette matière les décisions prises par les gouvernements, soit enfin pour imprimer le cachet de l’irrévocabilité aux opérations cadastrales ?
Telles sont les questions que soulève la pétition dont je viens de donner lecture, et qui sont de nature à appeler une attention sérieuse, tant de la part du gouvernement que de la chambre.
Avant de me livrer à l’examen de ces questions, je dois d’abord déclarer que je suis très peu familier avec la matière du cadastre ; je n’ai à invoquer à l’appui de mon opinion aucune garantie de science ni de pratique ; je ne cherche qu’à provoquer et non à jeter moi-même des lumières sur une matière aussi obscure.
Je dois encore déclarer que, pour m’égarer le moins possible dans l’examen de ces questions, je tiendrai fort peu compte des indications que renferme ce que l’on appelle le Recueil méthodique, véritable grimoire en deux volumes, où le rédacteur a mis à contribution tout ce qui avait paru sur cette matière depuis 1790, confondant les lois abrogées et celles qui n’avaient jamais été publiées dans les département réunis, avec celles qui avaient force légale en Belgique ; associant, sans discernement, les dispositions qui avaient eu pour objet des systèmes d’évaluation tout différents, et substituant à l’autorité de la loi, pour la commodité du système auquel il trouvait bon de donner la préférence, des instructions ministérielles qui en modifiaient le sens.
J’imiterai en cela la circonspection de la loi française du 15 mai 1818, qui ordonna que les lois sur le cadastre, et non le Recueil méthodique, continueraient d’être exécutées. Ce sont donc les lois et les lois seules que je prendrai pour guide de mon opinion.
La loi du 15 septembre 1807 est la loi spéciale en ce qui regarde les attributions des assemblées cantonales. Je ne connais pas de lois postérieures qui l’aient modifiée, et il me semble résulter de ses dispositions que l’assemblée cantonale a mission pour apprécier l’opportunité de la classification adoptée dans le canton, en rapport avec la classification appliquée au canton voisin ou à tout autre canton de la province ou d’une province voisine.
On lui a contesté cependant cette attribution, et voici par quels motifs :
Les articles 28, 29, 31 et 32 de cette loi chargent l’assemblée cantonale de prendre connaissance des évaluations des diverses communes du ressort (à quelle fin, dit la loi, les pièces des diverses expertises lui seront remises), de les examiner et discuter et de donner ensuite des conclusions motivées sur les changements qu’elle estimerait devoir être faits aux estimations.
C’est cependant de ces dispositions que l’administration a conclu que l’assemblée cantonale ne peut prendre connaissance que des évaluations et non des classifications, et cela pourquoi ?... parce que les évaluations sont le résultat du classement et non de la classification ; parce que la classification est en dehors de l’expertise ; parce que la loi parle d’évaluations et d’estimations et non de classification, et enfin parce qu’alors que les habitants de la commune n’ont pas réclamé dans le délai prescrit, il n’appartient plus à personne de critiquer les classifications.
J’espère pouvoir vous démontrer, messieurs, qu’on ne raisonne de la sorte que parce que l’on se refuse à donner aux mots l’acception qu’ils doivent avoir dans le langage et l’esprit de la loi ; parce que l’on détache de l’expertise la classification qui en forme la base, et parce que l’on veut appliquer à l’assemblée cantonale une déchéance qui n’atteint et ne peut évidemment atteindre que les habitants des communes cadastrées.
Les attributions des assemblées cantonales se déterminent naturellement par le but de l’institution de ces collèges, par les documents sur lesquels la loi les appelle à discuter, et par l’objet des conclusions qu’ils sont appelés à formuler et à motiver.
Le but de l’institution est bien déterminé. C’est de s’assurer que la loi a reçu la même application dans chacune des communes du canton ; que nulle part le revenu net n’a été affaibli ni exagéré ; que là où le sol est de même nature et les produits de même valeur, les mêmes règles d’évaluation ont été observées, et qu’enfin les communes du canton se trouvent placées dans une juste proportion entre elles et les cantons voisins.
C’est incontestablement à cette fin que la loi veut qu’on soumette à l’examen et à la discussion de ces assemblées, non seulement les expertises, mais toutes les pièces relatives à ces expertises sans aucune distinction. C’est incontestablement à cette fin que la loi leur donne le droit d’appeler devant elles les experts ; c’est bien enfin à cette fin que la loi leur demande des conclusions motivées sur les changements qu’elles croiraient devoir être faits aux estimations.
Mais, dit-on, l’évaluation et la classification sont des choses différentes qu’il ne faut pas confondre, et de ce que le contrôle des évaluations est attribué à l’assemblée cantonale, la conséquence n’est pas qu’elle est appelée également à contrôler l’opération de la classification.
Ce n’est là, messieurs, qu’une argutie que le simple bon sens repousse.
Si la loi veut, en termes précis, que toutes les pièces relatives aux expertises soient remises sous les yeux de l’assemblée pour qu’elle discute les évaluations et les estimations, on est forcé de reconnaître qu’elle est appelée à discuter et à contrôler tous les documents quelconques qui ont servi de base aux expertises.
Toute la question est donc de savoir si l’opération de la classification entre pour quelque chose dans les moyens et dans les résultats des expertises et des évaluations.
Or, voyons quels sont les éléments dont les expertises doivent se composer, à quelles opérations les experts doivent se livrer pour arriver aux évaluations ; et nous verrons bien si la classification est l’un des éléments de l’expertise.
La première opération que doit faire l’expert en arrivant sur le terrain, c’est d’examiner si, pour chaque genre de culture, le sol de la commune est de même nature et est susceptible des mêmes produits suivant la qualité du terrain, son exposition, les moyens de culture et sa fertilité relative.
Si le sol présente des variétés plus ou moins nombreuses, il le divise en plus ou moins de classes d’évaluation, sans pouvoir toutefois aller au-delà de 5 classes pour les terres labourables.
Cette première opération de l’expert est ce qu’on appelle la classification. Voici comment l’article 506 du Recueil méthodique la définit.
« La classification consiste à déterminer en combien de classes chaque nature de propriété doit être divisée à raison des divers degrés de fertilité du terrain et de la valeur du produit. »
Cela fait, le tableau de la classification est achevé dans le cabinet de l’inspecteur, car c’est bien plutôt sous l’influence de l’inspecteur que sous l’influence du terrain que l’expert termine cette première opération ; il procède ensuite à l’évaluation qu’il convient d’attribuer à chaque classe.
Ayant ainsi arbitré l’évaluation qu’il convient de donner au bonnier dans chacune des classes, il procède à ce qu’on appelle le classement que l’article 546 du Recueil définit dans les termes suivants :
« Après avoir déterminé le nombre de classes de chaque genre de propriété et préparé l’estimation de chaque classe, l’expert s’occupe du classement, qui consiste à distribuer entre classes établies et reconnues tous les terrains que chaque genre de propriété occupe, et à déterminer de quelle classe est chaque parcelle ou portion de parcelle. »
Comme vous le remarquerez, messieurs, le classement n’est qu’une opération secondaire à la classification,
C’est la classification qui forme la base principale de l’expertise, puisqu’une fois que l’expert a fixé la valeur du bonnier dans chacune des classes, il ne s’agit plus que de déterminer à quelle classe chaque parcelle du plan sera attribuée ; et, cela fait, l’expertise est achevée.
En un mot, l’estimation de chaque genre de terrain est dans la classification. Le classement n’est plus que l’application de l’estimation à chaque parcelle.
Si la classification, en d’autres termes si l’estimation de chaque classe a été mal faite, le classement communiquera nécessairement le vice à chaque parcelle, tandis que le classement peut être vicieux sans que pour cela la classification, c’est-à-dire l’estimation du terrain par classes, ait été mal faite.
Il n’est donc pas possible de détacher de l’expertise ces deux opérations qui se lient intimement.
La classification, comme le classement, fait partie de l’expertise, et si la classification fait partie de l’expertise, il n’est pas possible de soutenir de bonne foi qu’elle n’est pas placée dans le contrôle de l’assemblée cantonale, puisque la loi dit, en termes précis, que toutes les pièces des diverses expertises seront soumises à l’examen et à la discussion de cette assemblée, qui donnera ses conclusions motivées sur les changements qu’elle croira devoir être faits aux estimations.
Mais, dit-on, un terme est fixé pour la déchéance de toute réclamation contre la classification. L’état de classement et les pièces relatives à expertise sont déposés à la mairie de chaque commune ou canton ; les intéressés doivent faire leurs réclamations dans le mois de ce dépôt ; le gouverneur statue ensuite sur les réclamations, et dès ce moment la classe de chaque propriété se trouve invariablement fixée.
Je sais bien que c’est là ce que dit l’article 743 du Recueil méthodique, et je vois bien qu’il le dit ainsi comme si c’était là le langage de la loi du 15 septembre 1807 auquel il se réfère.
Mais c’est la une des nombreuses infidélités que renferme ce recueil. D’abord la loi du 13 septembre 1807 ne prononce aucune déchéance, et ne dit pas un mot de ce que cet article du recueil lui fait dire.
Du reste, quand il serait aussi vrai qu’il est faux qu’après l’échéance du mois du dépôt des pièces à la mairie, il y a déchéance contre toute réclamation, il serait impossible encore d’en déduire une fin de non-recevoir contre les réclamations des assemblées cantonales, et cela par plusieurs raisons également péremptoires. Premièrement, parce que la formalité du dépôt à la mairie a pour unique objet de soumettre le travail de l’expertise aux investigations des propriétaires de la commune, et nullement d’appeler sur ce travail des propriétaires des autres communes du canton. De manière que, si déchéance il y a, elle n’atteint que les habitants de la commune où le dépôt a eu lieu, et nullement les autres communes du canton qui pourraient avoir à se plaindre.
Si la déchéance encourue par les propriétaires d’une commune par l’effet du dépôt à la mairie de cette commune pouvait se communiquer aux propriétaires de toute autre commune du canton, la loi serait absurde ; car enfin, de ce que les habitants d’une commune, se trouvant favorablement traités, n’auraient fait aucune réclamation dans le mois du dépôt, et de ce qu’ils se trouveraient parfaitement satisfaits de la classification appliquée à leur commune, il ne s’en suit nullement que la commune voisine doive s’en contenter, si cette classification lui porte préjudice, établit une inégalité.
Il est, du reste, une considération qui, à elle seule, tranche toute difficulté sur ce point de déchéance. La voici :
Nous avons démontré, et cela est incontestable, que l’assemblée cantonale est instituée pour examiner dans les opérations de l’expertise si l’égalité proportionnelle a été observée dans toutes les communes du canton, et si elles sont dans un juste rapport les unes avec les autres.
Or, aucune déchéance ne peut sans doute courir contre l’assemblée cantonale avant qu’elle n’existe, avant qu’elle soit convoquée, avant qu’elle soit réunie, avant que les pièces lui soient remises.
Comment dès lors, sans déraisonner complètement, peut-on lui appliquer une déchéance sur une opération consommée avant qu’on puisse la convoquer ?
Comment conçoit-on qu’on puisse dire à l’assemblée cantonale : Examinez et discutez toutes les pièces relatives aux expertises qui ont eu lieu dans toutes les communes du canton, dites-nous les changements que vous croyez devoir faire subir à ces expertises, mais gardez-vous bien de discuter les classifications et les classements, parce que, à cet égard, il y a déchéance depuis l’expiration du mois du dépôt qui a été fait dans chacune des communes.
L’assemblée cantonale répondrait avec toute raison que ce qu’on lui demande est une dérision, puisque les expertises ne sont ailleurs que dans la classification et le classement, et qu’elle ne peut par suite apprécier les expertises sans discuter d’abord la juste application à la localité de la classification et du classement.
Ces considérations réfutent complètement, me semble-t-il, ce que M. l’administrateur a dit avec tant d’assurance au sénat dans la séance du 21 février 1834.
Voici ses expressions :
« On s’est plaint de ce que les assemblées cantonales n’avaient pas voulu s’occuper du classement ; mais elles n’ont à discuter que sur l’évaluation. Le classement est communiqué au propriétaire qui y adhère ou le rejette ; s’il y adhère, comment l’assemblée cantonale déclarerait-elle mauvais ce que le propriétaire a trouvé bien ? On ne peut donc admettre que l’assemblée cantonale revienne sur une opération qui a eu l’assentiment du propriétaire lui-même. Il n’y a donc pas eu d’injustice dans le canton de Tamise ; on s’est conformé aux dispositions des lois sur la matière. »
Je dis, moi, que si l’on a procédé de la sorte dans le canton de Tamise, la loi a été là méconnue comme ailleurs. Je dis que l’assentiment du propriétaire ne suffit pas, parce qu’il ne s’agit pas de lui seul, et qu’il faut le mettre en rapport avec tout autre propriétaire ; qu’il ne suffit pas que les propriétaires d’une commune aient trouvé bon ce qui a été fait à l’égard de cette commune, et qu’il faut que l’assemblée cantonale puisse le trouver mauvais si elle reconnaît que cette commune a été ménagée au préjudice d’autre commune du canton qui n’aurait pas obtenu les mêmes modérations ou faveurs.
Voilà comme je comprends la loi, et je ne pense pas qu’on puisse autrement la comprendre, si l’on veut que les assemblées cantonales servent à quelque chose.
Il n’est donc pas douteux que l’assemblée cantonale de Namur-Nord était compétente pour examiner et discuter la classification que les experts avaient adoptée dans chaque commune du canton.
C’était là l’objet principal de sa mission, et dès lors il n’est pas douteux non plus qu’elle avait qualité, et qu’elle était en temps utile pour réclamer une classification mieux appropriée aux localités.
Je sais bien qu’en admettant que l’assemblée était compétente pour discuter les classifications, et avait la qualité pour réclamer la division des terres labourables en cinq classes, la conséquence n’est pas que sa réclamation était fondée.
Aussi c’est de l’opportunité et du mérite de cette réclamation que je vais maintenant m’occuper.
Quant à l’opportunité, les seules exceptions qui lui ont été opposées, c’est qu’il était trop tard et qu’aucun autre canton n’avait réclamé de ce chef.
Nous avons déjà fait remarquer qu’il n’était pas trop tard, l’assemblée ne pouvant être déchue de son contrôle sur la classification avant de pouvoir exercer son contrôle.
Quant au mérite même de la réclamation, l’argument tiré de ce qu’aucun autre canton n’avait réclamé du même chef, ne prouvait pas autre chose sinon que dans les autres cantons on n’avait pas pris garde à la classification, ou bien qu’on en avait été satisfait, ce qui ne prouve pas à coup sûr qu’on devait également en être satisfait en ce qui concernait le canton de Namur-Nord. La division des terres arables en quatre classes peut fort bien convenir à telle localité, tandis qu’elle serait très préjudiciable à telle autre localité.
Du reste, s’il faut en croire la délibération de l’assemblée du canton de Namur-Nord du 27 novembre 1833 (et sans doute il n’y a pas de raison pour ne pas accorder autant de confiance aux assertions de cette assemblée qu’aux dires des agents du cadastre), déjà dans une réunion de cette assemblée qui avait eu lieu en 1823, réunion antérieure aux innovations survenues, la réclamation de la division en cinq classes avait été faite, et elle avait été promise pour la prochaine révision.
Il faut donc écarter toute fin de non-recevoir et en venir franchement au fond de la réclamation.
En fait, dans les 19 communes qui composent le canton de Namur-Nord, les terres labourables n’ont été divisées qu’en 4 classes.
Il en est de même dans le canton de Namur-Sud, qui se compose de 13 communes, sauf cependant que dans la commune de Jambes et dans la commune de Lives qui y est attenante, la division a été faite en 5 classes.
Il est bon de savoir quel est l’effet que produit sur l’expertise la division des terres labourables en 4 ou 5 classes.
Voici cet effet, il est double :
Il est sensible que si l’on ne divise les terres labourables qu’en 4 classes là où il existe une différence plus nombreuse dans la qualité, dans la fertilité et dans le produit du sol, les terres les moins productives se trouveront nécessairement confondues dans la quatrième classe avec les terres d’un meilleur produit, et qu’en conséquence il y aura lésion et préjudice pour celui qui possède des parcelles d’une qualité inférieure.
Il est évident également que le taux moyen calculé sur 4 classes seulement est plus élevé qu’alors qu’il est calculé sur 5 classes, et qu’en conséquence il y aura inégalité et préjudice pour les communes et les cantons à quatre classes dans la répartition de l’impôt de canton à canton et de province à province.
A cela que répondent les agents du cadastre ?
Lors, disent-ils, que nous faisons la division là en 4 classes et ici en 5 classes, la première classe n’est pas portée au même taux des deux côtés. Dans la division en 5 classes, nous portons la première classe à un taux plus élevé, et ainsi il y a compensation dans le chiffre du taux moyen.
Je ne conteste pas ce résultat mathématique, mais je m’élève contre son application, parce qu’il est en opposition manifeste avec le but de l’opération cadastrale qui doit atteindre le produit réel de chaque parcelle et non une valeur fictive.
Ce système de compensation, qu’aucune disposition de la loi n’autorise, produit d’ailleurs des injustices évidentes.
N’est-il pas vrai que si, là où il y avait lieu de faire cinq classes, on n’en a fait que quatre, en plaçant par forme de compensation un peu moins de terrain, en première ou en deuxième classe, ou bien en modérant le taux de la quatrième classe, la parcelle qui aurait dû être renvoyée une cinquième classe se trouvera frappée à perpétuité d’une valeur supérieure à la valeur réelle, et qu’en cas de mutation de cette parcelle, l’acheteur, à qui la compensation ne pourra profiter puisqu’il n’aura pas les autres parcelles qui ont servi à former le taux moyen, sera à perpétuité surtaxé dans l’impôt foncier ?
C’est sur ces diverses considérations que l’assemblée de Namur-Nord a insisté pour obtenir la division des terres arables de ce canton en cinq classes, et qu’elle y a insisté avec raison.
En fait, il est incontestable qu’il n’est pas de localité dans tout le pays où il existe des différences plus nombreuses et plus apparentes dans la nature des terres labourables que dans ce canton. On y rencontre à chaque pas le sol argileux, le calcaire, la marne, la derle, la craie, le caillou, le sable rouge, le sable blanc, le schiste, etc.
L’assemblée indique pour objet de comparaison le canton de Namur-Sud où ces accidents, où ces différences de terrains sont certainement moins nombreux, et elle se demande pourquoi ce privilège de cinq classes accordé aux communes de Jambes et de Lives dont je viens de parler.
Elle prend également pour objet de comparaison la commune de Gosselies dans la province voisine, et elle demande pourquoi là il y a cinq classes ? pourquoi là les terres de la cinquième classe sont évaluées à 17 francs, alors que les terres de la quatrième et dernière classe, dans la commune de St-Servais au canton de Namur-Nord, sont portées à 19 francs, tandis que la commune de St-Servais ne peut soutenir aucune concurrence avec la commune de Gosselies, qui appartient à l’une des contrées les plus fertiles du pays.
Savez-vous, messieurs, ce qu’on lui a répondu ?
On ne dit pas tout à fait qu’on n’a pas de compte à lui rendre sur ce point ; mais on dit à peu près la même chose : on dit que la loi a abandonné la classification à la discrétion de l’administration ; que c’est exclusivement à elle qu’il appartient d’en régler l’application, et qu’en conséquence les assemblées cantonales ne peuvent exercer aucun contrôle sur cette partie du travail.
Cette exception serait sans contredit la plus tranchante, si on pouvait l’appuyer sur une disposition de loi.
Mais il n’en est pas ainsi ; elle n’a pour fondement qu’un article du grimoire méthodique, dont on veut pouvoir user et abuser à son gré.
Voici ce que dit sur ce point l’article 510 :
« Le nombre des classes est limité à 5 pour les terres labourables, à 3 pour les autres natures de cultures. Cependant, pour les cultures prédominantes ou qui présentent une grande variété, l’expert peut porter le nombre des classes des classes de 4 à 5 ; mais il ne doit user de cette latitude qu’avec beaucoup de réserve. »
Or, voici l’argument :
Le nombre des classes est limité à 5, et on ne peut le dépasser. Mais de ce qu’on ne peut dépasser cette limite, il ne s’en suit pas qu’on ne peut pas la restreindre ; et en conséquence nous réduisons le nombre des classes chaque fois que nous le trouvons convenir.
Vous n’admettrez pas, messieurs, une manière de raisonner aussi arbitraire.
Lorsqu’il est dit que, pour les terres labourables, le nombre des classes est limité à 5, il ne doit pas être plus permis de réduire le nombre que de l’augmenter, par la raison que l’homogénéité, l’uniformité est de l’essence du cadastre.
Il ne suffit pas en effet que la règle de classification adoptée dans une commune convienne à une égale répartition entre les habitants de cette commune ; il faut que cette règle soit la même dans la commune voisine, dans le canton et dans la province ; sinon l’opération cadastrale ne peut donner les garanties que l’on doit en attendre.
C’est précisément pour assurer cette uniformité et pour éviter tout arbitraire de la part des agents du cadastre que le nombre des classes pour l’évaluation des terres labourables a été limité à cinq.
Là le nombre des classes n’eût point été limité, aucune règle fixe n’eût été observée. Ici le nombre eût été fixé à 3, 4 ou 5, et là à 5, 6 ou 7, suivant le caprice de l’expert ou bien souvent sa plus ou moins grande perspicacité.
On sait bien qu’on ne peut faire 5 classes là où la nature du terrain est la même dans toute la commune, où la commune ne présente que deux ou trois variétés de sol. Mais, ce cas arrivant, si le nombre des classes n’est pas porté à 5, ce n’est pas parce que la loi abandonne à l’arbitraire de l’expert le droit de restreindre ce nombre, mais c’est uniquement parce que la localité se refuse à l’application de la règle.
Où la division en 5 classes est passible, cette division est d’obligation. On ne peut raisonnablement entendre la règle autrement.
Aussi voyez, messieurs, comment s’exprime l’instruction du 14 brumaire an XIV sur l’application de cette règle :
« Les premières instructions, y est-il dit, avaient limité le nombre des classes à 5 pour les terres labourables et à 3 pour les autres natures de cultures. Il a été reconnu que le nombre de 3 classes était insuffisant pour les cultures prédominantes d’un département, telles que les vignes de la Côte d’Or ; et dans ce cas, est-il ajouté, l’expert peut porter le nombre des classes à 4 ou 5, mais il ne doit user de cette latitude qu’avec beaucoup de réserve.
On remarque là avec combien de circonspection on permet de s’écarter de la règle pour des cas particuliers ; et encore n’est-ce pas pour la restreindre, mais pour en étendre les limites.
Mais enfin, admettons, si l’on veut, que la loi ait été moins circonspecte pour permettre la réduction que l’augmentation du nombre fixé, et qu’elle ait laissé à l’entière discrétion des agents du cadastre la faculté de réduire le nombre des classes : encore faudra-t-il bien qu’on me concède que les agents du cadastre peuvent abuser de cette faculté et se tromper dans son application.
Il faudra bien que l’on me concède aussi que dans le cas où, comme dans la circonstance actuelle, ils n’ont établi leur division qu’en quatre classes, là ou il y avait évidemment lieu à faire au moins cinq classes, il est quelque qu’autorité à qui puisse soumettre le mal jugé ; car sans doute les agents du cadastre ne prétendront pas qu’ils sont infaillibles et juges souverains de leurs propres actes.
Cette autorité existe en effet ; mais, sur ce point encore, l’administration du cadastre a trouve bon de faire certains accommodements avec la législation existante.
M. l’administrateur du cadastre nous a dit, dans la séance du 7 février 1834, que les lois du 15 septembre 1807 et du 20 mars 1813 étaient toujours en vigueur, et que c’était elles qui régissaient la matière.
Sur ce point je suis d’accord avec lui.
Eh bien, voyons comment ces lois ont réglé la juridiction administrative sur le contentieux du cadastre.
Elles nous disent que c’est le préfet qui statue sur les observations et les réclamations des assemblées cantonales après avoir pris l’avis du conseil de préfecture.
Nous savons parfaitement ce que c’était qu’un préfet de l’empire, et quelles étaient ses attributions.
Mais ce qu’il importe de connaître, c’est de savoir à quelle autorité administrative les attributions des préfets ont été dévolues en Belgique après la loi fondamentale de 1815. En d’autres termes, si ce sont les gouverneurs, ou plutôt les députations des états, qui depuis lors se trouvaient investies du droit de statuer sur le contentieux administratif en matière de cadastre.
Suivant l’administration du cadastre, l’autorité compétente c’est le gouverneur ; c’est même, suivant elle, le juge qui décide souverainement en dernier ressort.
Vous vous rappelez, messieurs, que c’est là ce que M. l’administrateur du cadastre m’a répondu dans la discussion du budget des finances, lorsque j’ai déclaré que je considérais la mise à exécution du cadastre dans la province de Namur comme étant une mesure illégale contre laquelle je protestais et que j’abandonnais à sa responsabilité.
Je conviens que cette marche est plus commode. Il est naturellement plus facile au ministre des finances de s’entendre et de marcher plus à l’aise et plus vite avec le commissaire du gouvernement qu’avec la députation des états.
Mais si cette marche constitue une usurpation de pouvoir, s’il est vrai, comme je le pense, que ce ne sont pas les gouverneurs, mais bien les députations des états qui sont les seuls juges compétents pour statuer sur les observations et sur les conclusions des assemblées cantonales, il sera prouvé que les allivrements qui ont été opérés dans la province de Namur sont frappés d’illégalité. Il sera prouvé que le jugement rendu sur les opérations de l’assemblée du canton de Namur-Nord a été incompétemment rendu, et ma protestation se trouvera ainsi justifiée.
Sous l’empire et suivant la loi organique de l’an VIII, les préfets avaient à eux seuls toute l’administration ; les conseils de préfecture n’étaient chargés du contentieux administratif que dans certains cas exceptionnels spécialement déterminés.
Ce régime impérial a été renversé par la loi fondamentale de 1815 et par les statuts provinciaux qui ont été faits en exécution de cette loi, statuts que l’article 137 de notre nouvelle constitution a maintenu.
L’administration départementale, qui était partagée entre les préfets et les conseils de préfecture, a été remplacée par l’administration provinciale, partagée entre les gouverneurs et les états.
La portion d’attribution des uns et des autres est parfaitement assignée par la loi fondamentale de 1815 et par les statuts provinciaux.
Les gouverneurs ont été appelés à remplir deux rôles bien distincts et qu’il ne faut pas confondre.
Comme gouverneurs, et non comme présidents des conseils provinciaux, ils n’ont d’autres attributions que celles que leur donnent l’article 137 de la loi fondamentale et l’arrêté spécial du 15 décembre 1820, qui a déterminé plus spécialement leurs attributions en cette qualité.
Ces attributions consistent exclusivement à surveiller l’exécution des lois, règlements et dispositions émanées de l’autorité supérieure, de mettre à exécution les ordres dont ils se trouvent expressément chargés par les lois, de surseoir provisoirement à l’exécution des résolution des états lorsqu’il les croient contraires aux lois ou à l’intérêt général, de vérifier les caisses publiques, de suspendre les receveurs pour infidélité ou négligence, de requérir des autorités constituées telles informations qu’ils trouvent convenir, et, pour ce qui concerne spécialement le cadastre, d’en surveiller les opérations.
Comme gouverneurs et non comme présidents des députations, ce sont là les attributions que leur reconnaît l’arrêté du 15 décembre 1820 ; attributions dont ils se trouvent même dépouillés en partie par la constitution de 1831.
C’est aux députations des états que l’administration proprement dite a été dévolue par l’article 153 de la loi fondamentale et les statuts provinciaux, et ce n’est que comme présidents des députations et non comme gouverneurs qu’ils y prennent part.
Comme gouverneur, ils ont succédé aux préfets en ce qui concerne la surveillance de l’exécution des lois et des règlements, mais ce n’est que comme présidents des députations qu’ils ont été appelés à exercer avec elles les autres attributions administratives des préfets et des conseils de préfecture.
Aussi, comme vous savez, messieurs, sauf quelques cas où, par des dispositions spéciales, les gouverneurs, comme gouverneurs, ont été chargés d’une portion des attributions des préfets, il est incontestable que ce n’est que comme présidents des députations qu’ils prennent part au contentieux administratif, tel qu’il appartenait aux préfets et aux conseils de préfecture.
Si donc, en matière de cadastre, comme en toute autre matière d’administration des dispositions sont à prendre ou des décisions à porter sur les difficultés qui se présentent, c’est aux députations des états, et non aux gouverneurs, comme gouverneurs, qu’il appartient de statuer. C’est là la conséquence des principes généraux du système administratif qui a succédé en Belgique à celui de l’empire.
Je ne connais, en matière de cadastre, aucune loi qui ait dérogé à ces principes généraux sur la juridiction administrative dans les provinces.
J’ai parlé de l’arrêté du 15 décembre 1820 sur les attributions des gouverneurs, et j’ai fait remarquer que cet arrêté les chargeait spécialement de surveiller les opérations du cadastre et la tenue régulière des livres de mutation.
Mais le droit de surveiller n’est pas attributif de juridiction ; mais le droit de surveiller n’est pas le droit de décider ; mais le droit de surveiller une opération n’emporte pas celui de juger les contestations qu’elle peut faire soulever ; mais enfin le droit de surveiller les opérations cadastrales n’est certainement pas celui de statuer sur les réclamations et conclusions des assemblées cantonales, conclusions qui ne touchent pas moins les intérêts d’une portion de la province que les intérêts généraux.
Ce n’est donc pas au moyen de l’arrêté du 15 décembre 1820 que l’on pourrait justifier la juridiction que l’administration du cadastre a laissé usurper aux gouverneurs.
Ce n’est pas non plus au moyen de l’arrêté du 22 juin 1826 ; car, en supposant qu’en ce qui concerne les attributions administratives, cet arrêté ait pu survivre à la constitution qui, sur la matière des attributions administratives dans les provinces, ne maintient que les statuts provinciaux et communaux, on trouverait précisément dans cet arrête la réfutation de ce système d’usurpation.
Voici, en effet, ce que dit l’article 9 de cet arrêté :
« Les assemblées des délégués des communes, pour l’examen des évaluations du revenu imposable des propriétés de tout le canton, seront présidées par un membre de la députation des états, qui s’abstiendra de prendre part aux délibérations qui doivent précéder la fixation définitive des évaluations cadastrales par le gouverneur après la tenue des assemblées cantonales. »
Il me semble résulter clairement de ces dispositions que c’est à la députation des états qu’il appartient de délibérer sur les observations, réclamations et conclusions des assemblées cantonales, et que ce n’est qu’après que la députation des états a statué, que le gouverneur peut fixer définitivement les évaluations cadastrales, comme agent d’exécution de la décision de la députation et non autrement.
La loi du 15 septembre 1807 voulait que ces assemblées fussent présidées par les sous-préfets, parce qu’alors le contentieux administratif du cadastre appartenant au préfet, il était rationnel de le faire remplacer par l’agent administratif secondaire.
Si, sous le régime de la loi fondamentale de 1815, il eût été entendu que c’était le gouverneur, comme commissaire du pouvoir exécutif, et non comme président de la députation, qui remplaçait le préfet dans le contentieux administratif du cadastre, l’arrêté du 22 juin 1826 eût confiée la présidence des assemblées cantonales au commissaire de district et non à un membre de la députation.
Cette circonstance que c’est un membre de la députation des états, et non le commissaire de district, qui est appelé à la présidence de l’assemblée cantonale, est donc un acte bien récognitif de la juridiction de la députation des états sur le contentieux administratif en matière cadastrale.
Il est une autre circonstance plus décisive encore dans cet arrêté du 22 juin 1826. L’article 9, que nous venons de citer, fait un devoir au membre de la députation qui a présidé l’assemblée cantonale de s’abstenir de prendre part aux délibérations qui doivent précéder la fixation définitive des évaluations cadastrales, qui doit avoir lieu après la tenue de cette assemblée. Donc, c’est la députation des états, et non le gouverneur seul, qui est appelée à délibérer sur les procès-verbaux des assemblées cantonales. Le gouverneur ne prend donc part à ces délibérations que comme président de la députation. Par conséquent, il ne peut arrêter définitivement les évaluations qu’après que la députation des états a délibéré et a statué sur les conclusions de ces assemblées.
Ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées à l’égard de l’assemblée du canton de Namur-Nord.
Bien ou mal fondée dans ses réclamations, dans ce qu’on appelle ses exigences, c’est le gouverneur de la province et non la députation des états qui a statué. Il y a même quelque chose de plus bizarre que je dois signaler et qui vous fera remarquer une autre confusion de pouvoir.
C’est d’abord le ministre des finances qui, par arrêté du 19 janvier 1834, décide que la réclamation de l’assemblée cantonale n’est pas fondée, et qu’à défaut par elle d’émettre son avis sur le taux des évaluations, son refus sera considéré comme une adhésion au travail des expertises, et qu’il sera passé outre à leur admission définitive.
C’est ensuite le gouverneur de Namur qui prend un arrêté le jour suivant, mais qui, beaucoup plus circonspect, se garde bien de prendre un ton aussi tranchant. Rappelant d’abord dans ses considérants, et mot pour mot, la disposition ministérielle, il se borne à ordonner une nouvelle convocation de l’assemblée cantonale à l’effet (tels sont les termes du dispositif) de vérifier et discuter les opérations du cadastre conformément à la loi du 15 septembre 1807.
Voici cette lettre :
« Le gouverneur de la province de Namur,
« Vu la décision de M. le ministre des finances, en date du 19 de ce mois, n°7684, portant : 1° que la réclamation présentée par l’assemblée des délégués des communes du canton de Namur-Nord, à l’effet de faire considérer comme indispensable la division des différentes natures de propriétés en cinq classes, n’est point fondée ;
« 2° Que le gouverneur de la province est autorisé à convoquer, pour être réunis en assemblée cantonale, les délégués des communes dudit canton, lesquels seront informés, par la lettre de leur convocation, que dans le cas où ils persisteraient de nouveau dans leur refus d’examiner et d’émettre leur avis sur les taux des évaluations, ce refus serait considéré comme une adhésion au travail des expertises, et qu’il serait passé outre pour l’admission définitive,
« Arrête :
« Art. 1er. Les délégués des communes du canton de Namur-Nord se réuniront le 27 janvier présent mois, à l’hôtel du gouvernement provincial à Namur, à neuf heures du matin, sous la présidence de M. Bruno, membre de la députation des états, à l’effet de vérifier et de discuter les opérations du cadastre, conformément à la loi du 15 septembre 1807.
« Art. 2. Expédition du présent arrêté sera adressée à l’inspecteur provincial du cadastre, à Namur, ainsi qu’à chacun des bourgmestres des communes du canton de Namur-Nord, lesquels sont chargés d’en faire la remise à leurs délégués respectifs, en prévenant ceux-ci que lorsqu’ils se rendront à l’assemblée, ils doivent avoir soin de se munir d’une expédition en due forme de la délibération du conseil municipal, qui les nomme délégués.
« Semblable expédition sera adressée à M. Bruno.
« Namur, le 20 janvier 1834.
« Le gouverneur de la province,
« Baron de Stassart. »
Je ne m’arrêterai pas à cet échantillon de la manière de faire de l’administration cadastrale ; je ne relèverai pas, dans l’arrêté du ministre, ce raisonnement, aussi absurde que despotique, qui consiste à dire que dans le cas où l’assemblée cantonale persisterait à prétendre que les opérations de l’expertise sont mal faites, son refus de changer d’avis sera considéré comme une adhésion au travail des experts, je vous ferai remarquer seulement que si, dans le système de l’administration du cadastre, ce n’est pas la députation des états qui a succédé en cette matière aux préfets, elle n’est pas bien certaine elle-même que ce soit le gouverneur qui ait recueilli cette succession, puisque, comme vous venez de le voir par l’arrêté du 19 janvier, le ministre des finances prend lui-même directement part à cette succession.
Comme vous voyez, ce n’est pas encore assez pour l’administration cadastrale de s’être débarrassée de l’intervention des députations des états, elle ne veut pas même que les gouverneurs puissent la gêner dans ses mouvements, ce qui a produit dans plus d’une province une véritable collision entre les gouverneurs et le ministère des finances.
Sur ce point, je ne puis citer que les faits qui se sont passés dans ma province, et qui sont à ma connaissance ; les voici :
L’assemblée des délégués du canton de Ciney avait blâmé les opérations cadastrales exécutées dans ce canton. Toutefois le gouverneur, qui les avait trouvées régulières, les avait définitivement arrêtées.
Postérieurement l’inspecteur, convaincu, sans doute, que des erreurs avaient eu lieu, proposa des rectifications à ces opérations. Le gouverneur se refusa à admettre ces rectifications sous le motif que ce nouveau travail n’avait pas été soumis à l’assemblée cantonale.
L’inspecteur en référa à l’administration du cadastre, et le ministre, substituant son autorité à celle du gouverneur, trouva bon de passer outre, et il admit par arrêté les ratifications proposées par l’inspecteur.
Dans une autre occasion, il en agit tout différemment, et ayant invité inutilement le gouverneur à se réformer lui-même, il n’osa passer outre, et l’affaire en resta là.
Ainsi, comme vous voyez, messieurs, la juridiction administrative en matière cadastrale est dans une confusion complète.
Les gouverneurs ont usurpé les attributions des députations et se sont bornés à demander l’avis de celles-ci, comme si, dans cette partie comme en toute autre partie administrative, les députations des états n’avaient succédé qu’aux attributions des anciens conseils de préfecture ; comme si le droit de décider était la même chose que celui de donner avis qui, par là même qu’il n’est qu’un avis, ne lie aucunement celui qui le reçoit.
Pour justifier le refus de toute juridiction aux administrations provinciales, M. l’administrateur du cadastre a dit au sénat, sur le vœu exprimé par un honorable sénateur de voir soumettre aux députations des états les contestations relatives au cadastre, que « ce serait faire dévier le cadastre de son véritable but ; qu’il n’est pas d’intérêt local ou provincial, mais d’intérêt général, et que, s’il en était ainsi, chaque province réduirait inégalement l’évaluation et que l’opération manquerait. »
Mais cet argument fort inconvenant est d’ailleurs vicieux de plusieurs chefs.
Il est inconvenant, parce qu’il n’est pas permis de supposer que les administrations provinciales manqueraient à leur devoir et à leur conscience, plutôt en cette matière que dans toute autre matière d’administration que la constitution et les lois confient à leurs décisions.
La circonstance qu’il s’agit ici d’un objet d’intérêt général n’excuse pas un excès de pouvoir aussi outrageant pour nos administrations provinciales.
La loi fondamentale de 1815, et les statuts provinciaux que notre constitution a maintenus, repoussaient cet acte de défiance. Parcourez, messieurs, les différentes matières d’administration publique qui sont dans les attributions des députations des états, et vous verrez si la loi leur déniait juridiction, alors qu’il s’agissait d’un objet d’intérêt général.
J’abrégerai vos recherchés et je ne citerai que quelques exemples : ouvrez le code administratif sur la matière des expropriations pour cause d’utilité publique, sur la milice et sur les mines. Là, à coup sûr il s’agit bien d’objets d’administration générale.
Ce n’est ni dans un intérêt local ni provincial qu’il faut exproprier pour l’ouverture d’une grande communication qui doit s’exécuter aux frais de l’Etat ; ce n’est ni dans un intérêt local ni provincial qu’il faut fournir au contingent de l’armée des hommes propres au service militaire ; ce n’est ni dans un intérêt local ni provincial que les mines sont concédées et que les redevances proportionnelles dues à l’Etat sur leur exploitation sont réglées. Dans chacune de ces matières, il s’agit bien d’objets d’intérêt général, et cependant toutes ces matières sont plus ou moins complètement dans les attributions des députations des états.
Pourquoi cela ?... Parce qu’il est peu de matière d’administration générale qui ne se lie pas plus ou moins à des intérêts de localité, et parce que, placée sur le terrain où la mesure doit recevoir plus spécialement son application, l’administration provinciale est plus en état que l’administration générale d’en délibérer et d’y statuer en connaissance de cause.
Admirez, messieurs, combien on s’égare quand on se place dans une aussi fausse position que cette position élevée et indépendante où l’administration du cadastre s’était posée.
Lorsqu’il s’agissait d’intérêt général, il fallait bien se garder d’accorder la moindre confiance aux administrations provinciales ; elles n’offrent pas assez de garantie d’impartialité.
Ecoutez maintenant le chef actuel du même département, beaucoup plus respectueux envers notre régime politique administratif.
Il n’est rien d’intérêt plus général qu’un impôt de quotité, que la contribution personnelle. Eh bien, ouvrez le budget des voies et moyens, et vous verrez le témoignage éclatant de confiance que ce ministre accorde à nos administrations provinciales.
Dans le cas même où l’intérêt particulier se trouve en opposition avec l’intérêt du trésor, il ne craint pas, lui, la partialité de l’administration provinciale pour les habitants de la province, et il vous convie, messieurs, à leur accorder autant de confiance qu’au pouvoir judiciaire lui-même.
Ceci, messieurs, n’est pas la réfutation la moins amère du système de défiance et d’usurpation de l’administration du cadastre.
De toutes les matières que la loi fondamentale et les lois plaçaient dans les attributions des administrations provinciales, il n’en est peut-être pas une qui se lie plus intimement aux intérêts provinciaux que le cadastre.
Il n’existait pas d’institutions cantonales, et la loi a créé des assemblées cantonales pour régler la péréquation de commune à commune ; et l’on méconnaîtra la sagesse de cette précaution de la loi jusqu’à dénier à l’administration provinciale son intervention dans la péréquation de canton à canton, ce qui est bien, à coup sûr, un objet d’administration provinciale ; et on lui déniera son intervention dans la péréquation de province à province, ce qui est encore d’intérêt provincial au degré le plus élevé.
De deux choses l’une : ou bien il fallait dépouiller les administrations provinciales de toute intervention dans les matières d’administration générale, et ne plus leur permettre de délibérer ni de statuer que sur des objets d’intérêts exclusivement provinciaux, ou bien il fallait savoir souffrir leur intervention dans les opérations du cadastre, comme en toute autre matière où l’intérêt de la province se trouve lié à l’intérêt général.
Que cela ne convînt pas à M. l’administrateur du cadastre, cela se conçoit, tout comme on conçoit qu’il convenait beaucoup moins encore aux intérêts généraux comme aux intérêts provinciaux d’abandonner des intérêts d’un ordre aussi élevé à la discrétion et à l’arbitraire d’un seul homme ; mais pour que cet homme puisse se justifier, en s’émancipant ainsi de tout contrôle de la part des autorités provinciales, il faudrait tout au moins citer un texte de loi et non se retrancher dans cette futile objection qu’il ne s’agissait pas là d’intérêt local ni provincial, mais d’intérêt général.
S’il pensait, au surplus, qu’il y eût quelque chose de fondé dans cette objection, ce n’est pas à une usurpation de pouvoir qu’il fallait recourir, c’est à la législature qu’il fallait demander une loi.
Non contente encore de s’être ainsi débarrassée des députations des états, l’administration étendit plus loin sa sollicitude pour les intérêts généraux, c’est-à-dire son esprit d’arbitraire et d’absolutisme ; elle ne voulut pas même permettre que les décisions des gouverneurs pussent la lier ni la gêner le moins du monde, de manière qu’en résultat, c’est M. l’administrateur du cadastre qui, de son cabinet, régissait souverainement, et sans autre contrôle que celui qu’il voulait bien souffrir, toutes les opérations d’une branche d’administration de la plus haute importance, opération qui a exigé de la nation d’énormes sacrifices et qui doit fixer à perpétuité les rapports de province à province, de canton à canton et de commune à commune, dans la répartition du principal impôt de l’Etat.
Je conçois que, sous la constitution et l’organisation de l’an VIII, la décision d’un préfet fut dans le contrôle du ministre. Sous ce régime, cela ne présentait aucun inconvénient, parce qu’il y avait un conseil d’Etat auquel on pouvait se pourvoir contre la décision ministérielle.
Mais aujourd’hui, lorsque le gouverneur aurait décidé dans un sens, et que le ministre, ou plutôt l’administration du cadastre, aurait décidé dans un autre, cette décision, quelque erronée qu’elle pût être, ne pourrait être réformée par personne, de manière que, comme je viens de le dire, toute l’opération cadastrale, qui doit régler à perpétuité, et d’une manière immuable, l’assiette de l’impôt foncier, aurait été et resterait réellement abandonnée à la discrétion d’un seul homme qui, malgré toutes les garanties de science que je me plais à reconnaître en lui, n’est certainement pas infaillible ni à l’abri d’erreur.
Jusqu’à présent les plaintes qui se sont fait entendre n’ont pas été très nombreuses, et cela se conçoit aisément.
Le Recueil méthodique, en deux volumes, est en mains de très peu de personnes ; il faut avoir fait une étude approfondie de cette matière pour le comprendre, y faire le triage des dispositions extraites de lois, d’arrêtés ou d’instructions ministérielles encore en vigueur ou qui n’ont été tirées que de lois abrogées on non publiées en Belgique, pour accommoder tout cela à la législation actuelle, la chose n’est pas à la portée de tout le monde.
Les bulletins que l’on a délivrés aux particuliers étaient conçus de manière qu’il leur était très difficile, pour ne pas dire impossible, d’apprécier s’ils n’étaient pas lésés ; on prit même soin de ne pas y joindre le tarif, sans doute pour qu’ils puissent y voir encore moins clair. Cette formalité était cependant rigoureusement prescrite. Les particuliers étaient loin d’ailleurs de prévoir les conséquences qui pouvaient résulter de leur silence.
Laissez reporter sur les provinces du Hainaut, de Liége, du Brabant et de Namur, et plus tard sur celles du Limbourg et du Luxembourg, le dégrèvement énorme que l’on nous demande pour les Flandres, et vous verrez si l’on se taira alors que l’on verra plus clair sur les bulletins du percepteur où l’on trouvera le résultat formulé en chiffre.
C’est alors que les plaintes et les réclamations surgiront ; c’est alors que l’on fera un retour sur le passé, que l’on cherchera les moyens de se soustraire à cet accroissement inattendu de l’impôt dans les localités qui se trouveront frappées de cet accroissement ; c’est alors que l’on exigera, et avec raison, la solution des questions de légalité.
Il faudra bien finir par se donner la peine de les discuter et de les résoudre ; et alors que le refus de l’impôt sera fondé sur le texte précis de la loi, et alors que les conseils provinciaux qui seront bientôt reconstitués, revendiqueront leurs droits, le Recueil méthodique sera une arme impuissante pour vaincre les difficultés : il faudra recommencer le travail en tout ou en partie, et l’on sera tout étonné d’avoir perdu son temps et d’avoir fait d’énormes dépenses pour ne rien avoir fait de bon, ou tout au moins de légal.
Pour ne plus revenir sur les questions de légalité qu’a soulevées la réclamation de l’assemblée du canton de Namur-Nord, je vais résumer en peu de mots la solution de ces questions.
Dans l’application de la loi du 15 septembre 1807 au régime de notre constitution et des statuts qu’elle a maintenus, ce sont les députations des états qui sont les seules autorités compétentes pour statuer sur les difficultés que soulèvent les opérations cadastrales, et spécialement sur les réclamations et conclusions des assemblées cantonales.
Les gouverneurs ne peuvent y prendre part que comme présidents des députations et non comme gouverneurs.
Comme gouverneurs, ils ont qualité seulement pour mettre à exécution l’allivrement, lorsque la députation des états a statué sur les conclusions des assemblées cantonales.
Aucune disposition de notre législation administrative n’investissait les gouverneurs des pouvoirs des préfets de l’empire et n’attribuait juridiction au ministre des finances, et moins encore à l’administration du cadastre, soit pour statuer de plano sur les conclusions des assemblées cantonales, soit pour reformer les décisions des autorités provinciales en cette partie.
En fait, les évaluations, les estimations sont les résultats des expertises, et les expertises se composent nécessairement de tout le travail dont les experts sont chargés.
Or, les experts sont chargés de la classification, comme du classement ; et par conséquent, ces deux opérations font, autant l’une que l’autre, partie intégrante de l’expertise.
Les articles 31 et 32 de la loi du 15 septembre 1807 veulent que toutes les pièces des diverses expertises soient remises sous les yeux des assemblées cantonales, qu’elles examinent et qu’elles discutent ces pièces, et qu’elles donnent des conclusions motivées sur les changements qu’elles croiraient devoir être faits aux estimations.
Donc l’assemblée cantonale de Namur-Nord n’est pas sortie de ses attributions légales en faisant observer qu’une division d’évaluation en 4 classes était préjudiciable à ce canton respectivement à d’autres localités où la division en 5 classes avait eu lieu ; que cette division détruisait l’uniformité de base et blessait l’égalité proportionnelle.
En ordonnant brusquement de passer outre, le ministre des finances a non seulement mal jugé, mais il a en outre usurpé des pouvoirs qu’aucune loi ne lui attribue, et la décision est un acte arbitraire et par conséquent nul et de nul effet.
En cédant à cette impulsion ministérielle, le gouverneur de Namur a commis également un excès de pouvoir.
Enfin aucune décision de l’autorité compétente n’est intervenue sur les conclusions de l’assemblée cantonale de Namur-Nord.
L’allivrement cadastral d’un canton, ainsi que de tous les autres cantons que l’on a tenus sous la même oppression, où l’on a également interdit aux délégués le droit de prendre connaissance de tous les éléments qui composent les expertises et de les discuter, est donc une opération arbitraire et illégale ; et c’est assez dire qu’assise sur de semblables bases, nous ne pouvons en conscience sanctionner, sans examen ultérieur, la péréquation sur laquelle nous sommes contraints à délibérer avec tant de précipitation.
Je passe maintenant à l’examen, d’une autre pétition dont l’objet ne mérite pas moins l’attention de la chambre, parce qu’elle signale un autre genre d’illégalité et d’arbitraire dans les opérations cadastrales.
Voici cette pétition :
« A MM. les membres de la chambre des représentants.
« La contribution foncière de la province de Namur doit être, pour cette année, basée sur les évaluations cadastrales ; celles qui ont été arrêtées pour le canton de Gembloux, se trouvant évidemment trop élevées, comparativement à celles des cantons limitrophes de Namur-Nord et d’Huy dans la même province, les délégués à l’assemblée cantonale ont employé tous les moyens légaux, tant lors de cette assemblée que par un mémoire explicatif adressé à la députation des états ; mais il n’a pas été fait droit à leurs justes plaintes. Il ne leur reste donc plus que celui de leur recours à votre honorable assemblée, avec toute confiance, à l’effet d’obtenir justice.
« Nul doute que ce serait un bienfait que ce cadastre, si l’on n’avait pas à se plaindre de l’obstination de certains agents ; c’est ainsi que M. l’inspecteur provincial de Namur a pris à tâche de soutenir une disproportion d’évaluation étonnante, qu’il a feint de ne pas reconnaître lors de l’assemblée cantonale de Gembloux ; en effet les délégués y ont demandé où les agents du cadastre avaient puisé les renseignements et trouvé les matériaux pour arriver à un revenu aussi élevé ; sur la réponse que des renseignements auraient été donnés à Sombreffe par un receveur des contributions, l’on a fait un travail, séance tenante, à l’effet de vérifier les frais de culture et les produits pendant une période de neuf années ; il en est résulté que le produit net d’un bonnier métrique de terre labourable de première classe s’élevait à 50 francs ; vous n’apprendrez pas sans surprise que la première classe des terres de Ligny, dans le canton, est évaluée au taux de 86 fr., celle de Keumiee à fr. 84, celle de Velaine à 80 fr., et ainsi successivement ; il a été proposé par les délégués de prendre un terme moyen entre l’expertise des agents du cadastre, portée pour Ligny, point de départ, à fr. 86, et le résultat obtenu par la vérification du montant des produits énoncés ci- dessus au taux de 50 fr. ; sur quoi, après quelques contestations, on est arrivé au chiffre de 70 fr., ce qui porte une diminution, sur l’expertise desdits agents, de 18 pour cent pour ladite commune de Ligny.
« Attendu que ce taux de 70 fr. de produit net coïncide assez avec celui des meilleures communes du canton limitrophe d’Huy, même province, et comme le sol et les produits des mêmes communes des deux cantons ont aussi effectivement beaucoup d’analogie, sauf que les grains du canton de d’Huy sont plus recherchés sur le marché de Namur, ce qui a été reconnu par toute l’assemblée, sans en excepter M. le président et même M. l’inspecteur, l’assemblée, qui ne demandait pas mieux que de coopérer à une juste péréquation entre ces deux cantons, a prouvé à l’évidence à M. l’inspecteur que les communes du premier rang du canton de d’Huy valaient, si pas plus, au moins autant que celles du canton de Gembloux, et qu’il en était de même pour les communes d’un rang inférieur ; mais malgré toute notre sollicitude pour faire revenir les agents du cadastre de leur erreur, M. l’inspecteur est resté inexorable, il s’est cru l’homme infaillible ; il a préféré surcharger tout le canton de Gembloux peut-être pour toujours, plutôt que de revenir aux justes principes de l’égalité proportionnelle ; c’est ce qui aura fait dire à M. l’administrateur du cadastre, dans la séance du 7 février, qu’une assemblée cantonale a demandé une réduction générale, et que l’examen avait prouvé que cette demande n’était point fondée et qu’elle ne pouvait être admise ; que c’eût été rompre l’égalité proportionnelle et commettre une injustice, Tout ceci n’était que le corroboratif des termes du rapport de M. l’inspecteur, tendant à maintenir les évaluations qu’il avait proposées.
« Sachant que le canton de d’Huy est porté à toute sa valeur, qu’il a été mis en rapport avec les communes limitrophes des cantons de Namur-Nord, de Jodoigne (Brabant) et d’Avesnes (Liège), les délégués du canton de Gembloux réclamaient, comme ils réclament encore aujourd’hui, pour que ses évaluations fussent assimilées et bien proportionnées avec celles du canton de d’Huy, tandis que M. l’inspecteur s’y oppose et veut suivre les errements de l’expertise du canton de Gosselies (Hainaut), opération qui n’est encore qu’ébauchée et qui sera sujette à bien des réclamations et controverses ; il est bien plus rationnel de suivre la marche d’un fait accompli que de marcher dans l’éventuel et l’incertain, et de prendre pour point de comparaison les évaluations attribuées au canton de d’Huy, généralement reconnues comme bien établies, même par ses délégués. En suivant la route que s’est tracée M. l’inspecteur, il s’ensuivrait que le canton de Gembloux devrait être assimilé à celui de Gosselies, et que par conséquent ce dernier canton n’aurait plus à réclamer lorsqu’il sera question de son évaluation définitive, puisqu’on le renverra à celle adoptée pour Gembloux ; et par ce stratagème il ne serait point difficile d’arriver en augmentant jusqu’au bout du royaume...
« Vu l’urgence, il serait bien agréable aux soussignés délégués à l’assemblée cantonale de Gembloux que vous daigniez vous occuper immédiatement de leur présente réclamation ; ils n’ont plus d’espoir que dans votre active et puissante intercession, pour obtenir qu’il leur soit fait justice ; ils joignent à l’appui copie du procès-verbal des opérations de l’assemblée cantonale et de la décision de M. le gouverneur à cet égard. »
(Suivent les signatures.)
En analyse, l’assemblée des cantons de Gembloux se plaint d’un déni de justice ou plutôt d’un joug arbitraire.
Elle prétend que les terres de première classe de ce canton ont plutôt une valeur inférieure que supérieure aux terres de première classe du canton voisin dans la même province, le canton d’Huy ; qu’en conséquence elle s’opposait à ce que le chiffre du canton de Gembloux fût plus élevé que celui du canton d’Huy ; que cependant l’inspecteur du cadastre s’est refusé à rétablir l’égalité proportionnelle entre ces deux cantons sous prétexte que les opérations du canton de Huy étant terminées, il n’y avait plus rien à retoucher à ce canton, et que celui de Gembloux se trouvant à la limite de la province du Hainaut, il fallait bien mettre le chiffre du canton de Gembloux en harmonie avec celui du canton de Gosselies qui se trouvait limitrophe et qui était plus élevé.
Tellement que si le canton de Gembloux fut porté à un chiffre plus élevé que celui du canton de Huy, canton voisin appartenant à la même province, ce ne fut pas à cause qu’il n’y avait pas parité de raison à les placer sur la même ligne, mais uniquement par la circonstance qu’il se trouvait à côté d’un canton de la province du Hainaut et qu’il ne fallait pas donner à cette province un motif de diminuer ces évaluations.
Ces faits ne sont pas autrement attestés que par les signatures des vingt notables délégués à cette assemblée cantonale, et cela mérite bien déjà qu’il soit ajouté foi à leur dire ; mais ce qui ne permet pas de révoquer en doute leur témoignage, c’est la lettre de M. le gouverneur de Namur adressée le 4 mars 1834 au bourgmestre de Ligny, l’un de ces délégués.
Voici le contenu de cette lettre :
« J’ai l’honneur de vous adresser, Monsieur, conformément à la demande contenue dans votre lettre du 28 février dernier, une copie certifiée du procès-verbal des délibérations de l’assemblée cantonale de Gembloux.
« Je vous ferai remarquer en même temps que la députation des états n’est pas chargée de prendre une décision sur l’objet de ces délibérations, mais qu’elle se borne uniquement à donner son avis, lequel, comme vous l’avait déjà mandé en mon absence la députation des états, porte « qu’il y a lieu de suivre les propositions de l’inspecteur du cadastre avec une remise de dix pour cent sur toutes les natures de propriétés, pour établir une harmonie proportionnelle avec les provinces voisines ; en insistant encore pour qu’une révision générale ait lieu pour remettre les divers cantons en rapport les uns avec les autres. »
« Recevez, monsieur, l’assurance de ma considération très distinguée.
« Namur, 4 mars 1834.
« Le gouverneur de la province,
« Baron de Stassart. »
Ce document confirme ce que j’ai déjà dit sur l’autorité exclusive que l’administration du cadastre avait usurpée en déniant aux députations des états toute juridiction sur le contentieux du cadastre, usurpation qu’elle avait même portée jusqu’au point d’user du droit de réformer les décisions des gouverneurs ; et nous avons ici l’exemple du déni de justice qui en est résulté pour le canton de Gembloux.
Il résulte de la lettre dont je viens de donner lecture, que la députation des états avait reconnu qu’il y avait exagération dans les expertises du canton de Gembloux ; que ce canton ne se trouvait pas en égalité proportionnelle, soit avec les autres cantons de la même province, soit avec les provinces voisines, et qu’il y avait lieu à le dégrever de 10 p. c. sur toutes les natures de propriété, de manière que le canton de Gembloux eût obtenu le redressement de l’injustice dont il se trouvait frappé si la réclamation eût été jugée par le juge que la loi lui assignait.
Il en résulte encore que la députation de Namur reconnaissait le vice des opérations qui avaient eu lieu dans la province, puisqu’elle insistait pour qu’il fût procédé à une révision générale.
Tout cela, messieurs, ne doit pas étonner ceux qui ont pu remarquer l’action tranchante et despotique des agents du cadastre, et qui ont pu remarquer surtout le choix de la plupart des experts à qui on confiait, dans certaines localités, des opérations d’une si haute importance. Le choix de ces experts était suggéré par les agents mêmes du cadastre, et comme ils étaient assez généralement destinés à être les très humbles valets de ces agents, on n’était pas difficile sur ce choix : plus de servilité que de capacité, c’est là tout ce que l’on exigeait, et aussi c’est bien plus dans le cabinet que sur le terrain que l’on expertisait.
A part l’arbitraire des expertises et les illégalités que j’ai déjà signalées à l’occasion de la requête du canton de Namur-Nord, la pétition du canton de Gembloux et la lettre du gouverneur qu’ y est relative, ne laissent pas de doute que ce canton a été réellement et injustement surchargé, et qu’il y a nécessité de réviser les opérations faites, non seulement dans ce canton, mais dans tous les autres cantons de cette province.
J’arrive actuellement à une autre opération plus accablante encore pour la province de Namur, et qui doit faire présager aux députés du Luxembourg l’avenir qui les attend si l’on adoptait la péréquation qui est proposée comme mesure définitive et permanente.
Dans ce cas, il faudrait bien sans doute que le Luxembourg souffrît plus tard, et sans pouvoir en murmurer, l’application qui lui serait faite du mode de procéder mis en usage dans la province qui l’avoisine, dans celle de Namur.
Je veux parler de la manière dont il a été procédé à l’évaluation des forêts dans la province de Namur.
Vous savez, messieurs, que, sauf le Luxembourg, la province de Namur est l’une des plus boisées.
C’est à cette circonstance qu’il faut encore attribuer, pour la plus forte part, l’énorme surcharge de 160,560 francs dont cette province se trouve menacée par suite de l’opération cadastrale qui a eu lieu dans cette province, surcharge qui se fera bien plus sentir dans le Luxembourg, alors qu’il sera cadastré sur les mêmes bases, puisque le Luxembourg est encore plus boisé.
L’administration du cadastre ayant imposé arbitrairement aux experts de se renfermer exclusivement dans la période de 1816 à 1826, époque où le bois se vendait de 6 à 12 francs la corde, tandis que depuis lors, et notamment depuis 1830, elle ne se vend que 4 à 5 francs au plus, il en est résulté, pour une grande partie du territoire de la province de Namur, une lésion accablante.
Cette lésion, et les causes qui l’ont produite, vous sont signalées, messieurs, dans une requête que vous avez renvoyée à votre commission du cadastre et sur laquelle aucun rapport n’a encore été fait.
Cette requête qui nous a été adressée par M. Frédéric de Montpellier d’Annevoye, et autres propriétaires de l’arrondissement de Dinant où les forêts couvrent presque tout le territoire, contient des renseignements précis sur la surcharge qui pèse plus spécialement sur cette partie de la province de Namur.
La lecture de cette pièce me dispensera d’entrer dans plus de développements pour vous convaincre qu’ici encore l’opération cadastrale s’est égarée et a consommé une injustice évidente.
Voici cette requête :
« Messieurs !
« Au moment où le pouvoir législatif va s’occuper des opérations cadastrales qui doivent former la base de la contribution foncière, les soussignés propriétaires de terres agricoles et boisées, dans la province de Namur, ont l’honneur de s’adresser à la chambre des représentants pour réclamer contre la valeur exagérée donnée par les employés du cadastre au revenu des bois.
« Il sera facile d’établir que l’évaluation du revenu net dans la province de Namur est portée, pour la majeure partie de ces bois, à un tiers et à moitié en dessus du revenu réel et positif.
« Nous serons le plus brefs que possible dans les observations que nous présenterons pour la démonstration de ce fait, persuadés que la chambre suppléera à tout ce qui pourra rester à dire sur cette matière.
« Nos observations seront divisées en trois catégories ; les premières auront pour objet de faire connaître le revenu net des bois dans la province de Namur ; nous examinerons ensuite si, par le défrichement, les propriétaires pourront se mettre à couvert de l’injustice commise à leur égard. Cette considération nous conduira naturellement à examiner quel doit être le système des lois cadastrales, quant à l’immutabilité de la base de la contribution foncière, considérée sous le point de vue des bois que l’on réduirait en terres arables, en pâturage ou en toute autre espèce d’exploitation.
« Nous terminerons par quelques réflexions générales sur cette matière.
« Voyons d’abord quel est le revenu net des bois dans la province de Namur,
« Les bois raspés ou taillis y sont généralement destinés à alimenter les établissements de forgerie, qui s’y trouvent en grande partie sur les bords de la Meuse, et une autre partie dans l’entre Sambre-et-Meuse. Les dix-neuf vingtièmes de ces produits sont employés à cet usage. Le véritable revenu des bois doit être nécessairement calculé sur le prix des charbons qu’ils peuvent produire ; et le seul point à connaître pour fixer en principe général le revenu net des bois est de constater : 1° la quantité de charbon que peut annuellement produire un hectare de bois ; 2° la valeur de ce charbon rendu aux établissements de forgerie ; 3° la hauteur des frais préliminaires qu’occasionnent la garde et l’entretien des bois, la fabrication du charbonnage et le transport des charbons.
« Nous avons à signaler ici une circonstance qui sans doute ne peut être ignorée de la chambre, c’est qu’une révolution industrielle, celle de l’établissement des fourneaux et forges au coak a réduit de presque moitié la valeur des charbons de bois, et a détruit jusqu’à l’espoir de voir renaître pour cette branche de produit des prix plus élevés que ceux qui existent depuis plus de quatre ans. Cette considération a été complètement négligée par les employés du cadastre, qui ont pris pour base de leurs évaluations les ventes de taillis faites de dix-huit cent seize à dix-huit cent vingt-six, et qui par cela même sont tombés dans les plus graves erreurs.
« C’est ce que nous allons démontrer : pour atteindre ce but nous suivrons les opérations du cadastre dans la classification qui a été faite des propriétés boisées, dont nous ferons aussi quatre classes...
(L’orateur parcourt différents calculs auxquels se livrent les pétitionnaires.)
« La quatrième classe des bois, imaginée dans des cas fort rares par les employés du cadastre, eût dû figurer, comme nous l’avons dit plus haut, avec partie des propriétés boisées de troisième classe, sous la colonne des broussailles, dont le revenu net est excessivement minime.
« En rapprochant nos observations du travail des employés du cadastre, la chambre sera convaincue que les propriétés boisées ont été portées dans les opérations cadastrales au double et plus de ce qu’elles peuvent produire en revenu net.
« Sans doute la chambre sera étonnée de cette différence énorme, qui est en quelque sorte inexplicable.
« On peut néanmoins dire qu’une des causes principales de cette exagération vient de ce que l’administration cadastrale a pris pour base de ses évaluations les ventes de taillis qui ont eu lieu de dix-huit cent seize à dix-huit cent vingt-six.
« On peut, en outre, dire que dans les réunions cantonales les délégués des communes représentaient surtout les intérêts des propriétés agricoles, et que généralement ils ont cru et ont été dominés par la pensée qu’en chargeant les bois ils se déchargeaient d’autant sur les propriétés agricoles.
« Au surplus, loin de s’être livré à l’exagération pour chercher à présenter le revenu des bois au-dessous de leur valeur, l’on a laissé des prix plutôt en dessous.
« Depuis plus de quatre ans, l’on peut affirmer que la tonne de charbon, rendue aux forgeries, n’a presque jamais été vendue au prix de cinquante francs : aussi défie-t-on les employés de l’administration de prouver la fausseté ni même la moindre inexactitude des faits qui sont avancés.
« Il faut essentiellement que l’évaluation du revenu foncier soit réel et sans exagération ; en bonne et sage législation et dans l’impossibilité d’atteindre l’exactitude parfaite, cette évaluation devrait être plutôt en dessous qu’en dessus de la valeur réelle.
« En consacrant un système exagéré, il ne pourrait en résulter qu’une source de vexations. Un gouvernement avide dirait peut-être un jour aux malheureux citoyens qui réclameraient contre le poids énorme des impôts : Vous n’avez pas à vous plaindre, vous ne payez que le huitième ou le dixième de votre revenu ; et il ne manquera point d’états statistiques pour démontrer qu’en Belgique l’on paie moins d’impôt que dans tout autre pays voisin. Ces états n’auront que l’apparence de la vérité, et pécheront par leur base. Au surplus, nous le proclamons hautement, le citoyen préférera payer le tiers ou le quart de son revenu réel, si les besoins de l’Etat le réclament, que le huitième ou le dixième d’un revenu fictif qu’on lui prête et qu’il n’a pas.
« Qu’on y prenne garde, la matière qui fait l’objet des réclamations est importante et mérite toute la sollicitude des représentants de la nation ; les provinces de Namur et de Luxembourg seraient surtout victimes du mépris des considérations que nous venons de présenter ; et, on doit le dire, il en résulterait des conséquences excessivement funestes à la prospérité d’une partie de la richesse publique. Des résolutions qui seront prises à cet égard doivent découler ou s’anéantir deux sources de richesse : 1° l’industrie des nombreuses forgeries existantes dans les provinces de Namur et de Luxembourg, mises en activité par le charbon de bois ; 2° le revenu territorial des propriétés boisées dont une grande partie ne peut être livrée à la culture. Dès l’instant où la contribution foncière de ces propriétés, basée sur les évaluations exagérées du cadastre, absorberait moitié, et nous ne craignons pas de dire, dans certains cas, presque la totalité de leur revenu, l’on verrait les propriétaires se livrer sans discernement au défrichement et à la dégradation des forêts qui ne présenteraient bientôt plus que des steppes incultes, ou tout au plus des terrains vagues et de mauvais pâturages, qui seraient peut-être dans quelques années abandonnées à l’Etat pour se décharger des droits d’imposition...
« Dans les parties de la province les plus stériles, et par cela même les plus boisées, le défrichement sera presque impossible ; les récoltes ne pourront se faire qu’à de longues périodes de temps, par suite de frais immenses, et elles y seront chétives et presque d’aucune valeur.
« Les terrains défrichés ne pourront, le plus souvent, être convertis qu’en pâture essart ou vaine pâture, qualité de terre portée dans le cadastre à un revenu annuel fort bas et souvent à un franc. Ce revenu, attaché par le cadastre lui-même à ce dernier genre de propriété, est néanmoins plutôt en dessus qu’en dessous de sa valeur réelle. Cependant, dans la majeure partie des propriétés boisées de la province de Namur, situées sur la rive droite de la Meuse, dans tout l’arrondissement de Dinant, et dans partie de l’entre Sambre-et-Meuse, le sol de l’assise des bois et celui des pâtures vaines y est généralement de même nature et de même qualité, peu productif et impropre à une culture régulière.
« Que l’on mette maintenant en regard les unes des autres les évaluations données par le cadastre aux propriétés boisées, aux pâtures vaines et pâture essart. Les évaluations données aux premières sont de dix à vingt francs, et celles données aux secondes sont d’un franc, de deux jusqu’à cinq.
« Dès lors évidemment, si l’on maintenait à la fois cette évaluation exagérée du cadastre pour les bois, et l’immutabilité de la base de la contribution foncière, les propriétaires de biens de cette nature seraient ruinés, et les ressources de l’impôt foncier bientôt anéanties.
« Nous pouvons offrir un exemple frappant des inconvénients qui résultent déjà de cet ordre de choses : rien de plus commun que de rencontrer dans les parties stériles de la province deux pièces de terres contiguës, dont l’une sera portée à un revenu net de douze à vingt francs et l’autre à un revenu d’un à cinq francs.
« Le sol de ces deux terres est néanmoins de même qualité et de même bonté, considéré en lui-même ; mais l’un est resté pâture vaine ou pâture essart par le fait de la négligence de son propriétaire, et l’autre a été planté de bois à une époque où ceux-ci avaient une grande valeur.
« Que prouve cet état de choses ? que le propriétaire qui avait de grands frais en plantations, frais qu’il a déboursés sans espoir de les récupérer qu’au bout de vingt à vingt-cinq ans, est fort maltraité, et que celui qui a porté la plus grande négligence dans l’administration de ses biens en les laissant en friche, se trouve dans la situation la plus avantageuse.
« Au surplus il est urgent qu’on s’occupe activement de l’application du cadastre. Depuis quatre ans et par suite de la baisse énorme des bois, les propriétés de cette nature sont évidemment surchargées, et paient à l’Etat de la moitié au tiers de leur revenu net.
« Nous terminerons en répondant un mot à ceux qui disent que les propriétés boisées sont entre les mains de quelques grands et riches propriétaires et qu’ils peuvent payer.
« Cette objection est aussi fausse qu’elle est injuste. D’abord il n’est pas vrai que la grande partie de bois soit entre les mains de grands et riches propriétaires ; et, dans la province de Namur, la plus grande partie des propriétés de cette nature appartient à une classe de personnes qui sont loin d’être dans une opulence magnifique.
« Cette objection est injuste en ce que les riches propriétaires, qui détiennent les bois, en peuvent former une catégorie de citoyens à part ; qu’il existe dans le pays d’autres richards et en plus grand nombre à titre de revenus, autres que ceux des bois, et que l’on ne voit pas pourquoi cette dernière classe ne concourrait pas de la même manière et dans les mêmes proportions aux charges de l’Etat.
« Mieux vaudrait que les auteurs de semblables objections avançassent franchement leurs principe, et demandassent que quiconque aurait un revenu d’une somme qu’il leur plaira d’imaginer, fût obligé de le verser en tout ou en partie dans les caisses de l’Etat.
« De ce qui précède nous déduirons les conclusions suivantes dont nous formons l’objet de la présente adresse : 1° qu’il plaise à la chambre prendre des mesures pour réduire les valeurs exagérées données par le cadastre au revenu net des bois de la province de Namur, et les faire établir d’après les calculs et sur les chiffres posés dans cette réclamation.
« 2° Consacrer par une loi que par dérogation au principe général de l’immutabilité des bases de la contribution foncière, les propriétaires de propriétés boisées auront le droit de faire opérer une mutation un an après le défrichement, et de faire reporter ces propriétés, pour leur cote de contribution foncière, à la classe de terre à laquelle elles devront appartenir par la qualité de leur sol, par leur nouvel état d’exploitation, et par leur analogie avec d’autres terres d’après les types mêmes du cadastre. »
(Suivent les signatures.)
Cette requête repose sur des considérations et des calculs dont la juste application ne peut être bien appréciée que par les membres de cette assemblée qui appartiennent aux provinces où la masse des bois est prédominante ; et sous ce rapport, il pourrait se faire qu’elle ne produisît que peu d’impression sur la plupart des bancs de cette chambre.
Elle proclame toutefois des vérités qui sont sensibles pour tout le monde, parce qu’elle s’appuie sur des faits qui sont incontestables.
Ici j’ai l’avantage de pouvoir invoquer un témoignage qui, j’espère, ne sera pas récusé, c’est celui du ministre même qui sollicite de nous la péréquation définitive, sans ultérieur examen ; c’est celui de notre honorable collègue M. d’Huart.
Voici comment il s’exprimait à l’occasion de l’augmentation des 40 centimes additionnels à la contribution foncière, qui fut proposée au budget des voies et moyens de 1833 (séance du 17 décembre 1832) :
« Je suis, disait-il, un des trois membres de la section centrale qui voudraient une exception en faveur des propriétés boisées, et comme cette exception serait fondée sur la plus stricte équité, je ne crains pas de reproduire ici la proposition de n’ajouter sur le principal de la contribution foncière des forêts d’autres centimes additionnels que les cinq centimes actuellement imposés sur cette contribution.
« Aucun de vous n’ignore, messieurs (c’est M. d’Huart qui parle), le vil prix auquel est tombé le bois dans la province de la Belgique qui en produit le plus : dans le Luxembourg, par exemple, la corde de bois (faisant deux stères) qui se vendait régulièrement, il y a 3 ou 4 ans, 10 fr., est refusée aujourd’hui à raison de 3 fr.
« La baisse des prix s’est établie à peu près de la même manière dans les provinces de Namur, Liége, Limbourg et une partie du Hainaut. J’en appelle à cet égard au témoignage de mes honorables collègues de ces provinces.
« Il suffit d’un court aperçu pour prouver qu’il n’est pas possible d’augmenter de 40 p. c. la contribution sur les propriétés boisées, sans commettre la plus révoltante injustice, et je pose en fait que, dans ce cas, si cela pouvait durer quelques années, les propriétaires auraient en général plus d’avantage à faire l’abandon total du fonds que de solder les contributions, qui seraient réellement plus fortes que le revenu net. »
Notre honorable collègue M. d’Huart fait observer ensuite que le revenu net des propriétés boisées, qui a servi de base à l’assiette de l’impôt, est incontestablement réduit de moitié, et il termine en ces termes :
« Qu’on ne dise pas, comme l’honorable préopinant, que la diminution du prix des bois ne sera que passagère, qu’ils récupèreront leur valeur primitive à la paix ; c’est une grave erreur ; cette diminution n’est pas l’effet des événements politiques, elle résulte des progrès de l’industrie, en un mot, de l’usage des hauts fourneaux au coak. Les bois taillis, c’est-à-dire, les 9/10 des forêts de la Belgique, ont donc perdu pour toujours la moitié de la valeur qu’ils avaient il y a quelques années. »
Messieurs, ce sont là des faits dont il est impossible de méconnaître les conséquences.
C’est sur la période de 1816 à 1826 que les agents du cadastre ont établi le revenu net de la raspe dans la province de Namur, et alors elle avait pour valeur relative la circonstance qu’elle servait exclusivement d’alimentation à nos forgeries.
Depuis lors la forgerie a essayé de se passer de bois et de l’alimenter de houille ; cet essai a répondu amplement à son attente ; de grands établissements se sont formés dans le bassin de la Sambre ; leur succès est maintenant assuré, et au fur et à mesure qu’ils vont prendre du développement, la consommation du bois, et par conséquent sa valeur, décroîtra nécessairement dans la même proportion.
Les choses ne sont donc plus et ne peuvent plus devenir les mêmes. Le cadastre n’a pas tenu compte d’une révolution industrielle aussi importante. Qu’on ne puisse, à cet égard, l’accuser d’avoir manqué de prévision, je le veux bien ; mais il n’en reste pas moins vrai que l’opération cadastrale a été ou est devenue vicieuse en ce qui concerne les propriétés boisées de la province de Namur, puisque son chiffre y atteint la moitié du revenu dans certaines localités, et dans d’autres le tiers ou le quart.
Ajoutez à cela, messieurs, la réduction successive que produiront les nouveaux établissements au coak ; ajoutez-y surtout l’accroissement d’un cinquième de l’impôt qui serait le résultat de la péréquation que l’on nous propose, et vous resterez convaincus que vous ne pouvez sans la plus criante injustice, et sans ruiner une partie du sol de la province de Namur, sanctionner cette oeuvre d’iniquité.
Je sais que je dois rencontrer ici, et j’en saisis volontiers l’occasion, une objection que ne manqueront pas peut-être de m’adresser les députés étrangers aux provinces boisées. On se dira que si la contribution foncière est trop élevée pour la propriété boisée, le remède est dans le défrichement.
Oui, messieurs, le remède est de défricher, et il est très bon pour les localités où le sol est susceptible de toute genre de culture, mais ce remède n’est pas applicable partout ; il ne l’est pas notamment pour la plus grande partie de la province de Namur, où le sol est condamné à rester en bois à perpétuité tous peine d’être frappé de stérilité complète.
Les montagnes qui bordent la Sambre et la Meuse, et presque toute la partie qui se trouve entre ces deux rivières, ne pourront être défrichées que là pour mettre à un des rochers, et ailleurs pour convertir des bois en pâturages improductifs.
En présence de toutes ces considérations qui sont appuyées sur des faits irrécusables, vous n’hésiterez pas, messieurs, à ajourner la discussion d’un projet de loi de péréquation définitive jusqu’à ce que les opérations cadastrales aient été révisées et purgées des illégalités, des irrégularités et des erreurs qui vous sont signalées, ou tout au moins jusqu’à plus ample information.
J’attends ce résultat de la discussion actuelle, et ici je déclare franchement que je ne redoute aucunement l’influence du nombre des députés appartenant aux provinces qui auraient intérêt, quand même, à adopter l’œuvre du cadastre avec toutes ses nombreuses imperfections.
J’honore trop mes collègues pour avoir la pensée qu’ils se laisseraient entraîner par un calcul aussi vil ; pour croire qu’ils voudraient abuser du nombre afin d’emporter un acte de justice autrement que par un sentiment de loyauté et de délicatesse ; pour croire enfin qu’ils ne voudraient obtenir une réparation qu’en déplaçant seulement une injustice pour la reporter sur d’autres localités.
J’ai d’autant moins sujet d’ailleurs de craindre l’influence de ces intérêts, que nous avons les moyens de les satisfaire sans causer aucun préjudice irréparable à d’autres intérêts, et sans devoir recommencer à nouveaux frais les travaux du cadastre.
Le moyen de faire une bonne loi de péréquation, ou de faire tout au moins tout ce qu’il est possible de faire pour la rendre bonne, est fort simple.
C’est de rendre aux assemblées cantonales toute liberté d’action dans l’examen et la discussion de tous les documents qui ont servi aux expertises, d’appeler les nouveaux conseils provinciaux à examiner les délibérations de ces assemblées et à donner leurs observations et avis sur leur contenu, et de nommer ensuite une commission de révision qui sera chargée de faire telle proposition qu’elle croira convenir, pour mettre de l’harmonie dans l’ensemble du travail et établir une juste égalité proportionnelle entre les provinces.
C’est là, messieurs, le moyen de faire un ouvrage qui, s’il n’atteint pas encore toute la perfection désirable, imposera néanmoins légalement silence à toute plainte, parce qu’il aura été précédé d’une instruction approfondie, et qu’il donnera la garantie qu’il est au moins purgé d’illégalités.
En attendant, rien n’empêche qu’il soit fait droit à la réclamation des Flandres ; la réparation qui leur est due peut être tout aussi complète par une mesure provisoire que par une mesure définitive ; comme mesure provisoire et sans rien préjuger pour le règlement définitif, elle sera votée avec plus d’empressement et d’unanimité ; l’effet moral qui en résultera pour toutes les provinces sera aussi plus satisfaisant.
Messieurs, en vous demandant de n’arrêter que provisoirement les contingents des provinces, calculés sur les données des travaux exécutes jusqu’à ce jour ; en vous concédant, pour en profiter sans plus de retard, tout l’avantage de ces données, quelque inexactes qu’elles soient, mais en vous demandant en même temps de ne point légaliser définitivement les travaux du cadastre avant qu’ils n’aient été purgés des erreurs, des irrégularités et des illégalités nombreuses qui ont été signalées, nous ne vous demandons pas autre chose que la stricte exécution des lois qui nous régissent.
Si, comme j’aime à le croire, vous ne voulez pas que l’on puisse penser que la discussion actuelle s’est trouvée sous l’oppression d’intérêts locaux, si vous voulez même éviter tout soupçon de partialité, vous ne vous retrancherez pas à dénier les imperfections du cadastre dans l’état où il se trouve actuellement, vous demanderez vous-mêmes que l’on se donne le soin et le temps de vérifier s’il est possible de perfectionner et d’améliorer l’ouvrage ; vous respecterez enfin la loi, si vous ne voulez pas respecter nos scrupules, si vous ne voulez pas vous rendre à l’évidence des faits.
La loi, messieurs, est formelle dans son application au cas actuel.
L’arrêté-loi du 30 septembre 1814, sur lequel repose l’opération cadastrale en Belgique, a déclaré, dans son article premier, que le cadastre était rétabli et continué dans la Belgique d’après les lois et instructions sur cette matière, et l’article 7 a déclaré formellement, et en termes, « qu’une révision générale devrait avoir lieu lorsque les opérations seraient terminées dans toute la Belgique. »
Je ne connais aucune disposition qui ait dérogé à cette prescription de la loi, mais j’en connais une qui l’a positivement confirmée, c’est l’arrêté du 5 février 1818.
Il a été statué, en effet, par cet arrêté, que les lois et instructions sur le cadastre étaient mises en vigueur dans les provinces septentrionales, comme elles l’étaient dans les provinces méridionales, par l’arrêté dudit jour 30 septembre 1814, sauf, est-il ajouté, et ceci vient à l’appui de ce que j’ai dit sur que les questions de légalité « l’altération portées auxdites lois et instructions par l’application de la loi fondamentale. »
Si, et tel est bien votre système, vous considérez les travaux du cadastre comme étant terminés dans les sept provinces, le moment est venu où la loi vous impose le devoir de soumettre ce travail à une révision avant de pouvoir l’ériger en loi de l’Etat.
Commençons donc, si nous ne voulons pas faire violence aux lois qui nous régissent, à régler avant tout et par une loi, de quelle manière il sera procédé à cette révision qui doit être préalable à toute disposition définitive.
Les principes de cette loi de révision sont faciles à poser.
Je ne conteste pas que c’était au pouvoir exécutif qu’il appartenait de faire procéder aux opérations cadastrales et de les diriger, en se renfermant toutefois dans les règles d’exécution tracées par les lois sur la matière.
Mais je lui dénie le droit dont il a usé et abusé, celui de s’ériger en juge de la régularité et de la légalité de ses propres actes, celui de statuer, ainsi qu’il l’a fait, sans permettre aucun contrôle, sur la juste application des bases légales d’évaluations ; celui de résoudre, ainsi qu’il l’a fait encore, toutes les questions contentieuses que cette application a soulevées.
On me demandera peut-être à qui ce pouvoir était réservé en dernier degré, s’il n’était pas dans les attributions du pouvoir exécutif.
La réponse est facile.
Si nous étions restés sous la législation française, je passerais peut-être condamnation sur ce point ; mais là au moins, lorsque le pouvoir exécutif viendrait soumettre son travail à la sanction des chambres, je me trouverais entouré de garanties que je cherche en vain ici.
Ici, je n’ai pour garantie que le fait et le jugement d’un seul homme, et nous avons sous les yeux plus d’un échantillon de sa manière de faire et de ses principes absolus.
Là, en France, je trouverais pour garantie les décisions d’un conseil d’Etat composé des premières illustrations du pays.
Si, là, les préfets pouvaient statuer sur le contentieux du cadastre après avoir pris l’avis du conseil de préfecture ils ne jugeaient pas en dernier ressort ; si le ministre pouvait confirmer ou infirmer leurs décisions, ce n’était encore qu’en second degré ; c’était le conseil d’Etat qui prononçait en dernier ressort, et la législature n’aurait pas à s’inquiéter, là, s’il a été fait droit aux irrégularités ou aux illégalités contre lesquelles des réclamations se seraient élevées.
Ici, voyez combien est frappante la différence de position :
Dans telle localité, c’est un gouverneur, plus ou moins identifié aux intérêts de la province, qui a décidé sans qu’on ait cru pouvoir réformer sa décision ; ailleurs, c’est l’administrateur du cadastre ou, si vous voulez, c’est le ministre qui a trouvé bon de réformer la décision du gouverneur, et, dans un cas comme dans l’autre, c’est toujours un seul homme qui a décidé en dernier ressort et qui a décidé souverainement, comme on le prétend.
Heureux pays que celui où dans une matière d’administration d’une si haute importance, et qui est destinée à lier l’avenir, la décision d’un seul homme peut être entourée d’assez de respect et de confiance pour nous faire imprimer à sa décision, et sans ultérieur examen, le cachet de l’infaillibilité ?
Si vous pensez, messieurs, que la Belgique soit déjà assez riche en administrateurs pour avoir atteint ce degré d’illustration et de perfection, approuvez en aveugles le travail qu’on vous propose, mais attendez-vous à voir réprouver votre jugement par plus de la moitié du pays.
Mais enfin que faut-il faire pour bien faire, et surtout pour ne pas perdre les fruits de ce qui peut être bon dans ce que l’on déjà fait ?
Le moyen est fort simple, c’est de suivre la marche constitutionnelle, la marche légale.
C’est bien, sans contredit, à la législature et non au pouvoir exécutif, qu’il appartient de fixer le contingent des provinces dans la contribution foncière. La preuve en est dans le projet de loi même que nous discutons.
Si c’est à la législature qu’il appartient de répartir cet impôt entre les provinces, la conséquence forcée est que c’est à elle qu’il appartient d’en légaliser les moyens, d’en déterminer les bases, de faire en un mot la péréquation car la péréquation n’est pas elle-même autre chose que la base d’une juste répartition proportionnelle entre les provinces.
Or, si c’est à la législature qu’il appartient de faire la péréquation, son droit emporte un devoir, et ce devoir c’est de n’arrêter cette péréquation qu’en pleine connaissance de cause, avec loyauté et impartialité, c’est-à-dire consciencieusement.
Dans l’état des choses, elle ne peut satisfaire à cette obligation sans se livrer volontairement à un arbitraire révoltant, sans fouler aux pieds les notions les plus élémentaires de la justice.
Quelles sont les pièces du dossier que vous avez sous les yeux pour juger consciencieusement et en connaissance de cause ce grand procès entre les provinces ?
Là, c’est un travail immense où des chiffres ont été posés les uns sur les autres par les agents d’un pouvoir qui n’a voulu s’assujettir à aucun contrôle et qui a opéré dans l’indépendance la plus absolue.
Ici, c’est le rapport d’une section centrale qui n’a pas eu le temps de rien pénétrer ; qui a dû se tenir à la superficie ; qui n’a pu prendre connaissance que des résultats ; qui ne s’est pas donné le soin d’examiner si partout il avait été fait application légale des règles d’évaluation, et qui n’a procédé à l’examen d’aucune des réclamations parvenues à la chambre, sans doute parce qu’elle savait que c’était là l’office de la commission d’enquête que la chambre avait instituée.
A côté de tout cela vous avez les faits qui vous sont signalés sur les irrégularités et les illégalités nombreuses dont l’opération se trouve entachée.
Si vous pensez pouvoir juger sur semblables documents sans ultérieur examen, sans un plus ample informé et sous le prétexte qu’il pourrait arriver qu’on ne pourrait faire mieux, argument par trop présomptueux pour qu’on y réponde autrement que par le dédain, soit, jugez ; mais tout au moins n’abdiquez pas le premier devoir d’un juge, ne jugez pas avant d’avoir entendu les parties intéressées. Vous commettriez un double scandale : vous jugeriez sans entendre, et vous jugeriez sur les pièces du dossier sans même les avoir examinées.
Après avoir cherché hier à nous faire peur par les immenses difficultés d’une révision sur les observations et avis des conseils provinciaux, on nous a parlé d’union.
C’est là, messieurs, un mot de ralliement qui fera toujours effet dans cette enceinte ; c’est la devise de notre état politique. Mais c’est fort mal à propos que ce mot est venu frapper nos oreilles, puisque le moyen que l’on propose pour cimenter la concorde est précisément celui qui doit provoquer et étendre le plus l’irritation.
Vous craignez que les conseils provinciaux ne viennent embarrasser le gouvernement et la législature ; vous voulez en conséquence éviter leur intervention, vous voulez leur imposer silence, et pour éviter qu’une trop grande lumière ne vienne nous éblouir, vous voulez l’étouffer.
Mais ce moyen va directement en sens inverse du but que vous voulez atteindre.
Vous aurez beau avoir dit législativement que vous n’avez que faire des observations et avis des conseils provinciaux, vous n’avez ni le droit ni le pouvoir de les empêcher d’examiner ce que vous aurez fait et de s’adresser à la législature. Ils y viendront malgré vous, et ils y prendront une position d’autant plus avantageuse, que vous aurez dit à l’avance que vous n’aviez que faire d’eux.
Voulez-vous sérieusement qu’ils vous laissent en repos, voulez-vous que les provinces que vous allez condamner par défaut, ne forment pas opposition à votre jugement ; voulez-vous qu’elles souffrent avec patience et ne se plaignent pas, gardez-vous de les condamner définitivement sans les entendre, et donnez-leur, dans une disposition purement provisoire, la garantie que leurs intérêts seront ultérieurement examinés et discutés avec soin par la législature avant toute mesure définitive.
Messieurs, dans toute assemblée où l’on pourra faire admettre en principe que l’on peut condamner sans entendre, le mot d’union n’est pas un mot de ralliement ; c’est plus qu’une dérision, c’est une véritable provocation à la discorde.
M. le président. - La parole est à M. Donny pour faire le rapport sur la demande en naturalisation du général Niellon,
- Plusieurs membres. - L’impression ! l’impression !
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Jadot, rapporteur, dépose le rapport de la section centrale chargée d’examiner le budget des voies et moyens.
- Ce rapport sera imprimé et distribué ; le jour de la discussion sera ultérieurement fixé.
M. le président. - La parole est à M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demanderai à la chambre la permission de répondre un seul mot aux arguments que le préopinant a tirés de ce que j’avais dit en 1832 comme député. J’avais bien présumé que quelques membres se donneraient la peine d’examiner ce qui aurait été dit à cette époque ; aussi avais-je pris note des observations que j’avais pu faire sur ce point, pour aller au-devant de l’objection et éviter une peine inutile aux membres qui auraient en l’intention de rechercher ce que j’avais pu avancer relativement aux bois.
En effet, quand il s’est agi d’imposer les propriétés foncières de 40 centimes additionnels en 1832, j’avais demandé à la chambre de faire une distinction pour les bois et de ne pas frapper les propriétés boisières de la surcharge de 30 centimes additionnels à ajouter aux autres centimes additionnels dont était frappée cette nature de propriété.
Mais plusieurs orateurs ont démontré fort judicieusement que mon amendement ne pouvait pas être adopté. Et quoique la valeur des bois fût considérablement tombée, la chambre a rejeté à une grande majorité l’amendement que j’avais proposé. Je crois que la chambre a eu parfaitement raison de rejeter cet amendement et de vouloir s’assurer par une période plus longue si le bas prix se maintiendrait comme il était alors. C’est aujourd’hui surtout que je trouve que la chambre a bien fait d’en agir ainsi, car depuis quelques mois le prix des bois s’est considérablement élevé, et l’honorable membre qui vous a rappelé qu’en 1832 j’avais dit que la corde de bois se vendait à 3 francs, aurait dû vous faire connaître qu’aujourd’hui ce prix était remonté à 5 francs ou environ. C’est une considération dont il aurait dû tenir compte.
On ne peut donc pas juger des évaluations en les prenant dans une courte période ; il faut combiner les produits d’un grand nombre d’années, pour être certain que les évaluations sont ou non exagérées. Voilà pourquoi, tout en prévoyant qu’une révision du cadastre serait nécessaire, les auteurs des lois cadastrales ont annoncé cette révision comme devant avoir lieu à une époque plus ou moins reculée.
Il est donc évident aujourd’hui, messieurs, que la chambre a agi sagement en n’adoptant pas mon amendement en 1832, puisque les bois tombés de prix momentanément se sont relevés, et qu’il y a lieu d’espérer qu’ils continueront à se relever encore ; cette élévation est due à l’extension qu’a prise la forgerie et à ce que, beaucoup de bois ayant été défrichés, la concurrence pour la vente des produits de ceux qui subsistent encore a considérablement diminué ; de telle sorte qu’il est permis d’espérer que les forêts reprendront la valeur qu’elles avaient autrefois.
Je me propose de toucher maintenant un seul autre point du discours de M. Fallon, c’est celui par lequel il a terminé et nous a reproché de demander l’adoption définitive de la loi, et en prétendant qu’elle suscitera de l’opposition et qu’au lieu d’être un moyen de resserrer l’union, comme je l’ai pensé, on ne peut y voir qu’une provocation à la désunion, qu’un brandon de discorde jetée entre les provinces.
Messieurs, les arguments que j’ai présentés dans la séance d’hier, pour prouver que si la loi n’était pas adoptée définitivement, il en résulterait une perturbation dans le pays, n’ont pas été détruits.
Si l’adoption définitive de la loi a des inconvénients, on ne peut pas nier qu’il y en aura aussi de très graves dans une mesure provisoire ; et en effet l’agitation ne manquera pas de s’établir au sein des conseils provinciaux, on l’a suffisamment provoquée pendant toute cette discussion ; tout le temps que la loi sera provisoire, il y aura des réclamations et de la fermentation dans les provinces ; chacune d’elles, représentée par des mandataires dont la mission spéciale est de défendre les intérêts purement provinciaux, voudra toujours rejeter sur la province voisine la charge qui devra justement lui être attribuée.
Il y a donc des inconvénients dans les deux systèmes, car nous ne voulons pas le dissimuler, l’adoption définitive ne sera pas exempte de critiques ; nous savons qu’elle rencontrera des objections sérieuses ; mais, dans notre opinion, elles seront moins dangereuses, moins fondées que celles auxquelles donnerait lieu le système que nous combattons.
M. Fallon. - Je demande à la chambre la permission de répondre deux mots à ce que vient de dire le ministre des finances concernant le prix des bois. Je maintiens ce que j’ai dit, et je maintiens que ce qu’a dit M. d’Huart en 1832 est encore parfaitement applicable à la circonstance actuelle, les faits sur lesquels il a appelé l’attention de la chambre existent encore aujourd’hui. Il vous a dit pourquoi les bois avaient baissé de prix considérablement, il vous a dit que c’était par suite de l’extension qu’avaient prise les fourneaux au coak.
Eh bien, messieurs, les fourneaux au coak, loin d’avoir fermé leurs ateliers, prennent tous les jours plus de développements. Ainsi, partant des principes qui l’ont dirigé en 1832, le ministre doit reconnaître que loin de pouvoir espérer que le prix des bois s’élèvera, il y a lieu de penser qu’ils subiront encore une baisse considérable par suite de l’extension des fourneaux au coak.
Le ministre vous a dit que le bois était tombé à trois fr. la corde. La chose existe encore pour certaines localités. Je conviens que dans certaines localités, dans les parties de bois du Luxembourg situées sur la frontière de France, où les forgeries françaises se sont approvisionnées, la corde de bois s’est élevée jusqu’à 4 et 5 francs. Mais cela n’est pas vrai pour les districts de la province de Namur ; je nie que le prix des dernières coupes se soit élevé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il demeure constant que le prix des bois soit élevé.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ferai une observation à l’appui de ce qu’a dit M. Fallon. Consultez le tableau distribué ce matin et indiquant les moyennes proportionnelles de province à province, et vous y verrez que ce qui dans la province de Namur est évalué à 15 fr de revenu, est évalué à 35 fr. dans la Flandre occidentale.
M. Fallon. - Je le crois bien ; vos bois, vous pouvez les défricher quand vous voulez ; vous devez les évaluer comme des terres cultivées.
- MM. les membres quittent leurs places.
La discussion est renvoyée lundi.
La séance est levée à 4 1/2 heures.